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JEAN-MARC UEBERECKEN

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La liste

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«« Nous voulons

rester des experts »

Interview THIERRY RAIZER Photo ANDRÉS LEJONA

Arendt & Medernach vient de passer le cap du 1.000e collaborateur. Un palier dans le développement du cabinet d’avocats, devenu groupe de services. Retour sur la consolidation en cours de la stratégie avec le CEO, Jean-Marc Ueberecken.

« Le client n’est plus face à des problèmes légaux, mais face à des résolutions de problèmes », résume Jean-Marc Ueberecken.

La pandémie n’est pas encore derrière nous, le variant Omicron est venu nous le rappeler. Quel est l’état d’esprit, au sein du groupe ? L’activité demeure extrêmement forte au Luxembourg et dans le monde entier, dans un contexte sanitaire qui continue à évoluer. J’ai l’impression que les équipes sont aujourd’hui habituées à ces changements qui ne posent pas de problème au quotidien au bureau. Les instructions ou les limitations mises en place pour prévenir la propagation du virus ne soulèvent pas d’opposition particulière et ne constituent pas un frein à nos activités, ce qui illustre la capacité de la collectivité à gérer le changement. Le fait de repasser plus récemment à un nombre plus important de jours de télétravail en prévention de la propagation du variant Omicron n’entrave pas la bonne marche de nos activités, même s’il faut bien admettre que cela reste complexe, pour les équipes, de travailler de la sorte.

La fluidité au sein des équipes en est-elle affectée ? La fluidité est une réalité quotidienne. Ce qui pose éventuellement problème, ce sont plutôt les ajustements connexes, comme les moments de communication et d’échange au sein des équipes qui doivent s’organiser différemment selon la présence au bureau ou la pratique du télétravail. Ce dernier enlevant la spontanéité. Cela dit, les échanges réguliers que nous avons eus en interne avec nos collaborateurs, à partir des grades seniors et managers, nous montrent que les choses sont abordées sereinement.

Comment cette crise va-t-elle affecter le rapport de chacun avec son lieu de travail ? Nous pensons que le lieu de travail restera le bureau, quel que soit le métier existant chez nous. Nous sommes convaincus que l’interaction, la spontanéité des échanges produisent leurs meilleurs effets au bureau. Et nous en avons besoin pour exercer nos métiers. Nous tablons à l’avenir sur trois jours de présence au bureau et deux jours de télétravail. Avec néanmoins la possibilité de venir cinq jours par semaine, évidemment.

BIO EXPRESS

Jean-Marc Ueberecken est né le 31 mai 1972 à Luxembourg.

Il est diplômé de l’Université catholique de Louvain (licence en droit) et du King’s College London (master of laws degree [LLM] in banking and finance).

Membre du Barreau de Luxembourg depuis 1998, il rejoint Arendt & Medernach en 2000.

Devenu associé en 2005, il endosse le rôle de managing partner en 2014.

Quelle trace laissera cette crise sur le monde de l’entreprise ? Le mode de travail hybride sera très clairement un héritage de cette crise. Ce mode de travail, qui a pour impact d’effacer les frontières entre la sphère privée et la sphère professionnelle, doit être considéré avec bon sens. Chacun a pu trouver son équilibre au fil du temps avec, comme côté positif, une gestion plus flexible de son agenda et, comme côté négatif, l’idée de rapporter du travail dans la sphère privée. Nous ne pensons pas que le télétravail entraîne des problèmes à l’heure actuelle, mais toute entreprise doit y être attentive pour prévenir et éviter d’éventuelles conséquences fâcheuses, comme des burn-out.

Ce qui renvoie à l’idée du droit à la déconnexion… est-ce un leurre ? C’est un vrai enjeu pour beaucoup d’entreprises. Cela dépend du moment. Je crois personnellement à un droit à la déconnexion – sauf urgence extrême – pendant le week-end et les vacances. Pendant la semaine, c’est nettement plus compliqué, ne fût-ce qu’en raison du travail mené sur des dossiers qui concernent le monde entier et qui nous amènent à être en relation avec des zones horaires différentes.

Le business development va-t-il aussi devenir « phygital » par défaut ? C’est une question que tout le monde se pose, mais nous pensons en effet que nous nous dirigeons vers un mode hybride. Certains clients préfèrent une visioconférence et d’autres opteront pour un contact humain lorsque cela est ou sera possible. Ce contact humain, nous continuons à y croire et à l’estimer comme important, d’où notre décision de renforcer nos bureaux à l’étranger plutôt que de les réduire.

Comptez-vous, à l’inverse, ouvrir de nouveaux bureaux à l’étranger ? L’enjeu n’est pas là, mais plutôt dans la meilleure utilisation qui peut être faite de ces bureaux dans un monde post-Covid. Comment les redynamiser après plusieurs mois d’activités réduites ? Nous envisageons notamment de les utiliser en interne pour permettre à plus de collaborateurs d’effectuer des expériences à l’étranger, et donc enrichir notre mobilité interne. Tout en renouant le contact en présentiel avec nos clients.

Le cabinet vient donc de dépasser la barre des 1.000 collaborateurs, hors stagiaires. Que vous évoque ce nombre symbolique ? C’est une confirmation de notre stratégie à un moment où nous consolidons nos services et où nous investissons massivement dans l’accompagnement de nos collaborateurs et de nos clients.

Et lorsque vous pensez à ce nombre en vous remémorant le chemin parcouru, quelle émotion vous vient en tête ? Nous sommes tous impressionnés par cette croissance rapide. En 2015, nous étions 600. L’accélération de la croissance provient de notre cœur de métier d’avocat, mais surtout de l’ajout de nos autres services de conseil et d’accompagnement de nos clients. C’est l’échange entre nos trois pôles qui fait que cette croissance a connu une telle accélération.

Et la suite ? Nous nous projetons, bien entendu, vers les prochains stades de développement de notre groupe. Et si nous extrapolions la moyenne de notre croissance, nous arriverions à 1.500 collaborateurs en 2026.

Arendt Photos

DE 100 À 1.000 EN 10 DATES

1988

Les fondations Le cabinet Arendt & Medernach voit le jour suite à la fusion des cabinets Arendt & Harles et Mersch & Medernach. Un premier cap Le cabinet atteint 100 collaborateurs. Ils sont alors répartis dans plusieurs bâtiments de la capitale.

2000

2005

Expansion internationale Ouverture du bureau de New York. Ont suivi Londres, Hong Kong, Moscou, Paris… 2009

Diversification En complément des métiers du droit, Arendt Services voit le jour (voir page 28) et s’installe à Hamm. 2013

Diversification, suite Un nouveau pilier de services est créé avec Arendt Regulatory & Consulting (ARC).

Ce qui n’est pas un but, mais l’expression d’une stratégie… Absolument. Et nous devons veiller à ce que cette stratégie puisse se poursuivre au fur et à mesure de l’évolution de l’échelle du groupe. Comme nous sommes un partnership, une grande partie de la gestion quotidienne de nos affaires est décentralisée. Nous devons notamment nous assurer que les associés disposent des conditions adéquates pour gérer leurs équipes. Cela passe, par exemple, par le maintien d’un ratio de 1 à 7 ou 8 dans les métiers d’avocat et de conseil entre un associé et ses collaborateurs dits fee earners, à savoir dont le travail est directement facturé au client (Arendt compte quelque 600 fee earners sur 1.000 collaborateurs, ndlr). Ce ratio contribue, au quotidien, au maintien de la cohésion en interne.

Nous devons aussi veiller à pérenniser la cohésion entre nos associés. Nous estimons que c’est un élément distinctif pour poursuivre la stratégie – et donc la croissance – de notre groupe en nous basant sur une communauté de 1.000 personnes, chacune rattachée à une communauté de plus petite taille que sont les équipes. Pour y parvenir, nous avons mis en place un programme de formation sur mesure pour nos associés, en collaboration avec la Saïd Business School de l’Université d’Oxford, dans la continuité d’un programme effectué par le passé avec l’Insead.

L’associé d’aujourd’hui est-il différent de l’associé du passé ? Je dirais que le profil reste similaire. Il demeure l’expert qui est vraiment actif sur le dossier et en relation avec le client. À ces aspects « business » est venu s’ajouter un volet de plus en plus important de soft skills de management. Car chaque associé doit aussi composer avec la vie d’une entreprise de 1.000 personnes, désormais. À mon niveau, je suis arrivé en 2000. Nous étions 100. Cette mutation s'est faite par paliers. Entre 2008 et 2015 à 600 personnes, la croissance a été plus lente en termes d’effectifs. Celle-ci s’est par la suite accélérée sous l’effet des nouveaux services complémentaires au métier historique d’avocat, et surtout de l’interaction entre les deux.

Et le rôle du CEO ? Évolue-t-il en fonction de l’évolution de l’entreprise ? Dans une précédente interview, j’avais comparé le poste à l’exercice d’un équilibriste. L’image est toujours valable, mais le rôle devient de plus en plus complexe pour deux raisons. La première est que nous rajoutons à notre gamme des métiers nouveaux, à un rythme soutenu. La seconde est la complexité générée par la taille de notre groupe. Nos clients attendent désormais de notre part un même niveau de qualité qu’un cabinet qui emploie 10.000 personnes. Nous sommes sur la même clientèle que les plus grands cabinets internationaux. Le renforcement du département de gestion interne de nos projets, avec l’arrivée de nouveaux profils, s’inscrit dans cette démarche.

Outre l’investissement dans la cohésion des équipes via les associés, les fonctions support s’avèrent donc déterminantes… Nous avons aussi fortement investi dans nos départements support pour gérer ce cap de 1.000 collaborateurs. Je pense à nos départe-

« Le lieu de travail restera le bureau, quel que soit le métier existant chez nous. »

ments IT, à notre project management interne, à notre business development, à nos ressources humaines… À partir d’un certain cap, vous vous devez d’adapter vos fonctions et services support. Nous devons investir beaucoup pour être à la hauteur de nos ambitions.

Sur quels autres éléments se joue ce niveau de qualité élevé, tel que celui que peut fournir un cabinet de 10.000 personnes ? Globalement, je résumerais l’enjeu en deux points : processus internes et digitalisation de ces processus, via des plateformes, par exemple. L’un de nos plus gros projets concerne la digitalisation complète du processus de création d’un fonds. Ce qui nécessite tout d’abord de rassembler tout le savoir-faire en un endroit, de tenir compte des éléments réglementaires, de pouvoir adapter le processus pour différents types de fonds… d’où le besoin d’organiser de façon performante la gestion de ce type de projet.

Un projet mené en interne ? Nous effectuons tous nos développements en interne, en nous appuyant sur l’expertise de la société Mobilu, spécialisée en digitalisation et en robotisation, dont nous avons pris le contrôle fin 2020. Cette approche nous permet de développer nos applicatifs sous l’égide d’une identité commune en nous assurant de construire des ponts entre chacun des applicatifs. Nous nous appuyons bien entendu sur certaines solutions existantes lorsque cela a du sens, comme l’intelligence artificielle de Luminance, la plateforme de recherche utilisée par les plus grands cabinets.

Nous venons par exemple de développer en interne une plateforme de KYC/AML pour l’onboarding de nos clients. Plusieurs solutions nous avaient été présentées, mais aucune ne nous convenait, tant par rapport à la prise en compte des spécificités du marché luxembourgeois que pour des raisons propres à nos métiers. Ce qui nous a poussés à développer notre propre solution… qui intéresse d’ailleurs d’autres cabinets et sociétés de service en local.

2015

Nouveau siège Le nouveau siège Arendt House est inauguré au Kirchberg. Toutes les équipes y sont rassemblées, à l’exception de celles d’Arendt Services. 2018

Rebranding et 30 ans Toutes les entités du groupe sous regroupées sous la marque commune « Arendt » à l’occasion des 30 ans du cabinet. 2020

Nouvelle double présidence AManco voit le jour. Une partie des équipes d’Arendt emménagent dans le bâtiment Arendt 9 à Hamm. La même année, Philippe Dupont et Claude Niedner prennent la coprésidence d’Arendt. 2021

Reconnaissance Le cabinet est nommé European Law Firm of the Year 2020 par The Lawyer. « En plus d’une décennie, Arendt & Medernach a obtenu plus de classements de niveau 1 que tout autre cabinet d’avocats au Luxembourg », note le cabinet. 2022

Nouveau cap Le cap des 1.000 collaborateurs est franchi au niveau du groupe.

Qu’est-ce que la cybersécurité induit dans votre activité ? Nous avons là aussi développé une offre non pas pour nous étendre à l’infini, mais parce que nous sommes convaincus que le volet juridique de cette problématique est beaucoup plus important qu’estimé. C’est un point sur lequel nos clients nous sollicitent régulièrement. Nous avons construit un savoir-faire technique pour répondre tout d’abord à nos besoins internes. Sur base de cet investissement, nous avons choisi de combiner cette expertise technique avec le volet juridique à destination de nos clients.

Lorsqu’une entreprise est piratée, il est évidemment nécessaire de faire intervenir des experts informatiques, mais qu’en est-il des conséquences à gérer, sur le plan juridique ? Or, les responsables de l’entreprise disposent de 72 heures maximum après en avoir pris connaissance pour déclarer à la Commission nationale pour la protection des données d’éventuelles violations de données à caractère personnel, par exemple. Il y a donc un caractère d’urgence, et une nécessité de travailler de concert entre tous les experts (IT, DPO, avocats). L’origine géographique des clients va aussi influer sur les obligations de déclaration auprès des autorités compétentes. C’est parce que nous avons une entreprise de 1.000 personnes pour laquelle nous développons notre programme de cybersécurité interne que nous pouvons ensuite partager à l’extérieur une réponse qui intègre ces différents éléments techniques et juridiques. Ceci vaut aussi dans notre démarche KYC/AML.

De la cybersécurité à la data, le lien est évident. Comment abordez-vous la gestion de la donnée ? Ce mot-clé me fait penser à organisation, consolidation et protection afin d’accéder aux données pertinentes, selon le besoin. L’enjeu est d’accéder à la data là où elle se trouve pour l’intégrer dans le cadre des processus.

Le cabinet est dans une phase de consolidation de son offre et de sa stratégie. Qu’est-ce que ce terme recouvre ? Cela signifie tout d’abord que nous consolidons nos services en interne et en externe pour qu’ils demeurent suffisamment lisibles auprès de nos clients. Le cap des 1.000 collaborateurs est le fruit de notre stratégie, une stratégie unique au monde pour un cabinet d’avocats, mais qui n’est pas évidente à comprendre pour tous nos clients. Certains d’entre eux ne pensent pas forcément à recourir à un cabinet tel que le nôtre pour les services que nous offrons en complément de l’assistance légale.

Nous allons consolider nos services autour de trois piliers : le cabinet d’avocats, les services aux entreprises et aux fonds chez Arendt Services, et les advisory and managed services dans la sphère réglementaire chez Arendt Regulatory & Consulting. La collaboration entre nos différents services au sein de ces trois piliers est primordiale, car tous ces services se touchent et interagissent. Nous misons en effet sur une forte intégration pour répondre aux besoins de nos clients.

Des besoins qui vous poussent à imaginer d’autres services ? C’est vraiment le client qui nous pousse à en développer de nouveaux, à compléter notre chaîne de valeur par de nouveaux maillons. Quitte à être surpris nous-mêmes par les nouveaux champs d’action dans lesquels nous nous investissons, à l’instar de la compliance ou des managed services. Ces derniers se rapportent in fine au droit, mais par l’angle réglementaire, en allant jusqu’au volet opérationnel. Nos clients éprouvent clairement un problème de ressources humaines pour gérer les problématiques réglementaires là où nous pouvons leur proposer d’épargner du temps, des ressources pour, in fine, se concentrer sur leur valeur ajoutée, leur cœur de métier.

Outre un volet RH, ces services recouvrent donc aussi un aspect stratégique. Nous faisions déjà une partie de ce travail auparavant, mais sans avoir matérialisé et développé une offre de services clairement identifiée. Cette activité était plutôt, d’ailleurs, dans le giron des Big Four, jusqu’ici.

Les outils digitaux sont indispensables pour ne pas devoir, à votre tour, recruter de manière exponentielle pour proposer des managed services… Les managed services ne peuvent en effet être viables que si nous disposons des bons outils et des processus éprouvés. Outre cet aspect économique, la digitalisation permet de gérer le risque en uniformisant les procédures. C’est une réalité dans laquelle nous investissons depuis des années.

Qu’est-ce qui vous distingue des Big Four, dans ce type de services ? L’approche est différente, nous sommes des avocats et non pas des auditeurs. Nous pouvons offrir l’ensemble du volet juridique. Or, les questions qui se posent en amont lors de la conception et de la mise en place de ces services opérationnels sont juridiques et souvent complexes. J’ajoute à cela que nous pouvons plus facilement prospecter de nouveaux clients sans devoir être confrontés à des problèmes d’indépendance comme peut l’être l’auditeur.

Outre ce type de services, comment gérez-vous la concurrence au sens large, d’ores et déjà existante ou en provenance d’acteurs étrangers qui s’établissent au Luxembourg ? La Place est assez grande pour tous, et nous ne craignons pas un véritable effet négatif de

UNE DIVERSIFICATION SUR QUATRE PILIERS

Outre la structure du cabinet fondateur, le groupe Arendt s’appuie aujourd’hui sur trois autres piliers :

Arendt Services Fondée en 2009, cette entité (disposant de l’agrément PSF) emploie quelque 230 personnes autour des services aux entreprises et aux investisseurs. On y retrouve des services de création d’entreprise et de conformité légale et fiscale. Un autre public cible est celui des gestionnaires d’actifs pour la fourniture de services de développement et d’administration de fonds et structures au Luxembourg. Arendt Regulatory & Consulting (ARC) Cette structure fondée en 2013, qui emploie presque 60 personnes, est dédiée aux conseils en matière réglementaire à destination du secteur des fonds, des gestionnaires d’actifs et des autres professionnels du secteur financier. On y retrouve aussi les managed services pour le compte de ses clients, à savoir la délégation de leurs obligations réglementaires. Arendt Institute Le centre de formation créé en 2010 s’est développé au départ des besoins exprimés par les collaborateurs d’Arendt & Medernach, avant de s’étendre à l’extérieur. Dirigé depuis 2019 par Carole Houpert, l’institut occupe une place centrale dans le dispositif de formation continue des employés du groupe, ces derniers étant amenés, à des stades seniors, à intervenir à leur tour comme formateurs.

YOU ARE MISSING ONE THING TO BE AN INDUSTRY LEADER.

la concurrence. Nous le constatons à l’aune de l’augmentation, ces dernières années, de notre part de marché dans les domaines que l’on peut mesurer, comme les fonds d’investissement. quelqu’un qui n’est pas anglophone, car nous avons opté pour l’anglais comme langue de communication en interne, et l’anglais est la langue dans laquelle l’immense majorité des dossiers sont traités.

Quels sont les pôles d’activité en forte croissance et qui génèrent les revenus les plus élevés ? L’activité des fonds alternatifs au sens large reste dans une dynamique très favorable, au Luxembourg et dans le monde. Même en maintenant son statu quo dans ce créneau, le Luxembourg devrait connaître une croissance de l’ordre de 10 % par an, ce qui n’est pas si évident à gérer, car cela implique d’avoir toutes les ressources humaines disponibles pour le faire. L’enjeu du recrutement et de l’investissement dans les collaborateurs s’illustre à nouveau ici.

Qu’est-ce à dire ? Nous accompagnons nos collaborateurs en les formant avec une ambition : nous voulons rester des experts, quel que soit le métier que nous exerçons. C’est ce que le client attend de nous. Notre centre de formation – interne et externe – Arendt Institute occupe une place prépondérante à cet égard. Chaque collaborateur dispose – dès la première année – d’un programme de formation divisé en plusieurs chapitres de deux ou trois ans chacun, et dont le contenu épouse l’évolution de sa carrière. Le programme commence ainsi par les aspects liés à l’expertise du métier, en passant par les soft skills pour s’étendre jusqu’au développement personnel pour des grades seniors et managers, voire de futurs associés. Dans ce contexte, nous proposons aussi à nos collaborateurs des possibilités de mobilité interne assez étendues, y inclus des secondments chez nos clients.

D’une manière générale, les profils que vous recrutez ont-ils changé ? Ils ont évolué en termes de compétences et d’origine. Il est évident que nous ne recrutons plus seulement des avocats ou des profils juridiques, loin de là. Par ailleurs, pour ce qui touche aux avocats, le candidat devait avoir fait ses études dans un des pays utilisant le Code civil, à savoir le Luxembourg, la Belgique ou la France. Ce n’est plus une réalité aujourd’hui. Nous n’hésitons pas à recruter une personne compétente, mais qui ne parle pas français, quel que soit le métier. À l’inverse, nous ne pouvons plus recruter Quels sont les freins au recrutement ? Nous nous développons avec des métiers qui ne sont que peu, voire pas représentés sur la Place. Je pense par exemple à la venue de Stéphanie Lhomme (voir ci-contre) pour développer notre offre de conseils Forensic, contre les fraudes et la corruption. Or, nous ne disposons pas de suffisamment d’experts sur ce sujet au Luxembourg. Ce constat vaut aussi dans nos départements support. Avec notre taille, nous n’arrivons plus à trouver en local des ressources pour gérer une entreprise telle que la nôtre. Entre nos besoins, la concurrence entre employeurs et les ressources véritablement disponibles sur le marché, nous parlons d’un vivier de candidats relativement limité. J’ajoute à ceci la problématique des prix élevés dans l’immobilier qui ne sont plus contrebalancés par une attractivité fiscale pour les individus.

Avez-vous un message à adresser sur le sujet aux responsables politiques ? Je crois que tout le monde est conscient que l’immobilier est un énorme enjeu. Cela doit être une priorité absolue. Il faut construire plus.

Vous mettez l’accent sur les services liés à la fraude ou à la corruption. Des problématiques qui recouvrent des aspects préventifs et réactifs. Quelle est l’approche à conseiller en cas de constatation d’une fraude ? Lorsque le client découvre une fraude, l’enjeu est la réactivité, et surtout la manière de réagir. En tant qu’avocat, le meilleur conseil que je puisse donner est de ne toucher à rien et d’appeler un expert. Tout ce que le client pourrait effectuer dans ce cas pourrait conduire à des conséquences fâcheuses. L’expert pourra analyser la situation avec un peu plus de recul et en étant dégagé d’un éventuel impact émotionnel. Une fois le constat passé, le travail d’investigation interne pourra être mené avec des outils ad hoc afin de remonter jusqu’à l’information permettant de déceler l’origine de la fraude. Ce travail de recherche est aussi valable en mode préventif lors de l’achat ou de la vente, par exemple, d’une entreprise pour mener une sorte de health check de l’entité.

« La Place est assez grande pour tous. »

UN CASTING SUR MESURE

Pour répondre à l’évolution de ses services, Arendt poursuit le recrutement d’experts actifs sur la Place ou en provenance de l’étranger. Certains d’entre eux viennent rejoindre le partnership composé actuellement de 53 associés. Parmi les dernières arrivées, relevons :

Christian Heinen, comme CEO d’Arendt Services depuis le 1er décembre dernier. Le Belge remplace Olivier Hamou, toujours présent au sein du conseil d’administration. M. Heinen a occupé différents postes de direction dans le secteur des services aux fonds et entreprises sur plusieurs continents, chez Intertrust, puis chez IQ-EQ.

Afrique, Inde, Chine, Russie, France ou encore États-Unis, le CV de Stéphanie Lhomme s’étend sur plusieurs continents autour des questions d’investigation de fraude. Cette spécialiste en criminalité financière a rejoint le groupe en décembre dernier. La Française est à la tête des services d’enquête Forensic et d’anticorruption au sein de la branche Arendt Regulatory & Consulting (ARC).

Julien Ganter a également rejoint ARC en octobre 2021. Le Français, ex-associé chez KPMG Luxembourg, est également devenu associé chez Arendt avec comme mission de développer, entre autres, les managed services et des services de conseil qui vont des aspects réglementaires, fiscaux et ESG à la définition de stratégies et de projets de transformation à grande échelle.

Paschalis Paschalidis a rejoint le groupe en tant que counsel en septembre dernier au sein du département consacré aux litiges et règlement des différends. Celui qui dispose des nationalités luxembourgeoise et grecque était précédemment référendaire du premier avocat général à la Cour de justice de l’Union européenne, Melchior Wathelet, et collaborateur senior au sein des cabinets d’arbitrage international et de droit international public de Shearman & Sterling.

Sandrine Periot compte 25 ans d’expérience dans le secteur du conseil, notamment au sein de KPMG où elle était associée, avant de rejoindre tout récemment (janvier 2022) ARC en tant qu’associée. Avec son arrivée, Arendt veut renforcer son expertise en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La Française s’est spécialisée dans l’évaluation des risques, l’assistance dans la préparation d’inspections, l’assistance opérationnelle et la mise en œuvre de programmes d’atténuation et d’exercices de remédiation.

EMBRACING THE FINEST WINES & SPIRITS

Parmi les mots-clés récurrents dans l’actualité des entreprises, la diversité est souvent citée comme un enjeu pour pérenniser l’activité et asseoir la place de l’entreprise dans la société. Comment abordez-vous cette question ? Nous avons mis en place une stratégie, depuis fin 2016, pour travailler en profondeur sur le sujet. Dès le départ, nous avons choisi de ne pas l’aborder seuls, et donc de rechercher des partenaires. Nous avons en particulier été accompagnés par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui a mené un travail conséquent d’analyse de toutes nos données RH. La conclusion fut notamment qu’il n’existe aucune différence chez nous entre les salaires des femmes et ceux des hommes. Sur base de ce premier constat rassurant, nous avons souhaité analyser l’évolution des carrières, dont l’étape déterminante de la promotion.

Aujourd’hui, nous comptons entre 60 et 75 % de femmes promues dans les différents grades, et ce depuis plusieurs années. L’étape ultime pour une structure comme la nôtre étant l’association, nous pouvons dire avec fierté que, depuis le 1er janvier 2017, nous avons nommé 16 associés en respectant une exacte parité. La promotion 2022 comportera trois femmes et un homme. Ceci illustre notre volonté concrète de modifier notre approche sur la durée et d’effacer les biais de nomination et surtout d’accession au partnership qui pouvaient exister dans le passé. Le changement à la tête d’une entreprise comme la nôtre en matière de diversité s’effectue sur plusieurs générations, car un associé peut le rester 30 ans. En revanche, ce que vous pouvez changer immédiatement, ce sont les promotions. Ce n’est pas un critère de sélection, mais c’est un objectif.

Autre mot-clé qui s’avère être une tendance de fond pour l’avenir de l’économie et du monde dans son ensemble : la durabilité. Le sujet majeur pour le secteur des fonds est bien celui de l’ESG. Nous abordons ce sujet au quotidien depuis plusieurs années, bien avant que ces trois lettres entrent dans le langage courant de la Place. Il s’agit d’un changement qui concerne le cabinet dans son ensemble, également les managed services. Les obligations qui découlent et vont découler de ce nouveau cadre nécessitent le conseil d’experts, au risque de se voir sanctionnés lourdement par le régulateur, comme on a déjà pu le lire dans certains pays.

Comment abordez-vous votre « responsabilité climatique » ? Nous ne sommes pas dans une activité très polluante, mais c’est néanmoins un sujet qui nous tient très à cœur. Dans chaque décision que nous prenons, cette responsabilité est un filtre. Il est de fait intégré dans notre stratégie Sustainability. La construction de notre siège

FAST & CURIOUS

Thé ou café ? Ni l’un ni l’autre Rock ou classique ? Rock Électrique ou thermique ? J’hésite. Un peu plus thermique, mais l’électrique me plaît aussi Vin ou bière ? Vin Oesling ou Minett ? Oesling Vegan ou carnivore ? Carnivore Matinal ou noctambule ? Les deux

Retrouvez l’interview vidéo Fast & Curious de Jean-Marc Ueberecken sur paperjam.lu. avait d’ailleurs déjà été totalement compensée en termes de CO2. Nous avons, entre-temps, acheté huit véhicules électriques pour nos déplacements courts, une navette électrique circule entre nos deux bâtiments, nous avons installé 47 bornes de recharge… Cette action sur le fond passe par une évaluation de notre impact en termes de CO2, une analyse poussée de nos déplacements et, en parallèle, par des actions de change management dans le comportement de chacun au bureau pour réduire son impact personnel.

Vous étiez intervenu, en mars 2016, lors de la soirée 10x6: Business advice from 10 lawyers organisée par le Paperjam + Delano Club. Votre discours sur scène portait sur l’avance prise par la « disruption » technologique sur les éléments du droit. D’où pourrait venir la disruption dans vos métiers aujourd’hui ? On peut considérer que le client n’est pas face à des problèmes légaux, mais face à des résolutions de problèmes. La disruption vient de ce constat. Nous pouvons nous-mêmes représenter cette disruption ou la provoquer via de nouveaux services. Nous ne pouvons plus fournir des services qui sont indépendants les uns des autres. Tout est interconnecté, comme nous le constatons lorsque nous traitons des problématiques ESG. Y aura-t-il une disruption émanant de l’intelligence artificielle dans le métier d’avocat ? Je n’y crois pas trop, car, sans vouloir utiliser une formule éculée, c’est un métier qui reste centré sur l’humain. L’interaction avec le client est primordiale. Votre client est un humain. La confiance est clé. Cela dit, la technologie peut nous aider à consulter des millions de documents pour en extraire une information pertinente. Encore faut-il traiter cette information à bon escient.

Comment garder confiance, en ce début d’année, dans l’économie et dans la capacité de la collectivité et des leaders politiques à sortir de cette crise par le haut ? Il faut tout d’abord avoir confiance dans l’entreprise en tant que collectivité et dans sa capacité à gérer le changement. Cette crise nous a montré que l’on ne sait pas anticiper tous les changements à venir, mais nous pouvons penser raisonnablement que nous parviendrons à y répondre. Les différentes phases de la crise nous l’ont montré également. Concernant la crise, nous pouvons avoir confiance dans le fait que le Covid va devenir endémique. Quant aux leaders politiques, la confiance à leur égard dépendra de leur propension à être honnêtes, transparents, à fixer un cap, une ligne claire et surtout simple. Le manque de lisibilité des règles contre la propagation de ce virus peut nuire à la confiance et, d’une certaine manière, à la crédibilité des décideurs durant la période que nous traversons.

Data-ESG ou Data vs. ESG ?

Les thématiques ESGsont indissociables de celles de la donnée. En effet, lesacteurs financiers sedoivent de collecter,traiter et reporter desdonnéespourdévelopperde nouvellesstratégies et respecter les exigencesréglementaires.

La problématiquede la donnée ESG se ressent chez la plupart des acteurs financiers du fait de sa nécessaire intégration dansl’ensemble des activités et

processus. De l’évaluation des investissements à la réalisation des rapports, les acteurs doivent collecter, intégrer et traiter de la donnée liée à l’ESG tout en s’assurant que celle-ci soit à jour,disponible et dequalité.

Afin d’y parvenir, ils sedoiventdeprendre en compte des sources de données

multiples etvariées. Emerge de ce fait la nécessité de centraliser les besoins des acteurs internes et donc d’accroître la collaboration entre les services grâce à l’élaboration d’une gouvernance adaptée.

Nous préconisons le développement d’une

infrastructure dédiée au sujet, de même

qu’undatamanagement ESG parallèlement

au data management existant, comme constaté chez les plus gros acteurs du marché. Etant donné la tendance actuelle des réglementations européenne et luxembourgeoise enmatière d’ESG et de climat, l’appropriation de la donnée apparaît non seulementnécessaire, mais plus encore essentielle etdéterminante.

Il est indéniableque la collecte de ces donnéesengendre et engendrera des frais élevés pour l’ensemble des acteurs

financiers. Au-delàdu coût d’acquisition de ces données, cela génèreégalement un impact humain et organisationnel conséquent afin de les utiliser à bon escient. Actuellement, ces coûts représentent des risques voire des freins pour les acteurs financiers.

Afin de pallier cette problématique, l’UE entend instaurerun Point d’Accès Unique Européen (PAUE) pour les données des

sociétéscotées. Il sera alors possible pour les investisseurs d’avoir accès en un point unique à l’entièreté des données financières etextra-financières découlant des obligations réglementaires pour les sociétés cotées, ce qui permettra de réduire les coûts d’acquisition des données.

« La donnée au cœur de la problématique ESG ». L’ensemble des services couverts par 99 Advisory.

« En effet, selon une étude récente, moins de 50% des acteurs maîtrisent la donnée liée à l’ESG »

Si cette solution est envisageable à moyen terme,cet outil n’est pas encore opérationnel, d’où l’inévitable augmentation du coût d’acquisition des données dans l’immédiat. Néanmoins, ils se doiventaujourd’hui de supporter ces coûts au regard des différentesexigences règlementaires européennes et nationales.

Toutefois, nousestimonsqu’unebonne gestion des données ESG engendre des opportunités tant internesqu’externes

à l’organisation. D’une part cela permet en interne : (i) d’attirer des talents, (ii) de modéliser de nouvelles stratégies d’investissements, (iii) de verdir ses propres activités d’entreprise et (iv) d’adopter une approche adaptée à la stratégie de cette dernière.

D’autre part cela concerne enexterne : (i) la création et/ou le développementd’une image de marque en tant qu’acteur financier œuvrant pourl’environnement, (ii) la mise à disposition de produits réellementalignés aux besoinsdesclients, et (iii)la conformité quant aux exigences réglementaires.

De cefait, lesacteurs ont tout intérêt à prendreenconsidération les données ESG et à adopter une réelle démarche responsable au regard de l’évolution etdu renouvellement de la clientèle,deplusen plus sensible à ces sujets.

Fort de ses expertisesen ESG et gestionde la donnée, 99 Advisory est un acteur

incontournable sur ces sujets. Ainsi, nous sommes enmesurede vous accompagner sur l’ensembledesproblématiques liées à la Data-ESG.

Contacts : Axel BARREAU – Assistant Manager axel.barreau@99-advisory.com Clara LHOMME – Consultante clara.lhomme@99-advisory.com

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