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STEVE COLLAR

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MON MENTAL

MON MENTAL

qui veut offrir de la connectivité à ceux qui en sont démunis ou aux services gouvernementaux, deux de vos lignes de business ? C’est pour cela que nous voulions être directement impliqués dans le développement du système, de son architecture et des cas d’usage. Vous avez raison, cela empiète potentiellement sur nos activités, sur quelques-unes des choses que nous faisons aujourd’hui. Malgré tout, nous pensons que c’est un bon projet pour l’Europe et nous ne voulons pas rester en marge. Nous voulons vraiment faire partie de cette aventure. De ce que nous comprenons, cela peut servir notre stratégie multi-orbitale.

La première promesse est que la constellation soit souveraine et sûre. Construite en Europe, opérée en Europe, pour le bénéfice des citoyens européens. Nous avons beaucoup de réseaux de fibre. C’est important que ces réseaux soient sûrs. Nous pouvons connecter ces réseaux avec les satellites. C’est important que nous augmentions le reach des services digitaux, que ce soit par les réseaux mobiles ou par le wifi. Mais c’est aussi important que l’Europe ait des capacités propres, en stand alone. Quand vous regardez les investissements que les Américains, les Russes ou les Chinois font dans le domaine spatial, il est très important que l’Europe ait ses capacités, disons indépendantes. C’est vraiment, sur ce que l’on voit, le focus de la Commission européenne. Oui, ça peut empiéter sur nos activités, mais je préfère regarder comment nous allons amener de la compétence dans ce projet, pour le construire. C’est par là que nous nous positionnons.

Comme un leader technologique ? Un expert technologique ? Nous sommes le plus grand opérateur de satellites en Europe et dans le monde. Nous pensons que nous avons quelque chose à dire et à apporter. Nous pourrions opérer ce réseau, aider les architectes du système. Nous sommes le seul opérateur de satellites à plusieurs orbites, avec 10 ans d’expérience opérationnelle. Nous sommes en train de relier nos satellites à haute orbite et à moyenne orbite. Avoir une nouvelle couche en LEO (low Earth orbit, orbite basse terrestre, ndlr) serait une extension de ce que nous faisons. Pas quelque chose de nouveau. Nous croyons dans la vision. Nous verrons dans le courant de l’année comment TROIS ÉTAPES-CLÉS

SES-17 opérationnel Lancé en fin d’année, le satellite de Thales devrait être opérationnel en juin 2022 et utiliser ses 200 faisceaux pour délivrer 2 Gb/s et par connexion.

Les satellites de la 5G Lancer et mettre en fonction les deux satellites pour libérer la bande C, soit le spectre utile à la 5G américaine, rapportera 3 milliards de dollars à SES en 2023.

Six O3b mPower Six des O3b mPower seront lancés au second semestre par SpaceX depuis cap Canaveral. Une nouvelle ère s’ouvrira pour SES.

ce projet se développe, quelle sorte de soutien il reçoit de la part des États membres. Parce que c’est quelque chose qui doit bénéficier d’un soutien fort.

Dans les 400 à 500 pages de ce projet, présenté par le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, lors d’un sommet à Toulouse en février, il n’est jamais fait référence à SES comme un acteur majeur. De nombreuses publications qui évoquent la connectivité venue du ciel ne parlent pas non plus de SES. Ça doit être rageant de n’entendre parler que d’Elon Musk et de Starlink, non ? Ce n’est pas le cas dans le projet de la Commission européenne. La Commission nous connaît très bien, sait très bien qui nous sommes, ce que nous faisons. Il est vrai de dire qu’il n’y a pas tellement d’informations publiques, mais c’est parce que c’est un projet encore en développement.

Trop tôt ? Mais ça fait combien, cinq ou six ans, qu’on évoque les satellites O3b devenus O3b mPower parce qu’encore plus puissants... ? Un peu trop tôt. Il y a eu une étape très importante avec l’annonce de Thierry Breton. Le financement du projet européen commence à être assuré. Mais encore une fois, nous sommes alignés avec ce projet, qui sera une bonne chose pour SES, une bonne chose pour le Luxembourg et une bonne chose pour l’Europe.

« Je ne crois pas que nous deviendrons une cloud company. »

La latence, ce temps de transmission d’un signal, beaucoup plus faible à basse orbite et qui justifie toutes ces discussions, dans combien d’usages c’est vraiment essentiel à vos yeux ? Je dirais… à un certain moment, dans tous les domaines ! La différence entre 600 millisecondes, ce que vous pouvez obtenir en GEO (en haute orbite, ndlr), et 150 ms, nous en avons tous déjà fait l’expérience, même sans nous en rendre compte. Si vous êtes sur un téléphone satellitaire, vous avez un délai. Si vous surfez sur internet, la page met un peu plus longtemps à s’afficher.

C’est ça, la latence ? Cette latence peut venir du fait que votre réseau n’est pas très bon ou parce que vous utilisez une route plus longue pour avoir vos données. Le problème survient quand deux réseaux essaient de communiquer ensemble, quand le premier réseau envoie des paquets de données et le second les reçoit et renvoie quelque chose. Ça peut arriver dans un environnement de machine à machine ou d’utilisateur à utilisateur. C’est à ce moment-là que la latence devient un souci. Mais ça peut aussi être un facteur de performance. Vous avez deux critères : la largeur de votre tuyauterie et la latence. La différence entre 150 et 40 ms... Nous avons découvert plein de choses qui fonctionnent mal à haute orbite et mieux à moyenne orbite... Le coût de ce que vous payez ne déclenche pas des revenus à la hauteur de la performance.

En septembre 2020, le CEO de Microsoft, Satya Nadella, annonçait le lancement d’Azure Orbital avec vous. Un cloud pour les données de l’espace. Onze mois plus tard, qu’il devenait un de vos clients, avec quatre data centers près de vos installations. Le cloud est devenu indispensable partout. Vous avez une belle solution de connectivité avec vos satellites. Pourriezvous devenir un fournisseur de cloud ? Je ne crois pas que nous deviendrons une cloud company. Mais je pense que nous deviendrons une société qui facilite le développement du cloud dans l’intérêt de nos clients. Quand vous regardez les croisiéristes, les compagnies aériennes, les gouvernements ou certaines entreprises, ce qu’ils veulent, c’est l’accès à la connectivité et aussi au cloud, au machine learning, aux capacités d’analyse des données. Si vous avez des avions qui volent partout dans le monde, vous voulez savoir ce qui se passe au niveau des moteurs, à bord ou au niveau météorologique, et que vous pouvez non seulement intégrer toutes ces données mais aussi amener les feed-back vers vos avions pour qu’ils s’adaptent au mieux aux nouvelles situations en temps réel. Vous pourriez économiser des dizaines de milliards de dollars dans l’opérationnel. C’est pareil pour les croisières. Il n’y

Nader Ghavami Photo

« Il y a encore 500 millions de personnes en Inde mal connectées. »

a pas besoin de beaucoup d’imagination pour comprendre l’intérêt de nos clients. Par exemple, nous le voyons dans le partenariat avec Princess Cruises dans Medallion Net (le nom du service qui permet d’avoir accès à internet même en pleine mer, ndlr). Tout l’environnement est dans le cloud. À chaque fois que vous embarquez sur un bateau, particulièrement en période de Covid, c’est important de savoir où sont les gens, si les gens gardent leurs distances… Tout cela peut être monitoré dans le cloud, en temps réel, sur un bateau, au milieu de l’océan. C’est incroyable quand vous y pensez ! C’est le premier bénéfice. Le second est que Microsoft ellemême est très intéressée à l’idée de réunir des données et les apporter à toute l’industrie du satellite, que ce soit pour la communication, pour l’observation de la Terre… Puis Microsoft est aussi notre cliente, oui ! Elle utilisera O3b mPower pour rendre son réseau plus résilient, pour ajouter une composante satellitaire à son incroyable réseau. La situation est bénéficiaire aux deux groupes. Nous croîtrons dès que les O3b mPower seront en service.

Quid de la volonté des Européens d’être aussi souverains dans le cloud ? Autrement dit de ne plus dépendre de solutions à capitaux américains ou chinois, qui n’ont pas la même approche que nous des données personnelles ? C’est plus une question pour les gouvernements. Nous soutenons bien sûr l’idée d’un cloud européen. Il y a, au Luxembourg, une série d’entreprises qui ont des capacités pour cela. Mais je ne crois pas que cela puisse être l’un ou l’autre. L’environnement cloud va continuer à se développer. Notre ambition est de faire en sorte que le satellite ne soit pas une île, mais une infrastructure connectée, avec le cloud, avec les opérateurs de télécommunications, avec la volonté d’être une extension de cet écosystème. Que nous soyons complémentaires à cet écosystème plutôt qu’isolés. C’est notre ambition.

Est-ce que le partenariat avec Microsoft est exclusif ? Non ! Nous travaillons d’ailleurs aussi avec Amazon Web Services et avec beaucoup d’autres fournisseurs de cloud. Microsoft est probablement notre relation la plus avancée, mais certainement pas exclusive. Outre le géant américain, vous avez signé un nouveau partenariat avec le géant indien Reliance Jio. Incroyable développement, alors que tout le monde de la tech fait les yeux doux à l’Inde, non ? C’est si excitant ! Microsoft et Jio sont deux des plus grosses sociétés de la planète ! Ce partenariat a été développé dans l’année. Jio est vraiment attentive à ce qu’elle fait et à comment elle le fait ! Elle est vraiment innovante ! Elle a un incroyable impact sur la transformation de tout ce qu’elle approche. Elle est très sérieuse à propos de la digitalisation de l’Inde, à l’idée de lancer une connectivité de première classe. Il y a encore 500 millions de personnes en Inde qui ne sont pas bien connectées. Quelle que soit la manière dont vous y pensez, en vous référant au niveau du PIB ou sur une perspective humaine, connecter des gens, ou aider le gouvernement dans ses ambitions, nous sommes très excités à l’idée de ce partenariat !

Est-ce qu’il fallait absolument une jointventure ? Pourquoi ? Nos intérêts sont alignés. Nous avons tous les deux intérêt à avoir du succès dans ce projet. Nous bénéficions aussi d’un gros changement

DE BONS RÉSULTATS EN 2021 1,78 mrd €

Des revenus stables (1,04 pour la vidéo et 0,73 pour les réseaux).

323 mios €

Le bénéfice net ajusté est en hausse de près de 70 %.

� 2,9

Le niveau d’endettement à son plus bas depuis six ans (adjusted net debt/adjusted Ebitda).

950 mios €

L’investissement en 2022, contre 460 pour la période 2023-2026.

0,50 €

dans la régulation en Inde, une ouverture dans l’environnement spatial, ce qui a été assez prudent jusqu’ici. Je suis un grand convaincu que si vous formez des partenariats pour parvenir à un résultat, le succès doit être le même pour nous que pour Jio. Et c’est le cas.

C’est ce que dit la diplomatie, oui. Il faut que les deux parties puissent sortir en donnant l’impression d’avoir gagné ! Oui, c’est comme cela que nous avons structuré notre partenariat.

Vous êtes aussi la personne idéale pour parler « rupture technologique ». Très tôt, vous avez compris l’intérêt d’accélérer dans l’acquisition d’O3b, mais aussi dans le lancement de cette constellation unique au monde. Maintenant que vous êtes tout près de la lancer, qu’est-ce que vous regardez comme technologie ? Les LEO ont quelque chose à prouver maintenant. Nous nous sentons bien là où nous sommes arrivés avec notre investissement très conséquent à haute orbite et moyenne orbite. Mes craintes, avec les LEO, ne concernent pas tellement la technologie. La technologie s’est développée de manière très impressionnante. Commercialement, c’est très « challengeant ». Il faut des investissements de 10 à 20 milliards d’euros. Ces satellites à basse orbite ont une durée de vie plus courte, autour de cinq ans, en orbite. Cela nécessite des dépenses d’investissement vraiment continues. Devoir construire une base de revenus qui justifie cette sorte d’investissement, pour nous, n’a jamais eu beaucoup de sens… La chose intéressante est la manière d’utiliser la basse orbite pour faire des choses que nous ne pouvons pas faire à moyenne orbite ou à haute orbite. Ou la manière dont nous intégrons ces réseaux.

Une des choses que je regarde avec excitation est le quantum computing, qui sera largement disponible dans le futur. Des gens seront capables de détruire les systèmes de chiffrement qui existent aujourd’hui, très rapidement. De nouveaux systèmes de chiffrement doivent être développés. Cela inclura la distribution de clés. Et pour que ces clés soient valides, vous allez devoir utiliser l’optique, essentiellement. Nous développons des technologies autour de cela avec des entreprises luxembourgeoises et avec l’Agence spatiale européenne. Si vous devez protéger quelque chose à distance, vous aurez besoin de satellites. Utiliser les communications optiques en espace libre est aussi passionnant. Comment nous relions nos satellites. Pour le moment, nous les relions par le sol, grâce à une plateforme à laquelle ils peuvent avoir accès en même temps. Mais pensez que cette technologie optique est devenue assez bon marché pour que nous l’envisagions sérieusement.

Une fois qu’on a regardé tout cela, on a assez de choses à faire !

SPACE TO WORK - PLACE TO MEET

CO-WORKING

P RIVATE OFFICE

P ROFESSIONAL STUDIO

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SALES@THEOFFICE.LU

Pour optimiser et rationaliser le processus de construction, Leko s’est inspirée de l’aérospatiale et de l’automobile.

« Je vois le milliard d’ici cinq ans »

Fin février, la start-up du Technoport, Leko Labs, levait21 millions de dollars auprès de 2150, Microsoft et Tencent. Son fondateur, François Cordier, a des ambitions pour le roi de la maison en bois en sept jours.

Interview THIERRY LABRO Photo ROMAIN GAMBA

Racontez-moi comment commence votre histoire ... Je montais des charpentes de maisons. Tout le monde rêve d’avoir un pavillon. C’est principalement le prix qui motive la décision ; la façon dont c’est construit, on s’en moque un petit peu. La façon dont le bâtiment est conçu n’a pas fondamentalement changé depuis des siècles : on empile les pierres ou les agglos les uns sur les autres. Je me suis fait la promesse, à ce moment-là, en 2009-2010, qu’un jour, les gens auraient le droit à autre chose. Cette autre chose, c’est ça (il montre une structure de maison en bois dans le grand hangar où son équipe travaille au Technoport de Foetz, ndlr). Aujourd’hui, en 2022, on est moins cher que le traditionnel. Ce qui est complètement révolutionnaire sur le marché. Moins cher, avec un produit qui est de top qualité.

Comment avez-vous fait ? Nous nous sommes inspirés de l’aérospatiale et de l’automobile, où ils essaient d’avoir le moins de matière possible, mais de la matière au bon endroit. Nous avons créé un treillis. Ça paraît simple, mais, en réalité, c’est extrêmement complexe. Nous assemblons des morceaux de bois à 90 degrés, on vient les coller et les visser, et on a uniquement le bois où c’est nécessaire. Par rapport aux constructeurs traditionnels, nous parvenons à avoir une empreinte carbone négative.

C’est la maison des trois petits cochons ? Plus légère et plus fragile ? La maison est beaucoup plus légère. Elle n’est pas plus solide, mais suffisamment, et surtout beaucoup mieux isolée, parce que là où on a des vides, on vient les remplir avec de la fibre de bois, matériau extrêmement haut de gamme, coupe-feu, résistant 120 minutes. Et vous allez avoir une super isolation qui permet de conserver la chaleur plus d’une journée dans le bâtiment.

J’imagine que le feu est une objection 1.000 fois entendue ? Les objections sont toujours les mêmes aujourd’hui : durabilité, feu, isolation. Un bâtiment comme ça, vous pouvez ne pas le chauffer pendant une journée, il va garder la température. Nous avons fait des comparatifs avec le béton : au bout de huit heures, la température chute soudainement. Aujourd’hui, nous parlons beaucoup des bâtiments super isolés, triple A, etc. La valeur prise en compte pour le passeport énergétique est calculée sur une seconde, alors qu’un bâtiment, ça vit ! La chaleur résiduelle, dans nos bâtiments, existe

BIO EXPRESS

Passe ton bac d’abord Celui qui voulait passer un CAP de maçon est « invité » par ses parents à poursuivre ses études. Il passe un bac scientifique, puis se lance dans la construction bois.

La marque et le compagnonnage En 2008, François Cordier dépose la marque Leko… et entame un Erasmus pour jeunes entrepreneurs, puis un stage à Fribourg-en-Brisgau dans la construction de maisons passives.

Leko démarre à Metz En 2014, une fois formé, le Messin revient en Lorraine et lance Leko.

Le pivot et le Luxembourg Trois ans plus tard, on efface tout et on recommence, mais à Luxembourg, où le CEO du Technoport, Diego De Biasio, lui prête une oreille attentive. encore 10 à 12 jours après. Vous n’avez quasiment pas besoin de chauffer, c’est super confortable, sans parler de l’isolation acoustique.

À quoi sert cette sorte de grille verticale ? Aujourd’hui, comment fabrique-t-on les murs ? Notre processus de fabrication est semiautomatisé, là où les opérateurs font beaucoup de choses à la main, même quand ils sont assistés par ordinateur. Dès le départ, on savait que le futur ne serait pas « à la main », mais avec des robots. Ça permet d’écraser les coûts. Nous développons cela depuis trois ans en interne. Au lieu d’avoir des opérateurs qui prennent les bouts de bois et mettent des vis, ce sont des robots qui le font à leur place, et au lieu de le faire à plat, nous allons le faire avec une table verticale, que nous avons appelée « Octopuss », brevetée, et qui va permettre de fabriquer un mur complètement en lévitation. Notre mur fait trois mètres par six mètres, et Octopuss compte quatre petites plaques qui composent une seule et même plaque de 72 petites plaques. Il va y avoir un rail, deux robots fixés sur le rail, qui vont prendre les bouts de bois et les accrocher sur la grille. Puis, ils collent et ils vissent. Il y aura un pont roulant au-dessus, et ça part pour être emballé et envoyé sur le chantier. C’est unique au monde.

C’est étrange que cela n’existe nulle part ailleurs, alors que cela semble si évident. C’est fou, mais c’est vrai ! L’idée est d’utiliser le moins de bois possible. Par rapport au mass timber (le bois d’ingénierie, ndlr), qui est en train de prendre beaucoup de parts de marché, on utilise deux fois moins de bois. Ça fonctionne grâce à la robotique et au logiciel que nous avons développés. Le logiciel est très important parce qu’il faut piloter les robots, et chaque mur est différent. Le robot doit le comprendre au

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