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MICHAEL MBAYI

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MA MAISON

MA MAISON

« L’opportunité de la prochaine décennie à Luxembourg »

Michael Mbayi est un des rares experts luxembourgeois en fund finance.

Michael Mbayi, avocat chez Wildgen, vient d’être distingué par la Fund Finance Association. L’occasion de parler d’une activité peu connue, mais porteuse d’opportunités pour la Place.

Parlez-nous du prix que vous venez de recevoir. Je suis impliqué dans la fund nance depuis une dizaine d’années. C’est dans ce cadre que la Fund Finance Association, l’association de référence dans le domaine, m’a décerné son prix 2020 pour ma contribution et mon engagement dans ce secteur. C’est la plus haute distinction possible en fund nance. Plus que la distinction individuelle, le fait que ce prix soit attribué à un avocat qui se trouve au Luxembourg montre la place centrale du pays dans la nance. C’est une bonne occasion d’éduquer le marché et de sensibiliser les banques à ce potentiel dont peu ont conscience.

Qu’est-ce que la fund finance ? Ce sont des prêts bancaires octroyés à des fonds d’investissements, généralement des fonds d’investissement alternatifs. C’est une niche dans laquelle il faut être très spécialisé.

Il en existe de di érents types. Il y a d’abord ce que l’on nomme la « subscription facility ». Cela représente la majorité des prêts accordés en fund nance. Ici, une banque prête à un fonds, et dans son analyse de crédit, elle regarde qui sont les souscripteurs de ce fonds. En cas de défaut, la banque aura la possibilité de demander aux investisseurs de rembourser directement ce que devrait le fonds. C’est un produit qui est assez robuste pour les banques puisque, généralement, les fonds à qui elles vont prêter sont des fonds qui ont des investisseurs de qualité. Le risque est donc très faible. À côté de ce qui est le produit phare de la fund nance, existe la « NAV facility ». Dans ce cas de gure, l’analyse de crédit porte sur les actifs du fonds et leur valorisation. C’est sur cette base que des prêts pourront être faits. Et en n, il existe une formule hybride dans laquelle l’analyse de crédit porte sur les deux aspects.

Pourquoi des fonds d’investissement font-ils appel à ce type de produits ? Bien sûr, une fois un fonds lancé, les souscriptions tombent et le gestionnaire peut

« On a cette jonction entre fonds et finance vraiment unique. »

BIO EXPRESS

Formation Originaire de Bruxelles, Michael Mbayi obtient un master en droit en 2005.

Carrière locale Avocat spécialisé en droit bancaire et financier et marché des capitaux, il commence sa carrière chez Wildgen en 2005, puis rejoint le cabinet Cli ord Chance Luxembourg en 2011 avant de revenir chez Wildgen en février 2020 avec le titre de director.

Reconnaissance internationale La Fund Finance Association lui remet son prix 2020. depuis et l’activité a gagné en visibilité. Si la fund nance gagne à être connue, il n’y a pas encore beaucoup d’experts sur la Place. Mon prix peut – et je l’espère – donner plus de visibilité à cette activité. C’est important d’éduquer le marché parce que, même au niveau des banques au Luxembourg, il y en a très peu qui y sont familiarisées. Quand on voit le potentiel, on se dit que c’est dommage, au nal, que peu de banques locales puissent en pro ter et que cela reste encore le gâteau d’un business cross-border.

commencer à investir. Mais ce n’est pas toujours aussi uide. Même si l’investisseur s’engage à souscrire, il y a toujours un délai entre le moment où le gestionnaire fait son appel et celui où les fonds sont débloqués. Ce qui peut être gênant, car les transactions sont en général rapides dans le monde des fonds alternatifs et du private equity. La fund nance sert de solution de liquidité pour les fonds. C’est une ligne de crédit que la banque met à disposition du gestionnaire et qui sera remboursée à l’arrivée des fonds des investisseurs.

Pour les NAV facilities, le gestionnaire peut y recourir en cas de modi cation de la valeur d’un actif ou d’une perte de liquidité.

C’est devenu un outil dans la palette des gestionnaires qui leur permet d’être plus exibles. De plus en plus, dès la création d’un fonds d’investissement, de telles facilités sont mises en place.

C’est donc un marché en plein développement et une opportunité pour la Place ? Oui. À mes yeux, la fund nance est l’opportunité de la prochaine décennie à Luxembourg. Pour plusieurs raisons. La première est que le Luxembourg est le deuxième domicile de fonds derrière les États-Unis, et probablement celui où la concentration de professionnels est la plus grande. Le Luxembourg est également une place bancaire et financière de premier plan. On a, au Luxembourg, cette jonction entre fonds et nance vraiment unique. Et, en n, on a l’environnement juridique adéquat pour mettre en place des transactions de fund nance avec un droit civil et un droit des garanties nancières robustes qui rassurent les prêteurs.

C’est vraiment une opportunité pour les banques de la Place de pouvoir aussi fournir ce type de produits parce que, pour l’instant, c’est une pratique qui est née aux États-Unis et qui se développe en Europe depuis Londres.

Les banques luxembourgeoises ont-elles saisi cette opportunité ? Il y a une dizaine d’années, la fund nance restait peu connue du côté des investisseurs. Il y a eu tout un travail d’éducation qui a été mené Quels sont leurs défis pour le faire ? C’est d’abord à chaque banque de déterminer sa stratégie. Dans le secteur, la compétition est internationale et il vaut mieux se spécialiser sur une taille de fonds, un type de produit ou encore une classe d’actifs particulière.

Il faut également les bonnes ressources humaines : les personnels en charge de l’analyse de crédit doivent être familiers avec l’univers des fonds d’investissement alternatifs a n de bien comprendre comment tout cela est structuré et il faut aussi des spécialistes de la chose juridique qui vont prendre les mesures de sécurité appropriées.

De plus, la fund nance est un secteur très innovant, notamment dans la nance durable. On voit se développer des prêts qui sont liés aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). De plus en plus, on trouve dans les contrats des indicateurs de performance ESG. Par exemple en matière de diversité. Quand ces indicateurs sont atteints, il y a une diminution du coût du crédit. C’est une manière pour les banques de participer aussi au mouvement de la nance durable et d’inciter les managers des fonds d’investissement à participer également à cet élan-là, et à mettre en place de telles pratiques dans leurs politiques d’investissement.

Le cadre juridique est là, il est clair. Le socle est là, il est robuste. Le Luxembourg a tous les atouts en main. Les managers sont là et les besoins aussi, c’est plus aux banques de saisir les opportunités.

De quels montants parle-t-on ? Il n’y a pas d’estimation du montant des encours de tels prêts sur la Place. Ces facilités peuvent atteindre facilement quelques centaines de millions d’euros, voire même des milliards pour ce que l’on appelle les « umbrella facilities ». Ici, ce sont plusieurs fonds – généralement dépendants du même gestionnaire – qui participent à la même ligne de crédit. C’est un dispositif global dans lequel chaque fonds pourra tirer une tranche de manière individuelle. D’un point de vue du prix, c’est plus avantageux, et pour la banque, c’est plus intéressant, car cela lui permet de construire une relation commerciale pérenne avec un manager pour tous ses fonds.

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