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INTERVIEW DE CLAUDE TURMES

« Des mesures pour nous dégager du chantage de Poutine »

Pour Claude Turmes, le constat est clair: il est indispensable d’accélérer le développement massif de notre capacité de production d’énergie renouvelable en Europe.

Au cœur des préoccupations de nombreux ménages et entreprises, l’augmentation des prix de l’énergie fait également l’objet d’une attention accrue de la part du gouvernement. Claude Turmes, ministre de l’Énergie, évoque avec nous les enjeux en la matière.

Romain Gamba Photo

BIO EXPRESS

Études en Belgique En 1983, Claude Turmes est diplômé en éducation physique et sportive à l’Université catholique de Louvain (UCL), en Belgique. Il poursuit ensuite des études en technologies de l’environnement à la Fondation universitaire luxembourgeoise, à Arlon.

De député à ministre Dès 1999, Claude Turmes devient député européen. Il occupe ce poste jusqu’en 2018, année au cours de laquelle il prend ses fonctions de secrétaire d’État au Développement durable et aux Infrastructures, en remplacement de Camille Gira. Suite aux élections d’octobre 2018, Claude Turmes est nommé ministre de l’Énergie et ministre de l’Aménagement du territoire. Avec une augmentation du prix du gaz qui pourrait atteindre les 77 % pour un ménage moyen et une hausse de 300 euros de leur facture électrique, les citoyens luxembourgeois sont sous pression. Comment le gouvernement compte-t-il les soutenir face à cette situation ? Pour l’ensemble des citoyens qui ont un contrat gaz, nous avons déjà décidé que l’État prendrait temporairement en charge les frais de réseau, au moins jusqu’au 31 décembre 2022. Cette mesure leur permet d’économiser 500 à 700 euros par an sur leur facture, et compense donc en partie l’augmentation du prix du gaz. Nous avons toutefois bien conscience que l’hiver s’annonce très difficile et que de nouvelles mesures spécifiquement destinées aux consommateurs de gaz devront sans doute être décidées. Pour l’électricité, nous avons fait en sorte de stabiliser les prix jusqu’au mois de janvier prochain, en décidant que l’État prendrait en charge une plus grande partie de la contribution au mécanisme de compensation renouvelable/cogénération. Ceci étant dit, les prix de l’électricité pour 2023 sur les marchés de gros ont déjà beaucoup augmenté, et nous avons là encore bien conscience que nous devrons certainement adopter de nouvelles mesures pour faire face à une situation qui est grave. Ces décisions additionnelles, comme celles concernant le gaz, seront toutefois discutées sereinement en réunion tripartite, avec les partenaires sociaux.

Au-delà des citoyens, les entreprises, grosses consommatrices d’énergie, sont également particulièrement touchées par cette crise. Comment les aider à y faire face et éviter une vague de faillites dans le pays ? Les ministres Fayot et Delles, en charge de ces questions, prennent eux aussi la pleine mesure de la gravité de la situation que nous rencontrons. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a d’ores et déjà mis en place un fonds de liquidité d’un montant de 500 millions d’euros pour soutenir les entreprises qui rencontreraient des difficultés financières en raison de la hausse des prix de l’énergie. Par ailleurs, une loi a également été votée dernièrement pour soutenir les entreprises face à cette crise. Elle prévoit d’offrir une compensation aux sociétés qui connaîtraient un déficit en raison de l’augmentation des prix de l’énergie. Enfin, nous allons continuer à accompagner les entreprises dans les démarches leur permettant de réduire leur consommation d’énergie. Face à cette situation, les entreprises, comme les citoyens, peuvent en effet aussi alléger leur facture en étant plus sobres dans leur consommation quotidienne de gaz et d’électricité.

Alors que l’hiver approche et que la Russie continue à réduire ses livraisons de gaz, on peut se demander si ces mesures seront suffisantes. Jusqu’à quel point l’État luxembourgeois est-il capable d’aller pour soutenir entreprises et citoyens luxembourgeois, sachant que ses ressources ne sont pas illimitées ? C’est également une question que nous allons évoquer avec la ministre des Finances (Yuriko Backes, ndlr) lors de nos prochaines réunions tripartites. Il faut en effet que l’on puisse évaluer quel est le montant que nous pouvons débloquer pour faire face à cette crise, quelle est exactement notre marge de manœuvre. Nous avons l’une des dettes publiques les moins élevées au monde (21,63 % du PIB en juillet 2022, ndlr), et notre accord de coalition prévoyait que nous puissions augmenter cette dette jusqu’à 30 % en cas de besoin. Nous avons donc encore la possibilité de grossir quelque peu nos moyens en activant ce levier. Par ailleurs, nous pourrions aussi mettre en place des mesures nous permettant de générer de nouveaux revenus pour l’État. Mais cela reste encore à développer avec l’ensemble du gouvernement et de ses partenaires.

La guerre en Ukraine est la cause principale de ces augmentations de prix répétées. Mais le marché européen de l’énergie en lui-même ne doit-il pas être réformé pour décorréler les prix du gaz et de l’électricité et réduire notre dépendance à certains pays comme la Russie ? La guerre de Poutine en Ukraine est évidemment la principale responsable de la situation très délicate dans laquelle nous nous trouvons. C’est une guerre à la fois militaire, économique – à travers la pénurie organisée de gaz et la rupture, par Gazprom, de plusieurs contrats établis avec des fournisseurs européens – et de désinformation sur les réseaux sociaux. Je suis heureux de constater que, face à ce conflit qui se prolonge, les États européens restent unis. La réunion des ministres européens de l’Énergie qui a eu lieu ce 9 septembre l’a bien montré : les États européens sont soudés et déterminés à trouver des solutions concertées pour répondre à la crise. La Commission va rapidement faire une série de propositions qui permettront de mettre en place des programmes d’aides ciblés pour nos entreprises, qui sont très exposées aux hausses des prix de l’énergie dans un environnement très concurrentiel, et de limiter la volatilité que l’on constate sur ce marché commun de l’énergie. Une véritable refonte de ce marché prendra toutefois du temps.

Au-delà de la réforme du marché de l’énergie, quelles sont les mesures à mettre en place pour lutter contre l’augmentation du prix de l’énergie, à un niveau européen ? Nous sommes aujourd’hui les victimes d’un chantage organisé par Poutine, et nous devons mettre en place, de façon collective, des mesures qui nous permettront de nous en dégager. L’une de celles-ci, qui a déjà été annoncée et suivie d’effets, consiste à remplir les stocks de gaz de chacun des États européens à un niveau suffisant. Cette nécessité a bien été comprise par les différents États membres, qui sont déjà parvenus à constituer des réserves d’un niveau plus élevé que ce que nous avions décidé collectivement, et ce plus rapidement que prévu. Par ailleurs, l’achat groupé de gaz dans d’autres régions du monde que la Russie est également sur la table. De plus, il faut prévoir des aides ciblées pour nos ménages et entreprises.

Il est aussi question de réduire volontairement – dans un premier temps – la consommation de gaz des États membres. Cette limitation sera-t-elle suffisante ? Quel impact aura-t-elle sur les entreprises et industries luxembourgeoises ? Cette mesure a en effet déjà été adoptée et vise à réduire volontairement de 15 % la consommation de gaz naturel

dans les différents pays de l’Union européenne entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023. Le règlement européen qui a été voté à ce sujet début août est déjà en application au Luxembourg, comme partout ailleurs dans l’Union européenne. Si la réduction volontaire ne fonctionne pas, nous serons peut-être contraints de passer à une étape plus coercitive, voire, en dernier recours, de demander des coupures de gaz dans certaines industries. Cela pourrait en effet avoir un impact sur les entreprises et leurs travailleurs (le Comité de conjoncture a toutefois déjà favorablement répondu à la proposition du ministre de l’Économie, Franz Fayot, et du ministre du Travail, Georges Engel, de pouvoir recourir au chômage partiel si l’activité économique devait être ralentie en raison de telles mesures, ndlr). Mais nous devons absolument compenser la perte des 40 % de gaz achetés, en temps normal, à la Russie. Et éviter à tout prix une vraie pénurie hivernale, qui serait catastrophique pour de nombreux citoyens et entreprises.

En tant qu’écologiste, comment réagissez-vous à ces informations nous parvenant de Russie, selon lesquelles le pays brûle l’excédent de gaz produit qui n’est pas fourni à des pays tiers ? C’est évidemment un non-sens complet, mais, comme je le dis souvent, on ne peut pas attendre autre chose d’un homme qui, à l’heure où l’on parle, ordonne d’envoyer des missiles sur des écoles et des hôpitaux ukrainiens. L’écologie est le dernier des soucis de Vladimir Poutine.

Parmi les mesures permettant de se dégager de la dépendance énergétique européenne par rapport à la Russie, on trouve également le développement massif des énergies renouvelables. Quels sont les projets concrets développés en ce sens par l’Union européenne ? Ont-ils été accélérés dans la foulée du conflit ukrainien ? Tous les ministres de l’Énergie présents lors de notre dernière réunion européenne étaient d’accord sur ce point : il est indispensable d’accélérer le développement massif de notre capacité de production d’énergie renouvelable en Europe, qu’il s’agisse d’éolien, de solaire ou d’autres formes de renouvelable encore. C’est une étape incontournable pour gagner en indépendance et pouvoir offrir des prix plus bas aux consommateurs européens. Plusieurs projets sont sur la table, notamment celui porté par le Danemark, en collaboration avec la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. Ce projet vise à créer des îles énergétiques, en mer du Nord et dans la Baltique, permettant de produire une énergie verte comblant un tiers des besoins électriques de l’Europe occidentale. Lorsque ce plan aura été mené à son terme, d’ici à 2030, la production d’énergie éolienne sera 10 fois plus importante en mer du Nord et 7 fois plus élevée dans la Baltique. Ce qui est loin d’être insignifiant.

Et au Luxembourg, quels sont les projets en la matière ? Le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) prévoit de réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre pour répondre aux exigences des accords de Paris. Cela passera bien évidemment par le développement des énergies renouvelables sur notre propre territoire. En 2021, nous avions déjà multiplié

« Nous devons absolument compenser la perte des 40 % de gaz achetés, en temps normal, à la Russie. »

par 15 nos capacités de production d’énergie solaire par rapport à la période 2017-2018. 17 nouvelles éoliennes seront par ailleurs construites sur la période 2022-2023. On constate que la population, mais aussi les élus locaux, est favorable au développement de l’éolien, ce qui facilite l’implantation de nouvelles éoliennes. Pour parvenir à notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous travaillons également sur le parc immobilier, en interdisant les énergies fossiles et en proposant des aides à la rénovation à travers notre programme Klimabonus. Mais malgré ces efforts pour réduire notre consommation et produire plus d’énergie renouvelable sur notre territoire, il nous faudra toutefois toujours importer de l’électricité de l’étranger, car le tissu industriel luxembourgeois est très dense. C’est la raison pour laquelle nous devons continuer à collaborer avec d’autres pays européens pour pouvoir disposer de suffisamment d’énergie pour alimenter nos entreprises et industries.

L’Europe se mobilise donc pour les énergies renouvelables, mais prend également des décisions qui peuvent paraître discutables. C’est le cas de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la fameuse taxonomie verte européenne. Quelle est votre opinion sur la question ? Je pense que la Commission a pris une très mauvaise décision à cet égard. Elle l’a prise, de plus, sans respecter les voies normalement prévues pour adopter ce genre de décision. De notre côté, nous allons continuer à nous battre contre le nucléaire, qui ne me paraît pas être une solution souhaitable. Pour le gaz, mon avis est plus nuancé. Je suis convaincu qu’il faut en sortir, mais de façon progressive, car nous avons encore besoin de cette énergie fossile moins polluante, le temps que nous puissions assurer la transition vers les énergies renouvelables.

Cette interview a été réalisée le 12 septembre avant la réunion du Comité de coordination tripartite.

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Biodiversity is emerging as one of the largest investment megatrends for our generation.

Acting now to preserve biodiversity

Biodiversity is our life support mechanism - our livelihoods, well-being and key economic activities all depend on well-functioning ecosystems.

The unsavoury truth is that as the human population grows, our demands for food, energy and resources will increase, and greater strain will be placed on our natural capital. To manage this and preserve biodiversity, fundamental changes across industry, supply chains, technology, economies and society are required.

Investors will need to be prepared for changes in governmental and regulatory policy, initiatives to standardise and measure biodiversity risks, more rigorous auditing and assessment of portfolios for biodiversity-related exposures, new approaches to critically evaluate companies, and increasing awareness of supply chain weaknesses where issues such as deforestation and threats to species are acute. Biodiversity is one of the largest investment megatrends in our lives and the theme is at an inflection point. There is a ready set of solutions that can slow down the loss of biodiversity and these are rapidly being adopted.

If we harness our research and analytical capabilities, relationships with companies, and partnerships with clients to move beyond discussion and aspiration, we can make genuine, quantifiable, and enduring changes to prevent the destruction of our natural capital.

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Ophélie Mortier, Chief Sustainable Investment Officer at DPAM, photographed in MUDAM at the 4th edition of the Sustainable Investment Week organised by LuxFLAG.

Sustainable investment

ESG & Engagement: a credible road to impact

Sponsored content by DPAM

The term ESG is relatively new, but DPAM has been developing its ESG offering for more than 20 years. Ophélie Mortier, Chief Sustainable Investment Officer at DPAM, explains why ESG investments remain sound, how research figures in, and the importance, in order to matter, of engagement with companies and countries.

Eva Krins (Maison Moderne) / Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean / Ieoh Ming Pei Architect Design Photo

DPAM’S FIGURES

How is DPAM uniquely suited to offering ESG solutions? We became involved in sustainable and responsible investing 20 years ago. Back when we first got involved, many of those types of investment strategies were based on exclusions, but we soon saw that such a system is too absolutist.  The reality of the economy is more complex and requires a more nuanced strategy. The approach of DPAM is based on steps looking at the behavior of the companies and activities, even if analysts do take into account the positive impact of products and services offered.

DPAM’s dedication and desire to effect change go far beyond merely presenting our clients with ESG-friendly investments. Realising that engagement with companies and countries that might not have such a long history of ESG progress is important, we make great efforts to reach out to underrepresented geographic areas and countries. We believe in taking a forwardlooking approach.

Approaches as best in class and best efforts with increasing room for engagement are becoming dominant in the SRI landscape. Therefore, it is necessary to assess and commit.

How do you determine the sustainability of an investment? We really appreciate the value of the ESG-rating indexes offered by, for example, MSCI and Morningstar, but for us, we use them as a starting point. The indexes do not consider a broader and more geographically diverse ESG progress.

Major indexes generally recognise companies that have arrived at a certain benchmark, and to demonstrate this, they have to compile a significant amount of data and submit documentation. This requires the necessary infrastructure, know-how, and organisation, which many companies, perhaps those smaller, younger, or less well-funded, might not have. They often do not take into account relative progress, the steps toward sustainability that companies have made, and instead focus on absolute criteria. They also ignore companies’ potential for progress, which is not ideal if, like DPAM, you want to not only offer quality ESG investments, but also to affect change in the world as a whole and promote newcomers to the sustainability scene.

Can you explain how engagement plays a role in the mission of DPAM? We can look at our commitment to engagement through the prism of interactions with countries regarding sovereign bonds investments. This is a major asset class, not deeply covered by investors. Our main objective is raising awareness, which is already very challenging. Engagement and the impact assessment will differ depending on the level of technicality of the discussion and the targets defined. The more precise the objectives, the easier they can be monitored.

We use a proprietary model to assess the sustainability of a country. In that context for example, we had meetings with officials in New Zealand, and the interactions went very smoothly because they already have made significant ESG progress. We presented our criteria and cross-checked them with their data.

We can contrast that with a meeting we held with officials in Mongolia about green bonds. For that meeting, we took more time to explain what we look for in terms of sustainability at the county level, environment, and governance including transparency, international relationships, and social issues such as access to health and education.

Even if our efforts in Mongolia do not result in the issuance of a green bond, we still see it as a success. For us, it was a great opportunity to help them better understand what European investors are interested in, in terms of ESG, which will help them to improve their sustainability efforts. Engaging underrepresented countries or companies, or those that are at a different place in the sustainability journey, is very important to us.

The benefit for institutional investors I am convinced that the financial performance of sustainable investments is sound, especially looking at financial performance over the medium and long term. Also, there is sufficient data showing that ESG is an added value in terms of risk control and lower volatility. We firmly believe that this is part of the fundamental analysis we have to carry out for the benefit of our institutional clients and society. E, S and G are natural dimensions to take into account with the global picture.

“ ESG criteria are vital for an informed decision-making process when investing. ” “ Approaches such as best-in-class and best-effort with increasing importance of engagement become center stage. ”

Marketing communication. The provided information herein must be considered as having a general nature and does not represent investment advice, nor does it constitute an offer, solicitation, recommendation or invitation to buy, sell, subscribe to or execute any other transaction with financial instruments including, but not limited to, shares, bonds and units in collective investment undertakings. Investing incurs risks. Past performances do not guarantee future results. All opinions and financial estimates in this document are a reflection of the situation at issuance and are subject to amendments without notice. Changed market circumstances may render the opinions and statements in this document incorrect. Degroof Petercam Asset Management SA/NV rue Guimard 18, 1040 Brussels, Belgium RPM/RPR Brussels l TVA BE 0886 223 276 1 — The total AuM in SRI strategies include art. 8, art. 8+ and art. 9 funds and mandates as per SFDR

2001

DPAM’s first SRI strategy

2007

Launch of DPAM proprietary model to assess the country’s sustainability

34.1 bn

Total assets under management (30/09/2022)

15.8 bn 1

Total assets under management in SRI strategies: (30/09/2022)

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