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MON ARGENT
from Paperjam Juin 2022
Des gains financiers de sa carrière tennistique au plaisir de profiter de la vie depuis sa retraite en 2018, Gilles Müller a vu son rapport à l’argent évoluer avec le temps.
Une devise par rapport à l’argent ? Pas vraiment, mais quand je jouais sur le circuit, j’avais tendance à ne pas trop faire attention à l’argent, car je gagnais chaque semaine (ou quinzaine) de gros chèques. Dans la vie normale, je fais plus attention qu’avant. Je me rends compte que c’était sympa de vivre comme ça, mais pour pouvoir éduquer mes enfants, c’est important de connaître la valeur de l’argent.
Vous êtes donc plutôt fourmi que cigale… Maintenant, je suis une fourmi. Avant, je ne faisais pas attention. Lorsque j’ai arrêté ma carrière, j’ai voulu me faire un cadeau et je me suis acheté une voiture chère. C’est le plus gros regret de ma vie ! Finalement, je roule aussi bien dans la voiture de mon épouse, qui est une petite Golf, qu’avec l’autre voiture. Je vais aussi bien d’un point A à un point B, et je réalise que je n’avais pas besoin de cela pour être heureux.
Les sportifs ont tendance à partir tôt à la retraite. C’est un paramètre que vous aviez en tête sur le circuit professionnel ? Oui, bien sûr. Dans le monde sportif, tout peut changer du jour au lendemain : une blessure peut mettre un terme à une carrière. Quand je jouais, j’étais vraiment concentré sur mon tennis, je faisais abstraction de l’argent. Si on y pense tout le temps, on n’est pas concentré sur ce qu’on doit faire.
Gilles Müller préfère le club de golf à la raquette de tennis.
Lorsque l’on est un joueur pro, joue-t-on par plaisir, pour la performance ou pour l’argent ? Pour la performance. Je n’ai jamais vécu le tennis comme un métier : c’est un jeu. Ce n’était pas toujours un plaisir, mais je savais pourquoi je travaillais. Les émotions vécues sur un terrain de tennis, quand on gagne un gros match, les moments de stress..., ce sont des choses qui n’ont pas de prix. Je pense que peu de gens peuvent dire qu’ils ont fait de leur hobby leur « métier ». J’avais du mal à voir cela comme un métier.
Estimez-vous que les sportifs sont suffisamment préparés aux questions d’argent ou, au contraire, qu’il reste du travail en matière d’éducation financière ? Je pense qu’il reste du travail et qu’il vaut mieux être bien entouré. Je ne prétends pas avoir la formule magique pour dire ce qu’il faut faire, mais le monde du sport est un monde de requins. Quand on voit à quel âge les agents approchent déjà des enfants autour des terrains, je trouve cela un peu dangereux.
Aujourd’hui, quelles sont vos passions ? Je joue beaucoup moins au tennis qu’avant, car je ne ressens plus le besoin de me rendre sur un terrain. Ma nouvelle passion, c’est le golf. Être à l’extérieur et en mouvement, j’aime cela. Je fais aussi un petit peu de football en vétéran, et du vélo aussi. Et, dans la mesure où j’ai raté pas mal d’invitations chez des amis lorsque j’étais sur le circuit pro, je profite de ma vie sociale et réponds positivement aux barbecues et autres activités qui me permettent de passer du temps avec eux et ma famille. Que vous procure le golf ? J’aime le challenge de maîtriser cette petite balle, le fait de ne pas avoir un adversaire, mais de jouer contre le terrain. Cela me donne une petite bouffée d’oxygène. Ça reste aussi un sport très social : faire un parcours avec des copains, partir découvrir de nouveaux parcours à l’étranger, c’est agréable.
Qu’est-ce que l’argent ne peut acheter ou résoudre ? L’amour et le bonheur. Je vois beaucoup de gens qui ont beaucoup d’argent et qui ne sont pas heureux. Je pense que le fait d’être attendu le soir chez soi par ceux qui vous sont chers, ainsi que de partager avec eux des émotions, ça n’a pas de prix.
Interview CATHERINE KURZAWA Photo GUY WOLFF