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INTERVIEW GUY HOFFMANN

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MON STYLE

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« Dans la Champions League des centres financiers »

Pour Guy Hoffmann, président de la Fédération des professionnels du secteur financier (Profil) en charge de la promotion de ce secteur, les différentes industries de la Place devraient intensifier leurs efforts communs de lobbying. Une approche par métier reste par contre indispensable pour les enjeux propres à chaque secteur.

Quelle est la mission de Profil, notamment dans le domaine du lobbying ? L’association avait initialement été créée pour regrouper l’ensemble des acteurs du secteur financier luxembourgeois au sein d’une même structure. L’idée était alors de s’associer avec l’État pour fonder le partenariat public-privé qui financera plus tard Luxembourg for Finance. À l’heure actuelle, c’est cette dernière qui centralise les efforts de lobbying des différentes associations professionnelles du secteur financier. Jusqu’à présent, Profil a donc tiré avantage de sa participation à Luxembourg for Finance pour communiquer ses idées. C’est par exemple le cas lors des missions économiques. J’ai voulu changer cela lorsque je suis devenu président de Profil. Constatant que nous disposions d’un formidable réservoir d’expertises, j’étais convaincu que nous pourrions en tirer avantage pour travailler sur les enjeux qui concernent le Luxembourg, qui joue dans la Champions League des centres financiers. Ce n’est que depuis 2021 que Profil s’est orientée dans cette direction. qu’il existe trop d’associations professionnelles sur la Place ? Il est important de garder des associations par métier. Il y a toujours des spécificités juridiques qui font que, par exemple, l’Alfi a des problèmes que l’ABBL n’a pas, et vice versa. Toutefois, les associations de la Place ont aussi des problématiques communes. Le risque est justement de perdre un peu de force de frappe en travaillant trop individuellement. Nous risquerions aussi de manquer d’écoute de la part du gouvernement et d’autres parties prenantes. Avec Profil, mon objectif est de trouver le dénominateur commun aux problématiques de chacune des associations. Il y a clairement la question de la compétitivité de la Place et le défi de trouver les nouveaux talents. On devine de suite qu’il est plus intelligent de travailler ensemble plutôt que chacun dans son coin.

Quand vous évoquez d’autres parties prenantes, vous pensez sûrement aux organisations internationales, telles que la Commission européenne ? Oui. Par exemple, l’ABBL et l’Alfi partagent un bureau à Bruxelles pour assurer ensemble un lobbying au plus près des décideurs européens. Nous sommes d’ailleurs occupés à élargir ce cercle de coopération à l’Aca. Il est très important de ne pas tirer de tous les canons de calibre moyen, mais bien d’un seul canon solide.

Cela veut-il dire que des lobbyistes pourraient être recrutés dans un avenir proche ? Nous disposons de l’organisation et de la gouvernance nécessaires pour assurer une bonne représentation là où il nous en faut. La façon dont nous sommes organisés aujourd’hui est adéquate. Nos organisations membres regorgent des compétences nécessaires, mais pour beaucoup de sujets, nous ne parvenons pas encore à toujours mettre nos efforts suffisamment en commun. Il ne faut donc pas nécessairement augmenter les recrutements, mais mieux se coordonner.

L’ABBL est représentée à Bruxelles via l’European Banking Federation (EBF). Si chaque association de la Place fait de même via des vecteurs de lobbying différents, l’intention d’harmoniser les efforts ne risque-t-elle pas d’être plus facile au niveau national et plus complexe à l’international ? Absolument. Voilà pourquoi, à mon avis, il est essentiel de maintenir une spécificité métier car chacune a son canal de lobbying au niveau européen. C’est en effet, avant tout, au niveau national que nous pouvons synchroniser nos forces au mieux.

Quels sont, à vos yeux, les principaux dossiers de la Place à mettre en avant, en matière de lobbying ? Le principal dossier qui devrait nous préoccuper concerne la perte de vitesse et de compétitivité du Luxembourg en tant que place financière. Il n’y a plus autant de particuliers qui souhaitent investir au Luxembourg qu’il y a 10 ou 15 ans. Nous devons analyser la situation et rectifier le tir. Ce constat touche à des sujets qui sont régulièrement débattus au Luxembourg, comme les taux d’imposition des entreprises qui sont supérieurs à la moyenne européenne. Les taxes s’intègrent pleinement à la compétitivité de la Place. Il en va de même pour les difficultés du Luxembourg à trouver du personnel qualifié. Nous parlons toujours de talents, mais nous cherchons aussi des gens qui savent travailler. Si les entreprises ne trouvent plus le personnel pour se développer, elles vont quitter le pays. Un autre point touche à la réglementation. Nous avons un très haut niveau de réglementation, avec toujours de nouvelles couches réglementaires qui s’ajoutent. Il faudrait voir à quel point nous ne sommes pas trop ambitieux au niveau de la réglementation.

GUY HOFFMANN

Président, Fédération des professionnels du secteur financier (Profil) « Cela soulève aussi le problème de la protection des investisseurs, qui ne peut se faire sans un minimum de compréhension de l’information financière.»

Mike Zenari (archives) Il est extrêmement important de prendre des mesures, à l’instar de ce que nous avons fait dans les fonds d’investissement et dans la banque privée dans les années 80 et 90. C’est à ces moments-là que le Luxembourg est devenu une référence dans ces deux domaines. Aujourd’hui, je pense que la finance durable pourrait devenir la troisième vague sur laquelle le Luxembourg pourrait se positionner. Nous avons le capital, les dépôts et beaucoup d’actifs.

Qu’en est-il du positionnement de la Place dans la course aux fintech ? Nous ne sommes pas encore parvenus à trouver notre positionnement dans ce domaine, bien qu’il y ait des tentatives d’interaction entre la Luxembourg House of Financial Technology et les associations du secteur. La relation entre les anciennes et les nouvelles technologies laisse à désirer. L’industrie financière classique dépense entre 50 % et 60 % de ses capacités d’investissement à digitaliser d’anciennes technologies. C’est sans compter qu’il faut en permanence adapter les technologies actuelles aux nombreux changements réglementaires. Il est essentiel d’avoir un écosystème qui fonctionne bien entre les fintech, les industries établies – l’industrie financière et l’industrie lourde – et le monde académique. Ces trois piliers doivent fonctionner ensemble. Nous avons déjà commencé à travailler en ce sens.

Quels enjeux percevez-vous pour le développement futur de la Place ? L’éducation financière est certainement l’enjeu prioritaire. Ce n’est peut-être pas un aspect qui nous touche aujourd’hui directement, mais qui est pourtant crucial. Le premier contact des jeunes avec la finance ne se produit que lorsqu’ils arrivent sur les bancs de l’université. Les programmes académiques des écoles primaires et les lycées ne prévoient absolument aucun contenu relatif à l’éducation financière. Pour un pays qui possède un des secteurs financiers classés parmi les plus importants au monde, ce n’est pas normal. L’éducation est le carburant de l’avenir des produits financiers. Les personnes doivent, à un moment ou un autre, organiser leur pension, investir dans des produits d’investissement… Or, nous constatons que beaucoup de jeunes n’ont aucune compétence en ce domaine. Cela soulève aussi le problème de la protection des investisseurs, qui ne peut se faire sans un minimum de compréhension de l’information financière.

Il y va aussi de l’avenir des talents dans l’industrie… Nettement moins de jeunes sont intéressés par une carrière dans ce secteur, ce qui démontre que cette industrie ne bénéficie pas de la meilleure réputation, même au Luxembourg. Les jeunes ne se rendent pas compte qu’énormément de métiers financiers ont changé, nécessitant dorénavant de faire appel aux compétences de mathématiciens, de physiciens ou de développeurs d’applications. C’est le cas, par exemple, des analystes ESG et des data scientists. Les nouveaux métiers sont mal connus et mal présentés dans les écoles. De fil en aiguille, de moins en moins de jeunes s’intéressent au secteur financier. Voilà pourquoi il est essentiel que la finance soit enseignée et intègre ainsi le CV des jeunes.

Un autre constat n’est-il pas que les représentants du secteur financier ont perdu l’attention du monde politique ? Il est un peu triste de constater qu’une part du monde politique ne s’intéresse pas au secteur industriel le plus important du pays, ne connaît pas la matière. Ils sont prêts à prendre les milliards d’impôts qui en découlent, mais ne s’occupent pas de l’industrie. Cette observation ne vaut pas pour tous. Il y a tout de même des membres du gouvernement qui connaissent très bien l’importance du secteur financier, savent le valoriser et restent à l’écoute de ses représentants. C’est peut-être une minorité, mais je dois quand même dire que je compte quelques alliés dans le gouvernement. Ils savent que, sans l’industrie financière, le Luxembourg ressemblerait davantage aux régions limitrophes du pays. Ce n’est pas parce que l’on est plus bête ou plus fainéant dans ces régions. Nous avons tout simplement la chance d’avoir un très grand secteur qui fonctionne bien et qui nous rapporte de l’argent. Tout le monde devrait en être conscient dans la sphère politique. Quand j’étais plus jeune, je croyais que le développement de la place financière devait provenir d’initiatives politiques. C’était une erreur. Les élus sont beaucoup trop éloignés. Les impulsions et les idées doivent émerger de ceux qui travaillent dans l’industrie ellemême. Cependant, si on a des idées, il faut aussi du répondant du côté politique.

12 poids lourds de la Place

Fondée en 2000, la Fédération des professionnels du secteur financier (Profil) a pour objet la promotion de la place financière et la coordination des activités d’intérêt commun aux professionnels du secteur. Elle se compose de 12 acteurs majeurs de la Place, dont les banques, les fonds d’investissement, les assureurs, le private equity, les avocats, les experts-comptables, la Chambre de commerce, la Bourse de Luxembourg et Clearstream. « Le but est de réunir autour de la table l’ensemble des représentants du secteur financier, chacun fort de ses compétences», explique son président, Guy Hoffmann.

Les activités de Profil se résument encore essentiellement à l’heure actuelle à être représentée au sein du conseil d’administration de Luxembourg for Finance, l’agence de déve- loppement de la Place. « Par ce biais, nous pouvons donner nos impulsions pour tout ce qui touche la promotion financière du Luxembourg. »

Pour Guy Hoffmann, les activités de Profil devraient s’étendre au-delà de la représentation du secteur finan- cier dans Luxembourg for Finance. Il compte profiter de son mandat à la tête de l’association pour initier une réflexion sur le lobbying de la Place.

Le désintérêt d’un pan du monde politique pour le secteur financier ne provient-il pas du fait que seule une très petite partie de la population luxembourgeoise est concernée ? Le constat est tout à fait correct. Parmi les 50.000 personnes qui travaillent dans le secteur, peu sont Luxembourgeois. Force est de constater qu’en termes d’électorat, le secteur financier ne représente pas une force très importante. Je crois qu’il y aura toujours une forme d’ambiguïté. Le secteur financier est important pour l’économie, représentant presque 40 % des recettes de l’État et 30 % du PIB, alors que ces mêmes pourcentages ne valent pas pour l’électorat. Les politiciens ont donc peut-être trop tendance à ne penser qu’au seul électorat. Mais, comme je l’ai dit, il y a quelques personnes au gouvernement qui savent bien que, sans le secteur financier, il n’y aurait pas grand-chose dans les budgets de l’État ou, en tout cas, pas grand-chose pour mener notre politique sociale actuelle. La question n’est pas tellement que le monde politique tombe soudainement amoureux des banquiers ou des assureurs, mais qu’il reste à leur écoute. C’est d’ailleurs un tel état d’esprit qui a contribué au développement de la Place dans les années 70. Il y avait une curiosité, un professionnalisme et un pragmatisme, aussi bien du côté politique que de l’industrie, pour trouver en commun des solutions.

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