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Mettre à l'honneur les produits du jardin sur la table des fêtes
Texte : Vanessa Méril-Mamert METTRE À L’HONNEUR les produits du jardin sur la table des fêtes
Igname, groseille pays, pois d’angole, shrubb… Les fêtes de fin d'année sont l'occasion de mettre à l’honneur des produits traditionnels issus de nos jardins et du savoir-faire de nos agricultrices et agriculteurs. En ce contexte particulier, l'alimentation est plus que jamais synonyme de réconfort et constitue un acte citoyen. Pour élaborer nos repas de fin décembre les produits du jardin agrémentent à la perfection des produits de saison d’exception, pour en faire des mets festifs.
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La groseille-pays revisitée
À l’approche des fêtes de fin d’année, la groseille-pays se prépare et se déguste de mille et une façons. La groseille-pays est en fait le calice d’une variété d’hibiscus, l’hibiscus sabdariffa. Elle fleurit en novembre, à l’approche de Noël : les calices sont alors récoltés et transformés traditionnellement en sirop, en gelée, en confiture ou en jus, avec du sucre de canne. Ensuite laissez libre court à votre imagination pour utiliser ces produits : pour aromatiser une buche de Noël, des petits gâteaux à la farine de manioc, ou même version sucré salé, pour accompagner un cochon roussi ou le fromage de fin de repas. De plus, des agro-transformateurs
innovants en font du pétillant de groseille (3 à 7% d’alcool, à consommer avec modération) ou du kéfir de groseille (sans alcool), des boissons fermentées naturellement gazeuses, et délicieuses qui accompagneront à merveille le repas de fête. On peut aussi confire ou cristalliser les groseilles pays entières et en faire des « fleurs » à champagne. Voici comment procéder : faites un sirop avec 200 g de sucre et 20 cl d’eau, verser les groseilles pays entières (sans la graine) dans ce sirop et laisser cuire à feu doux pendant une dizaine de minutes. Couper le feu et laisser refroidir une nuit. Le lendemain, porter à ébullition. Égoutter les calices et les disposer sur une plaque de cuisson tapissée de papier sulfurisé. Saupoudrer de sucre si désiré. Faire sécher au four à 40-45°C pendant quelques heures. Stocker dans une grande boite hermétique. Au moment de servir votre champagne, déposer au fond du verre une groseille pays confite. Effet garanti ! Saviez vous que les groseilles pays sont considérées comme tonifiant de l’organisme. Riches en antioxydants, elles ont des vertus anti-inflammatoires, diurétiques, peuvent aider à lutter contre l’hypertension. Des raisons de plus d’en profiter en saison.
L’igname et le topinambour, des racines sublimées
On retrouve beaucoup de déclinaisons de plats typiques de Noël à base de viande sur les tables antillaises, comme le cochon pays roussi ou le jambon de noël bien épicé et même doré au four agrémenté d’ananas caramélisé. Mais le plat ne serait pas complet sans ses accompagnements typiques de pois d’angoles et d’igname. Les variétés d’igname les plus fines feront la joie des connaisseurs : l’igname pas possible ou l'igname cousse-couche (à ne pas confondre), toutes deux à la chair fine et délicate. On peut les travailler pour les fêtes en purée ou en soufflé, ou façon pommes dauphines. Mais pourquoi pas sortir un peu plus des sentiers battus et proposer sur votre table des topinambour pays, dont c’est la saison. Ce topinambour tropical n’a rien à voir avec le topinambour européen, mais comme ce dernier, il fait partie de ces légumes oubliés qui gagneraient vraiment à être redécouverts. Ce sont des petits tubercules dont la saveur rappelle celle du maïs ou de l’artichaut. Consommés cuits, leur texture reste croquante même après une longue cuisson. Ils ont en plus un intérêt nutritionnel avantageux de par leur contenu en protéines et leur richesse en fibres prébiotiques qui favoriserait le développement de bactéries bénéfiques à l’intestin. Pour les servir à votre table de fêtes, une fois cuits, faites les revenir dans un peu d’huile de coco et ajoutez des épices moulues comme la graine de bois d’Inde, le clous de girofle et l’anis étoilé, salez à la fleur de sel pour le croquant. Un vrai délice.
Pois d’angole et oursin blanc, alliance terre et mer audacieuse
Quant aux traditionnels pois d’angole de noël, ils peuvent être accommodés en croquettes croustillantes. Faites votre consommé de pois, puis écrasez les à la fourchette, ajoutez un peu de farine de manioc, des cives et des lamelles de piment végétarien. Former des petits palets et faites les dorer à la poêle avec un fond de matière grasse. Maintenant, je vous propose d’associer l’humble pois d’angole avec un produit de saison mais cette fois d’exception, l’oursin blanc, dont la période de pêche s’étend du 15 décembre au 15 janvier (pour les professionnels uniquement). Sa rareté et sa chair délicate en font un mets très apprécié et recherché en période de fêtes de fin d’année. Appelé aussi « chadwon » en créole, l’oursin blanc se mange en blaff d'oursins, en « têt chadwon », en tarte, en accras… Choisissez de beaux oursins brillants, d’aspect humide, aux piquants bien dressés, voire encore vivants. La partie comestible, le corail d’oursin, ce sont les gonades qui, soit dit en passant, sont les organes reproducteurs de l’animal. Elles vont du jaune orangé au rouge. Le goût des oursins est fortement marin, salé et iodé ; certains y décèlent également des nuances sucrées de miel, ainsi que des goûts d'agrumes ou de noisettes. La texture est crémeuse et délicate. Les oursins ont un profil nutritionnel très intéressant, riche en protéines (13%) et faible en sucre et gras, et d’une grande richesse en iode, du zinc, de la vitamine A et du potassium. La particularité des oursins, cependant, est qu'ils sont l'une des sources alimentaires les plus importantes d'anandamide, un neurotransmetteur cannabinoïde similaire à celui que l'on trouve dans la marijuana. Ce composé euphorisant dans les oursins a un rôle biologique dans leur fertilité et leur reproduction. De quoi planer pour les fêtes ? Probablement pas, car en très petites quantités, mais il est possible qu'ils activent le système dopaminergique dans votre cerveau, activant ainsi votre « circuit de récompense ».
L’apéritif typique aux notes d’agrumes, le shrubb
Le shrubb est l’apéritif incontournable de Noël aux Antilles. Il s’agit d’un rhum arrangé à base d’agrumes et d’épices. Si vous avez des orangers ou des mandariniers, récoltez-en les fruits qui arrivent à pleine maturité à cette saison de fin d’année. On fait sécher les écorces d’orange et on prépare le shrubb quelques semaines avant les fêtes de Noël. Il existe plusieurs recettes mais voici une version originale, avec non seulement les écorces mais aussi le jus d’orange : prenez 5 grosses oranges locales cultivées sans pesticides, 1 bâton de cannelle, 1 gousse de vanille, 3 clous de girofle, 4 graines de bois d’Inde, 1 bouteille d’un litre de rhum, et pour le sirop, 200g de sucre en poudre avec le jus des oranges et de l’eau pour obtenir 500ml de liquide. Faites votre sirop, puis verser tous les ingrédients dans une bouteille. Laisser macérer quelques semaines à l’abri de la lumière, en secouant de temps en temps. À consommer avec modération. Les produits du jardin deviennent festifs et s’invitent à la table de fin d’année, l’occasion de mettre à l’honneur un locavorisme de saison, tinté d’exception et d’originalité. Bonnes fêtes !
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