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Le temple de Petit Bazar, en l'honneur de Mourouga
Le jardin était agrémenté de bassins circulaires. Un décor qui a cédé sa place, de nos jours, à des sculptures ou installations artistiques contemporaines. C'est d'ailleurs l'un des atouts de l'Artothèque : ne pas cloisonner la création au sein de salles mais laisser l'élan artistique s'exprimer jusque dans les moindres recoins de l'espace qui lui est offert. Albert Mancini, originaire de l’île Maurice et donc sujet britannique, acquiert la villa en 1923 qui deviendra en 1930 le siège du consulat d’Angleterre à La Réunion. Jean Mas, neveu de Mancini, cèdera la villa au Conseil Général en 1985. Les années 1980 marquent le début de mesures en faveur de la sauvegarde du patrimoine architectural de La Réunion : en 1987, la villa est complètement détruite. Seule la façade est reconstruite à l’identique tandis que l’intérieur est repensé pour l’accueil du public. En 1991, l’Artothèque du Département de La Réunion ouvre ses portes aux Réunionnais. Un lieu d’Art contemporain, libre d'accès et qui s'est donné pour mission de fidéliser le grand public et communiquer avec lui sur les pratiques contemporaines en matière artistique, privilégiant une relation intime avec la création. A ce jour, elle compte une collection de plus de deux mille pièces, rendant compte de la création contemporaine réunionnaise mais aussi nationale et internationale. En plus des œuvres, le visiteur a accès à plus de 2000 ouvrages, consultables sur place ou qui peuvent être prêtés aux abonnés.
Les modalités pour emprunter
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L'autre originalité de l'Artothèque : le prêt d’œuvres aux collectivités mais aussi aux particuliers. Imaginez pouvoir accrocher dans votre salon l'un des clichés de Jean Legros, une acrylique de Stéphane Kenkle, une huile sur toile de Robert Labor... C'est cela aussi, l'art vivant. Les particuliers peuvent ainsi héberger jusqu’à 12 œuvres par an, soit 3 œuvres tous les 3 mois. Un contrat de prêt encadre la transaction, puisqu’elles sont prêtées pour un usage uniquement privé. Plus de renseignements au service dédié de l’Artothèque, ouvert du mardi au vendredi, de 9h30 à 16h.





Texte et photos : Corine Tellier Remerciements à l’Association Siva Soupramanien de Saint-André
Depuis plus de 120 ans, le Temple de Petit Bazar accueille les fidèles qui y viennent prier Mourouga et les autres dieux du panthéon hindou. Construit en 1900, le lieu de culte nous permet de rappeler le souvenir des premiers engagés, qui n'ont pas oublié leurs racines.
Si vous empruntez l'avenue de l’Ile de France, à SaintAndré, impossible de ne pas être subjugué par ce foisonnement de couleurs qu'arbore un majestueux édifice. Et pour cause, c'est ici le royaume du Seigneur (Sri) Mourouga, second fils de Shiva et de Parvati, une force divine qui représente la sagesse, la grâce et la puissance. Si le temple lui est consacré, les autres divinités, y compris son père et son frère Ganesh, le dieu à tête d'éléphant qui aplanit toutes les difficultés, y ont aussi leur place et figurent, au côté des hauts faits de Mourouga, parmi les représentations peintes et les sculptures qui parsèment le parcours du visiteur. Kâli, Mariamman ou Navagraha y ont également leurs sanctuaires. Un lieu haut en couleurs et dont l'édification remonte au début du XXème siècle, soit peu de temps après la vague d'arrivée des engagés indiens venus s'occuper des plantations sucrières dans l'île au XIXème siècle, en provenance principalement du sud de l'Inde (plus de 90% en sont issus, nous apprennent les historiens) au départ du port de Madras et Yanaon au début puis essentiellement par Pondichéry et Karikal. Parmi les concessions accordées par les propriétaires d’exploitations de canne à sucre, la liberté de pratiquer son culte. Cela concerne les grands établissements sucriers, où les Indiens obtiennent le droit de construire des kovils (temples)


pour célébrer leurs dieux au son des tambours. Ce que l'on peut affirmer, c'est que le temple dit de Petit Bazar (en référence au lieu-dit où il s'est installé) s'inscrit dans la période qui suit les débuts mouvementés de l'engagisme, au moment où les Indiens débarqués des comptoirs français se détachent de l'emprise des plantations, prennent pleinement leur destinée en main et contribuent à forger une riche facette du visage de La Réunion que l'on connaît désormais.
Ce kovïl, ce sont les fidèles qui décident de son implantation : pour l'anecdote, il se situait auparavant à quelques minutes de l'emplacement actuel, chemin Miguel, avant de déménager. Au début, il s'agissait d'un édifice en bois sous tôle et c'est en 1902 qu'un temple en pierre taillée est construit sur un terrain d’une superficie de 1200 m2 (qui sera complété par l'acquisition d'un deuxième terrain de 2374 m2 à l’arrière du temple). Dès cette époque, le Taï Poussam Kâvadi est organisé, les 10 jours de cérémonie donnent au temple l’appellation « chapelle dix jours » ponctués de processions nocturnes.
De nombreux événements rythment la vie du kovil de Petit Bazar géré par l'Association Siva Soupramanien de Saint-André. Nous retiendrons que de longs travaux de rénovation de l’ensemble du temple sont réalisés par des ouvriers du Tamil Nadu à partir de 1996 et terminés en juillet 2003 : le goupouram, l’entrée qui s’érige vers les cieux, et les sanctuaires ont alors été entièrement refaits. Une autre rénovation (concentrée sur la réfection de certaines chapelles, comme celle consacrée à Kâli) sont entrepris ultérieurement et achevés en 2011. D’importants travaux de rénovation du temple de Mourouga ont été entrepris en février 2016, consacrés par le Mahâkumbhâbishêgam en octobre 2017. Témoignage vivant et vibrant du culte et de la culture hindoue dans l'île, le Temple de Petit Bazar se veut enfin le sanctuaire de la mémoire des traditions qui sont entrées dans notre identité, notamment à travers des activités culturelles.

Le 18 janvier dernier, la communauté tamoule a pu renouer avec la célébration du Taï Poussam Kâvadi sous protocole sanitaire strict. Depuis la Rivière du Mât, plus d’une centaine de croyants ont ainsi marché pour rendre hommage à la pénitance d’Idoubam en l’honneur de Mourouga. Leur destination finale : le temple de Petit Bazar, décidément carrefour incontournable !