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Le site de l’îlet à Guillaume
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Un sculpteur
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Texte et photos : corinetellier.re
AU GRAND CŒUR
Mika Boyer n’a pas un cœur de pierre. Cet artiste autodidacte a un talent fou qui le fait rayonner ! Quand son ami Charly Lesquelin, admiratif de son travail, lui demande de sculpter des œuvres plus petites que celles qu’il produit habituellement, il est très loin de penser que certaines de ses pièces seraient exposées au Carrousel du Louvre, et pourtant !
Mika n’a pas fait l’Ecole des beaux-arts, mais l’école de la vie ! Il est devenu sculpteur au cours du temps : « Je m’amusais à faire des sculptures pour les mettre dans mon jardin. C’est venu comme ça, sans aucune prétention de devenir sculpteur un jour, tailler la pierre était un passe-temps qui au fil des années s’est transformé en un art à part entière ». MIKE BOYER En 2009, Mika saute le pas et se lance en tant qu’artiste, ses expositions attirent du
monde et à sa grande surprise il vend ses créations. Puis, il s’envole avec ses œuvres d’art pour exposer au Bangladesh, en Malaisie, en Thaïlande, en Chine… C’est en Malaisie qu’il rencontre Zul Bin Idriss : « Zul était mon mentor, un sculpteur et un dessinateur de renom dans son pays et dans le monde. Il me disait toujours : ne laisse pas la pierre te gouverner, il faut que tu te libères d’elle; je lui répondais alors : je vais essayer, Maître, mais c’était plus fort que moi ! ».
Les visages, les mains, les bustes, proches du réalisme prennent vie au cœur de la roche presque intacte : « J’essaye de garder la forme originelle de la pierre, j’enlève très peu de matière. J’ai beaucoup de respect pour cet élément noble et authentique d’une puissance infinie ».
Le travail de Mika met en scène le matériau
La pierre et moi c’est une histoire d’amour :« J’ai toujours vécu au contact de la nature. Quand j’étais jeune, je partais dans les ravines pour sculpter les galets de rivière jusqu’au jour où j’en ai ramené un puis deux…. pour affiner mon travail ». Mika débute avec des ciseaux à bois. Aujourd’hui, il utilise un marteau piqueur à air comprimé mais il peaufine toujours ses œuvres à la main. C’est à Bras Creux, dans son atelier-jardin ouvert aux quatre vents, que Mika façonne la matière et s’applique à respecter les proportions justes : « C’est un métier à la fois très physique et très méticuleux.
Les sculptures qui ont pris place à l’extérieur sont pour la plupart des autoportraits ». Ce n’est pas du narcissisme, juste un besoin de profondeur, besoin de palper, de toucher, alors Mika saisit un miroir, observe la forme de son visage avant de le sculpter : « J’ai vraiment besoin de modèles pour créer, j’ai demandé à ma femme de poser pour moi mais au bout de 15 minutes, elle est partie s’occuper de notre marmaille», nous livre-t-il en souriant. Même si le basalte reste son matériau de prédilection, Mika sculpte le fer, la terre, le carbone et le bois de jujube, de letchi, de tamarin… Il s’essaye aussi à la peinture et au dessin qui lui apportent davantage de précision. Mika puise son inspiration dans l’histoire de La Réunion, ainsi il crée des pilons et moulins à maïs revisités : « Les gramounes nous ont légué ces objets lontan utilisés au quotidien. J’ai essayé de travailler le marbre, le grès…, mais j’ai une attache toute particulière pour la pierre de rivière ».
Le site de l’îlet à Guillaume, un lieu historique inscrit au titre des Monuments historiques
@corinetellier.re Photos : Conseil Départemental de La Réunion
L’Ilet à Guillaume est un plateau situé à 700 m d’altitude, enclavé entre deux remparts, résultant de l’effondrement d’une partie de la Plaine d’Affouches. Ce lieu isolé abrite une part de l’histoire méconnue de l’après-abolition de l’esclavage.
Une part d’histoire que le Département s’efforce de mieux appréhender et de valoriser, grâce à un travail de recherche mené en étroite collaboration avec la DAC Réunion, et le concours financier du FEADER. Certains randonneurs connaissent bien le sentier qui mène à l’îlet à Guillaume - de Saint Bernard à l’îlet - un site exceptionnel et particulièrement émouvant. Ce chemin d’accès aurait été construit par des enfants… En 1850, le gouvernement français décide d’établir des colonies agricoles pénitentiaires pour les enfants jugés « rebelles ». Ces maisons avaient pour objectif de « corriger » les jeunes délinquants et les ramener dans « le droit chemin ». C’est en 1856 que le premier pénitencier est créé à La Réunion dans le quartier de la Providence. Il est dirigé par les frères du Saint-Esprit et du Cœur de Marie. En 1863, des missionnaires font l’acquisition d’un terrain à l’îlet à Guillaume, un lieu idéal pour y bâtir un bagne pour enfants. Du temps de l’esclavage, ce lieu isolé aurait été un refuge pour les marrons, dont un certain Guillaume. Entre 1864 et 1879, ce site isolé a abrité une colonie pénitentiaire également gérée par les Pères de la Congrégation du Saint-Esprit. Deux cents enfants nés dans la période de l’abolition de l’esclavage étaient pour la très grande majorité des descendants d’esclaves
condamnés le plus souvent pour vagabondage ou pour vol. La vie dans de ce pénitencier hors du temps était réglée par la prière et le travail ; les détenus, des jeunes âgés de 8 à 21 ans étaient astreints à des travaux agricoles ; ils effectuaient les récoltes, s’occupaient de la basse-cour et construisaient également des chemins d’accès, des lieux de culte, des bassins… Nombre d’entre eux y ont d’ailleurs perdu la vie. Les vestiges enfouis sous une végétation luxuriante gardent précieusement la mémoire douloureuse de cette « prison sans barreaux ». Après 15 années de fonctionnement, le pénitencier ferme ses portes en 1879.
2016 - La réouverture du sentier historique depuis le quartier de la Montagne
L’accès à l’îlet offre aujourd’hui aux amoureux de la nature et aux passionnés du patrimoine, une randonnée dans un environnement naturel remarquable au cœur du Parc national.
2019 à 2021 – Des études archéologiques et historiques
C’est la première fois que la collectivité utilise le LiDAR pour un projet archéologique. Cette technologie permet, grâce à un balayage du sol par laser transporté par hélicoptère, de dresser une cartographie du relief sans toucher aux vestiges et en levant les obstacles liés à la difficulté d’accès du site et au couvert végétal dense. En parallèle, des études historiques et archéo-botaniques ont pour objectif d’identifier les vestiges repérés par LiDAR et d’étudier les différentes phases de cultures et de plantation sur le site.
Un financement bienvenu pour la réhabilitation du site
Ce site bénéficiera du financement du Loto du Patrimoine qui a pour objectif d’identifier le patrimoine en danger, de le sauver et de le valoriser. Un travail de mémoire d’envergure qui, avec le soutien de la Mission Bern et du travail engagé par le Conseil Départemental va connaître une autre dimension.