Concevoir l’espace public : Comment faire l’espace public pour le mouvement et la permanence? Le cas du campus universitaire de Montpellier nord.
Réalisé par Maria Laura SANCHEZ CADENAS Sous la direction de Anne SISTEL
Juin 2018 Projet de fin d’études - Mention Recherche Master II en Architecture ENSA Montpellier
Concevoir l’espace public :
Comment faire l’espace public pour le mouvement et la permanence? Le cas du campus universitaire de Montpellier nord.
Réalisé par Maria Laura SANCHEZ CADENAS Sous la direction de Anne SISTEL
Composition du jury : Anne SISTEL, Architecte, Urbaniste, docteur en géographie urbaine, Enseignante à l’ENSAM, Directrice de mémoire Khedidja MAMOU, Architecte, docteur en sociologie, Maître assistante à l’ENSA Montpellier, DE Situations Cathérine TITEUX, Architecte, docteur en histoire de l’art, Enseignante à l’ENSA Montpellier, DE Art et Architecture Jean PLANES, Architecte DPLG, Enseignant à l’ENSAM Pierre COURTADE, Architecte DPLG, Maître de conférences à l’ENSA Toulouse Catherine BERNIÉ-BOISSARD, Géographe, docteur HDR, Professeur des universités
Juin 2018 Projet de Fin d’Études - Mention Recherche Master II en Architecture École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier
Toutes les images utilisées dans ce document ont été réalisées par l’auteure, sauf indication contraire.
Avant - propos Ce travail est le début d’une mise en forme des questionnements et des recherches sur l’espace public urbain et sa place dans l’imaginaire et la pratique quotidienne des habitants et des usagers. C’est mon rapport particulier - vénézuélien - à l’espace public qui m’a fait me tourner vers la pratique « française » de cet espace. Mon esprit urbain a été modelé à Caracas : ville palpitante, contrastée, dangereuse, amoureuse, et capitale du Venezuela. J’y ai vécu depuis que j’ai des souvenirs et jusqu’au moment de venir à Montpellier en 2013. Ce voyage sans date de retour qui a commencé il y a cinq ans à l’école d’architecture de Montpellier, m’a mené aujourd’hui à mettre en mots et en traits ce qui me passionne et qui m’a fait poursuivre ces études : le rapport des gens à l’espace de la ville. Un espace que j’interroge en tant qu’espace d’habitation ; l’habitation de chacun par rapport au collectif, de chacun par rapport à son individualité, et donc notamment le traitement des limites entre l’espace public et l’espace privé.
Sommaire Introduction Un parcours d’études proche des habitants L’espace public du mouvement et de la permanence
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I. Outils théoriques Concevoir des espaces publics appropriables
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A. L’espace transversal : l’espace public à plusieurs axes B. L’espace social : la vie qui donne sens au bâti C. L’espace fonctionnaliste : encore d’actualité aujourd’hui ?
II. Situation urbaine Une poche hermétique dans la ville
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A. Le campus nord : un site à actualiser B. Limites du schéma mono-fonctionnaliste C. Le système d’îlot-île : isolement à l’extérieur
III. Réponses par le projet Faire rentrer la ville dans le campus
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A. Hypothèse : le Campus dans la ville, la ville dans le Campus B. Densifier : le vide conçu par le bâti C. Diversifier : redéfinition des usages D. Partager : un espace public décliné
Conclusion
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L’espace public pour la vie urbaine La ville se fait dans l’espace public
Bibliographie
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Annexes
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Introduction Un parcours d’études proche des habitants Ce projet de fin d’études mention recherche se présente comme une continuité du Mémoire réalisé entre la première et la deuxième année du Master. Il m’a donné le temps et l’opportunité de mettre en dessin, sur papier, et de tenter de donner forme en projet à une réflexion qui m’a accompagné le long de ces deux années : celle de la relation des habitants et des usagers de la ville à son épine dorsale, l’espace public ; et la manière dont l’architecture et l’urbanisme participent à la conception et l’établissement d’un cadre spatial qui rapproche l’espace public et l’expérience vécue. Le mémoire qui accompagne ce projet est un outil de compréhension de la situation particulière de l’espace public décliné sous la forme de la rue, explorant ses fonctions au-delà de la circulation, et les possibilités de pratique et d’appropriation que l’on peut y retrouver. Une méthodologie qualitative de rencontres et d’entretiens avec des habitants des rues commerçantes des quartiers résidentiels de Montpellier, contexte particulier choisi pour cette recherche, m’a permis d’entrer dans l’étude de cet élément de la ville par l’œil de l’habitant. J’avais eu l’opportunité de prendre contact avec certains de ces habitants lors des Studios et des Séminaires de Master, où la question du rôle de l’habitant dans la ville avait été très présente, notamment pendant un travail en deuxième semestre d’écoute et de proposition de projets, réalisé avec la commission d’urbanisme des conseils des quartiers de Montpellier centre. J’ai donc saisi le temps du Mémoire comme une opportunité pour poursuivre la recherche sur des sites que j’avais commencé à arpenter en début de Master. Des échanges avec les conseils de quartier de Montpellier centre est ressorti un constat clé pour mon choix de continuer le PFE en relation à la recherche du Mémoire : le centre ville est étoffé 10
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d’usagers extérieurs, notamment des étudiants, qui n’habitent pas tous le quartier, mais viennent y passer du temps en raison de sa large offre de commerces et d’activités diverses, diurnes comme nocturnes. Cette dynamique ne se retrouve pas dans les zones universitaires, qui elles offrent un usage ponctuel, et des activités principalement obligatoires.
L’espace public du mouvement et de la permanence
C’est pour ces raisons que je me suis intéressée au traitement de l’espace public et au fonctionnement général de ces zones qui aujourd’hui sont faibles en offre récréative, commerçante, ou de promenade.
L’espace public dans la ville est un espace de lien, de circulation et de mouvement. Mais il est aussi et surtout un espace d’expression des pluralités qui font la ville : des individus avec des manières d’être propres, avec des besoins de se regrouper comme de s’isoler, avec des intérêts divers, et des temporalités qui se développent à des rythmes distincts. L’espace public ne peut pas être réduit à sa fonction de circulation. Il a historiquement été l’espace d’activités méritant une plus longue durée d’occupation de l’espace : une discussion rapide entre des personnes qui viennent de se croiser, un café dans la boulangerie du coin, un moment de contemplation…Pourtant, l’espace public du Campus a été conçu et est en conséquence aujourd’hui toujours pratiqué comme un espace de contournement, un espace de mouvement, et non pas un espace d’activités de permanence.
Sur l’ensemble des zones universitaires est ressorti le Campus Nord. C’est le plus grand rassemblement d’entités universitaires, comprenant la Faculté des Sciences, la Faculté des Lettres, et le Centre Hospitalier Universitaire. Avec une emprise au sol similaire à l’ensemble du centre ville historique, la répartition des usages diverge fortement par rapport celle de ce dernier : une seule fonction par îlot, dans un site réparti en trois grands îlots, qui sont de plus fermés pour des raisons de sécurité. Cette situation est moins surprenante quand l’on réalise que le Campus Nord correspond à une opération des années 1960, c’est à dire à une mise en scène claire de l’urbanisme fonctionnaliste : un bâtiment, une fonction ; un morceau de terrain éloigné de la ville à développer ; des principes d’hygiène à préserver (accès à l’air, la lumière, l’espace libre) ; et une séparation des bâtiments et des circulations, avec une mise en valeur de la voiture comme moyen de transport. Toutefois, ce morceau de terrain n’est plus aujourd’hui à l’extérieur de la ville; et tant le recul du temps vécu sous ce fonctionnement, que des nouvelles manières de faire la ville durable avec d’autres rapports de priorité, nous font nous questionner au sujet du Campus Nord et de sa place dans la ville aujourd’hui. Notamment par rapport à la qualité de son espace public. 12
“Il est difficile de penser à la fois le mobile et le stable, l’espace urbain et le mouvement. (…) Le système de la rue se situe au croisement de ces deux nécessités : le construit est circulé. Le circulé est construit.”1 Jean-Loup Gourdon.
Quel type d’espace public doit donc offrir le Campus, un espace de mouvement ou un espace de permanence ? Quelles qualités peut-on garder d’une telle opération et comment l’actualiser morphologiquement, et en fonction des statuts publics ou privés, pour promouvoir une pratique plus ouverte des zones universitaires pour les usagers traditionnels et les habitants des alentours ? Quelles avantages auraient les habitants des alentours de la zone du Campus, ses usagers, et ceux du centreville à voir le Campus se transformer en un morceau de ville, en une nouvelle centralité de Montpellier ?
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GOURDON, Circulation urbaine : guerre ou paix ? p. 178 13
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I.
I.
Outils thĂŠoriques Concevoir des espaces publics appropriables 15
“The conventional representation of the street as a link has tended to reinforce the linear representation of the street, defined only through its movement function, and ignoring or subverting the other functions. While this definition is a useful simplification for the purposes of understanding the movement of traffic in a network, it omits other significant aspects of the street as a public space. Streets determine intra-city connections, while inter-road networks determine connectivity between cities.�2 ONU-Habitat 2 ONU-Habitat, Streets as public spaces and drivers of urban prosperity. 16
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I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
A. L’espace transversal
« La vida en el espacio urbano lo abarca todo: desde un intercambio de miradas al pasar hasta grandes manifestaciones. Caminar a través del espacio público puede ser un objetivo en sí mismo, pero es también el comienzo de algo nuevo. » L’espace transversal est un concept qui résume la première partie du mémoire de recherche qui accompagne ce PFE. Il s’agit de la pratique de l’espace public, notamment de la rue, autrement que dans son axialité (le long du trottoir, le long de la chaussée), et qui cherche à mettre en valeur les autres activités qui s’y passent, activement ou passivement, et à leur faire de la place, les rendre possibles par l’aménagement spatial : dès échanges des regards, jusqu’aux manifestations, comme le met en mots l’architecte et urbaniste danois Jan Gehl, la vie dans l’espace public est une immensité de possibles et l’aménagement de l’espace doit accompagner ces possibilités.
1. Dimensionnement et appropriation : l’espace de la société
L’espace public est la forme de la ville qui met la société en scène, le collectif. C’est le support physique de l’identité commune. Il doit donc d’une certaine manière être le reflet de l’identité de chacun, pour réussir à l’être collectivement. Pour cela, la possibilité d’appropriation à différents niveaux de l’espace public en tant qu’espace qui découle du privé, est un moyen pour chacun de s’impliquer dans cette identité commune, de la construire par le sentiment d’impact direct, de propriété de quelque chose qui autrement nous serait très éloigné, étranger. C’est ainsi, en s’identifiant à l’espace et aux flux sociaux, qu’un sens d’appartenance rentre en action et permet l’engagement ( par l’entretien, par l’usage, par le sens de propriété et donc l’investissement), et le relationnel (être quelqu’un, être quelque part, être connu et reconnu).
La rue crée un volume abstrait qui abrite des activités transversales (dynamique entre les fronts de rue) et qui est défini seulement si les dimensions, tant longitudinales que transversales, respectent un paramètre central : la contrainte humaine. Les pratiquants de la rue et de la ville sont principalement des Hommes. Ils se déplacent à des moments différents de leurs vies, i.e. à des âges différents, avec des niveaux différents de perception selon ses sens. Un espace public doit répondre en même temps aux généralités et aux particularités intrinsèques à l’humain. En ce sens, le dimensionnement des largeurs et longueurs des rues doivent répondre aux capacités du regard, de la pratique spatiale par la marche, des ambiances sonores perceptibles par le corps. Une largeur de plus de dix mètres par exemple, est plus avantageuse pour une circulation plus importante et dans des meilleures conditions des voitures, mais contraint la relation entre un front de rue et l’autre du point de vue des personnes ; les individus, attachés aux capacités de leurs corps, ne différencient pas les visages et ne peuvent pas établir une conversation simple à une telle distance. La largeur peut donc être une distance atténuant la possibilité d’interagir, d’établir des relations entre les usagers.
Schéma sur la rue linéaire et la rue transversale. 18
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I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
Distances selon les sens : Jan Gehl et la ville pour les gens L’espace urbain que nous concevons est principalement destiné à des individus; des individus qui dialoguent avec les autres éléments qui constituent leur entourage bâti, naturel, social. La conception de cet espace doit donc se faire par la prise en compte des besoins, des capacités, et des moyens de l’individu à établir des liens avec l’extérieur. Ce qui nous connecte à l’extérieur étant principalement notre dimension de corps cognitif, nos sens, avec ses opportunités et ses limites, l’espace devrait être conçu selon des dimensionnements qui soient à l’écoute de nos caractéristiques sensorielles. L’architecte Jan Gehl s’intéresse à cette question depuis plusieurs années. Principalement, il a conclu que nos sens se sont développés surtout horizontalement pour assurer notre survie. Ils suivent le sens de la marche , et notamment la vision, qui est elle plus naturelle et efficace vers l’avant. Tout comme ils nous ouvrent des portes vers la perception de l’extérieur, ils nous posent également des limites. Par exemple, on se sent beaucoup plus à l’aise dans l’espace public en ayant le dos protégé plutôt que découvert, sans savoir ce qu’il se passe derrière nous. C’est pourquoi on trouvera souvent plus confortable et sécurisant, de se reposer contre un mur ou un bord, qu’au milieu d’un espace vide, d’une place. Il y a également par rapport à la vue des rangs de distances qui nous permettent de voir différents niveaux de détail, ou de ne plus reconnaitre le mouvement d’une personne. Cette limite se situe à 100 mètres, tandis que le rang auquel l’on commence à reconnaître des expressions faciales est à 25 m. Ce n’est qu’à partir de 3 mètres que l’on peut établir des conversations avec d’autres personnes.
La ville à échelle humaine (Venice), et la ville à l’échelle de la voiture (Dubai). Source : Jan Gehl, Ciudades para la gente.
C’est ainsi que les sens sont un moyen clé pour dimensionner la ville en assurant son adaptation à notre perception, et donc aussi au rang d’action, d’interaction, de lecture des comportements des autres personnes, qui nous permettent de rentrer en dialogue ou non avec eux. Se protéger avec les bords : Des personnes attendent pour le bus contre la façade du magasin le plus proche, au lieu d’au milieu du trottoir. NY, Etats Unis. 20
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I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
2. Les cas d’études du mémoire : des espaces transversaux?
Les rues des faubourgs étudiées ont une largeur inférieure à dix mètres. Elles ont toutefois un aménagement différent qui influence directement la constitution de ce volume unifiant l’espace de la rue : la rue Marioge avec ses 5 mètres partagés et indifférenciés entre voie et trottoirs crée plus de proximité entre les différents usagers, quelle que soit leur manière de se déplacer. Elle est aménagée pour retrouver sur le même niveau une activité partagée entre un côté de la rue et l’autre. Une continuité est mise en place et favorise également l’établissement de relations de voisinage. L’espace n’étant plus infranchissable transversalement, ni fractionné en trois (trottoir, chaussée, trottoir), il devient fluide, perméable, ce qui permet sa pratique et son appropriation plus directe. C’est donc autant par ces dimensions que l’aménagement, et finalement les usages proposés, créent un espace transversal. Tandis que dans la rue Durand, qui se différencie de celle-ci par seulement deux mètres de plus de largeur, c’est l’aménagement séquencé (trottoir, stationnement, voie, stationnement, trottoir), qui crée des écrans divisant l’espace. La possibilité de communiquer d’un front de rue à l’autre se voit empêchée par les « obstacles » physiques qui cadrent l’espace (voitures garées, barrières entre le trottoir et la voie). La largeur de l’avenue de Fès, de 17 mètres environ, obéit quand à elle à une présence plus importante de bâtiments qui dépassent souvent la hauteur moyenne de quatre étages qui est la référence des rues des faubourgs. Cette largeur traduit aussi une volonté de quartier « aéré » , comme l’expriment les architectes et aménageurs de la ZAC. Néanmoins, en laissant « respirer » le quartier, cette largeur établit une situation d’espace ouvert. Ceci va à l’encontre du caractère d’espace public de quartier résidentiel appropriable par les habitants et usagers.
Les cas d’étude du Mémoire, du haut vers le bas: Av. de Fès (Malbosc), Rue Durand (Gare), Rue Marioge (Arceaux). 22
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I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
Relation espace physique /usages : bords doux, bords fertiles La rue étant l’espace public de transition entre le chez soi et la ville, elle doit proposer des traitements de seuil qui facilitent ce passage : travailler les transitions entre espace public et espace privé par la prise en compte des multiplicités des villes recherchées par les usagers : la ville du travail, la ville de la promenade, la ville du chez soi, la ville familiale… Si elles passent directement de l’une à l’autre, il n’y a pas d’entre deux et l’espace public est voué à devenir seulement un espace de mouvement, de passage ; il n’y aurait pas d’espaces de croisement, de rencontre, d’espaces pour les activités autres que celles obligatoires - qui nous mènent très souvent à pratiquer l’espace public seulement dans son rôle d’espace de circulation -, il n’y aurait pas d’activités optionnelles qui produisent de la vie sociale. Ces transitions se matérialisent notamment par les bords ; les bords bâtis qui encadrent la rue. L’architecte Jan Gehl les classe en deux types selon le degré d’interaction qu’ils mettent en place avec les passants : en bords doux ou durs. Les bords doux sont fertiles, ils induisent à des activités, offrent des espaces pour l’appropriation, pour des activités de durée moyenne ou longue (s’arrêter discuter avec quelqu’un que l’on a croisé, boire un café, s’asseoir vérifier l’adresse à vers laquelle on se dirige…).
Seuils d’entrée gérant la transition public/ privé d’une manière plus douce. 24
Bords doux et fertiles : des espaces qui invitent à les pratiquer autrement que par la circulation. Montpellier; New York. 25
I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
B. L’espace social
Un processus circulaire se crée donc : là où l’espace est accueillant et agréable pour les personnes en règle générale, plus d’activités optionnelles auront lieu, ce qui mènera aussi possiblement à des activités sociales (résultantes de celles optionnelles).4
1. Relation réciproque des usages et du cadre spatial «Que tanto el carácter como el nivel de magnitud que alcanzará la vida urbana están influidos por la calidad del espacio público es una conexión importante en sí misma. (…) Si hay vida y actividad dentro de la ciudad, hay numerosos intercambios sociales, mientras que si las calles están vacías y desoladas, no ocurre nada.»3 Jan Gehl.
La ville et notamment l’espace public sont structurés par la vie urbaine qui y a lieu. Mais elle est intimement liée à la qualité du cadre spatial de cet espace. Si un espace public n’est pas attirant par des activités autres que la circulation obligatoire, des activités pouvant mener à des utilisations de l’espace de manière plus spontanée n’auront pas lieu ; et ce fait sera incrémental : comme rien ne se passe, rien ne changera. L’architecte Jan Gehl a établi des liens entre les types d’activités réalisées et la relation des individus à l’espace où elles ont lieu, puisqu’elles portent un degré d’intérêt et d’attention de la part de la personne, qui fait que l’appropriation de l’espace ou son influence sur nos choix divergent. Il classe les activités en : activités obligatoires, optionnelles ou résultantes. Ces dernières sont le produit de la spontanéité amenée par les activités optionnelles, en appui du cadre spatial où elles ont lieu. Il s’agit des activités sociales, de la rencontre, des croisements non planifiés. Selon l’architecte danois, plus on a le choix de réaliser ou non une certaine activité, plus l’environnement spatial joue un rôle sur l’espace où elle aura lieu. Par exemple : s’il dépend de nous d’aller se promener quelque part, nous irons là où nous nous sentons le mieux, et de même pour un choix de trottoir dans une rue ou de café dans une place. Au contraire, pour les activités que l’on doit réaliser obligatoirement, le cadre spatial a peu d’influence puisqu’elles doivent être faites quoi qu’il arrive. Si on a un rendez-vous quelque part, il faudra aller à cet endroit même si l’espace physique n’est pas le plus accueillant.
3 GEHL, Ciudades para la gente. p. 22. 26
2. Épaisseur sociale et confiance du quotidien
La manière dont on s’approprie l’espace public, dont on le pratique, notamment s’il s’agit d’espaces proches de ceux d’habitation, dépend énormément du poids que l’on sent avoir socialement dans cet espace : les petites interactions du quotidien, les croisements hasardeux et répétés, donnent une sorte de poids, d’influence sur l’espace habité, pratiqué. La mixité d’usages participe à ce fait par le croisement de différentes temporalités d’usagers dans un même espace : un commerçant sur place tous les jours, verra les personnes du quartier aller et venir, il saura différencier les passants, des réguliers. Et inversement, pour les passants ou habitants, cette personne référence aidera à établir une confiance tacite dans l’espace public. L’altérité dans l’espace public est naturelle et importante, mais en la croisant avec un peu de familiarité, les processus d’appropriation peuvent aussi avoir une place plus naturelle dans notre manière de pratiquer l’espace public.
L’espace public anonyme n’appartient à personne, l’espace public familier nous ressemble plus, est plus appropriable. Image : Relationnel avec les commerçants de la rue Marioge, Montpellier, «arbitres»5 de cet espace public depuis longue date. 4 Ce sujet est plus largement développé dans la Partie II du Mémoire accompagnant ce PFE. 5 Sujet approfondie en Mémoire, Partie II : Interactions. 27
I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
C. L’espace fonctionnaliste : encore d’actualité aujourd’hui ?
Évolution du rapport à la ville : replacer les priorités
Le tissu fonctionnaliste, caractéristique de l’extension de Montpellier, quel lien au tissu des faubourgs?
Un grand moment de l’extension de la ville de Montpellier pendant le dernier siècle a été signé par les opérations urbaines d’envergure des années 60, porteuses des traditions modernistes. Elles étaient volontairement à l’écart de la ville historique puisque l’on cherchait de l’espace, et que le mode de vie que ces opérations mobilisaient était lui aussi en rupture avec le mode de vie traditionnel. Le facteur de dimensionnement principal est devenu la voiture, au lieu de la personne ; le «zonage» est rentré en pratique pour séparer les espaces de la ville par des fonctions spécifiques ; la recherche d’aération a mené à vider l’espace au sol, l’espace public.6 Tout cela a conditionné l’échelle des interventions de l’époque.
Toutefois, on voit actuellement les modes de vie de cette époque s’inverser peu à peu. Le temps vécu sous ce modèle a permis de commencer à prendre conscience aujourd’hui des problèmes que cette manière de faire la ville posait comme questions en termes de durabilité, de responsabilité écologique, et de relationnel des individus dans un espace public qui semblait très peu les prendre en compte. Notamment en ce qui concerne la pluralité d’usages qui pourraient - et avaient traditionnellement -, place dans l’espace public en plus de la circulation. Tout ceci a mené à remettre en cause la place actuelle de la voiture dans la ville, et ainsi la manière de concevoir les espaces publics, la relation du bâti à l’espace extérieur et la répartition des usages dans le tissu de la ville.
Témoin des modes de vie d’une époque : arrivée de la voiture
La vitesse particulièrement, permettant de franchir des distances plus longues en moins de temps, a produit un espace urbain adapté à ce rythme, habitué à ne pas produire des interactions régulières ni à communiquer avec les usagers ou habitants de la ville par l’espace physique pratiqué en commun, mais par des panneaux à grandes dimensions, par des systèmes actuels de «drives», par des bâtiments qui n’invitent pas à circuler à leur pied…on a donc fait la ville selon des consignes très distinctes de celles du centre historique, des faubourgs, de celles de la proximité spatiale et sociale.
6 Ces opérations étaient guidées par la Charte d’Athènes, document produit lors des Congrès internationaux d’architecture moderne entre les années 30 et 60. Plus de détails sur les proclamations de cette Charte peuvent être consultés en annexes. 28
Image sur les ensembles modernistes et leur impacte dans la qualité de la vie urbaine. Source : Jan GEHL, Ciudades para la gente. 29
I. Outils théoriques
Concevoir des espaces publics appropriables
A l’étranger, cette question est au centre des réflexions depuis longtemps. Au Danemark, des processus de libération de la voiture des espaces publics ont commencé à voir le jour dans la capitale dès les années 60, menant à une pratique plus importante des activités demandant de la permanence dans l’espace public, d’une durée plus longue, comme s’installer dans des cafés, discuter avec d’autres au bord de la rue, ou simplement s’asseoir et contempler l’entourage. Le graphique ci-contre illustre les résultats des études qui ont accompagnées ces opérations, et donc l’étalement des espaces où des activités de permanence commençaient à avoir plus de présence.
À Montpellier, des opérations récentes prenant la forme d’écoquartiers se posent la question de la qualité de l’espace public, du besoin de la mixité d’usages dans la création de nouveaux quartiers principalement résidentiels, et de la responsabilité écologique. Un exemple clair est Port Marianne, dont les travaux ont commencé au début des années 90 et se poursuivent encore aujourd’hui. L’enjeu majeur pour ces types d’opération concernant la création d’un tissu social actif, et qui se retrouve dans la spatialisation et aménagement des espaces publics, est plutôt le fait de la construction de tout un quartier à partir de zéro, ex-nihilo. L’identité devra se créer avec le temps, aucune accroche n’est déjà présente historiquement. Le réseau social urbain est également un facteur essentiel pour l’appropriation des espaces publics.
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Dans ce contexte global et local de mise en place de stratégies de requalification d’espaces urbains n’offrant pas tant de possibilités de vie urbaine, de lien entre le bâti, les usages et la pratique quotidienne ; ou de création de nouveaux quartiers avec un nouvel ordre de priorités et de modes de vie à mettre en valeur, il est aussi temps de réévaluer les espaces urbains modernistes de Montpellier. Dans ce cas, c’est la situation particulière du campus universitaire qui fera l’objet d’une étude et d’une proposition de projet de requalification des espaces publics et d’organisation fonctionnelle générale. Au vu des multiples enjeux qu’il représente pour la ville - une ville en croissance, une ville à l’identité et à la pratique étudiante à niveau national, mais sans centralité autour de sa plus grande zone universitaire, le Campus Nord - il faut dévoiler les potentiels de cet espace et proposer une transformation en centralité, en espace urbain hétérogène, effervescent et producteur de vie urbaine : vie étudiante, vue de proximité, vie pour les usagers des entités présentes sur le Campus, sur l’hôpital universitaire en faisant partie, et ouverture au reste de la ville. 1. Graphique de l’étude sur les activités dans les rues transformées. 2. Rues transformées à Copenhague entre les années 80 et 90. 3.Transformation de la 9th avenue de Manhattan à New York en 2008. Sources: Jan GEHL, Ciudades para la gente. 4. Aménagements des espaces publics à Port Marianne, écoquartier de Montpellier. Source: Agence Traverses
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Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville a. Le campus nord : un site à actualiser b. Limites du schéma mono-fonctionnaliste c. Le parcellaire et les systèmes d’îlots 33
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
A. Le campus nord : un site à actualiser
Pourtant, le quartier Hôpitaux-Facultés regroupe X% d’étudiants parmi ses habitants, et X% des ensembles universitaires de la ville. Il s’agit d’une zone à fort potentiel de centralité qui apporterait à la qualité de vie autant des habitants du quartier qu’à celle des usagers qui la pratiquent tous les jours, ayant un impacte collatéral et positif également dans le fonctionnement du centre-ville qui serait soulagé du devoir d’agir en tant que centralité majeure de la ville, notamment intéressante pour les étudiants.
1. Le site dans la ville
Montpellier est une ville marquée d’une part par son centre historique et la dynamique très commerçante et d’entonnoir de synergies urbaines qu’il génère en tant que centralité principale, et d’une autre par son statut de septième ville étudiante de France, et l’infrastructure et la dynamique que ce fait implique. D’entre elles, celle qui représente la plus grande emprise au sol dans un seul ensemble et le plus important regroupement d’usagers est le Campus Nord comprenant la Faculté des Sciences, la Faculté des Lettres (Université Paul Valéry) et le Centre Hospitalier Universitaire (CHU), ainsi que l’Hôpital Saint Eloi.
Campus nord Autres centres universitaires Centre-ville
Si près de 50% de la population de la ville est étudiante, et que le Campus Nord compte XXX usagers journaliers, il n’a pas développé depuis son inauguration entre les années 60s et 70s une place en tant que centralité dans la ville. Dû à sa monofonctionnalité, caractéristique des opérations de l’époque, cette immense entité bâtie (équivalente en taille au centre historique de Montpellier), est restée dédiée à sa fonction unique d’équipement universitaire. C’est-à-dire, fonctionnellement clos à la diversité d’usages qui pourraient accompagner une dynamique universitaire, hospitalière et résidentielle : commerces, marchés, magasins, habitations, divertissement, activités culturelles…etc., et qui rendraient l’ensemble vivant, actif à d’autres moments et pour d’autres raisons que celles strictement liées à l’Université et l’Hôpital.
Autres centres universitaires
Cette situation participe à la sur-demande du centre-ville comme lieu de vie, de rencontre, d’attractivité commerçante, de lieu de promenade principal de la ville, ce qui mène à des conflits d’usages récurrents entre les habitants, les usagers et visiteurs. Notamment vis à vis des étudiants, qui n’habitant pas nécessairement dans le quartier, y font vie à défaut de ne pas retrouver dans la zone Nord des universités et de leurs résidences étudiantes situées aussi aux alentours du Campus, une vie de quartier attractive pour y réaliser des activités autres que celles directement liées aux études, et dans des temporalités distinctes de l’Université. Plan des entités universitaires dans la ville de Montpellier par rapport à son centre historique. 34
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
2. Une situation géographique changeante au fil de l’histoire
Un campus à l’extérieur de la ville Le Campus de Montpellier Nord correspond à des constructions des années 60. Il a été conçu suivant les caractéristiques des opérations urbaines de l’époque : être à l’extérieur de la ville, regrouper des ensembles de bâtiments par fonctions spécifiques, et non superposées, suivre des trames régulières et aérées au vu de l’espace libre disponible aux limites de la ville, et qui permettait d’adopter des grandes dimensions pour les constructions. Sur l’image ci-contre, la différence importante d’échelle entre les nouvelles constructions du Campus et les ensembles des maisons individuelles présentes sur le site est déjà visible.
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Ainsi, le Campus s’est installé à environ 2 kilomètres du centre-ville de Montpellier, sur ce qui était à l’époque encore des terrains agricoles. Il s’agissait d’une zone encore sub-urbaine, malgré la présence de constructions telles que l’Hôpital Saint Eloi, historiquement existant sur le site, et de quelques ensembles pavillonnaires à l’Ouest.
2.
Zoom photographie aérienne zone du Campus nord de Montpellier, 1950 - 1965.
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1. Carte historique de Montpellier, 1950. 2. Photographie aérienne de Montpellier, 1950 1965. 3. Photographie aérienne de Montpellier, actuelle. Source : geoportail.gouv.fr
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
Les limites de la ville avant et aujourd’hui
D’autres éléments de la composition urbaine historique sont quand à eux restés inchangés malgré les transformations de la ville, comme la route de Mende. On reconnait déjà cet axe d’entrée au Nord de la ville sur les cartes historiques, qui maintient aujourd’hui toujours un statut et une morphologie de route, même au niveau des croisements avec la ville plus dense. Elle a des caractéristiques morphologiques de route jusqu’après avoir dépassé le Campus vers le Sud. Cet axe de déplacement n’a pas besoin d’être facilement franchissable transversalement puisqu’il n’établit aucun lien ponctuel avec l’environnement qu’il traverse - très souvent des zones agricoles ou non urbanisées.
Actuellement, la ville est arrivée jusqu’au Campus et a même dépassé cette zone. Il est désormais entouré de zones résidentielles, notamment pavillonnaires au Nord-Ouest et au Nord-Est, et au Sud et Sud-Est plus marquées par des ensembles de logements collectifs denses. D’autres institutions universitaires ont aussi continué à s’installer sur la zone Nord de Montpellier plus tardivement, à la création du Campus de la Faculté des Sciences et des Lettres. En effet, la ville a continué à s’étendre vers le Nord en s’accolant à l’emprise du Campus néanmoins sans le pénétrer. Il est devenu une forteresse moderne limitée par ses clôtures et murs qui le séparent de la ville alentour.
1. 38
1. Route de Mende signalée sur la photographie aérienne du Campus et ses environs. Source: Google maps. 2. Schéma de la route de Mende à la hauteur des Facultés de Sciences et des Lettres.
2. 39
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
et les usages des rez-de-chaussées sont plus en accord avec la circulation à la vitesse de la voiture que celle de la marche à pied. S’il s’agissait d’une échelle saisissable à la vitesse de la marche, les rez-de-chaussées des bâtiments seraient conçus selon un rythme de plus petites distances. En offrant plus de variété des fronts des bâtiments et d’activités à faire, les distances parcourues par le piéton semblent se raccourcir. Alors que si aucune activité n’est à trouver pendant de longues distances, l’espace devient peu attractif pour la personne et difficilement saisissable. Cependant, pour des déplacements à une vitesse de 60km/h ou plus, de longues distances sans attrait aux rez-de-chaussées ne sont pas un problème.
3. Le fonctionnalisme et les dimensionnements pour le corps
À l’époque de la construction du Campus, de grandes dimensions étaient recherchées, d’autant pour les constructions que pour les espacements entre elles. Au profit de l’hygiène, de l’accès à la lumière et au vent, on s’est écarté des facteurs de définition des dimensions urbaines plus sensibles aux ressentis du corps, aux sens, à la déambulation dans l’espace, et aux interactions sociales. Les dimensions des bâtiments les plus longs de la Faculté des Sciences allant jusqu’à 130 mètres, sont même à la limite du rang de la vision humaine pour reconnaitre le mouvement des autres. Ce qui implique une véritable déconnexion entre une extrémité et l’autre des bâtiments. Cette situation se reproduit dans l’ensemble du grand îlot. La même situation d’espaces surdimensionnés par rapport à l’échelle du corps et aux possibilités d’interagir dans l’espace avec d’autres se retrouve dans les voies qui contournent (puisqu’elles ne relient que vaguement) les entités entre-elles. L’exemple de la route de Mende illustré à droite est le plus marquant, puisque sur 30 mètres de largeur, seulement 1,5m de trottoirs de chaque côté, longés par des clôtures, sont dédiés aux piétons. Dans ce cas, ce ne sont pas les bâtiments mais des clôtures qui font le front de la route, et il n’y a aucune activité ou usage autre que la circulation.
Il s’agit d’architecture et de formes urbaines à l’échelle de la voiture. Les dimensions 1. L’architecture selon l’échelle de la vitesse : marche à pied/voiture. Source : Jan GEHL, Ciudades para la gente. 2. Image aérienne de la Faculté de Sciences, la Faculté de Lettres Paul Valéry et le CHU. Répétition des distances soulignées.
1. 40
3. Vue de la Faculté de Sciences depuis la Route de Mende. Derrière les grilles vertes, l’université Paul Valéry.
Plan des voiries publiques du centre ville de Montpellier au Campus. Rythme décroissant des croisements des rues : le plus on se rapproche du Campus, le plus éparses se font les traversées. 41
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
En s’appuyant sur les recherches de l’architecte et urbaniste danois Jan Gehl sur l’influence du fonctionnement des sens du corps dans le design de la ville, on peut analyser le dimensionnement de l’architecture du Campus pour identifier les opportunités et les limites qu’il pose à la vie urbaine, et à l’interaction des usagers qui pratiquent ces espaces.
Dans le cas de la trame du Campus, la distance entre les bâtiments est en général de 30 mètres, ce qui rend difficile l’interaction entre les personnes d’un bord à l’autre de la rue. Les autres sens au-delà de la vue et l’écoute entrent plus en jeu dans les rapports relationnels entre les personnes dans l’espace urbain, notamment à partir de 7 mètres, et s’intensifient avec la proximité : l’odeur, la température, le toucher. L’échange devient plus personnel et intime.
La vue et l’écoute La vue nous connecte et nous limite. Elle détermine les distances à partir desquelles on reconnaît les autres, ainsi que la capacité à différencier des détails d’expressions de visage ou corporelles. Selon le degré de détails que l’on arrive à reconnaitre chez les autres, le type de communication possible sera différent. C’est à partir de 100 mètres que l’on commence à reconnaitre si un objet ou une personne est en mouvement. Entre 25 et 100 mètres, il y a peu de variations dans la perception. Un point d’inflexion se trouve à 25 mètres, où les émotions et expressions du visage deviennent repérables, jusqu’à être finalement plus précises à partir de 3m50, : moment à partir duquel on peut établir des conversations plus naturellement.
130 m 100 m
Selon la distance à laquelle on se trouve des autres, le dialogue peut être unidirectionnel ou bidirectionnel : les salles de théâtre et de concert placent typiquement le spectateur à 35 mètres maximum du podium. Au-delà de cette distance, des équipements pour augmenter le son et l’image sont nécessaires. Une conversation entre deux personnes ou plus est plus confortable à partir de 7 mètres. Limite de la reconnaissance des expressions et émotions (déjà exagérées car théâtre) : 35m. Source : Jan GEHL, Ciudades para la gente.
130 m
50 m
30 m
Limite visuelle, reconnaissance du mouvement : 100m. Source : Jan GEHL, Ciudades para la gente. 42
30 m
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
B. Limites du schéma mono-fonctionnaliste
1. Usages homogènes
Le Campus Nord de Montpellier et son fonctionnement actuel sont le résultat d’une manière de penser la ville dans les années 60 : la séparation des usages en groupes de bâtiments prônait la mixité fonctionnelle. Cet éclatement a produit, entre autres, qu’un morceau de ville, de taille comparable au centre historique (cf. Plans comparatifs à droite) réponde à une seule fonction : l’universitaire. Elle est déclinée en différentes facultés, un centre hospitalier universitaire, des résidences étudiantes, et des pôles annexes de recherche développés plus tardivement. Une masse non poreuse car clôturée par des barrières longeant les grands îlots parcelles correspondant à chaque entité, est infranchissable ainsi non seulement physiquement - par les clôtures et le réseau de voirie hors échelle piétonne - mais surtout par son usage unique n’attirant pas des personnes autres que celles concernées directement par cette fonction. L’isolement est ainsi à la fois spatial et vécu. 0
100 200m
0
100 200m
Pôle Chimie Recherche Résidence étudiante
Fac Sciences
Résidence étudiante
Fac Lettres
CHU
Écoles Commerces
44
Plan signalant les usages principaux du Campus et les alentours.
Plans détail du centre-ville (haut), et du campus nord de Montpellier (bas).
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
Types d’activités et relation à la qualité de l’espace extérieur
On constate qu’effectivement, pour les universités comme pour l’hôpital, les activités les plus fréquentes sont celles qui sont obligatoires. Bien que pour les universités il y ait quelques cadres ramenant à des activités optionnelles, notamment autour des bâtiments à usages collectifs : la cafétéria, le théâtre de la Faculté des Lettres, les restaurants universitaires. Ils restent des équipement très ponctuels dans l’ensemble du Campus qui ne permettent pas de créer des centralités fortes, ni liées au quartier dans lequel se trouve cet ensemble.
Jan Gehl propose un classement des usages selon trois types d’activités et leurs relations, l’impact qu’ils ont sur l’espace physique et inversement : pour les activités obligatoires, l’entourage physique a peu d’impact ; pour les optionnelles, le contexte spatial joue un rôle plus important, et finalement les sociales sont en fait celles qui découlent, qui se produisent spontanément des optionnelles, donc l’espace physique y a une grande influence. La mono-fonctionnalité universitaire du Campus le conditionne à avoir une activité principale à caractère obligatoire, qui ne demande ainsi pas de qualité particulière de l’espace extérieur sur lequel on se déplace, ni produit d’autres types d’activités susceptibles de les incrémenter ni de les faire varier.
Activités
Le tableau de droite résume les activités actuellement disponibles dans le Campus et ses alentours (signalées par les croix), et l’intensité de leur pratique (la couleur la plus foncée indiquant les plus pratiquées, et ensuite en décroissance avec les tonalités de rouge).
Cours
Obligatoires
Théâtre Caféteria Residences universitaires
Hôpital
Urgences
X
X
X
X
X X
X
X
X
X
X
Visites Suivi
X
X
Restos U Traitement
X
X
X X
Bars
Schéma de la relation de la qualité de l’entourage physique selon les types d’activités. Source: Jan GEHL, Ciudades para la gente. 46
Restaurants Vie de quartier: Eglise Petits commerces, équipements Cinéma Commerces: Supermarché, pharmacie, boulangeries Banques, MEP
Resultantes
X
Bibliothèque Universités
Optionnelles
X X X
X
X
X
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
Faculté Sciences et Paul Valéry
Le quartier vit au rythme et aux horaires de l’Université. Les soirs et les weekends, le flux de personnes allant des entrées des facultés aux transports en commun disparaît, et le quartier reste presque vide. Les habitants n’ayant pas d’activités à faire à proximité, ils ne créent pas de vie urbaine dans ce temps. L’Hôpital, qui lui a une temporalité beaucoup plus variable, fonctionne tellement à l’intérieur de ses murs, et il y a tellement peu d’activités à l’extérieur pour les personnes venant rendre visite, que ses usagers ne participent pas aux dynamiques de l’espace extérieur.
50000
28463 étudiants 1263 enseignants 760 personnel CHU 10800 salariés 2001 lits 900 étudiants *2000 visiteurs environs Total d’usagers : 44187 Densité commerçante du quartier Hôpitaux Facultés
Usagers
Un des grands potentiels du site est la dynamique déjà instaurée par rapport aux universités et à l’hôpital, qui fait venir environ 45 mille usagers chaque jour. Bien qu’ils viennent pour des activités obligatoires, le potentiel se trouve justement dans l’offre d’autres usages manquants aujourd’hui pour une pratique plus diverse de cet espace, plus hétérogène en fonction des temporalités et des usagers à qui s’adresser.
Habitants
2. Les usagers journaliers : un potentiel du site
0,8 commerces / 100m
Faculté de Lettres Quartier Hôpitaux-Facultés
25980 Habitants
Faculté de Sciences Campus nord
44187 Usagers
48
CHU
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II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
C. Le parcellaire et le système d’îlots 1. L’espace urbain clôturé La zone du Campus est organisée par un découpage parcellaire correspondant aux caractéristiques essentielles de l’opération : une façon de faire la ville datant de presque 60 ans, la ville fonctionnaliste. Un bâtiment correspondait en forme et en usage à une fonction particulière. Ainsi, se sont développés des groupes de bâtiments tous dédiés au même usage, et regroupés sur la même parcelle, comme c’est le cas du CHU et de la Faculté des Lettres Paul Valéry, ou sur un ensemble de parcelles formant un îlot ouvert, mais ensuite clôturé pour le protéger et distinguer clairement les limites entre le foncier public et privé, comme on peut le voir sur la carte de droite. Mais ceci est un modèle qui n’est plus adapté à la pratique ni à la vision actuelles de la ville : une ville durable, une ville de mouvement et d’échanges, une ville d’interactions, où la fonction de circulation n’est plus seulement développée par la voiture, mais est au contraire encouragée à devenir multimodale. Ce qui amène le piéton au centre de la discussion, et donc un nouveau questionnement des dimensions du tissu de la ville : les rythmes des croisements, les répartitions des statuts du foncier et l’organisation des usages, qui définissent ensemble le comment on parcourt la ville.
Spatialisation des clôtures délimitant les îlots au croisement des trois entités principales du Campus.
Des îlots gigantesques, clôturés, sont physiquement isolés de la dynamique de l’extérieur et empêchent justement celle-ci d’interagir avec l’espace intérieur. Cette organisation spatiale, en plus du schéma mono-fonctionnel, transforment l’espace public en un espace de contournement. Les usagers le contournent pour aller d’entrée à entrée, tandis que les habitants le contournent simplement pour franchir des distances. Pour les habitants, il n’y a pas grand attrait à entrer dans l’enceinte du Campus, puisqu’il est très dédié aux activités universitaires. De ce fait, le déplacement perd en qualité de promenade et semble encore plus long selon la qualité du bord que l’on contourne, et les activités ou les interactions qu’il propose aux passants.
Parcellaire existant. Limites des équipements définies par des grilles ou des murs.
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51
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
L’importance de la qualité des bords Les clôtures ne créent pas seulement une division physique entre l’espace «interne» des universités et de l’hôpital et celui public de la ville, mais elles dessinent et définissent la qualité des bords qui sont ensuite contournés par le piéton de manière très proche (le trottoir suit les clôtures sur toute la longueur), et par les véhicules le long des voies qui sont marquées par les îlots. Il s’agit des bords durs qui n’induisent pas d’interaction visuelle ni de participation active avec ce qu’il se passe de l’autre côté. Des barrières donnant vers des espaces vides ou verts, ou encore des murs en pierre plus hauts que la hauteur d’œil, confinent l’espace du trottoir. C’est-à-dire que les distances qui étaient déjà longues (il y a environ 1 km entre l’arrêt de Tram Saint-Eloi et le rond-point Vert-Bois), deviennent encore plus longues notamment pour la perception du piéton qui à sa vitesse de marche (environ 5km/h) a une relation proche et de définition des détails de ce qui l’entoure plus importante que des personnes se déplaçant avec d’autres moyens de transport. La vitesse raccourcit les temps de réaction et fait ainsi varier la perception des images, des sons, des odeurs de l’entourage.
Gauche: Schémas illustrant les types des bords durs et doux. Droite : Image de la limite de la Faculté des Sciences avec la route de Mende signifiée par des grilles aux bords du trottoir (haut), et de la limite de Paul Valéry vue depuis l’intérieur vers la route de Mende spatialisée également par des grilles (bas). 52
53
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
La rue existe dans l’espace contenu entre les volumes bâtis et la possibilité de la transiter librement. Cependant, pour qu’elle soit un véritable espace de création de vie urbaine, il est préférable qu’elle respecte certaines dimensions qui permettent au corps, et donc aux personnes, de se retrouver plus confortablement entre elles et avec l’espace qui les entoure. C’est le dimensionnement, en plus de la relation du vide aux fronts bâtis, que fait des rues des espaces circulaires, transversaux. Ils ont un impact dans la pratique de l’espace autant par leur volumétrie que les détails des finissions des façades. Ce sont des éléments qui rentrent en dialogue directe avec les individus quand ils pratiquent la rue. Pourtant le constat dans la zone des universités est que les espaces publics sont très rarement des espaces circulaires, transversaux, et faciles à appréhender. La plupart des bords sont en fait définis par des clôtures et des mises à distances des bâtiments, ce qui rend difficile l’interaction directe avec ces fronts bâtis.
3. L’espace vide entre les bâtiments
La rue comme forme génératrice de la ville
« Que l’architecture contemporaine soit hostile à la ville classique est depuis longtemps une de mes préoccupations. Elle a produit ce paradoxe qu’est l’objet isolé, en liberté avec ses quatre façades, sans arrière ni avant. (…) Pourtant, la rue est bien l’unité d’un vide qui nie les objets, en les assemblant tous en une continuité. (…) Bien que déclarée morte par Le Corbusier, la rue a un avenir immense, car elle reste une forme simple et universelle, qui permet toutes sortes d’assemblages.»7 Christian de Portzamparc
Principal axe de circulation actuel, limite des facultés : distances de 150m.
150m.
Principal axe de circulation
Trame régulière Faculté de Sciences: distances 40m.
40m.
Trame régulière Fac Sciences
Tissu urbain mixte: distances 15m.
Schéma d’espaces vides entre les bâtiments 7 MASBOUNGI et COHEN, New York, réguler pour innover. p 120 54
15m.
Tissu urbain mixte 55
II. Situation urbaine
Une poche hermétique dans la ville
La discontinuité et la mise à l’écart des fronts bâtis par rapport à l’espace public non seulement favorise l’éclatement de cet espace qui n’est pas contenu par des bords continus, mais cela rend le fonctionnement urbain en général beaucoup plus morcelé. Le Campus est fait d’objets isolés, pratiqués de manière isolée, et non pas par une pratique d’ensemble, comme c’est le cas de la rue du professeur Grazet, l’axe de ville dense le plus proche du Campus. Le long de cette rue on se sent faire partie d’un ensemble, on est guidé dans le parcours, la ville nous parle par des bords doux, actifs. Ramener de la vie et des usages au Campus doit donc passer par une redéfinition des bords bâtis. Le traitement de la continuité et l’adéquation du rythme des façades à la vitesse de la marche à pieds, encouragent la promenade et l’utilisation de l’espace public non seulement pour circuler mais pour retrouver d’autres usages, souvent résultats d’actions spontanées.
La discontinuité des fronts bâtis est un facteur commun dans l’ensemble du campus.
Schéma des fronts bâtis. 56
57
III.
III.
RĂŠponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le Campus a. Le Campus dans la ville b. Densifier c. Diversifier d. Partager
59
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
Ce projet part du postulat premier de l’ouverture physique du Campus, de la redéfinition des limites du public et du privé comme besoin central pour le rendre traversable, pour le rejoindre à l’espace «extérieur», pour le faire dialoguer avec la ville. Ainsi, densifier à partir de la trame existante est une action qui vient compléter cette volonté de lien avec la ville. Elle permettra d’encadrer, de définir les nouveaux espaces publics. Il s’agit de modeler l’espace public par les volumes qui le délimitent.
à la ville avec des accès à la fois ponctuels et diversifiés, au lieu des accès centralisés du système des grands îlots existants actuellement. Ces nouvelles limites changeraient également le rapport du piéton à la rue. Cet espace deviendrait un espace circulaire, en partie grâce à son encadrement par des bords actifs : des limites qui participent et font participer à la vie tant de la rue que de l’intérieur, induisant des interactions entre les deux, agissant comme de véritables seuils de la ville.
A. Le Campus dans la ville Redéfinir le parcellaire : créer un espace traversable et multiple La proposition de découpage des cinq parcelles actuellement reparties entre le CHU et les Facultés des Sciences et des Lettres, ainsi que deux des résidences universitaires, Triolet (Sud-Ouest du Campus) et Vert-Bois (Nord), répondent à une intention d’ouverture de l’espace du Campus à la ville, par l’espace public et la mixité d’usages ; de le rendre plus facilement traversable selon différents modes de transport et de modifier le schéma d’activités proposé actuellement, passant d’une majorité d’activités obligatoires8, à une plus grande offre d’activités optionnelles, qui créent des cadres pour des activités résultantes ou sociales. Ces dernières étant celles qui remplissent le plus l’espace de vie urbaine, le Campus verrait sa dynamique se diversifier.
Plan du parcellaire existant.
Par cette nouvelle division parcellaire, les propriétés foncières seraient également revues, permettant à l’Université d’investir les profits perçus par cession de parcelles à des propriétaires privés, dans la construction d’extensions de bâtiments ou de nouvelles constructions, ainsi que la réhabilitation de bâtiments existants. Les espaces extérieurs passant à la charge de la mairie, l’Université pourrait concentrer ce budget dans les espaces collectifs leur appartenant aux cœurs des îlots. Les limites du privé et du public concernant l’Université seraient marquées directement par le périmètre des bâtiments donnant sur la rue, et non plus par des clôtures. En effet, les extensions de rez-de-chaussée et les nouveaux bâtiments venant compléter la trame d’anciens créeraient des îlots fermés. L’Université deviendrait poreuse et liée 8 Classement selon l’architecte et urbaniste danois Jan Gehl. Se référer à la partie I de ce document et au Mémoire de recherche pour une explication plus large du sujet. 60
Plan du découpage parcellaire proposé.
61
Route de Mende vers Montferrier
1. Transversalités possibles par le redécoupage parcellaire
Découper ces grands îlots en parcelles et îlots-parcelles, ainsi qu’amener de nouveaux usages, demande notamment d’adapter les statuts des voiries présentes sur le Campus actuellement dédiées à un usage collectif propre à l’Université (contrôles d’accès par badge, limites horaires), pour qu’il y ait une cohérence d’ouverture et de transversalité publique plus large, suivant un schéma multimodal, à l’opposé du privilège actuel de la voiture.
Faculté Lettres
700
Faculté Sciences
720m
Rue du
m
Truel
CHU
0m 25
Cette intervention cherche également à redéfinir les bords urbains des entités et à déterminer les sections des voies qui méritent un traitement particulier selon le contexte auquel elles font face : la route de Mende, qui traverse la zone du Campus entre la Faculté des Sciences et la Faculté des Lettres, ne devrait pas avoir le même traitement qu’une entrée de ville en ce point, puisqu’elle entre en croisement avec une zone urbaine, qui est à une échelle distincte de celle de la sortie d’autoroute. De même avec la rue de Truel, qui aujourd’hui étant à la jonction de la Faculté des Sciences et l’arrière de l’Hôpital, n’offre pas de traverses publiques.
m
850
0m
Faire rentrer la ville dans le campus
20
III. Réponses par le projet
1.Schéma Voiries publiques existantes. Route de Mende vers centre ville
L’échelle de découpage proposée transforme les îlots de 800m par 700 (prenant comme exemple celui de la Faculté des Sciences, composé de trois parcelles), en des îlots de 100m par 120 environ, ce qui induit une transformation importante de la route de Mende entre les deux facultés. Là où auparavant les voiries se croisaient tous les 700 mètres, il y a désormais une intersection tous les 100 mètres. Ce nouveau schéma d’organisation permet notamment de décliner les hiérarchies et ambiances des voies du Campus d’une manière plus diverse et adaptée aux usages que le plan existant, dimensionné pour les transports véhiculaires et mono-fonctionnalistes, et non aux transports multimodaux et à la mixité d’usages.
Route de Mende vers Montferrier
120 Truel
10
0m
Rue du
m
Ainsi, se définiraient des zones de flux principaux, très liées aux rez-de-chaussées commerçants et à l’axe de passage de la nouvelle ligne de tramway prévue route de Mende ; des zones plus calmes avec peu de flux véhiculaires, dédiées aux zones les plus résidentielles; des zones intermédiaires à la jonction de l’Hôpital et de la Faculté des Sciences; et une zone beaucoup plus verte et piétonne le long de l’axe du tramway existant, au niveau de l’entrée de l’Hôpital. 2. Schéma Voiries projetées. 62
Route de Mende vers centre ville
63
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
Voiries structurantes du Campus : du contournement aux liens Ci-contre sont illustrées les trois voiries principales du Campus aujourd’hui, en noir dans leur forme actuelle, et en rouge la proposition de transformation. Pour les trois, il s’agit plutôt d’une intervention par le changement des statuts du public et du privé que de création de nouveaux tracés de voiries.
1. La route de Mende est à la jonction des Facultés des Sciences et des Lettres, cependant aujourd’hui, elle ne propose par des traversées pour relier facilement ces deux sites.
2
1
3
2. La rue du Truel divise la Faculté des Sciences du Centre Hospitalier. Le projet propose de multiples traversées, ainsi qu’un lien par les parvis des bâtiments de la Bibliothèque et de l’Administration de la Faculté des Sciences, pour faire de cette rue un élément de vie et de promenade plus que de passage.
3. L’Avenue Emile Bertin-Sans est l’axe de passage de la ligne de Tram 1, et longe le Centre Hospitalier et une zone résidentielle et éducative au Sud. La proposition principale dans ce cas, est d’ouvrir les espaces verts du CHU à la ville en les reliant à cette avenue de déplacements doux.
64
65
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
C. Densifier: le vide conçu par le bâti
L’espace vide répétitif entre les bâtiments se présente comme une opportunité pour adapter les dimensions de l’espace public par le bâti. La densification vient redéfinir l’espace entre les bâtiments et tisser des continuités bâties, encadrant ainsi les espaces publics et créant des liens directes par des bords doux entre ce qui était avant le Campus et la ville. Ces nouvelles constructions deviennent la limite entre le public et le privé, qui ne se fait plus par les clôtures qui effaçaient le rapport du bâti à l’extérieur par une mise à distance. Cette intégration se complète par la proposition d’une mixité d’usages au sein du Campus même, notamment par le réinvestissement des rez-dechaussées existants et l’aménagement des nouveaux.
L’intervention bâtie sur le Campus a pour but de travailler au maximum avec l’existant, l’infrastructure étant en bon état et faisant partie d’un patrimoine matériel et historique d’envergure, témoin d’une époque clé pour la ville, et également immatériel, par la place que l’ensemble a dans l’imaginaire des montpelliérains.
1. Intervention architecturale afin de créer des espaces circulaires
Les suppressions de bâti proposées (voir plan de l’ensemble existant et les suppressions de bâtiments à gauche), correspondent aux constructions ne suivant pas la trame de base de l’ensemble. C’est le cas de la zone Sud de l’îlot de la Faculté des Sciences, et de certaines interventions ponctuelles au Nord de celle-ci et de la Faculté des Lettres, pour laisser place à un agencement plus dense de bâtiments alignés, avec une volonté de tissage des limites urbaines et de redimensionnement de l’espace public.
Eglise Cinéma
Plan d’ensemble existant et suppression de bâti. 66
Eglise Cinéma
Plan d’ensemble, bâtiments projetés. 67
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
2. Compléter la trame : extension et nouvelles constructions
La densification a comme objectif principal de modeler l’espace public pour le rendre appropriable à différents niveaux (selon les usagers, les temporalités, la spontanéité), et dans ce but différentes actions viennent donner forme à ce processus de densification : 1. L’extension en RDC et R+1 en façade des bâtiments existants, pour redéfinir les hiérarchies des voiries et proposer une nouvelle manière d’investir ces deux niveaux, qui sont une part essentielle de la vie de la rue ;
1
2
2. La construction des bâtiments venant s’insérer perpendiculairement à des bâtiments existants, hauts et bas, pour créer de nouveaux îlots; 3. La construction de nouveaux bâtiments à l’emplacement des bâtiments détruits, notamment au Sud de l’îlot actuel de la Faculté des Sciences, ramenant un rythme plus organique à la trame générale du Campus. Le projet se place également dans la situation actuelle du développement de l’«Opération Campus», un projet à échelle nationale de réhabilitation des Campus universitaires. Dans le cas de Montpellier, il prend forme à travers la construction de divers bâtiments emblématiques, se voulant éléments fédérateurs et vecteurs de «l’ouverture» du Campus à la ville. Or ces bâtiments suivent la même manière de penser la relation bâti-espace public qu’à l’époque de la construction du Campus : il s’agit d’interventions ponctuelles, isolées, qui ne créent pas de continuités avec d’autres bâtiments, et n’encadrent pas l’espace public, notamment la rue. L’Opération Campus propose des aménagements de parvis et de places devant ces bâtiments, mais ce sont des projets qui se développeront dans des phases postérieures à celle de la construction des nouveaux bâtiments. Ce sont des architectures qui se veulent porteuses de valeurs propres en tant qu’espace public, ne participant pas à l’amélioration de l’espace public dans son ensemble mais autour d’elles. L’intention de densification et la stratégie générale de ce projet de fin d’études est inverse à celle de l’Opération Campus en cours : elle vise à concevoir principalement l’espace vide, l’espace public, par le bâti, pour assurer la qualité et la cohérence du système d’espace public dans l’ensemble du projet.
68
3
Image du projet «Atrium», nouvelle médiathèque et tiers lieu dans le cadre de l’Opération Campus. Architecte mandataire SCAU. Coût 21 M€ HT. Début des travaux 2018. Source : operationcampus.fr 69
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
Dans ce cas, 30 mètres est la distance entre un front de bâtiment et l’autre, entre un trottoir et l’autre. Il s’agit d’un espace difficilement praticable et appropriable dans sa transversalité. Des extensions en RDC et R+1 ont pour objectif de redimensionner cet espace, passant de 30 à 10 mètres. Elles visent également à redéfinir les accès aux bâtiments existants. Elles seront vouées à des usages publics et collectifs uniquement, comme des commerces de proximité, des magasins, des salles de travail pour étudiants, chercheurs, enseignants, des espaces communs et des ateliers, entre autres. Les terrasses seront également accessibles aux usagers. Il s’agit de créer un véritable espace circulaire, entre les rez-de-chaussées de part et d’autre, et l’espace vide central.
3. Stratégies d’extension
Extensions des RDC La trame orthogonale du Campus prend forme en volume selon deux typologies principales : des bâtiments hauts en R+4, et des bâtiments bas en R+1. Ils sont distancés d’environ 30 mètres. Deux situations se répètent dans l’ensemble du Campus : des bâtiments hauts face à face, ou des bâtiments hauts face à des bâtiments bas. Elles sont illustrées ici schématiquement pour rendre visible le rapport d’échelle de cet espace vide par rapport à l’échelle humaine. La distance de 30 mètres est habituellement la distance minimale dans les théâtres afin que les spectateurs puissent écouter et regarder la scène, où par la scénographie et la performance, les émotions et gestes sont exagérés.
Coupe schématique bâtiments bas - existant
30m
Par cette intervention, le rythme visuel est aussi traité, créant par la variété des hauteurs (entre RDC et R+2) et des usages, de l’identité. Les barres aux façades tramées et monotones sur près de 100 mètres de long, deviennent de petits bâtiments qui divergent au rythme de 7 et 14 mètres, tout en suivant l’alignement des façades d’origine.
Coupe schématique bâtiments bas - extension
10m
30m
30m
Coupe schématique bâtiments hauts - existant 70
30m
10m
10m
Coupe schématique bâtiments hauts - extension
10m
71
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
4. Structure des parcelles : proposition pour des espaces publics déclinés Décliner les hiérarchies des rues de la proposition selon les caractères des espaces qu’elles relient, vise à mettre en valeur l’hétérogénéité proposée : aux axes principaux, les rues ont une fonction d’espace de vie public, commerçant et de déplacement fréquent; entre les îlots, il s’agit plutôt de la desserte et la vie locale, donc souvent les rues sont uniquement piétonnes ou à mobilité douce; aux alentours des espaces résidentiels, la rue se mêle à des frontages privés étalés devant les fronts des bâtiments. Cette nouvelle définition des hiérarchies va de la main également avec le travail sur l’existant et son adaptation à la trame présente sur le site. Trame orthogonale existante redimensionnée : Au cœur de l’ensemble de l’opération se trouve l’intervention qui suit le plus la trame existante des bâtiments de la Faculté des Sciences: ce sont des îlots-parcelles de 100 mètres par 120. Par le redécoupage parcellaire, nous cherchons à créer des espaces caractérisés, qui développent des identités particulières.
La trame irrégulière pour un usage plus intime :
Caféteria
BU
14m 50m 50m 50m
rd leva Bou
on piét
100m
BU- extension 100m
BU
Atrium
100m
Zone résidentielle
Zone cours
La trame choisie pour les nouvelles constructions organisées autour des équipements de quartier existants (l’église et le cinéma), entre la rue du Prof. Grazet et la rue du Truel, est plus irrégulière, puisqu’il s’agit principalement de zones résidentielles, où la variété des perspectives, des points de vues et des croisements est recherchée, ainsi que la création d’espaces publics plus intimes.
Atrium 50m 170m
100m
L’ensemble formé avec les parcelles de la Bibliothèque existante et le bâtiment de l’Administration, recrée le front de la rue du Truel donnant vers l’Hôpital. La division du parcellaire proposée dans la zone de l’Hôpital permet de rendre publiques certaines des voiries existantes, et donc rentrer dans un dialogue de transversalité avec ce front de rue. Les parvis verts de la Bibliothèque et le bâtiment de l’Administration deviennent des espaces publics ouverts vers l’Hôpital, et l’invitant donc à participer à la dynamique des espaces environnants, auparavant clôturés.
72
Hôpital
30m
45m
55m
Zone résidentielle
73
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
C. Diversifier : redéfinition des usages
Elle se doit d’offrir un cadre propice aux besoins quotidiens de ses usagers : où manger, où aller faire ses courses dans le cas des habitants, où s’épanouir entre ou après les cours, où se reposer, où lire, où se rencontrer et une infinité d’autres usages de proximité qui aujourd’hui sont très peu existants dans et autour du Campus. C’est la raison pour laquelle les usagers vont ailleurs, notamment au centre-ville, où ils trouvent une offre plus hétérogène et complète d’activités.
1. Des usages communs à la ville et au campus
L’espace public repose autant dans la morphologie et les désignations des statuts privé/public, que dans le choix des usages qui vont donner sens et vie à l’espace. À travers les cas d’études du mémoire, nous avons pu constater la différence des vécus et des systèmes d’appropriation des rues par les habitants selon les usages proposés. Dans la rue Durand, le tissu associatif et de voisinage n’était pas autant mis en place qu’ailleurs. Une des différences importantes par rapport aux deux autres rues étudiées, était le manque de commerces de proximité participant aux activités quotidiennes des habitants. Le constat est similaire au Campus, où des activités du quotidien, des activités optionnelles, selon le classement de Jan Gehl, manquent énormément. Notamment pour la quantité d’usagers qui pratiquent le site tous les jours, et ceux qui vivent aux alentours. Une partie de la ville à la fois universitaire, hospitalière et résidentielle ne peut pas se permettre de ne pas être une centralité en elle-même.
La proposition programmatique principale de ce projet est d’activer notamment les RDC (existants et nouveaux) avec des usages du quotidien, des commerces, des magasins et des salles à usage collectif (université, habitants, associations…), ce qui passe par la réorganisation du schéma généralisé actuellement en place dans le Campus, des parkings le long des trottoirs. Pour ce faire, les nouvelles constructions seront dotées des parkings souterrains, et des parkings silos seront construits (eux aussi incluant des usages de proximité en RDC).
Mathématiques Environnement Physique
Electronique
Amphis
Pôle Chimie Recherche
Amphis
Lgt. privé
BU
Philo.
Théâtre Musée. Amphis
Langues
Résidence Langues
Lgt. privé
Salles communes
Médiathèque
Lgt. privé Hôpital
BU
Cafét.
Ecologie
Résidence
Résidence étudiante
Fac Sciences
Art
Salles communes
Résidence BU
Lgt. privé
Lgt. priv
Politique Lgt. privé
Fac Lettres
Lgt. privé
Lgt. privé
Ciné Résidence étudiante
CHU
Hôpital
Eglise Lgt. privé
Écoles Commerces
Schéma de répartition des usages existants. 74
Lgt. privé
Axes commerçants principaux Axes commerçants secondaires 75
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
Ces systèmes se trouvent le long des rues commerçantes proposées dans l’aménagement du Campus et ses alentours. Les rues principales, la route de Mende transformée en avenue et le boulevard piéton créé dans une des actuelles voies internes à la Faculté des Sciences, sont illustrées dans les schémas ci-contre. Leur hiérarchie est traduite par le dimensionnement, ainsi que le fonctionnement de la transversalité : l’avenue de Mende étant un axe de raccordement multimodal central, elle crée plutôt des espaces différenciés le long de chacun de ses fronts ; tandis que le boulevard piéton cherche à valoriser les déplacements par la marche puisqu’il dessert les principales rues de la zone des salles de cours, qui est un espace de mouvements courts, fréquents et d’un caractère plus collectif que ceux ayant lieu sur l’avenue.
2. La vie des RDC : un ensemble avec l’espace public
Les rez-de-chaussées sont une partie essentielle de l’espace public : quand ils sont à usage public ou collectif, ils deviennent une extension de la rue. L’espace intérieur entre en interaction avec l’extérieur par le traitement des bords doux : des façades traitées avec des ouvertures permettant la traversée et le contact visuel, des aménagements fixes ou flexibles devant la façade permettant une appropriation éphémère de cet espace, le prolongement physique de l’espace intérieur vers l’extérieur. Suivant la typologie de la rue et son dimensionnement, il s’agira d’un espace circulaire d’ensemble, donc fonctionnant transversalement d’un front de rue à l’autre; ou d’espaces circulaires individuels de chaque côté de la rue.
Logements / salles de cours
Trottoir - terrasses : mouvement et permanence
Trottoir - terrasses : mouvement et permanence
Logements / équipements publics
Bâti existant : salles de cours
Terrasses collectives/ publiques : université, commerces
Terrasses Logements / collectives - résidences RDC ouvert vers la cour habitants étudiantes d‘îlot - espace collectif
Espaces d‘activités de permanence : vers les bords
Espace collectif à usage public
Trottoir 6m
Tramway 6m
Double voie 6m
Piste Trottoir cyclable 4m 2m
Espace collectif à usage public
Espace collectif
Espace collectif à usage public
Espace public Espace collectif à usage public
Espace collectif
Espace public
Schéma en coupe du projet sur l’Av. de Mende
76
Schéma en coupe du projet du Boulevard piéton. 77
III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
Les bords : accompagner la vie dans l’espace public « La vida urbana es un proceso que se retroalimenta. Algo ocurre porque algo ocurre porque algo ocurre. Una vez que un grupo de niños empieza a jugar, es probable que más niños se acerquen. Este tipo de lógica también puede aplicarse a las actividades de los adultos. Las personas buscan a otras personas.»9 Jan Gehl.
C’est également pour ajuster l’échelle des bâtiments à celle du corps et des 5km/h (vitesse de la marche), que le rythme des façades des extensions en RDC et R+1 sera plus varié que l’existant (monotone sur 100 mètres), à des dimensions entre 3,5 et 14m par bâtiment. Ce découpage s’adapte à la trame structurelle des bâtiments existants (3,50 mètres), permettant de créer des continuités avec ceux-ci, spatiales et d’usages. Les schémas ci-dessous illustrent les usages à trois niveaux : commerçant, collectif et privé.
La vie urbaine est un processus circulaire, constamment nourrit par ce qui se passe : algo ocure porque algo ocurre, «quelque chose se passe parce que quelque chose se passe», illustre le fait que la ville vit des processus incrémentaux. Les usages et le caractère des bords bâtis sont des éléments intimement liés qui participent à créer un cercle vertueux pour induire la vie et les activités sociales dans l’espace public : la présence de cafés avec des terrasses dans une rue, mènera à que les gens s’arrêtent, discutent, ce qui entraînera sûrement l’ouverture d’autres cafés, ou la mise en place d’aménagements publics. Si au contraire, rien dans la rue n’induit à s’arrêter, à interagir, personne ne s’arrêtera.
Le terme de commerces ici implique, des commerces de proximité, liés à l’Université et à l’Hôpital, mais surtout liés à la vie du quotidien, tant pour les usagers du Campus que les habitants ; par le collectif, des salles de travail collectives pour les différents usagers du Campus, des espaces à disposition pour les habitants, soit habitant l’immeuble ou venant de l’extérieur. Il s’agit également de salles polyvalentes pour des activités culturelles et sociales à l’échelle du quartier. Finalement, le privé est notamment compris comme du logement et des résidences pour les étudiants ou les chercheurs.
C’est le cas actuellement des rues internes à la Faculté des Sciences : comme les bâtiments de cours sont entièrement dédiés à l’usage universitaire, le passage entre eux n’induit pas à d’activités ni d’interactions autres que celles liées aux cours, et limitées par les seuls bords doux des bâtiments : les entrées au centre des façades et par les murs pignons.
BU
Av. de Mende Cafétéria
Façade sud du Boulevard piéton
Le Boulevard : intersection du mouvement et de la permanence Le choix de classer une des rues centrales au nœud des bâtiments à actuel usage universitaire en rue piétonne répond à l’intention de garder un cœur d’interaction à l’échelle de la marche et du corps, là où les déplacements au rythme des cours sont et seront les plus présents. Il s’agit d’une rue qui par son tracé actuel permettrait de relier la bibliothèque de la Faculté des Sciences à la Cafétéria de la Faculté des Lettres, potentiel inexploité aujourd’hui. Des aménagements par des extensions des bâtiments réadapteraient son dimensionnement à cette hiérarchie de déplacement et d’activités piétonnes. La jonction à la Faculté des Lettres se ferait par le traitement du parvis boisé de la Cafétéria en place publique (image dans la page suivante).
9 GEHL, Ciudades para la gente. La dimension humana. p. 64 78
Usage public Usage collectif Usage collectif-privé Usage privé
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III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
L’avenue de Mende : de route à espace public multimodal La requalification de la route de Mende s’impose comme une action nécessaire pour son traitement en tant qu’espace public, d’espace qui offre une pratique diverse de celle actuelle : la circulation. Ainsi, les bords définis par les nouveaux bâtiments qui complètent les îlots-parcelles, cherchent à induire cette pratique hétérogène de l’espace, à offrir un cadre spatial en cohérence avec les activités ouvertes au public proposées dans les rez-de-chaussées et R+1. C’est également par la redéfinition des circulations (à la fois les modes de transport et les vitesses), que des espaces circulaires se créeront sur chaque «rive» de l’avenue. Des trottoirs de 4 et 6 mètres deviennent des espaces publics en eux-mêmes, actifs et fertiles d’activités. Cette proposition accompagne aussi le projet de la ville de faire passer la future ligne 5 du Tramway par cette voie. C’est une opportunité de compléter un processus de transformation prévu, de l’inclure dans un projet plus vaste qui prévoit le travail des bords édifiés et des aménagements de l’espace longeant cet axe. Deux arrêts du Tramway dans l’espace du Campus sont proposées dans cette intervention avec l’objectif de multiplier les aires de desserte et donc la pratique de l’espace. Logements / salles de cours
Trottoir - terrasses : mouvement et permanence
Trottoir - terrasses : mouvement et permanence
Logements / équipements publics
La voiture adapte sa vitesse quand elle passe par cette tranche de l’avenue puisqu’elle répond au contexte proche qui l’entoure : une avenue, même si elle a la même hiérarchie dans l’ensemble de l’opération, ne peut pas répondre de la même manière tout le long de son tracé. Le contexte est forcément différent.
Le boulevard piéton est perpendiculaire et démarre dans cette avenue. Il rejoint la nouvelle place devant le parvis de la Cafétéria de la faculté des Lettres et la bibliothèque de la Faculté de Sciences. Donc deux équipements centraux pour la vie universitaire. Espace collectif à usage public
Trottoir 6m
Tramway 6m
Double voie 6m
Piste Trottoir cyclable 4m 2m
Espace collectif à usage public
Espace public
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III. Réponses par le projet
Faire rentrer la ville dans le campus
3. Distances courtes et multimodalité : compatibilité des vitesses « Pero en las ciudades, ¡caminar es mucho más que solo circular! Hay contacto entre las personas y la comunidad, se disfruta del aire fresco, de la permanencia en el exterior, de los placeres gratuitos de la vida y de las diversas experiencias sensoriales. En su esencia, caminar es una forma especial de comunión entre personas que comparten el espacio público. » 10 Jan Gehl, Ciudades para la gente.
Diversifier les modes de transport est comprendre que la vie urbaine est en elle même aussi très diverse, et que l’espace que l’on met à disposition pour elle, pour l’encadrer, l’accompagner, doit en être conscient. Il doit s’adapter en question d’échelle d’espace vide et d’espace construit, mais aussi en question des distances et des vitesses de chaque manière de se déplacer.
Schéma des vitesses et besoins spatiales des différents moyens de transport et des usagers. Source : Global Designing Cities Initiative. 10 GEHL, Ciudades para la gente. La dimension humana. p. 13 82
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Conclusion «On dédie trop à la forme urbaine, mais alors, à la vie urbaine, qu’en laisse-t-on?» Pierre Pinon
L’espace public pour la vie urbaine La ville est forme, la ville est vie : elle nous accueille dans nos individualités, dans nos espaces d’intimité, les espaces privés; mais elle nous demande de la faire vivre, de nous faire vivre, dans le collectif, par l’espace public. C’est dans ces espaces que se crée la vie urbaine, que se dévoile une grande partie de notre dimension sociale. Nous nous devons donc de nous offrir des espaces publics capables de nous accueillir dans nos manières infinies de nous retrouver avec les autres, de circuler, d’être seuls dans la masse du social, de faire, d’agir avec le spontané, de planifier, de faire des choix d’activités, de changer d’avis… En fin, de vivre des espaces publics qui nous rassemblent et qui nous ressemblent. Des espaces publics qui valorisent la diversité d’activités, de moments, d’émotions qui ont lieu dans la ville audelà du déplacement. Mais alors, comment faire des espaces publics qui valorisent ces activités, qui soient un espace pour la dimension sociale des individus? L’architecte et historien Pierre Pinon voit la ville comme le résultat d’un processus continu, fait de temps, d’histoire, de traditions. La ville étant un organisme en perpétuelle réadaptation, les changements brusques n’appartiennent pas à son rythme. Ainsi, le tissu urbain ne peut pas être inventé11, ou reproduit dans un temps court ; il appartient à un processus de temps long. Et c’est le cas du Campus nord de Montpellier : on a créé une pièce de la ville en dehors de son noyau central, voulant mettre en place une spatialité pour des nouveaux modes de vie qui étaient en rupture avec le déroulement naturel des manières de vivre la ville à ce moment là. 11 PINON, Peut-on inventer la ville? 84
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Ce processus de conception a produit un espace public du Campus qui était, d’un côté, en grande partie à caractère privatif, et d’un autre, dédié uniquement à la circulation ; la vie urbaine y était stérilisée. Réduite à une fonction, elle ne peut plus créer, induire ni reproduire les pluralités qui la caractérisent. Ce projet s’est donc placé dans cette problématique d’un espace si vaste et important pour la ville de Montpellier, mais sans espace public qualitatif, fertile, appropriable, pour essayer de faire de ce tissu - maintenant existant, fabriqué et quasiment intact depuis sa création -, un espace public créateur de vie urbaine.
La ville se fait dans l’espace public « The trust of a city street is formed over time from many, many little public sidewalk contacts. »12 Jane Jacobs Pour la journaliste et urbaniste américaine Jane Jacobs, l’espace de la ville devient un espace de confiance à travers les milliers d’infimes contacts qui se passent au niveau de la rue, des trottoirs, entre les personnes. Ces interactions font de l’espace un espace que l’on sent propre, que l’on s’approprie. Une appropriation déclinable dans ses temporalités et angles de pratique ; elle peut durer le temps de l’usage, ou bien à long terme pour le cas des habitants. Le fait de voir la rue comme un espace de vie, est une entrée pour faire de la ville en elle-même un espace d’interactions, un espace physiquement producteur de vie urbaine. Proposer ce projet au Campus Nord de Montpellier a été l’occasion de requestionner la forme et l’agencement des morceaux de ville conçus à d’autres époques envers les manières de faire la ville aujourd’hui. Les hypothèses proposées s’appuient notamment sur un retour à l’écoute des besoins des individus, en question d’usages mais aussi d’aménagement, leur faisant de la place en adéquation à leurs sens et leur capacités d’appréhender l’espace, de s’y retrouver et d’échanger. Ce sont des processus de transformation ayant déjà lieu depuis des décennies dans d’autres pays (au Danemark la question de la 12 JACOBS, The Death and Life of Great American Cities, p. 38 86
piétonnisation se pose dès la fin des années 60, aux Etats-Unis l’incorporation de pistes cyclables se fait à partir de 2008…), et en France sous la forme de nouveaux quartiers, des écoquartiers, comme par exemple Port Marianne, en construction depuis les années 90 : mais peu attaqués depuis la question de la forme des tissus existants très caractéristiques de l’époque des années 60. Envisager un travail sur un site comme le Campus me semble essentiel pour une ville à l’échelle et aux enjeux de Montpellier, si étudiante et avec un grand rythme de croissance. Le développement ne doit pas se faire sans regarder l’existant et les opportunités présentes pour recréer les situations habituelles et figées, des situations clés pour améliorer le cadre de vie des usagers, éteindre son rayon d’impact et donc également apporter des situations de développement de la ville, de sa dynamique : le Campus ouvert à la ville aurait potentiel à devenir une centralité à l’échelle premièrement des usagers concernés et des habitants du quartier (deux entités aujourd’hui dissociées), et ensuite à d’autres usagers de la ville. La diversification des usages est une situation gagnant-gagnant pour la ville en général : le quartier deviendrait une centralité plus hétérogène et attractive à différents usagers et acteurs de la ville, et à différentes temporalités ; le campus aurait de vrais atouts et un meilleur positionnement dans la ville comme espace capteur des flux et des dynamiques. Des transformations de ce type (implantation de nouveaux usages, d’offres de logement, d’améliorations en matière d’espace public hétérogène - pour des activités de permanence comme de déplacements), sur un site si vaste à proximité du centre de la ville, auraient un impact sur les mutations du quartier environnant : l’attrait par la mixité d’usages, ainsi que la présence des universités et d’un espace public accueillant, feraient sans doute se développer le marché immobilier, et vivre les nouveaux usages. Les tissus pavillonnaires à proximité directe du Campus pourraient voir évoluer leur structure en promouvant la densité eux aussi. 87
Le bilan d’une recherche sur plusieurs fronts Avoir démarré la recherche pour le Mémoire et le PFE sur une forme très précise de l’espace public, la rue, et sur des cas d’études particuliers, m’a permis d’avoir une entrée plus définie sur ce vaste sujet de l’espace public. Pour ces recherches sur les relations d’appropriation des habitants et usagers des rues commerçantes des quartiers résidentiels, j’avais choisi de commencer par une méthodologie plutôt qualitative que quantitative. Je préférais profiter du temps dans lequel le mémoire devait se dérouler, pour entrer en contact avec des habitants et acteurs des rues, écouter ce qu’ils avaient à raconter sur leurs engagements avec leur rue, les processus qu’ils avaient vécus et qu’ils avaient impulsés, les anecdotes de vécus dans ces espaces, et finalement leur vision de la rue comme un espace public au-delà du déplacement. Par cette entrée, j’ai pu continuer avec le PFE en ayant une base croisée de ressources sensibles des habitants, et des référents théoriques de différents domaines, qui m’ont permis d’aller directement chercher des solutions spatiales aux questions soulevées lors de la recherche préalable. J’aurais voulu pouvoir également mettre en place des processus de recherche qualitatifs auprès des utilisateurs du site et des habitants du quartier, mais le temps du projet étant si court, j’ai fait le choix de faire une analyse morphologique et des données de ce nouveau tissu - qui différait de celui des cas d’études du Mémoire -, et de croiser les résultats aux constats du Mémoire, et aux outils théoriques que j’avais mis en place.
88
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Bibliographie Mémoire de recherche : La rue extravertie : un espace public au-delà du déplacement. Le cas des quartiers résidentiels de Montpellier.
Ouvrages CALVINO Italo, Les villes invisibles, Barcelone, Gallimard, 2013. CHARMES Eric, La rue, village ou décor ? Paris, Creaphis, 2006. 157 p. GEHL Jan, La humanización del espacio urbano. La vida social entre los edificios, Barcelone, Reverté, reimpresión 2009. 215p. GEHL Jan, Pour des villes à échelle humaine, Montréal, Ecosociété, 2012. 273 p. JACOBS Jane, The Death and Life of Great American Cities, New York, Vintage books, 1992. 458 p. MANGIN David, PANERAI Philippe. Projet Urbain, Marseille, Parenthèses, 2009. 185 p. MASBOUNGI Ariella, COHEN Jean-Louis. New York. Réguler pour innover. Les années Bloomberg, Parenthèses, 2014. 223 p. MIKOLEIT Anne, PURCKHAUER Moritz. Urban Code, 100 lessons for understanding the city, Freiburg, MITPress et gta Verlag, ETH Zurich, 2011. 111 p. SOULIER Nicolas, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde et pistes d’actions, Paris, Ulmer, 2012. 285 p. WHYTE H William, The social life of small urban spaces, Michigan, Edwards Brothers, Inc. 7th printing, 1988. 125 p.
Sites internet http://projets-architecte-urbanisme.fr/la-charte-dathenes-modele-defonctionnalisme/ http://operation-campus.fr http://insee.fr http://kunstareal.de http://kelquartier.com
Ressources éléctroniques Conférence: PINON Pierre, Peut-on inventer la ville? Conférence inaugurale, Cité de l’architecture et du Patrimoine. Paris, Novembre 2009. Documentaire: TORRES Maria Gabriel, Sidewalking, 2017. Disponible sur : https://vimeo. com/221789059 Manuel: GLOBAL DESIGNING CITIES INITIATIVES, Global Street Design Guide, National Association of City Transportation Officials, New York, 2016.
Articles périodiques ONU-Habitat, Streets as public spaces and drivers of urban prosperity, Nairobi : UNHabitat, 2013. GOURDON Jean-Loup, Circulation urbaine: guerre ou paix? Les cahiers de médiologie 1998/1 (N° 5), p. 175-182. GOURDON Jean-Loup, Rue/voie spécialisée: formes urbaines en opposition. Dans Espaces et sociétés : infrastructures et formes urbaines. Tome II. Architecture des réseaux (N° 96), 1999, p. 51-66.
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Annexes Principes de la Charte d’Athènes «La Chartes d’Athènes a été rédigée en 1933 à l’occasion des CIAM : congres internationaux d’architecture moderne. Ces congres ont réunis de nombreux architectes et urbanistes entre 1928 et 1956 dans Le Corbusier était l’investigateur de ces recherches. Les principes proclamés par la Charte d’Athènes 1 : concept de zonage qui permet de répartir les espaces urbains selon 4 fonctions habiter/travailler/récréer/circuler . 2 : dissociation entre bâti et voirie 3 : voies hiérarchisées ( voies rapides/ dessertes locales puis voies d’accès aux bâtiments ou cheminements piétonniers 4 : bien-être accessible à tous, relatif égalitarisme 5 : les constructions en hauteur sont privilégiées , la nécessité d’aérer l’espace urbain est affirmée ; ainsi que sauvegarder les conditions d’ensoleillement et d’éclairage . 6 : des équipements scolaires , sportifs et de loisirs doivent être implantés à proximité des habitations . 7 : les zones industrielles ne doivent pas être trop éloignées des habitations pour limiter le temps de transport , elles sont séparées de la ville par des zones de verdure.»13
13 http://projets-architecte-urbanisme.fr/la-charte-dathenes-modele-de
fonctionnalisme/ 92
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Vue aérienne de l’Université technique de Munich et ses environs dans le centre ville. Source: Maximilian Dörrbecker, via Wikipedia.
200
m
100
m
230
m
120
m
120 m
Référents Campus ailleurs : TU Munich, deux îlots dans le centre de la ville
Vue de l’entrée principale de l’Université technique de Munich. Un bâtiment qui est en lien directe avec la ville. Source: Google street view.
Plan des emprises universitaires dans le Campus de la TUM. Source : tum online.
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Vue de l’Université technique de Munich depuis Luisenstrasse. Une relation proche à la ville mixte. Source: Google street view. 95
Opération Campus
Le Village des Sciences - Faculté de Sciences
L’Atrium - Faculté des Lettres
Documents graphiques des projets à venir et en construction de l’Opération Campus à Montpellier. Source: operation-campus. fr
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Référents d’ailleurs
Bords doux
Multimodalité
New York
New York Paris
Toulouse 98
New York
Paris 99
Processus de conception Étude sur la trame existante (bleu) et les prolongations (rouge)
100
Étude sur la proposition d’usages : Boulevard et Route de Mende
101
Travail sur la superposition d’usages : Boulevard
102
103
Recherche sur l’extension des RDC : Boulevard
104
105
Déclinaison des espaces publics
Recherche sur le dimensionnement et aménagement de la route de Mende
106
Recherche sur les stratégies d’extensions des bâtiments hauts et bas
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Remerciements À Anne Sistel, ma directrice de Mémoire et de Projet, qui m’a accompagné et guidé tout le long de ce processus de réflexion sur un sujet qui nous passionne, la ville. A Eva, Mathilde et Maryam, l’équipe avec qui j’ai partagé ce temps du PFE, pour l’écoute, les conseils et le soutien. A ma famille et mes amis, pour leur présence inconditionnelle.
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