Document écrit

Page 1

Expérimenter la ville

Malaurie Sannié DNAP Design graphique multimédia École supérieure d’art des Pyrénées, Pau 2014 / 2015



ExpĂŠrimenter la ville



Expérimenter la ville

Malaurie Sannié DNAP Design graphique Multimédia École supérieure d’art des Pyrénées, Pau 2014 / 2015



« Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles connaissent généralement, aux relations, aux travaux et aux loisirs qui leur sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent. »

Debord Guy Ernest, « Théorie de la dérive », Les Lèvres nues n° 9, décembre 1956.


11 • Introduction

13 • I. Appréhender la ville par la marche

27 • II. Collecter le réel 27 • II. 1. L’inventaire

13 • I. 1. La flânerie : entre perception sensible et connaissance de l’espace urbain

27 • II. 1. 1. Tentative d’épuisement

15 • I. 1. 1. Premières expérimentations : perception sensible de l’espace urbain

27 • L’observateur 27 • Inventaire d’itinéraires à expérimenter

15 • Le flâneur baudelairien 15 • Analyse du poème « Les Foules »

27 • II. 1. 2. Collecte et analyse de l’infra-ordinaire urbain

14 • I. 1. 2. Connaître sa ville

33 • Collecte par catégories 33 • Analyses d’éléments urbains

14 • Flâner pour « accueillir le monde » 14 • La flânerie par le jeu 37 • II. 2. La collecte par le son 21 • I. 2. Les chemins de traverses 21 • I. 2. 1. La dérive situationniste 23• I. 2. 2. La déambulation en périphérie de la ville

37 • II. 2. 1. Créer des Paysages sonore


55 • Conclusion

41 • III. La représentation de la ville par les cartes

57 • Bibliographie 58 • Sitographie

41 • III. 1. Retranscrire la pratique de la ville par la carte 41 • III. 1. 1. La carte réduit l’expérience 41 • III. 1. 2. Représentation de l’expérience vécue dans la ville 43 • III. 1. 3. Entre définition de la ville et transcription du vécu 49 • III. 2. Les cartes numériques 49 • III. 2. 1. Carte numérique et narration d’un lieu 49 • III. 2. 2. Carte numérique et réflexion sur la ville



11

Introduction

Au milieu du XIXe siècle, la révolution industrielle a provoqué de nombreux changements dans la société occidentale, notamment avec l’émergence des grandes métropoles, directement liée à l’exode rural. En effet, le développement de l’industrie a suscité de nombreux changements sociaux. L’apparition de machines dans l’agriculture a provoqué un excès de main d’oeuvre. Parallèlement, de nouveaux emplois se créent dans l’industrie. Nous assistons alors à une concentration de la population dans les grandes villes. Progressivement, il est apparu primordial de se regrouper autour d’un projet commun : organiser l’espace urbain afin de vivre ensemble. Les métropoles se développent et grandissent sans cesse. Appréhender l’espace urbain dans sa globalité devient alors difficile. Les habitudes et la manière de s’approprier le monde qui nous entoure sont bouleversées. La ville est synonyme de bruit, de mouvement, de vitesse. Pour Thierry Paquot « La ville moderne est celle de toutes les vitesses, de la foule, qui foule les trottoirs des boulevards, des changements imprévus, de la sur-mobilisation de tous nos sens » [1]. Ils sont en éveil et nous sommes sans cesse interpellés par un son, une odeur ou encore une lumière. Notre concentration s’éparpille à cause de toutes ces stimulations environnantes et nous n’arrivons pas à analyser cette ville. On passe d’un endroit à un autre sans faire attention, du moins sans s’interroger sur ce qui se passe autour de nous. Se questionner sur la ville permettrait de mieux la comprendre, de sublimer notre quotidien et dans un même temps mieux vivre en son sein. La modernité engage donc une nouvelle lecture de l’espace urbain par le prisme des sens. Cette nouvelle grille de lecture passe par l’expérimentation de la marche dans l’espace urbain. La flânerie et la déambulation dans la ville permettent une première approche de cette dernière. Il s’agit ensuite de collecter le réel. Pour cela, différents médiums existent : le texte, la photographie, la vidéo, mais aussi le son. Leur analyse permet une lecture et une compréhension sensibles du monde qui nous entoure. Des théoriciens, artistes et designers se sont emparés de ce terrain, dans le but d’expérimenter et de penser la ville. Des projets poussent dans les interstices de l’espace urbain.

[1] Paquot Thierry, L’art de la sieste, Paris, Zulma, 2008, p. 72.


12

Comment fait-on l’expérience de la ville ? Quels sont les outils permettant de mieux appréhender et vivre l’espace urbain ? Comment permettre aux individus d’être pleinement acteurs de leur ville ? Tout d’abord, nous verrons que l’expérimentation de la ville passe par la marche. En effet, elle fait entièrement partie du processus de production. Ensuite, nous évoquerons la collecte du réel. Cela permet d’analyser de manière sensible l’espace urbain. Enfin nous étudierons la représentation de la ville, ainsi que les démarches à travers la carte.




I. Appréhender la ville par la marche I. 1. La flânerie : entre perception sensible et connaissance de l’espace urbain

Expérimenter la ville, la ressentir, la connaître sont autant d’enjeux qui se pratiquent par la marche. Tout d’abord, la flânerie est un moyen de percevoir l’environnement urbain de manière sensible, afin d’en dégager des idées. Ainsi, la démarche d’un flâneur passe dans un premier temps par la réception de ce que la ville lui envoie, par l’expérience qu’il a de cette espace, puis il met a distance et l’analyse enfin d’en retirer des concepts. I. 1. 1. Premières expérimentations : perception sensible de l’espace urbain Le flâneur baudelairien Baudelaire est la figure du flâneur par excellence. La ville est pour lui propice à cette démarche et il est une référence historique pour tous les artistes qui utilisent cette pratique par la suite. Contemporain de l’ère industrielle, il rend compte de sa ville et s’inscrit dans cet espace. Il se rend disponible à cette vie moderne, à ses rythmes et aux mouvements qu’elle procure. Sa création artistique ne fait qu’un avec cette démarche. Il s’insère dans les interstices de la ville, il « herborise le bitume » [2] comme le souligne Walter Benjamin. Il s’introduit dans la foule, observe à une table en terrasse, flâne dans Paris, analyse dans les moindres détails chaque portion de vie, en d’autres termes, sent

[2] Benjamin Walter, Charles Baudelaire, édition Payot, Paris, 2004. [3] Baudelaire Charles, « À une passante », Les Fleurs du mal, Gallimard, Paris, 1857, p. 126. I. Appréhender la ville par la marche

et ressent la ville de tout son être dans le but de retranscrire et faire oeuvre. En plus de rendre compte de Paris à son époque, le poète fait d’un simple instant une éternité par la rédaction de ses poèmes. Les éléments qu’il croise sont de multiples actions, volontaires ou non, décrits avec minutie. En couchant ses instants sur le papier, il les immortalise. Par exemple, le poème « À une passante » [3] décrit la rencontre fortuite d’une jeune femme dont Charles Baudelaire tombe immédiatement amoureux. « Fugitive beauté / Dont le regard m’a fait soudainement renaître, / Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ? » [4]. Analyse du poème « Les Foules » « Les Foules » [5] est un poème, écrit en proses, de Charles Baudelaire issu du Spleen de Paris (ou Petits poèmes en proses). Dans ce poème, il nous fait part de la manière dont il crée. Pour cela, il va dans la ville et s’insère à la foule. C’est une sorte de voyage, un véritable art où il faut savoir créer un autre personnage que soi même. Pour lui cette démarche est assez naturelle, grâce à sa situation d’artiste : « il peut à sa guise être lui-même et autrui » [6]. Par ce bain de foule, il voyage dans l’esprit des gens qui l’entourent, s’imagine à leurs places, leurs vies, et « tire une singulière ivresse de cette universelle communion » [7].

[4] Baudelaire Charles, Ibid. [5] Baudelaire Charles, « Les Foules », Le Spleen de Paris (Petits poèmes en prose), Gallimard, Paris, 2006, p. 127 / 128.

[6] Baudelaire Charles, Ibid. [7] Baudelaire Charles, Ibid.

I. 1. La flânerie : entre perception sensible et connaissance de l’espace urbain

15


16

Il se donne entièrement à la ville et reçoit les évènements qui se déroulent sous ces yeux. La prose est aussi pour le poète un bon moyen de montrer l’expérience de la flânerie. Comme le souligne Walter Benjamin [8], elle n’a plus de rythme soutenu comme les alexandrins. On peut ici se laisser porter par une prose poétique et musicale sans rythme, ni rimes qui s’adaptent aux mouvements de la rêverie tout comme à la déambulation de l’artiste dans l’espace urbain. La modernité de la ville, par la foule, les bruits, les enseignes et les stimulations environnantes en général, sont pour Baudelaire sources d’inspirations. Il retranscrit ce qu’il voit et ressent et se projette afin de mettre en avant Paris à l’ère de la révolution industrielle. Par l’écriture de ses poèmes, il rend des instants de vie quotidiens immortels. I. 1. 2. Connaître sa ville par le jeu Flâner pour « accueillir le monde » Contrairement à la démarche de Baudelaire, la flânerie chez Pierre Sansot permet de faire une pause. Pour lui, la ville est synonyme de bruit et d’affairement. La flânerie permet de ralentir le rythme soutenu imposé par cette société moderne, afin d’« accueillir le monde » [9]. Elle passe par la marche. « Le bonheur de la flânerie ne surgit pas de ce que nous dénichons par le regard mais dans la marche elle-même, dans la respiration libre, dans un regard que rien n’offusque, dans le sentiment d’être à l’aise en ce monde, comme s’il était légitime que nous en retirions l’usufruit » [10]. On ne se laisse plus

[8] Benjamin Walter, Charles Baudelaire, édition Payot, Paris, 2004. [9] Sansot Pierre, Du bon usage de la lenteur, Payot, 1998. Rééd. Corps 16, 1999 et Rivages, 2000, p. 12. [10] Sansot Pierre, Ibid., p. 35.

imposer le rythme de la foule pressée, comme on peut le faire au quotidien. Il s’agit ici de prendre le temps de contempler ce qui nous entoure, de libérer le corps, par la respiration et dans le but d’être à l’aise dans notre environnement. La marche est aussi un moyen de mieux connaitre l’endroit où nous vivons, elle spatialise. C’est une façon de la découvrir, de manière plus ou moins exhaustive, afin « qu’elle nous livre enfin son vrai visage » [11]. La marche est d’ailleurs ce qui fait la ville. Par les martèlements des habitants, elle bat, elle existe. Ces déplacements créent un tissu urbain qui forme cette ville. La flânerie par le jeu Flâner est aussi pour Perec un style de vie. Il se contente soit de marcher dans la ville « J’aime marcher dans Paris. Parfois, pendant tout un après-midi, sans but précis, pas vraiment au hasard, ni à l’aventure, mais en essayant de me laisser porter » [12] soit en se fixant au préalable des objectifs à suivre « Parfois en prenant le premier bus qui s’arrête […]. Ou bien en préparant soigneusement, systématiquement un itinéraire. » [13]. C’est pour lui un véritable jeu de détective, d’enquêteur, qui arpente les moindres recoins, vit des expériences à chaque fois différentes - par exemple visiter une ville en se laissant guider par la couleur rouge ou encore à pieds puis dans un bus au premier étage. Cela change notre façon de voir le monde. Ce n’est pas la même expérience : « découvrir la ville d’un premier étage de maison ; là encore, la différence semble minime, mais, pourtant, tout ce que nous sommes habitués à voir apparaîtra ici d’une manière un tout petit peu nouvelle, dépaysante pour le regard et pour l’esprit » [14].

[11] Sansot Pierre, Ibid, p.41. [12] Perec Georges, Espèces d’Espaces, édition Galilée, 1994 / 2000, Paris, p. 124. [13] Perec Georges, Ibid., p. 124. [14] Perec Georges, L’Infra-ordinaire, Paris, Le Seuil, 1989, p. 80.

[1] Baudelaire Charles, « Les Foules », Le Spleen de Paris (Petits poèmes en prose), Gallimard, Paris, 2006, p. 127.


I. 1. La flânerie : entre perception sensible et connaissance de l’espace urbain

17

[1]

I. Appréhender la ville par la marche


18

[2]


La flânerie s’inscrit comme une expérience du vécu, de méditation, de questionnement sur la ville. Flâner revient à mieux connaître l’espace où nous vivons, dans le but de mieux vivre dedans. D’autres flâneries ont pour objet de questionner les espaces publics et sociaux d’une ville. Les expérimentations passent généralement par la déambulation et ont notamment pour objectif de conduire les citadins à s’approprier différemment la ville pour mieux l’habiter.

[2] Baudelaire Charles, « Les Foules », Le Spleen de Paris (Petits poèmes en prose), Gallimard, Paris, 2006, p. 128. I. Appréhender la ville par la marche

I. 1. La flânerie : entre perception sensible et connaissance de l’espace urbain

19



I. 2. Les chemins de traverses

21

I. 2. Les chemins de traverses

I. 2. 1. La dérive situationniste Redéfinir la ville, la façonner selon son ressenti fait partie de la pratique de la dérive. Elle se définit comme une manière d’errer dans un lieu afin de le découvrir et de vivre diverses expériences. Cette démarche consiste à se déplacer à travers différentes ambiances, en se laissant guider par ses impressions, par les effets subjectifs des lieux. La dérive urbaine a été définie en 1956 par Guy Debord, l’un des fondateurs de l’Internationale Situationniste. Il se questionne sur l’espace urbain notamment la manière dont nous l’habitons. Chaque jour nous empruntons le même trajet sans prêter la moindre attention à ce qui nous entoure. La dérive situationniste incite à suivre nos émotions pour regarder les situations urbaines d’un regard neuf au lieu d’être emprisonné dans une routine quotidienne. « Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles connaissent généralement, aux relations, aux travaux et aux loisirs qui leurs sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent » [15]. Le situationnisme propose, en plus d’intégrer l’art dans la vie quotidienne, une nouvelle forme

[15] Debord Guy Ernest, « Théorie de la dérive », Les Lèvres Nues, n°9, novembre 1956, p.7, www.larevuedesressources.org/ theorie-de-la-derive,038.html, 25/03/2015. [16] Debord Guy Ernest, Ibid., repris dans Davila Thierry, Marcher, Créer. I. Appréhender la ville par la marche

d’urbanisme unitaire. En effet, la dérive et la psychogéographie place l’individu au coeur de la réflexion, autour d’un projet urbaniste et architectural. La psychogéographie est « ce qui manifeste l’action directe du milieu géographique sur l’affectivité » [16] et s’intègre donc au concept de dérive. Elle participe à comprendre la façon dont l’individu peut être influencé par le milieu avec lequel il interagit. Dérive et psychogéographie permettent donc de comprendre l’organisation d’un espace grâce à l’expérience personnelle de l’individu. Les situationnistes mettent en avant leurs expériences par des cartes psychogéographiques. Elles ne se composent pas comme des cartes routières dont on a l’habitude de voir, mais par unités d’ambiances. En effet, sur la carte du Guide psychogéographique de Paris [17] la ville est disloquée en « petits îlots » dont les ambiances varient d’un à l’autre. La circulation est matérialisée par des flèches rouges qui nous indiquent comment passer d’une unité d’ambiance à l’autre. Les situationnistes dérivent dans la ville afin de l’expérimenter. Cette démarche permet de mieux connaître l’organisation de notre espace de vie et met en évidence différentes ambiances vécues. Tandis que les situationnistes

Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Regard, Paris, 2002, p.30. [17] Debord Guy Ernest, Guide psychogéographique de Paris, Discours sur les passions de l’amour, pentes

psychogéographiques de la dérive et localisation d’unités d’ambiance, dépliant Bauhaus Situationniste, Copenhague, 1957.


22

[3]

[4]


marchent dans un espace construit et organisé, le Laboratoire Stalker s’intéresse aux lieux abandonnés. I. 2. 2. La déambulation en périphérie de la ville Le Laboratoire Stalker dénonce la construction même des villes. Pour cela, il arpente les terrains vagues, les lieux abandonnés par la cité, qui ne cesse de s’étendre et laisse de côté des espaces déchus. Stalker est un collectif composé d’une vingtaine de membres essentiellement issus de l’architecture. Ces architectes ne s’intéressent pas à l’édification de bâtiments ou d’habitations pérennes, mais à la façon dont les citadins circulent dans la ville en fonction de son aménagement. Ils se focalisent plus précisément sur les terrains vagues, les territoires abandonnés qui sont le théâtre d’échu de l’organisation urbaine. Le terme « Stalker », qui signifie « passant » en anglais, est issu du film Stalker d’Andreï Tarkovski [18] où deux personnes passent d’une ville habitée à un endroit abandonné dont l’accès est interdit. Dans ce monde se trouve une chambre dans laquelle tous les souhaits peuvent se réaliser mais c’est avant tout un lieu de doute et d’errance. Ainsi, pour analyser les territoires abandonnés, Stalker choisit de les arpenter. Comme le souligne Thierry Davila [19], c’est un réel travail du regard qui ne peut se fixer sur des indications d’orientations puisque les signes et les symboles manquent, contrairement à une architecture ordonnée. C’est aussi un exercice de mobilité qui déconstruit le cadre

[3] Stalker, Arpentage à Rome, 1995. [4] Ibid.

I. Appréhender la ville par la marche

intellectuel, psychologique et social que nous entretenons habituellement avec la ville et son architecture. Stalker foule le sol, expérimente un territoire, où se mêlent organique et minéral, par le déplacement. Ces zones sont de véritables rebuts oubliés par les habitants des villes et refoulés par la conscience en général. C’est une sorte de « cité inconsciente » [20] qui vit à côté d’une cité, au contraire consciente et parfaitement organisée. Le laboratoire Stalker s’inscrit dans la lignée des dérives situationnistes qui, comme on a pu le voir précédemment, préfèrent déambuler dans un espace urbain construit et structuré. Les situationnistes, contrairement à Stalker, dérivent dans le construit de la ville et non à sa périphérie. Il s’agit pour ces derniers de détourner temporairement les organisations spatiales de la ville en la pratiquant différemment. Arpenter les zones abandonnées, c’est occuper l’espace, créer un nouveau territoire qui ne se construit plus au fur et à mesure du temps, mais se transforme, se désagrège. Il s’agit d’appartenir, pour un instant, au pur mouvement. Ces paysages sont des « non-lieux », ces zones de non-rencontre qui ne se nomment pas, comme l’entend Marc Augé [21]. Il ne sont pas indiqués, comme peuvent l’être une ville ou un quartier, ni traversé, et donc pas vu par ses contemporains. Ce sont des territoires en attente, qui restent à nommer et sont de ce fait en marge de la société moderne. Ils sont aussi un espace de rupture qui invente son propre temps, qui a une durée différente à celle de la ville. Ces territoires abandonnés se situent donc dans les interstices à la fois de l’espace et du temps.

[18] Tarkovski Andreï, Stalker, 1979. [19] Davila Thierry, Marcher, Créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Regard, Paris, 2002.

[20] Ibid., p.124. [21] Augé Marc, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, Paris, 1992.

I. 2. Les chemins de traverses

23


24

[5]


La marche de Stalker se fait en trois étapes : accéder au territoire, le traverser et percevoir ses devenirs. Toutes les trois sont imbriquées. Pour accéder au territoire il faut franchir des frontières ou escalader des grilles, ce qui n’a de sens que s’il y a dérive. De même, penser à des devenirs n’existe qu’après avoir arpenté un territoire. Par cet accès, les membres du collectif découvrent un territoire et, en le traversant, en crée un nouveau. Dans un même temps, cette traversée est aussi synonyme d’expériences. Pour mettre en avant cette expérience, ils ont recours à la photo, à la vidéo et à la carte géographique. Cette dernière n’est pas une représentation « exacte » du territoire parcouru, mais bien celle de l’expérience vécue. Ce n’est pas une élaboration des faits, mais une expérimentation du réel qui est mise en avant. Par exemple, Planisfero Roma [22] est la représentation de l’arpentage à Rome en 1995, qui fut le plus long (soixante-dix kilomètres) et qui a réunit le plus de participants. La ville répertoriée est représentée en jaune tandis que les terrains vagues sont représentés en bleu. Le parcours accompli est indiqué par une ligne blanche. Cette carte nous fait perdre les repères établis, nous désoriente. C’est un rendu visuel de l’expérience vécue.

sur les espaces publics et sociaux que nous partageons. Par la déambulation, nous faisons une expérience sensible de la ville, tout en apprenant sur la façon dont elle est agencée. Cette démarche permet aussi de s’approprier la ville différemment afin de mieux l’habiter. La collecte d’éléments est une seconde étape dans l’appréhension de l’espace urbain et montre de quelle manière la ville est composée.

Le Laboratoire Stalker est dans une expérience de la marche pure, celle qui engage le corps, mais aussi donne à penser. Il dénonce, par l’arpentage de lieux en friches, l’aménagement urbain qui ne cesse de se développer en mettant certains espaces en marge. La marche est une première étape afin de définir la ville. Elle permet de spatialiser l’espace urbain et d’engager un questionnement

[5] Stalker, Planisfero Roma, 1995.

I. Appréhender la ville par la marche

[22] Stalker, Planisfero Roma, 1995.

I. 2. Les chemins de traverses

25



27

I. 1. L’inventaire

II. Collecter le réel II. 1. L’inventaire

II. 1. 1. Georges Perec, tenter d’épuiser le réel perçu Décrire ce qui nous entoure nous donne la possibilité de mieux connaître l’endroit où nous vivons, de mieux le comprendre et donc de mieux l’appréhender. L’observateur Georges Perec s’est attelé à cette tâche. En octobre 1974 il s’installe pendant trois jours consécutifs à la place Saint-Sulpice à Paris [23]. À différents moments de la journée il note tout ce qu’il voit et établie ainsi une liste représentant la vie quotidienne, sa monotonie, mais aussi les variations infimes du temps, de la lumière, du décor, du vivant. Au cours de la lecture c’est une véritable poésie urbaine qui s’installe. Lorsque nous nous déplaçons, nous ne portons pas attention à ces petits riens. Nous allons d’un point à un autre sans appréhender véritablement l’espace. Un encombrement sur un trottoir n’est vu que parce qu’il est un obstacle dans notre marche. Les devantures de magasins ou l’architecture des bâtiments nous laisse indifférents. Perce nous délivre de cette vision, uniquement pratique, pour mobiliser nos sens et apprendre à observer, regarder la ville différemment, tout d’abord dans sa globalité pour aller au fur et à mesure au fond des choses.

[23] Perec Georges, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, Titres, Paris, 1982. II. Collecter le réel

Inventaire d’itinéraires à expérimenter Toujours dans le but d’appréhender la ville d’un regard aiguisé, Georges Perec propose divers trajets qu’il a expérimenté afin de rompre la monotonie de notre quotidien. Par exemple « Essayer de calculer, en s’aidant de cartes et de plans adéquats, un itinéraire qui permettrait de prendre successivement tous les autobus de la capitale » [24] ou encore le plus court trajet en empruntant le plus de rues possibles. L’objectif est de déplacer le regard que nous avons sur la ville, non plus dans la répétition incessante du quotidien mais avec des variations plus ou moins infimes, par le jeu. Amateur de jeux et amoureux de la ville de Paris, il propose dans son ouvrage Perec/rination [25] des mots croisés, des énigmes et des parcours sur la ville de Paris. C’est une visite guidée à travers le temps et l’espace qui s’engage ici. II. 1. 2. Collecte et analyse de l’infra-ordinaire urbain Dector & Dupuy est un groupe composé de deux artistes, des mêmes noms, qui sont réputés depuis une vingtaine d’années pour leurs visites guidées , performatives et artistiques. Ce sont des archéologues de l’espace urbain. Ils glanent, collectent tous les signes de conflit de l’espace public : des tags, des affiches, divers objets qui encombrent les lieux.

[24] Perec Georges, Espèces d’Espaces, Galilée, Paris, 1994 / 2000, p.130.

[25] Perec Georges, Perec/rination, Zulma, Paris, 2014.


28


I. 1. L’inventaire

29

[6]

II. Collecter le réel

[6] Perec Georges, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, Titres, Paris, 1982, p. 10 / 11.


30


I. 1. L’inventaire

31

[7]

II. Collecter le réel

[7] Perec Georges, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, Titres, Paris, 1982, p. 12 / 13.


32

[8]


Ils proposent un regard décalé sur la ville afin de s’interroger sur elle et la façon dont elle est habitée. Il s’intéressent aux signes, aux traces sur les murs ou les façades et aux activités de ses habitants. Il s’inscrivent dans la logique des dérives situationnistes, mettent en lumière les divers usages et de quelle façons les citoyens s’approprient l’espace urbain. Collecte par catégories Dector & Dupuy sont de véritables glaneurs de l’espace urbain. Ils récoltent par la photographie divers éléments de l’espace urbain qui les intéressent. Ils les classent ensuite par catégorie. Il existe cinq catégories : « Caviardages & repeints », « Slogans », « Empêchements », « Coincements » et « Dépôts ». Ce sont des Repérages [26] faits durant leurs déambulations. « Caviardages & repeints » [27] sont des photographies de graffitis repeints pour qu’on ne les voit plus. La couleur de la peinture du recouvrement est différente à celle du mur. On observe plusieurs techniques de dissimulation. Soit le signe a été recouvert à l’aide d’un rouleau, dont le résultat sont des aplats de peinture, soit à la bombe de peinture, ce qui donne visuel raturé, ou encore d’autres personnes se sont emparés du premier message en ajoutant des lignes de peinture afin de créer un nouveau visuel, plus abstrait. « Slogans » [28] est une collecte de différents messages, plus ou moins politiques, sur différents supports qui sont des murs, des portails, des enseignes publicitaires, des barrières de circulation, des panneaux de signalisation et des vitrines.

[8] Dector & Dupuy, Repérages, dectordupuy.com/tagged/rep%C3%A9rages, le 15/03/2015.

II. Collecter le réel

« Empêchements » [29] sont les différentes façons de bloquer un passage comme les niveaux dans les parkings qui arrêtent les véhicules trop hauts, des piques qui ne permettent plus aux pigeons de se poser et de multiples systèmes qui empêchent de s’installer. Cette partie a aussi une portée sociale. Ces derniers « empêchements » sont surtout mis en place pour interdire les sans abris de s’installer sur ces lieux. « Coincements » [30] sont des déchets bloqués à divers endroits, entre un mur et une descente de gouttière, deux planches d’un banc, deux branches ou encore sur un grillage. Les « Dépôts » [31] quant à eux sont des divers déchets entreposés dans l’espace urbain. Cette collecte est une première étape de leur travail. Par la déambulation, ils examinent une ville de manière plus ou moins objective. Par la suite, ils font une analyse très détaillée des données qui les ont intéressées. Analyses d’éléments urbains Grâce au médium vidéo, Dector & Dupuy nous font une analyse d’éléments qui s’insèrent aux interstices de la ville. Hier [32], pilote pour EDENROCTV, est une explication de ces divers éléments. Durant la vidéo, ils font une analyse d’un slogan qu’il avaient repéré la veille mais qui a été effacé entre-temps. Tout en l’analysant, il expliquent aussi au spectateur la manière dont il était composé. Ils prennent des mesures et décrivent son inscription dans l’espace. D’après eux, ce graffiti est trop petit pour une réelle visibilité

[26] Dector & Dupuy, Repérages, dector-dupuy.com/tagged/ rep%C3%A9rages, le 15/03/2015. [27] Dector & Dupuy, Ibid. [28] Dector & Dupuy, Ibid. [29] Dector & Dupuy, Ibid.

[30] Dector & Dupuy, Ibid. [31] Dector & Dupuy, Ibid. [32] Dector & Dupuy, Hier, résidence de production vidéo, Edenroc.tv, La Valise, Nantes, 2012, dector-dupuy.com/tagged/ video, le 15/03/2015.

I. 1. L’inventaire

33


34

[9]

[10]


à cause de son support, un mur d’environ trois mètres de haut. Ensuite, ils analysent le geste de l’auteur ainsi que la typographie. L’inscription « NON À L’AEROPORT ! MANIF’ LE 24 MARS » a été écrite à la bombe de peinture noire et est au niveau du corps. Au fur et à mesure de l’écriture, la taille de la lettre est moins importante. Pourtant, le haut des lettres est parfaitement aligné avec une ligne du mur dessiné par un bloc de béton. L’auteur s’est servit de cette ligne. Le fait que le mot « aéroport » soit long a sûrement induit l’amenuisement de ce dernier au fur et à mesure de l’écriture. C’est une économie du corps qui se fait, à moins qu’il insiste sur la négativité qui est ici plus importante. On pourrait aussi penser à l’idée d’un avion qui s’envole. Un accent sur le « À » est présent mais pas sur le « E » de « aéroport ». Le point d’exclamation n’est ici pas affirmatif. Il est un peu tremblant, il ressemble de près à point d’interrogation. En dessous, le mot « manif ’ » a une apostrophe, ce qui semble curieux, comme une certaine distance par rapport au mot. D’après eux c’est « un militant de fraiche date. Le chiffre « 24 » est dansant. Le « 2 » ressemble à un « S ». C’est une liberté dans le chiffre par rapport aux lettres plutôt strictes. Il y a une contradiction entre une volonté de prendre parti, d’écrire à la bombe noire en majuscule et la manière d’écrire qui est flottante. Se crée un tension entre ces deux faces qui rend la chose singulière. De la même façon, durant les visites guidées performatives et artistiques, ils mettent en avant des détails qui les ont intrigués. À la manière de critiques d’oeuvres d’arts, ils

[9] Dector & Dupuy, Hier, résidence de production vidéo, Edenroc.tv, La Valise, Nantes, 2012.

II. Collecter le réel

analysent des choses qui pourraient nous sembler anodines. Lors de la Nuit Blanche à Paris, ils proposent « Le sommeil des tumultes » [33], des promenades performatives dans le quartier de Belleville. Toutes les heures, à partir d’un point de rendez-vous, où est proposé un projet de la Nuit Blanche, ils amorcent une déambulation pour aller vers un autre projet. Ils commencent à 21h et finissent à 6h du matin, ce qui correspond au temps de travail de la nuit. En dehors de leur propre travail, ils donnent la parole aux personnes, qui travaillent la nuit. En dehors du discours ils font aussi des performances. Par exemple, ils se servent des grilles du métro qui souffle de l’air pour installer un verre en plastique. Il se retrouve en lévitation durant un instant. Ils insistent ici sur ce mobilier urbain qui fait parti intégrante de l’espace. C’est une approche sur des objets, des petits riens, des choses insignifiantes, mais aussi des discours plus structurés politico- socials. Même si, la performance est abordée de manière légère, l’arrière plan concerne la société en général. Tenter de décrire, dans les moindres détails, l’espace urbain permet de mieux connaître notre ville. Malgré cela, nous ne pouvons pas tout noter puisque le réel ne s’épuise pas, mais essayer engage une réflexion sur cet espace. La collecte par le son est une autre approche sensible de la ville.

[10] Dector & Dupuy, « Le sommeil des tumultes », Nuit Blanche, Belleville, 2013.

[33] Dector & Dupuy, « Le sommeil des tumultes », Nuit Blanche, Belleville, 2013, https://www.youtube.com/ watch?v=IJi0m6T1jpQ, le 15/03/2015.

I. 1. L’inventaire

35



II. 2. La collecte par le son

37

II. 2. La collecte par le son

La ville est aussi synonyme de sons environnants, de bruits multiples. Y porter attention permet de faire une approche de la ville par l’ouïe. II. 2. 1. Créer des Paysages sonores Mathias Delplanque et Eddie Ladoire s’inscrivent dans cette démarche de représentation d’un lieu par le son. Ils ont créé un paysage sonore du parc des Coteaux à la périphérie de Bordeaux, véritable définition sensible de l’espace. Le projet Paysages Sonores [34], proposé par panOramas et MA Asso, est un travail sur deux espaces : le parc de Séguinaud, à Bassens, et le parc du Cypressat, à Cenon, qui sont en périphérie de Bordeaux. Il s’agissait pour les artistes d’imaginer une création sonore pour ces parcs en tenant compte de la réalité du site. Leur travail se passe en deux étapes. Tout d’abord, ils collectent des enregistrements à l’intérieur des parcs. Il choisissent des points de vues intéressants, significatifs. Ensuite, ils complètent ces enregistrements avec des enregistrements en studio à partir d’instruments et des sons de synthèses. Ce sont des combinaisons pour différentes compositions à écouter sur le site. Il mettent en relation une création sonore et un espace puis montrent la manière dont ce son va interagir

[34] Delplanque Mathias et Ladoire Eddie, Paysages Sonores, Production MA ASSO, PanOrama, Bordeaux, 2012. II. Collecter le réel

avec le lieu. Le public fait l’expérience de l’auditeur-spectateur. Il avance avec le terrain en faisant l’expérience de la marche, impliquant donc une action de son corps. La vue est elle aussi très importante avec l’immense panorama que propose le lieu. L’écoute des sons vient compléter ces différentes expériences sensibles des parcs. L’utilisateur peut explorer les parcs à travers les différents sons créés. Il se laisse guider grâce à une carte numérique sur un smartphone. Ces créations sonores sont placées à de multiples endroits du parc dans le but de proposer, dans un premier temps, une promenade et, dans un second temps, de permettre une écoute en lien direct avec l’endroit choisi. De plus, le son se lit uniquement lorsque l’utilisateur se trouve à l’endroit géolocalisé. C’est une carte augmentée puisqu’en plus de guider elle permet une écoute inSitu en rapport avec le paysage dans lequel on se trouve. Paysages Sonores est une approche sensible de l’espace : elle passe par l’ouïe. Ce projet est donc à la fois une définition d’un lieu mais aussi une invitation à pratiquer la marche afin de le découvrir. Collecter le réel, par de multiples outils, donne la possibilité de mieux connaître l’endroit où nous vivons, de mieux le comprendre et donc de mieux l’appréhender. Cette analyse


38

[11]


peut se passer par une description précise de ce qui nous entoure, mais aussi par l’action de glaner puis d’inventorier ce qui nous entoure. Que ce soit grâce à l’écriture, le son ou encore la vidéo, cette collecte donne une définition sensible de notre environnement. La représentation graphique de ces éléments passe par la carte.

[11] Delplanque Mathias et Ladoire Eddie, Paysages Sonores, Production MA ASSO, PanOrama, Bordeaux, 2012. II. Collecter le réel

II. 2. La collecte par le son

39



III. La représentation de la ville par les cartes III. 1. Retranscrire la pratique de la ville par la carte

III. 1. 1. La carte réduit l’expérience Nous avons une volonté de voir la ville dans son ensemble. Vu du ciel, nous avons une toute autre approche de l’espace où nous vivons. On constate de quelle manière il est constitué : d’immeubles, de voies de circulations, d’espaces verts, etc. Cette vision est retranscrite graphiquement par la carte. Malgré le fait qu’elle objectivise l’espace, par des « courbes en plein ou en déliés » [35], elle ne retranscrit pas l’expérience qu’on a lorsqu’on vit dedans. « La trace est substituée à la pratique. Elle manifeste la propriété (vorace) qu’a le système géographique de pouvoir métamorphoser l’agir en possibilité, mais elle y fait oublier une manière d’être au monde » [36]. La définition de la ville ne peut donc se faire qu’en la pratiquant. Comme le souligne Michel de Certeau « L’acte de marche est au système urbain ce que l’énonciation (le speech act) est à la langue » [37]. Une représentation « objective » de la ville n’est donc pas une définition de cette dernière. Malgré son coté subjectif, retranscrire l’espace urbain par la pratique de la marche donne une définition plus juste de celui-ci. La représentation réelle de la ville ne peut donc se faire qu’à travers l’expérience. Des

[35] Certeau Michel de, L’invention du quotidien, 1.arts de faire, Gallimard, Paris, 1990, p. 147. [36] Ibid., p. 147/148. [37] Ibid., p. 148.

artistes proposent une représentation poétique de la ville en transformant des cartes afin de relater les expériences vécues. III. 1. 2. Représentation de l’expérience vécue dans la ville L’Internationale Situationniste se préoccupe de la ville, en prônant une critique radicale de l’urbanisme moderne et fonctionnaliste, préconisé par Le Corbusier. Par l’élaboration de « guide psychogéographique » [38], il invite à la dérive. La psychogéographie se préoccupe du rapport entre les quartiers et des états d’âme qu’ils provoquent. « Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles se connaissent généralement, aux relations, aux travaux et aux loisirs qui leur sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent » [39]. L’élaboration de cartes retranscrit directement l’expérience de la dérive de ceux qui l’ont pratiquée. Ces cartes mettent en avant le « relief psychogéographique » [40] par différentes « plaques tournantes » [41] de la ville.

[38] Debord Guy Ernest, Guide psychogéographique de Paris, Discours sur les passions de l’amour, pentes psychogéographiques de la dérive et localisation d’unités d’ambiance, dépliant Bauhaus Situationniste, Copenhague, 1957.

III. La représentation de la ville par les cartes

[39] Debord Guy Ernest, «Théorie de la dérive », Les Lèvres nues n°9, décembre 1956, www.larevuedesressources.org/theorie-dela-derive,038.html, 29/03/2015. [40] Ibid. [41] Ibid.

III. 1. Retranscrire la pratique de la ville par la carte

41


42

[12]


Ainsi, Paris est découpée en de multiples « îlots ». Guy Debord reprend le principe du collage. On retrouve un plan de la capitale, du moins quelques éléments visibles disposés sur un fond blanc. On a l’impression que la ville est nue et ne montre pas tout ce qu’elle contient. Elle guide le regard, dévoile l’expérience faite par ceux qui l’ont parcourue. Les différentes « plaques tournantes » sont unifiées par des flèches rouges. Elles montrent le chemin à suivre, le déplacement naturel que nous avons dans la ville pour aller d’une « unité d’ambiance » à l’autre. « Les flèches représentent des pentes qui relient naturellement les différentes unités d’ambiance ; c’est-à-dire les tendances spontanées d’orientation d’un sujet qui traverse ce milieu sans tenir compte des enchaînements pratiques – des fins de travail ou de distraction – qui conditionnent habituellement sa conduite » [42]. Ces flèches rouges sont donc marqueurs du relief de l’espace urbain. Les cartes situationnistes sont une représentation de l’expérience faite dans l’espace urbain. Le laboratoire Stalker procèdent de la même manière en effectuant des marches collectives dans les espaces abandonnés de la ville en perpétuelle mutation. D’autres projets se situent dans un entre deux, de définition et représentation de la ville, plutôt objectives, et de collectes d’expériences, plus subjectives, comme Periplurban [43].

[12] Debord Guy Ernest, Guide psychogéographique de Paris, Discours sur les passions de l’amour, pentes psychogéographiques de la dérive et localisation d’unités d’ambiance, dépliant Bauhaus Situationniste, Copenhague, 1957.

III. 1. 3. Entre définition de la ville et transcription du vécu Periplurban, initié par Brian House et Jesse Shapins, outil élaboré durant des workshops , engage un discours critique sur l’environnement urbain et les arts médiatiques. Ce projet est un dictionnaire d’expérience urbaine, une cartographie qui donne un point de vue, non pas de l’historien ou du géographe, avec une représentation classique de la carte vue du ciel, mais plus poétique et sensible de l’espace. Il a pour origine le terme « Periplum », défini par le poète Ezra Pound, un des chefs de file de l’imagisme, mouvement poétique angloaméricain du début du XXe siècle qui souhaite s’affranchir de la tradition poétique romantique et victorienne en choisissant un langage imagé, une expression précise et directe. Chaque participant du workshop choisit un site spécifique dans la ville afin de définir ce territoire grâce à des exercices allant des entretiens ethnographiques à des performances et des courts métrages sur la ville, ainsi que des photographies. L’objectif de ces enquêtes collectives est de commencer à re-définir ce qu’est une ville, et, dans ce processus, un nouveau langage urbain est créé. À l’entrée du site, l’usager est directement immergé dans cette idée de dictionnaire. On trouve une explication du terme « Periplum » et du mot « Perilurban », mis en page sous forme de définitions. En cliquant sur « Enter » on accède à trois expériences et définitions d’espaces  : NewYork durant l’été 2008, Boston à l’automne de la même année

[42] Debord Guy Ernest, «Théorie de la dérive », Les Lèvres nues, n° 9, décembre 1956, www.larevuedesressources.org/ theorie-de-la-derive,038.html, 29/03/2015.

III. La représentation de la ville par les cartes

[43] House Brian et Shapins Jesse, Periplurban, 2008, periplurban.org/, 27/03/2015.

III. 1. Retranscrire la pratique de la ville par la carte

43


44

et au printemps 2010. Cliquons par exemple sur « New-York City, Summer 2008 ». Une liste de mots définissent l’expérience faite de la ville durant cette période. Ils sont classés par ordre alphabétique, toujours dans l’idée d’un dictionnaire . En sélectionnant un mot, comme « dream », on accède à sa définition avec de multiples médiums. En étant dans le contexte de la ville, le verbe est localisé dans l’espace par la carte ainsi que l’adresse, en haut à droite de l’écran, ici Central Park. Ensuite, au milieu de l’écran, une définition est donnée sous forme de deux textes puis trois images. En haut à gauche de l’écran, nous avons accès au chemin de lecture : Ce sont des renvois à d’autres mots et le passage au mot précédent ou suivant. Au dessous du mot principal se trouve le nom du territoire dans lequel il est situé. Ici, en cliquant sur « Green Void », nous accédons à une page où est recensé tous les mots de cette zone ainsi que leurs localisations sur une carte numérique. De plus, une image, centrée en haut à gauche, recense sous forme de mosaïque de photographies définissant les mots de ce territoire. Periplurban se situe donc dans cet entredeux de la représentation de la ville par la carte et par la narration de l’expérience vécue. Avec l’avancé des technologies, les artistes proposent une nouvelle expérience de la marche : elle se situe entre la déambulation et la narration du lieu que nous arpentons, rendue possible avec les cartes numériques sur smartphones. Ainsi, c’est une nouvelle vision que l’usager a de la ville.

[12] House Brian et Shapins Jesse, Periplurban, 2008. [13] Ibid.


III. 1. Retranscrire la pratique de la ville par la carte

45

[12]

[13] III. La reprĂŠsentation de la ville par les cartes


46

[14]

[15]


III. 2. Les cartes numériques  : entre représentation et réalité augmentée

47

[16]

[14] House Brian et Shapins Jesse, Periplurban, 2008. [15] Ibid. [16] Ibid.

III. La représentation de la ville par les cartes



III. 2. Les cartes numériques  : entre représentation et réalité augmentée

III. 2. 1. Carte numérique et narration d’un lieu Promenades sonores [44] est un projet imaginé par Radio Grenouille [45], à l’occasion de Marseille Provence 2013 - Capitale européenne de la culture, dans l’intention de faire découvrir de manière différente la ville de Marseille. Des artistes, des documentaristes et des habitants ont composé ces parcours sonores afin de partager des endroits méconnus. C’est un tourisme différent qui s’installe ici. L’idée n’est pas de montrer des lieux historiques impressionnants, mais bien des endroits de la vie quotidienne. On valorise ce qu’on ne regarde pas ou n’exploite pas, les interstices entre deux bâtiments devenant des sortes d’ilots non exploités en ville et qui reste à exploiter. Les Promenades sonores se téléchargent librement sur le site puis s’écoutent in situ, dans un paysage et une situation choisie. L’origine du projet, initié par Julie de Muer, qui se définit comme une « conteuse urbaine », est né à la suite de l’envie de valoriser le territoire. Promenades sonores proposent une forme pertinente pour inviter le public, qui s’étend de l’habitant au touriste, à pratiquer de manière sensible et documentée le territoire de la capitale culturelle. Cette perception sensible de la ville est basée sur un parcours à travers la marche. Cette approche des lieux met en

[44]Radio Grenouille, Promenades Sonores, sous la direction de Julie de MUER, 2013, www.promenades-sonores.com/, 06/01/2015.

lien deux éléments : celui du marcheur et celui de la ville qu’il découvre, perçue comme un ensemble vivant et non une accumulation d’immeubles. De plus, la marche permet d’accéder aux interstices de la ville, dans ses usages, d’observer les traces ainsi que de ralentir et changer d’échelle. Ces balades re-dessinent une métropole invisible qui se situe entre ville et nature, autoroutes et chemins de traverses. Le projet Promenades sonores permet donc de faire une expérience sensible de la ville aux travers de narration de divers acteurs de la ville. D’autres projets émergent dans ce sens en incluant directement les habitants dans l’élaboration de leur quartier. III. 2. 2. Carte numérique et réflexion sur la ville Smartcity [46], projet de l’agence Dédale, est un laboratoire européen d’initiation urbaine consacrée à la culture, au patrimoine, à l’environnement, mais aussi aux technologies et à l’innovation sociale. Son champ d’activité recouvre le développement territorial, la production artistique, l’événementiel, la recherche, et le conseil aux collectivités publiques et aux institutions européennes.

[45]Radio Grenouille, www.radiogrenouille. com/, 28/03/2015.

III. La représentation de la ville par les cartes

[46] Dédale, Smartcity, www.smartcity.fr/ europe/, 2008-2011, 26/03/2015.

III. 2. Les cartes numériques  : entre représentation et réalité augmentée

49


50

[17]

[18]


III. 2. Les cartes numériques  : entre représentation et réalité augmentée

51

[19]

[20]

[17]Radio Grenouille, Promenades Sonores, sous la direction de Julie de MUER, 2013, www.promenades-sonores.com/, 06/01/2015.

[18] Dédale, Smartcity, « SmartMap », www.smartcity.fr/smartmap/, 26/03/2015. [19] Ibid. [20] Ibid.

III. La représentation de la ville par les cartes


52

SmartCity propose un accompagnement de projets urbains et de développement territorial innovants. Il convie de multiples acteurs de la ville, comme des architectes, urbanistes, artistes, chercheurs, collectivités territoriales, usagers et société civile, dans le but de lire, de s’approprier et de transformer la ville. Il s’agit d’inventer de nouveaux modes de concertation et de conception de la ville, de valoriser les ressources locales, les identités et la mémoire d’un territoire, de construire de nouveaux imaginaires urbains et de représentations de la ville et enfin de mobiliser plusieurs acteurs locaux autour d’un projet territorial. Le premier terrain d’expérimentation est le Sud de Paris à la Cité internationale universitaire. SmartCity propose des projets comme des promenades nocturnes sur le thème de l’invisible urbain [47], qui met en avant la ville de nuit à travers de projections sur les façades, une autre sur le thème de la ville comestible [48], qui souligne le potentiel culinaire des « mauvaises herbes », ou encore une proposition qui s’attache aux déplacements et stationnements urbains [49]. « SmartMap » [50] est un projet de cartographie sensible du territoire qui propose aux habitants et aux usagers de redécouvrir et de s’approprier leurs quartiers. Il invite à avoir une vision partagée et émotionnelle du territoire d’intervention et à se questionner sur son histoire et son avenir. Cette application est collaborative, elle permet donc à l’usager d’interagir avec son territoire, de partager son expérience et de réagir à celles des autres. C’est un déplacement du regard sur le quartier qui se fait ici. Tout d’abord,

[47] Dédale, Smartcity, « L’invisible ou l’autre pas », 2010, 2011, www.smartcity.fr/ europe/annuaire/concertation-actionsparticipatives-et-mediation-territoriale-123. html, 27/03/2015.

« SmartMap » donne à voir les impressions et témoignages des personnes qui vivent dans cet espace, avec leurs habitudes, leurs pratiques et leurs appropriations. Ensuite, les médiums sont différents : ce sont des photos, des vidéos, du son, mais aussi du texte. Enfin, les données sont transdisciplinaires, avec un contenu géographique, sociologique, patrimoniale et artistique. On se situe sur une carte numérique qui s’adapte tous types d’écrans, ordinateurs, tablettes et smartphones. Elle est composée de multiples icônes géolocalisés comprenant des médias photographiques, vidéos, sonores et textuels. L’usager peut faire une sélection de ces différentes données tout d’abord en sélectionnant soit « vidéos », soit « photos », soit les deux. Ensuite, elle se fait par sujet avec, à gauche de l’écran, plusieurs thématiques : « Tour du monde en 80 pas », « La cité à travers les âges », « Enjeux urbains », « Actions Smartcity », « L’invisible », « Histoire et mémoire », « Patrimoine architectural », « La cité aujourd’hui », « Biodiversité dans la ville » et « Contenus collaboratifs ». Il fait le choix de voir ou non ces données, avec le bouton « on » ou « off », et d’en voir plusieurs à la fois ou pas. À droite de l’écran, une autre lecture se fait de ces éléments par la sensation : « insolite », « sérieux », « attachant », « amusant », « inquiétant », « étrange » et « extraordinaire ». On peut, là aussi, choisir de ne pas activer cette option. Cette dernière fait appel à la démarche situationniste qui se confronte à la ville par les sensations et les diverses « ambiances ». La lecture de la carte se fait donc en trois temps avec la possibilité de les mixer.

[48] Dédale, Smartcity, « Friche et Frichti », 2009, www.smartcity.fr/europe/annuaire/ concertation-actions-participatives-et-mediation-territoriale-100.html, 27/03/2015. [49] Dédale, Smartcity, « Dérèglements

extérieurs », 2008, www.smartcity.fr/europe/ annuaire/concertation-actions-participatives-et-mediation-territoriale-93.html, 27/03/2015.


Smartcity propose donc aux habitants d’être pleinement acteurs de l’élaboration de leur quartier. « SmartMap » est un projet qui côtoie passé, par la restitution de médias témoins d’un lieu à un moment donné, mais surtout futur par la réflexion qu’il suscite autour de la construction d’un espace commun. Les cartes témoignent d’une expérience que les artistes et designers ont eu de la ville. Ils donnent une définition subjective de cet espace et partagent graphiquement leurs vécus. Tandis que certains projets suggèrent une dérive, d’autres donnent une définition sensible de l’espace urbain, à travers différents médias textuels et visuels. Avec l’évolution du numérique s’ouvrent de nouvelles possibilités. L’usager peut ainsi déambuler dans la ville en ayant des compléments d’informations de lieux voulus. C’est un regard différent de la ville qui se révèle. On assiste a une narration de lieux méconnus grâce à différents acteurs tels que des habitants. Des pratiques de co-participations s’intègrent également dans les quartiers, simplifiées par la facilité de partage et de collecte de données, vidéos, photographiques et sonores. Ces actions donnent à repenser les espaces publics et les espaces de vie.

[50] Dédale, Smartcity, «SmartMap», 2010, www.smartcity.fr/smartmap/, 27/03/2015.

III. La représentation de la ville par les cartes

III. 2. Les cartes numériques  : entre représentation et réalité augmentée

53



55

Conclusion

Il apparaît donc que l’expérience de la ville repose, tout d’abord, sur la spatialisation de l’espace urbain. Celle-ci passe par le biais de la marche, sous de multiples formes. Tandis que la flânerie se base sur la réception, puis l’analyse des sensations provoquées par la ville, la déambulation met en avant la manière dont se déplace les citadins et remet en cause la construction même de la ville. La collecte des éléments de l’espace urbain est une autre approche de la ville. Elle passe par l’inventaire, ce qui permet de catégoriser et de donner des définitions de notre environnement. Les cartes sont, quant à elles, des représentations graphiques de la ville mais aussi des illustrations de l’expérience pratiquée par les artistes dans cet espace. Elles donnent matière à réflexion afin de penser la ville. De projets de co-participation s’installent afin que les habitants construisent un projet d’élaboration d’espaces communs. À chaque fois, c’est une vision sensible de la ville qui s’engage. Tous les projets présentés dans ce document écrit ont une approche micro de la ville. Ils mettent en exergue toutes ces petites choses du quotidien dont on ne prête pas attention. La ville est dévoilée dans sa plus grande banalité, sans artifices. Les artistes, penseurs et designers dévoilent une partie cachée de celle-ci. Ils jouent avec le visible et l’invisible, oscillent entre les deux. Ils se laissent porter par les illusions, les sensations que nous avons tous de la ville, mais leurs travaux permettent de voir ce qu’il y a derrière. Ils remettent en question et engagent réflexion sur la construction de l’espace urbain. La pratique que je souhaite mener se situe dans la continuité de la réflexion que j’ai engagée autour de la ville. Je souhaite mettre en valeur le quartier de Halles à Pau. Je traite de cet infra-ordinaire urbain, en donnant à voir des éléments dont on ne prête pas forcément attention. Tout d’abord, j’ai expérimenté l’espace urbain par la déambulation. J’ai ensuite procédé à une collecte de données à travers l’outil photographique, filmique et sonore. Enfin, j’ai mis en valeur ces éléments, qui échappent au contrôle de la ville, notamment par la cartographie numérique. Le but est toujours le même : donner des outils à l’individu afin qu’il prenne conscience de l’espace par l’expérimentation et qu’il s’approprie la ville, dans la mesure de ses moyens.



57

Bibliographie

Augé Marc, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, Paris, 1992.

Davila Thierry, Marcher, Créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Regard, Paris, 2002.

Augé Marc, Un ethnologue dans le métro, Le Seuil, Paris, 1986.

Delerm Philippe, Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, Gallimard, Paris, 1997.

Baudelaire Charles, Les Fleurs du mal, Gallimard, Paris, 1857. Baudelaire Charles, Le Spleen de Paris (Petits poèmes en prose), Gallimard, Paris, 2006.

Perec Georges, Espèces d’Espaces, édition Galilée, 1994 / 2000, Paris.

Benjamin Walter, Charles Baudelaire, édition Payot, Paris, 2004.

Perec Georges, L’Infra-ordinaire, Paris, Le Seuil, 1989. Perec Georges, Perec/rination, Zulma, Paris, 2014.

Bégout Bruce, La découverte du quotidien, Allia, Paris, 2010.

Perec Georges, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Christian Bourgois, Titres, Paris, 1982.

Boyer Élodie, Lettres du Havres, éditions Non Standard, 2012.

Sansot Pierre, Du bon usage de la lenteur, Payot, Paris, 1998. Rééd. Corps 16, 1999 et Rivages, Paris, 2000.

Certeau Michel de, L’invention du quotidien, 1.arts de faire, Gallimard, Paris, 1990.

Sansot Pierre, Poétique de la ville, Payot, Paris, 2004.


58

Sitographie

Debord Guy-Ernest, « Théorie de la dérive », Les lèvres nues n°9, novembre 1956, Allia, Paris, 1995, www.larevuedesressources.org/theoriede-la-derive,038.html, 25/03/2015.

Dédale, Smartcity, « Dérèglements extérieurs », 2008, www.smartcity.fr/europe/annuaire/ concertation-actions-participatives-etmediation-territoriale-93.html, 27/03/2015.

Dector & Dupuy, Hier, résidence de production vidéo, Edenroc.tv, La Valise, Nantes, 2012, dector-dupuy.com/tagged/video, 15/03/2015.

Delplanque Mathias et Ladoire Eddie, Paysages Sonores, Production MA ASSO, PanOrama, Bordeaux, 2012, www.biennalepanoramas.fr/paysages-sonores/, 29/03/2015.

Dector & Dupuy, Nuit Blanche, « Le sommeil des tumultes », Belleville, 2013, https:// www.youtube.com/watch?v=IJi0m6T1jpQ, 15/03/2015.

House Brian et Shapins Jesse, Periplurban, 2008, periplurban.org/, 27/03/2015.

Dector & Dupuy, Repérages, dector-dupuy. com/tagged/rep%C3%A9rages, 15/03/2015. Dédale, Smartcity, www.smartcity.fr/europe/, 2008-2011, 26/03/2015. Dédale, Smartcity, « SmartMap », www.smartcity.fr/smartmap/, 26/03/2015. Dédale, Smartcity, « L’invisible ou l’autre pas », 2010-2011, www.smartcity.fr/europe/annuaire/ concertation-actions-participatives-etmediation-territoriale-123.html, 27/03/2015. Dédale, Smartcity, « Friche et Frichti », 2009, www.smartcity.fr/europe/annuaire/ concertation-actions-participatives-etmediation-territoriale-100.html, 27/03/2015.

House Brian, Periplurban, 2008, brianhouse. net/works/periplurban/, 27/03/2015. Radio Grenouille, Promenades Sonores, sous la direction de Julie de MUER, 2013, www.promenades-sonores.com/, 06/01/2015. Radio Grenouille, www.radiogrenouille.com/, 28/03/2015. Strabic, Subjectivité cartographiée, strabic.fr/ subjectivite-cartographiee, 29/03/2015. Strabic, écrit par Emmanuel Guy, Subjectivité cartographiée, « Debord(er) la carte », strabic.fr/ Debord-er-la-carte, 29/03/2015.



Je tiens à remercier toute l’équipe enseignante de l’ÉSA des Pyrénées de Pau, en particulier Corinne Melin et Charles Gautier, qui m’ont soutenue durant la rédaction du document écrit, Isabelle Haumont, ainsi que Perrine Saint Martin, ma coordinatrice de troisième année. Merci à Emmanuel et mes parents pour leur re-lecture attentive. Merci à ma famille et mes amis pour leur soutien et encouragements.

Cette édition a été réalisée et imprimée par Malaurie Sannié à l’École Supérieure d’art des Pyrénées, Pau, en avril 2015. Les polices de caractères utilisées sont Optima et Minion Pro. Les papiers sont Olin regular natural white 90 g et Canson mi-teinte 160g.




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.