Le standard, ressource créatrice d’habiter
Malaury Forget, Mémoire de projet de fin d’études, Soutenue à l’ENSAL le 15 juin 2016, Sous la direction de M. Boris Bregman, Domaine d’étude : Stratégies et Pratiques Architecturales Avancées 1
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REMERCIEMENTS A l’équipe enseignante du domaine SPAA : S9 : Marc BIGARNET, Boris BREGMAN, Pierre GRAS, Boris ROUEFF, Nune TCHILINGARYAN, Christophe BOYADJIAN, Federico FERRARI, Julien LAHAIE (Lyon Métropole) S10 : Marc BIGARNET, Boris ROUEFF, Nune TCHILINGARYAN, Christophe BOYADJIAN Et plus particulièrement, un grand merci à Boris BREGMAN, mon directeur d’étude, pour sa bienveillance et les connaissances qu’il nous a apporté tout au long du semestre. A Julie CATTAN et Joan CASANELLE pour le suivi de mention recherche A l’ensemble des étudiants du DEM SPAA pour l’ambiance de travail conviviale. A mon groupe de travail du S9 : Léo Boggio, Mickael Dos Santos, Pénélope Fléchet, Yaonna Fournier et Raphaël Masbernat, et plus particulièrement à Manon Fourneret, ma collègue et binôme de projet. A ma famille et mes amis pour leur soutiens sans faille, et plus particulièrement à Orélia et Ulysse pour leurs encouragements quotidiens et les moments de joie qu’ils m’ont apporté durant cette année.
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SOMMAIRE
Introduction 0. Regard sur la métropole Analyse de la vallée de la chimie Stratégie et Culture fluviale Transversalités Est/Ouest Approche métropolitaine Projets Démarche de recherche 1. Etude de concepts, iconographie 2. Situation de projet Feyzin, projets urbains, OMA Le constat d’une ville générique Choix du site de projet Rapport au contexte immédiat Origines historiques de l’industrialisation de la construction, références 3. Projet Traitement du sol, un parc Une forme urbaine standard, références Art de vivre Art de bâtir Conclusion
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1. Regard sur la métropole Analyse de la vallée de la chimie Travail en groupe d’analyse, 7 personnes La première phase de travail se déroule par équipe de 7. Nous avons parcouru le territoire à la recherche de points de contact à l’eau, avant de prendre note des singularités de chaque partie de la vallée que nous traversions. Avoir le sentiment d’habiter au bord de l’eau, voir le fleuve, pouvoir le toucher sont les notions que nous regrouperons sous le concept de culture fluviale.
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Haltes fluviales de Vernaison (haut) et de Givors (bas)
Relevé des haltes fluviales de Neuvillesur-Saône à Vienne 7
La première action d’appropriation du territoire que nous ayons mené, fût de parcourir les différentes haltes fluviales existant le long du fleuve. Notre étude s’est étendue de Neuvillesur-Saône à Vienne. Des imaginaires tels que celui du petit port de plaisance ou bien de l’esplanade publique au bord de l’eau nous ont guidé tout au long de l’approche territoriale. Notre analyse a vite révélé la faible concentration de haltes fluviales présentent dans la vallée de la chimie. Pour répondre aux enjeux d’attractivité et d’habitabilité de la vallée, nous nous posons la question : En quoi l’eau est un espace public ?
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Haltes fluviales le long de la SaĂ´ne
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LA POÏETIQUE FLUVIALE POÏETIQUE : n.f, étude des potentialités inscrites dans une situation donnée(la vallée de la chimie) qui débouche sur une création nouvelle.
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Le concept de poétique fluviale est apparu dans nos séances de travail, lorsque l’intention de révéler les singularités locales d’un lieu a émergé. L’objectif est, tout au long de la vallée de créer des haltes fluviales, appropriées aux spécificités de chaque zones d’étude.
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Stratégie territoriales et culture fluviale Après l’analyse à grande échelle du territoire de la vallée, le groupe de sept personnes qui nous formions s’est scindé en trois groupes traitant trois zones de la vallée. Nous avons déterminé à trois niveaux de la vallée des potentialités locales à mettre en valeur par le biais de la culture fluviale. Les directions des liaisons que nous avons tissé vont dans le sens est/ouest ce qui nous permet de traiter un binôme de communes dans 2 des cas : Feyzin/ Irigny et Vernaison/Solaize. Le cas de Givors est un peu particulier, les enjeux du développement de Givors, sont semblables, à une échelle réduite, à ceux de l’ensemble de la vallée. La vallée du Gier est envisagée comme une miniature de la vallée de la chimie. Dans chacun des cas, des éléments identitaires sont reliés et traversent le fleuve. Ces connections visent à redéfinir le sens de la vallée, pour l’instant nord/ sud, nous avons noté l’existence de grandes infrastructures barrières tout au long du Rhône : la voie ferrée, l’autoroute, l’industrie. L’intérêt est aussi de faire le lien entre la vallée productive, à l’est, et la vallée récréative, à l’ouest.
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Approche métropolitaine de Feyzin Travail réalisé en binôme avec Manon Fourneret
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Feyzin, centre de nombreuses connections RĂŠseaux, patrimoine militaire, Equipements public
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Le vieux RhĂ´ne, une limite historique
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Multiplication des fractures dans le sens N/S
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Équipements complÊmentaires entre Feyzin et Irigny
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Transversalité paysagère
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Projet
Maquette 1/5000 Feyzin
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Coupe Feyzin/Irigny avec interventions localisĂŠes
Maquette 1/1000 Feyzin projet
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Dans la logique de créer des transversales dans le sens Est / Ouest, nous avons placé cinq projets répartis le long de l’allée du Rhône. Nous élaborons trois projets à Feyzin, proche de
Halte fluviale d’Irigny
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la gare, de la place Claudius Berry et de l’autoroute. A Irigny, nous projetons deux situations : une halte fluviale et un bâtiment de logements, tourné vers le fleuve.
Restaurant au bord de l’autoroute à Feyzin
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Gare de Feyzin
Place Claudius Berry 24
Coteau d’Irigny 25
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Démarche de recherche Travail individuel
Ce projet de fin d’études s’est accompagné d’un mention recherche. En parallèle de l’exercice de projet donc, j’ai réalisé des recherches théoriques et un travail de référencement autour d’un sujet : la consommation des ressources dans le domaine de la construction. La question de recherche à laquelle j’ai souhaiter apporter des pistes de réponse est : Quelle place pour la ressource industrielle dans un système consumériste ? Les grandes étapes de ce travail de recherche sont recensés ici. Une première partie consistant à conceptualiser le sujet en faisant appel à des théories relevant de domaines scientifiques autres que l’architecture, sera transcrite ici sous forme d’iconographie. L’objectif est de convoquer un imaginaire et de laisser le lecteur s’approprier les concepts qui ont guidés mon travail. L’étude des références architecturales sera détaillée plus bas. Ce travail individuel de recherche m’a contraint à prendre de la distance quant à la stratégie territoriale élaborée en groupe au premier semestre. Bien que la démarche de recherche d’une culture fluviale fut très intéressante, après plusieurs semaines d’essais, il ne m’a pas été possible d’établir un lien entre mon sujet de recherche et ce travail. C’est pourquoi les parties qui suivent rendent compte d’une nouvelle analyse du territoire de Feyzin, et d’une approche différente du site. 27
Ce vaste sujet que j’ai choisi de traiter pour mon travail de recherche, relève de problématiques très contemporaines mais dans un premier temps, d’interrogations qui me sont propres. L’actualité, les problématiques écologiques ou encore ce que l’on trouve en vente dans un supermarché, m’interrogent. Comment est-ce que l’on consomme ? Qu’est ce que l’on consomme ? D’où ça vient ? Pourquoi ? Ces questions me sont très vites apparues comme transposables au milieu de l’architecture. C’est pourquoi j’ai choisi d’en faire le sujet de mon diplôme. La question de la ressource que l’on emploi par la construction de nos bâtiments m’a guidé tout au long de cette année. L’objectif de ce travail est d’intellectualiser et de mettre en lien des démarches nouvelles, isolées pour l’instant en dressant un état de l’art des réponses proposées à cette société de consommation dans la quelle nous évoluons, des critiques faites par certains sociologues, de les mettre en lien et de faire un parallèle avec l’œuvre de certains architectes. A terme, difficile de faire le tour du sujet, j’espère proposer une critique constructive et une réponse, par le projet, au contexte global que l’on connait. A la sortie de la seconde guerre mondiale, l’industrialisation, l’économie croissante et le besoin de passer à autre chose, nous ont installé dans des habitudes de surconsommation et de gaspillage qui ne sont plus viables aujourd’hui. La planète n’est pas en mesure de nous offrir les ressources nécessaires pour continuer ainsi, des réponses adaptées sont donc attendues et nous, architectes, avons le devoir de faire évoluer notre façon consommer. 28
Les nouvelles techniques constructives que nous avons développé au moment de la révolution industrielle convoquent des matériaux et des ressources qui se raréfient avec le temps. «Après avoir tellement construit et consommé, arrive le moment où l’on va devoir recycler plutôt que jeter.»1 Des sociologues et des artistes dénoncent la mondialisation, cette machine qui se propage dans le monde entier et qui englouti les cultures locales au profit d’une culture de consommation de masse. Un retour au local est en cours dans certains domaines. Des architectes réagissent, critiques, proposent autre chose. La volonté première d’adopter une attitude raisonnée quant à l’utilisation de ressources, pose inévitablement la question du contexte et du territoire d’intervention. La question de recherche à laquelle nous allons répondre est donc : Quelle place pour la ressource industrielle dans un système consumériste ? L’ensemble du travail qui suit est orienté par le territoire d’étude imposé pour l’exercice du projet : la vallée de la Chimie, pôle industriel de la métropole lyonnaise. Ce territoire de production de richesses, d’énergie, de pollution, impose une prise de positions réfléchies quant à l’élaboration d’un projet de logements. 1. Construire autrement, comment faire ? - Patrick Bouchain - Actes sud - 2006 - p 57.
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1. Etude de concepts - Iconographie Etude historique et sociologique
Ville pourvue d’une enceinte, territoire clairement délimité, intérieur : urbain, extérieur : campagne, agriculture Source : Schéma de l’auteur
Ville diffuse, trame infinie, multi-centralités, création d’enceintes plus restreintes Source : Schéma de l’auteur, à partir d’un plan de Sào Paulo 30
Les 7V par Le Corbusier Source : La ville franchisée p47
Culture - Avant / Après, la mondialisation homogénéisation mondiale et diversité locale Source : Schéma de l’auteur 31
Jean-Luc Cornec, TribuT Telephone Sheep, 2015
Evadne in green dimension, by Eduardo Paolozzi. 1952. Collage, 33.1 by 25.4 cm. (Victoria and Albert Museum, London). 32
La société de consommation vue à travers l’art
De tout temps, l’art est une forme d’expression, permettant à des artistes, observateurs et critiques de témoigner de leur société contemporaine. A partir des années 1960, les pays développés entrent dans l’ère de la consommation de masse. L’industrialisation et l’élévation des salaires ont pour conséquence l’élévation du niveau de vie et du confort domestique. L’électroménager entre dans tout les foyers et l’usage de la voiture se généralise. Les prix des produits de base baisse et les salaires augmentent au moment des 30 glorieuses, quand les grandes surfaces fleurissent partout. Au même moment l’image de la femme évolue, tout est fait pour leur faciliter les tâches ménagères et avec les enfants de façon à ce qu’elles soient indépendantes et puissent travailler. La consommation de masse va donc de pair avec le progrès et l’émancipation de la femme.
Le mouvement pop art,
émerge dans les années 50’, en GrandeBretagne et quelques années après aux États-Unis. Ce courant prend corps autour du groupe intellectuel Independent Group (fondé en 1952), composé de critiques d’art, de sculpteurs et d’architectes. Leurs études se centrent sur la culture populaire de l’époque, la culture et la consommation de masse, ainsi que l’industrialisation et les machines. Ils souhaitaient proposer une nouvelle approche de l’art et contestaient les 33
Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans, 1962, Museum of Modern Art, New York, 51 par 41 cm, 32 tableaux.
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approches moderniste et traditionnelle. Leurs œuvres mettent en scène des objets de la vis quotidienne, issus de la culture américaine. Très vite, après la création de l’Independent Group, les acteurs du mouvement se focalisent sur les images de publicités américaines, qu’ils assemblent sous forme de collages. L’oeuvre d’Eduardo Paolozzi, «Bunk», 1952, est considéré comme le prototype de ce que continueront les artistes. Il présenta ce collage lors d’une conférence de l’Idependent Group qu’il tient en 1952. 1 En France, divers courant artistiques sont associés au pop art, le nouveau réalisme ou la figuration narrative par exemple. Les protagonistes de l’un et l’autre des courants se défendent d’avoir une parenté, mais on constate que tous s’inspirent d’objets et d’histoires du quotidien ou de publicités. Les images publicitaires se sont réellement propagées dans les années 50’ et 60’, ce qui a très vite suscité les réactions d’artistes mais qui a eu l’effet escompté sur la population : la consommation de masse. Cette publicité a eu pour effet d’inculquer un mode de vie, une image est véhiculée par le produit. Ainsi, les consommateurs ont commencé à acheter des produits, non pas parce qu’ils en avaient vraiment besoin, mais pour l’image que celui-ci allait leur procurer. 1. The burlington magazine, avril 2008, p 238.
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Plastic Bottles, 2007 60x120’’ Source : http://www.chrisjordan.com/gallery/rtn/#plasticbottles
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Plastic Cups, 2008 60x90’’ Source : http://www.chrisjordan.com/gallery/rtn/#plastic-cups
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Andréas Gursky, Paris, Montparnasse, 1993, 187 x 428 cm
Andréas Gursky, 99 Cent II Diptychon, 1999, 308 x 207 cm 38
Lady in supermarket, 1969 et 1970, Duane Hanson 39
Images publicitaires affichĂŠes pendant la Cop21 Ă Paris Source : http://www.brandalism.org.uk/brandalism-cop21
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2. Situations de projet Les enjeux de la vallée de la chimie La vallée de la chimie, comme son nom l’indique, est le cœur industriel de la métropole lyonnaise. Vallée productive donc, dont l’architecture et l’urbanisme est très marqué par la présence de l’industrie lourde. La rive est de la vallée est essentiellement occupée par d’imposantes infrastructures industrielles, les bourgs et villages se trouvent sur les plateaux. Seule Feyzin bas fait exception, la ville réellement séparée en deux parties est la seule à proposer une mixité programmatique et des habitations, en bas de la vallée. Cette vallée, longée par la voie ferrée et par l’autoroute A7, est la porte sud de la métropole. Des passages très empruntés, qui mettent en vitrine les différentes infrastructures productives. Et une en particulier, est l’emblème de l’industrie lyonnaise : la raffinerie de Feyzin. A l’heure actuelle, le développement de la métropole de Lyon, déjà effectué à l’est, doit s’étendre au sud. Un des enjeux principaux du développement de la vallée est donc de gérer le vis à vis, la mitoyenneté entre habitat et industrie. Dans le cas particulier de la ville de Feyzin, l’enjeu est donc de répondre à la question : Qu’est-ce qu’habiter au pied de l’emblème de la vallée de la chimie ? 43
Parcours piétons à Feyzin bas. Traits pleins : existant, pointillés : projet Source : de l’auteur, d’après Projet Urbain de la ville de Feyzin
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Projet urbain pour Feyzin : Les grandes directives de développement : - Equilibre, Renouvellement, Qualité - Aménager le ville dans le respect de son environnement : faire pénétrer le végétal au cœur des quartiers - Prendre en compte le risque naturel (inondations et glissements de terrain) - Développer une continuité des espaces verts sur l’ensemble du territoire et les intégrer comme composante du développement urbain - Promouvoir les modes doux - Relier l’est et l’ouest - Relier la ville à la métropole - Conserver l’activité industrielle pour apport économique et les emplois quelle génère, mais faire de Feyzin une vitrine de la nouvelle industrie, plus propre, plus verte. Suite à l’élaboration de projets urbains spécifiques à la ville de Feyzin, l’agence OMA (Office for Metropolitan Achitecture), est consultée pour élaborer le plan guide de l’ensemble de la vallée de la Chimie.
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Le plan guide d’OMA, Vallée de la Chimie 2030
LE POTENTIEL D’UN RESEAU TRAM-TRAIN OU TRAIN LÉGER
OUEST
BIOPOLE
OULINS
PIERE BENITE
ST FONS
ST FONS SUD IRIGNY
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SUD
FEYZIN
ET AUJOURD’HUI ET AUJOURD’HUI
CITADIS DUALIS
© Érick Saillet
© Érick Saillet
VERNAISON
CITADIS DUALIS
GIVORS
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© Érick Saillet
© Érick Saillet
GRIGNY LE SABLON
Décembre 2014| 117
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Source : Plan guide vallée de la chimie 2030, par OMA, dec. 2014, p 117.
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Plan guide par OMA : Trois grands axes : - Réseau de transports en commun Des problèmes d’accès aux différents sites de productions sont à déplorer par les usagers de la vallée. L’entretien du réseau routier est indispensable mais ne peut répondre à tout les enjeux de déplacements que l’on connait. L’agence OMA, propose donc d’utiliser les deux lignes ferroviaires existantes, peu exploitées pour l’instant, pour mettre en place un réseau de tramtrain. La création de nouvelles haltes, permettra l’émergence de nouvelles polarités urbaines structurant le territoire. L’accès à ce nouveau mode doux sera amélioré dans un périmètre d’un kilomètre autour des haltes.
expérimentale, la création d’une trame paysagère, ou la phytorémédiation. Certaines espèces végétales ont la capacité de dépolluer les sols sur lesquels a eu lieu une activité industrielle notamment. - Nouvelle industrie Ou l’appel de 30, visent à rendre attractive la vallée de façon à ce que de nouvelles entreprises s’y implantent. Des entreprises spécialisées dans la Clean-tech, qui pourront donner une nouvelle image de l’ensemble de la vallée.
- La transnaturalité TRANSNATURALITE (n.m.) : transformation d’un artefact de nature en nature par un processus. (OMA plan guide) Le concept de transnaturalité vise à utilisé les ressources naturelle végétales dans un processus global de valorisation du territoire. Les intérêts d’un tel procédé sont entre autre : la création de biomasse, l’insertion d’une agriculture 47
Constat de la ville générique Ilot tertiaire/logements collectifs Feyzin bas
Ilot résidentiel Feyzin haut
Schéma taille des îlots Source : de l’auteur
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Le constat du génrique - Feyzin bas, axonométrie Source : de l’auteur
L’urbanisation de Feyzin bas s’est faite en donnant une place majeure aux déplacements en voiture. De rares cheminements ont été aménagés de façon à faciliter le parcours piéton. Mais les îlots restent très grands ce qui n’invite pas aux déplacements, même de courte distance, à pieds. La partie nord de Feyzin bas et organisée selon des îlots d’activité tertiaire, mais on trouve aussi des résidences de logements collectifs. La construction de ces logements date des années 70’ et 80’. On peut observer deux typologies de formes urbaines : les plots et les barres. Un lotissement de maisons pavillonnaires occupe aussi une grande superficie. La partie bourg de Feyzin bas a beaucoup changé à l’arrivée de la raffinerie. Le reste de la ville s’est étendu suivant une logique industrielle. C’est donc la raffinerie elle-même qui joue le rôle de marqueur paysager mais l’architecture habitée reste standardisée. 49
Choix du site de projet
Parcours piétons à Feyzin, traits plein : existant, pointillés : projet Source : Projet urbain pour la ville de Feyzin
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La particularité de Feyzin bas est de présenter une mixité de programmes et d’usages. Au bord du fleuve se tient la raffinerie, l’ancien bourg : le quartier des razes, était présent avant l’arrivée de la raffinerie dans les années 60’, et de nombreuses entreprises du domaine tertiaire sont implantées au bas de Feyzin. Le site de projet choisi se situ à l’articulation entre zone tertiaire et résidentielle et propose une vue dégagée sur la raffinerie. La parcelle se situe au sein d’un îlot de très grande taille, un des enjeux urbains définis par la ville, est de créer une traversée dans le sens est/ouest de façon à favoriser les parcours piétons, qui sont pour l’heure, que très peu présents. Un des objectifs est donc de créer une séquence parcourable à pied, sur le trajet entre la gare, le bourg et les entreprises. A échelle plus réduite et à proximité immédiate de la parcelle de projet, se trouvent un lotissement pavillonnaire, des logements collectifs et une entreprise. La parcelle de projet choisie joue donc le rôle d’articulation entre ces trois usages : singularité de Feyzin bas.
Coupe est/ouest de Feyzin Source : de l’auteur
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Situation
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Parcelle de projet 53
Photos prises depuis la parcelle de projet
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Définition du rapport au paysage
Lyon Industrie / Tertiaire N
Raffinerie O Industrie / Tertiaire
E
Balmes Voie ferrée
S
Gare de triage Parc Grand paysage et contexte immédiat, en fonction des orientations
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La problématique du rapport au paysage se pose particulièrement à Feyzin. Ce territoire est riche d’éléments puissants en terme identitaire et paysager, il convient donc de mesurer le rapport que l’on souhaite entretenir avec celui-ci. Regard sur la paysage : Au nord, le contexte immédiat est composé des grandes constructions abritant des entreprises du domaine tertiaire. Des parking occupent le sol disponible et les bâtiments suivent un gabarit qui fait référence aux hangars. Le grand paysage offre un vue sur Lyon, le fleuve et ses collines. Dans une logique de recherche d’une habitabilité, on privilégiera a vue sur le grand paysage ce qui permet de se localiser dans le territoire de la métropole et ainsi, renforcer un sentiment d’appartenance à la ville de Lyon.
histoire et de son économie. De plus des éclairages nocturnes ornent l’imposante structure ce qui crée un paysage à la fois urbain (référence aux lumières de la ville) et artistique. Le paysage immédiat est semblable à celui que l’on trouve au nord, il s’agit d’un tissu lâche composé de hangars industriels. Au sud, le paysage lointain ouvre sur la gare de triage de Serézin alors qu’au pied du bâtiment se trouve le parc du projet. Pour les façades donnant sur le parc donc, on choisira d’orienter les ouvertures vers le paysage immédiat. De regard sur le paysage découle une hiérarchisation des façades, un traitement différent sera appliqué aux ouvertures en fonction que l’on ouvre sur le grand paysage ou sur le contexte immédiat.
A l’est, passe la voie ferrée, au pied des balmes, coteau arboré. Là aussi on choisira d’ouvrir les ouvertures vers le grand paysage, de façon à se détourner des nuisances générées pas la voie ferrée. A l’ouest, au loin se tient la raffinerie, emblème de la vallée de la Chimie. L’esthétique de ce monument est contestable mais un réel travail sur la valorisation de l’infrastructure existe. Cet élément fait partie de la ville, de son 57
La qualité du sol
PPRI
Schéma axes de passages dans le parc pour relier les différentes entités urbaines proches du site. Source : de l’auteur 58
Intervenant en zones proche de l’industrie, la toute première question que l’on se pose, avant d’envisager toute construction, est celle de la qualité du sol. Quelles sont les caractéristiques du sol sur lequel on intervient ? 1 - Un sol artificiel En 1962 commencent les travaux de la construction du canal de dérivation du Rhône. Le canal navigable est creusé à l’est du fleuve naturel et la terre extraite sert de remblais à la rive est. Comme c’est le cas pour une grande partie de l’est lyonnais, le sol en surface est donc du remblais, un sol pas stable. Les conséquences sur la profondeur des fondations sont bien connues de nos ingénieurs mais suite à une déforestation dans le but de cultiver les terres, les terrains ont perdu en stabilité. Le résultat est qu’à l’heure actuelle de fortes pluies sont en mesure d’entraîner des glissements de terrain. 2 - Un sol inondable. Anciennement, le quartier des Razes était un marécage, chaque année, au moment de la crue du Rhône, les habitations baignaient dans quelques dizaines de centimètre d’eau. Après les travaux de création du canal, le fleuve est endigué et barré en amont, le sol est surélevé donc le risque d’inondation 59
diminue. Mais ce paramètre fait parti de l’histoire de la ville et mérite d’être traité dans le cas où l’on s’inscrit dans une démarche durable, connaissant la problématique de montée des eaux lié au réchauffement climatique, ce problème historique pourrait redevenir d’actualité dans les années à venir. 3 - Un sol pollué De part sa proximité avec la raffinerie, le sol contient de nombreuses particules polluantes. OMA, dans son plan guide, aborde le problème et invente le concept de phytorémédiation, qui consiste à dépolluer le sol avec des végétaux. Une étude du sol a été recherchée mais celles-ci ne sont pratiquées qu’en cas de projet d’aménagement, ce qui n’est pas le cas de la parcelle de projet. La question de la pollution des sol est cependant une problématique largement répandue en milieu urbain et sub-urbain. Les terrains pollués sont aujourd’hui sujet à de la spéculation foncière, et les temps de dépollution gèlent les terrains pour des durées allant jusqu’à plusieurs dizaines d’années. Le plan guide d’OMA est valable pour l’ensemble de la vallée et il semble évident que les micro-particules polluantes ne s’arrêtent pas aux limites parcellaires. Les écoulements d’eau, par exemples, sont un vecteur de transport. 60
L’impératif premier est donc de soigner le sol, avant d’envisager tout projet d’habitat. D’important enjeux doivent être pris en compte, comme la perméabilité des sols, qui est une problématique touchant l’ensemble de l’est lyonnais, ainsi que la dé-pollution. En parallèle, les projets urbains de la ville de Feyzin préconisent l’insertion de végétal dans les quartiers et l’aménagement de cheminements piétons.
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Bâtiments de logements collectifs existants, plot Photo et dessin de l’auteur
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Logements collectifs existants Les bâtiments de logements collectifs présents autour du site de projet, sont pourvus de façades constitués d’éléments préfabriqués. Les redessiner m’a alors semblé être une étape importante pour comprendre la façade, avant de pouvoir convoquer cette ressource dans le projet. Trois grandes caractéristiques s’imposent alors. Tout d’abord, dans le cas de la barre, les fenêtres sont toutes identiques, quel que soit la fonction de la pièce à l’intérieur du logement. Seules des baies vitrées ouvrant sur de petites balcons laissent imaginer un séjour à l’intérieur. Dans le cas du plot, on note aussi deux types de fenêtres, une étant légèrement plus étroite que l’autre, mais cette distinction ne nous donne pas beaucoup d’information sur l’intérieur. La façade nous indique qu’il s’agit d’un immeuble de logements mais la lecture ne donne pas plus de précisions. Les dimensions des modules de façade sont déterminées par la hauteur d’un étage et la largeur contient une fenêtre. Ce cadrage rythme à la façade. Dans le cas du plot, on observe même un jeu de profondeurs dans le module. Ce travail sur la volumétrie et ce jeu de cadres viennent donc apporter des informations supplémentaires à la façade. Le décors de celle-ci n’est pas traité par la fenêtre ou son placement mais par un élément de parement. Enfin, on remarque une originalité sur 63
Bâtiments de logements collectifs existants, barre Photo et dessin de l’auteur
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la façade des barres : une symétrie des modules est opéré entre les étages, ce qui crée un décalage de l’ouverture. L’importance de ces immeubles d’habitations sur le site de Feyzin ainsi que le passé industriel de la ville, nous invite à nous questionner sur la notion du module de façade et plus largement (dans la démarche de recherche) sur la question de l’industrialisation dans le domaine de la construction.
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Origines historiques de l’industrialisation des constructions Notre champ d’étude débute ici, au moment de l’industrialisation lourde des constructions. Les préfabrications antérieures légères et démontables, notamment à vocation militaires ne seront pas évoquées ici. « L’humanité produira une architecture complètement nouvelle, dès que les nouvelles méthodes créées par l’industrie seront employées »1 Dans les années 1950, le progrès technique et la nécessité d’une reconstruction ont pour conséquence la généralisation de constructions industrialisées. Konrad Wachsmann2 peut être considéré comme le premier théoricien de l’industrialisation de la construction. « Le principe de l’industrialisation est identique à l’idée de production en masse. Pour élaborer un objet unique, une machine, une série de machines ou une usine automatique constituent une dépense tout à fait irrationnelle de capital et d’énergie. La machine ne peut être comprise que comme outil répétant continuellement un cycle prédéterminé d’activités dont le résultat économique est la production d’un nombre élevé de parties identiques. Ce fait, évident, est 1. Théophile Gautier, 1875, publication de ses écrits à titre posthume. 2. Konrad Wachsmann, The turning point of building, 1961. 66
mentionné seulement parce que les caractères du processus industriel sont déterminés par ses conséquences. » 3 Dans une logique de production de masse, la question de la série se pose. En effet, la production à l’aide d’une machine n’a d’intérêt que si on lui demande la répétition d’une ou plusieurs taches identiques. C’est Walter Gropuis, fondateur du Bauhaus en 1919, qui pose les deux concepts autour desquels s’articule l’industrialisation des constructions : la série et le module. Suivis par le Corbusier et Mies Van Der Rohe, Gropuis et Wachsmann sont les pionniers de la standardisation et prônent la coordination modulaire. Leur but commun est de développer un habitat moderne, la maison d’habitation doit suivre les évolution sociétales et hygiénistes de l’époque. Avec l’apparition d’appareils managers, l’arriver d’un confort technique dans le logement, l’habitat individuel est remis en cause, la collectivité permet une économie et la mise en application d’avancées techniques. Idéalisant une nouvelle société, les théoriciens/praticiens se questionnent sur le sentiment d’appartenance à une collectivité. Bruno Taut affirme alors que la répétition d’éléments identiques créerait un sentiment collectif. 2. Idem
Le mouvement Hollandais De Stijl s’inscrit dans cette pensée. Les initiateurs du mouvement prônent la création d’une nouvelle conscience, adaptée à l’époque. Ils remplacent l’individuel par l’universel. Le plus connu des artistes du mouvement est le peintre Piet Mondrian, avec ses œuvres abstraites, dont les formes sont réduites à des lignes droites et les couleurs sont primaires, noir ou gris. Différentes écoles s’opposent dans leurs discours à cette époques. De légères nuances distinguent le style international du fonctionnalisme ou rationalisme, mais peut de bâtiments construits témoignent réellement de leurs différents. Leurs recherches se tournent vers la construction, les nouveaux matériaux employés tels que le béton et l’acier, et la recherche d’une harmonie entre la construction et son utilisation.
fabriquer des choses, de fabriquer des machines pour tout usage : la machine à écrire, le téléphone, mais c’est aussi l’heure de grandes avancées dans les domaines de aéronautique notamment. La maison Dom-Ino est l’exemple le plus probant de sa théorie. Composée de plateaux libres, tout aménagement est possible à l’intérieur. La flexibilité est poussée à son comble. Cette fascination pour la machine a déjà était relevée dans l’œuvre d’ Andy Warhol qui utilisait des techniques de peinture particulières de façon à ce que ses œuvres soient reproductibles par une machine.
On ne peut s’informer sur cette époque sans constater une fascination commune pour la machine. Certains s’en méfient, affirmant qu’elle causera la dégradation des conditions de travail et la réduction du nombre d’emplois. D’autres, voient cette évolution technique comme l’opportunité de révolutionner la construction. Le Corbusier défini la maison comme une «machine à habiter» à cette époque où l’homme a la capacité de 67
Références Plusieurs postures d’architectes sont remarquables quant à la question de l’industrialisation. Tout d’abord, une étude de références historiques sera présentée, avec les grands projets modernes qui ont vu le jour à l’heure de l’industrialisation.
Maison des jours meilleurs, Jean Prouvé, 1954 Source : Le Moniteur, Margot Guislain, Publié le 31/05/12. http://www.lemoniteur.fr/article/la-maison-des-jours-meilleurs-de-jeanprouve-recoit-ses-visiteurs-17729124
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Jean Prouvé (1901-1984)
Le designer et architecte français est le concepteur de plusieurs prototypes d’architecture démontable. Il est l’un des plus célèbres concepteurs de l’urgence, et réalise des habitations ou bien des équipements publics pendant la période de reconstruction. Maisons démontables La maison des jours meilleurs fût commandé en 1954 à Jean Prouvé, par l’Abbé Pierre. Le cahier des charges demandait un habitat de type 3, reproductible et économique. Les habitations devront être pourvues d’une salle d’eau et une cuisine chacune, ainsi que de deux chambres et d’un salon.1 L’architecte applique alors un concept qu’il avait mis au point dans son atelier à Maxéville (à partir de 1946). Le principe structurel et d’utiliser une seule poutre tôle pliée et un noyaux en acier. Ce noyaux porteur contiendra la salle d’eau et la cuisine. Ensuite panneaux de façade en bois, et de toiture en acier, viennent former le logement. Les panneaux sont préfabriqués, ainsi le temps de construction est très réduit. Le modèle exposé sur les quais de Seine fut construit en sept heures. Bien que le prototype ne soit pas homologué, l’architecte excella dans l’exercice qui devient une référence en matière d’architecture démontable. 1.Source : Le Moniteur, Margot Guislain, Publié le 31/05/12. http://www.lemoniteur.fr/article/la-maisondes-jours-meilleurs-de-jean-prouve-recoitses-visiteurs-17729124
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Il avait, avant la commande de l’Abbé Pierre déjà expérimenté l’habitat démontable avec des maisons démontables et modulaire en 1944 et le procédé de «construction à ossature métallique démontable», breveté en 1938. Le ministère de la reconstruction commande en 1944 des pavillons à Jean Prouvé pour reloger les sinistrés de la région Lorraine. Face à l’urgence de la situation l’architecte imagine des maisons modulaires, dont les dimensions peuvent être de 6x6m, 6x9m et en 1945 il créa la maison de 8x8m. La structure est composée d’un portique axial auquel deux poutres viennent s’accrocher. Ce principe fut mis au point en tôle pliée puis, en raison de la pénurie d’acier qu’à connu la France après la guerre, Jean Prouvé et Pierre Jeanneret, s’adaptent, et le construisent en bois. Malgré leur efficacité, très peu de constructions verrons le jour. Jean Prouvé concevais ses projets d’habitations comme des meubles, mais il a aussi travaillé pour des projets de plus grande envergure, des projets ou des équipements publics. La commune de Villejuif commande à l’architecte une école dont la construction serait rapide et légère, pouvant être démontée puis remontée.2 Le principe structurel diffère de celui mis en œuvre pour les projets d’habitat. Il s’agit d’une structure
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2. Source : Exposition, Galerie Patrick Seguin, 20th century furniture & architecture. http://www.patrickseguin.com/fr/designers/ jean-prouve-architecte/inventaire-maison-jean-prouve/bequilles-1956/
asymétrique, composée d’une béquille en tôle pliée qui porte une toiture en bois lamellé collé et cintré. Les panneaux de façades sont entièrement vitrés. On constate que l’architecte a beaucoup évolué dans l’emploi de des matériaux de construction entre 1944 et 1956, c’est le résultat de sa grande capacité d’adaptation aux ressources qu’il a à sa disposition, ce qui ne est cohérent avec la volonté première de fournir une architecture d’urgence. Il est aussi le concepteur du Pavillon pour le centenaire de l’Aluminium, construit à Paris en 1954. La bâtiment est composé de fermes métalliques placées les unes à côté des autres, et couvertes d’une toiture en métallique. La construction d’origine comportait 114 fermes de 15 mètres pour une longueur de 150 mètres. Après plusieurs déconstruction puis reconstructions, l’édifice est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1993. Le bâtiment restant mesure 90 mètres de long.3
3. LE PAVILLON DU CENTENAIRE DE L’ALUMINIUM, PARIS(1954), LILLE (19571992), VILLEPINTE (1999-2000) UNE MAGISTRALE DÉMONSTRATION TECHNIQUE Source : http://www.culture.gouv.fr/culture/ dp/patrimoine-xx/pages/res_pavillon_alu. html
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La maison Dom-Ino, Le Corbusier et P. Jeanneret, 1914. Source : http://www.fondationlecorbusier.fr
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Le Corbusier et Pierre Jeanneret,
Le concept de la maison Dom-Ino fut élaboré en 1914 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret1. En septembre 1914 la région des Flandres est dévastée par la guerre. Quinze ans plus tard le projet est prêt à être réalisé. Le concept est de proposer une structure comprenant planchers et escalier. Les structures sont tramées et tout les éléments nécessaires à l’aménagement d’un habitat à l’intérieur sont standardisés et proposés à la vente par une sociétésoeur de celle qui vend la structure. Tout est standardisé, les portes, les placards, les éléments de façade, les fenêtres, mais chacun à la possibilité de créer sont propre logement et tout les modules sont conçus de façon à pourvoir être mis en œuvre par un habitant. La maison Dom-Ino illustre deux grands principes de la modernité : le plan libre et la façade libre. L’innovation que fut le béton armé a permis l’imagination d’un tel système constructif. Une liberté totale est laissée à l’aménagement du plan, dont la façade n’est pas dépendante. Ainsi le plan et le programme sont totalement flexibles.
Mies Van Der Rohe,
La recherche d’une architecture universelle simplifiée. Tout d’abord réputé comme designer, Mies Van Der Rohe s’exile de l’Allemagne en 1. Maison Dom-Ino, Not located, 1914 Source : http://www.fondationlecorbusier.fr/
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La maison de verre, sĂŠjour Source : google
La maison de verre, façade sur cour Source : google 74
1938, son pays d’origine où le nazisme monte, pour les États-Unis où il passera le reste de sa carrière a théoriser sur l’architecture moderne. Nombreux de ses travaux visent à détacher l’enveloppe de la structure porteuse du bâtiment. Il devient un spécialiste des grattes-ciel et du style international.
La maison de verre, 1928-1932,
Pierre Chareau, Avant gardiste. Association bois et métal dans son mobilier de luxe Hotel particulier existant, impossibilité de le démolir entièrement car une locataire veut rester. Alors Chareau évide le bas de la maison, en ne conservant qu’un accès pour l’appartement situé sous les combles. Il place une nouvelle structure, en métal, sous la partie conservée du bâtiment. Des panneaux de façades, tous identiques, composés de pavés de verres, viennent fermer le volume. Le pavé de verre : produit industriel utilisé habituellement dans des lieux peu qualitatifs : pour apporter de la lumière dans les caves, dans les espaces de circulation non éclairés, etc. Ils apportent la lumière sans laisser la vue, ce qui permet d’avoir de la lumière en second jour, par exemple. Chareau en fait ici le matériaux unique de la façade d’une habitation de luxe. Coté cours, aucune ouverture Coté jardin, il y a des ouvertures, des fenêtres, un bow-window, etc. Le programme est très complexe, le docteur souhaite installer son cabinet dans sa 75
maison, et le couple veut pouvoir recevoir, selon les codes de société de l’époque. Le pavé de verre renforce l’intériorité du logement, l’individualité. Il isole l’habitation du contexte qu’il rejette. C’est un mur aveugle... qui laisse passer la lumière. Quand il est nécessaire d’isoler deux pièces, Chareau crée une porte coulissante recouverte de métal et aussi grande qu’un mur. Ainsi, quand la pièce à isoler n’est pas utilisée, la porte et la cloison disparaissent pour rendre son entièreté au volume. Entre les chambres et le couloir, les cloisons sont des cloisons placards. L’intérieur de la cloison épaisse est composé d’étagères, et des portes de part est d’autres permettent à la domestique de remplir les placards sans importuner les occupants de la chambre. Ainsi la cloison rempli plusieurs rôles : celui de rangement, de séparation, de seuil. Le même principe est poussé à l’extrême dans la salle de bain des parents. L’architecte conçoit la maison comme une machine, il laisse les mécanismes (d’ouverture des ventaux par exemple) apparents. La réflexion de Chareau et contraire à celle de ses contemporains modernes qui sont à la recherche de la standardisation, de l’économie et du logement collectif. Ici Chareau privilégie un art de vivre particulier, utilise des matériaux industriels de façon artisanale et travaille son projet telle une œuvre d’art.
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Lacaton et Vassal, Le projet de la Tour Bois de PrĂŞtre
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L’industrialisation de la construction à permis de grandes innovations dans le domaine de l’architecture. Après la seconde guerre mondiale, ces procédés sont utilisés dans une logique de reconstruction du pays et pour la création de nombreux logements. L’industrialisation lourde fut une réponse adéquate à un contexte de crise du logement. Aujourd’hui, nous parlons toujours de crise du logement, mais aussi de crise écologique. Or, procédés développés pendant l’apogée de la création industrielle convoques des ressources n’ont nous disposons plus en quantités suffisantes pour continuer ainsi. Des architectes adoptent une posture réfléchie et responsable à ce sujet. Références...
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Un bidonville c’est 1% de matière et 99% d’intelligence, alors que l’architecture que l’on fait, c’est 99% de matière et 1% d’intelligence
Avant / Après Source : http://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=56
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Lacaton et Vassal,
Le projet de la Tour Bois de Prêtre, à Paris témoigne de leur attitude LowTech, consistant à valoriser l’existant tout en économisant les moyens mis en œuvre. La question de la réhabilitation ou de la déconstruction des grands ensembles en France fait débat à l’heure actuelle. Pourquoi déconstruire un bâtiment encore sain ? Se demandent certains. Cela coûte moins cher de démolir pour reconstruire que de réhabiliter, répondront d’autres. Lacaton et Vassal ont clairement choisi leur camp, selon eux les espaces qualitatifs existants doivent être conservés et il suffit de peu pour donner une seconde jeunesse à cet immeuble. Ainsi, guidés par une démarche économe, les architectes conçoivent une structure à venir apposer à la façade existante. Ils créent alors une double peau composée d’un salon d’été et d’un balcon. Leur démarche se veut économe, en énergie déployée et en matière mise en œuvre.
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Akanoma Studio, Les architectes de cette agence située à Bandung, en Indonésie, ont signé plusieurs projets alliant matériaux de construction locaux et détournement de matériaux issus s’une production industrielle. Par exemple : - Du grillage, dans lequel sont tressées des feuilles sèches pour obtenir un panneau laissant passer air et lumière mais qui filtre la vue. - Enfin, une façade composée de parebrises de voitures disposés en écailles de poisson, permettant une ventilation naturelle par exemple. (3.)
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Le Manable Source : http://construire-architectes.over-blog.com/le-manable
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Le Manable, Patrick Bouchain, Loïc Julienne et Sonia Vu, architectes 1 Le Manable, projet réalisé en 2006 à Argentan est une salle communale pouvant accueillir des évènements collectifs. Le projet est entièrement construit en matériaux de récupération. Argentan est une ville au passé industriel, dont les activités ont été délocalisé en Chine, la ville souffre aujourd’hui d’un manque d’activité. C’est la ville d’origine du philosophe Michel Onfray qui y a établi son université du goût. Il met donc en place une culture de jardins et a besoin d’un abris, proche de ce jardin pour les habitants qui participent à la culture. Le philosophe y dispensera aussi des cours de philosophie aux enfants. Les architectes choisissent d’organiser le projet autour de la convivialité, pourvu d’une cheminée centrale, foyer du projet. Le projet relève d’une commande publique, les architectes insistent bien sur le fait que le projet à été réalisable à cette condition. S’agissant d’un projet construit avec des matériaux de réemploi, des problèmes ont commencé à apparaître au moment du dépôt du permis de construire, ne sachant pas à l’avance quelle apparence aurait le bâtiment. Le chantier était collaboratif, c’est à dire que les habitants de la ville étaient invités à y participer. La conception d’un tel projet est particulière car le dessin ne peut être réalisé qu’une fois le matériau disponible et est revu dès l’arrivée de nouvelles ressources. Au moment de la livraison du projet, un problème s’est manifesté pour le maître d’ouvrage : celui de l’esthétique du bâtiment. En effet, l’esthétique des bâtiments construit en matériaux de réemploi est particulière, ce à quoi ne s’attendait pas le maire de la ville.
1. Interventions de Loïc Julienne et Sonia Vu, architectes Conférence, Ekopolis, 2009.
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Pavillon circulaire, par Encore Heureux, pour la COP 21 2015, Paris. Source : http://encoreheureux.org/2015/09/pavillon-circulaire/
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Encore heureux,
Ils inventent le concept d’overshoot : rapport à notre consommation. Le jour de l’overshoot est le jour de l’année à partir duquel on consomme à crédit, c’est à dire, à partir du jour où l’on puise dans des ressources que la terre ne pourra pas combler l’année d’après. En 2015, c’était le 12 Août. La métaphore du dentifrice : A la fin on en met peu et on se rend compte que ça suffit, alors qu’au début on en mettait trop, si on en avait mis peu dès le début, on en aurait eu beaucoup plus longtemps. Réemploi des matériaux, garder l’âme de la matière. La première sortie culturelle des français, c’est la brocante, pas les musée. Il existe une fascination pour l’ancien, pour ce qui était là avant nous. Quand un bâtiment est déconstruit, il y a 5 solutions pour gérer les la matière, leur lexique : - Réutilisation : pas de transformation du matériau, même usage (ex : une porte reste une porte) - Réemploi : pas de modification, changement d’usage (par exemple, une porte devient un panneau de façade), - Recyclage : Transformation de la matière (et perte), nouveau matériau (une porte en bois devient un panneau d’OSB) - Incinération : Destruction, reste du machfer, méthode employée depuis longtemps mais dont on voit les limites, pollution. - Enfouissement : On cache, sous terre, ce dont on ne veut plus.
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3. Habiter la vallée de la chimie - Projet Mise en relation des projets du studio
Parcours piétons à Feyzin, traits plein : existant, pointillés : projet Source : Projet urbain pour la ville de Feyzin
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Après plusieurs semaines de travail individuel, l’idée de mettre en lien les projets situés sur les mêmes communes de la vallée à émergé au sein du studio SPAA. Trois projets situés à Feyzin, bien que travaillés séparément semblent particulièrement bien s’assembler. Les projets de Damien Girard et de Dorian Beydon sont eux aussi situés à Feyzin et la mise en lien des trois projets affirme l’impact métropolitain de l’ensemble. De plus on remarque que nos trois projets sont placés selon les axes de développement envisagés dans les projets urbains pour Feyzin. Le projet de Damien vient longer le voie ferrée et protège du bruit les habitations situées à l’ouest du chemin de fer. Développé dans le sans nord/sud, il vient s’accrocher au projet de Dorian et au mien, développés en est/ouest. Son projet comprend aussi la création d’une passerelle reliant Feyzin bas et Feyzin haut, connectant ainsi le nord de son projet aux équipements publics présent à Feyzin haut. Tout les trois accordons une attention particulière à l’espace public ou au cheminement piéton. Par des moyens différents, nos projets trouvent tout de même une cohérence. Cet exercice, bien que pas prévu dans l’exercice du projet nous a ouvert vers une nouvelle façon de collaborer. Autre que le travail de groupe que l’on a pu pratiquer plus tôt dans nos études, cet exercice ouvre vers une nouvelle façon de penser la ville. Chaque architecte garde son autonomie tout en collaborant avec ses confrères, dans l’objectif de faire la ville de demain. 89
Malaury Forget
Damien Girard
Dorian Beydon
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Aménagement du parc
Compte tenu de des contraintes intrinsèques au lieu (exposées dans e volet qualité du sol ) et des directives de développement de la ville, le traitement du sol se ferra par un parc. Le parc sera l’entité qui joue le rôle de lien entre les différents usages (résidence/ travail) qui bordent le site. Ainsi il devra permettre des traversées dans le sens nord-sud. Les axes est-ouest seront aussi traités de façon à permettre une traversé piétonne de l’îlot de très grande taille. Le développement de ces trajectoires permet aussi un travail sur les vues et les connections au grand paysage : la raffinerie vers l’ouest, les balmes vers l’est. OMA dans son plan guide crée le concept de transnaturalité. Il étudie différentes espèces végétales et détermine quelles les plus adaptées au traitement du sol. En ressortent : les saules, les peupliers, les roseaux.
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Usages du parc
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2.
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DĂŠplacements pendulaires 1. Matin 2. Midi 3. Fin de journĂŠe
Le parc aménagé sur la parcelle de projet propose une séquence de parcours piétons dans la ville. Sa position stratégique, à l’articulation entre entreprises et habitat est propice à différents usages tout au long de la journée. Le matin, les habitants du lotissement pavillonnaire, pourront rejoindre la gare ou l’école des razes en passant par le parc. De même, les résidents du quartier dont l’emploi se trouve dans l’une des entreprises de la zone industrielle, au nord du site de projet, pourront passer par le parc. Ainsi, il composera une séquence différente du reste de leur trajet domicile-travail. Pendant la journée et plus particulièrement entre 12 et 14 heures, le parc pourra devenir le lieu de pause des salariés des entreprises situées au nord du site de projet. D’où l’intérêt de penser des accès et traversées dans le sens nord/sud. En fin de journée, les déplacements inverses à ceux du matin s’opèrent. Les salariés rejoignent la gare en traversant le parc à pied, et les habitants rentrent chez eux, avec la possibilité de faire une pause dans le parc, quand les enfants rentrent de l’école entre autre. L’objectif de la création de ce parc et de proposer une séquence parcourable à pieds, comme il en existe peu à Feyzin, qui propose un paysage différent du reste de la ville. 95
Gabarit de la construction, une forme urbaine standard
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2.
3. SchÊmas de l’auteur - 29 mars 2016
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Choix de la forme urbaine standard à convoquer : Après observation du contexte de Feyzin, nous avons relevé la présence de bâtiments d’habitation au gabarit standard. Trois formes émergent : - Le pavillonnaire (1.) - La barre (2.) - Le plot (3.) Quelle forme réinterpréter sur la parcelle de projet ? Trois formes, trois essais. Le choix du lotissement pavillonnaire permettrait de mettre en place les traversées envisagées pour le parc mais ne répond pas à la contrainte de densification qui nous est posée dans l’exercice du projet. De plus, le modèle pavillonnaire est critiqué pour sa consommation excessive de surface au sol. Or, d’après les enjeux de perméabilité et de dé-pollution des sols que nous avons décrits plus haut, il semble pertinent de rechercher une forme compacte. La barre répond aux contraintes de densité mais ne permet pas de créer des traversées nord-sud et estouest que nous avons définis pour le parc. C’est donc l’option du plot qui sera retenue car elle permet l’aménagement paysager du parc, ainsi que la densité d’habitat. La typologie du plot à été traitée et réinterprétée de nombreuses fois, par beaucoup d’architectes. Ainsi, nous allons étudier quelques références, à travers une liste non exhaustive, dans lesquelles le plot à été implanté dans un parc ou un espace densément végétalisé. 97
Références FRES Architectes - Petite Boissière - Genève - 2011 http://www.fres.fr/PETITE-BOISSIERE
Le projet est situé à l’articulation entre une zone de résidences individuelles et un bâtiment de logements collectifs et de tertiaire, dans une végétation dense. Pour ce projet les architectes ont conçus un plan carré avec la circulation verticale centrée. Les quatre typologies sont en angle. On a là un plan de plot standard, mais à l’image de la façade, ils ont apporté de la légèreté dans les espaces des logements en plaçant des portes coulissantes entre les chambres. Les typologies en angles sont donc parfaitement assumées et mises en valeur car depuis toutes les pièces du logement, il est possible d’avoir des vues suivant deux orientations.
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David Chipperfield - Ninetree village http://www.davidchipperfield.co.uk/project/ninetree_village
Dans ce projet, l’architecte vient étirer le plot sur la longueur, comme dans plusieurs de ses réalisations. C’est la question du plot dans un parc qui est traitée ici, avec ces volume vêtus de bois dans une végétation naturelle très dense. A l’image de la végétation, les constructions aussi sont denses. La gestion du vis à vis se fait par une rotation des plots les uns par rapport aux autres, et la présence d’arbres autour des bâtiments. Le plan et les typologies ne suivent aucune «norme», car chaque niveau compte un seul appartement. L’architecte compose l’espace avec un système de boites contenant les espaces servants, qui découpent les espaces servis.
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ESCHERPARK - E2A Architectes - Zurich - 2007-2015 http://www.e2a.ch/projects/housing/escherpark#/page13/
On remarque qu’une démarche semblable à celle de David Chipperfield a été mise en place par E2A Architectes. Le projet Escherparck à Zurich répond à notre problématique de concevoir des plots dans un parc. Ici, deux types de plots viennent tenir l’allée centrale du parc. Un plan carré, contenant trois appartements par étage et un plan étirer qui contient trois appartements par étages aussi. La façade est faite de bardeaux de bois carbonisés à plus de 3000°C, puis brossés et lavés de façon à laisser une couche protectrice. Cette pratique permet d’éviter l’usage de produits chimiques et traite le bois contre les parasites et les champignons. Mais cela n’empêche pas un changement d’apparence du bois avec le temps. Les intempéries auront raison de son homogénéité, ce qui permettra aux bâtiments de s’intégrer de mieux en mieux dans le contexte végétal qu’est le parc.
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Concours Logements d’étudiants à Pinchat - Carouge, Genève Christian Dupraz Architectes http://www.christiandupraz.ch/?p=438
Contexte : Dans la campagne, en limite de la ville de Carouge, sur un terrain vierge de toute construction. Le programme du concours est de construire 100 logements pour étudiants. Le projet n’a pas été construit mais l’implantation d’un tel programme dans une ville telle que Carouge viendrait transformer le quartier. L’architecte privilégie les vues sur l’extérieur : à 360° et traite la relation du bâtiment avec le paysage, ce qui l’amène à dessiner trois plots identiques, dont la hauteur varie, de forme hexagonale irrégulière. La circulation verticale est placée au centre et joue aussi le rôle de puits de lumière, de façon à dégager de grands plateaux habitables. Les trois plots sont rapprochés de façon à créer un espace central, dont le niveau du sol est légèrement plus bas que le sol naturel. Dans un contexte naturel et cherchant un rapport avec le paysage, l’architecte utilise la typologie en plot, dont il se détourne en en cassant la symétrie, en le déformant.
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Gigon et Guyer - Pré babel - Genève Projet d’habitat, analyse architecturale, SPAA 2013, sous la direction de C. Viderski
I IMPLANTATION : MISE A DISTANCE
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Le site du projet est un ancien parc public. Une des contrainte est de ne pas toucher aux arbres existants qui viennent ainsi, découper la parcelle en plusieurs parties. Le parcours au sol est traité de façon continue, sans clôtures entre les différents bâtiments. Le fait que les bâtiments soient placés au milieu d’un parc homogénéise les vues qui sont ainsi, toutes équivalentes. Donc pas de hiérarchie entre les façades, ni entre les ouvertures. Dans cet exemple, c’est la façon dont les architectes manipulent le plan qui nous intéresse. Ils conçoivent une typologie de base, qu’ils dupliquent par symétrie. Ensuite, ils décalent les deux blocs de façon à multiplier les orientations des appartements. Entre les deux viennent de positionner les circulations verticales et un petit appartement. C’est donc la forme du bâtiment qui découle des typologies et non l’inverse. Il en est de même pour la structure porteuse qui découle des séparations entre les appartements. Les murs porteurs ont des formes non linéaires, ce qui profite aux logements.
Pour conclure, la typologie du plot semble particulièrement adaptée à l’implantation dans un espace paysager. Le forme standard du plot, carré, avec circulation centrée et des appartements en angle est questionnée dans de nombreux projets. Certains architectes conservent cette typologie, d’autres déforment le plot, en l’étirant ou en tronquant les angles. Cependant la forme utilisée sur le site, ou pour de l’habitat social reste proche du standard. La connaissances de ces différentes démarches permettra de faire des choix conscients par la suite, dans le projet. 103
Forme de base
Étirement du plot orientation par rapport au parc
Déformation des angles donner plus de façades sur le parc gérer le vis à vis
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Travail sur la forme Suite à l’analyse de nombreuses références concernant la forme urbaine qu’est le plot, j’ai choisi de travailler la forme de façon à l’optimiser par rapport au contexte et au parc. Partant de la forme de base quasiment cubique, à la manière de David Chipperfield, le cube vient s’étirer de façon à donner une orientation sur le parc et à dessiner les deux axes nord-sud. Christian Dupraz traite le rapport au paysage et à la vue panoramique dans son projet de logements étudiants. Il semble donc que tronquer les faces du plot soit une piste de réponse au vis à vis. Ceci permet d’augmenter le linéaire de façade sur le parc, mais vient fermer la façade nord.
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HiÊrarchie des façades
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Plan masse Source : PrĂŠsentation du 17 mai
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Rez de chaussĂŠe
Plan de RDC
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Le rez de chaussée est traité comme un espace de connexion, dans la continuité du parc. Les programmes inclus ont pour but de servir tant aux personnes qui travaillent dans la zones industrielle et tertiaire située au nord du site de projet, qu’aux habitants du lotissement pavillonnaire voisin au sud. Le plot situé à l’est accueille au rez de chaussez une cafétéria permettant aux usager en journée du site : les employés des entreprises voisines, de venir prendre leur repas au contact du parc. Le lot central est destiné à un espace de co-working. Ce programme s’inscrit en cohérence avec les projets de développement de la vallée de la chimie, visant à attirer des nouvelles entreprises et des start-up. Ce programme permet de proposer une solution d’implantation temporaire pour ces nouvelles entreprises, mais serait aussi disponible pour les habitant du quartier. Imaginons le cas d’un membre d’une famille qui travaille à domicile, pratique de plus en plus fréquente avec l’usage des télécommunications. Le plot situé le plus à l’ouest accueille une garderie pour enfants, pouvant recevoir les enfants des salariés des entreprises voisines, tout comme les enfants des habitants du quartier. Les rez de chaussée des trois plots s’inscrivent dans la continuité du parc, qui un lieu de passage destiné à tout les usagers du quartier : travailleurs et habitants. 109
Art de vivre Les typologies de logement
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2. Schéma d’organisation du plot, circulation décentrée, seuils Source : de l’auteur
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Orientation des typologies Source : de l’auteur
Dans ce projet, comme à l’image des références étudiées plus haut, la typologie du plot est travaillée en troquant les angles de façon à limiter le vis à vis et à offrir plus de façades sur le parc. La notion de seuil et du parcours emprunté pour passer de l’extérieur à son logement est analysé. Comme exprimé en coupe (1.), l’usager traverse différents sas et zones plus ou moins en contact avec le monde extérieur. Le premier espace traversé est le hall d’entrée qui représente un premier seuil vers l’entrée chez soi. Il s’agit d’un espace commun, privatif dans le cas d’une copropriété. Plus au centre du bâtiment se trouve la circulation verticale, escaliers et ascenseur sont encagés, totalement coupés de l’extérieur d’un point de vu visuel. S’opère alors l’ascension de manière efficace et rapide, le plus souvent par l’ascenseur. Et enfin, l’arrivée dans le logement, partie la plus privative et à nouveau ouverte sur l’extérieur (par l’intermédiaire des fenêtres). Ce pose alors la question de ce nouveau contact avec le contexte. Le dernier contact vécu, dans l’acte de rentrer chez soi, était avant d’entrer dans la bâtiment, quand l’usager se trouver physiquement à l’extérieur. A l’intérieur du logement le contact se fait par la vue, à travers les ouvertures. Le plan est alors redivisé, un seuil
supplémentaire est créer dans la partie la plus intérieure du logement (gris sur les schémas ci-contre) et une bande proche de la façade est défini comme étant la zone de contact avec le milieu extérieur (pointillés). Le plan type du plot est revisité aussi. Le schéma de la circulation verticale centrée avec quatre typologies en angle est décalé. La circulation commune n’est pas centrale mais se rapproche des façades sur le parc, ainsi la zone de contact à l’extérieur est redéfinie, elle s’efface sur certaines façades, s’épaissit sur d’autres, l’entièreté des typologies est alors modifiée (2.). Ainsi deux types de logements émergent : des logements profonds permettant une mise à distance de la façade, et des logements longs dont les circulations sont placées contre la façade. L’étroitesse des logements longs invite à traiter les typologies sur deux niveaux, en duplex.
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La hauteur de l’ouverture cadre la vue Schéma de l’auteur
Plan d’étage, réalisé au 1/50
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Le rapport à la façade, est traité suivent les déplacements qui ont lieu dans le logement, pour passer d’une pièce à l’autre. Dans le cas des logements en longueur, la desserte des pièces se fait grâce à des circulations qui sont proches de la façade. Les déplacements se font le long de la façade, l’usager se tient ainsi à proximité des fenêtres qui ouvrent sur le parc. Dans le cas des logements traités dans la profondeur, ce sont les pièces de vie et les chambres qui ont des proportions atypiques de façon à pouvoir proposer des espaces proches de la façade et d’autres plus en recul. Des loggias prennent place sur les façades est et nord (dans la cas du plot est, ci-contre). Ces espaces sont fermés par de grandes baies, au même titre que les autres ouvertures des logements. Le sol est traité en continuité entre les pièces intérieures et les loggias qui sont en fait des espaces fermés, non chauffés. Il en est de même pour la continuité du mur. Ces espaces tranchent donc de l’intérieur par leur perception sensorielle. C’est la température de la pièce fait la différence. Le choix de la fermeture de ces espaces se fait en considérations de la qualité de l’air à Feyzin. En effet, nous avons traité plus haut, la 113
Perspective intérieure du séjour d’un T4 Source : Rendu S10
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question de la qualité du sol, mais l’activité industrielle présente à proximité du site cause aussi des nuisances olfactives. L’intérêt est donc de proposer un espace «en plus» appropriable par les habitants. Le placement dans le plan des loggias permet aussi de séparer en deux parties distinctes la pièce de séjour. Ainsi, l’espace en contact avec la cuisine sera dédié à la prise de repas et l’espace plus isolé accueillera le salon.
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Rapport intérieur/extérieur, la fenêtre La fenêtre est un élément de la façade primordial. Or, il existe différents modèles de fenêtres standardisés, préfabriqués et qui sont en permanence en stock dans les enseignes de grande distribution. La disponibilité immédiate permet une réactivité dans la phase de chantier. Mais la question esthétique de ces fenêtres se pose. Existant en PVC, en bois ou en aluminium, et à plusieurs dimensions, une certaine liberté est possible. Cependant l’intérêt de traiter l’élément standardiser est d’utiliser le produit le plus économique afin de pouvoir le détourner, le cacher, le customiser. La fenêtre est le lien entre deux mondes : l’intérieur et l’extérieur le public et le privé. Elle doit répondre à deux échelles, elle est essentielle à l’intérieur du logement et donne son expression au bâtiment. La nature de la fenêtre renseigne sur la nature du bâtiment ou au contraire, brouille la lecture du programme par son abstraction. La composition de la façade relève du rapport entre vides et pleins. Elles reflètent une époque et renseignent sur la manière dont la société regarde le monde. Le langage de la pièce est lié au propos de la fenêtre. La fenêtre fait la pièce. La stimmung de la pièce est une sensation 116
Art de vivre
intuitive, ne nécessitant aucun bagage culturel pour être perçu. Martin Steinmann décrit la stimmung comme une atmosphère, un état d’âme. Cette ambiance se construit grâce à plusieurs éléments : les dimensions de la pièce, les matériaux, les ouvertures et les meubles. La fenêtre structure l’espace en tant qu’élément constructif possédant ses propres dimensions et matériaux, mais aussi par la lumière qu’elle fait entrer dans la pièce. La fenêtre, une entrée de lumière : Thomas Hasler évoque la « puissance expressive » de la fenêtre. Elle organise la pièce. La puissance d’un espace est activée par la lumière qui traverse l’ouverture. La lumière attire le regard, et oriente les mouvements des personnes dans l’espace, elle participe à une dynamique spatiale. La perception de la luminosité d’un espace découle d’une comparaison avec d’autres espaces communs. Ainsi notre expérience nous permet de juger un espace sombre ou clair. A l’heure actuelle, dans le domaine du logement, une grande luminosité est un argument de vente. Dans notre société, la qualité d’un espace augmente de manière proportionnelle avec la lumière qui y rentre. Ceci est la conséquence de la politique hygiéniste du XXeme siècle 117
Schémas de Le Corbusier - fenêtre en bandeau/fenêtre en hauteur Source : redessin de l’auteur
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qui place lumière et ventilation comme gages de salubrité mais pas seulement. Selon Akos Moravansky, la baie vitrée moderne serait un moyen de pallier à la réduction des logements, en offrant un agrandissement visuel, un sentiment de propriété d’une part du monde extérieur. La baie vitrée tend à ouvrir le logement vers l’extérieur et réduit la perception de limite entre deux espaces. Mais la baie vitrée pose des problèmes d’intimité en milieu urbain. Dévoile la vie intime, or, l’habitant doit se sentir à l’abri d’intrusions visuelles pour être à l’aise. Cette idée valable pour les usagers et potentiels consommateurs du logement en question, mais aussi pour les architectes. En effet, on a souvent peur d’une pièce trop sombre, rarement trop lumineuse mis à part le cas de la surchauffe sur les façades sud et ouest (cf réchauffement climatique). Or, la perception de la luminosité d’un espace dépend pour beaucoup du contraste entre zone lumineuse et sombre. Un contrastes lumineux crée tensions spatiales, variables au cours de la journée. L’effet d’atmosphère est difficilement quantifiable car il dépend de l’expérience de chacun. Mais concrètement, les zones ombragées
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Adolf Loos, Villa MĂźller, Prague, Czech Republic, 1930 Source : http://atlasofinteriors.polimi-cooperation.org/2014/03/19/ adolf-loos-villa-muller/
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permettent de se retirer dans un espace moins sujet à l’éblouissement et aux reflets ce qui devient de plus en plus important aux vues des nouvelles activités de notre société avec l’utilisation d’écrans notamment. Les entrées de lumières peuvent être gérées à travers le type d’ouverture ou avec différents types de filtres. Une pièce contrastée offre des espaces variés et donc un choix. A l’inverse, on peut noter la beauté d’un espace éclairé de façon homogène, où la qualité est la même pour tout le monde. Michelle Corrodi et Klaus Spechtenhauser ont démontré que la forme de la fenêtre influençait peu sur la quantité de lumière, par contre, la position de la fenêtre dans le mur et sa hauteur sont des paramètres importants. Les ouvertures situées en dessous de 85 cm de hauteur n’apportent que peu de lumière. La distribution la plus homogène se fait grâce à une fenêtre en hauteur. La nature du sol et la façon dont il reflète la lumière jouent aussi sur la luminosité de la pièce1. Une entrée de lumière peut, en théorie être remplacée par un éclairage artificiel, qui seul peut garantir un éclairage homogène. Or la perception des cycles de la nature est essentiel à l’équilibre de l’organisme donc les variations lumineuses en fonction de l’heure, des saisons, ne peut être rempla1. Lichteinfall – Tageslicht im Wohnbau, BirkhAuser et ETH Wohnforum, Bâle, 2008, p 139
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cée par des lampes.
La fenêtre, cadre sur le paysage : Une pièce doit impérativement offrir une vue sur l’extérieur, faire un lien entre intérieur et extérieur. C’est du besoin de liberté de l’homme que naît son rapport à la fenêtre. Un espace sans ouverture confère une sensation d’enfermement, d’oppression alors qu’une fenêtre offre une liberté pour l’œil de s’échapper. Un contact visuel avec l’extérieur permet concrètement de se localiser dans un territoire mais fait aussi appel à la poésie de la contemplation. Par exemple, une fenêtre sur rue va éveiller la curiosité et est propice à la contemplation de la vie diurne et nocturne. Une fenêtre consiste en un cadrage sur l’extérieur, elle fabrique du paysage et le met à distance. La fenêtre est aussi un élément constructif qui permet de prendre conscience que l’on est dans un espace construit, différent de celui de l’extérieur. La sensation de mise à distance peut être accentuée ou amoindrie grâce à des moyens architecturaux tels que le traitement du cadre ou la position en coupe de la fenêtre dans le mur, par exemple. Voir dehors permet la connaissance, la maîtrise de l’environnement extérieur et d’un périmètre visuel, qui confère un sentiment de chez soi. 122
Art de vivre
Bruno Taut et Walter Gropuis (1920) préconisent de différencier les fenêtres dédiées à la vue des ouvertures sanitaires. Loos quant à lui prétend qu’un homme cultivé ne regarde pas par le fenêtre, le verre est dépoli et ne sert qu’à faire entrer la lumière. Ainsi les fenêtres de ses maisons sont souvent placées au fond d’une niche dans laquelle est encastrée un divan, invitant à s’installer en tournant le dos à la fenêtre. S’il n’utilise pas le verre dépoli, il recouvre les fenêtres de voilages, empêchant ainsi l’entrée du paysage extérieur, qui viendrait perturber l’ambiance intérieure soignée grâce à une réflexion sur les matériaux et les couleurs. L’intériorité et les scènes de vie familiales sont plus importantes que ce qu’il se passe à l’extérieur. Lorsqu’il met en place le Raumplan (plan d’espaces)par exemple, le divan est encastré, tournant le dos à la fenêtre. Ainsi, l’homme est au théâtre, dont la scène jouée est sa propre vie familiale. Loos reconnaît les possibilités d’impact sur l’intérieur d’une fenêtre pour voir mais le contexte de construction détermine s’il est souhaitable ou non. La qualité de la vue offerte influence la qualité de l’espace intérieur, la stimmung. Il ne suffit pas de cadrer une portion de ciel pour apporter de la qualité à un espace, on doit, au mieux, voir l’horizon, au moins, une portion de l’environnement matériel qui nous entoure : La fenêtre comme espace
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BRENNER Anton, logements, Francfort - Praunheim, 1928-1929 Source : Habiter, une affaire de fenĂŞtres, Anna Zurbuchen.
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les constructions voisines, de la végétation, etc... Il existe une grande controverse entre Auguste Perret et Le Corbusier sur la question du meilleur cadrage sur l’extérieur. Pour A. Perret seule la fenêtre verticale offre un cadrage complet sur l’extérieur, il en révèle les différentes strates. Ainsi il dévoile les différents plans, du voisinage immédiat à l’horizon. Pour Le Corbusier, à l’inverse, la fenêtre verticale briserait la continuité du paysage, alors que la fenêtre en bandeau permet l’entière entrée du paysage, de l’horizon. Il perçoit la ville comme une succession de cartes postales révélant les monuments qui l’organisent. La question du cadrage oblige à prendre position quant au lien adéquat entre deux sphères : intérieur et extérieur. Les relier ou les séparer ? La présence ou non d’un contre-coeur et la hauteur de l’ouverture influencent le cadrage. Un contre-coeur, même bas, a pour effet de contenir l’intérieur. Au contraire, si l’ouverture va jusqu’au sol, l’intériorité de l’espace n’est pas soulignée. Dans le cas d’une fenêtre à la française, l’ouverture va jusqu’au sol et la forme évoque une porte. Il n’y a donc pas d’entrave matérielle sur chemin visuel entre intérieur et extérieur.
Le traitement du cadre et le dessin des meneaux ont aussi leur importance. L’épaisseur du cadre, qu’il soit imposant ou fin lui confère un rôle différent. Une menuiserie épaisse va cadrer le paysage alors qu’une menuiserie fine va s’effacer pour laisser entrer le paysage, formant un trou dans le mur. La couleur du cadre est aussi un choix important. Si le cadre est de la même couleur que le mur, il va avoir tendance à disparaître, alors qu’une couleur qui contraste va le mettre en valeur. Ces différents jeux d’épaisseurs, de matière et de couleur vont avoir pour conséquences de mettre le paysage à portée de main, ou au contraire de faire de l’intérieur un univers autonome. La composition des meneaux informe sur la possibilité et la façon dont on peut ouvrir la fenêtre. Un vitrage fixe pourra comporter des montants plus fins que si il y a un ouvrant, il peut même être totalement caché grâce à une attention portée au détail. Mais dans le cas du logement, cela pose le problème du nettoyage. La métaphore de la maison comme appareil photo revient souvent, notamment dans les théories de Le Corbusier. Les différentes ouvertures proposent des cartes postales que l’on découvre en suivant la promenade architecturale. Il est cependant important de raisonner les ouvertures. Si trop de paysage est 125
Non cadrage / Cadrage, l’importance de la mise à distance Source : de l’auteur
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visible, on risque de ne plus y prêter attention. Il faut donc raisonner la vue pour pouvoir pleinement l’apprécier. On retrouve le discours tenu par Pierre-Louis Faloci, dans sa conférence Esthétique de la menace1 où il explique sa prise de position sur un site chargé d’histoire et en zone sismique. Il met alors en place un jeu de murs, très simple, qui permet de totalement centrer l’attention du visiteur sur les parties réservées à l’exposition et ouvre la vue sur l’extérieur quand « ce n’est pas le sujet ». Il aborde aussi la question du cadrage sur le paysage et met en avant le fait qu’une fenêtre permet un cadrage sur l’extérieur à la seule condition que l’on se tienne à distance de celle-ci. La logement Existenzminimum, d’Anton Brenner construit à Francfort (19281929), inclus dans un même espace un coin nuit, intime et un espace plus représentatif et collectif : une salle à manger. Dans la salle à manger, une baie vitrée, est placée au nu intérieur, ce qui a pour effet de laisser pénétrer le monde extérieur à l’intérieur du logement. Du côté chambre, à l’inverse, une fenêtre est placée au nu extérieur du mur, ce qui met à distance l’extérieur, et renforce le sentiment d’intimité. 1. Esthétique de la menace, PierreLouis Faloci, Les Entretiens de Chaillot - 07 juin 2010.
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KAHN Louis I., Bibliothèque, Exeter, 1972
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FRIEDRICH Caspar David, Frau am Fenster, huile sur toile, 1822
La fenêtre, un lieu habitable : Louis Kahn et sa fascination pour le plan des châteaux écossais illustre les prémisses de la fenêtre habitable. Dans l’histoire de l’architecture, on a connu les murs des châteaux puis les murs rideaux. Avec l’évolution des techniques et les recherches structurelles, les murs se sont affinés. Mais aujourd’hui ils regagnent en épaisseur avec les contraintes thermiques. Pour faire de la fenêtre un lieu habitable, il convient d’inviter l’usager à y séjourner, d’en faire un lieu où l’on s’attarde volontiers. La fenêtre est aussi un espace dans lequel on peut physiquement se tenir. C’est un espace de seuil un entre-deux et un espace privilégié dont l’occupation est réservée à une, voire deux personnes. Une tablette de fenêtre, ou une assise dans l’épaisseur du mur peuvent enrichir l’habitabilité d’un lieu, car elle sont propices à l’appropriation. Dans Lost in translation. Assise devant une immense baie vitrée, au 40ème étage d’une tour, Scarlette Johansson, contemple, mélancolique, la ville de Tokyo. De multiples effets sont possibles en jouant avec la fenêtre, ce n’est pas seulement un objet industrialisé, le traitement de la fenêtre doit faire l’objet de
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détails architecturaux dessinés dans le but de servir au mieux le logement. v La fenêtre fait le visage du bâtiment : L’étymologie du mot façade renvoie au latin faciès : forme extérieure, aspect général, ou figure. Qui, enfant, n’a pas imaginé un visage formé par les ouvertures d’une maison ? La façade est bien le visage du bâtiment, c’est la partie publique de la construction, aussi privé soit le programme qu’elle abrite. Friedrich Nietzsche disait à ce sujet : « Les maisons nous regardent comme des visages », les yeux à travers lesquels elles nous regardent sont de toute évidence matérialisées par les fenêtres.1 La fenêtre permet de voir de l’intérieur vers l’extérieur mais depuis dehors, elle parle, du programme du bâtiment ou de son abstraction. A la Renaissance, la fenêtre était aussi le moyen de révéler le statut social du maître d’ouvrage. En fonction de la décoration, de la taille des fenêtres et de leur nombre, le propriétaire affiche une certaine richesse.
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Cela explique la volonté du royaume Anglais d’instaurer, au 18eme siècle, un impôt sur le nombre de fenêtres d’une demeure. Aujourd’hui ce lien de cause 1. (Nietzsche Friedrich, Die Augen des Hauses – Das Fenster als architektonische Form, in Werk, Bauen + Wohnen, sept 2007, Zurich, p36)
à effet est beaucoup moins valable, mais la dimension et le nombre de vitrages reste toujours une indication sur le prix du bâtiment. Mais d’autres critères entrent aussi en compte tels que la nature du cadre (PVC, bois, métal), par exemple. La fenêtre fascine aussi pour l’aspect scénographique qu’elle renvoie. Tel un patchwork de scènes de vie diverses, chaque percement dans les murs de façades laissent échapper un peu d’intimité. De plus, on remarque une inversion du sens de la vue entre jour et nuit : le jour on voit de l’intérieur vers l’extérieur, la nuit on voit de l’extérieur vers l’intérieur. Se pose alors la question de la vue depuis ou sur la rue, mais aussi du vis à vis, rapport intrinsèque à l’urbanité. Cette fascination pour la fenêtre est souvent traduite dans le cinéma. La fenêtre selon le plan, qu’elle soit
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Façade sur jardin du Hornbaekhus Source : 4. HORNBAEKHUS, F. Anost, énoncé EPFL, 2014.
Façade sur rue du Hornbaekhus Source : 4. HORNBAEKHUS, F. Anost, énoncé EPFL, 2014. 132
ouverte ou non, joue différents rôle. Elles est souvent utilisée comme un écran au travers du quel le spectateur observe une scène à distance, comme s’il n’était pas encore totalement dans la fiction. Mais parfois c’est tout le scénario du film qui tourne autour de la fenêtre, comme dans Fenêtre sur cour (Rear Window), d’Alfred Hitchcock1 ou bien dans Dans la maison, de François Ozon2. Dans ces deux cas, le personnage principal entretien une relation à sens unique avec son voisinage. De jour comme de nuit, les fenêtres donnent vie au bâtiment et ainsi animent la ville. Du temps de la noblesse, la maison était orientée sur jardin. Car la terre était un bien, en posséder était signe de richesse. Quand les bourgeois ont pris le pouvoir, un renversement s’est opéré, leur richesse ne provenant pas de la terre, ils ne tournent plus leurs habitations sur le jardin mais sur la rue, pour s’y montrer. Auguste Perret évoque « la banalité comme qualité esthétique spécifique de l’œuvre architecturale »3. La banalité découlerait d’une œuvre qui semblerait 1. Hitchcock Alfred, Rear Window, 112 min, 1954 2. Ozon François, dans la maison, 105 min, 2012. 3. Ortelli Luca, Sur la toile de l’ordinaire, Matière 4, Presses Polythechniqes et Universitaires Romandes, Lausanne, 2001, p 46-47
avoir toujours existé. C’est le cas du projet de Diener & Diener, Warteck, à Bale, (1992-1996). Le bâtiment dégage un certain calme pour l’observateur. Bien que neuf, le bâtiment semble familier, de part l’emploi de ses matériaux, la forme et la régularité des ouvertures. Cela relève souvent du travail de la fenêtre et de la relation quelle entretien avec le mur. Dans ce projet, comme dans beaucoup d’autres, Diener & Diener proposent de grandes fenêtres. Celles-ci sont placées, en coupe, à l’intérieur du mur et aucun cadre ne vient mettre en valeur leurs contours, ni donner une sensation d’agrandissement. K. Fisker, de 1920 à 1922, dans son projet d’habitat social Hornbaekhus4, a travailler sur l’impact de la présence ou non d’un cadre autour de l’ouverture. La répétition élégante d’une seule ouverture a pour effet d’affirmer la force collective. Le programme de logements sociaux est monumentalisé par la façade sur rue, alors qu’une domesticité est recherchée côté jardin. Les fenêtres utilisées sont toutes les mêmes, sur les deux façades, seuls les cadres changent. Sur rue, les fenêtres sont encadrées 4. 4. HORNBAEKHUS, F. Anost, énoncé EPFL, 2014.
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Diener & Diener, tour d’habitation Westkaal1 et 2, Anvers, 2005-2009 Source : http://dienerdiener.ch/en/project/apartment-towers-westkaai-1-2
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par un bandeau de plâtre, ce qui cache tout élément technique, de façon à ce que seules les briques verticales apparaissent. Alors que sur le jardin, aucun cadre, la structure et la technique sont révélées. Plus la façade d’un bâtiment est simple, plus il est confronté à la question de l’identité, dans le cas de logements collectifs par exemple, les habitants peuvent apprécier pouvoir repérer leur logement depuis la rue. Ainsi les façades sont décorées de pots de fleurs, de drapeaux ou d’objets en tout genre. Il s’agit d’une appropriation par les habitants, ce phénomène est totalement indépendamment de la volonté de l’architecte. Les ouvertures sont des endroits propices à la décoration, par habitants mais aussi par les architectes. Elles sont l’occasion de dessiner un garde corps, un système d’occultation ou un cadre particulier.
d’une régularité et d’une certaine liberté, à la recherche de l’harmonie. L’observateur est alors en mesure de comprendre certaines règles mais d’autres lui échappent, il doit alors les déduire lui-même, car le bâtiment éveille sa curiosité. C’est ce que M. Steinmann appelle le regard producteur. Le projet d’habitat de Diener & Diener à Anvers, questionne la régularité de la fenêtre par des séries. Des groupes de fenêtres se répètent sur les étages, et les variations suscitent un regard producteur. Il est tout à fait possible d’attribuer une fonction ou une pièce
Plusieurs démarches sont envisageables pour arriver à la composition d’une façade. Premièrement, il est possible de fixer des règles claires, c’est le cas d’une grille par exemple. Ou bien, le placement des ouvertures dépend totalement de la fonction qui se trouve à l’intérieur, dans ce cas les règles de composition ne sont pas lisible mais un équilibre est perceptible. Un autre cas est possible selon Martin Steinmann, la combinaison 135
Rue de Naples, photo. DE NODREST François (détail) Source : Habiter, une affaire de fenêtres, Anna Zurbuchen, Enoncé théorique Master EPFL, encad. Luca Ortelli, 2013
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derrière chaque type de fenêtre, et ainsi, imaginer les différents logements. Il existe une régularité dans la façade, avec seulement trois types de fenêtres et de percements. Cependant la variation par série donne un rythme à la façade du bâtiment. Il existe un rapport entre l’impression de masse ou de légèreté du bâtiment et le placement des fenêtre dans le mur. Une fenêtre placée au nu intérieur du mur donnera la sensation d’un bâtiment massif, imposant. En cause, l’épaisseur du mur qui est révélée et les ombres projetées à l’intérieur de percements. A l’inverse, une fenêtre placées au nu extérieur donnera la sensation d’un bâtiment lisse et léger.
La fenêtre et la question du vis à vis : « Les immeubles étaient si rapprochés qu’on les eût dit en conversation »1 Le vis à vis est un rapport entre les immeubles inévitable en milieu urbain. La densité implique un vivre ensemble, une vue chez l’autre de part la proximité. Dans le cas spécifique de l’habitat, un des enjeux dans le traitement des ouvertures est donc de prendre en compte cette relation, de façon à la rendre la plus agréable possible. 1. Desharte Agnès, Mangez-moi, Points, Paris, 2006, p 99
« Une architecture habitable dans un environnement dense et urbain doit justement trouver ses thèmes dans le seuil entre intérieur et extérieur, privé et public tout comme entre confort et représentation »2. Lukas Imhof propose donc d’apporter une réponse concernant le thématique du seuil. Une gestion attentive du rapport entre intérieur et extérieur ainsi que proposer des espaces à l’écart des vues et d’autres plus exposés, permettrait une habitabilité en milieu dense. D’après le schéma de développement de nombreuses villes, deux types de fenêtres sont à distinguer : la fenêtre sur rue et la fenêtre sur cour. Dans le cas de la fenêtre sur rue, pour gérer le vis à vis, plusieurs composantes peuvent varier. Tout d’abord la forme urbaine. La morphologie du bâtiment peut générer des vis à vis internes ou non. L’organisation des typologies, c’est à dire, le choix des pièces placées en façades ou la profondeur du logement, peuvent être sujet à des regards ou à des mises à distance. Mais ce qui nous intéresse ici, ce sont les ouvertures, matérialisés par les fenêtres. Il s’avère qu’un vis à vis est plus difficile à accepter si il y a un déséquilibre. Par 2. Imhof Lukas, Geschützte Exponiertheit, Private Aussenräume in der Stadt, in Werk, Bauen + Wohnen, mai 2012, Zurich, p 4 137
exemple, des très grandes ouvertures face à des très petites vont donner l’impression d’être exposé à ses voisins. Alors que si l’on voit autant chez le voisin que celui-ci ne voit chez nous, cela instaure un respect mutuel, une équité. La fenêtre sur cour requiert d’autres caractéristiques. La cours est un espace collectif intériorisé et non public, comme une rue. Le sentiment d’appartenance modifie la perception du vis à vis. Une sorte d’intimité à grande échelle est instaurée entre les habitations d’un groupe d’immeubles. Là aussi, une architecture et des ouvertures homogènes permettent une réciprocité des regards. La cour peut être perçue comme une grande fenêtre sur l’immeuble, elle est la concrétisation de la vie collective. En France il est d’usage de se protéger des regards extérieurs par la mise en place de rideaux. Mais dans d’autres pays du nord de l’Europe, au Pays-Bas ou en Suède, notamment, la tradition veut que l’on place un objet devant la fenêtre, une plante ou une lampe, par exemple. Cet objet est à la fois décoratif pour le logement et pour la rue et permet d’arrêter les regards extérieurs au premier plan, et ainsi, éviter qu’ils ne pénètrent plus loin dans le logement. Ainsi le vis à vis favoriserait la parure de la fenêtre pour protection de l’intimité d’autant plus si l’espace est pensé pour, avec des tablettes de fenêtres, entre autres. 138
Un cas spécifique découle des plans à patio, créant un vis à vis avec son propre logement. L’intégration d’un espace d’une autre nature : un espace extérieur, une terrasse ou un vide, crée une enfilade, et ainsi trompe la perception que l’on a du logement pour l’agrandir. Dans le cas de la fenêtre intérieure, on peut moins parler de vis à vis mais l’espace généré et aussi sujet à l’appropriation. Entre une cuisine et un séjour par exemple une ouverture peut s’avérer pratique, faisant référence au passe-plats. Le second jour permet aussi de requalifier certains espaces tels qu’un couloir ou un hall d’entrée pour y intégrer de nouveaux usages. Un autre moyen de gérer le vis à vis est aussi d’intégrer une profondeur à la façade, par une fenêtre habitable, une loggia ou un balcon, par exemple. Une fenêtre profonde n’est, certes, pas un obstacle visuel, mais deux épaisseurs spatiales dans une pièce permettent d’accentuer la notion de seuil, au moins psychologiquement.
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Etudes de cas Dépôt/hangar
Habitations
Habitations
Séjours Vis à vis
Schéma d’organisation du plan dans son contexte. Source : Redessin de l’auteur d’après Habiter, une affaire de fenêtres, Anna Zurbuchen, Enoncé théorique Master EPFL, encad. Luca Ortelli, 2013.
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En haut : Vue d’oiseau du projet Source : pinterest
Moroslav Sik, maison pour musiciens, Zurich, 19921998 Dans ce projet, Miroslav Sik intervient dans un contexte mixe. Des habitations au sud et un hangar contenant un dépôt de tramway bordent sa parcelle de projet. La façade borgne de l’autre côté de la rue pose la question de la vue que l’on offre dans les logements, mais aussi la question de la façade du projet, qui doit faire front sur des hangars. Du côté des habitations, la problématiques est toute autre, il semble important de minimiser les proportions de la façade par rapport aux habitations voisines. L’architecte propose donc un bâtiment en forme de peigne, la façade longiligne fait front aux hangars, alors que le travail de la forme, face aux habitations, permet de minimiser la taille du bâtiment, en le divisant en trois parties. L’unité de percement est identique sur toute la façade sur rue, seul le rythme change entre les ouvertures sur les logements ou celles sur les circulations verticales. Les fenêtres ouvrant sur les logements sont pourvues de volets, ainsi, la fenêtre n’est plus que le percement mais une composition de plusieurs éléments. L’intervention des habitants quand à l’ouverture ou non des volets, donne vie à la façade regardée depuis l’extérieur.
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A droite : Façade sur rue Source : pinterest
Circulations verticales ouvertes Source : pinterest
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Intérieur de la cour, vue sur les balcons/circulation, vis à vis entre les fenêtres des séjours Source : pinterest
Depuis l’intérieur des logements, l’architecte cherche à mettre en valeur le percement, en utilisant des menuiseries de la même couleur que celle du mur. Ainsi, la menuiserie s’efface. Les deux cours crées par la forme de peigne du bâtiment, sont pourvues de grandes fenêtres, ce qui renforce le sentiment d’appartenance à une collectivité pour l’habitant. Ces grandes fenêtres donnent sur les séjours des logements, les chambres donnent sur les façades nord et sud. Le biais dessiné entre les façades donnant sur la cour permet un vis à vis non frontal, le regard peut s’échapper vers une autre direction que la fenêtre du voisin d’en face. L’étude de ce projet semble particulièrement intéressante car le contexte et le programme sont semblables à ceux que nous traitons en projet à Feyzin. Miroslav Sik, répond par ce projet à la question du vis à vis avec des hangars quasi-borgnes, mais aussi au vis à vis crée au sein même du projet. Il utilise différents outils que l’on peut citer : la forme du bâtiment, en peigne, créant un biais dans les plis intérieurs, l’organisation des typologies et le choix des ouvertures.
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Photo d’une circulation Source : Pinterest
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Adrian Streich, logements Lienihof, Zurich, 2004 2007 La forme générale du bâtiment découle d’un jeu avec les règles urbaines, de façon à optimiser la surface à bâtir. Ainsi, l’architecte produit un bâtiment comportant de nombreux angles rentrants ou non. L’intégralité des façades est traitée en bandeau, ce qui unifie l’ensemble du bâtiment en mettant en valeur les strates des différents niveaux. Chaque typologie est organisée autour d’un voire deux angles rentrant. Ceci permet d’éviter les situation de vis à vis avec des voisins, et permet, en regardant dehors, de pouvoir voir chez soi. Ainsi, on a une sensation d’agrandissement du logement. Les limites visuelles du logements ne sont pas les limites physiques, une part de l’extérieur appartient à l’appartement. La façade bandeau a pour conséquence d’offrir peu de linéaire de murs, seules quelques cloisons pleines sont présentes dans le logement. Cela peut poser des problèmes d’ameublement mais des surfaces bien proportionnées incitent à former des îlots de meubles. Cependant le contre-cœur avec tablette bois est assez haut pour placer un canapé dessous, par exemple. L’unité colorimétrique choisie, permet de souligner l’effet linéaire et horizontal
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1. Source : dessin de l’auteur d’après Habiter, une affaire de fenêtres, Anna Zurbuchen,
2. Source : dessin de l’auteur d’après Habiter, une affaire de fenêtres, Anna Zurbuchen,
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des ouvertures. Seul un contre-cœur soutient la fenêtre, dépourvue de linteau. Le contact avec la façade et donc l’ouverture vers l‘extérieur est géré dès l’entrée dans le logement. La vue frontale sur la fenêtre est cadrée selon deux solutions. La première consiste en un cadrage par l’embrasure d’une porte (1.), l’autre est cadrée par une cloison intérieure (2.). L’intérêt de cette étude de cas et de comprendre comment il est possible de gérer de grandes ouvertures au sein du logement. La problématique du peu de mur meublables peu se poser dans d’autres configurations que la fenêtre bandeau.
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Faรงade est Source : http://dienerdiener.ch/de/project/maaghof-city-westof-the-maag-areal
Faรงade ouest Source : http://dienerdiener.ch/de/project/maaghof-city-westof-the-maag-areal
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Diener & Diener, Wohnhaus Maaghof City West, Zürich, 2002–2013 Diener & Diener sont réputés pour leur travail sur les fenêtres. Dans leur récent projet de logements à Zurich, ils expérimentent une forme de décoration de la façade par l’usage d’un garde-corps finement dessiné, dont le motif est répété à l’identique. L’élément est préfabriqué et construit en béton. La façade ouest voit courir un garde-corps dans la longueur, qui abrite des balcons, dont dispose chaque appartement. Cette profondeur donne à comprendre une épaisseur dans la façade, on distingue les ouverture en arrière plan, qui ne sont pas placées de façon régulière. La façade est est composée par de grandes fenêtres, elles aussi pourvues de gardecorps au motif identique que la façade ouest. L’utilisation de fenêtres anormalement grandes pour du logement vient tromper la lecture de l’échelle du bâtiment au volume conséquent. L’usage de grandes fenêtre réinterroge le rapport plein/vide qui est inhabituel dans ce projet. Les fenêtres de grandes dimensions, comme les deux architectes les utilisent souvent, confèrent au logement une qualité particulière. Les dimensions des fenêtres rendent inévitable l’utilisation d’un garde-corps. Celui-ci donne un caractère identitaire à la façade et horizontalise la perception que l’on a des ouvertures tant pour la façade est que ouest. 149
Façade est, dÊtail Source : http://dienerdiener.ch/de/project/maaghof-city-westof-the-maag-areal
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Diener & Diener convoquent aussi, dans ce projet, le regard producteur défini par Martin Steinmann. Le non alignement des fenêtres donnant sur les balcons est un premier jeu sur les rapports plein/vide. Mais c’est sur la façade est que leur travail est le plus subtil. Les fenêtres semblent être alignées et toutes identiques. En réalité, il y a un léger décalage, d’un étage à l’autre, qui vient donner une dynamique à la façade. De plus, les fenêtres en apparence identiques font en fait l’objet de variations. Huit formats de fenêtres différents sont employés sur le bâtiment. Ce projet emploi de grandes ouvertures, sur un bâtiment de grande taille. Il est pertinent de l’analyser dans le cas de ce travail de recherche, pour comprendre comment procèdent Diener & Diener pour employer la répétition et le regard producteur à la fois. Cela rejoint leur théorie selon laquelle les différences au sein d’un même bâtiment n’apparaissent qu’à condition que le reste soit homogène.
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Art de bâtir Explorations : la façade, le module préfabriqué
2. 3 fenêtres Encadrement régulier
3. Fenêtre unique Décalage
4. Ouvertures plus généreuses Redimensionnement des modules Elévations Source : redessin de l’existant de l’auteur, présentation du 1 avril 152
Projet - Première version Le premier essaie (2.) de façade est composé d’éléments préfabriqués en béton dont les dimensions s’approchent des dimensions maximales possibles avec les pré-murs, à savoir 12,5m par 3,7m. Trois types de fenêtres sont utilisés de façon à proposer des ouvertures adéquates à l’intérieur. Pour donner un rythme et une homogénéité à la façade, c’est le système d’encadrement relevé sur les immeubles existants (1.), qui est réutilisé. Cependant, l’utilisation de trois fenêtres différentes impose trois dimensions d’ouvertures, ce qui compromet l’intérêt du module préfabriqué. Pour le deuxième essaie (3.), le but était de tester la répétition des fenêtres. L’homogénéité de la façade et des modules est donc assurée, et le rythme est donné grâce au réemploi du décalage selon un axe de symétrie vertical. Cette solution ne sera pas retenue car les ouvertures sont trop restreintes et le décalage rend la façade brouillonne. Enfin, dans une démarche plus généreuse que la précédente (4.), ce ne sont plus des fenêtres de 100cm par 125, mais des baies de 215 par 180cm qui sont installées. On s’approche alors de la grille en façade et on n’opère plus de décalage des baies les unes par rapport aux autres. Les éléments préfabriqués sont redimensionnés et ont une hauteur correspondant à deux étages. Cette modification vient donc rehausser deux des bâtiments et impose un décalage plus important entre les deux bâtiments extérieurs et le central. Ces expérimentations traitent de la préfabrication et du module de façade mais aussi la série avec la répétition d’une seule ou de trois types d’ouvertures. 153
1. Élévation des bâtiments ressource, existant Encadrement - Régularité - Décalage
L’élément préfabriqué Le pré-mur L’élément de façade préfabriqué découle de l’industrialisation des constructions. Très utilisé dans les années 50’ à 70’ pour répondre à la crise du logement, cette solution semble aux objectifs du scénario. Les mutations en cours de la vallée ont pour objectif de voir s’implanter de nouvelles entreprises, dans le domaine de la clean-tech. Ces nouvelles activités, accompagnées d’un développement du réseau de transports en commun, auront pour conséquences l’arrivée de nouveaux habitants. Cette nouvelle demande s’effectuera rapidement, il est donc important de
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pouvoir être réactif dans le domaine de la construction. Le pré-mur est la réinterprétation actuelle du panneau de façade préfabriqué. Il s’agit d’un système porteur, qu’il est possible d’isoler à l’intérieur. L’entreprise, son lieu de fabrication et d’extraction de gravas, se situent dans la métropole. Le béton n’est pas le matériau de construction le plus économe en énergie grise, mais on essaye de diminuer l’emprunte carbone par de courts trajets.
Un module de pré-mur Photo de maquette carton, balsa - 1/50 Gauche : intérieur, droite : extérieur 155
Projet - Deuxième version Dans une seconde version du projet, la question de l’habitabilité est placé au premier plan. La morphologie du bâti reste inchangée par rapport au deuxième scénario mais ce sont la matérialité et les ouvertures qui sont réinterrogées. Le matériau de construction employé pour ce nouveau projet est un matériau préfabriqué et standardisé. D’après les expérimentations menées sur l’habitabilité générée par un matériau (mention recherche) il semble que la taille du matériau, ou module impacte l’habitabilité du lieu. Plus la taille du module est importante, moins celui-ci évoque un milieu d’habitat. L’objectif de ce scénario étant de tester l’hypothèse 3, la matériau choisi devra être issu d’un procédé industriel peu complexe. C’est à dire que le nombre d’étapes nécessaires à sa production doit être faible. En comparaison des grands modules de façades mis en œuvre dans le deuxième projet, nous nous intéresseront ici, à un module de petite taille. Le rapport au lotissement pavillonnaire situé au sud de la parcelle de projet apporte le question du bloc béton comme matériau constructif. 156
Inventaire des types de joints possibles Source : de l’auteur
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Le bloc béton, ou parpaing, est le matériau le plus couramment employé pour la construction de maisons individuelles. Il s’agit d’un matériau peu onéreux, accessible et simple à mettre en œuvre. Dans l’imaginaire commun, le parpaing trouve sa place dans les lotissements pavillonnaires et est visible sur des façades inachevées, pas encore crépies, souvent par manque de moyens financiers de la part du particulier. De telles situations sont d’ailleurs visibles aux abords de la parcelle de projet. Ce matériau fait donc référence directe à l’habitat individuel. Pourtant, il s’agit d’un matériau industrialisé, produit en série et dont les dimensions sont standardisées. Le procédé de fabrication est cependant assez simple, peu d’étapes sont nécessaires à sa fabrication et c’est une ressource disponible en grande quantité à la sortie des fabriques. Ce matériau employé en partie pour son faible coût, est habituellement enduit et caché car peu pourvu de qualités esthétiques. A l’échelle du projet de l’on propose ici, il est envisageable de mettre en place un processus visant à anoblir ce matériau. Sur chantier il est possible de polir le bloc béton. Cela représente une étape de transformation supplémentaire à la mise en œuvre mais de ne pas recouvrir le bloc à la fin du chantier. Un simple produit pour l’imperméabiliser doit être appliqué. 158
Procédé sur chantier pour la réalisation du joint creux Source : de l’auteur
Laisser le parpaing apparent pose la question du joint qui vient lier deux modules. Dans un procédé classique, il n’est pas soigné car sera recouvert par la suite. Dans le cas de ce projet, il sera nécessaire d’y apporter un certain soin. La quantité de matériau utilisé comme liant sera mesurée cas elle ne devra présenter de débordements disgracieux. Cela nécessite une attention particulière pendant le chantier mais à l’échelle des trois bâtiments réunis, une réelle économie de matière peut être réalisée. Les joints seront creux de façons à mettre en valeur le bloc béton et à créer un jeu d’ombres sur la façade. Ces effets seront accentués par la couleur du joint, traité en noir. 159
Images de projet Projet - Première version
Perspective depuis l’entrée du parc de la raffinerie Source : Présentation du 1 avril
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Perspective intérieure Source : de l’auteur
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Projet - Deuxième version
Perspective depuis l’entrée du parc de la raffinerie Source : Rendu S10
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Perspective intérieure du séjour d’un T4 Source : Rendu S10
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Perspective depuis le fond du parc de la raffinerie Source : Rendu S10
Coupe/ĂŠlĂŠvation sud du projet Source : Rendu S10 164
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Axonométrie du bâtiment
1. Parpaing poli 2. Joint creux noir 3. Parquet bois 4. Chape de béton ciré 5. Baie vitrée 2 ventaux coulissants 200x240 cm 6. Garde corps en verre 7. Cadre bois 8. Volets occultant intérieur 9. Volets occultant extérieur
9.
6.
3.
Détail d’une fenêtre en façade est ou nord Ech : 1/20
5.
7. 8.
4. 1. 2.
Détail d’une fenêtre en façade sud ou ouest Ech : 1/20 167
Conclusion Le travail de mention recherche a été l’occasion de mettre en lien des pensées propres à diverses disciplines autour d’un même sujet. La dimension universelle de l’emploi de la ressource questionne notre production architecturale future mais plus encore, un mode de pensée, une culture, peut être la future culture monde. La recherche théorique a permis de traiter l’aspect historique de ce sujet pourtant très actuel. L’étude de références architecturales dresse un tableau des différentes solutions envisagées par les architectes d’aujourd’hui. De l’emploi de matériaux de récupération, à la réhabilitation d’immeubles prêts à être démolis, de nombreux architectes sont concernés par la question de l’emploi de la ressource. A travers l’exposé des références, il apparait clairement que certaines solutions sont propices à certaines commandes, d’autres pas. Par exemple, l’utilisation de matériaux de réemploi est un sujet dont les limites s’aperçoivent vite. Pour l’instant, il n’est pas possible d’imaginer répondre à tout type de commande par ce type de moyens. Mais grâce à l’étude d’un certain nombre de démarches et de références, d’autres solutions émergent. Des bureaux comme Lacaton et Vassal, par exemple ont développé une façon de faire du projet applicable à tout types de commande et particulièrement à du logement. Tout au long de l’année, ma prise de 168
positions a donc beaucoup évoluée. Ma posture initiale était très intuitive, j’ai voulu dans un premier temps prendre le contre pied de la société de consommation que je venais de décrire. L’exercice du projet m’a petit à petit, dessin après dessin, poussé à questionner cette intuition pour faire évoluer ma pensée en même temps que mon projet. Après plusieurs mois de travail, le projet qui émerge vise à adopter une attitude raisonnée, mesurée, voire même critique. Le dernier projet proposé traite de la question de l’esthétique d’un matériau abordable, habituellement caché : le parpaing béton. Ici, on l’utilise pour sa disponibilité et son faible coût mais il s’avère qu’une étape supplémentaire sur le chantier permet une économie de matière et de moyens par la suite. Le projet final n’est pas un produit fini mais plutôt le résultat d’expérimentations nourries de théories et références. Un projet qui propose au final, de redorer l’image d’un matériau considéré comme disgracieux. L’objectif est de proposer un autre regard sur la matière et d’inviter l’imaginaire à faire parler le bâtiment. Aujourd’hui et pour un certain temps, l’emploi de ressources industrielles est inévitable pour faire la ville et répondre à nos besoins en terme de logements. La façon d’utiliser la ressource matérielle doit cependant évoluer aux vues
du visage homogénéisé que prennent nos villes. La question de la quantité et de la disponibilité de matière sont donc primordiales à se poser, mais pas seulement, c’est avant tout ce qu’on lui fait dire qui aura un impact urbain et social. Des démarches radicales comme on a pu en observer plus haut démontrent qu’il est possible de construire, un projet, à un instant particulier, dans un lieu précis. Le résultat parle de lui même, les bâtiments produit relèvent de la performance, sont uniques. Donc pour les projets de grande ampleur, telle que la construction d’une centaine de logements par exemple, la réponse est autre. Par ce dernier projet le but est de démontrer que l’emploi de la ressource industrielle, bien que quasiment imposée ne doit pas être subie, et qu’il est possible d’en faire un projet qui aborde les questions d’esthétique, d’habitabilité ou encore d’identité locale.
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