L’image d’aCtualité Une histoire de temporalité
Manon Genty Académie Charpentier
Département Communication visuelle / Design graphique Cycle d’études supérieures - Cinquième année Magister Communication visuelle / Design graphique Année universitaire 2012-2013
JUIN 2013 Numéro Gratuit
L’image d’actualité, une histoire de temporalité Manon Genty Académie Charpentier 2, rue Jules Chaplain 75006 PARIS Département communication visuelle / Design graphique Cycle d’études supérieures Cinquième année Année universitaire 2012-2013 A.C.C.É.S-MCVDG Académie Charpentier Certificat d’Études Supérieures MAGISTER Communication visuelle / Design graphique Session Juin 2013 Manon Genty 45 rue du gros moulin 85350 Ile d’yeu
Edito L’image d’actualité, une histoire de temporalité. Le T de temporalité ramène au T de temps, mais aussi au T de trois, au T de trinité. Ici, la Temporalité est définie par Trois découpages de l’image dans le Temps : l’avant direct, le direct et le différé.
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e journalisme et l’actualité en général sont des sujets qui m’intéressent mais depuis toujours je me demande si les informations que les médias nous délivrent sont authentiques. Avec l’arrivée d’internet et de l’information en masse, il est de plus en plus facile de changer le sens des images et de l’actualité. Puis en découvrant le graphisme j’ai réalisé que cet outil était intéressant pour traiter l’information. Alors j’ai choisi d’étudier les niveaux d’interpretation d’une image d’actualité parfois transformée, manipulée, détournée ou authentique. Ainsi, la problématique suivante se trouve au centre de mon mémoire : En quoi la diffusion d’une image d’actualité
en direct ou en différé peut changer sa lecture et son sens ? En lien avec la temporalité, j’analyserai la place du graphisme à travers l’image d’actualité ici représentée par la photo, la vidéo et les moyens graphiques mis en œuvre pour délivrer une information. Pour étudier l’image d’actualité dans le temps, je choisis d’analyser trois événements spécifiques.
Page de gauche Saut dans l’espace en direct du sportif Félix Baumgartner
Page de droite Les tours jumelles en 2000 Hommage aux victimes du 17 octobre 1961
En couverture Détournement d’une image de la statue de la liberté durant l’ouragan Sandy qui a frappé New York en novembre 2012
En premier temps, le massacre des Algériens la nuit du 17 octobre 1961. Cet événement qui date de plus d’une cinquantaine d’années est intéressant par la censure dont il a été victime et sa réactualisation au fil des anniversaires du drame. En second temps, les attentats du 11 septembre 2001, cet événement pour son omniprésence par l’image marque au début du 21ème siècle un tournant dans l’ère médiatique. En troisième temps, le Saut dans l’espace de Baumgartner le 14 octobre 2012, actualité qui par son avancée en terme d’image, de science et d’histoire représente les innovations contemporaines. En 50 ans d’histoire, trois dates, trois événements entre 1961 et 2012 pour mieux comprendre l’impact visuel de trois événements forts d’actualité au cours de deux générations, au regard de la temporalité dans leur diffusion. Pour respecter la thématique du temps dans l’écrit de ce mémoire, un plan chronologique précis est établi allant de l’avant direct au direct puis au différé, tout en respectant les dates des événements.
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AU SOMMAIRE 4 L’AVANT
L’avant direct d’événement prévisibles
4 La scénarisation de l’actualité
14 LE direct
L’événement d’actualité en direct
15 L’image amateur sur Internet
32 LE différé
Du différé à la rediffusion d’événements.
32 La technique au service du montage
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Moins d’images, moins de preuves Contre exemple de manifestations
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Une image inoubliable Quand l’actualité rencontre l’histoire
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Documents autour du massacre Les manipulations de l’Histoire Le négationisme, toujours d’actualité
Le World trade center, le 11 septembre 2001 La préméditation Le testament des kamikazes Et l’affaire Merah ?
Le World trade center, le 11 septembre 2001 L’image amateur, source première De l’événement à l’image, un impact réciproque
Le World trade center, le 11 septembre 2001 Farhenheit 9/11 Les dérives : la théorie du complot
Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 Le voir pour y croire Rien laissé au hasard Toujours plus haut
Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 En direct sur Youtube ! Tous connectés
8 Les alertes signifiantes
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Une manifestation prévue, un drame innattendu Le contrôle de la presse Le World trade center, le 11 septembre 2001 Des prémices marquants L’image posthume Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 Red Bull Stratos, la campagne de communication Tous suspendus à la météo 12 Interviews et témoignages
Les professionnels de l’image Le réalisateur Le monteur Le ressenti du public La Nuit Noire Le World Trade Center Le Saut dans l’espace
20 Les caméras, moteurs de diffusion de l’image en direct
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Jean texier et le matériel de l’époque Des années 60 à aujourd’hui, autres outils de l’image Le World trade center, le 11 septembre 2001 Les caméras de surveillance à New york Le film des frères Naudet: détourner sa caméra Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 Caméra et sport, la Go pro au service du mouvement Les frustrations du direct 26 La Course au premier
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 Une censure très forte Braver cette censure L’embarras, le silence Le World trade center, le 11 septembre 2001 L’image amateur prime sur l’image professionnelle Les aléas du direct à la télévision Les vidéos « Vautour » Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 La télévision et Internet, retransmission à part égale ? Un Scoop à tout prix ! 30 Interviews et témoignages
Les professionnels de l’image Le réalisateur Le monteur Le ressenti du public La Nuit Noire Le World Trade Center Le Saut dans l’espace
Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 L’après communication Baumgartner L’après communication Redbull 38 La réactualisation d’événements historiques.
La Nuit Noire, le 17 octobre 1961 La reconnaissance officielle, 50 ans après La vérité éclate toujours (ou presque) Le World trade center, le 11 septembre 2001 Anniversaire posthume La fiction et l’Histoire Le Saut dans l’espace, le 14 octobre 2012 Mort d’un héros, Neil Armstrong L’image d’archive, une preuve pour l’avenir 42 Le Webdocumentaire, un nouveau support de communication.
L’émergence d’un nouvel outil La nouvelle porte des sites d’information S’informer en s’amusant ? Un contenu graphique interactif Les dessous du webdocumentaire Une interface dédiée à l’utilisateur 44 Interviews et témoignages
Les professionnels de l’image Le réalisateur Le monteur Le ressenti du public La Nuit Noire Le World Trade Center Le Saut dans l’espace
L’avant.
L’avant direct d’événements prévisibles Un événement d’actualité peut être prévu à l’avance et nécessite une mise en scène. Dans d’autres cas il est prévisible et certains éléments annonciateurs sont perceptibles.
La scénarisation de l’actualité
La Nuit NoirE le 17 octobre 1961 Moins d’images, Moins de preuves
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a manifestation du 17 octobre 1961, «écrite», organisée en secret par les membres du Front de Libération National d’Algérie (FLN). En lien avec les tensions provoquées par la guerre et la vague de meurtres de policiers durant l’été 1961, ces derniers protestent contre le couvre feu imposé. Durant cette période, une seule chaine de télévision, une chaine d’état, la RTF (Radiodiffusion-télévision française) couvre l’événement et la guerre. La censure de la presse incite à la prudence. Les médias ne prévoient pas de suivre cette manifestation et de relayer les images pas plus que les témoignages.
Contre exemple dE manifestations
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nversement avant un rassemblement, il existe des cas ou les manifestants demandent à être filmés. Comme l’explique Laurent Jullier dans Images sans témoins : la place du spectateur dans le journal télévisé aux éditions L’harmattan, « C’est un moyen pour les faibles de se faire entendre et solliciter l’opinion publique, par exemple les Kurdes gazés en Irak ont demandé aux occidentaux de rendre public le génocide dont ils étaient victime. » Mais parfois, le désir de publicité et la présence réclamée d’un journaliste aboutissent à des modifications de comportement, par exemple, des manifestants iraniens devant l’ambassade des Etats-Unis attendaient que le voyant rouge des caméras s’allume pour se mettre à scander leurs slogans. De cette façon, le message est modifié avant même que l’événement ait lieu. Dans le même sens, j’assiste à une mise en scène. En octobre 2012, près du conseil économique et social avenue du président Wilson, je croise une armée de reporters en attente d’une action. Intriguée, j’attends aussi. Lorsque Valérie Trierweiller sort du bâtiment, la photo est réellement orchestrée. La pose est recherchée « Un peu plus sur la droite Valérie ! » « Monsieur, vous êtes devant ! » La photo résulte d’une mise en scène étudiée. Cependant, avant La Nuit noire, seule la tension de guerre et le malaise perceptible dans les rues de Paris suffisent à annoncer l’approche, et le risque d’un drame. L’image n’est pas au rendez-vous quand il se produit. Plus tard dans ce texte, nous verrons qu’un seul photographe a été appelé sur les lieux.
De haut en bas Logo de la RTF du 4 février 1959 au 26 juin 1964 Logo de la RTF du 9 février 1949 au 4 février 1959 Valérie Trierweiler pose « naturellement » devant les photographes le 21/09/2012 Source : AFP
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Le World trade center le 11 septembre 2001 La préméditation
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orsque le groupe terroriste Al Qaida dirigé par Oussama Ben Laden met au point son plan d’attaque contre les Etats-Unis et décide de s’en prendre à la forteresse économique et financière que sont les tours jumelles, construites en 1973 par l’architecte Minoru Yamasaki, il frappe le symbole du capitalisme mondial. Cet acte est soigneusement prémédité depuis les années 90 à Hambourg ou quatre étudiants musulmans, de diverses nationalités, se rencontrent, portés par leur fanatisme. Parallèlement, Al Qaida, tout juste née, recrute ses futurs « soldats » pour le Djihad, la croisade islamique. Quand tous ces éléments conjuguent, le « cerveau » de l’opération prévue, Khalid Sheikh Mohammed, conçoit une scénario pour une attaque gigantesque : 12 avions se crashant simultanément à la fois en Asie et aux États-Unis, sur 48 heures. Ben Laden trouve l’idée pertinente et cherche des volontaires. Les personnes retenues dont les quatres étudiants à leur tête s’installent alors aux États-Unis pour prendre des cours de pilotage. D’abord annoncé en 2000 puis en septembre 2001, ils sont prêts pour mettre à exécution leur projet.
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Le 11/09/01 Steve Mc Curry
ême si les conséquences sont terribles, les actes n’atteignent pas l’imagination spectaculaire des terroristes, au lieu de 12 avions prévus initialement, 4 avions décollent et 3 touchent leur cible de départ. Dans les années 2000, le développement d’Internet avec la circulation de l’image et des nouvelles technologies ne cessent de progresser ; les terroristes l’ont bien compris. Au delà d’une « déclaration de guerre » à l’Occident, le 11 septembre 2001 est un tournant dans l’histoire médiatique, l’image est devenu le support de cet affront : les terroristes font leur comptes et les Américains appuyés par les Occidentaux cherchent à comprendre. Les premiers imposent leurs images pour terroriser, les seconds pour témoigner, démontrer, prouver et déchiffrer.
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Le testament des kamikazes
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ien que parvenues plus tard, les kamikazes ont réalisé des vidéos testamentaires. Construites en général selon une mise en scène identique, elles montrent un plan séquence ou un homme assis au centre de l’image, vêtu d’un treillis et d’un turban avec à ses côtés une mitraillette, lit ses dernières volontés adressant de temps à autre un regard à la caméra.
Ses derniers mots ne concernent pas ses proches ni la distribution de son héritage mais plutôt sa haine et son désir de vengeance. « …Dans le cadre du Djihad contre les EtatsUnis et ceux qui les soutiennent. La mosquée Al-Aqsa estprofanée, la péninsule arabique est pleine de troupes américaines et britanniques qui combattent Dieu. »
méra et la brutalité meurtrière de ces paroles suscitent des images d’une extrême violence. Ces films produits par la chaîne As Sahab, bras médiatique d’Al Qaida ont une dimension posthume d’une rare violence ; ils existent pour frapper. Mis en ligne sur Internet, ils instaurent un sentiment de peur, de panique même. Leur aspect « normal » avec un jingle, des bannières et des logos, ressemble à un montage télévisé ou publicitaire banal, quotidien, en contraste avec la puissance du message.
La chaîne de télévision Al Jazira diffuse le testament d’un des terroristes. Ahmed Al-Haznawi Al-Ghamdi aurait enregistré la vidéo six mois avant les attentats. Source : Tf1.fr
En publiant ces images sur la toile, les réalisateurs de ces vidéos testamentaires, acolytes des terroristes, connaissent la force de leur impact.
Le contraste entre le visage de cet homme posé et calme, fixant la ca-
« Le 11 septembre 2001 a ouvert un nouveau siècle, celui des miroirs avec ce qu’ils renvoient de notre monde : l’apparence, et ce qu’il y a derrière : une vision subjective de la réalité. » Maxime Drouot, romancier
Et l’affaire Merah ? Un autre cas de terrorisme prémédité a frappé récemment : L’affaire Merah. Ce dernier, responsable des tueries à Toulouse et Montauban a préparé ses actes. Au delà d’avoir choisi précisément ses cibles, il s’est procuré une caméra Gopro dans le but de se filmer en action. Désir narcissique du meurtrier ou propagande religieuse relayée par l’image ?
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ans un article de L’Hebdo du 2 avril 2012, le journaliste Luc Debraine s’entretient avec Olivier Voirol, chercheur au Laboratoire de sociologie de l’Université de Lausanne qui apporte quelques réponses : « Pour moi, le cas Mohamed Merah n’exprime pas l’idée « Soyez le héros de votre propre vie ». Celleci est le fait du marketing, de la publicité. Mohamed Merah s’inscrit dans un combat politico-religieux, le djihadisme, qui utilise beaucoup la vidéo pour sa propre propagande. S’il se voit comme un héros, c’est
dans le cadre d’une cause religieuse qui lui promet le paradis, mais nie sa condition d’individu. Dans cette logique qui le dépasse, il utilise tous les moyens à sa disposition. Y compris la caméra. » Démontré ainsi par le sociologue, l’image est au cœur du terrorisme religieux, de sa réelle volonté de montrer et de provoquer. Comme tout projet et toute réalisation, ces films terroristes utilisent à bon escient une écriture scénarisée.
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Rien au hasard, une préparation maîtrisée : sportive et médiatique
LE Saut dans l’espace
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le 14 octobre 2012
élix Baumgartner, Autrichien agé de 43 ans, muni d’un tatouage sur l’avant-bras « né pour voler » est l’homme de la situation. Ancien parachutiste de l’armée autrichienne, il est connu pour son goût du risque et la nature dangereuse de ses sauts en chute libre. Parmi eux, le saut à partir de la main du Christ Rédempteur à Rio, celui de la traversée de la Manche, ou encore le saut du 91ème étage du gratte-ciel Taipei 101 à Taïwan.
Le voir pour le croire
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e scénario est particulièrement utilisé dans le cas du Saut dans l’espace de Baumgartner, le 14 octobre 2012. En effet, ce défi sportif d’envergure, à la fois scientifique et astronomique, demande une attention et une préparation minutieuse jusqu’au jour J.
Avoir à l’esprit l’image de ces performances constitue déjà une preuve des capacités de ce sportif. Sa préparation est digne des spationautes ; en plus de l’entraînement physique il a pris en compte tout les paramètres médicaux notamment la vitesse cardiaque, la température, la pression atmosphérique. Autant d’éléments qui ne concerne pas le commun des mortels sur la terre.
Les exploits en ce domaine paraissent si exceptionnels qu’il est difficile de croire qu’un humain puisse aller si loin dans ses défis. Dès lors, Red Bull, le sponsor et inventeur du projet, et une équipe de scientifiques vont organiser la médiatisation de cet événement historique, médiatisation historique, elle aussi. Depuis les années 50, l’homme entreprend des sauts de plus en plus haut dans l’espace mais si le projet de franchir le mur du son est envisagé depuis quelques années, il ne voit le jour qu’en 2007.
De haut en bas Félix Baumgartner saute du haut de la main du christ redempteur à Rio en 1999 Source : web.de Tatouage du sportif «Born to fly», né pour voler Source : Picture alliance / Herbert Neuba
Parallèlement à cette préparation sportive maîtrisée et ce prologue humainement fascinant, l’intégralité du matériel médiatique est financé et fabriqué spécialement pour immortaliser et communiquer cet exploit, ce saut ; le casque de Baumgartner inclut un microphone et des écouteurs pour maintenir le contact avec l’équipe, fait normal et assurant sa sécurité mais la sophistication se met au service de la communication publique. Plusieurs caméras sont conçues, adaptées pour supporter l’absence de gravité, les changements de température et de basse pression, notamment. La capsule ascension doit contenir neuf caméras à l’intérieur, et quatre caméras à l’extérieur. Toutes peuvent être contrôlées à distance. L’équipement comporte lui aussi trois petites caméras vidéo à haute résolution, un dans chaque cuisse et une à la poitrine. Pour obtenir la transmission vers la terre, les scientifiques ont créé un système appelé JLAIR, système de caméras aériennes qui tient également compte des 35 appareils photographiques installés au sol. En outre, un hélicoptère équipé d’une caméra doit circuler le plus possible entre la capsule et Baumgartner. Toujours plus communiquant, toujours plus communiquer pour s’imposer, se faire entendre, exister.
Toujours plus haut !
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as si loin le temps des premiers pas sur la lune par les célèbres astronautes, Armstrong, Aldrin et Collins. En revanche quel progrès technique depuis cette année 1969 ! Ils étaient équipés de seulement un ou deux appareils photographiques Hasselbad. Pour chaque performance, l’image s’avère indispensable, car elle est porteuse de la preuve, le témoin de l’exploit pour les générations futures. Galilée n’est-il pas allé en prison lorsqu’il affirmait que la terre était ronde ? On était loin d’imaginer qu’un jour arriverait la photo assistée par satellite pour le vérifier ! C’est pourquoi aujourd’hui, les outils et le matériel sont des éléments indispensables dans la préparation d’exploits comme le saut de Baumgartner. Cette technologie mise au service de la communication maîtrisée joue un rôle fondamental pour le sportif, au même titre que le scénario de son exploit, transmis au monde entier.
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De haut en bas
Les alertes signifiantes
Le préfet Maurice Papon lors de son procès en 1997 Portrait de femmes algériennes pendant la guerre en 1960 par le militaire photographe Marc Garanger. La plupart des femmes ont été forcées à poser sans leur voile alors que celui-ci ne s’enlève que dans la sphère privée. Seulement quelques clichés pris par des militaires français existent au sujet de cette guerre.
La Nuit NoirE le 17 octobre 1961 Une manifestation prévue, un drame inattendu
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n Algérie, le contexte de guerre dans les années 50 attise le contrôle et la censure de la presse notamment lorsqu’il est question de la torture en Algérie. Pour les journaux, se pose alors la question de comment traiter et rendre compte d’une violence quotidienne sur le terrain des affrontements, comment dénoncer ou ne pas dénoncer la torture, comment traiter la question du fait colonial et quelle posture idéologique adopter face au colonialisme et aux revendications d’indépendance du FLN ? Comment dire et montrer la réalité de la société en Algérie ? L’État français responsable de violences physiques s’expose si celles-ci sont révélées, à une contestation forte au sein de la société civile. Ces contestations affaiblissent l’Etat qui souhaite dissimuler la réalité des violences et faire taire les contestataires. Pour cela, il prend notamment des mesures de censure à l’encontre de la presse et de ses publications. Dès lors, s’installe un silence pesant autour des questions de la violence et des tortures.
Le contrôle de la presse
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es médias, pour leur part, participent à la cohésion du lien social. Les journaux français des années 50 hésitent donc à remettre en cause l’autorité de l’État. À partir de l’année 1956, Combat et L’Humanité créent une rubrique spéciale pour « Les événements d’Afrique du Nord »; le mot « guerre » étant interdit d’écriture et de parole. Le manque total d’informations objectives sur les actions concrètes de l’armée française ainsi que sur le traitement réservé aux Algériens arrêtés semblent probant à la lecture de ces articles. Ils traitent des interventions de l’armée chez des membres du FLN, relatent ces faits comme des interventions réussies, dont le seul but est de récupérer des armes et d’arrêter les dirigeants du mouvement politique pour l’indépendance. Le terme « torture » n’est jamais employé. Le manque d’informations qui parvenaient en France, à la censure, ainsi que la pression exercée par certains hommes politiques témoignent de ce silence. Dans Le Monde du 26 juillet 1955, le député du Haut Rhin, après un séjour en Algérie s’exprime sur la presse en ces termes : « Les esprits seraient moins inquiets si la presse consentait à s’abstenir en toute circonstance de donner des événements déjà suffisamment graves en eux mêmes, des versions qui dépassent la réalité. » Lorsqu’arrive la nuit du 17 octobre 1961, la société subit toujours cette censure. L’écrit est contrôlé et l’image très peu présente. Quand bien même certains journaux osent et tentent de s’exprimer, la population française reste désinformée. Même si chacun connaît le conflit, la situation de guerre demeure très partialement assimilée. Cependant, une tension perceptible va croissant depuis quelques années ; le massacre à venir est lui, inattendu.
Mort d’un milicien républicain 5 septembre 1936 Robert Capa Cette photo représente la mort, présentée comme réelle et prise sur le fait, de Federico Borrell García, un anarchiste combattant dans les rangs républicains durant la guerre d’Espagne.
Le World trade center le 11 septembre 2001
Des prémices marquants
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L’image posthume
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e champs de la « censure », ou plutôt de « l’attentisme » des Américains se relisent quarante années plus tard, an pour an… Ainsi, les prémices de l’histoire à venir, concernant le 11 septembre 2001, sont d’ampleur. La population garde en tête le souvenir de nombreux crimes provoqués par des terroristes fanatiques, particulièrement un premier attentat meurtrier contre le World trade Center en 1993.
a représentation mortuaire et l’image tangible de la mort fascine toujours. Le crucifix, objet mural, image ou objet porté, demeure le plus reproduit dans le monde aujourd’hui. Ici, l’image de la mort rappelle le sacrifice du Christ pour les hommes et représente le symbole de la religion chrétienne.
Michael Moore, dans le documentaire Fahrenheit 9/11, revient sur cette menace terroriste connue et montre un plan ou le président Bush préfère s’adonner au golf plutôt que d’étudier des documents officiels à ce sujet.
D’autre part, n’est ce pas la photo Mort d’un milicien en 1936, qui a rendu célèbre le très grand reporter Robert Capa ?
De son côté, Ben Laden publie en 1996 dans le journal londonien Al Quds Al Arabi une fatwa ou plus précisément une déclaration de guerre aux Américains et à leurs alliés de plusieurs dizaines de pages. Les images posthumes des attentats, ou même des guerres, peuvent suffire à installer un climat d’alerte et de peur. Ces images troublent plus encore quand un texte comme celui de Ben Laden les accompagne.
La souffrance et la mort quand elles sont figurées apparaissent comme réelles, proches, et lorsque ce sont des civils qui sont touchés, par exemple dans le cas des attentats, ces deux représentations, celle de la mort et celle de la réalité de la mort deviennent palpables.
LE Saut dans l’espace le 14 octobre 2012 Red bull Stratos, la campagne de communication
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e phénomène Baumgartner a également pris une ampleur considérable auprès du public avant la date fatidique du Saut. Surtout grâce à la campagne Red Bull Stratos. Red Bull entre dans l’histoire de la communication produit avec ce projet du saut qui illustre parfaitement sa signature «Red Bull donne des ailes». Le produit énergisant parviendrait-il à donner des ailes à Félix Baumgartner qui devient le premier être humain à franchir le mur du son ? La marque a réussi à créer un événement sur toute sa durée dont elle est entièrement propriétaire. Cette communication publicitaire sur le produit sportif en la personne de Baumgartner sert parfaitement la boisson. Cet événement éphémère se décline différemment d’une publicité traditionnelle. Son côté singulier lui permet de marquer les esprits. Dans l’attente de l’exploit, Redbull Stratos réunit un site web, un spot publicitaire, et une chaîne Youtube. En s’alliant avec le célèbre site de partage de vidéos, l’événement s’inscrit dans l’ère du temps. Le site web, aux airs de conquête de l’espace avec sa typographie spatiale, ses pictogrammes géométriques et ses voyants lumineux donne l’impression d’être dans la cabine d’une fusée. L’internaute devient le vrai héros de la mission Edge of Space ; il est possible d’appuyer sur tout les petits boutons pour avoir des informations sur le défi de Baumgartner. Cette dimension ludique renvoie au jeu vidéo ; tout est conçu pour le divertissement de l’internaute. Car sans lui il n’y aurait pas de mission Edge of Space, tout comme il n’y aurait pas de spectacle sans public, pas d’art sans regardeur. Le spot publicitaire dure 3’06, fait exceptionnellement long quand la moyenne de durée se situe entre 30 secondes et 60 secondes. Aux allures de film de science fiction, l’image retravaillée, via des logiciels d’animation et des effets spéciaux est impeccable. Le montage alterne entre l’immensité de l’univers et des zooms sur le visage sérieux de Baumgartner, héros de sa prestation sportive. La musique poignante, choisie avec le plus grand soin, entrecoupée d’enregistrements de la voix de l’Autrichien, étouffée par son casque à propos de l’altitude gravie par la capsule entretient le suspense. Enfin, un gros plan se pose sur son œil déterminé et un dernier plan élargi d’ensemble montre la planète terre. Puis, Baumgartner se jette dans l’espace. Ces séquences successives vont crescendo et tiennent le spectateur en haleine. Bien évidemment, le montage inclut à plusieurs reprises le logo de la marque RedBull. La stratégie fonctionne à la perfection ; un travail de professionnel. Cette mise en scène donne suscite l’envie d’assister à cet événement et de suivre le Saut en direct. Dans la seconde partie de ce travail écrit, nous verrons si le saut est à la hauteur de sa publicité.
Page de gauche Mission to the edge of space Interface du site internet dédié au saut de Baumgartner Packaging d’une canette de Redbull
Page de droite Extraits du spot publicitaire tiré de la campagne Red bull Stratos
Tous suspendus à la météo
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i l’événement est éphémère, l’attente se prolonge… Le buzz a relayé la décision de reporter le Saut en raison d’une météo inadéquate. Initialement prévu le 9 octobre 2012, il a lieu 5 jours plus tard. Ces contretemps météorologiques nourrissent favorablement l’attente et offrent chaque jour qui passe plus de suspense à l’événement qui prend de l’ampleur ; l’attente devient intenable. Le réseau d’internautes connectés et les outils de communication dans leur ensemble l’impose comme « Le » sujet de la semaine. Le hashtag (mot clé) #Baumgartner sur Twitter est l’un des plus utilisés, les détracteurs remettent en cause les capacité du nouveau héros et la moindre information prend une importance capitale ; pari gagné, celui de la communication, moins éphémère que prévue ! La météo a bien « fait les choses ». Beaucoup se questionnent : Est ce que Félix est prêt ? Est-ce que Félix a bien dormi ? Est-il en bonne santé ? A t’il bu son café ce matin ? Le suspense est à son comble jusqu’au jour ou Baumgartner prend enfin le chemin du progrès, de la science et de l’histoire, le 14 octobre 2012…
Interviews et tÉMOIGNAGES Pour alimenter ce mémoire de fin d’études, après avoir endossé l’habit du reporter, je me suis entretenue avec des professionnels de l’image. Au delà d’un avis technique et spécialiste, j’ai souhaité étudier le ressenti du spectateur à travers sa singularité c’est pourquoi j’ai conçu un questionnaire pour interroger des personnes de mon entourage (âge, sexe et profession confondues) au sujet des trois événements auxquels je m’intéresse.
Les professionnels de l’image Dans cette partie, nous allons voir comment les professionnels se préparent avant d’agir au cœur de leur métier.
Le réalisateur de documentaires
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vant de tourner un documentaire, il est nécessaire de constituer un dossier comprenant une note d’intention reprenant les thèmes principaux et le fil conducteur, un synopsis et un choix de traitement. L’écriture de ce dossier peut être très détaillée et renseignée quand l’auteur sait exactement ce qu’il veut, mais dans d’autres cas il privilégie l’imprévisible et n’inclut qu’une trame directrice. Quand par exemple, le réalisateur Aurélien Vernhes Lermusiaux décide de travailler sur un remake d’une scène du film Zabriskie Point d’Antonioni avec l’idée d’aller trouver le réalisateur par la suite et de lui montrer, il ne pouvait se douter que ce dernier allait mourir pendant le tournage. Selon le réalisateur, quand on tourne un documentaire il faut toujours s’attendre à l’inattendu, car c’est justement de ces rencontres ou de ces accidents que naît la force du film. De la même manière, il est important de réfléchir a l’outil que l’on utilise avant le tournage car celui-ci donne une interprétation différente et un message précis au documentaire. D’autre part, le dossier est nécessaire au financement du projet, en fonction du poids de ce dernier le choix des artifices vont venir nuancer le discours initial. Ce dossier élaboré, l’équipe se constitue. Un documentaire ne nécessite pas autant de personnes qu’un film de fiction. En effet, il est possible de partir seul si le matériel le permet et que l’on veut s’immerger complètement dans le monde qu’on décide de filmer. Mais en général l’équipe se constitue de une à trois personnes. Au delà, l’intimité et la proximité avec les personnes filmées risquent d’être menacées et le comportement modifié. Une fois tout ces élément pris en compte, le tournage peut commencer.
Le Monteur
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e monteur que j’ai rencontré travaille chez Canal Plus Overseas, son travail s’articule autour des programmes sportifs, des films. D’abord néophyte, il a suivi une formation de quelques mois pour se spécialiser dans le montage à l’INA. Canal plus Overseas regroupe les émissions de la chaine diffusées dans les Dom Tom, à peu près similaires aux transmissions françaises elle met plus en valeur les films d’auteurs africains par exemple. Avant de travailler sur le montage d’une bande annonce, il doit se référer à un planning précis ou il est affecté a un projet en particulier. Il est en général seul sur un projet ou à deux maximum. Ensuite il se procure les images qu’il doit retravailler sur une base de données nommée Interplay appartenant à canal plus, ou les documents et les informations sont partagées. Cette plateforme réglementée et confidentielle est interdite au public, il faut travailler chez canal plus pour y accéder à l’aide d’identifiants précis. Il télécharge ainsi les films ou les séquences sportives dont il a besoin, pour le football par exemple, il s’inspire d’anciens matchs qu’il refaçonnera. Enfin il établit un plan approximatif de son projet en respectant une durée imposée de 40 à 50 secondes. Il est libre de faire les suggestions qu’il souhaite avant de soumettre ses idées au directeur artistique qui validera ou non sa proposition. Une fois celle-ci approuvée, il peut s’installer à son poste de montage.
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Questionnaire public : L’avant
Savez-vous ce qu’il s’est passé la nuit du 17 octobre 1961 ?
Connaissiez-vous le terrorisme religieux avant le 11 septembre ? Si oui, par quel biais ?
Avez-vous vécu cet événement ? Si oui, l’avez-vous suivi en direct par l’information ? Si non, avez-vous déjà vu des photos de cet événement ?
Connaissez-vous la marque Red Bull ?
Avez-vous en tête un attentat avant le 11 septembre 2001 ?
Connaissez-vous Felix Baumgartner ?
Vous attendiez vous à un tel événement ?
Connaissez-vous la campagne de communication Red Bull Stratos ?
Avez-vous entendu parler du saut dans l’espace de Felix Baumgartner ?
Le ressenti du public Pour étudier la manière dont le spectateur perçoit les informations et les images d’actualité à travers les trois événements étudiés au long de ce mémoire, j’ai réalisé un sondage ou 70 personnes sont interrogées. Parmi elles, 33 femmes et 36 hommes, dont 44 sont agées de 20 à 30 ans, 13 entre 30 et 50 ans, et 13 encore entre 50 et plus de 60 ans.
La nuit noire Je note que 35 personnes ne savent pas ce qu’il s’est passé la nuit du 17 octobre 1961. 50% des personnes interrogées n’ont jamais entendu parler du massacre des Algériens. Seulement 27 personnes ont vu des photos de cet événement. Même si seulement 13 personnes de ce sondage étaient nées à l’époque ou l’événement a eu lieu, cela prouve qu’il a été clairement effacé de la mémoire collective. Les personnes de ce sondage qui ont vécu cette période de l’histoire étaient trop jeunes pour se rendre compte de la situation, mais la plupart se souviennent du contexte de guerre et de la tension perceptible. Malgré tout, l’ampleur du massacre du 17 octobre est passée inaperçue aux yeux de ces enfants de l’époque. Ils n’en ont vu aucune image.
Le world trade center Avant le 11 septembre 2001, 70 % du panel a entendu parler du terrorisme religieux via la télévision, 85 % a en tête l’image d’un attentat meurtrier, dont celui qui avait déjà touché le World Trade Center en 1993. Pourtant le même pourcentage de personnes ne s’attendait pas à un événement d’une telle ampleur. C’est la première fois dans l’histoire contemporaine qu’un événement marque autant les esprits. Est-ce du à la manière dont il a été médiatisé ? Nous le verrons dans la deuxième partie.
Le Saut dans l’espace La majorité des personnes interrogées connaissaient la marque Redbull avant le saut dans l’espace. Peu de monde a entendu parler de Felix Baumgartner et seulement la moitié a suivi la campagne de communication Redbull Stratos. Néanmoins, les publicités mises en place par la marque avant le saut ont donné envie aux spectateurs interrogés de suivre l’événement en direct.
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Par définition, le direct est le moment où se passe l’action, l’image qui a figé cet instant clé est ainsi la preuve qu’il a eu lieu. C’est cet instant présent que nous allons étudier pour chacun des trois événements.
Lorsqu’une image d’actualité est vue en direct, elle est transmise en temps réel sur divers supports de diffusion, par exemple le web ou la télévision.
L’événement d’actualité en direct
Le direct.
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A ce jour, les images d’Elie Kagan sont considérées comme les seules traces des violences du 17 octobre 1961. C’est cet événement qui réveille en lui l’envie de travailler en tant que photographe indépendant. Par la suite, il devient célèbre pour sa couverture des événements de mai 68.
Caroline Apostolopoulos, archiviste, dans son écrit « Élie Kagan et la nuit du 17 octobre 1961 » retrace la tumultueuse épopée du photographe . « Prévenu par des connaissances, semble-t-il militants du FLN, des lieux de la manifestation, il se trouve sur le boulevard Bonne Nouvelle lorsque la manifestation s’envenime. Il monte sur son scooter Vespa et se dirige vers la Place de la Concorde où il voit des Algériens plaqués mains au mur et des policiers armés de mitraillettes. Il a peur de prendre des photos, de se faire frapper et que l’on saisisse sa pellicule. Il gare son scooter et descend dans la station de métro Concorde. Sur le quai les Algériens sont parqués, mains en l’air : il décide prendre sa première photo. Il monte à bord de la rame jusqu’à la station suivante et revient vers Concorde par la rame inverse : il a le temps de faire 3 photos et part sans avoir été repéré vers la station Solferino. De retour à Concorde pour récupérer son scooter, il croise le journaliste René Dazy et vont ensemble jusqu’au Pont de Neuilly. Ils se séparent, Dazy devant écrire en urgence son papier pour son journal Libération (celui d’E. Astier de la Vigerie). Kagan photographie les Algériens que l’on fait monter dans les bus réquisitionnés de la RATP et il doit se débarrasser de sa pellicule avant d’être interpellé par la police. Après la fouille, il la récupère et enfourche son Vespa vers Nanterre où il a entendu dire que des coups de feu ont été tirés. Il y voit des morts et des blessés, et malgré le danger, sort son 6/6 et son flash : curieusement et malgré leurs invectives, les policiers le laissent faire. Avec l’aide d’un journaliste américain, qui lui reproche de faire des photos au lieu d’agir, Kagan amène un blessé à l’Hôpital de Nanterre. »
a nuit du 17 au 18 octobre 1961, un seul photographe est témoin des sévices infligés aux Algériens. Au moment de la manifestation, Elie Kagan a 33 ans, il est photographe depuis peu. Adolescent, du fait de son origine juive russe et polonaise, il est confronté à l’antisémitisme, l’occupation et à la déportation des siens. Il se considère d’ailleurs comme un survivant de cette période noire. C’est pourquoi il se sent solidaire du peuple algérien, ayant lui-même subi le racisme en tant que Juif.
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Élie Kagan
Internet n’existant pas encore dans les années 60, nous allons voir des exemples d’images de la manifestation qui ont transcendé les années. A l’heure actuelle, lorsque l’on recherche des images à ce sujet sur la toile ce sont celles d’Elie Kagan et de Jean Texier, respectivement photographes semi-professionnel et amateur au moment des faits, qui apparaissent comme uniques preuves de ce rassemblement.
le 17 octobre 1961
La Nuit NoirE
L’image amateur sur internet
La nuit du 17 octobre 1961 Séries de photos prises par Élie Kagan
Ici on noie les Algériens Photo prise en Octobre 1961 par Jean Texier
De haut en bas
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Aujourd’hui, cette photographie signifiante illustre bien des documentaires, des webdocumentaires, des films, des articles ayant tous pour sujet le massacre des Algériens.
blent avoir quitté la scène. Orpheline, l’inscription in situ au centre est l’élément clé de la photographie. Elle constitue l’unique légende du cliché qui, par son abstraction, s’oppose en tout point à ceux d’Élie Kagan. Le slogan « Ici on noie les Algériens » déployé tel une banderole sur une dizaine de mètres, dénonce les noyades mais surtout le fait qu’elles soient dissimulées par le gouvernement. De plus, la présence de l’article « Les » algériens désigne l’entière nation Algérienne que la répression souhaite ici noyer, supprimer. D’où la portée politique du message inscrit visiblement à la peinture noire.
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inquante années plus tard sur Twitter, nombreux sont les commentaires sur la répression oubliée. Symbolisés par le Hashtag #17octobre1961 ou encore #17oct, beaucoup de journalistes et d’internautes s’expriment sur le sujet. L’histoire est rattrapée par les modes de diffusion actuels.
@Europe 1, par exemple, a partagé le 18 octobre dernier une photo d’Élie Kagan. Il en est de même pour un internaute sous le pseudonyme de @so_nyssa qui souhaite rendre hommage aux disparus avec pour commentaire à la photographie : « Il y a 51 ans, rafle des algériens le 17 octobre 1961 qui ont été battus, massacrés, noyés. »
Quand l’actualité rencontre l’histoire
Cette photographie est montrée pour la première fois 25 ans plus tard, dans le numéro de L’Humanité daté du 18 octobre 1985, pour illustrer un article de Claude Lecomte intitulé « Les noyés du 17 octobre ». A la fin des années 1990, l’image est utilisée par l’association 17 octobre 1961 : contre l’oubli comme outil et emblème de son action. Jean-Mi-
’image la plus reproduite à propos de la répression du 17 octobre est prise en novembre 1961 par l’ouvrier ébéniste Jean Texier. Alors qu’il est journaliste bénévole à l’Avant Garde, c’est son collègue Claude Angeli qui repère l’inscription Ici on noie les Algériens sur le quai Conti en face de l’Institut de France en se rendant aux bureaux de la rédaction. Il prévient Jean Texier qui se rend sur les lieux et fige le graffiti.
chel Mension, alors animateur du collectif revendique être l’un des auteurs de l’inscription. Sans rien montrer du massacre, cette photographie témoigne avant tout d’une réaction politique. Le cadrage ne permet pas de distinguer la Seine, suggérée cependant par la perspective des quais. Le fleuve existe surtout dans la force du verbe « noyer » présent sur l’inscription. Le ciel nuageux, la luminosité brumeuse et l’absence de circulation laissent supposer une prise de vue matinale. Les pavés au premier plan, le lampadaire caractéristique des bords de seine et l’apparition de l’étal d’un bouquiniste concourent à inscrire l’image dans la représentation d’un Paris éternel. Silencieuse, l’image est vide de présence humaine. Les responsables, les victimes, les auteurs du graffito, tous sem-
Une image inoubliable
le 11 septembre 2001
Le World trade center
Capture écran d’un tweet à propos du 17 octobre 1961 Source : Twitter
Affiche du film documentaire Ici on noie les Algériens de Yasmina Adi sorti le 19 octobre 2011
De haut en bas
Image amateur de l’effondrement de la tour sud à 9h59 le 11 septembre 2001
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Aujourd’hui, les réseaux sociaux qui n’existaient pas encore il y a une dizaine d’années reviennent constamment sur le 11 septembre. Ces nouveaux outils de distribution de l’information que sont Twitter ou Facebook abondent de témoignages et d’interrogations. On y retrouve des photos inédites, de nouvelles vidéos ou encore des comptes rendus de l’événement. S’il y avait eu ces réseaux sociaux en 2001, tout laisse à penser que les témoignages photos ou vidéos auraient été beaucoup plus nombreux.
En fin de compte, ce sont ces images qui seront exploitées et gardées en mémoire car elles constituent en elle même l’instant direct, le temps réel de l’événement. Lorsque que les chaines télévisées et les journalistes arrivent sur place l’information a changé, c’est déjà trop tard, ce sont les réactions qui sont enregistrées. L’état de surprise s’est transformé en état de questionnement, on cherche à comprendre. D’ailleurs les images les plus célèbres, celles que l’on retrouve le plus facilement sur les plateformes vidéos sont celles réalisées par des amateurs.
En définitive, toutes ces vidéos ont pour cible le même sujet. Pourtant, elles sont toutes singulières par la facette de l’événement que l’auteur peut, en fonction de sa position, ou souhaite montrer. Il est intéressant de voir que malgré la catastrophe et la peur il est dans la nature d’une majorité de personnes, comme un automatisme, de témoigner par le film ou la photographie, d’apporter des preuves. Il s’agit là d’une manière de dire « j’y étais ». Parfois c’est même au péril de leur vie et en dépit de leur amateurisme que les spectateurs impuissants face à la nature du drame vont en figer des images.
e crash des avions sur les tours jumelles vu en plongée, contreplongée, de trois quarts, de l’immeuble d’en face, vue d’ensemble, en plan rapproché ; ces clichés pris par un policier dans un hélicoptère, un joggeur surpris, un employé de bureau, un investigateur qui tourne un documentaire sur la police new yorkaise ou encore une artiste sur place, par hasard ; les images amateurs du 11 septembre 2001 ont tourné en boucle sur nos téléviseurs et sur l’interface web des années 2000.
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L’image amateur, source première
Le 11 septembre 2001 marque un tournant dans l’histoire des médias. La stupéfaction liée à l’ampleur de l’événement a obligé les photographes à se retrouver très vite sur les lieux du drame. AInsi, les principaux auteurs des images sont des témoins amateurs, ceux qui se trouvaient déjà sur place au moment clé.
L’exploit scientifique, sportif et surtout médiatique de Félix Baumgartner est diffusé en direct le 14 octobre 2012 sur le site Youtube. Ainsi, il est plus facile pour les spectateurs de suivre l’événement tout en commentant et partageant leur ressenti sur leur réseaux sociaux favoris.
le 14 octobre 2012
LE Saut dans l’espace
Pourtant, l’action de voir un événement laisse place à l’imagination, qui, devant de telles images, semble sans limite. Comment croire ce que l’on ne voit pas autrement que par une image retransmise ? Comment voir ce que l’on ne peut croire sur les écrans ?
Par ailleurs, il s’agit d’un de ces rares événements si considérable qu’il provoque l’interruption des programmes prévus sur les chaines de télévision principales pour en montrer des images identiques. Ainsi, le geste de zapper d’une chaîne à l’autre devient systématique, illustrant l’état léthargique du spectateur devant ces vidéos. Désarmé, il se sent même coupable s’il ose regarder un divertissement au moment ou tout les yeux sont rivés sur le drame. La dimension qui existe entre l’événement et l’image de l’événement paraît gigantesque, c’est là toute la différence qui subsiste entre vivre un fait et le voir.
En France, et partout ou le 11 septembre est retransmis en direct, les spectateurs examinent ces images en boucle pour se convaincre qu’il est en train de se passer un bouleversement qu’ils ne peuvent voir de leur propres yeux. Un mélange d’angoisse, de panique, et d’incompréhension les pousse à regarder encore et encore.
e 11 septembre 2001 et les jours suivants, ces images de l’impact prises en majorité par des amateurs à répétition sur nos écrans créent une psychose à densité hypnotique. Comme seuls témoignages de la catastrophe, ces vidéos renvoient à la portée inconcevable de l’événement.
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De l’événement à l’image, un impact réciproque
Internet permet aujourd’hui de suivre des événements en direct, sur toutes sortes de sujets. Par exemple, on a pu assister au mariage princier entre Kate et William sur Youtube, à un concert de musique de PSY ou encore l’inauguration des bureaux parisiens de Google. On appelle cela un livestream. Les sites de vidéos ne sont pas les seuls à proposer ce type
e site d’hébergement de vidéos Youtube est créé en 2005 par trois anciens employés de Paypal : Chad Hurley, Steve Chen et Jawed Karim. Ce site permet de regarder, d’envoyer et de partager des vidéos. Il connaît très vite un franc succès et devient alors la propriété de Google. Actuellement, il est visité mensuellement par 350 millions de personnes dans le monde.
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En direct sur Youtube !
Mais les plate-formes comme Youtube ont l’avantage d’offrir l’image et le son à la différence de Twitter qui se limite essentiellement a 140 caractères de texte. Il n’est donc pas surprenant que Felix Baumgartner, son équipe et Redbull aient choisi de diffuser l’exploit sportif sur Youtube. C’est donc le saut de Baumgartner qui bat le record du nombre de vues pour un livestream, depuis sa création en 2011 sur le célèbre site, en réunissant plus de huit millions de spectateurs. À quand le prochain événement qui détrônera ce succès ?
de transmission en direct, on peut citer par exemple un livetweet, (en direct sur Twitter ) d’une opération neurochirurgicale en novembre 2012.
La chaîne de télévision LCI diffuse les premières images en direct de l’attentat. L’émission spéciale présentée par Thierry Guerrier évoque la thèse de l’accident pour relater les faits.
Il va alors partager son humeur illustrée par une capture écran du bug en question sur Facebook, faisant de l’événement sa priorité actuelle. Tout comme un nombre conséquent de connectés qui, en postant le lien de la vidéo, des images et des commentaires, vont donner de l’ampleur et de la visibilité au saut.
Le saut étant retardé, c’est ainsi que pendant les deux heures succédant l’horaire initial prévu, Youtube a explosé son record de vues en direct. Tous les spectateurs veulent être témoins de l’exploit, à l’heure et à la minute ou il a lieu. Quelquefois, le support n’étant pas habitué à tant de connexions, l’image saute à des moments fatidiques. L’internaute désespère alors d’avoir patienté dans un état de stress pendant 2 h 35 devant une image fixe pour rater les neuf minutes de chute tant attendues.
Durant le décollage, le spectateur fixe l’image dans l’attente d’une action. Il ne veut pas rater le plan ou Felix Baumgartner déciderait de rebrousser chemin, ni celui ou il y aurait un problème dans la capsule.
onnectés en même temps sur Youtube et sur les réseaux, les internautes commentent et partagent des captures écran de l’événement. En fin de compte, la vidéo de l’ascension de la capsule dans l’espace qui a duré 2 h 35 avant d’atteindre les 39000 mètres d’altitude ne comporte pas vraiment d’intêret car il s’agit d’un plan fixe sur Baumgartner immobile dans sa machine. Pourtant, plus la capsule monte dans les airs plus le nombre de spectateurs augmente.
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Tous connectés
Le saut est diffusé en direct sur la chaine de partage de vidéos Youtube
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1935 - 1941
Création du film contact par Kodak avec le Kodachrome puis plus tard du film de négatif Kodacolor.
1928
Apparition du Rolleiflex, appareil photo de moyen format ayant la particularité de posséder deux objectifs, l’un servant à la visée, l’autre à la prise de vue. D’un emploi discret, c’est l’outil favori des reporters couvrant des manifestations publiques.
Pour comprendre les outils de l’image qui ont permis les avancées que l’on connaît aujourd’hui, revenons sur un rapide historique de la photographie.
Des années 60 à aujourd’hui, autres outils de l’image
le 17 octobre 1961
La Nuit NoirE
Le concept de Polaroïd est lancé par l’Américain Edwin H. Land qui invente le processus de photographie instantanée. En 1963, l’entreprise Polaroid Corporation développe le principe de couleur instantanée.
1948
Le daguerréotype est le premier procédé mis au point par Louis Daguerre en 1839 pour prendre des photographies. La première caméra devient accessible en 1923 avec l’apparition de la « Pathé baby » créée par Charles Pathé. Depuis, les outils de création de l’image ont bien évolué. Aujourd’hui, le direct impose des outils spécifiques, parfois surprenants mais indispensables au quotidien.
Les caméras, moteurs de diffusion de l’image en direct
La même année, la marque suédoise Hasselbad sort le réflex doté d’un obturateur central qui aura la particularité d’être choisi pour enregistrer les images du premier pas sur la lune.
Le Français Jaques Yves Cousteau invente le premier appareil photo imperméable à l’eau pour la photographie sous-marine appelée la Calypso Phot.
Le premier appareil photo électronique sans film contact est créé par Texas Instruments.
1972
Oskar Barnack met au point le premier appareil Leica utilisant le film 35 mm, jusqu’alors reservé au cinéma. Il est toujours reconnu aujourd’hui pour sa qualité de photo argentique.
L’appareil photo Brownie édité par Kodak, est le premier outil accessible constitué d’un simple boitier en carton et d’un objectif à ménisques
1957
1914
1908
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Sony présente un prototype de caméscope.
1978 - 1980
Création du Flash par General Electric Co.
1927
Fuji lance le concept d’appareil photo jetable, en visant un outil accessible pour le consommateur.
Sony lance un appareil photo immobile électronique disponible dans le commerce. Semblable à l’invention de Texas Instruments, l’appareil photo électronique de Sony contient un mini disque sur lequel les images sont enregistrées et stockées. Ces images peuvent être regardées et imprimées à l’aide d’un dispositif de lecteur.
A l’heure d’aujourd’hui, l’industrie de l’appareil photo est un phénomène de masse, il existe des centaines de modèles disponibles aussi bien pour l’amateur que pour le professionnel.
Aujourd’hui, les dispositifs offerts par les appareils photo numériques sont époustouflants avec une grande résolution d’image pour des modèles simples et à prix réduit, une utilisation dans tout types d’éclairage, une compatibilité avec divers logiciels, ordinateurs et le matériel, des couleurs et des tonalités riches. Les prix sont si accessibles que même les enfants et les adolescents peuvent s’emparer d’appareils photo simple d’utilisation. D’ailleurs avec l’arrivée de Facebook et l’expansion de l’image privée, il est rare de rencontrer un adolescent qui ne possède pas son propre appareil photo.
e développement de la technologie numérique est liée au développement de la TV et de la technologie visuelle. A l’ère d’Internet, les années 2000 ont permis la création d’outils photographiques encore plus performants avec par exemple le développement d’appareils photo sur les téléphones portables. Rendant ainsi accessible des outils qui étaient chers et élitistes il y a cinquante ans.
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1986
1981 Digital met en place une image photographique divisée en unités minuscules connues sous le nom de Pixel.
1986 - 1987 Kodak présente un appareil photo numérique pour professionnels et journalistes.
1991
L’appareil photo d’Apple QuickTake, un appareil-photo numérique d’utilisation à la maison est lancé.
1994
N’ayant pas retrouvé l’outil exact d’Elie Kagan le 17 octobre 1961, on peut imaginer qu’il a utilisé ce type d’appareil, pratique et efficace. Néanmoins, il est possible de déterminer sa technique et son travail de photojournaliste à partir du déroulement des reportages et des différentes marques, annotations que le photographe a laissé sur ses tirages. Ainsi, la nuit du 17 octobre 1961, on retrouve 16 planches contact annotées, 31 vues 6cm x 6cm découpées, 2 négatif isolés, des tirages de prépresse légendés et plusieurs contretypes de la plupart des négatifs disparus. De cette manière, on identifie trois types de support : les négatifs, les planches contact et les tirages photographiques.
Le photographe Raymond Depardon a d’ailleurs récemment utilisé un Rolleiflex pour photographier le portrait officiel du président François Hollande. En 1961, l’appareil Rolleiflex était couramment utilisé, connu pour la bonne qualité de ses images et pour son aspect léger, facilement transportable.
Concernant la photo de l’inscription sur le quai Conti « Ici on noie les Algériens », l’amateur Jean Texier a utilisé un Rolleiflex à visée verticale, équipé d’un objectif Tessar 3.5 et chargé d’un négatif Kodak 6x6 de sensibilité 125 ASA. Le Rolleiflex est l’un des premiers appareils photographique Reflex, créé en 1929 par l’atelier Allemand Franke et Heidecke.
ans les années 1960, le format courant de photographie est le 6x9 soit 6 cm par 9 cm. Les tirages sont en général des contacts , c’est à dire qu’on applique le cliché directement sur le papier positif. Un peu comme un scanner d’aujourd’hui. L’image est donc exactement de la taille du cliché. La machine qui permettait ce genre de travail s’appelait une tireuse. On retrouve des appareils comme le Semflex, le Rolleiflex, le Brownie Flash de Kodak ou le célèbre Leica toujours en vente aujourd’hui.
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Retour sur le matériel utilisé par Élie Kagan et Jean Texier
Kodak lance les photos sur CD. Le système permettant de stocker des images photographiques sur le CD puis de les regarder sur un ordinateur.
1990
New York : 11 septembre Extrait du film documentaire réalisé par Jules et Gédéon Naudet
Caméra de Jules Naudet qui a filmé au plus près les événements du 11 septembre, aujourd’hui exposée au mémorial du 11 septembre à New York
Séries de photos sur les dégâts provoqués par l’ouragan Sandy prises par les caméras de surveillance à New York
De haut en bas
Déjà en 1949, c’est l’inquiétude principale de Georges Orwell dans son roman 1984 ou la société est soumise aux caméras. Ce sujet a également inspiré le réalisateur Cédric Jimenez pour le film Aux yeux de tous, un thriller ou l’intrigue repose sur l’espionnage et le traquage via des caméras de surveillance à Paris.
La ville la plus surveillée au monde est Londres avec plus de 10 000 caméras à son actif. Malgré le rôle informatif et témoin des caméras de surveillance intéressant dans le cas d’événements comme l’ouragan Sandy, ces outils imposent le débat dans le cadre de l’atteinte à la vie privée.
En 2001, le réseau de caméras de surveillance à New York n’était pas aussi développé qu’il l’est actuellement. C’est l’attentat raté à la voiture piégée près de Times Square en mai 2010 qui, en ravivant le traumatisme de la ville frappée au cœur le 11 septembre 2001, a convaincu les autorités locales a couvrir Manhattan d’un réseau de caméras censé repérer le moindre comportement suspect . Plus accessible, il existe un site que tout le monde peut utiliser, « Real time trafic Cameras » recensant plus de 300 caméras disposées à chaque coin de rue de la ville. Initialement, ce site permet de voir la circulation des transports sur les grands axes de Manhattan. Il suffit de cliquer sur la caméra choisie, et l’on peut voir ce qu’il se passe en temps réel. C’est grâce à ce système qu’on a pu voir des images surprenantes de l’ouragan Sandy qui a frappé New York le 26 octobre 2012. Les caméras de surveillance automatiques ou commandées à distance dotées d’un emplacement stratégique et discret permettent d’enregistrer des séquences inattendues. La qualité reste assez bonne pour identifier un criminel recherché par exemple, et diffuser son portrait au dernier endroit ou il a été aperçu.
Parallèlement, les caméras de surveillance ont également servi à identifier les pirates de l’air dans les aéroports avant qu’ils ne montent dans les avions.
Aussi, les adeptes de la théorie du complot vont décortiquer les images de toutes les caméras de surveillance situées autour de l’attentat, comme seuls témoignages vidéos, pour démontrer que ce ne serait pas un avion mais un missile qui aurait touché le département de défense des USA.
Au delà des appareils de photographie numérique et des téléphones portables déjà équipés de caméra, les caméras de surveillance ont joué un rôle dans l’enregistrement des images du 11 septembre. Notamment au Pentagone, pour lequel il n’existe aucune image de l’impact.
a vidéosurveillance est un système de réseau de caméras disposé dans un espace public ou privé pour le surveiller. Les images obtenues sont soit traitées automatiquement, soit visionnées puis archivées ou détruites. En France, la définition des images sur les caméras est réglementé, elle est de 704x506 pixels et le nombre d’images par seconde requis est de 6 ou 12.
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Les caméras de surveillance
le 11 septembre 2001
Le World trade center
Les séquences enregistrées s’assemblent sous forme d’un documentaire New York : 11 septembre diffusé le 10 mars 2002 sur CBS. Il bat le record d’audience aux Etats-Unis en réunissant 39 millions de spectateurs.
Selon lui, la caméra met une distance entre sa perception et la réalité du direct, il réalisera vraiment ce qu’il a vécu ce jour là en revisionnant les images par la suite.
Il ne s’arrête jamais de filmer, lorsque la première tour s’effondre, l’image est illisible, la poussière envahit l’objectif, mais il essuie furtivement et continue d’enregistrer. Dans une interview accordée à France 2 six mois plus tard, Jules Naudet revient sur le rôle de la caméra. « Filmer était en fin de compte un espèce de mécanisme de protection, c’était une façon de regarder l’image, la réalité que je voyais à travers le petit écran sur le côté de la caméra comme une façon de mettre une barrière devant moi, c’était un moyen pour moi de ne pas réaliser l’horreur. »
En choisissant de faire ce cadrage, sans savoir le dénouement tragique de cet instant, l’auteur donne plus de force à cette image qu’a celle d’un cadavre.
A proximité des tours, les deux frères font le choix de ne pas montrer les horreurs qu’ils aperçoivent, ils instaurent eux même une limite à l’information. Une image en particulier retient l’attention, celle que Jules Naudet choisit de cadrer en gros plan, celui d’un pompier qui récite une prière avant de monter dans les étages, mais il n’en ressortira pas vivant.
Initialement, les deux frères français partent à New York pour réaliser un documentaire sur les pompiers au cœur de la grosse pomme. Un matin, Jules Naudet accompagne un pompier qui va inspecter une fuite de gaz, une visite de routine. Mais c’est là que l’avion percute la première tour. Pour Jules et Gédéon, le métier de réalisateur va se transformer en celui de reporter de l’extrême. Ils vont suivre les pompiers chacun de leur côté à l’intérieur des tours, risquant leur vie pour quelques images.
Les caméras respectives de Jules Naudet et de son frère Gédéon sont les seules à avoir filmé l’événement d’aussi près.
e caméscope professionnel Sony pd150 de Jules Naudet qui a filmé l’impact du premier avion dans la tour 1 est aujourd’hui exposé au musée mémorial du 11 septembre, à l’endroit même des attentats. Cet objet célèbre pour être l’un des deux seul, avec l’appareil photo de Pavel Hlava, a avoir enregistré le premier impact se retrouve au côté d’une cinquantaine d’autres souvenirs comme une horloge arrêtée, un morceau d’avion calciné, un attaché case abandonné.
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Le film des frères Naudet : détourner sa caméra
le 14 octobre 2012
LE Saut dans l’espace
C’est d’ailleurs le souhait de Red Bull et de Baumgartner, avec ce dispositif de caméras embarquées chacun peut s’imaginer à la place du sportif. L’opération réussit lorsque les 8 millions de spectateurs retiennent leur souffle devant l’immensité terrestre surplombée par Baumgartner avant de se jeter dans le vide. L’image est fournie par la Go pro fixée sur son casque.
La dernier spot publicitaire pour la nouvelle Gopro Hero 3 réunit les meilleures séquences des clients de la marque, il fait le tour de la toile et des réseaux sociaux pour son originalité et son rendu remarquable. La qualité de l’image est mise en avant et incite au voyage avec des plans fixes inattendus sur des paysage paradisiaques entrecoupés de plans en mouvement rappelant l’univers du sportif. Le montage est dynamique, percutant, au rythme d’une musique prenante. Telle la bande annonce d’un film d’action, la vidéo illustre parfaitement le message de la marque, « Soyez le héros de votre propre vie. » L’image enregistrée par la Gopro s’inscrit complètement dans la thématique du direct car elle filme un exploit au moment ou il est réalisé sans coupure et sans montage au cœur de l’action. Regarder le film, c’est revivre l’événement tel qu’il a eu lieu.
Ainsi, du fait de sa fléxibilité, l’intérêt de la caméra se situe dans la multitude de cadrages possibles, les images proposent de montrer le monde d’une autre façon. Plus le sport est original plus les images sont époustouflantes, par exemple les accros du Base jumping, qui consiste à sauter d’une falaise en chute libre, sont friands de ces caméras qui permettent aux spectateurs de revivre leur exploit comme s’ils sautaient eux aussi.
élix Baumgartner est équipé d’un système de caméra Gopro pour transmettre son épopée dans l’espace. La caméra « Gopro » est conçue par le jeune surfeur californien Nick Woodman en 2002. Sa petite taille et la qualité HD du son et de l’image en font l’outil préféré des sportifs. Résistante à l’eau, à la neige, elle peut se fixer n’importe ou sur le corps ou l’accessoire, ce qui lui vaut le nom de caméra embarquée. Son succès est lié au concept marketing du produit qui est de faire de tous les clients Gopro des ambassadeurs de la marque, au même titre que les athlètes. La Gopro permet de se filmer comme un professionnel, au cœur de l’effort, du mouvement et de l’action dans le but de montrer ses exploits. Les professionnels l’adoptent aussi, par exemple aux jeux olympiques de Londres ou des caméras sont implantées dans des endroits inaccessibles par l’homme au moment de l’épreuve. Comme à la surface de l’eau, permettant des prises de vues uniques mais aussi de suivre le sportif au geste près. Les images permettent d’identifier la moindre erreur.
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Caméra et sport, la Gopro au service du mouvement
Ensuite, la chute du sportif sur les 39000 mètres est illustrée par un point blanc au centre d’une image noire enregistré par plus d’une vingtaine de caméras dans les airs. Du fait du manque de luminosité, seules les informations comme la vitesse ou la température présentes sur l’écran, les commentaires et l’imagination du spectateur permettent d’identifier qu’il s’agit bien du saut. D’ailleurs, lors de la retransmission à la télévision, sur BFM TV par exemple, le présentateur rappelle fréquemment que l’image à l’écran est celle du saut de Baumgartner. Pour les spectateurs qui viennent de rejoindre la chaine et qui ne comprennent pas l’image noire qu’ils ont sous les yeux. Pour les autres, ceux qui suivent le saut avec passion depuis le début, le suspense est à son comble. L’image est peu lisible mais ils arrivent à comprendre l’état de Baumgartner en fonction de la position du point blanc sur l’image. S’il tourne trop vite, c’est dangereux, s’il est stable, tout va bien. Les millions de spectateurs ont attendu deux heures et demie pour fixer un point blanc pendant quelques minutes. Mais lorsque l’on sait ce que ce point blanc représente, un homme dans le vide, le stress et l’angoisse ont bien lieu d’être.
De plus, la dimension exceptionnelle de l’exploit donne envie de regarder toutes les facettes de l’action, de ne pas en perdre une miette. C’est pourquoi la sélection choisie par le montage n’est peut être pas celle que le public souhaite regarder. L’idéal serait de pouvoir contrôler le direct, le spectateur aurait lui même les commandes des caméras embarquées et pourrait choisir le plan qu’il préfère.
L’événement en direct est retransmis avec un montage de ces trois plans permettant une visibilité plutôt complète du saut. Même si l’immensité de l’espace au second plan est impressionnante, l’image est très différente de celle que nous vendait la marque Red Bull lors de sa campagne.
L’image la plus percutante est celle ou l’aventurier sort de sa capsule filmé par trois caméras permettant une vue en plongée, une vue demi ensemble et toujours le plan moyen de dos, qui permet au spectateur de voir Baumgartner ouvrir la porte de la capsule.
algré la retransmission quasi instantanée permise par les Gopro embarquées, il existe un décalage frustrant entre la campagne de communication et l’image en direct. Comme nous l’avons vu précédemment, l’ascension dans la capsule ne présente pas grand intérêt, l’image est constituée d’un plan fixe sur Félix Baumgartner vu de dos.
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Les frustrations du direct
Captures écran du spot publicitaire pour la nouvelle Go pro héro 3 mettant en scène les divers exploits sportifs de leurs utilisateurs
De haut en bas
Ceux qui tentent malgré tout de prendre des photos voient leur matériel détruit. Les saisissantes photos prises par Elie Kagan durent l’être clandestinement. Les lieux d’internement restèrent interdits aux journalistes pendant les quatre jours que dura la détention des Algériens ; les seuls témoignages qui les décrivent sont dus aux manifestants eux-mêmes, à des médecins, à des militaires ou à des appelés.
Le gouvernement cherche à imposer le silence sur la terrible répression qui frappe ce jour là les Algériens. Au lendemain de la manifestation, le bilan officiel est de trois morts. Pour maintenir cette version, le gouvernement doit faire taire ceux qui la contesteraient. Le 17 octobre même, on interdit aux journalistes d’être présents. Les quelques images de télévision qui existent sont dues à des télévisions étrangères.
a censure organisée par le pouvoir explique t’elle l’oubli qui a frappé la journée du 17 octobre 1961 ? C’est une démonstration que l’on a souvent évoquée. Et au regard du nombre de saisies et d’interdictions de publication, elle semble justifiée.
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Une censure très forte
Étant donné la censure des médias due à la guerre d’Algérie, le jour du massacre des Algériens a été évoqué ou tue selon les supports journalistiques.
le 17 octobre 1961
La Nuit NoirE
La concurrence du journalisme entraine les médias à être en continuelle compétition, alors que certains choisissent spécifiquement les informations qu’ils vont traiter, d’autres veulent être les premiers à obtenir l’image d’actualité, le scoop.
La course au premier
ertains médiateurs défient l’interdit et décident de publier des images ou des écrits au sujet de la manifestation. Le journal Vérité-Liberté, qui dénonce les massacres et reproduit des témoignages, en particulier un tract de policiers dénonçant la violence extrême de la répression, est immédiatement saisi sur ordre du préfet de police M. Papon. Le film de J.Panijel, Octobre à Paris, qui reconstitue la manifestation à partir des photos de E. Kagan et de témoignages d’Algériens, est saisi par la police lors de sa première projection, en octobre 1962. Malgré les efforts de certains parlementaires, le gouvernement empêche la création d’une commission d’enquête sur les crimes du 17 octobre et des jours suivants. Aucune des poursuites judiciaires engagées, aucune des plaintes déposées n’a non plus abouti. Aucun policier ne sera condamné pour les crimes commis, aucun responsable politique n’aura à en répondre. Il ne fait pas de doute que le gouvernement a tout mis en œuvre pour s’assurer du recouvrement des crimes du 17 octobre 1961.Au lendemain de la manifestation, seuls L’Humanité et Libération dénoncent la violence de la répression.
C
Braver la censure
’autres supports de presse choisissent de parler de l’événement en évoquant moins de détails. Le Monde, La Croix, et la chaine d’État RFI se voulant neutres, relaient la version officielle de heurts avec la police tandis que Le Figaro et France-Soir affirment que ce sont les manifestants, fanatisés ou manipulés par le F.L.N., qui se sont rendus coupables de violences à l’encontre des policiers. Mais dans la semaine qui suit la manifestation, à mesure que les témoignages affluent, un consensus se dégage dans la presse : tous en viennent à dénoncer les violences à froid dont ont été victimes des manifestants pacifiques. La plupart des journaux publient des enquêtes sur le bidonville de Nanterre. Tous font état des corps que l’on retrouve quotidiennement dans la Seine. La presse n’a donc pas été silencieuse : elle a su l’essentiel des faits et en a traité publiquement, malgré la censure. Presque immédiatement après la manifestation, les violences terribles auxquelles elle a donné lieu ont été, pour une part essentielle, rendues publiques. La censure ne semble pourtant pas suffire à expliquer l’oubli du 17 octobre, si l’on considère en particulier ce qui a été écrit dans la presse dans les jours qui ont suivi les massacres : beaucoup de choses ont été sues et portées à l’attention du public. L’oubli du 17 octobre ne s’explique donc pas simplement par un défaut de connaissance. En effet, si dans un premier temps chacun des journaux adopte un discours correspondant à sa position politique, moins d’une semaine après les faits, tous s’accordent pour dénoncer les violences policières. Cependant, aujourd’hui l’événement est effacé de la mémoire collective, si ce n’est la censure de la presse alors l’État lui même a t’il réussi à taire un événement d’une ampleur aussi considérable ? Cela pose la question de la manipulation de l’information et du négationnisme.
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L’embarras, le silence
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Mais au delà de l’image, il y a le son. Celui des corps qui tombent, des sirènes de pompier, de l’effondrement des tours. Parfois les sons marquent plus que les images, et une diffusion en direct ne peut pas être muette.
C’est pourquoi lors de la diffusion en direct du 11 septembre 2001, l’utilisation d’images amateur vérifiées et contrôlées au préalable qui montrent l’actualité sans scènes inconvenantes priment sur des images professionnelles qui dans l’inattendu de la situation risquent d’exposer des séquences inmontrables. Cependant, ceux qui assistent aux premières minutes du direct après le crash du 11 septembre 2001 voient des images des occupants des tours se jetant par les fenêtres, en quelques heures ces images sont censurées par les grandes chaines, trop violentes pour être diffusées.
Toutefois, la chaine américaine Fox News n’a pas réussi à anticiper le suicide d’un homme en direct le 28 septembre 2012 à une heure de grande écoute. Ce qui a créé la polémique chez les téléspectateurs. C’est cela que cherche à éviter les grandes chaines d’informations.
De manière générale, dans le cas de manifestations ou d’événements organisés le direct télévisé est toujours transmis avec quelques minutes d’écart au cas ou il y aurait des débordements. En Chine par exemple ou l’information est très maitrisée, on observe 8 minutes de différé pour les Jeux Olympiques au cas ou des manifestations et des allusions contre le pouvoir en place auraient lieu. Lorsque Félix Baumgartner a sauté de sa navette spatiale, 3 minutes de différé ont été mises en place au cas ou il y aurait un problème à gérer.
Dans une situation ou personne ne réalise vraiment la catastrophe ni même les journalistes, il est difficile de tenir un direct car l’information est vague, les professionnels sont pris au dépourvu. C’est pourquoi l’image amateur avec son aspect spontané prime sur l’image professionnelle.
e 11 septembre 2001, les images d’amateurs présents au moment du drame ont été plus montrées par les chaines télévisées que celles des professionnels ou des reporters. Les frères Naudet qui sont les seuls à avoir filmé à l’intérieur des tours n’ont pas même le statut de reporter puisqu’ils sont réalisateurs. Dans le cadre d’un tel événement, la qualité et la technicité de l’image importe peu, les chaines choisissent de diffuser l’image qui représentera le mieux l’information. Paradoxalement, très peu d’images vont dans ce sens. Le direct télévisé est donc très limité et se retrouve obligé de diffuser les mêmes images en boucle.
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Image amateur, image professionelle et les aléas du direct à la télévision
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La place du journaliste amateur pose un questionnement sur son rôle par rapport à la scène qu’il a sous les yeux. Surtout dans le cas de vidéos vautour ou, par voyeurisme, il préfère filmer qu’intervenir. Quand peut-on et doit-on S’ils sont prêts à affronter la violence de la rue, intervenir, un autre sujet. c’est parce que les journalistes s’arrachent des images exclusives à des prix exorbitants.
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uelquefois, le phénomène de l’image amateur va plus loin et devient la ressource de certains particuliers. Aux Etats-Unis, des personnes sont prêtes à risquer leur vie pour être les premières à couvrir un événement. Le principe est connu sous le nom de « vidéo vautour », les caméramans sous le nom de « stringers ». Ces reporters indépendants sillonnent la ville à la recherche d’action et de violence. Les radios de police sur écoute, ils traquent le crime et la catastrophe. Ils gagnent leur vie en revendant leurs images aux télévisions locales.
Avant les vidéos vautour, certains amateurs sont devenus célèbre pour leur capture d’instants criminels comme Abraham Zapruder considéré comme étant à l’origine du « journalisme citoyen » qui a filmé en direct la mort de Kennedy. Ou encore le tabassage de Rodney King par George Holliday, un voisin témoin de l’agression.
le 11 septembre 2001
Le World trade center
Les vidéos « Vautour »
Suicide en direct sur la chaîne Fox News le 28 septembre 2012
L’assassinat de JFK Film amateur d’Abraham Zapruder pris le 22.11.1963
Photos d’identités des manifestant algériens détenus par la police le 17 octobre 1961
De haut en bas
De plus, il existe de nos jours une vraie recherche esthétique et fonctionnelle autour de l’écran, notamment avec la tablette numérique défini comme l’objet novateur du XXIe siècle. À l’heure où des tests sont effectués pour la mise en place d’avions automatiques, peut être que les tablettes numériques géantes remplaceront les écrans télévisés.
La télévision est-elle alors vouée à disparaître pour laisser place à l’ordinateur ?
Ainsi, après plusieurs jours de suspense, les spectateurs sont réunis devant leur ordinateur le jour J. La télévision quant à elle se contente de transmettre une information, de diffuser la vidéo en direct alors qu’internet offre beaucoup plus de possibilité. En même temps que le spectateur regarde les images de l’événement sur Youtube, il peut échanger, commenter. C’est à lui de décider ce qu’il veut voir. Il peut même effectuer des recherches s’il veut en savoir plus. Tout est à portée de main. La retransmission sur internet permet une interactivité sélective que ne possède pas le petit écran. Internet propose aussi une connexion sociale qui rend l’internaute actif devant l’information à la différence de la passivité imposée par le téléviseur.
’épiphénomène Baumgartner tient surtout son succès de l’interface web. En plus d’être retransmis en direct sur Youtube, le saut a provoqué une émulation sur la toile pendant plusieurs jours. Le buzz est ici la technique marketing utilisée par la marque Redbull pour faire parler de cet événement à l’avance, faire du bruit. Internet le permet car à la vitesse ou se déroule l’information, il faut attirer l’attention sur un sujet précis, à un moment précis.
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La télévision et Internet, retransmission à part égale ?
le 14 octobre 2012
LE Saut dans l’espace
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Photographie de l’arrivée de Baumgartner sur la terre ferme largement diffusée par les différents média internationaux
Diffusion en direct du saut dans l’espace sur internet et à la télévision transmise par la caméra présente sur la capsule
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Une fois le journal mis en page, de gros logos de couleur apparaissent en couverture « Exclusif ! », ou « En direct », ou encore « Scoop » et signent un magazine, ou même un site Internet puisque le procédé s’applique de la même manière. En général, ces lectures restent au second degré et le public est averti. Cependant, il est dangereux de voir qu’il est facile de modifier, de falsifier l’image et l’information si rapidement que même le direct est retouché. L’information de base est délibérément détournée de son sens et cela dans le but d’attirer le plus de monde, de choquer, de provoquer, mais surtout de faire acheter même si l’image est négative. Car au bout du compte, l’objectif du magazine en question est d’arriver en tête des ventes de la semaine, d’être le premier.
Plusieurs fois on m’a refusé l’accès aux réunions quotidiennes du magazine qui semblait avoir des choses à cacher. Mais le dernier jour, la porte me fut ouverte. J’ai découvert que le rédacteur en chef, une fois les photos en mains, décide parfois de détourner les images de leur sens premier ou d’en accentuer la lecture en recadrant un détail en particulier, en sortant la photo de son contexte, ou même en retouchant la prise de vue. Cette technique croit de plus en plus, permise par la performance et la facilité d’accès des logiciels de retouche tels Photoshop.
Frederico Fellini dans La Dolce Vita invente le terme de « paparazzi » en mélangeant les mots « pappataci », qui veut dire « petits moustiques » et « ragazzi » traduit par « jeune garçon ». L’image poétique est très représentative de ce métier où les photographes essaient de se glisser comme des petits insectes dans la vie privée des stars.
Au sein de la rédaction du magazine, et après quelques difficultés à obtenir des réponses à mes questions j’ai appris que les paparazzis sont des photographes indépendants qui travaillent pour leur compte et revendent leurs images au plus offrant. Leur métier leur impose donc d’être les meilleurs, d’apporter les images les plus intéressantes, ce qui explique en partie l’insistance et l’acharnement des paparazzis.
Pour avoir travaillé au sein du tabloïd Closer en tant que maquettiste quelques mois en 2011, j’ai pu mener mon investigation sur ce monde particulier et pourtant très vendeur de la presse people. Une presse qui s’étend d’ailleurs aujourd’hui à des émissions télévisées spécialisées et surtout des sites dédiés à l’actualité des stars qui fourmillent sur Internet.
l’arrivée de Félix Baumgartner sur la terre ferme, les caméras aériennes filment la précipitation des journalistes qui accourent vers le nouveau héros. Ces derniers font la course pour être le premier à interviewer et photographier l’Autrichien dès la fin de sa performance. Tous veulent enregistrer le premier mot, la première émotion, le premier sourire du sportif astronaute, obtenir l’exclusivité, l’image qui apparaîtra dans tout les médias réunis. Tels des paparazzis, ils sont prêts à tout pour décrocher le scoop de la semaine, et publier ces images dans tout les magazines, des plus sérieux aux plus populaires.
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Un Scoop à tout prix !
Interviews et tÉMOIGNAGES Pour alimenter ce mémoire de fin d’études, après avoir endossé l’habit du reporter, je me suis entretenue avec des professionnels de l’image. Au delà d’un avis technique et spécialiste, j’ai souhaité étudier le ressenti du spectateur à travers sa singularité c’est pourquoi j’ai conçu un questionnaire pour interroger des personnes de mon entourage (âge, sexe et profession confondues) au sujet des trois événements auxquels je m’intéresse.
Les professionnels de l’image Dans cette partie, nous analysons comment les professionnels interprètent l’image en direct.
Le réalisateur de documentaires
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orsque le réalisateur de documentaires est sur place, il doit se soumettre aux conditions de tournage imposées par l’environnement qu’il décide d’enregistrer. Il faut qu’il soit toujours préparé à filmer au cas ou il se passerait l’inattendu, une situation hors du commun qui fera la force de son film. Lors d’une interview avec un étranger, il vaut mieux éviter de le faire répéter car la spontanéité de l’instant risque d’être perdue. Dans ce cas on utilise parfois un intermédiaire, qui peut soit briser l’intimité entretenue entre les deux interlocuteurs soit au contraire rassurer et permettre de se livrer plus facilement. Mais la traduction risque de modifier le message initial, parfois il est mieux d’utiliser plusieurs traducteurs pour comprendre le fond de la pensée de la personne interviewée. Si l’on souhaite filmer dans un contexte en mouvement, ou il y a de l’action comme pour un sujet d’actualité, le rapport à l’outil doit être le plus simple possible. Les appareils photos numériques sont avantageux dans le sens ou ils sont discrets, facilement dissimulables et permettent de voler des instants interdits. Le téléphone portable est aussi un outil en plein essor dans le documentaire. La plupart des individus étant habitués à utiliser ce support, à se prendre en photo eux-même, sont moins gênés car ils ne remarquent pas la présence de l’outil. Ainsi, on ne choisit pas forcément la qualité d’image, mais on choisit de filmer le cœur de l’événement.
Le Monteur
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ne fois installé à son poste de travail, le monteur utilise des logiciels comme After effects, Photoshop ou Avid media composer. Il mixe les morceaux de vidéos qu’il s’est procuré et joue avec le son, le graphisme et l’image. Par exemple, pour la bande annonce d’un match de foot il n’hésite pas à reprendre des extraits d’anciens matchs qu’il maniera afin de reconstituer l’ambiance du match qu’il veut vendre, l’ambiance du direct. Cela grâce au son, bien sûr il doit utiliser des musiques ou des commentaires libre de droits. Mais c’est l’ingénieur du son qui intervient plus tard pour s’assurer que la sonorité s’accorde à l’image. Enfin il doit coller ses images à une charte graphique très précise représentative de la chaine pour laquelle il travaille, Canal + . La typographie Futura et le jingle doivent apparaître au moins au début et à la fin de la bande annonce. Parfois, il lui arrive de monter des images amateur, mais en tant que technicien de l’image, il trouve que la qualité, le son, la couleur, le cadrage et la texture de ce type d’image est délicat à travailler. C’est en général les séquences vidéos dernier recours, si vraiment elle présentent un intérêt indispensable.
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Questionnaire public :
Avez-vous vécu le 17.10.1961 ? Si oui, l’avez-vous suivi en direct par l’information ? Si non, avez-vous déjà vu des photos de cet événement ?
Le direct
Avez-vous suivi en direct le 11 septembre 2001 ? Si oui, sur quel support ?`
Avez-vous suivi le saut de Baumgartner en direct sur Youtube ? Êtes-vous sur un réseau social ? Si oui, utilisez-vous ce ou ces réseaux pour partager des infos, des images d’actualité ? SI oui, lesquels ?
Votre réaction à la vue de ces images ?
Le ressenti du public Pour étudier la manière dont le spectateur perçoit les informations et les images d’actualité à travers les trois événements étudiés au long de ce mémoire, j’ai réalisé un sondage ou 70 personnes sont interrogées. Parmi elles, 33 femmes et 36 hommes, dont 44 sont agées de 20 à 30 ans, 13 entre 30 et 50 ans, et 13 encore entre 50 et plus de 60 ans.
La nuit noire Il est difficile de parler du direct de cet événement car il n’a pas existé. Sur le sondage réalisé, aucune personne interrogée sur 70 n’a suivi l’événement par les médias en direct. La plupart car ils n’étaient pas nés, les autres car comme nous l’avons vu précédemment, étaient peu voire pas informés de la situation.
Le world trade center C’est tout autre chose pour le 11 septembre 2001, 60 personnes sur 70, soit 85% du panel a suivi l’événement en direct. Cela est d’autant plus impressionnant que le premier impact a eu lieu à 14h46, heure française, la population s’est donc arrêtée de vivre au milieu de la journée pour suivre le déroulement de l’actualité. Pour la question suivante, plusieurs choix étaient possibles, un total de 58 personnes a suivi les événements à la télévision. Contre 19 à la radio, 16 sur internet et 11 dans la presse. En 2001 on remarque que le réseau internet n’était pas encore tout à fait développé c’est pourquoi la télévision reste le média privilégié. Cependant, la télévision n’est en général pas disponible sur les lieux de travail, dans les écoles, donc on imagine que les personnes ont écourté leur journée et sont rentrés chez eux pour suivre l’information. C’est la première fois qu’un événement provoque un tel intérêt international. D’ailleurs, quelque soient les âges tout le monde se souvient ou il était et ce qu’il a fait ce jour là. La majorité des personnes interrogées est bouleversée à la vue de ces images, suivi par le sentiment d’étonnement de panique et d’affliction. Aucune réponse pour l’indifférence. La France entière, le monde occidental est touché par ces vidéos qui déclenche une nouvelle période de l’Histoire.
Le Saut dans l’espace 92% de l’échantillon a vu des extraits du saut de Baumgartner alors que 35% l’a suivi en direct sur Youtube. L’événement a réussi à faire parler de lui. 85% des personnes interrogées sont sur un réseau social, la plupart sur Facebook, ensuite vient Twitter, Instagram, Google + et Twitter. 55% s’en servent pour partager des informations, des images d’actualité tel que le saut dans l’espace. En six ans de création, on remarque qu’une grosse partie de la population s’est habituée à ces réseaux au quotidien. Ils sont devenus un vrai support médiatique ou chacun peut donner son avis de journaliste, commenter, critiquer ou photographier l’actualité en direct.
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Le différé. Du différé à la rediffusion d’événements Retravailler un événement d’actualité dans le temps peut transformer son sens, nous allons voir les effets de ces transformations et les médiateurs utilisés pour une lecture en différé.
La technique au service du montage Intervenir sur un document d’actualité à l’aide de la technique et du montage peut transformer un peu ou radicalement le message initial. Les procédés de retouche s’immiscent dans l’information et la modifie.
La Nuit NoirE le 17 octobre 1961
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Documents autour de la Nuit Noire
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n octobre de plusieurs années depuis l’an 2000, des documents réapparaissent à propos de l’événement du 17 octobre 1961 pour marquer ce funeste anniversaire. Ces documents mémoriaux rappellent l’histoire d’un événement longtemps occulté et effacé de la mémoire collective. Pour exemple, le film « Nuit Noire », réalisé par Alain Tasma, sur les écrans en octobre 2005, reprend la manifestation de manière fictive. Ce film utilise le point de vue de plusieurs personnages qui offre un sentiment global sur l’événement. Témoignent l’ouvrier de nuit non militant, le policier syndicaliste, le cadre du FLN, la jeune porteuse de valise ou encore le préfet Papon. La fiction permet de revenir sur un événement d’actualité lorsqu’on a assez de recul pour pouvoir en parler, ici 44 ans. Cependant, les images sont créées de toute pièce et le scénario amène une part d’imagination au sujet traité. Le traitement de l’image, la mise en scène interfère sur le véritable sens de l’information. Nous verrons en détail le rapport entre actualité et fiction dans une prochaine partie. (page 39) En général, le documentaire se fixe pour but théorique de produire la représentation d’une réalité, sans intervenir sur son déroulement, une réalité qui en est donc a priori indépendante. Il s’oppose donc à la fiction, qui s’autorise de créer la réalité. Ainsi, les films documentaire tels que « Ici on noie les Algériens » reprenant la célèbre photo de Jean Texier ou « Octobre à Paris » ont pour particularité d’utiliser de vrais témoignages et sortent tout deux le 19 octobre 2011 pour marquer les cinquante ans du massacre. Le premier est réalisé par Yasmina Adi et dure une heure et demie. La cinéaste mêle témoignages et archives inédites, histoire et mémoire, passé et present. Le film retrace les différentes étapes de ces événements et révèle la stratégie et les méthodes mise en place au plus haut niveau de l’État comme les manipulations de l’opinion publique et le verrouillage de l’information afin d’empêcher les enquêtes. La parole est largement donnée aux manifestants survivants, notamment aux femmes. La réalisatrice s’attache à démonter, en marge d’images d’archives, la répartition des rôles au sein de l’exécutif français de l’époque. Le film est un montage d’archives qui se suffisent à elles-mêmes, au point de n’être appuyées par aucun commentaire off. Le second documentaire « Octobre à Paris » de Jacques Panijel est réalisé dans la foulée de la manifestation mais n’est jamais exploité en salles, même s’il a fait à plusieurs reprises l’objet de projections illégales. Victime jusqu’en 1973 de la censure gouvernementale, le film n’est pas davantage distribué par la suite. Le réalisateur mourra en 2010 sans avoir la satisfaction d’assister à la sortie de son film. Après la manifestation du 17 octobre 1961 Panijel réalise ce film pour témoigner de l’événement. Trois registres d’images constituent la matière du film. C’est tout d’abord la nécessaire reconstitution de l’appel à la grève et son organisation par une cellule secrète du FLN en plein coeur du bidonville de Nanterre. C’est ensuite la mise en scène de la manifestation et de sa répression à l’aide du principal médium qui l’a enregistrée : la photographie. Mis à disposition par le photographe Élie Kagan, ce matériau est travaillé au montage et à la bande-son pour lui conférer une dynamique cinématographique. A ces deux strates, s’ajoute et s’entremêle le tournage, en direct cette fois, avec les nombreux témoins et victimes de la répression. Avec la sortie de ces deux documentaires, il aura donc fallu attendre cinquante ans pour que de vrais témoignages sortent.
Page de gauche Octobre à Paris réalisé par Jacques Panijel sorti le 19.10.2011
Page de droite Webdocumentaire 17.10.61 produit par Raspouteam Nuit Noire réalisé par Alain Tasma sorti en 2005 La bataille de Paris par Jean-Luc Einaudi
Les manipulations de l’Histoire
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’Histoire a plusieurs fois été victime de la censure et du mensonge pour nier des faits qui dérangent. Les exemples que nous allons voir ont utilisé l’image pour tromper et modifier le sens d’une information. Napoléon est le premier à utiliser ce procédé en multipliant les falsifications picturales à sa gloire. Sur le célèbre tableau « Le sacre de Napoléon » pour renforcer son pouvoir, il demande à ses peintres d’y représenter le pape effectuant un geste de bénédiction alors qu’il avait eu toutes les peines du monde à obtenir sa présence. Il exige que sa mère absente soit représentée en évidence. Pour plus de prestance, plus de pouvoir, plus d’admiration Napoléon est prêt à transformer la réalité, il n’est pas le seul. Staline par exemple qui, après s’être débarrassé de Trotski dans les années 20, a effacé sa présence de toutes les photos officielles comme s’il n’avait jamais existé. Notamment celle ou il apparaît aux côtés de Lénine devant le Théâtre du Bolchoï haranguant la foule. Il y sera remplacé par une marche en bois. Le documentaire « Nuit et Brouillard » sur la Shoah a été censuré en 1956 par la commission de classement des films. Cette dernière a obligé le cinéaste à supprimer une photographie d’un gendarme français en train de surveiller le camp d’internement de Pithiviers. Le cinéaste, pour obtenir son visa de projection fut contraint d’effacer le képi. En 1989, en Roumanie, les émeutiers qui ont renversé Nicolae Ceausescu accroissent le bilan des victimes à Timisoara et déterrent une vingtaine de cadavres pour photographier la mise en scène d’un père pleurant sur le corps de son bébé et de son épouse. L’enfant, dont il n’est pas le père est décédé de la mort subite du nourrisson, et la femme qui n’est pas son épouse, est morte d’une cirrhose. L’exemple le plus sanglant est celui du massacre de Katyn, ou 26 000 officiers polonais ont perdu la vie. En 1939, la Pologne est envahie par l’Allemagne et l’URSS, les Polonais se battent alors pour conserver leur territoire. 26000 prisonniers de guerre sont arrêtés, le gouvernement Stalinien ordonne leur exécution et déporte
les familles des victimes dans des camps de travail. D’abord associée avec l’Allemagne, l’URSS change de camp pour rejoindre les alliés. Les Allemands découvrent l’étendue du massacre. C’est là que débute une bataille de l’image mensongère. Un premier film de propagande allemand est tourné en 1943 dès l’ouverture des fosses. Il est destiné à dévoiler l’horreur du crime soviétique et à rappeler que ce nouvel allié communiste commet des atrocités contre la Pologne. L’objectif est de brouiller les alliés occidentaux contre l’allié Russe alors que l’URSS gagne du terrain et remporte des victoires contre l’Allemagne. Le film est alors diffusé en Pologne occupée qui découvre les responsables mais reste indignée contre les crimes du Reich et ceux de la Russie similaires à leurs yeux. Malgré tout, ce film reste le témoignage le plus analogue du massacre qui a eu lieu. Car juste après, un second film est tourné par les soviétiques destiné à effacer les traces et démontrant qu’aucun témoin et aucune pièce à conviction n’existe pour les dénoncer. Pendant un an, des travaux de déplacement de milliers de cadavres ont été fait pour brouiller l’état des lieux du crime. Mais 50 ans plus tard, en 1990 quand la vérité est enfin découverte avec une lettre ordonnant l’exécution des prisonniers signée de la main de Staline, ce film de propagande se retourne contre ses commanditaires car elle montre l’étendue de l’action à effacer la réalité, déformer les faits et fabriquer un faux témoignage. Dans l’actualité d’Août 2012, les militantes Femen ont scié une croix à Kiev pour protester contre la religion et la pénitence des Pussy Riots. Caroline Fourest dans un documentaire à la gloire de ces jeunes filles diffusé le 5 mars sur France 2 reprend cette image qu’elle veut glorifiante de la militante découpant la croix. Pourtant, il y a un détail que le reportage ne mentionne pas, cette croix abattue était en fait un mémorial érigé aux victimes de Katyn. Est-ce qu’aujourd’hui encore les médias ne montrent que les images qui les arrangent ? De haut en bas Image non censurée du documentaire Nuit et brouillard représentant le policier avec son Képi Mise en scène du charnier à Timisoara Groupe activiste Fémen en train de scier la croix commemorative du massacre de Katyn
Le négationnisme, toujours d’actualité ?
Le World trade center
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e négationnisme, terme généralement utilisé pour illustrer l’action de nier la shoah a été repris par la suite pour tout les crimes qui ont été occultés. Concernant le massacre des Algériens, on peut parler de négationnisme puisqu’aujourd’hui encore, les archives ne sont pas ouvertes. Des informations ont été retouchées, modifiées. Comme le bilan du nombre de morts pendant la manifestation qui officiellement s’élevait à 2 morts et 64 blessés alors qu’il s’agirait en réalité de 200 morts et 329 blessés. Les témoignages photographiques sont moindres et il a fallu 50 ans pour que le premier documentaire sur ce sujet sorte sur les écrans.
De haut en bas Extraits du film documentaire Farhenheit 9/11 privilégiant une estéthique précise et mettant en scène le réalisateur Michael Moore
le 11 septembre 2001 Le choc du 11 septembre 2001 à l’ère des médias a multiplié les interrogations, les documentaires et les retours sur image.
Farhenheit 9/11
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n documentaire en particulier est intéressant à évoquer au sujet du 11 septembre 2001. Il s’agit de Farhenheit 9/11 réalisé par Michael Moore, grande figure du documentaire d’opinion. De chaque sujet d’actualité qui le touche profondément il en tire un film ou une réflexion engagée. Son compte Twitter déborde de phrases piquantes à l’encontre de ce qui lui déplait. Le documentaire 9/11 sort en 2004, 3 ans après le 11 septembre il remporte la palme d’or du festival de Cannes. Le film est divisé en trois parties qui suivent chronologiquement l’actualité, d’abord le crash du World Trade Center, ensuite la guerre en Irak enfin le Patriot Act, loi en lien avec l’instauration d’une phobie terroriste par les médias. Michael Moore y dénonce le président Bush et le porte responsable du 11 septembre vis a vis de son laxisme et de ses relations suspicieuses avec la famille Ben Laden. Ainsi, il apporte une nouvelle information en donnant son opinion, en réutilisant des images, des archives du direct. Par quels procédés se réapproprie t’il des images d’actualité, des preuves du direct pour faire passer un nouveau point de vue, son message à lui ? D’abord, il utilise le son. L’ouverture du documentaire est un écran noir avec seulement le bruit des avions qui heurtent les tours, l’ambiance de panique et les cris qui en découlent. Cela renvoie aux conversations téléphoniques des victimes enregistrées dans les avions ou dans les tours et rappelle l’atrocité des images sans même les voir. Le spectateur entre directement dans le contexte et dans l’atmosphère devant un simple écran noir. Il utilise l’humour, en décalant la situation par des commentaires loufoques. Ce qui rend son documentaire dynamique tout en débridant l’ambiance. Il utilise le cadrage pour mettre en avant des éléments, des objets ou des personnes qu’il décrit comme un témoignage important. Le gros plan sur une personne clé vient appuyer son discours. Il n’hésite pas à zoomer sur des documents officiels pour accentuer ses preuves. Pour en rajouter encore, il utilise le graphisme, pas toujours raffiné mais une flèche en rouge un peu grossière souligne précisément un détail que l’on ne remarquerait pas autrement. De temps en temps, il impose une musique tragique sur des images au ralenti pour ajouter de l’émotion. Il joue sur le montage en rapprochant deux plans contradictoires, un de Bush en train de pêcher puis un autre de Bush l’air dépité. Il entrecoupe son document d’extraits de fiction, d’une série culte en Amérique par exemple, en touchant aux références du spectateur. Cela vient appuyer son témoignage en apaisant le climat. Mais il n’hésite pas à montrer une image choquante par la suite. Michael Moore joue de sa proximité avec le spectateur et accrédite son discours en mettant l’accent sur des preuves indéniables par l’intermédiaire de l’image, du graphisme et du montage. En jouant sur des souvenirs, sur le choc de l’événement, en détournant et en sortant du contexte certaines images, le réalisateur parvient à délivrer un message et à sensibiliser l’auditoire. Cependant, malgré le nombre d’entrées exhaustif au cinéma pour son film, Bush a tout de même été réélu.
Les dérives : la théorie du complot
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ahrenheit 9/11 participe à l’emballement autour de la théorie du complot qui porte responsable le gouvernement américain des attentats du 11 septembre. Ce phénomène touche une grande partie de la population. Si la théorie conspiratoire remet en question l’information distribuée par les médias, elle a besoin de preuves pour exister. C’est pourquoi en guise d’attestation les théoriciens vont éplucher les images et mettre en avant des raisonnements irrévoquables. L’exemple le plus éminent est celui de l’avion qui a embouti le pentagone. Nombre de vidéos existent à ce sujet sur Internet et reprennent en boucle les images d’après le crash. Il n’y a aucune image du crash en lui-même sauf celles enregistrées par des caméras de surveillance mal situées et de mauvaise qualité. L’absence d’image de cet impact laisse alors planer le doute et des déductions s’imposent sur le véritable motif de l’explosion. Les images sont si étudiées que certains voient des explosions à tout les étages du bâtiment, d’autres des étincelles, ou justement, ne voient pas la trace des ailes de l’avion qui devraient apparaître après le choc. Toutes les interprétations sont plausibles, il peut s’agir d’une bombe ou d’un missile prémédité. A la manière de Michael Moore, on retrouve parfois le graphisme grossier d’un cercle rouge qui entoure et recadre une situation curieuse sur l’image incitant à de nouvelles interrogations. Dans le cadre d’une lecture en différé, l’interprétation d’une image peut être multiple, qu’il s’agisse d’un événement d’actualité ou d’un tableau célèbre, chacun peut y voir ce qu’il a envie et surtout, y croire.
LE Saut dans l’espace le 14 octobre 2012
Page de gauche Dégâts provoqués par l’attentat du pentagone Démonstration de la théorie du complot prouvant qu’un avion n’a pas pu s’encastrer dans le bâtiment Dernière image du nouveau spot publicitaire Redbull reprenant l’arrivée de Baumgartner
Page de droite Le sportif handicapé Oscar Pistorius et sa défunte compagne Reeva Stenkamp Oscar Pistorius mis en scène comme un héros après son exploit aux jeux olympiques de Londres
L’après communication Baumgartner
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près avoir passionné le monde entier en réalisant l’exploit de sauter dans l’espace, Félix Baumgartner a du gérer son image représentative de sa nouvelle notoriété.
Félix Baumgartner, héros nouveau né, idole adorée, est sollicité par les médias du monde entier pour revenir sur sa performance. Le sportif sans doute peu habitué aux représentations publiques s’égare et lorsqu’on lui pose une question politique au sujet de la crise, répond qu’il voterait pour une « dictature modérée ». La phrase déclenche le scandale et la polémique pour certains et passe inaperçue pour d’autres. Est ce qu’en prononçant cette malheureuse phrase, Félix Baumgartner a signé la dégradation de son image ? Est ce qu’en prononçant cette phrase, Félix Baumgartner constitue un danger pour la jeunesse admirative ? Ce que l’on retient du personnage, même s’il ne sait sans doute pas s’exprimer, c’est l’image d’un homme face à la terre qui s’apprête à réaliser une prouesse hors du commun. Si l’on tape le nom de Baumgartner sur Google, rien n’apparaîtra au sujet de sa phrase imprudente. Si l’on parle de l’Autrichien, ceux qui le connaissent l’identifient comme « celui qui a franchi le mur du son » et non pas comme « celui qui est pour une dictature modérée ». L’image de l’homme en tenue d’astronaute restera gravée dans les têtes car c’est une image exceptionnelle qui surpasse en tout points les mots inconsidérés de Baumgartner. L’autrichien revient d’ailleurs sur ses propos lors d’une interview donnée au grand journal le 27 février 2012. Il affirme que cette phrase a été incomprise et sortie de son contexte. On peut penser que son équipe de communication l’oblige à présenter ses excuses, mais dans le cadre précis de ce mémoire ou tellement d’exemples ont démontré qu’un mot ou une image sortie de son contexte est déformée de son sens, l’attitude de Baumgartner est crédible et compréhensible. En revanche, une attitude impardonnable est celle du champion paralytique Oscar Pistorius. Dans le même esprit, cet homme a déchainé les foules pour avoir couru au côté des champions valides alors qu’il possède des lames de fer à la place de ses jambes. Le monde entier a vibré pour lui et s’est attaché au personnage. Sa prouesse est comparable à celle de Félix Baumgartner et au même titre que lui, il possédait la place de héros du 21 ème siècle jusqu’à ce qu’il tue sa petite amie. Le jour de la Saint Valentin. L’image glorieuse du sportif s’est envolée pour laisser place à celle, froide, d’un criminel sans pitié. Des personnalités aux allures de Docteur Jekyll et Mister Hyde il en existe malheureusement plus d’une. Dans ce cas, et lorsqu’une star est adulée du grand public cela s’avère dangereux car le succès est relié au crime, et de jeunes adolescents cherchant à imiter leur idole peuvent commettre l’irréparable. Heureusement, Félix Baumgartner n’a encore tué personne et des rumeurs courent qu’un film sur sa vie et ses exploits pourrait sortir au cinéma, on en déduit que son image se porte plutôt bien.
L’après communication Red Bull
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a marque RedBull use de stratégie pour rebondir sur son succès. Sans perdre de temps, elle réalise une nouvelle publicité incluant l’événement hors norme. Le spot de haute qualité vidéo réunit un montage de plans représentant des sportifs de l’extrême. Sur une durée d’une minute, 15 secondes sont réservées au saut de Baumgartner. La musique accompagne la vidéo en rythme comme la partition d’une bande annonce envoutante. A la fin, le logo Red Bull apparaît progressivement en masque sur l’image signifiant la présence de sensations fortes à l’intérieur de la boisson. Le nouveau slogan « La seule limite est celle que tu te fixes toi même » renvoie directement à l’autrichien qui en dépassant ses limites, a explosé tout les records. Dans le cas de Red Bull, l’image d’actualité est réutilisée pour faire rêver, pour donner envie, mais surtout pour vendre, dans un but commercial. Le nouveau sens de ces images montées et mixées sur de la musique donne au sportif des allures de Demi Dieu alors forcément pour lui ressembler, il faudra boire du Red Bull.
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La réactualisation d’événements historiques
Page de gauche Reconnaissance officielle du massacre des Algériens la nuit du 17 octobre par François Hollande en Octobre 2012 sur le pont Saint-Michel
Lorsque les médias reparlent d’événements passés à l’occasion d’anniversaires ou de rebondissements, un nouveau regard est posé sur l’Histoire.
Page de droite Maquette pour le mémorial du 11 septembre 2001 à la place de Ground Zero
La Nuit NoirE
Affiche du film Argo réalisé par Ben Aflleck sorti le 7 octobre 2012
le 17 octobre 1961 La reconnaissance officielle, 50 ans après
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e 17 octobre 1961 a commencé à faire parler de lui aux yeux du public cinquante ans plus tard avec la sortie des deux documentaires énoncés précédemment. Dans le cas de cet événement en particulier, la réactualisation pourrait plutôt s’appeler l’actualisation car l’événement est quasiment inconnu du grand public. Lorsque le nouveau président élu, François Hollande reconnaît le 17 octobre 2012 les violences infligées aux Algériens 51 ans plus tôt, les médias reviennent sur ce sujet et informent la majorité d’une population qui ne sait rien du massacre. Des archives ressortent alors, l’image de François Hollande qui pose une gerbe de fleurs sur le pont saint Michel renvoie
aux images prises par Élie Kagan. L’actualité met en regard le 17 octobre 1961 et ravive une partie de l’Histoire oubliée. Ce coup de projecteur sur la nuit noire amène à se poser des questions : La répression n’était pas mentionnée à l’école en France jusqu’à il y a une dizaine d’années, aujourd’hui seulement quelques manuels scolaires l’évoquent d’une simple double page. Il serait intéressant de mettre en forme un documentaire interactif à l’intention des lycéens sur cette nuit du 17 octobre 1961, pour que les mémoires futures puissent en parler tout en sachant ce qui s’est réellement passé.
La vérité éclate toujours (ou presque)
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e temps qui passe permet de revenir sur les incompréhensions de l’Histoire, des secrets bien enfouis. On peut espérer que dans quelques années la lumière sera faite sur le 17 octobre 1961, les archives seront ouvertes au public, les écrits, les chiffres, les vidéos et les images dévoilées. Comme pour le drame du stade d’Hillsborough, qui a couté la vie à 96 supporters venus voir un match. 23 ans plus tard, les familles des victimes connaissent enfin la vérité sur ce qu’il s’est passé. Au lieu d’un mouvement de foule et d’une bagarre décrite dans les déclarations officielles, c’est en fait le stade qui s’est effondré car il n’était pas aux normes. En 23 ans rien, aucune image, n’a permis d’élucider ce mystère. C’est seulement au terme d’une pétition que les documents officiels ont refait surface et expliqué les vraies raisons de la catastrophe. Somme toute, grâce au temps et à la patience, la vérité éclate toujours. Ou presque.
Le World trade center le 11 septembre 2001 Anniversaire posthume
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nversement, Le 11 septembre 2001 est encore très présent dans la mémoire collective. Chaque 11 septembre de ces onze dernières années rend hommage par un documentaire, un reportage, quelques images ou une simple allusion aux victimes du World Trade Center. Pour les dix ans, le public assiste à l’inauguration du mémorial érigé par l’architecte israélo-américain Michael Arad à la place de Ground Zero. Le projet d’une tour symboliquement plus grande sur les lieux voit le jour et prendra peut être forme lors d’un futur anniversaire posthume. Lors des réactualisations d’événement, de nombreux reportages existent sous la forme d’un retour sur images. « 10 ans plus tard », « 20 ans après »… Ils sont souvent construit de la même manière, mettant en parallèle des images de l’événement et des images actuelles. Des témoins reviennent sur ce qu’ils ont vécu. Ce procédé de comparaison permet d’avoir un recul sur l’histoire. Par exemple, les frères Naudet ont retravaillé leur célèbre documentaire New York : 11 septembre pour les dix ans de l’événement et ont intégré des interviews récentes de pompiers ou de civils ayant vécu le drame. Revenir sur les faits au fil des années donne progressivement un sens nouveau aux images qui ont choqué le monde. Cela permet d’expliquer et de comprendre certaines situations actuelles. Revenir sur son passé c’est comme étudier un tableau de grand maître, on apprend de ce qu’on a vécu, de ce qu’on a vu, et cela forge l’expérience. Revenir en 2013 sur les images du 11 septembre 2001 permet de comprendre qu’elles sont à l’origine d’un sentiment de crainte permanente à l’égard du terrorisme dans la société occidentale.
La fiction et l’Histoire
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es films de fiction s’illustrent comme un autre moyen de revenir sur des périodes de l’Histoire. En rendant les sujets plus accessibles et parfois plus attrayants, leur aspect commémoratif permet de cibler un vaste public. Le 11 septembre inspire de nombreux réalisateurs. Certains films sont consacrés entièrement à la tragédie alors que d’autres y font seulement allusion. Vol 93 de Paul Greengrass reconstitue l’histoire de l’avion qui a réussi à dévier la cible des terroristes, Extrêmement fort, incroyablement près par Stephen Daldry s’inspire de l’événement pour narrer la détresse d’une famille touchée par les attentats, le récent Zéro Dark Thirty réalisé par Kathryn Bigelow retrace la traque du responsable Ben Laden jusqu’à sa mort. Le film de fiction permet d’explorer un nouveau point de vue sur l’événement, il amène à se poser de nouvelles questions, à chercher de nouvelles symboliques. Lorsque le film de fiction s’approche de la réalité il utilise des images d’archive de reporter, c’est le cas dans Argo, de Ben Affleck. Doublement oscarisé et césarisé en février dernier, ce film sur la prise d’otage Américains en Iran de 1979 a pour particularité de mettre en lien des images médiatiques de l’époque avec des images mises en scène et reconstituées. Le danger réside dans la mince frontière qui se crée entre le réel et la fiction. Devant un film scénarisé, il faut savoir faire la différence entre l’image d’artifice et la réalité. La représentation des tours jumelles dans les films réalisés avant le 11 septembre 2001 perturbe. Ces images renvoient inévitablement à l’événement. Par exemple, au début de la comédie Rabbi Jacob plusieurs plans sont consacrés aux deux bâtiments. Malgré l’atmosphère détendue mise en scène par le réalisateur Gérard Oury en 1973, aujourd’hui l’apparition des tours trouble le spectateur.
LE Saut dans l’espace le 14 octobre 2012 Mort d’un héros : Neil Armstrong
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n sautant de sa navette spatiale, Félix Baumgartner a suscité un engouement comparable au premier pas sur la lune de Neil Armstrong. Dans le futur, sa mort sera surement l’occasion de reparler de son saut supersonique. De la même manière que la mort de Neil Armstrong le 25 aout 2012 a provoqué la rediffusion sur tout les supports de communication des images de son épopée lunaire. Lorsqu’une personnalité tel que Neil Armstrong disparaît, les médias retracent son histoire en image et réactualisent des événements du passé. Les réseaux sociaux sont la cible de partage de vidéos et de photos en mémoire du personnage. Ces images permettent de retracer l’évolution des techniques à travers les époques, de constater le progrès, et de rafraichir les mémoires en reparlant d’Histoire.
L’image, une preuve pour l’avenir
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es images sont donc primordiales dans la construction de notre société car elles constituent la preuve, le témoignage que les événements ont eu lieu et permettent de comprendre l’histoire de notre civilisation. Des dessins dans les grottes de Lascaux qui narraient les parties de chasse à l’utilisation de la dernière Go pro Hero 3 dans l’espace, l’homme a toujours pris le temps de représenter la réalité du monde qui l’entoure pour la postérité.
Trace laissée par Neil Armstrong lors de son premier pas sur la lune le 20 juillet 1969, photo prise par un appareil Hasselblad
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Le Webdocumentaire 1
Le webdocumentaire est un documentaire interactif diffusé et visionnable sur Internet. Sous forme de vidéos, photographies, sons et textes, il parle d’événements historiques ou d’actualité que l’internaute peut parcourir selon différentes entrées.
L’émergence d’un nouvel outil La nouvelle porte des sites d’information
S’informer en s’amusant ?
Les portails d’information comme lemonde. fr ou courrierinternational.com permettent de suivre l’actualité en temps et heure. Les articles relatent les événements en direct. Les faits sont énoncés à la vitesse de l’information. Inversement, le webdocumentaire propose d’étudier un sujet plus en profondeur, l’internaute est au cœur de l’événement. De nombreux sites proposent ce type d’interface
Cette nouvelle interface voit le jour au début des années 2000 permet de s’informer de manière ludique et amusante. L’internaute par des choix interactifs sélectionne le document qu’il souhaite voir et mène son enquête au fil de l’arborescence.
des ressorts ludiques. La vocation d’un jeu sérieux est donc de rendre attrayant la dimension sérieuse par des formes, des interactions, des règles et éventuellement des objectifs ludiques. Le jeu vidéo est un vecteur pour l’information.
Au delà du webdocumentaire, il y a le Serious Game qui combine une intention sérieuse de type pédagogique et informative avec
Par exemple l’internaute peut contrôler le budget des États-Unis grâce à Budget Hero. Ainsi, l’aspect ludique du jeu amène un intérêt
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comme celui du Monde, de Courrier international, d’Arte, ou encore l’INA. Un site dédié au webdocumentaire, webdocu.com réunit tout les « webdocs » de la toile par catégorie.
accessible pour un sujet tel que la finance, rébarbatif au premier abord. Le Serious Game au même titre que le webdocumentaire permet de mettre en avant des sujets ou des événements de manière attractive en ciblant une population qui vit aujourd’hui à l’ère du 2.0. C’est ici que le graphisme intervient, car plus ce dernier séduit, plus le contenu est captivant.
Définitions
RichMedia
Serious Game
Un contenu Rich Media intègre différents médias : sons, vidéos, photos, métadonnées, présentés de manière interactive et temporelle au sein d’une interface de consultation ergonomique. La capacité du support à synchroniser l’audio et/ou la vidéo avec les autres supports est l’une des caractéristiques du Rich Media.
Le serious game est un logiciel qui combine une intention sérieuse, de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement avec des ressorts ludiques. La vocation d’un jeu sérieux est donc de rendre attrayante la dimension sérieuse par une forme, une interaction, des règles et éventuellement des objectifs ludiques.
Un contenu graphique interactif Les dessous du Webdocumentaire «Les villes minières» de Thomas Benner à voir sur webdocu.fr 1
2 «Rise of the megacities» distribué par the guardian
«Défense d’afficher» 1 er prix du festival des 4 écrans par Sidonie Garnier, François LeGal et Jeanne Thibord
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Le webdocumentaire est un documentaire conçu en RichMedia et produit pour être d’abord diffusé sur Internet, en associant texte, photos, vidéos, sons et animations, de manière interactive.
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Le webdocumentaire est conçu en Rich Media. Contenu qui intègre différents médias : sons, vidéos, photos, métadonnées, présentés de manière interactive et temporelle au sein d’une interface graphique. La capacité du support à synchroniser l’audio et la vidéo avec d’autres supports est l’une des caractéristiques du Rich Media. Chaque webdocumentaire possède un univers sonore et graphique facilitant l’immersion de l’internaute dans le sujet. Le travail et la réflexion sur l’ergonomie de l’œuvre sert également à faciliter l’accès au contenu. Comme un scénario, le webdocumentaire est divisé en parties distinctes. La façon dont ces chapitres vont être assemblés s’appelle l’arborescence. Le graphiste intervient à ce moment là pour créer des transitions visuelles entre les chapitres. L’univers du webdocumentaire doit retranscrire l’univers du sujet traité. En général, une équipe autour d’un webdocumentaire est constituée d’un producteur, un réalisateur, un directeur artistique, un (ou plusieurs) graphiste, un (ou plusieurs) monteur, un photographe, un ingénieur son et un (ou plusieurs développeur). Les équipes pouvant aller jusqu’à cent personnes. Le
travail est pareil voire plus conséquent que celui d’un film car il réunit la réalisation de vidéos documentaires à celle d’une interface web graphique. Le graphiste, au cœur du webdocumentaire, travaille sur l’imbrication des plans les uns avec les autres par l’animation, la typographie. Il choisit un univers visuel selon son inspiration et utilise par exemple l’illustration ou la photo pour rendre le contenu accessible.
Une interface dédiée à l’utilisateur Le format webdocumentaire se caractérise par une narration laissant à l’internaute une place à part entière, entre spectateur et acteur. La souris lui confère un rôle, celui d’agir sur le déroulé du programme. La télévision rend le spectateur passif devant un écran, ici, il est actif et participe au développement de l’information. La lecture en différé proposée par le webdocumentaire lui permet d’apprendre et de découvrir en profondeur des éléments historiques, ou d’actualité qu’il ne connaissait pas, ou peu. Ce nouveau type d’apprentissage et d’enseignement est il voué à remplacer les professeurs du futur ?
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Interviews et tÉMOIGNAGES Pour alimenter ce mémoire de fin d’études, après avoir endossé l’habit du reporter, je me suis entretenue avec des professionnels de l’image. Au delà d’un avis technique et spécialiste, j’ai souhaité étudier le ressenti du spectateur à travers sa singularité c’est pourquoi j’ai conçu un questionnaire pour interroger des personnes de mon entourage (âge, sexe et profession confondues) au sujet des trois événements auxquels je m’intéresse.
Les professionnels de l’image Dans cette partie, nous verrons comment les professionnels de l’image gèrent la diffusion de leurs documents..
Le réalisateur et le monteur
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ans cette dernière partie, le travaille du réalisateur rejoint celui du monteur car ils travaillent ensemble pour finaliser le document. Une fois le tournage terminé, le réalisateur confie ses séquences filmiques aux monteurs. Comme un directeur artistique, l’auteur guide l’équipe de montage vers l’univers particulier qu’il a ressenti au fil de son enquête. La diffusion du film joue sur le montage. Le calibrage ou l’étalonnage sont réglés en fonction d’un travail destiné au web, à la télévision ou au cinéma. Pour Aurélien Verhnes Lermusiaux, réalisateur, regarder un film au cinéma c’est comme regarder vers le ciel. Il confère un aspect grandiose au film documentaire qui passe au cinéma. Pour le photographe Larry Clark, auteur du film Ken Park, mettre un documentaire en ligne c’est profiter du flux sur internet, le rendre accessible et surfer sur la vague du progrès. La création autour du processus de montage est donc réfléchie en fonction de ces notions. Enfin, le monteur fait une proposition, le réalisateur ajoute ses retouches finales et le documentaire est prêt a être visionné. Le film est donc passé par trois écritures distinctes, le papier, le tournage puis le montage. Le message risque donc d’être modifié au fil du parcours. C’est le rendu final qui déterminera le sentiment de déception ou de satisfaction du réalisateur.
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Questionnaire public : Le différé
Comprenez-vous la réactualisation du 17 octobre 1961 50 ans plus tard ? Avez-vous le sentiment d’être parfois manipulé par l’image ou les médias ? Si oui, comment ? À l’heure actuelle, êtes-vous encore choqué par les événements du 11 septembre ? Avez-vous vu des films, des documentaires à ce sujet ? Croyes-vous en la théorie du complot ?
Avez-vous entendu parler des propos extrémistes de Félix Baumgartner ? Si oui, qu’en pensez-vous ? Pourquoi pensez-vous que ce saut serait une avancée ? Doutez-vous de cet exploit ? Connaissez-vous le webdocumentaire ? L’utilisez-vous ou aimeriez-vous l’utiliser ? Sur quel support suivez-vous l’actualité ?
Le ressenti du public La nuit noire Plus de la moitié du public interrogé ne comprend pas la réactualisation du 17 octobre 1961 cinquante ans plus tard, la plupart car ils ne savent pas ce qu’il s’est passé ce jour là. Cela rejoint tout à fait l’étude démontrée au cours de ce mémoire. Cet événement est oublié par les Français. D’autre part, presque la majorité du sondage, soit 97 % des interrogés ont la sensation d’être manipulés par les médias. La raison principale de leur inquiétude est la sélection des sujets traités par les médias à 90%. L’oubli national est-il lié aux manipulations médiatiques ?
Le world trade center A l’heure actuelle, 82% du panel est encore choqué par les attentats du 11 septembre. Cela signifie que les images demeurent dans les esprits, et cela est clairement renforcé par le contexte actuel du terrorisme en France. 93% ont vu des films ou des documentaires à ce sujet, cela démontre le travail de recherche et de compréhension à l’égard de l’événement. Enfin 33% de personnes croient en la théorie du complot, cette minorité ramène à la question de manipulation par l’image. Aujourd’hui la confiance donnée au média est de plus en plus maigre.
Le Saut dans l’espace 83 % des personnes interrogées n’ont pas entendu parler des propos « extrémistes » de Baumgartner. Pour ceux qui en ont eu l’écho, la majorité à 56 % y est indifférente suivie par amusée puis scandalisée et choquée. Si cet « événement dans l’événement » est passé inaperçu c’est sans doute car le saut a d’autant plus marqué les esprits. Pour 41 % des sondés, ce saut est à la fois une avancée pour la science et un simple divertissement qui ne fait rien progresser. Suivi par une avancée pour l’Histoire, une avancée pour l’image et dans l’option « autre » une personne a signalé une avancée pour Red Bull ! Enfin, 13 % du sondage doute de cet exploit, le saut de Baumgartner aurait-il été inventé de toute pièce ?
Le webdocumentaire 45% des personnes interrogées ne connaissent pas le support webdocumentaire, mais 64% au vu de la description de l’interface souhaitent l’utiliser. Le support papier reste le premier média utilisé par les individus de ce sondage, ensuite arrive la télévision à peu près à égalité avec l’ordinateur. Enfin, la radio, le portable et la tablette arrivent en dernier. La place qu’occupe aujourd’hui le numérique dans notre société est colossale, mais l’outil comme la tablette et le portable reste cher et élitiste c’est pourquoi l’ordinateur, comme objet du quotidien, est le support le plus accessible à la population. Enfin, il est intéressant de voir que de moins en moins de personnes écoutent la radio, un support dénué d’image.
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Le Projet graphique Comment réactualiser le 17 octobre 1961, un événement passé de cinquante ans et supprimé de la mémoire collective à travers le graphisme pour un public qui vit à l’ère du 2.0 ? 17 octobre 1961 Élie Kagan
Commanditaire Le Ministère de l’Éducation Nationale Le Ministère de l’Éducation nationale propose un nouveau mode d’enseignement via le webdocumentaire. Pour lancer ce média, il demande la réalisation d’un webdocumentaire sur le sujet de la nuit du 17 octobre 1961, un moyen de remettre en avant un événement peu présent dans les manuels d’histoire.
Cible Lycéens (15-20 ans) Pourquoi ? Le 17 octobre est quasiment inexistant des manuels d’Histoire, une double page au mieux, selon mon professeur d’histoire de première. Intéresser les lycéens à cet événement passé de 50 ans permet de le réintégrer dans la mémoire collective.
Qui ? La génération actuelle est connectée en permanence aux outils de communication. Parmi eux, Ipad, Iphone, Smartphone, ou ordinateurs portables. Les jeunes reçoivent une foule d’informations à une vitesse prodigieuse.
Objectif Réactualiser Par l’intermédiaire d’un webdocumentaire inscrit dans le cadre des études je propose de réaliser un univers graphique contemporain pour sensibiliser la jeunesse et revisiter le 17 octobre 1961.
Cahier des charges
Lieu L’École Rendre ce webdocumentaire accessible à l’école permet de l’intégrer dans le programme éducatif. Cependant, le site est disponible sur internet donc il est possible de le consulter en dehors des cours, à la maison ou à l’extérieur sur tablettes et smartphones.
Support Numérique L’aspect numérique du webdocumentaire (sur ordinateur ou sur tablette) avec l’interactivité amène une dimension captivante et nouvelle à l’Histoire.
Stratégie Graphique Éclairer Réalisation d’un webdocumentaire ayant pour concepts graphiques «l’ouverture» et «la transparence» accompagné d’un livret pédagogique destiné aux professeurs sur l’utilisation de ce site interactif.
Postface Selon la manière dont elle est diffusée, avant le direct, en direct ou en différé, le sens de l’image d’actualité varie. L’étude des trois événements, le 17 octobre 1961, le 11 septembre 2001 et le 14 octobre 2012 dans le temps a permis de mettre en lumière l’interprétation de l’image en fonction de la temporalité.
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n effet, la scénarisation, les outils, la technique, le reporter, le montage, le support, la communication sont autant d’éléments qui donnent un sens spécifique à l’image dans le temps. Les multiples combinaisons de ces éléments de l’image amènent de nouveaux questionnements, de nouveaux regards sur l’actualité. Pour représenter la réflexion analysée dans ce mémoire par l’intermédiaire du graphisme, je propose une relecture du 17 octobre 1961 sous forme d’un webdocumentaire pédagogique destiné aux lycéens. Ainsi, je réactualise un événement passé, occulté, en le revisitant de manière graphique et contemporaine à destination de la mémoire des générations futures. En conséquence, la thématique du temps reste au centre de mon projet graphique et répond à la problématique initiale : « En quoi la diffusion en direct ou en différé d’une image d’actualité change t’elle sa lecture et son sens ? » en amenant
Comment réactualiser le 17 octobre 1961, un événement passé de cinquante ans et supprimé de la mémoire collective à travers le graphisme pour un public qui vit à l’ère du 2.0 ? »
l’ouverture suivante : «
Remerciements Qu’il me soit donné de remercier chaleureusement : Madame Patricia Fride-Carassat, ma directrice de mémoire pour ses utiles recommandations. L’ensemble de mes professeurs : Madame Laurence Barjini, Monsieur Nicolas Girard, Madame Nawal Bakouri, Madame Denise Faure, Monsieur Julien Milly, Madame Nadine Rossin, Monsieur Antoine Barjini, Monsieur Pascal Garnier, Monsieur Armel Thual, pour leur soutien et leurs encouragements. Monsieur Aurélien Vernhes-Lermusiaux, réalisateur, pour ses précieux conseils et ses nombreux contacts dans le domaine de l’image. Monsieur Yvon Evano, monteur, pour ses réponses détaillées. Toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre au sondage et à mes questions. Ma famille et mes amis pour leur relecture attentive et leur réconfort.
Bibliographie L’Iphotojournalisme, une nouvelle mode Article de Victoria Scoffier paru sur www.6mois.fr le 21.11.2011 Le webdoc tisse sa toile Article de Etienne Sorin paru sur lexpress. fr le 18.11.2009 Famous Paparazzi Exposition de Bruno Mouron & Pascal Rostain (Paris Match) au Palais de Tokyo du 13 au 19.09.12 Les mises en scène visuelles de l’information Livre de Jean-Claude Soulages éditions Nathan/INA paru en 1999 La communication de l’information Livre de Jean-Pierre Esquenazi editions L’Harmattan paru en 1997 Le temps de l’événement, le 11 septembre 2001 Livre de auteurs multiples editions L’Harmattan paru en 2004 La circulation des images sur le web Article de Fatima Aziz paru sur www. culturevisuelle.org le 17.10.2012 Fahrenheit 9/11 Documentaire de Michael Moore sorti le 07.07.2004 en couleur dure 1h50min 100 images qui ont fait scandale Livre de Emmanuel Pierrat editions Hoëbeke paru en 2011 Argo Film de Ben Affleck sorti le 07.11.2012 en couleur dure 1h59min Nuit Noire Film de Alain Tasma sorti le 19.10.2005 en couleur dure 1h48min Ici on noie les Algériens Documentaire de Yasmina Adi sorti le 19.10.2011 en couleur/noir&blanc dure 1h30min Le 17 octobre 1961 par les textes de l’époque Livre de Gilles Manceron et Henri Pouillot editions Les petits matins paru en 2011 La bataille de Paris Livre de Jean-luc Einaudi, éditions du Seuil paru en 1991