Rapport de stage - Atelier de Transformation des Patrimoines

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Marc Girerd Rapport de stage / Septembre 2013

multiple / attrapa Une pratique transversale, entre histoire et architecture

Maître de stage : Etienne Léna Directeur de stage : Cécile Léonardi


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« Fondé en 1998, l’Atelier Multiple témoigne jusque dans son nom de sa volonté d’un exercice global et pluriel du métier d’architecte » Plaquette de présentation de l’agence

« Mais qu’on remue ces ruines, on trouvera dans les restes de ce bâtiment renversé, et les traces des fondations et l’idée du premier dessein et la marque de l’architecte » Bossuet, La Vallière, Profession

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SOMMAiRE

Introduction Une agence aux compétences multiples

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Des parcours complémentaires Fonctionnement L’exemple de la Samaritaine Une posture assumée

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Des exercices qui s’alimentent

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Inventer ses propres outils et méthodes

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Conclusion : enrichir par l’histoire sa pratique architecturale

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Le Chantier de la Motte Saint Martin Un projet de guide architectural Une oeuvre multiple et collective

Constituer une base de données Opérer un choix dans la sélection Dresser l’inventaire Remonter aux sources Déroulement des recherches Restitution des documents

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INTRODUCTION J’avais effectué mon stage de Licence chez WIMM Architectes, une

jeune agence fondée par William Tenet et Patrick Arrighetti, tous deux anciens élèves de l’Ecole d’Architecture de Grenoble. Leur activité s’articulait autour de la maîtrise d’oeuvre telle que de nombreuses agences d’architecture de petites tailles l’exercent : des commandes privées, ponctuelles, qui en dépit de constituer d’importantes références, permettent à l’agence de vivre et des commandes publiques, où s’expriment plus librement leurs envies, leur écriture architecturale et leurs ambitions. Ayant ponctuellement travaillé chez eux à la suite de mon stage, j’avais pu participer à différents concours publics et aider sur des phases d’esquisse et de permis de construire pour de plus petits projets. J’avais en outre travaillé sur la construction du site internet de l’agence. Le stage de Master que j’ai réalisé cet été au sein de l’atelier Multiple et du bureau d’études Attrapa - deux structures pour une même agence - a prise une tout autre tournure. C’est en 3e année de licence que j’ai rencontré Etienne Lena, dans le cadre du studio de projet qu’il dirigeait. L’approche qu’il défendait privilégiait le relevé et le collage comme outils complémentaires de projet. J’ai eu d’emblée des affinités avec sa manière d’appréhender l’architecture, qui accordait une importance de premier ordre au déjàlà et à son histoire. Deux ans plus tard, je l’ai contacté pour effectuer mon stage chez lui. J’avais dans l’idée de suivre plutôt des projets de réhabilitation, qui constituent une part importante de son activité. Il m’a alors proposé d’axer mon stage sur un projet assez particulier : la réalisation d’un guide d’architecture portant sur la production du XXe siècle à Grenoble.

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1ère Partie

une agence aux compĂŠtences multiples

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UN BUREAU D’études (Atelier de Transformation des Patrimoines)

un atelier d’architecture (Atelier Multiple)

quatre ASSOCIés

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Des parcours complémentaires Etienne Léna Architecte DPLG, diplômé de l’Ecole d’Architecture de Versailles. Diplôme d’Etudes Approfondies en Urbanisme. Architecte auprès de l’Institut français du proche‐orient à Damas (Syrie) de 2002 à 2006. Qualification « qualité environnementale des bâtiments » en 2008 Architecte-conseiller du CAUE 38 à Fontaine Maître‐assistant titulaire à l’Ecole d’Architecture de Marseille (Théorie et pratique de la conception architecturale et urbaine) depuis 2012. Maître‐assistant associé à l’Ecole d’Architecture de Grenoble (Enseignement du projet, cycle licence 3) de 2007 à 2012.

Laurent Le Coroller Architecte DPLG, diplômé de l’Ecole d’Architecture de Versailles. Architecte du Patrimoine diplômé du Centre des Hautes Etudes de Chaillot. Architecte à l’Agence des Monuments Historiques de Philippe Oudin de 2002 à 2004. Enseignant vacataire à l’Ecole d’Architecture de Versailles (Relevé et dessin d’architecture, 1er cycle) de 2005 à 2008

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Hubert Lempereur Architecte DPLG, diplômé de l’Ecole d’Architecture de Versailles. Diplôme d’Etudes Approfondies en Urbanisme. Doctorant en Histoire à l’Université de Versailles. Architecte‐conseiller du CAUE 38 à La Tronche Enseignant vacataire à l’Ecole Spéciale d’Architecture (Relevé et dessin d’architecture, 1er cycle) de 2005 à 2011. Enseignant vacataire à l’Ecole d’Architecture de Versailles (Réhabilitation et reconversion des édifices, 3ème cycle) de 2000 à 2003.

Jean-François Cabestan Architecte DPLG, diplômé de l’Ecole d’Architecture de Versailles. Architecte du Patrimoine diplômé du Centre des Hautes Etudes de Chaillot. Docteur en Histoire de l’Art à l’Université Paris I (Panthéon‐Sorbonne) Maître de conférence à l’Université Paris I (Panthéon‐Sorbonne)

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Fonctionnement

Architectes diplômés de l’Ecole d’Achitecture de Versailles, les quatre associés ont après leur diplôme suivi des parcours différents, qui se révèlent aujourd’hui complémentaires. Tous se retrouvent néanmoins autour d’un goût commun pour l’histoire. Cette approche historique de l’architecture, qui s’exprime chez chacun selon des modalités différentes, définit et restreint d’emblée leur cadre d’exercice.

A travers l’Atelier Multiple, ils exercent en tant que maîtres d’oeuvre sur des projets de réhabilitation et de restauration de bâti ancien, qu’il soit protégé ou non. Ils ont récemment réhabilité une partie de la mairie de la Motte Saint Martin, construite par Georges Serbonnet en 1935 (label Patrimoine en Isère). Leurs chantiers en cours comptent la restauration de l’église du Cheylas (38) et la réhabilitation de l’ancien puits minier des Rioux à Prunières (38). Mais malgré ces quelques projets, la maîtrise d’oeuvre ne constitue pas leur principale activité, ce qui pourrait d’emblée paraître surprenant pour des architectes. Le coeur de leur travail consiste à réaliser des études historiques et patrimoniales, des diagnostics architecturaux et urbains sur des sites parfois classés ou inscrits à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH). Ces études réalisées en amont sont, sur les édifices concernés, un préalable nécessaire à la maîtrise d’oeuvre. Elles permettent au maître d’ouvrage et au futur maître d’oeuvre de saisir les spécificités - structurelles, historiques, les logiques de composition - du bâtiment à réhabiliter ou à requalifier. Ces missions sont en partie réalisées à travers une seconde composante de l’agence, le bureau d’études Attrapa (Atelier de Transformation des Patrimoines). Les trois associés principaux - Etienne Léna, Hubert Lempereur et Laurent Le Coroller - interviennent au sein des deux structures, dissociées pour des raisons essentiellement économiques. Selon les missions, c’est l’une ou l’autre qui est mise en avant.

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L’exemple de la Samaritaine

Parmi leurs références en terme d’études patrimoniales, l’Atelier

Multiple et le bureau d’études Attrapa comptent notamment l’étude réalisée entre 2010 et 2011 sur le Magasin 2 de la Samaritaine à Paris, inscrit à l’ISMH et intervenue en amont de la maîtrise d’oeuvre, confiée, elle, en grande partie à l’agence japonaise SANAA.

Les magasins 2 et 4 de la Samaritaine constituent un îlot situé entre la rue de Rivoli et les quais de Seine. Des immeubles du 17e siècle côtoient les grands magasins construits et aménagés vers 1905 par Francis Jourdain et complétés par Henri Sauvage en 1928. La Samaritaine constitue un ensemble dense et complexe, où se juxtaposent des époques et des styles différents, inscrit dans le patrimoine parisien des deux siècles derniers. Contrôlés depuis 2001 par LVMH, fermés en 2005 en raison de difficultés d’exploitation, les magasins 2 et 4 sont aujourd’hui en cours de restauration et de reconversion. Ils ouvriront à nouveau leurs portes en 2016, enrichis de l’intervention de SANAA. Une telle opération ne pouvait, pour se réaliser, faire fi d’une analyse fine du bâti existant, du déjà-là avec lequel composer. Atrapa est ainsi intervenu auprès de la maîtrise d’ouvrage pour révéler la complexité de ce « bâtiment-ville », à travers des observations archéologiques et l’étude d’archives - pour la plupart inédites. Cette documentation a ensuite servi de support à l’équipe de maîtrise d’œuvre pour mener à bien le projet en prenant en compte toutes les spécificités historiques de la Samaritaine.

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Une posture assumée

Certains diront que ce n’est pas là un travail d’architecte, mais

plutôt la tâche d’un historien, voire d’un archéologue. C’est un travail d’analyse qui exclue toute part de conception, et ce à quoi nous sommes principalement formés à l’Ecole d’Architecture : le projet architectural. L’enjeu de ce rapport sera justement de montrer que l’exercice de l’architecture peut non seulement s’exprimer dans ce genre de travaux, mais surtout s’en enrichir. Il ne portera cependant pas sur la Samaritaine, mais sur deux projets de l’agence Multiple, que j’ai, pour l’un, effleuré, et pour l’autre, contribué à concrétiser. Ces deux projets, menés en parallèle par l’agence, sont à première vue très différents. Pour le premier, il s’agit d’une mission complète de diagnostic architectural et de maîtrise d’œuvre, réalisée sur une partie de la mairie de la Motte Saint Martin, un ensemble monumental construit en 1935 par Georges Serbonnet, et désormais labellisé Patrimoine en Isère. Pour le second, il n’est plus question de maîtrise d’œuvre, pas plus que de diagnostic. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une commande, mais d’une initiative spontanée : dresser un inventaire et un guide de l’architecture du XXe siècle à Grenoble. Là où ces deux projets se rejoignent, c’est d’une part à travers l’oeuvre de Georges Serbonnet, dont la production architecturale à Grenoble est remarquable. Mais, surtout, ces projets témoignent de l’intérêt porté par les associés à une forme d’héritage architectural. Ils disent tous les deux qu’être architecte aujourd’hui, ce n’est pas – ou pas seulement – concevoir des bâtiments à Haute Qualité Environnementale, mais c’est également se soucier de l’existant, du déjà-là, de la ville que d’autres architectes ont construite avant nous et avec laquelle nous devons composer. Ces deux projets témoignent d’une posture architecturale à la fois humble, curieuse et savante, une posture qui attache un intérêt de premier ordre à l’histoire. Demandons-nous dès lors dans quelle mesure une telle posture, en associant à la maîtrise d’œuvre - rôle premier de l’architecte - d’autres exercices et d’autres compétences, peut créer de nouvelles opportunités professionnelles et porter une agence d’architecture là où, a priori, on ne l’attendrait pas. 15


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2ème Partie

des exercices qui s’alimentent

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Le chantier de la Motte Saint Martin

Au cours de ces deux mois de stage, j’ai eu l’occasion d’assister à une

réunion de chantier et à la réception des travaux sur le chantier de la Mairie de la Motte Saint Martin. Ce bâtiment monumental, construit en 1935 par Georges Serbonnet accueille aujourd’hui à la fois la mairie, l’école et la salle des fêtes de la commune. La réhabilitation sur laquelle l’atelier Multiple a été engagé portait uniquement sur la partie « salle des fêtes ». Il s’agissait notamment de mettre aux normes cette aile du bâtiment, considérée comme un Etablissement Recevant du Public (ERP).

Vue perspective du projet initial / Georges Serbonnet

Lors de ces réunions, j’ai pu me familiariser avec la situation complexe dans laquelle se retrouve un architecte sur le chantier. Jusque là, mon expérience m’avait porté du côté ouvrier (charpente et électricité) sur différents chantiers où j’avais participé à la mise en œuvre proprement dite. Du côté de l’architecte, je n’étais véritablement familier qu’avec le travail en agence, si bien que j’étais curieux de me retrouver sur un chantier, dans la peau d’un architecte-stagiaire. 18


Si je n’avais pas véritablement de rôle, ni de responsabilité lors de ces réunions, j’ai toutefois pu cerner la manière dont l’architecte - maître d’œuvre est amené à coordonner les tâches et les différents corps de métier, en assumant physiquement la responsabilité qui lui incombe. Car il s’agit d’être là, bien présent, de porter la voix, de prendre note, de réagir à des situations immédiates. Dans ces moments, l’exercice du métier prend corps, au sens littéral. Il prend d’abord corps dans l’attachement aux détails. La démarche de l’agence accorde une part importante au respect de l’existant, et une attention toute particulière aux détails constructifs, aux détails de composition, de décoration, dans lesquels s’incarnent le dessein du maître d’œuvre initial. Il s’agit dès lors de cerner ces détails, et de savoir ce que l’on en fait lorsque, dans un cas comme celui-là, il est question de mettre aux normes contemporaines un bâtiment des années 1930.

Sur ce pan du bâtiment, les menuiseries d’origine ont été conservées

Prenons quelques exemples, qui me semblent parler d’eux-mêmes. Sur un pan du bâtiment, qui relie la salle des fêtes à l’école et donne, plein sud, sur la cour, les menuiseries étaient encore d’origine : des menuiseries fixes, en simple vitrage, légères et dont le rythme et le dessin donnait une certaine élégance à ce corps du bâtiment.

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1- Coefficient de transmission thermique du Van Ruysdael : 3,4 W/m².K ( Simple vitrage 4mm : 5,9 W/m².K. Double-vitrage standard : 2,9 W/m².K )

Pour mettre ces vitrages aux normes thermiques en vigueur, le choix le plus simple aurait été d’en changer les menuiseries et d’installer un double vitrage. Les architectes ont cependant fait le choix de les conserver. Pour ce faire, ils ont remplacé le vitrage existant par un vitrage type Van Ruysdael, un verre simple, de 6,5 mm d’épaisseur à forte isolation et à réflexion énergétique. En faisant le choix de mettre en œuvre ce produit, qui offre des performances proche d’un doublevitrage classique1, les menuiseries d’origine ont pu être conservées.

Détail des menuiseries, à l’intérieur

Dans cette même partie du bâtiment, le sol était tel qu’à l’origine, recouvert d’un carrelage en mosaïque, aux motifs identifiables. Or, la mise aux normes handicapées des toilettes supposait de casser une partie de ce carrelage. Dès lors, une fois cette partie cassée, comment la remplacer ? En discutant avec les architectes, l’artisan carreleur a fait preuve de soin et d’initiative pour conserver les carreaux retirés, de manière à les réutiliser pour les travaux de finition. Il a ainsi réparé les manques en réutilisant ce même carrelage des années 30 et reconstitué une mosaïque en reprenant le motif originel, là où, sans une attention particulière à ce genre de détails, le résultat aurait pu dénaturer l’ensemble. C’est à ce genre de détails que tient, il me semble, la réussite d’une réhabilitation, et plus largement la réussite de toute mise en œuvre 20


architecturale. Bien entendu, celle-ci repose également sur l’artisan qui l’exécute. Mais le rôle de l’architecte est du moins de relever ces détails en premiers lieu, de penser leur mise en œuvre et de s’assurer de leur bonne exécution. Or, c’est une tâche qui demande, aussi anecdotique qu’elle puisse paraître à première vue, de l’attention, de l’énergie et du temps.

Une mosaïque reconstituée sur le modèle des années 1930

Ce temps, c’est celui du chantier, celui de la relation physique avec les entreprises, mais c’est aussi le temps passé aux tâches administratives. Car derrière une demi-journée de réunion de chantier vient une autre demi-journée, voire une journée passée à remplir les situations de travaux de chaque lot, à s’assurer de leur bonne réception par les entreprises, à régler les litiges et à éditer les factures. En suivant d’un œil curieux la finalisation de ce chantier, j’ai pu avoir un aperçu du pas qu’il y a entre la conception du projet et sa mise en œuvre. Ce pas, l’architecte est là pour le faire, et c’est là-même, il me semble, l’essence de son métier. Mais ce métier se résume-t-il à cela ? Ce à quoi nous sommes formés ne peut-il nous porter vers d’autres exercices, d’autres projets ? N’y a-t-il pas des lignes à franchir pour s’approprier, à travers ses propres spécificités, l’exercice du métier d’architecte ? 21


Un projet de guide architectural

L’une des fortes spécificités de l’agence Multiple est de répondre à des

commandes qui révèlent un intérêt patrimonial. C’est dans le rapport à l’existant, à la mémoire et à l’histoire que s’inscrit l’exercice de l’agence. Leurs missions de maîtrise d’œuvre portent essentiellement sur du bâti ancien, dont la valeur patrimoniale est souvent reconnue (Inscription aux Monuments Historiques, Patrimoine du XXe siècle, Patrimoine en Isère, etc.) Ils ont ainsi acquis à mesure des projets une vraie compétence et une légitimité à opérer sur ce type de bâti. C’est ainsi qu’ils ont été amenés à travailler sur le projet de la Motte Saint Martin, labellisé Patrimoine en Isère. Mais au delà de ces labels, qui pour la plupart permettent simplement de révéler une œuvre architecturale sans pour autant la protéger, la notion de patrimoine peut s’élargir à tout un pan de la production architecturale qui n’est pas nécessairement valorisé. Cette idée, associée à un goût pour l’histoire qui sous-tend les études et projets de l’agence, est à l’origine d’un projet tout à fait particulier : dresser un inventaire de la production architecturale du XXe siècle à Grenoble.

2BONHOMME Bernard, LIPSKY Florence, MALVERTI Xavier, QUEYSANNE Bruno, PICARD Aleth, Atlas urbain de Grenoble, Ecole d’Architecture de Grenoble - Laboratoire « Les métiers de l’histoire de l’architecture », Grenoble, 1991

L’idée est partie d’un constat simple : il n’existe à l’heure actuelle aucun ouvrage synthétique sur ce que l’on pourrait, au risque d’un abus de langage, qualifier de patrimoine moderne grenoblois. Plusieurs ouvrages traitent du patrimoine industriel de la ville et de l’Isère, des gants Perrin aux usines Neyrpic, en passant par la Houille Blanche ou les cimenteries Vicat. L’industrie qui a transformé le paysage grenoblois tout en assurant son expansion économique, démographique et spatiale a ainsi fait l’objet d’un certain nombre d’expositions et de publications. L’aventure urbaine liée aux Jeux Olympiques de 1968 compte également parmi les sujets largement traités, de même que l’utopie architecturale liée au quartier de la Villeneuve, sur laquelle des thèses ont été élaborées au sein du Laboratoire des Métiers de l’Histoire à l’Ecole d’Architecture de Grenoble. L’Atlas Urbain de Grenoble2, ouvrage collectif produit par l’Ecole d’Architecture de Grenoble, constitue sans doute l’un des ouvrages les plus complets sur l’évolution de la ville aux XIXe et XXe siècles. Il raconte et analyse notamment les différents grands plans d’aménagement de 22


la ville et quelques opérations plus spécifiques telles que le Garage Hélicoïdal de Fumet & Noiray (1928-1932) et les premiers immeubles en copropriété du quartier Thiers-Condorcet. La matière existe, donc. Cependant, aucun de ces ouvrages ne relie les bâtiments emblématiques des Jeux Olympiques (l’Hôtel de Ville, le Palais des Sports, le quartier Malherbe) au patrimoine industriel grenoblois, à l’invention de la copropriété et à l’introduction de la voiture en ville, alors même que ces éléments a priori disparates donnent ensemble sa forme au paysage urbain grenoblois. D’autant que Grenoble est sans doute l’une des villes françaises qui doit le plus au XXe siècle. C’est une ville jeune, dans le sens où, si quelques traces identifiables de son lointain passé subsistent - le centre médiéval, la tour Vinoy, la Cathédrale Notre-Dame ou l’Hôtel Belmont en sont quelques exemples - elle s’est profondément transformée depuis la fin du XIXe siècle. C’est une ville moderne, une ville de ciment et de béton qui, en devenant le berceau de ces matériaux, s’est développée avec eux, se dotant d’une architecture qui ne fait pas toujours l’unanimité auprès du grand public – l’Hôtel de Ville construit par Maurice Novarina en est un exemple parlant. Or, l’une des intentions du projet est justement là : donner au grand public les clés pour saisir la complexité et la richesse de cette ville moderne à travers les éléments architecturaux remarquables qui la jalonnent. C’est dans cette perspective que le projet a pris la forme d’un guide. Il ne s’agit pas d’un livre d’histoire, mais plutôt d’un livre qui s’appuie sur l’histoire pour donner à voir la réalité contemporaine de la ville, pour en saisir les différentes strates, les différents moments qui en composent aujourd’hui le paysage. L’objectif est de faire de la ville elle-même un livre d’histoire à ciel ouvert, sur près d’un siècle de production architecturale. Le projet est né en 2009 de l’initiative des membres de l’agence Multiple et de quelques autres architectes, dont notamment Philippe Grandvoinnet et Bénédicte Chaljub3. En 2012, ils créent l’association « XXe architectures » dans le but de porter le projet et de fédérer autour d’elle les personnes intéressées pour participer à l’élaboration du guide. Cette association a en outre pour vocation d’ « assurer la connaissance et l’échange d’expériences, de techniques et d’idées relatives à l’architecture et à l’urbanisme du XXe siècle », d’« assurer la promotion de l’architecture et de urbanisme du XXe siècle et sa diffusion auprès du public et des autorités concernées » et d’ « exercer une surveillance vigilante des réalisations architecturales ou urbanistiques menacées. » 23

3Philippe Granvoinnet est Architecte des Bâtiments de France. Il a participé au guide architectural du XXe siècle sur Genève. Bénédicte Chaljub est docteur en architecture et historienne. Elle travaille actuellement à un guide d’architecture en Eureet-Loire.


Une oeuvre multiple et collective

Toute la difficulté d’un tel projet – spontané, sans commanditaire

et reposant sur les seules épaules des quelques personnes engagées – tient dans son financement. L’identification des bâtiments à évoquer, la collecte et le tri des informations relatives à leur histoire, l’élaboration graphique et la rédaction du guide demandent du temps, un temps dont il n’est pas toujours facile de disposer lorsque l’on est architecte associé, d’autant lorsqu’il n’est pas rémunéré. Ainsi, à moins d’avoir quelques économies devant soi et beaucoup de patience et de ténacité, il est difficile de mener à bien un tel projet sans quelques partenaires susceptibles d’apporter leur soutien financier ou matériel. C’est notamment la création de l’association XXe Architectures qui a permis à l’agence Multiple de formuler des demandes de subventions, spécifiquement allouées à l’élaboration du guide. La Direction Régionale des Affaires Culturelles en a été le premier contributeur, suivi par le Conseil Général et le Conseil Régional. La Ville de Grenoble, quant à elle, a notamment accepté de participer en facilitant l’accès aux archives municipales. Les premières aides ont ainsi été accordées par des organismes publics qui ont reconnu, de ce fait, le caractère utile de l’association et du projet. Toutefois, même si ces financements constituent un apport sérieux et nécessaire, ils ne rémunèrent qu’une très faible part du temps déjà consacré au projet par les membres de l’association. En complément, il est envisagé de chercher des mécènes privés susceptibles de soutenir le projet, parmi les industriels ou familles d’architectes amenés à y figurer : Vicat, Caterpillar, Teillaud ou Blanc entre autres. Dès le départ, plusieurs architectes se sont greffés au projet. Parmi eux, Dominique Chancel (architecte et historien), Franck Delorme (attaché de conservation au Centre d’Archives d’architecture du XXe siècle) et Sophie Paviol (docteur en histoire de l’art, architecte et enseignante à l’ENSAG). Puis, à mesure de son avancement et de prises de contact nouvelles, le nombre de contributeurs s’est étoffé. Ces contributions extérieures ont une double vocation : d’une part décentrer le regard en faisant cohabiter au sein d’un même ouvrage des points de vue, des goûts, des domaines de prédilection différents et d’autre part approfondir certains sujets à travers des spécialistes de la question. 24


Ces contributions peuvent prendre deux formes, chacune correspondant à une partie de l’ouvrage, qui se présentera sous la forme d’un coffret de deux volumes. L’un d’entre eux (128 pages) constituera le guide à proprement parler : un petit format illustré (17 x 12 cm), facile à transporter lors de ses promenades urbaines. Il renfermera de courtes notices historiques sur l’ensemble des bâtiments remarquables, qui impliqueront la participation de bon nombre d’auteurs. Le second volume (248 pages), quant à lui, sera constitué par une série d’essais plus longs, traitant de sujet plus spécifiques, qu’ils aient fait l’objet d’un article, d’une thèse ou qu’ils soient inédits. Devant les difficultés de temps disponible et de financements, l’élargissement des contributions constitue aussi une forme de réponse stratégique. Non seulement il permet d’alléger la tache des initiateurs mais enrichit surtout la démarche et le contenu en faisant de ce projet une œuvre collective, à laquelle j’ai été et suis toujours amené à participer.

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Préface Introduction [1880 – 1920] Dominique Chancel : L’urbanisation de Grenoble entre 1880 et la 1ère guerre mondiale Anne Cayol-Gerin : Lieux et marques de l’industrie et de l’artisanat à Grenoble Cédric Avenier : Architectures du ciment moulé [1920 – 1945] Philippe Grandvoinet : Plans d’extension de l’entre-deux-guerres, Exposition de la Houille blanche, création des parcs et jardins sur les emprises militaires, Régie des Grands Boulevards Florence Lipsky : L’invention de la copropriété grenobloise Hubert Lempereur : Le logement social de l’entre-deux guerres, les cités-jardins, l’architecture municipale : équipements et écoles Pierre Belli-Riz : Le garage hélicoïdal de Grenoble, l’introduction de la voiture dans les immeubles d’habitation, la naissance de l’immeuble à garages, des années 30 à l’après-guerre [1945 – 1965] Bénédicte Chaljub : Le redéploiement au sud après-guerre, le Plan Bernard 1962-65 Hubert Lempereur : Premiers grands ensembles de logements sociaux et ZUP, 1955-67 Simon Texier : L’immeuble des années 1950-60 Etienne Léna : Les immeubles des grands boulevards vus des plans de logements Franck Delorme : L’architecture religieuse 50-60 des années 1950-60 [1965 – 1983] Franck Delorme : Infrastructures et équipements dans le contexte des J.O. de 1968 Danielle Moger : Le symposium de 1967 et la statuaire moderne Jean-Louis Violeau : Politiques urbaines, concertation et groupe d’action municipale Bénédicte Chaljub : La Villeneuve, crise et critique des grands ensembles, formes urbaines issues des logiques participatives Sophie Paviol : L’école d’architecture de Grenoble, enseignement de l’architecture après 1968 et inscription territoriale Maxime Tassin : Ecologie et habitat à Grenoble après 1973 Conclusion

Sommaire du second volume 26


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3ème Partie

inventer ses propres outils et mĂŠthodes

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Constituer une base de données

L’inventaire des bâtiments amenés à figurer dans le guide est réalisé

par le biais d’un logiciel que j’ai découvert ici : Filemaker. C’est un logiciel de gestion de base de données, à mi-chemin entre Excel et des logiciels de programmation plus complexes. Il fonctionne à partir de « tables », ou ensembles de données, référencées et reliées entre elles.

La création de la base de données passe d’abord par la définition de ces tables et des « rubriques » qui la composent. La table Edifice (« Edi_ ») comprend ainsi par exemple une rubrique associée aux noms des édifices, une autre à leurs adresses, une à leur coordonnées de géolocalisation, etc. De cette manière, à chaque fois qu’une information est rentrée dans la base, elle s’inscrit dans la rubrique et dans la table associée. La base compte ainsi 11 tables, chacune renfermant entre 10 et 50 rubriques. Cette organisation constitue un squelette, complété au fil des recherches. Elle est conçue de manière à pouvoir jongler entre les informations, opérer des tris et des sélections facilement et à terme être intégré à un site internet. L’espace de travail du logiciel permet de créer ses propres modèles de présentations, modifiables à tout moment. Certains constituent un support quotidien, d’autres permettent de réaliser des présentations, en sélectionnant les informations qui y figurent. Il est en outre possible d’intégrer à la base des catalogues d’images : photographies des édifices et photographies d’archives notamment. Ma première tâche a consisté à opérer un tri et une réorganisation des documents iconographiques déjà présents, de manière à avoir une lecture plus claire des manques. Cela m’a permis d’emblée de me familiariser avec l’organisation intranet de l’agence, avec Filemaker et avec le contenu du projet. Une fois plongé dans le bain, nous avons préparé une réunion à l’Ecole d’Architecture avec le Comité Scientifique associé au projet.

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Table primaire

Table liĂŠe

Rubriques Lien entre deux tables

Arborescence des tables de donnĂŠes - Logiciel Filemaker 31


Numéro d’inventaire Description principale nom, adresse, type, dates, architecte, maître d’ouvrage, entreprises,

Photographies

Description libre

tous commentaires utiles

Cotes des archives

Transformations

postérieures à la construction, date et architecte

Modèle de travail - Logiciel Filemaker 32


Description principale

Photographie

Photographies Intérêt pour le guide

nombre de pages prévues, indispensable ou non, à coupler ou non

Documents d’archives

recensés, photographiés et classés

Modèle de présentation - Logiciel Filemaker 33


Opérer un choix dans la sélection

Cette réunion avait pour objectif de faire le point sur l’avancement

du projet avec un certain nombre de personnes associées. Parmi cellesci, Catherine Maumi (laboratoire des métiers de l’Histoire), Hélène Casalta (représentant l’Ensag), Sylvie Anselem (représentant la Ville de Grenoble), Isabelle Steinmetz du CAUE de l’Isère et Jean-Yves Belmont de la DRAC. Après qu’Hubert Lempereur eût présenté le contenu mis à jour, la discussion s’est engagée sur quelques points qui posaient question. Il s’agissait pour chacun de donner son point de vue sur l’organisation du guide, la sélection et les choix opérés. Cela a soulevé quelques interrogations, notamment sur la pertinence de la période étudiée (1880 – 1983) jugée trop large par certains, trop restrictive par d’autres. Les critères de sélection des objets semblaient également manquer de précision. Le fait est que, bien que le projet s’incrive dans une démarche d’historien, il n’a pas pour autant vocation à être exhaustif. A mon sens, il s’agit plutôt de défendre le caractère subjectif des choix opérés, notamment sur la sélection des objets. Ce projet est avant tout un question d’affinités ; des affinités avec certaines périodes (les années 1930 et 1950 notamment), avec certains architectes et avec finalement un pan choisi de la production architecturale. Une grille de critères objectifs est-elle nécessaire pour opérer la sélection ? N’est-il pas plus pertinent d’assumer le fait que c’est d’abord des regards d’architectes qui opèrent ici - avec la prise de parti que cela suppose - et une envie de révéler une production architecturale « ordinaire » peu mise en avant - pensons notamment aux immeubles des Grands Boulevards et à la production de Georges Serbonnet - en lui conférant la même place que des édifices plus emblématiques - l’Hôtel de Ville de Maurice Novarina ou la Maison de la Culture d’André Wogenscky par exemple ? Enfin a été soulevée la question du rapport à l’architecture contemporaine. Pourquoi s’arrêter en 1983 ? D’abord parce que cette date opère, avec la fin du mandat d’Hubert Dubedout, une rupture dans la politique urbaine de Grenoble. En outre, un point a été, assez justement à mon sens, soulevé par Hubert Lempereur : les guides 34


mêlant architecture moderne et architecture contemporaine sombrent rapidement dans l’obsolescence, car le choix des objets contemporains peut, quelques années plus tard, sembler parfaitement arbitraire. En arrêtant la sélection des édifices à 1983, ces trente années de recul historique paraissent suffisantes pour échapper à tout effet de mode et constituer un inventaire à la fois représentatif de la période et pertinent sur le long terme.

Les Loggias, 4 boulevard Maréchal Foch - Georges Serbonnet - 1948 35


Dresser l’inventaire

Devant la dispersion géographique des participants au projet et la

difficulté qui en découle à se réunir très régulièrement, un outil de travail à distance a été élaboré. Chacun des porteurs du projet s’est vu attribué un secteur de Grenoble, en fonction notamment des affinités de chacun avec telle ou telle période de l’urbanisation. Au nombre de six, ces secteurs correspondent au découpage administratif de la ville.

Cette répartition aurait cependant pu rapidement devenir hermétique, chacun se cantonnant à son secteur sans droit de regard sur son voisin. Pour éviter cet écueil, une plate-forme collective a été mise en place via Google Maps. Chacun peut, où qu’il soit et à n’importe quel moment, pointer sur la carte de Grenoble, tel ou tel bâtiment qu’il estime remarquable, au moyen d’une « étiquette » de couleur qu’il s’est attribué au préalable. Cette étiquette porte en outre l’identification du bâtiment désigné : son adresse, son architecte et sa date de construction lorsqu’ils sont connus, son numéro d’inventaire lorsqu’il a été intégré à la base de données. Chacun privilégie évidemment les repérages sur son secteur, sans pour autant nécessairement s’y restreindre. Cet outil s’est avéré à la fois fiable et très pratique depuis sa création. En outre, il permettra à terme d’intégrer à la base les données de géolocalisation de chaque édifice.

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37


L’inventaire des bâtiments s’effectue donc par le biais de ces deux outils complémentaires : la base de données Filemaker d’une part, la cartographie Google Maps de l’autre. La sélection des bâtiments, quant à elle, s’effectue en amont et passe par trois media : le repérage sur le terrain, le dépouillement bibliographique et la recherche en archives. J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’accompagner Hubert Lempereur et Bénédicte Chaljub sur des parcours de repérages. Equipés d’un plan du secteur à repérer, d’un carnet et d’un appareil photo, nous sommes partis à vélo à la découverte – ou plutôt la redécouverte – d’une partie de la ville. Cette partie du travail est sans aucun doute la plus excitante. Elle demande de porter une attention à la fois aux éléments de façade, à la composition des bâtiments, aux matériaux, aux extravagances, au moindre indice qui puisse faire basculer un édifice a priori banal dans un champ digne d’intérêt. C’est là que s’exerce à la fois la compétence de l’architecte et celle de l’historien. L’architecte décrypte la structure, les matériaux utilisés, les détails de façade, les séquences d’entrée, l’organisation intérieure. L’historien, quant à lui, raccroche ces éléments à une période, à un courant, à l’œuvre d’un architecte. Ces deux compétences s’exercent en simultané et n’ont pas de sens l’une sans l’autre, du moins pour réaliser cet exercice. L’œil bien ouvert et la mémoire alerte, nous avons ainsi parcouru quelques kilomètres, notant scrupuleusement les bâtiments qui nous paraissaient intéressants, leurs adresses, les détails importants, les intuitions à creuser. Une fois rentré à l’agence, il s’agissait ensuite d’intégrer ces informations, ces images et ces intuitions fraîchement recueillies à la base de données. Pour orienter et enrichir cette première phase de l’inventaire qu’est le repérage, une sélection bibliographique a été opérée. Ces ouvrages, tels que l’Atlas Urbain de Grenoble, ou l’Art Nouveau à Grenoble, livrent des informations sur un certain nombre de bâtiments recensés. Ils en mettent en lumière d’autres, qui auraient pu échapper aux repérages. Enfin, ils constituent des sources de seconde main, à recouper avec ce qui s’avère être la source la plus fiable et en même temps la plus dense à traiter : les archives.

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Repérages dans39la cité-jardin de la Viscose - 28 août 2013


Remonter aux sources Une large partie de mon stage s’est déroulée aux archives municipales de Grenoble, où j’avais pour tâche de consulter les permis de construire et l’iconographie relatifs aux bâtiments inventoriés. Pour préparer ces recherches, il fallait dans un premier relever les cotes des documents archivés, pour pouvoir ensuite les consulter rapidement une fois sur place. Le fonds architectural des archives municipales de Grenoble se présente sous trois séries différentes :

Permis de construire (1920 - Aujourd’hui) Les documents peuvent être référencés sous deux cotes : BH (documents traités par le Bureau d’Hygiène) et PC (Permis de Construire). Jusqu’en 1945, si les deux cotes sont disponibles pour un même document (ex : 1934 BH 54 & 1934 PC 54), c’est généralement le même document qui est référencé deux fois. Au delà de 1945 et jusqu’à la disparition du Bureau d’Hygiène dans les années 1950, les cotes PC et BH correspondent souvent à deux classeurs différents, qui ne renferment pas toujours exactement les mêmes documents.

Archives numérisées (série Fi) 1 Fi – 2 Fi : plans numérisés, archives libres de droit sur les édifices publics 3 Fi : bâtiments divers, photos ou plans, pas toujours libres de droit (les droits sur chaque document sont à chaque fois reportées dans la fiche relative au bâtiments) 7 Fi – 8Fi – 9 Fi : plans anciens (tour Perret, autorisations de voiries) 19 Fi : cartes postales (fonds important, petite sélection opérée) Dans la série 3 Fi, les documents disposent de 2 cotes : une cote papier et une cote numérique. Sur la MC2 par exemple, la cote 3 Fi 33 correspond au classeur archivé, tandis que les cotes 1213 à 1216 correspondent aux cotes des différents documents numérisés. 40


Pour obtenir un document numérisé, il faut donner la seconde cote. Chaque document de la série Fi est ensuite explicitement détaillé dans la fiche du bâtiment. La source est relevée lorsqu’elle implique des droits d’auteur.

Séries modernes (Série M) : 1860 – 1920 1M : Edifices publics 2M : Bâtiments religieux 3M : Bâtiments sociaux (hôpitaux, crèches, MJC, …) 4M : Bâtiments scolaires et culturels (lycées, musées, bibliothèques, …) 5M : Bâtiments divers Pour les bâtiments antérieurs à 1920, les documents peuvent figurer à la série Fi, à la série M, ou aux deux. Enfin, lorsqu’il s’agit de bâtiments d’habitation construits avant cette date, il faut se référer aux autorisations de voirie (documents numérisés, série Fi) de la rue concernée. Ces documents contiennent souvent les plans d’origine.

Quelques dossiers de permis de construire 41


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Les archives municipales dans les annĂŠes 1970 - 3Fi 02849 43


37 demi-journées aux archives municipales de Grenoble

250 dossiers examinés (toutes séries confondues)

1400 documents photographiés

102 architectes référencés

97 fiches traitées

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Perspective d’aménagement de l’hôtel 45 Lesdiguières - Fonné & Rochas - 1933 - 4M295


Déroulement des recherches

La première étape de mes recherches s’est concentrée sur les bâtiments

référencés comme « indispensables » au guide : églises des années 60, bâtiments publics (Hôtel de Ville, lycée Argouges, piscine Jean Bron, ...) et ensembles d’habitation emblématiques (Tours de l’Ile Verte, Cité Mistral, Grands Boulevards, ...) notamment.

Sur les édifices publics importants, la somme de documents à consulter est généralement bien supérieure aux opérations privées, et souvent répartis dans les différentes séries. Une demi-journée, voire deux peuvent être nécessaires pour tout consulter, particulièrement lorsque l’histoire du bâtiment est riche en rebondissements. C’est le cas par exemple de la piscine Jean Bron, dont la construction initiale date de 1884. Pendant plus d’un siècle, différents projets se sont succédés, qui n’ont, pour la plupart, jamais vu le jour. Dans de tels cas, il s’agit de faire le tri entre les réalisations effectives et les projets avortés. La seconde étape s’est concentrée sur les immeubles d’habitation des Grands Boulevards, notamment sur le boulevard Maréchal Foch. Afin de préparer un article spécifique aux typologies de logement, prévu pour le volume d’essais, chaque dossier contient a minima un plan d’étage courant, le plan du dernier étage, le plan du rez-de-chaussée, un plan d’appartement, une coupe et une façade. Ces documents permettront d’analyser plus finement les typologies et leurs évolutions. Pour ce qui est des autres bâtiments traités, les documents photographiés varient souvent d’un cas à l’autre, en fonction des pièces graphiques intéressantes, de l’échelle de l’opération et de l’intérêt du bâtiment pour le guide. Sur des maisons d’habitation par exemple, les pièces archivées sont peu nombreuses et ont donc toutes été photographiées. Pour le reste, figurent au moins un plan masse, un plan et/ou une façade et/ou une coupe, selon l’intérêt. Dans certains cas, les dossiers renferment des documents plus spécifiques : diagrammes d’ensoleillement (Résidence Saint André), belles perpectives à la main (Hotel Lesdiguières), plan de curetage de l’îlot (Eglise Saint Vincent de Paul), série de croquis à la main (musée des Beaux Arts), coupures de presse (Eglise Saint Joseph), plan paysager 46


des aménagements extérieurs (Conseil Général), catalogue des éléments préfabriqués (Lycée Argouges), etc. Dans tous les cas, ces éléments ont été photographiés et référencés. En outre, lorsque les notices descriptives ou les courriers présentent un intérêt (anecdote, rebondissement, dérogation, programme, intentions) ils sont également présents.

Plan masse de l’actuel lycée Vaucanson - 1922 47


Restitution des documents

Les documents photographiés sont parfois limités à deux ou trois,

parfois bien plus nombreux. Dans ce dernier cas, ils permettent surtout de disposer de tous les éléments essentiels à la compréhension de l’histoire du bâtiment. Ils constituent des supports à la rédaction des notices et ne sont évidemment pas tous destinés à figurer dans le guide. Chaque document photographié est recadré et intitulé selon sa date et le type d’information qu’il contient, et placé à l’intérieur d’un dossier qui porte la cote de l’opération en question dans la base de données. Toutefois, lorsque l’histoire du bâtiment n’implique pas plusieurs étapes, la date peut ne pas figurer dans l’intitulé du document. Dans ce cas, il s’agit de se reporter à la date du permis de construire référencé. Exemples : C002 - Villa Corneille Les documents référencés datent tous de 1928 (date du Permis de Construire). Ils s’intitulent donc « FACADE » ; « PLAN MASSE » ou « PLANS ». Seul les plans d’un garage construit en 1933 contiennent la date dans leur intitulé : « 1933_GARAGE » C024 - Lycée Vaucanson Les documents recensés s’étalent de 1922 à 2007. Chaque intitulé contient donc la date du document, le nom de l’élément construit et le type de document : « 1933_ECOLE PAPETERIE_FACADE OUEST » ; « 1960_GYMNASE_PLAN MASSE ». Les différents documents s’affichent ainsi dans l’ordre chronologique, facilitant la lecture des différentes étapes de construction. Parmi la centaine d’édifices sur lesquels j’ai travaillé pendant deux mois, quelques uns m’intéressent particulièrement, à la fois pour leur portée historique, parce qu’ils marquent un moment particulier de l’histoire de Grenoble ou sont le résultat d’une succession de strates, et pour la qualité des documents iconographiques recensés. Pour certains, ils ont été pour moi une découverte. C’est le cas par exemple de la Cité de l’Abbaye (Fonné & Rochas), de l’Eglise Saint-Augustin (Pierre Dumas) ou de l’Ensemble du Lys Rouge (Bernard Kohn). Pour d’autres, si je connaissais leur existence, j’en ai découvert la complexité et la richesse à travers mes recherches. 48


Organisation des dossiers d’archives sur le serveur de l’agence 49


cité de l’abbaye 1 -11 place Laurent Bonnevay PERMIS DE CONSTRUIRE

1927

ARCHITECTES

FONNé & ROCHAS MAITRISE D’OUVRAGE

Office Public d’Habitations à Bon Marché Cité ouvrière des années 1920. Cinq corps de bâtiments construits selon trois typologies autour d’une place centrale.

50 Photographie Philippe Grandvoinnet - juillet 2010


Elevations - corps de b창timent type A - 1927 BH 192

Elevations - corps de b창timent type C - 1927 BH 192

51 Elevations - corps de b창timent type B - 1927 BH 192


Groupe gambetta 2 - 6 place Gustave Rivet PERMIS DE CONSTRUIRE

1934

CONSTRUCTION

1938

ARCHITECTE

Georges SERBONNET MAITRISE D’OUVRAGE

Entreprise Delachanal & Cie L’un des premiers bâtiments des Grands Boulevards. Maîtrise d’ouvrage et travaux réalisés par une même entreprise de construction. Opération en plusieurs tranches qui déroge aux réglements d’urbanisme alors en vigueur.

52 Photographie Philippe Grandvoinnet - juillet 2010


Plan du 9e ĂŠtage - 1934 BH 109

53 Inauguration des Grands Boulevards par LĂŠon Martin - 3 Fi 1604


Piscine jean bron 23 - 25 rue Anatole France PERMIS DE CONSTRUIRE

1952

ARCHITECTE

Marcel DESCOTES-GENON MAITRISE D’OUVRAGE

Ville de Grenoble Première piscine construite en 1884, démolie et reconstruite vers 1952. Différents projets de réaménagement et de déplacement se sont succédés, sans jamais voir le jour.

54 Vue des transformations en 1952 - 3 Fi 1093


Plan de l’ancienne piscine - 1882 - 1M 189

Façade intérieure - 1952 PC 178

55 Chantier de la transformation en 1952 - 3 Fi 636


Eglise saint augustin 23 - 25 rue Anatole France PERMIS DE CONSTRUIRE

1961

CONSTRUCTION

1963

ARCHITECTE

Pierre DUMAS MAITRISE D’OUVRAGE

Association Diocésaine

Architecture religieuse des années 1960. Objet moderne atypique en béton armé.

56 Vue de l’Eglise en 1978 - 606 W8


57 Photographie Philippe Grandvoinnet - juillet 2010


lycée andré argouges 59 - 61 avenue Léon Jouhaux PERMIS DE CONSTRUIRE

1965

CONSTRUCTION

1967

ARCHITECTES

Jean PROUVé J. BELMONT J-C. PERILLIER M. SILVY MAITRISE D’OUVRAGE

Ministère de l’Education Nationale Bâtiments scolaire des années 1960. Standardisation et préfabrication de la plupart des éléments de construction.

58 Photographie Philippe Grandvoinnet - juillet 2010


Panneaux de façade préfabriqués - 4 M85

59 Vue perspective de l’ensemble - 4 M85


palais des sports 12 - 16 boulevard Clémenceau PERMIS DE CONSTRUIRE

1966

CONSTRUCTION

1967

ARCHITECTES

Alexandre GUICHARD Robert DEMARTINI Pierre JUNILLON MAITRISE D’OUVRAGE

Ville de Grenoble Bâtiment emblématique des Jeux Olympiques de 1968.

60 Vue du batiment achevé - mars 1968 - 3Fi 1088


Coupe longitudinale - 1966 PC 15

Chantier en cours - 3Fi 1084

61 Vue perspective - 1966 PC 15


ensemble du lys rouge 23 - 25 rue Anatole France PERMIS DE CONSTRUIRE

1980

CONSTRUCTION

1983

ARCHITECTES

Bernard KOHN Jean-Pierre DURAND Denis GREZES MAITRISE D’OUVRAGE

OPHLM de laVille de Grenoble Ensemble de logement social des années 1980. Conception bioclimatique : des vérandas en saillie les unes au dessus des autres font office d’espace tampon. Pompe à chaleur, isolation intérieure et double-vitrage. Site des anciens entrepôts de la Société Grenobloise des Tramways Electriques.

62 Photographie Etienne Lena - novembre 2012


Vue axonométrique de l’ensemble - 1980 PC 159

Coupe sur la placette - 1980 PC 159

63 Plan de distribution du 1er étage - 1980 PC 159


Construction du quartier Malherbe - 1967 - 3Fi 461 64


Construction de l’auditorium de la MC2 - 1965 - 3Fi 1216 65


66


Conclusion

enrichir par l’histoire sa pratique architecturale

67


P

ar son caractère atypique, ce stage comportait une part de risque. On pourrait en effet se demander en quoi une telle expérience est formatrice pour un architecte en devenir, en quoi elle prépare à un futur exercice professionnel. La pratique de l’agence Multiple / Attrapa m’a démontré qu’il était possible, voire opportun, de s’écarter par moment de l’exercice conventionnel de la maîtrise d’oeuvre. Ce dernier ne doit pas pour autant être écarté ; il constitue plutôt un socle qui légitime d’autres pratiques architecturales. Ce guide constitue en quelque sorte l’aboutissement d’une logique selon laquelle l’architecture et l’histoire seraient deux disciplines complémentaires, une logique qui s’incarne dans le fonctionnement même de l’agence et dans le type de commandes auxquelles elle répond. Je n’ai pas eu de mal à trouver ma place au sein du projet, d’une part sans doute grâce à ma formation antérieure et au goût pour l’histoire qu’elle m’a permis de développer. Si les deux premières semaines du stage m’ont permis de me former aux méthodes de l’agence, j’ai par la suite bénéficié d’une grande autonomie. Ce faisant, j’ai passé plusieurs centaines d’heure à réaliser un travail qui m’a profondément enrichi. J’ai pu y développer une connaissance fine du système d’inventaire des archives, de leur fonctionnement et en même temps accumuler une somme de connaissances sur l’histoire de Grenoble, sur l’architecture qui en a construit progressivement le paysage et sur l’évolution même de la pratique architecturale au XXe siècle ; des connaissances qu’aucun stage un peu plus « classique » ne m’aurait permis d’acquérir. En outre, j’ai pu mener un travail que les associés n’avaient pas forcément de réaliser eux-mêmes, pris à la fois par leurs missions de maîtrise d’oeuvre et leurs études patrimoniales. Ils n’avaient en outre pas les moyens de rémunérer quelqu’un d’autre qu’un stagiaire pour mener à bien ces recherches. Le hasard du calendrier a fait que, tout récemment, l’association XXe Patrimoines a obtenu du Conseil Régional les subventions qu’ils attendaient. Ils m’ont alors proposé de prolonger et terminer les recherches en archives, en utilisant ces subventions pour me rémunérer. Au delà du stage, donc, ces deux mois m’ont permis de trouver une opportunité professionnelle pour les quelques mois à venir. Au cours de ma formation à l’Ecole d’Architecture de Grenoble, j’avais déjà eu l’occasion de me confronter à la recherche en archives. D’abord en 3e année de Licence, dans le cadre du studio qu’Etienne Léna dirigeait. Puis, l’ayant acquis comme un réflexe dans mon processus de 68


projet, j’y suis retourné de ma propre initiative au cours de ma première année de Master. En dernière année, dans le cadre de mon Projet de Fin d’Etudes, c’est aux archives Nantes que nous sommes allé chercher des informations historiques sur notre site de projet, un ancien site industriel où quelques traces de son passé subsistaient. Cette forme d’investigation est peu à peu devenue pour moi une source indispensable à la compréhension d’un site, d’un bâtiment. Il s’agit à chaque fois de comprendre les strates qui le composent, le contexte historique dans lequel il a pris corps, les transformations qu’il a pu subir. Loin d’être anecdotiques, il me semble que ces données enrichissent au contraire le processus de conception. Elles peuvent aider à définir les éléments à conserver, à mettre en valeur, les éléments forts et structurants qui font qu’un bâtiment s’enracine dans une histoire, dans un contexte, dans une époque. Elles sont un outil pour inscrire son architecture dans une forme de continuum, en faisant preuve d’une certaine humilité vis-à-vis de ce qui est déjà là.

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