Marc Girerd - Mémoire HMONP

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PATRIMOINE(S), NORMES & USAGES

Reconquérir le bâti existant.

Marc GIRERD

Mémoire H.M.O.N.P. / septembre 2015 / ENSAG



PATRIMOINE(S), NORMES & USAGES Reconquérir le bâti existant.

Marc GIRERD Mémoire d'habilitation à la maîtrise d'oeuvre en nom propre Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble / septembre 2015

TUTEUR Etienne LENA / SARL MULTIPLE, 45 crs de la Libération, Grenoble

DIRECTEUR D’ETUDES Frédéric GUILLAUD

MEMBRES DU JURY Jean-Marc COTTIN Jacques FELIX-FAURE Cécile LEONARDI Marcel RUCHON Lucile TALLARD



Illustration : Laurent Le Coroller

Merci à Etienne, Hubert et Laurent pour leur patience et le temps qu’ils ont bien voulu consacrer à ma formation.

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Sommaire.

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Avant-propos

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Introduction

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L’existant comme ressource : pratique personnelle et expérience de l’agence

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• Architecte diplômé d’état : bilan et perspectives à l’issue de ma formation • Du stage à l’habilitation : projets personnels et intégration de l’agence • Une agence aux compétences multiples

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Changements d’usages, préservation de l’existant et rapports aux normes à travers la pratique

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• Observer, participer, apprendre : phases et projets abordés à l’agence • La norme et l’usage, entre réglementation et pratiques courantes :

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le cas du chantier de la Motte-Saint-Martin

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le cas de Saint-Antoine-l’Abbaye

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• La mise aux normes comme opportunité d’architecture :

Le patrimoine à l’aune du développement durable

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• Le temps et la mémoire : une architecture inscrite dans la durée • Patrimoine et économies d’énergie : une impossible équation ? • L’horizon de la banalité

73 81 93

Conclusion

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Bibliographie

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Annexes

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Avant-propos.

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Le mémoire de HMONP se veut à la fois un rapport de stage et une prise de recul par rapport à l'expérience en l'agence, qui interroge un ou plusieurs aspects de la pratique. En l’occurence, cet exercice a été surtout pour moi l'occasion, voire l'opportunité, de donner corps à des questionnements qui m’animent depuis mon entrée à l’école d’architecture de Grenoble et qui portent sur les rapports de l'architecture au temps, à la transmission et à la mémoire. Ces interrogations, que les études m’ont permis d’explorer, se retrouvent aujourd’hui au cœur du métier tel que je souhaite l'exercer. J’ai eu la chance de pouvoir trouver, pour ma mise en situation professionnelle, une structure qui m’aide à y répondre et dont je partage les convictions. Il y a là un enjeu de taille pour quiconque souhaite aujourd'hui passer du statut de diplômé en architecture à celui d'architecte sans mettre de côté les désirs et les envies qui ont mis plusieurs années à éclore. La pratique ne doit pas nous faire oublier ce pour quoi nous nous sommes engagés dans cette voie. Aussi, l'enjeu de ce mémoire est de montrer que l'exercice de la maîtrise d'œuvre, tel que je le conçois, s'alimente d'un savoir et d'un savoir-faire en perpétuelle construction. La curiosité et la recherche que tout architecte devrait déployer en parallèle de l'acte de construire le nourrissent et lui donnent l'épaisseur culturelle qui font d'abord de l'architecture un moyen de (ré)enchanter le monde.

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8


« Longtemps, la théorie des Monuments Historiques s’est drapée dans la posture intellectuelle de la reconstruction à l’identique. Mais rien n’est jamais identique, ni les matériaux, ni la manière de les extraire ou de les utiliser, ni les systèmes constructifs, ni les normes, ni les usages, quand bien même ils porteraient le même nom. Le logement d’Haussmann n’est pas habité de la même manière aujourd’hui qu’il l’était au début du siècle passé » Philippe Prost, architecte du patrimoine in C. Sabbah, “Passé recomposé”, L’Architecture d’Aujourd’hui n°407, juin 2015, p.41

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Introduction.

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DEBAT

E

1. V. Hugo, “Guerre aux démolisseurs”, Revue des Deux Mondes, 1832, tome 5, pp. 607-622

n 1832, Victor Hugo publiait dans la Revue des Deux Mondes un article intitulé « Guerre aux démolisseurs »1, dans lequel il pourfendait avec emphase « la démolition successive et incessante de tous les monumen[t]s de l’ancienne France » : « [...] À Paris, le vandalisme florit et prospère sous nos yeux. Le vandalisme est architecte. Le vandalisme se carre et se prélasse. Le vandalisme est fêté, applaudi, encouragé, admiré, caressé, protégé, consulté, subventionné, défrayé, naturalisé. Le vandalisme est entrepreneur de travaux pour le compte du gouvernement. [...] Tous les jours il démolit quelque chose du peu qui nous reste de cet admirable vieux Paris ». L’attachement au patrimoine bâti est sans doute l’une des questions qui attise le plus de passion dans notre pays, s’agissant d’architecture. C’est peut-être aussi aujourd’hui, avec le développement durable, l’une des questions les plus à même de susciter l’intérêt de non-architectes pour l’architecture. En témoigne le débat récent soulevé par le projet de réhabilitation des Grands Magasins de la Samaritaine à Paris. Au terme d’une bataille administrative de plus de deux ans, le projet conçu par l’agence SANAA a finalement été validé par le Conseil d’Etat. Critiqué et attaqué par un certain nombre d’associations de défense du patrimoine, ce projet est révélateur du débat contemporain lié à la préservation et à l’évolution de notre patrimoine bâti. L’ensemble des bâtiments qui composent la Samaritaine témoigne d’une juxtaposition d’époques et de styles différents qui en font la richesse. Dans sa forme même, héritée de trois siècles de transformations et d’évolutions architecturales, la Samaritaine met à mal l’idée d’un patrimoine figé et muséifié. Pourtant, ce palimpseste incarne dans le même temps un héritage considéré par certains comme intouchable, au nom de l’homogénéité du paysage parisien. Le fait est que suite à la fermeture de la Samaritaine en 2005 pour des raisons économiques et de non-conformité aux règles de sécurité incendie, sa transformation est devenue la condition de sa réouverture et par là-même de sa préservation. Si la radicalité du projet de SANAA suscite l’émoi de certains, ce débat dissimule néanmoins un enjeu plus profond que le rapport au paysage parisien ; celui de l’adaptation du bâti existant à des besoins contemporains, compris à la fois en tant qu’usages et en tant que normes. L’enjeu dépasse le simple cadre de ce projet. Il questionne notre manière de concevoir et de produire l’architecture ainsi que notre manière d’appréhender l’évolution de nos territoires, en tenant compte de ce dont nous avons hérité, de ce qui est déjà là, du patrimoine avec lequel il est aujourd’hui nécessaire de composer si nous voulons le transmettre aux générations à venir.

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PATRIMOINE Le Littré définit le patrimoine comme « bien d’héritage qui descend suivant les lois, des pères et des mères aux enfants ». La racine latine du mot, patrimonium, signifie littéralement l’héritage du père. Le terme désigne donc à l’origine un rapport de transmission familiale, sens qui perdure encore aujourd’hui malgré l’évolution de son acception dans le domaine de l’architecture. Selon la Convention de Grenade2, adoptée en 1985 par l’Union Européenne, l’expression « patrimoine architectural » comprend tous les monuments ou ensembles architecturaux « particulièrement remarquables en raison de leur intérêt historique, archéologique, artistique, scientifique, social ou technique ». Elle s’étend qui plus est aux sites, « oeuvres combinées de l’homme et de la nature » présentant les mêmes caractéristiques. Cette définition s’inspire de celle de « patrimoine culturel » donnée par l’Unesco en 19723. Cette dernière est sensiblement la même, si ce n’est qu’elle s’étend aux œuvres de sculpture, de peinture et aux éléments archéologiques « qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ». Le patrimoine architectural intéresse la connaissance, l’esthétique, la culture. Il est considéré comme un bien commun à une collectivité. L’idée de transmission inhérente au patrimoine a donc évolué, passant de la sphère privée à la sphère collective et relevant désormais, au même titre que l’architecture, de l’intérêt général. Dans L’allégorie du patrimoine, Françoise Choay entreprend de « placer le patrimoine historique bâti au cœur d’une réflexion sur le destin des sociétés actuelles »4. Elle y définit le « patrimoine historique », cette fois, comme « un fonds destiné à la jouissance d’une communauté élargie aux dimensions planétaires et constitué par l’accumulation continue d’une diversité d’objets que rassemble leur commune appartenance au passé : œuvres et chefs-d’œuvre des beaux-arts et des arts appliqués, travaux et produits de tous les savoirs et savoir-faire des humains ». Et d’ajouter que « dans notre société errante, que ne cessent de transformer la mouvance et l’ubiquité de son présent, “patrimoine historique” est devenu un des maîtres mots de la tribu médiatique. Il renvoie à une institution et à une mentalité »5. Progressivement institutionnalisé et consacré dans le droit et dans les représentations comme une valeur en soi, qui plus est universelle, le patrimoine peut être désormais regardé, à travers le prisme de l’industrie culturelle et de la mondialisation, comme un ensemble de « produits culturels, fabriqués, emballés et diffusés en vue de leur consommation »6. En cela, la nouvelle valeur économique du patrimoine n’est plus tant liée à sa transmission qu’à sa consommation et à sa rentabilité. Le patrimoine architectural est alors mis en scène, mis en spectacle, consacrant par là-même la « métamorphose de [sa] valeur d’usage en valeur économique »7.

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2. Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe, Grenade, 3 octobre 1985

3. UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, 16 novembre 1972, Paris,

4. F. Choay, L’allégorie du patrimoine, Paris : Seuil, 1992, p. 24

5. ibid., p. 9

6. ibid., p. 163

7. ibid., p. 163


USAGE

8. Le Petit Robert, Paris : Société du nouveau Littré, 1981

9. F. Choay, op.cit., p. 106

L’usage d’un édifice renvoie d’abord à sa dimension physique et à la dimension utilitaire de l’architecture. Dérivé du latin uti - se servir de - et communément défini comme « le fait d’appliquer, de faire agir pour obtenir un effet, que cet objet, cette matière subsiste, disparaisse ou se modifie » 8, le terme d’usage renvoie également à la dimension dynamique et temporelle de l’architecture. L’usage d’un bâtiment le rend vivant. Il le patine, l’altère, l’use, jusqu’à le détériorer. La durabilité d’un édifice tient alors à sa capacité à résister à l’épreuve des aléas naturels, mais aussi à celle de ses usagers. A contrario, l’absence d’usage conduit à son dépérissement naturel lorsqu’il n’est plus question de l’entretenir convenablement. Les édifices anciens que l’on considère aujourd’hui comme notre patrimoine ont traversé les siècles d’une part parce-que leurs modalités de construction - l’utilisation de la pierre par exemple - leur conférait une résistance suffisante aux affres du temps, d’autre part parce-que leur transmission d’une génération à l’autre supposait une continuité dans les usages qui s’y inscrivaient, à même de faire perdurer le bâti dans sa forme originelle. Cette continuité tenait en partie à la perpétuation des modes d’habiter et des savoir-faire, dans des sociétés où les traditions et les territoires évoluaient lentement. Dans ce processus lent et continu de transmission des biens, des modes d’habiter et des savoir-faire, la révolution industrielle a sans doute constitué l’une des plus grandes ruptures. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si « la consécration du monument historique apparaît [...] directement liée, en Grande-Bretagne comme en France, à l’avènement de l’ère industrielle »9. En accélérant les évolutions liées aux manières de se déplacer, de travailler et d’habiter, la révolution industrielle a dans le même temps favorisé la disparition d’une partie du bâti plus ancien, frappé d’obsolescence, et a fait émerger un besoin pressant de protéger ce qu’il en restait. Elle constitue la ligne de rupture entre l’architecture traditionnelle et la construction moderne. L’évolution accélérée des modes de vie au cours des XIXe et XXe siècles engendre dès lors un changement de rapport au bâti existant : il s’agit pour certains de le détruire, non plus pour ce qu’il représente - ce qui fut le cas au moment de la Révolution française par exemple - mais parce qu’il est jugé obsolète ; c’est bien là le sens de la tabula rasa prônée par Le Corbusier et une partie du mouvement moderne. Autrement dit, le bâti existant ne répondant plus aux normes et aux besoins de la modernité, il doit être remplacé. L’usage - ou la fonction - et la forme qui l’accompagne prennent le pas sur l’histoire et la mémoire, au profit de la nouveauté.

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Dans Le culte moderne des monuments, Aloïs Riegl, historien de l’art et président de la Commission des monuments historiques autrichienne, analyse les valeurs inhérentes aux concepts de « monument » et de « monument historique » et notamment le conflit entre valeur d’usage et valeurs de remémoration. Ainsi, il estime que « seules les œuvres impropres à tout usage pratique actuel peuvent être regardées et goûtées du seul point de vue de leur valeur d’ancienneté, et sans considération de leur valeur d’usage ; si les œuvres sont encore utilisables, notre plaisir se trouve gâté lorsqu’elles ne présentent pas la valeur de contemporanéité dont nous avons l’habitude »10. Mais pour lui, il ne s’agit pas tant d’un choix radical que d’un compromis à faire. Un édifice peut conserver sa valeur d’ancienneté et sa valeur historique tout en disposant des conditions d’utilisation qui lui permettent de demeurer inscrit dans la vie contemporaine. C’est ce compromis qui m’intéresse et qui me semble constituer une pratique en soi dans le domaine de l’architecture. Une pratique qui suppose de prendre en compte à la fois les caractères historiques d’un édifice ancien et ses potentiels d’adaptation à de nouveaux usages, ainsi qu’aux normes contemporaines qui conditionnent tout projet d’architecture.

10. A. Riegl, Le culte moderne des monuments, Paris : Seuil, 2013, p. 100

NORME « Type concret ou formule abstraite de ce qui doit être »11, la norme doit son origine au latin norma - équerre ou règle, racine dans laquelle on pressent déjà des liens étroits avec l’architecture, dont elle incarne la dimension rationnelle. Qu’elle soit technique, environnementale, liée à l’accessibilité ou à la sécurité, la norme constitue aujourd’hui un élément prépondérant dans le quotidien du métier d’architecte. A tel point que dans un article du Monde du 25 janvier 201112, une vingtaine d’architectes dénonçaient « l’avalanche de normes, acoustiques, thermiques, de développement durable, d’accessibilité aux handicapés, de sécurité incendie » qui « ne garantissent d’aucune manière la qualité d’un logement, l’espace, la vue, le rapport à la lumière ; des caractéristiques qui ne sont pas soumises à la moindre norme ». Et Jacques Ferrier de déplorer : « ces règlements sont le produit de la peur, qui derrière le tout premier croquis d’architecte, prévoit le recours et le litige ». La norme répond avant tout au besoin de fixer des règles, pour garantir à la société qu’un certain nombre d’aspects fondamentaux seront respectés au terme du processus de conception et de mise en œuvre. Mais la volonté de limiter les coûts liés aux erreurs de conception et aux litiges qu’elles peuvent entraîner compte sans doute tout autant dans son élaboration. M’étant naturellement confronté à cette question au cours de ma mise en situation professionnelle, il m’a semblé intéressant de l’aborder non pas à travers sa dimension contraignante, mais plutôt à travers les opportunités qu’elle est susceptible de générer. Car si cette « avalanche » pèse lourd lorsqu’il s’agit de

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11. Le Petit Robert, Paris : Société du nouveau Littré, 1981

12. “Les architectes dénoncent la tyrannie des normes”, Le Monde, 25 janvier 2011


constructions neuves, elle peut constituer une porte d’accès à la commande lorsqu’il s’agit de mettre aux normes un bâtiment existant. Les normes sont en outre, pour un jeune architecte, un moyen d’intégrer des règles élémentaires de conception et de construction, que l’on effleure au cours de nos études, mais qu’il s’agit de maîtriser une fois projeté dans le milieu professionnel. La norme, c’est aussi « l’état habituel, conforme à la majorité des cas ». On devine dès lors l’un des risques principaux que dissimule son application trop stricte : la normalisation, l’uniformisation et finalement la banalisation de nos espaces bâtis. Le paradoxe est, me semble-t-il, que pour s’affranchir de cette normalisation, l’architecte doit maîtriser suffisamment le cadre normatif pour pouvoir le dépasser, pour qu’il ne soit plus subi, mais qu’il constitue seulement un outil de conception, au service de l’architecture.

ENJEUX L’enjeu de ce mémoire sera donc d’explorer, à travers la pratique, ce qu’implique la prise en compte des normes et des usages contemporains dans notre relation au patrimoine bâti. Dès lors, il s’agira de montrer en quoi le développement d’une « compétence patrimoniale » peut conduire à interroger réciproquement les modalités d’exercice du métier d’architecte. La restauration, la réhabilitation et la transformation représentent différents degrés d’intervention sur l’existant, dans lesquels se recomposent à chaque fois les priorités entre les actes de conserver, détruire et ajouter. Dans tous les cas, une attention fine à ce qui est déjà-là conditionne le projet d’architecture mais également la manière d’exercer. Toujours présent, l’enjeu de préserver ce qui existe et qui présente un intérêt se confronte à des nécessités pragmatiques, liées à la mise aux normes et à la prise en compte de changements d’usages. Cela suppose souvent d’élaborer des stratégies inédites, qui nourrissent l’approche architecturale et peuvent dans le même temps servir l’économie du projet. Enfin, la prise en compte désormais nécessaire des enjeux liés au développement durable réinterroge la place du patrimoine bâti dans l’exercice de la pratique. Si le conflit est parfois inévitable entre considérations patrimoniales et économies d’énergie par exemple, l’attention à l’existant peut permettre de reconsidérer les termes du débat et d’ouvrir le champ à une pratique dans laquelle le patrimoine devient le point de départ d’une vision durable de l’architecture.

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1ère partie.

L’existant comme ressource : pratique personnelle et expérience de l’agence

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I.1. Architecte Diplômé d’Etat : bilan et perspectives à l’issue de ma formation universitaire.

HISTOIRE J’ai intégré l’Ecole d’Architecture de Grenoble en 2008, après l’obtention d’une licence d’histoire à l’Université Pierre Mendès France. Cette première formation, loin d’être anecdotique, a largement influé sur la construction de mon positionnement, au cours des cinq années passées à étudier l’architecture. L’architecture est pour moi une discipline politique, au sens où l’architecte n’est pas qu’un technicien ; il a aussi un rôle et une responsabilité vis-à-vis de l’évolution des territoires et du cadre bâti. L’histoire, en ce qu’elle enrichit notre compréhension du monde, aide aussi à se positionner en tant qu’architecte. Dans le développement de mon intérêt pour les questions relatives au patrimoine bâti, le rapport à l’histoire a été décisif et l’est encore aujourd’hui.

TRAVAUX L’une des grandes vertus, à mon sens, de la formation que nous suivons pendant cinq ans, tient dans une certaine prise de distance vis-à-vis de la réalité. Cette distance nous permet d’explorer librement des pistes de projet, qui progressivement nous aident à construire notre vision de l’architecture. Toujours imparfaits, les projets réalisés à l’école poussent et enrichissent nos questionnements. Ils sont autant d’erreurs sans impact sur la réalité, à laquelle ils nous préparent. L’analyse de la maison Gugalun de Peter Zumthor a été pour moi la révélation de ce que j’attendais de l’architecture : un profond respect du site, de l’intégrité du bâtiment existant, de son histoire et de sa matérialité, par l’affirmation d’une intervention contemporaine qui tranche, le tout dans une valorisation mutuelle du neuf et de l’ancien.

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Vue perspective du projet, Projet de Fin d’Etudes à Nantes, dans la zone industrielle du Bas-Chantenay, intitulé « A la conquête de l’ouest », avec Pierre-Marie Cornin

Dès la deuxième année, l’élaboration d’un projet sur la ruine du moulin de l’Oron, à Saint-Barthélémy (Isère), m’a permis de réaliser à quel point cet exercice était difficile. En troisième année, la rencontre d’Etienne Lena dans le cadre du studio qu’il dirigeait m’a éveillé à la nécessité de disposer d’outils d’analyse spécifiques pour développer une telle pratique : recherche en archives, relevé attentif de l’existant ou encore études typologiques ont ainsi commencé à nourrir ma culture du projet. Mes deux années de master m’ont quant à elles permis d’expérimenter et de faire évoluer mes convictions. D’abord à travers l’insertion d’un programme mixte dans un tissu de faubourg à Grenoble, puis à travers l’intégration à un projet contemporain des traces d’une ancienne raffinerie de sucre à Nantes, il a toujours été crucial pour moi de manifester une forme de respect devant ce qui était déjà là, quitte à en subir parfois les contraintes au sein du processus de projet.

COMPETENCE A l’issue de cinq années d’études, le statut de Diplômé d’Etat en Architecture pose question. Quelle sont nos compétences à ce moment-là ? A quoi avons-nous été formés ? Nous ne pouvons prétendre au titre d’architecte, mais y a-t-il seulement une compétence qui définisse notre statut, au delà du diplôme lui-même ? Nous ne sommes pas seulement dessinateurs, mais nous ne sommes pas non plus maîtres d’œuvre ; nous n’avons pas encore été formés à cet exercice bien particulier. Nous construisons une culture architecturale, un positionnement, un ensemble de valeurs susceptibles de nous définir en tant qu’architecte. Nous apprenons à concevoir. Mais la conception architecturale est un processus qui suppose une remise en question et un apprentissage permanent. D’une certaine manière donc, nous apprenons à apprendre. Nous n’avons pas encore la compétence d’édifier par nous-mêmes, mais nous y travaillons. En attendant, nous restons finalement étudiants, même après notre diplôme.

Photographie du site : une firiche industrielle à Nantes, Projet de Fin d’Etudes

Elévation du projet et coupe sur la dalle existante, vestige d’une ancienne raffinerie de sucre. Projet de Fin d’Etudes

Coupe perspective : superposition d’espaces de logement et d’espaces de travail. Projet de Fin d’Etudes

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Description principale

Documents d’archives recensés, photographiés et classés

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Photographie

Intérêt pour le guide (nombre de pages, pertinence)


Repérage d’édifices remarquables sur Google Maps, Guide d’architecture du XXe siècle à Grenoble

I.2. Du stage à l’habilitation : projets personnels et intégration de l’agence.

STAGE

13. Philippe Granvoinnet est Architecte des Bâtiments de France. Il a participé à un guide architectural du XXe siècle sur Genève. Bénédicte Chaljub est docteur en architecture et historienne. Elle a récemment élaboré un guide d’architecture en Eure-etLoire.

Extrait de la base de données Filemaker Guide d’architecture du XXe siècle à Grenoble

À la suite de mon diplôme, j’ai effectué mon stage de fin d’études, d’une durée de deux mois, à l’Atelier multiple. J’avais rencontré Etienne Lena en troisième année de licence, dans le cadre du studio qu’il dirigeait alors. Il m’a d’emblée proposé de travailler sur un projet mené en parallèle de l’agence par ses associés et lui : la réalisation d’un guide sur l’architecture du XXe siècle à Grenoble. L’idée est partie d’un constat simple : il n’existe à l’heure actuelle aucun ouvrage synthétique sur ce que l’on pourrait qualifier, au risque d’un abus de langage, de patrimoine moderne grenoblois. Le projet est ainsi né, en 2009, de l’initiative des membres de l’Atelier multiple et de quelques autres architectes, dont notamment Philippe Grandvoinnet et Bénédicte Chaljub13. En 2012, ils créent l’association XXe architectures dans le but de porter le projet et de fédérer les personnes intéressées pour participer à l’élaboration du guide. Cette association a en outre pour vocation d’ « assurer la connaissance et l’échange d’expériences, de techniques et d’idées relatives à l’architecture et à l’urbanisme du XXe siècle », d’« assurer la promotion de l’architecture et de l’urbanisme du XXe siècle et sa diffusion auprès du public et des autorités concernées » et d’« exercer une surveillance vigilante des réalisations architecturales ou urbanistiques menacées ». Opéré via le logiciel de base de données Filemaker et via Google Maps, l’inventaire des bâtiments à considérer constituait la première étape dans la réalisation du guide. Ma première tâche a ainsi été d’opérer un tri et une réorganisation des documents iconographiques déjà recensés, de manière à avoir une lecture claire des manques. J’ai ensuite participé au repérage des édifices sur le terrain, effectué à la manière d’un arpentage, l’enjeu étant de quadriller intégralement la ville de Grenoble.

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Cartographie et exemples des édifices recensés Guide d’architecture du XXe siècle à Grenoble

L’œil bien ouvert et la mémoire alerte, nous avons ainsi parcouru quelques kilomètres, notant scrupuleusement les bâtiments qui nous paraissaient intéressants, leurs adresses, les détails importants, les intuitions à creuser. Une fois rentré à l’agence, il s’agissait pour moi d’intégrer ces informations, ces images et ces intuitions fraîchement recueillies à la base de données. Une large partie de mon stage s’est ensuite déroulée aux archives municipales de Grenoble, où j’avais pour tâche de consulter les permis de construire et l’iconographie relatifs aux bâtiments inventoriés. La première étape de mes recherches s’est concentrée sur les bâtiments référencés comme « indispensables » au guide : églises des années 1960, bâtiments publics (Hôtel de Ville, lycée Argouges, piscine Jean Bron, ...) et ensembles d’habitation emblématiques (Tours de l’Ile Verte, Cité Mistral, Cité de l’Abbaye, ...) notamment. Je me suis ensuite attaché à défricher les archives concernant une architecture plus « ordinaire » et peu valorisée : maisons de ville de années 1930, immeubles des années 1940, Grands Boulevards, etc. Par son caractère atypique, ce stage m’a montré qu’il était possible, voire opportun, de s’écarter par moment de l’exercice conventionnel de la maîtrise d’œuvre. Ce dernier ne doit pas pour autant être laissé de côté ; il constitue plutôt un socle qui légitime d’autres pratiques architecturales. Cette forme d’investigation qui s’articule autour du repérage in situ et de la recherche en archives est devenue pour moi une source indispensable à la compréhension d’un site, d’un bâtiment. Il s’agit à chaque fois de comprendre les strates qui le composent, le contexte historique dans lequel il a pris corps, les transformations qu’il a pu subir. Loin d’être anecdotiques, il me semble que ces données enrichissent au contraire le processus de conception. Elles peuvent aider à définir les éléments à conserver, à mettre en valeur, les éléments forts et structurants qui font qu’un bâtiment s’enracine dans une histoire, dans un contexte, dans une époque.

OPPORTUNITE Le hasard du calendrier a fait que, suite à mon stage, l’association XXe Architectures a obtenu du Conseil régional une partie des subventions qu’ils attendaient pour poursuivre l’élaboration du guide. Ils m’ont alors proposé de prolonger et terminer les recherches en archives, en utilisant ces subventions pour me rémunérer. D’octobre 2014 à mars 2015, j’ai donc continué ce travail en tant que prestataire de services, sous la forme de l’auto-entreprenariat. Ce statut, malgré la précarité qu’il suppose, avait pour moi l’intérêt d’offrir une forme de souplesse, de liberté et d’indépendance qui me permette de mener d’autres projets en parallèle.

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Stade de glace, 1967

Piscine Jean Bron, 1952

Cité de l’Abbaye, 1927

Hôtel Lesdiguières, aménagement, 1933

Vilage Olympique, 1967

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http://www.build-in-my-backyard.fr/vetraz-monthoux/la-ruaz

parcelle

parcelle à vendre

maison

construction possible LANCER UN PROJET

route principale rue secondaire

nouveau chemin

impasse accès véhicule privé

SE CONNECTER

REAGIR accès piéton privé FAIRE UN VOEU

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Stratégie à l’échelle du quartier Concours Mix’Cité Avec Fanny Cacaud, Julien Duchosal et Véronique Decroix

APPEL A IDEES 14. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement ont pour mission d’informer et de sensibiliser le public et les autorités compétentes

Pour les jeunes diplômés qui n’ont pas encore acquis le statut d’architecte, les appels à idées organisés par des CAUE14, des collectivités ou parfois même des entreprises, présentent l’intérêt de pouvoir poursuivre des recherches amorcées en tant qu’étudiant. Sous la direction de Stéphanie David et Cécile Léonardi, j’avais participé à l’élaboration d’une exposition itinérante et d’un ouvrage retraçant et prolongeant des travaux menés en studio en première année de master. Cela m’avait permis d’approfondir un semestre passé à l’élaboration de projets sur la commune périurbaine de Lumbin. S’intéressant aux potentiels de transformation de ce type de territoires, qui ne sont ni tout à fait de la ville, ni tout à fait de la campagne, ce semestre et ses suites m’ont donné les clés pour participer en octobre 2014 à un appel à idées organisé par le CAUE de Haute-Savoie.

15. « Build in my backyard » est un projet soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche. Il vise à étudier et promouvoir la construction de logements dans les zones pavillonnaires déjà constituées.

Cet appel à idées intitulé Mix’Cité avait pour objectif d’interroger les potentiels de densification des quartiers pavillonnaires, dans un lien direct avec l’initiative Bimby15. Notre équipe, composée de profils complémentaires issus de différents masters de l’ENSAG, a été lauréate sur le site Vétraz-Monthoux. Notre projet proposait de répondre à la question de la densification par la mise en place d’un outil interactif, à même de mobiliser les habitants sur l’avenir de leur quartier et de leur commune. Ces territoires, dénigrés pendant plusieurs décennies par les architectes, imposent aujourd’hui de poser la question de leur évolution et de leur futur. Au même titre que les centres-villes ou les centres-bourgs anciens, les quartiers pavillonnaires constituent une composante majeure de notre environnement bâti. Ils constituent eux-aussi une forme de patrimoine, dans la mesure où ils sont représentatifs de près de cinquante ans d’évolution de nos territoires. Ils méritent du moins que l’on s’y intéresse, sans les regarder comme des repoussoirs, mais peut-être comme des laboratoires d’expérimentation pour élaborer de nouvelles réponses architecturales en lien avec ce qui est déjà-là.

VOYAGE Sept mois passés au Japon m’ont permis, à travers la découverte d’une culture radicalement différente, de prendre du recul sur la manière de concevoir l’architecture et le patrimoine en France et plus largement en Europe.

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Le pavillon d'or (Kinkaku‑ji) à Kyoto, intégralement reconstruit en 1955 et inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO

A Tokyo, les logements ont une durée de vie de 25 ans environ. Mais ce renouvellement incessant du tissu urbain, « grain par grain » permet paradoxalement à la ville de conserver sa morphologie : « les éléments qui sont reconstruits (les parties) semblent finalement moins affecter la ville (le tout), contrairement aux quartiers européens en reconversion »16. La volonté de préservation du patrimoine bâti, bien que très récente, existe. La loi Bunkazai Hogo Hô en a fixé les termes à partir de 1950. Ainsi, à Tokyo, où la spéculation foncière fait rage, « la législation sur le patrimoine est [...] utilisée pour protéger un bâtiment contre les pressions économiques »17. Mais là-bas, la permanence du bâti importe moins que la transmission des savoir-faire. Certains temples shinto sont ainsi reconstruits à l’identique, tous les vingt ou trente ans. Ce qui nous semblerait aberrant dans le contexte culturel français permet là bas de faire perdurer les techniques de charpente et de menuiserie traditionnelles, dont les artisans, les Miyadaiku, sont considérées comme véritable « trésor national vivant ». A Kyoto, la perpétuation de ces savoir-faire ancestraux a par exemple permis de reconstruire intégralement et à l'identique le pavillon d'or - ou kinkaku‑ji, détruit par un incendie en 1950. Il est, depuis 1994, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Cette philosophie éclaire notre propre rapport au patrimoine, dans le sens où la préservation des monuments historiques tient aussi à ce qu’ils manifestent « une compétence perdue ou sur le point de l’être »18. Faute d’avoir su perpétuer un certain nombre de savoir-faire artisanaux, remontant pour certains à l’Antiquité, la préservation du bâti ancien est devenu notre dernier rempart contre l’oubli d’une « compétence d’édifier »19, qui tient avant tout au rapport que la main et le corps tout entier entretiennent avec l’acte de construire.

MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE A mon retour du Japon, j’ai eu la chance de pouvoir travailler à nouveau avec l’Atelier multiple, mais cette fois dans le cadre de l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en nom propre. Fort des acquis de ma formation, de mes expériences, et d’un stage de deux mois effectué dans l’agence TNA à Tokyo, cela me semblait être le bon moment pour me former à l’exercice de la maîtrise d’œuvre, condition nécessaire à la pratique du métier d’architecte.

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16. F. Léglise, « Le Japon, une exception intemporelle », L’architecture aujourd’hui, novdec 2011, pp.34-35

17. Y. Tsukamoto, in F. Léglise, op. cit., pp.34-35

18. F. Choay, op. cit., p.190

19. ibid., pp. 187-198


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Architecte D.P.L.G. / D.E.A. en urbanisme / doctorant en histoire Fondateur et co-gérant Architecte-conseiller à La Tronche (CAUE 38) Enseignant à l’école d’architecture de Versailles (2000-2003), à l’E.S.A. (2005-2011) et assistant à l’E.P.F.L. (2014-2015) HUBERT LEMPEREUR

Architecte D.P.L.G. / Architecte du patrimoine Co-gérant Architecte-conseiller à La Motte-Servolex (CAUE 73) Enseignant à l’école d’architecture de Versailles (2005-2011) LAURENT LE COROLLER

Architecte D.P.L.G. / D.E.A. en urbanisme / qualification « qualité environnementale des bâtiments » Associé Architecte-conseiller à Fontaine (CAUE 38) Architecte auprès de l'Institut Français du Proche-Orient à Damas, Syrie (2002-2006)

ETIENNE LENA

Maître-assistant à l’école d’architecture de Grenoble (2007-2012) et à l’école d’architecture de Marseille (2012-2015)

Architecte D.P.L.G. / Architecte du patrimoine / docteur en histoire de l’art Associé Membre expert de la Commission du Vieux Paris (2003-2014) Maître de conférence à l’université Paris I Enseignant à l’école d’architecture de Versailles (1993-2002) et à l’école d’architecture de Paris-Belleville (1998-2001) JEAN-FRANCOIS CABESTAN

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I.3. Une agence aux compétences multiples.

45 cours de la Libération / 38 100 GRENOBLE multiple.architectes@orange.fr / 09 61 27 19 82

ASSOCIES Tous les quatre diplômés de l’école d’architecture de Versailles, les associés de l’Atelier multiple ont suivi après leurs études des parcours différents, qui les ont conduit à s’associer pour leurs compétences complémentaires autour de questions liées au patrimoine bâti. Hubert Lempereur a fondé l’Atelier multiple en 1998. En parallèle de son activité de maîtrise d’œuvre, il a mené et continue de mener des travaux de recherche sur la naissance de l’habitat social en France ou sur la rénovation énergétique du bâti ancien. Il a publié en 2015 une monographie de Félix Dumail aux éditions du patrimoine. Laurent Le Coroller, associé depuis 2004, est architecte du patrimoine, diplômé du centre des hautes études de Chaillot. Entre 1999 et 2004, il a travaillé chez Philippe Oudin, Architecte en chef des monuments historiques (ACMH), abordant les questions de conservation et de restauration du bâti ancien par le biais des monuments historiques.

20. Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Etienne Lena, associé depuis 2006, a passé quatre ans en Syrie, auprès de l’Institut Français du Proche-Orient, pour mener un travail d’archéologie du bâti sur le patrimoine architectural local. Il a obtenu en 2008 la qualification « qualité environnementale des bâtiments » délivrée par l’ADEME20. Jean-François Cabestan, associé depuis 2011, est docteur en histoire de l’art et architecte du patrimoine, diplômé du centre des hautes études de Chaillot. Il est depuis 2003 membre expert de la commission du Vieux Paris et intervient au sein

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de plusieurs associations de sauvegarde du patrimoine parisien. S’il est associé de l’agence, il exerce néanmoins son activité à Paris et ne participe pas directement aux missions de maîtrise d’œuvre. L’Atelier multiple s’est donc constitué progressivement, à mesure de l’intégration de ses associés actuels. Lorsqu’en 2004, Laurent Le Coroller a rejoint l’agence pour s’installer à Grenoble, le choix de la ville était opportun puisqu’aucun architecte du patrimoine n’exerçait alors en Isère. Désormais bien implantée, l’agence est spécialisée dans le domaine de l’intervention sur l’existant. Etudes historiques, d’intérêt patrimonial, diagnostics techniques et architecturaux y sont au service de la maîtrise d’œuvre, qu’il s’agisse de chantiers de sauvegarde et de mise en sécurité ou de transformation architecturale.

ORGANISATION L’Atelier multiple est une Société à responsabilité limitée. Hubert Lempereur et Laurent Le Coroller en sont les co-gérants. L’agence n’ayant jamais eu de salarié jusqu’à présent, chaque affaire est gérée par l’un ou l’autre des associés. Ils se les répartissent ainsi en fonction de leur charge de travail et de leurs compétences propres. Lorsqu’il s’agit par exemple de restaurer la façade d’un monument historique ou d’établir le règlement d’une AVAP21, c’est Laurent Le Coroller qui en a la charge. Quand il est question d’intervenir sur du bâti moins ancien, comme, récemment sur la mairie de la Motte-Saint-Martin ou sur le chevalement de mine du Puits des Rioux à Prunières, tous deux labellisés « patrimoine XXe », les affaires se répartissent entre Etienne Lena et Hubert Lempereur. Le réaménagement du palais abbatial de Saint-Antoine-l’Abbaye, classé monument historique, sur lequel j’ai travaillé pendant cette année, a été le premier projet supervisé en même temps par les trois associés principaux. L’organisation de l’agence traduit dans les faits une certaine indépendance de chacun. Ils partagent leurs convictions, leurs compétences et leurs moyens, sans qu’il y ait toutefois un « fonctionnement d’agence » tel que j’ai pu l’expérimenter dans d’autres environnements professionnels. Il n’y a par exemple pas de réunion hebdomadaire pour faire le point sur les affaires en cours. Cela se fait plutôt de manière informelle au cours de la journée, autour d’un café ou autre. Il n’y a pas non plus de planning commun. Chacun gère son temps comme il l’entend. Sur des questions informatiques, telles que l’arborescence, les systèmes de calques, la charte graphique ou même le choix des logiciels, des bases communes ont été établies, sans que chacun les suive pour autant à la lettre. Cet entre-deux, entre un fonctionnement en libéral et une

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21. Aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Ce réglement d’urbanisme remplace depuis 2010 les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP).


agence très structurée, est sans doute du en partie à sa structuration progressive, en dents de scie, au fil des arrivées des associés, qui ont chacun développé en parallèle leurs propres méthodes de travail.

COMMANDE Question cruciale pour tout jeune architecte, l’accès à la commande demande a minima d’établir une stratégie de départ, amenée par la suite à évoluer en fonction des projets décrochés. Pour accéder à la commande publique, l’Atelier multiple répond à des Marchés à procédure adaptée (MAPA) qui concernent des programmes allant de la restauration de façades à des travaux de réhabilitation et d’extension, en passant par la réalisation de diagnostics patrimoniaux et de règlements d’AVAP. Ce sont donc des opérations dont les honoraires sont compris entre 15 000 et 207 000 euros, seuil à partir duquel la mise en concurrence se fait sur concours restreint et suppose pour les équipes sélectionnées de produire une esquisse contre indemnisation. Sans répondre directement à ce type de concours en tant que mandataire, l’agence y participe toutefois lorsqu’une « compétence patrimoniale » est demandée. Le cas s’est par exemple présenté cette année dans le cadre du projet de réhabilitation et d’extension des Archives départementales de l’Isère. Sollicité par plusieurs grandes agences, l’Atelier multiple a finalement choisi de s’associer, en tant que co-traitant, à deux petites structures. L’enjeu sur de telles associations, où la compétence patrimoniale peut parfois passer pour une simple caution, est bien de participer à l’élaboration de la réponse architecturale et de ne pas être confiné à la réalisation d’un diagnostic. En prenant le parti de répondre plutôt à de petites commandes publiques, l’agence a ainsi accumulé un nombre conséquent de références aux cours des dix dernières années. Néanmoins, le budget de ces opérations dépassant rarement 1 million d’euros, elles rendent difficile l’accès à des commandes plus conséquentes, d’où l’intérêt, pour ce faire, de s’associer à d’autres architectes. Le terrain de la commande privée est quant à lui nettement plus soumis à la constitution d’un réseau. Depuis leur arrivée à Grenoble, les associés ont peu à peu tissé des liens avec différents acteurs locaux du cadre bâti, comme le CAUE. Ils sont ainsi tous les trois architectes-conseillers dans la région, statut qui leur permet, outre l’implication citoyenne qu’il suppose, de générer un supplément de revenu et de se construire une visibilité et un réseau. Là encore, la « compétence patrimoniale » joue un rôle important dans la mesure où elle répond à un marché spécifique et constitue une plus-value sur des marchés plus courants. L’agence a ainsi acquis une visibilité auprès du Conseil général et

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du Service départemental de l’architecture et du patrimoine, susceptibles de la mettre en contact avec des particuliers qui souhaitent intervenir du bâti ancien, ou d’appuyer sa candidature sur d’autres types de commandes. Ce fut par exemple le cas auprès du diocèse de Grenoble, dans le cadre du réaménagement du palais abbatial de Saint-Antoine-l’Abbaye. Enfin, l’Atelier multiple a récemment été mandaté pour superviser le ravalement des façades de l’immeuble dont l’agence occupe une partie du rez-de-chaussée. Ce faisant, il a acquis une autre visibilité, cette fois auprès d’un syndic de copropriété qui, au vu de l’ampleur du patrimoine bâti qu’il gère, offre déjà de nouvelles opportunités de commande.

COMMUNICATION Cette question de la visibilité et de la commande rejoint évidemment celle de la communication. Elle est principalement abordée à l’agence par le biais du dossier de références intégré à chaque réponse à un appel d’offres public. Ayant travaillé à sa refonte au début de ma mise en situation professionnelle, j’ai pu me familiariser avec la production de l’agence, que je ne connaissais quasiment pas avant cela. Sur internet, la seule visibilité de l’Atelier multiple tient en effet au référencement de Laurent Le Coroller dans l’annuaire des architectes du patrimoine. On peut se demander si cela suffit aujourd’hui, au vu de l’importance toujours croissante de l’image et de la communication virtuelle dans nos vies comme dans nos métiers. La communication visuelle, voire le marketing ne font-ils pas désormais partie intégrante du métier d’architecte ? Peut-on se passer d’un site internet, d’une page Facebook, ou a minima d’un portfolio en ligne ? Il me semble qu’il n’y a pourtant pas de réponse évidente à cette question. Le site internet de l’agence SANAA par exemple se résume à une page blanche. La communication de leurs projets se fait par le biais de leur publication dans des revues, des sites ou des blogs d’architecture. Tout dépend en réalité du type de commandes que l’on souhaite décrocher en communiquant de la sorte, du type de public que l’on souhaite atteindre, et de l’importance que l’on accorde à l’image comme manière de se démarquer en tant qu’architecte. Car l’enjeu est bien là, sur un marché de plus en plus concurrentiel, où les petites structures sont nombreuses, qui luttent pour exercer leur métier de manière décente. Dans un tel contexte, l’Atelier multiple s’en sort en cherchant à se démarquer moins par l’image que par la reconnaissance de compétences spécifiques, qu’alimentent des pratiques annexes de recherche et d’enseignement.

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OUVERTURE L’intérêt de l’agence pour des patrimoines divers - bâti classé, inscrit, labellisé, ou simplement jugé caractéristique et de qualité - se retrouve dans des pratiques de recherche menées en parallèle à la maîtrise d’œuvre. Le projet de guide d’architecture du XXe siècle sur Grenoble en est sans doute l’exemple le plus parlant. Il s’inscrit dans une implication plus générale des associés dans le tissu associatif de préservation du patrimoine bâti. Car défendre une architecture qui nous est chère, quitte à ce que parfois ses qualités ne soient pas reconnues par tous, ne passe pas seulement par la maîtrise d’œuvre mais aussi par une implication citoyenne, présente également dans les conseils prodigués aux collectivités et aux particuliers en tant qu’architectes-conseillers du CAUE. Dans le même temps, il me semble que tout travail de recherche mené hors du champ de la maîtrise d’oeuvre alimente aussi ce dernier. La réponse à des appels à idées ou à des concours d’intention tels qu’Europan, les travaux d’investigation menés sur une ville, sur un édifice, sur un architecte, les voyages mais également le travail d’enseignement et de conseil donnent du souffle à la pratique, et constituent pour moi un pendant indispensable à la maîtrise d’œuvre en tant que telle.

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2ème partie.

Changements d’usages, préservation de l’existant et rapports aux normes à travers la pratique

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II.1. Observer, participer et apprendre : phases et projets abordés à l’agence.

Pendant sept mois, j’ai pu bénéficier des allers-retours entre l’enseignement dispensé à l’ENSAG et la confrontation à la pratique au sein de l’Atelier multiple. Au cours de l’année, les intervenants qui se sont succédés m’ont permis de mettre en regard les spécificités de l’agence, ses failles, ses atouts, avec d’autres pratiques qui, mises bout à bout, définissent des points communs à l’ensemble de la profession. Qu’il s’agisse de la loi MOP, des relations et contrats au sein de la maîtrise d’œuvre et avec les maîtres d’ouvrage, du rapport au droit de la construction et aux assurances, à l’économie du projet, etc., la formation nous permet de saisir l’épaisseur du métier d’architecte, de son rôle et de ses responsabilités. L’ensemble des projets présentés ici témoigne de la diversité des situations que j’ai pu rencontrer à l’agence, au cours de ma MSP. Seul salarié, j’avais une place privilégiée pour suivre, en tant qu’observateur, tous les projets en cours. Ces derniers m’ont permis de porter un regard sur l’ensemble des phases constitutives du processus de maîtrise d’œuvre, du diagnostic aux opérations de réception. Dans le même temps, j’ai été sollicité sur plusieurs projets pour aider au relevé, au diagnostic, à la conception et au dessin, mais également à la constitution des demandes d’autorisation de travaux et des dossiers de consultation des entreprises. La formation dispensée à l’école et l’observation permise à l’agence ont donc été pour moi complémentaires au travail en tant que tel. Car si ce dernier constitue le cœur de la formation, il demande dans le même temps une prise de recul constante pour en tirer le meilleur profit, en n’étant pas cantonné au simple rôle d’exécutant. Cette prise de recul liée à la formation HMO a toutefois un prix ; celui de la précarité du statut et du niveau de salaire, qui semble plus dépendant de notre manque d’expérience que de notre niveau d’études.

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Réhabilitation du domaine de Bon Repos JARRIE, ISÈRE

Candidature non retenue Maître d’ouvrage : Commune Budget : 3 448 000 € HT Observation : Visite de site et suivi de la réponse à l’appel d’offres

APPEL D’OFFRES La commune de Jarrie a entrepris de restaurer et réhabiliter un ensemble de bâtiments qui forment le domaine de Bon Repos. Ce dernier s’articulant autour d’un château du XVe siècle et de ses dépendances, il revêt un enjeu patrimonial fort. D’où la demande de la part de la commune que l’architecte mandataire puisse justifier d’une « compétence patrimoniale ». Mais le coût prévisionnel des travaux étant ici supérieur à la plupart des références de l’agence, l’Atelier multiple a choisi, pour répondre à l’appel d’offre, de s’associer à l’agence Mas Architecture, plus habituée à répondre à des opérations de cette envergure. Le dossier de réponse à l’appel d’offres demandait, outre la lettre de candidature (DC1), la déclaration du candidat (DC2) et l’acte d’engagement (DC3), la rédaction d’une note méthodologique détaillée. Nous nous sommes donc rendus ensemble sur le site pour prendre connaissance des lieux et dégager une méthode d’approche. S’il n’est pas toujours obligatoire de se déplacer sur site pour répondre à un appel d’offres, c’est pourtant - et d’autant plus dans le cas d’opérations menées sur du bâti existant - un préalable nécessaire à une bonne compréhension du lieu et de ses enjeux. Evidemment, le déplacement mais également la constitution du dossier et la rédaction des notices demandées représentent un coût pour les agences, ne seraitce qu’en terme de temps de travail, véritable manque à gagner lorsque la réponse n’aboutit pas. Néanmoins, si l’on souhaite répondre à des marchés publics, ce temps « gratuit » est une nécessité pour accéder à la commande. Il s’agit donc de le gérer en l’intégrant au planning de l’agence comme une tâche à part entière.

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Rénovation d’un appartement GRENOBLE, ISÈRE

Mission de l’agence : Mission complète (dont économie et relevé) Maître d’ouvrage : Privé Budget : 200 000 € HT Observation : Rencontre avec le maître d’ouvrage et visite de l’appartement

CONTACT J’ai accompagné Hubert Lempereur à la première visite de cet appartement que son nouveau propriétaire souhaite rénover. Mis en contact avec l’Atelier multiple par une relation commune, ce dernier souhaite retrouver certaines dispositions d’origine et gagner en confort tout en affirmant le caractère contemporain de l’intervention. Ses intentions se trouvent en parfaite concordance avec la démarche de l’agence, ce qui constitue, il me semble, une chance pour réaliser un projet audacieux, où architecte et maître d’ouvrage avancent ensemble vers des objectifs communs. Nous l’avons donc rencontré et pris notes de ses besoins et envies, tout en parcourant ensemble les lieux. De tels moments exigent de l’architecte qu’il exprime au mieux son expertise, pour conforter ou dissuader le client dans ses premières intentions. Ce dernier attend en effet d’avoir en face de lui un spécialiste, qui le rassure, et sur lequel il doit être certain de pouvoir compter. Or, cette posture est, il me semble, loin d’être évidente lorsque l’on débute. Elle suppose de gagner la confiance d’un client sans que se fasse sentir le manque d’expérience par rapport à un architecte qui aura dix ou vingt ans de pratique derrière lui. La présentation de références sur lesquelles on a pu travailler est une chance de montrer ce que l’on est capable de réaliser. Car l’oeuvre réalisée parle d’elle-même. Ellle rassure immédiatement par son caractère concret et constitue l’outil de communication le plus évident pour l’architecte.

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Vue d’ensemble de la commune depuis le site archéologique de Larina.

Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine HIERES-SUR-AMBY, ISÈRE

Mission de l’agence : Transformation du règlement de ZPPAUP en AVAP Maître d’ouvrage : Commune (soumis à la loi MOP) Honoraires : 24 900 € Observation : Participation à la première réunion avec le maire, l’adjoint à l’urbanisme et l’Architecte des bâtiments de Fance (ABF)

Périmètre initial de 500m autour des sites classés. Périmètre de la zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Exemple du patrimoine bâti présent sur la commune.

22. Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager 23. Périmètre de 500m aux abords d’un monument historique, tel que défini par la loi du 25 février 1943.

24. Plan local d’urbanisme, Schéma de cohérence territoriale, Projet d’aménagement et de développement durable

Calendrier prévisionnel de l’élaboration de l’AVAP.

REGLEMENT Située dans le nord-Isère, à proximité du Rhône et de la centrale nucléaire du Bugey, la commune de Hières-sur-Amby comprend deux sites protégés : le site archélogique de Larina (monument historique classé) et la ferme de la Balmetière (monument historique inscrit). Elle est également en prise avec une zone naturelle sensible ; la volonté de préserver un patrimoine bâti et archéologique rejoint donc ici la préservation d’un patrimoine naturel. La ZPPAUP22 établie en 1996 et révisée en 2007 répondait à cette volonté, en substituant au périmètre de 500 mètres23 autour des monuments historiques un réglement plus subtil sur l’ensemble de la commune, accompagné d’un cahier de recommandations. La transformation des ZPPAUP en AVAP a été instituée en 2010 par la loi Grenelle II, pour intégrer des objectifs liés au développement durable. C’est dans cette perspective que la commune a lancé en 2015 la procédure du passage en AVAP. Lors de la première réunion, à laquelle j’ai pu participer, il s’agissait pour l’Atelier multiple, la commune et l’ABF de se mettre d’accord sur les enjeux de l’AVAP et sur ses grandes orientations. La discussion portait par exemple sur les règles d’intégration du bâti contemporain et des dispositifs environnementaux (panneaux solaires, isolation par l’extérieur, etc.). L’AVAP devant être compatible avec les autres documents d’urbanisme (PLU, SCOT, PADD24) et avec les engagements liés au développement durable, tels que la réglementation thermique, l’enjeu est de naviguer entre les superpositions réglementaires pour élaborer un document qui permette à la commune et aux habitants de mener les travaux qu’ils souhaitent, tout en préservant une harmonie architecturale et paysagère. Un certain nombre de recommandations sont ainsi formulées pour aider à préserver ce qui fait aujourd’hui patrimoine, tout en ajoutant une couche supplémentaire à la réglementation urbaine et architecturale. 39


Photographie d’une partie de l’ensemble urbain analysé

Diagnostic architectural et patrimonial d’un ensemble urbain MIREFLEURS, PUY-DE-DÔME

Mission de l’agence : Diagnostic architectural et patrimonial Maître d’ouvrage : Privé Honoraires : 4 870 € Phase abordée : Diagnostic Travail réalisé : Analyse historique et dessin à partir de documents d’archives, modélisation 3D, élaboration du dossier de présentation

STRATEGIE Mandaté par un maître d’ouvrage privé, l’Atelier multiple a réalisé le diagnostic architectural et patrimonial de cet ensemble urbain, situé dans le centre historique de la commune de Mirefleurs et représentant près de 5 500 m² de SHON25. L’étude vise à dégager, à partir d’une analyse historique, spatiale et fonctionnelle des bâtiments concernés, une stratégie d’ensemble pour leur devenir. La surperposition des cadastres actuel et napoléonien a permis de mieux comprendre l’évolution du bâti, du parcellaire et de la voirie et de proposer, par exemple, de retrouver certaines dispositions anciennes pour accentuer les porosités entre espace public et espace privé. En effet, sur ce type de tissu ancien, très serré et assez dense, l’un des principaux enjeux tient à son adaptation à des modes de vie contemporains, tels que la circulation et le stationnement automobile, ou encore l’envie de bénéficier d’une vue lointaine et d’un espace extérieur privé et ensoleillé. Pour répondre à ces questions, les possibilités d’accès automobile aux rez-de-chaussée ont été repérées, de manière à envisager la transformation de certains espaces en garages. La modélisation 3D, réalisée à partir du cadastre, de photographies et de relevés, a en outre permis de visualiser les écarts de hauteurs entre les bâtiments, en prenant en compte la morphologie complexe du site. Partant de là, nous avons pu tester l’implantation d’altane26 sur certains bâtiments, qui ne bénéficient pour l’instant que d’un ensoleillement réduit et dont les vues sont obstruées par le contexte immédiat. La synthèse du diagnostic et des préconisations a ensuite été transmise au maître d’ouvrage. Elle devrait lui permettre d’engager progressivement des opérations de maîtrise d’œuvre, de manière à réhabiliter à terme l’ensemble des édifices.

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25. Surface hors oeuvre nette

Plan des toitures avec repérages des accès. Modélisation 3D avec en bleu les potentiels d’activité et en jaune les possibilités d’implantation d’altane.

26. Les altane sont des constructions réalisées en toitures qui peuvent s’apparenter à des terrasses. Ce dispositif est très répandu sur les toits de Venise. Bâti et parcellaire disparu depuis 1830. Evolution de l’espace public depuis 1830.


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Photographie de l’intérieur du boulodrome.

Transformation de l’ancien boulodrome BEAUFIN, ISÈRE

Mission de l’agence : Aménagement de la mairie et d’une salle d’activités dans l’ancien boulodrome (mission complète dont économie + EXE + OPC) Maître d’ouvrage : Commune (soumis à la loi MOP) Budget : 385 000 € HT Phase abordée : Diagnostic Travail réalisé : Relevé et campagne photographique Observation : Rencontre avec la maîtrise d’ouvrage et le BET Fluides

ECONOMIE

Relevés des menuiseries existantes.

Vue de la mairie et du boulodrome attenant. Photographie d’un détail d’assemblage. Vue des menuiseries existantes conservées.

Dans cette commune qui compte seulement vingt-deux habitants, la mairie souhaite déplacer ses bureaux dans l’ancien boulodrome attenant et y aménager dans le même temps une salle d’activités. Le vieillissement de la population et le dépeuplement progressif du village ont en effet conduit à la perte d’utilité du boulodrome, qui accueillait autrefois d’importantes compétitions. Naturellement, la question du réemploi de l’édifice s’est posée à la municipalité. En bon état général, situé au coeur du village et constitutif de l’histoire de la commune, le boulodrome aurait pourtant pu être détruit. Mais la municipalité a su y lire une opportunité pour lui offrir une seconde de vie, en engageant un projet où le changement d’usages coïncide avec une mise aux normes thermiques et d’accessibilité. Sur cet édifice assez élégant et bien entretenu, l’une des premières intuitions a été de conserver les menuiseries existantes, ne serait-ce que par simple souci d’économie de moyens. J’ai ainsi participé à une première visite et campagne de relevés, en compagnie de l’ingénieur fluides associé au projet. Nous avons relevé l’intérieur et l’extérieur du bâtiment de manière à pouvoir réaliser une première étude de faisabilité. L’ingénieur a quant à lui pris connaissance de l’installation de chauffage et des réseaux existants pour établir un diagnostic et un début de chiffrage. Sur ce type d’opération, l’association d’un bureau d’études fluides très en amont permet d’optimiser la gestion du chauffage et des réseaux, en l’intégrant très tôt au projet et au coût de l’opération. Au vu des performances demandées aujourd’hui par la réglementation thermique, l’enveloppe des lots liés à l’isolation et aux équipements de chauffage et de ventilation constitue en effet une part importante de l’enveloppe globale, à prendre en compte le plus tôt possible.

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Chantier de réenfouissement des vestiges

Préservation et mise en valeur architecturale et paysagère d’un site archéologique EL HASSA, SOUDAN

Mission de l’agence : Réenfouissement et valorisation des vestiges archéologiques Maître d’ouvrage : Privée Phase abordée : Préparation de chantier Travail réalisé : Modélisation 3D pour préparer et faciliter les repérages in situ

PREPARATION

Hypothèses sur les parties à araser et vue du projet

Le site d’El Hassa, situé dans la vallée du Nil, au Soudan, fait actuellement l’objet de fouilles archéologiques. Les traces d’un ancien temple égyptien et d’un palais attenant ont ainsi été révélées. Mais une fois ces vestiges mis au jour et étudiés, une double question se pose : celle de leur réenfouissement et celle de leur valorisation dans une perspective touristique. Préserver un patrimoine vieux de plusieurs millénaires et dans le même temps le valoriser suppose une réflexion architecturale en amont, de manière à préparer très tôt le chantier de mise en valeur. C’est à ce moment là que je suis intervenu sur l’affaire, pour préparer le déplacement imminent de Laurent Le Coroller sur le site. A partir des relevés topographiques établis sur les vestiges, l’enjeu était de permettre une lecture globale et facile de leur relief, tout en prenant en compte la forme du terrain naturel. Le projet consiste à enfouir sous le sable les vestiges découverts par les archéologues, et à reconstruire au dessus, sur environ 80 cm de hauteur, le tracé originel des édifices. Cela suppose donc, pour intégrer le projet à la morphologie naturelle du site, la prise en compte des altimétries des parties existantes et du terrain environnant, la hauteur des fondations des parties à créer, qui seront elles aussi enfouies et enfin l’effet naturel de tassement de la terre, d’environ 10 à 20 cm. Par un travail de modélisation 3D, nous avons donc établi plusieurs hypothèses, de manière à visualiser les parties existantes susceptibles d’être arasées selon la hauteur finale du sol, la hauteur des fondations et la distance entre les fondations et les vestiges.

Coupe schématique du projet

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ock-up of the site, view from north-west

g from the Egyptian precinct excavation g on the ancient precinct print old on the Egyptian precinct ng the Ottoman precinct, viewpoint g along the Ottoman precinct (outside) n gate of the Ottoman precinct g along the Ottoman precinct (outside) ng the Ottoman precinct and bypassing the south-western tower through inside the citadel g along the Ottoman precinct (outside)

10 : walking down toward the Nile, away from the precinct 11 : southern gate of the Ottoman precinct 12 : viewpoint to the Nile, from the top of the excavated material 13 : walking on the excavated material, along the archeological remains 14 : crossing the northern Ottoman precinct 15 : Egyptian temple

Aerial view 01

View from room n째1

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Vue du parcours à réaliser

Préservation et mise en valeur architecturale et paysagère d’un site archéologique ÎLE DE SAÏ, SOUDAN

Mission de l’agence : Protection et valorisation des vestiges archéologiques, aménagement d’un musée de site et réhabilitation d’une maison traditionnelle nubienne. Maître d’ouvrage : Privée Phase abordée : Etude de faisabilité Travail réalisé : Participation à l’élaboration du rapport de synthèse

PRESENTATION Sur l’île de Saï, s’il est également question de mise en valeur d’un site archéologique, les enjeux sont différents : les vestiges découverts ne sont pas destinés à être enfouis. Ils sont intégrés à un parcours touristique et doivent être simplement protégés. L’aménagement des abords demande donc de faire preuve de suffisamment de finesse pour donner à voir sans détériorer. Cet aménagement comprend en outre la construction d’un musée de site à partir de matériaux locaux et la réhabilitation d’une maison traditionnelle nubienne en lieu d’hébergement.

Projet de construction d’un musée de site. Vue intérieure et axonométrie.

Ma mission consistait ici à produire des images à partir d’une modélisation 3D et à élaborer un dossier de présentation à destination de la maîtrise d’ouvrage. L’enjeu était de permettre de valider le projet élaboré pendant l’étude de faisabilité, pour pouvoir ensuite passer à une phase d’études plus détaillées. L’objectif était aussi, pour le maître d’ouvrage, d’avoir à sa disposition des supports de communication, de manière à pouvoir valoriser le projet dans l’optique, par exemple, d’obtenir des financements. C’était donc avant un travail de communication qui, loin d’être anecdotique, constitue une tâche essentielle dans le travail de l’architecte. Il s’agit de montrer au client, par des pièces graphiques convaincantes, l’avancement du projet. C’est là l’une des conditions sine qua non de sa rémunération.

Projet de réhabilitation d’une maison traditionnelle nubienne. Vue intérieure et axonométrie

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Visite de l’immeuble et campagne de relevés

Restauration de la façade de l’immeuble “Roche Mantel” (A. Zanassi, 1981) ALPE D’HUEZ, ISÈRE

Mission de l’agence : Restauration de la façade principale (mission complète) Maître d’ouvrage : Copropriété Budget : 200 000 € HT Phase abordée : Diagnostic Travail réalisé : Relevé, redessin de l’existant à partir des détails (au 1/20e), métrés

DETAIL

Relevé in situ et redessin d’un détail de garde-corps

Sur cette opération de restauration de façade, la maîtrise d’œuvre concerne l’ensemble des menuiseries, bardages et bétons de la façade principale, mais également les éléments de métallerie constitutifs des balcons. Il s’agit d’un immeuble de station des années 1980, construit en béton armé et caractéristique de la production de l’époque. Afin d’estimer au mieux les quantités nécessaires au moment du Dossier de consultation des entreprises (DCE), il s’agissait de dessiner dès le diagnostic tous les éléments constitutifs de la façade, à partir des relevés effectués sur place et des documents d’archives à notre disposition. A partir de là, il a été possible de redessiner de manière assez fine les plans des balcons et la façade principale. Partir du détail pour reconstituer l’ensemble de la façade est un exercice intéressant, qui revient à penser l’édifice à partir de la mise en œuvre de chacun de ses éléments, d’abord indépendamment puis dans leur articulation. C’est un exercice assez technique et inhabituel qui prend le contrepied du processus traditonnel de projet, qui a lui plutôt tendance à avancer du tout vers le détail. La définition et le dénombrement de chaque module composant la façade a ainsi permis d’effectuer précisément les métrés liés à chaque corps d’état. Ce faisant, l’enjeu est de faciliter le chiffrage par les entreprises au moment du DCE et d’éviter toute marge d’incertitude, susceptible d’engendrer une augementation des devis.

Façade reconstituée

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Photographies de l’état existant et d’un sondage réalisé sur les maçonneries en pierre

Restauration des façades de l’église LE CHEYLAS, ISÈRE

Mission de l’agence : Restauration des façades et de la toiture en pierre, consolidation des fondations (mission complète dont économie + relevés ) Maître d’ouvrage : Commune (soumis à la loi MOP) Budget : 260 000 € Phases abordées : Avant-Projet Définitif, études de Projet / Dossier de Consultation des Entreprises Travail réalisé : Préparation de la Déclaration Préalable, Rédaction du CCTP et du BPU

VOCABULAIRE Sur cette affaire, après avoir préparé le dossier de déclaration p réalable, j’ai travaillé à la constitution de différentes pièces du dossier de consultation des entreprises : cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et bordereau des prix unitaires (BPU). La restauration concerne cette fois un édifice ancien, construit en pierre de taille et moellons de pierre. Un certain nombre de fissures apparentes ont demandé dans un premier temps de mener un diagnostic géotechnique, par sondages pressiométriques et sondages de reconnaissance de fondations. Ce diagnostic ayant révélé des tassements hétérogènes au niveau des fondations, il a conduit à préconiser dans une première phase des travaux de consolidation, par injection de résine dans le sol. Le second désordre constaté est lié à la présence, sur l’ensemble des façades, d’une couche épaisse d’enduit ciment. Généralisée dans les années 1960, cette technique s’est par la suite révélée incompatible avec le comportement hydrothermique de la pierre. Imperméable et non perspirant, l’enduit ciment empêche en effet la vapeur d’eau de migrer à travers le mur et provoque à terme l’altération des maçonneries, dangereuse pour la stabilité même du mur. Son piochement et son remplacement par un enduit de chaux naturelle a donc été préconisé au maître d’ouvrage.

Elévation nord avec repérage des désordres

Les spécificités de la construction en pierre supposent une maîtrise technique, relative à la fois au comportement du matériau et à sa mise en oeuvre, mais également la maîtrise du vocabulaire lié, préalable nécessaire à toute description des travaux à réaliser. La rédaction du CCTP m’a ainsi permis de me familiariser à des termes qui m’étaient jusque là étrangers et d’apprendre à décrire correctement

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les modalités de réalisation des ouvrages. Ce travail a été largement facilité par le cadre très normé du document lui-même, qui demande de faire preuve d’une grande rigueur mais qui, une fois compris, peut être remobilisé sur n’importe quel type de projet. Le DCE est ici composé de cinq lots séparés. Le premier correspond aux travaux de confortement du sol sous fondations, par injection de résine, destiné à être réalisé par une entreprise spécialisée. Le second comprend l’ensemble des travaux de maçonnerie et pierre de taille : piochement des enduits ciment, reprise de fissures par coulinage, réparation par bouchons ou ragréage, remplacement, nettoyage et rejointoiement des pierres de taille, etc. Ce lot inclut également l’installation et la mise à disposition des autres corps d’état des intallations de chantier et des échafaudages. Le troisième correspond à la protection des vitraux, nécessaire au vu des travaux à effectuer. Un quatrième lot, de couverture zinguerie, est dédié à la révision des gouttières et à la dépose-repose des descentes d’eaux pluviales. Enfin, le dernier prend en compte quelques travaux de menuiserie intérieure nécessaires à la réfection de la toiture. Un projet de restauration d’une façade en pierre, si simple qu’il paraisse à première vue, est toutefois un exercice complexe, qui demande de mettre en pratique une connaissance fine du matériau lui-même et une maîtrise approfondie des techniques liées à sa mise en œuvre et son entretien. L’aide et les conseils de Laurent Le Coroller ont été pour moi indispensables, car il ne s’agit pas d’un savoir que l’on acquiert en une semaine.

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Restauration des façades de l’immeuble “Clarté 2” (M. Blanc, 1957) GRENOBLE, ISÈRE

Mission de l’agence : Restauration des façades et des bétons (mission complète + étude thermique et recherche sur les polychromies) Maître d’ouvrage : Copropriété Budget : 170 000 € Phase abordée : Assistance pour la passation des Contrats de Travaux Observation : Participation à l’assemblée générale de copropriété

BUDGET J’ai ici pu assister à l’assemblée générale de copropriété, moment où l’ensemble des copropriétaires votent officiellement le budget du montant des travaux ainsi que l’entreprise retenue pour les exécuter. Trois entreprises avaient été sollicitées par l’Atelier multiple, par le biais d’un appel d’offres en procédure restreinte. A la demande des copropriétaires, l’appel d’offres dissociait les travaux portant sur la façade principale de ceux portant sur la façade sur cour. Des travaux d’isolation du pignon nord, évalués comme le meilleur moyen d’améliorer les performances thermiques du bâtiment, figuraient en option du ravalement de la façade sur cour, dont l’échafaudage pouvait être utilisé facilement. Malgré l’avis des architectes et du syndic de copropriété, qui conseillaient fortement de réaliser la restauration sur l’ensemble des façades, les copropriétaires ont majoritairement voté pour que seuls les travaux portant sur la façade principale soient exécutés. Le coût de l’ensemble leur paraissait en effet prohibitif, malgré les désordres existants et notamment le risque de chutes de blocs de ciments côté cour. Ce vote m’a semblé révélateur de l’incapacité de certains maîtres d’ouvrages à financer le coût d’entretien de leur propre patrimoine, au sens d’un bien qui nous appartient et que l’on souhaite transmettre. Il est vrai que l’investissement à réaliser pouvait paraître élevé : environ 8 000 €/appartement pour la façade principale, et près de 12 000€ pour l’ensemble du bâtiment. D’autant que les travaux à opérer n’engendraient pas tous une amélioration du confort des habitants ; ils consistaient surtout à régler les désordres apparents et à prévenir leur développement. L’architecte, tenu à un devoir de conseil, n’a donc pas toujours la capacité de faire accepter à un maître d’ouvrage le coût élevé de certains travaux.

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Photographies du chantier livré

Mise en sécurité et restauration du chevalement de mine du Villaret SUSVILLE, ISÈRE

Mission de l’agence : Mise en sécurité et restauration (mission complète dont économie + EXE + OPC) Maître d’ouvrage : Communauté de communes de la Matheysine (soumis à la loi MOP) Budget : 178 286 € HT Observation : Participation à une réunion de présentation du projet suite à sa livraison

MESURE Ce projet, qui peut a priori sembler anodin du point de vue de la conception, comporte néanmoins un enjeu intéressant relatif à sa maîtrise économique. Ce chevalement, construit en 1950, n’avait depuis jamais été repeint. Or, soumis aux émanations corrosives du puits de mine et aux intempéries, il présentait un état de dégradation qui non seulement mettait en danger sa structure mais comportait en outre un risque sanitaire, du à la forte teneur en plomb de la peinture d’origine. L’enjeu était donc de décaper cette peinture pour pouvoir ensuite le repeindre intégralement. Le dossier de consultation des entreprises (DCE) se limitait à la mise en place des échafaudages et aux travaux de décapage et de peinture. Toutefois, lancer l’appel d’offres sans avoir précisément mesuré les surfaces à peindre et à décaper revenait à laisser les entreprises proposer des devis approximatifs et donc potentiellement surévalués. L’Atelier multiple a donc négocié avec la maîtrise d’ouvrage de supprimer un certain nombre de phases intermédiaires, et de lui octroyer en revanche une mission supplémentaire de relevé, de manière à estimer très précisément les quantités nécessaires. Une fois l’ouvrage intégralement relevé, les différents profils métalliques ont été classés et modélisés en 3D. A partir de là seulement, il a été possible de mesurer avec précision les surfaces à peindre et, en outre, de faciliter la conception des échafaudages. Ce projet témoigne donc de la nécessité d’intégrer très tôt dans la mission de maîtrise d’œuvre les données économiques, établies à partir d’une connaissance fine et d’une mesure précise de l’ouvrage ou de l’édifice existant.

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Perspective du projet d’origine par Georges Serbonnet

II.2. La norme et l’usage, entre réglementation et pratiques courantes : le cas du chantier de la Motte-Saint-Martin Mission de l’agence : Réhabilitation de la salle de spectacles de la mairie-école (mission complète dont économie + EXE + OPC) Maître d’ouvrage : Commune (soumis à la loi MOP) Budget : 295 000 € Phases abordées : Direction d’Exécution des Travaux, Assistance aux Opérations de Réception Observation : Participation à des réunions de suivi du chantier et à sa réception.

EXECUTION Ce bâtiment monumental, construit en 1935 par Georges Serbonnet accueille aujourd’hui à la fois la mairie, l’école et la salle de spectacles de la commune. La réhabilitation sur laquelle l’Atelier multiple a été engagé portait uniquement sur la partie « salle de spectacles ». Il s’agissait notamment de mettre aux normes d’accessibilité et de sécurité incendie cette aile du bâtiment, considérée comme un Etablissement Recevant du Public (ERP) de 4e catégorie.

Derniers travaux de menuiseries sur scène.

En participant aux réunions de suivi du chantier et aux opérations de réception, j’ai pu me familiariser avec la situation complexe dans laquelle se retrouve un architecte sur le chantier, lorsqu’il est en charge de la direction d’exécution des travaux. Si mes responsabilités étaient limitées lors de ces réunions, j’ai toutefois pu cerner la manière dont l’architecte est amené, en tant que maître d’œuvre, à diriger et coordonner les tâches et les différents corps de métier, en assumant physiquement la responsabilité qui lui incombe. Car il s’agit d’être là, bien présent, de porter la voix, de prendre note, de réagir à des situations immédiates. Dans ces moments, l’exercice du métier prend corps, au sens littéral. Lors des réunions de suivi du chantier, nous avons rencontré chaque artisan, et fait le tour, ensemble, des ouvrages exécutés pour vérifier qu’ils étaient conformes aux attentes. De ce que j’ai pu constater, il s’agissait surtout de noter les manques et donc les travaux restant à exécuter - une plinthe ou des joints manquants par exemple - ou les documents à transmettre par les entreprises, tels que certifications techniques attestant la conformité de certains dispositifs ou matériaux aux normes en vigueur. Sur les compte-rendus de chantier figuraient ainsi l’ensemble des artisans présents, le rappel des compte-rendus précédents, et les tâches à exécuter ou en cours d’exécution, ainsi que leurs délais.

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Inspection, avec l’artisan, des menuiseries restaurées.

DETAILS La démarche de l’agence accorde une part importante au respect de l’existant, et une attention toute particulière aux détails constructifs, aux détails de composition, de décoration, dans lesquels s’incarnent le dessein du maître d’œuvre initial. Il s’agit dès lors de cerner ces détails, et de savoir ce que l’on en fait lorsque, dans un cas comme celui-là, il est question de mettre aux normes contemporaines un bâtiment des années 1930. Sur un pan du bâtiment, qui relie la salle des fêtes à l’école et donne, plein sud, sur la cour, les menuiseries étaient encore d’origine : des menuiseries fixes, en simple vitrage, légères et dont le rythme et le dessin donnaient une certaine élégance à ce corps du bâtiment. Pour mettre ces vitrages aux normes thermiques en vigueur, le choix le plus simple, qui constitue une pratique courante, aurait été d’en changer les menuiseries - en les remplaçant éventuellement par du PVC - et d’installer un double vitrage. Les architectes ont cependant fait le choix de les conserver. Pour ce faire, ils ont remplacé le vitrage existant par un vitrage Van Ruysdael, un verre simple, de 6,5 mm d’épaisseur à forte isolation et à réflexion énergétique27. En faisant le choix de mettre en œuvre ce produit, qui offre des performances proches d’un double-vitrage classique, les menuiseries d’origine ont pu être restaurées et conservées. Loin d’être courante, ce type de pratique suppose d’abord de connaître les produits adéquats, susceptibles de répondre à la fois aux réglementations contemporaines et à une volonté de préservation de l’existant. Mais pour ce faire, il est tout aussi capital d’entraîner dans la démarche les entreprises chargées de l’exécution des travaux. Dans cette même partie du bâtiment, le sol était tel qu’à l’origine, recouvert d’un carrelage en mosaïque, aux motifs identifiables. Or, la mise aux normes d’accessibilité des toilettes supposait de casser une partie de ce carrelage. Dès lors, une fois cette partie cassée, comment la remplacer ? En discutant avec les architectes, l’artisan carreleur a fait preuve de soin et d’initiative pour conserver les carreaux retirés, de manière à les réutiliser pour les travaux de finition. Il a ainsi réparé les manques en réutilisant ce même carrelage des années 1930 et reconstitué une mosaïque en reprenant le motif originel, là où, sans une attention particulière, le résultat aurait pu largement dénaturer l’ensemble. Sur ce genre de détails, le savoir-faire et le soin d’un artisan comptent tout autant que les prescriptions de l’architecte. Or, c’est justement sur ce genre de mises en œuvre que se joue la réussite d’une démarche telle que celle de l’Atelier multiple ; un projet de réhabilitation attentif à l’existant ne peut se concrétiser sans que l’envie de bien faire les choses soit partagée, voire portée par les entreprises, qui peuvent d’aileurs en tirer une véritable satisfaction.

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27. Coefficient de transmission thermique du verre Van Ruysdael mis en oeuvre : 3,4 W/m².K ( Simple vitrage 4mm : 5,9 W/ m².K. Double-vitrage standard : 2,9 W/m².K )

Motif des années 1930 reconstitué par le carreleur. Menuiseries après remplacement des vitrages.


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Vue de la salle de spectacle réceptionnée

PAPERASSE

28. Sécurité et protection de la santé

S’assurer de la bonne exécution des travaux demande donc à l’architecte d’être présent en faisant preuve d’une autorité qui laisse toutefois aux entreprises une marge d’initiative, permettant de mettre à profit leurs savoir-faire. Mais le temps consacré au chantier est aussi celui des tâches administratives qui incombent à l’architecte. Car derrière une demi-journée de réunion de chantier vient une autre demi-journée, voire une journée passée à remplir les situations de travaux de chaque lot, à s’assurer de leur bonne réception par les entreprises et à régler les erreurs et les litiges. Cette pile de documents écrits comprend les compte-rendus hebdomadaires, mais également les échanges avec les entreprises, les bureaux d’études, le maître d’ouvrage, le contrôleur technique ou encore le coordinateur SPS28. A cela s’ajoute la gestion de la comptabilité du chantier : vérification des factures des entreprises, émission des situations de travaux, avenants aux marchés, etc. D’une certaine manière, l’architecte est aussi le secrétaire du chantier. Cet aspect de la profession est par ailleurs extrêmement normé, en particulier lorsque la maîtrise d’ouvrage est publique. Le rôle de chaque document est clairement défini et vise, dans l’ensemble, à garantir et à consigner les responsabilités de chacun des acteurs. Qu’il s’agisse de la garantie de parfait achèvement, des garanties biennale et décennale ou de l’assurance dommage-ouvrage, il est d’abord question d’assurance et donc de responsabilité engagée en cas de désordre ou de litige. Qui a commis une erreur ? Qui doit payer ? Ces questions sont à l’origine de la surenchère administrative, qui paraît toujours plus lourde à gérer au fur et à mesure des amendements et des « simplifications administratives ». Etre capable d’optimiser le traitement administratif, en utilisant des modèles simples et normalisés, éventuellement automatisés, apparaît donc inévitable si l’on souhaite limiter le temps consacré à ces tâches, qui font néanmoins inévitablement partie de la maîtrise d’œuvre.

Vue des menuiseries de la salle principale après réception. Documents utilisés pour suivre le chantier.

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Photographie de l’église et du palais abbatial

II.3. La mise aux normes comme opportunité d’architecture : le cas de Saint-Antoine-l’Abbaye

Mission de l’agence : Réaménagement du rez-de-chaussée du palais abbatial (mission complète) Maître d’ouvrage : Diocèse de Grenoble Budget : 750 000 € HT Phases abordées : Avant-Projet Sommaire, Avant-Projet Définitif Travail réalisé : Relevé, dessin de l’existant et du projet, modélisation 3D et perspectives, réunions avec la maîtrise d’ouvrage, les bureaux d’études, le contrôleur technique et la DRAC, constitution du dossier de demande d’autorisation de travaux.

HISTORIQUE A l’origine résidence de l’abbé et lieu de réception et de représentation, ce corps de bâtiment, attenant à l’église abbatiale, a été classé monument historique en 1981. S’il date en partie du XVIIe siècle, le palais abbatial a subi depuis de nombreuses transformations. Ses façades ont ainsi été remaniées à plusieurs reprises : recomposition des percements, modification des allèges et remplacement des menuiseries ont peu à peu conduit à l’hétérogénéité qui les caractérise aujourd’hui. Au XVIIIe siècle, un bâtiment annexe est construit. Accolé au pignon ouest du palais, il sert alors d’orangerie. Au XIXe siècle, une chapelle en ciment moulé est insérée à l’est, dans le corps du bâtiment. La communauté religieuse qui y est installée décline progressivement jusqu’à disparaître. Les usages du bâtiment s’en trouvent alors profondément reconfigurés : à la fin du XXe siècle, il sert d’accueil pour des groupes extérieurs, à l’occasion d’événements religieux ponctuels.

Photographie de la façade principale, du pignon ouest et de l’ancienne orangerie. Photographie des salons en enfilade.

En 1996, l’édifice n’étant plus conforme aux normes de sécurité, l’agence Groupe 6 conçoit un projet de réaménagement qui n’aboutit pas. En 2008, c’est au tour de l’architecte Alain François de faire une proposition. Sans suite. Aujourd’hui, cette non conformité fige le bâtiment, en l’empêchant d’être utilisé pour recevoir du public. C’est donc pour réaliser cette mise aux normes, condition sine qua non de sa réutilisation, que l’Atelier multiple a été sollicité par le diocèse de Grenoble. Mais dans un contexte de monument historique, l’exercice n’est pas simple. L’ouverture du palais abbatial en tant qu’Etablissement recevant du public (ERP) suppose non seulement sa conformité aux règles de sécurité incendie mais

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Plan d’ensemble du projet avec repérage de l’intervention en rouge Echelle : 1:500

également aux règles d’accessibilité. Parallèlement, son classement en tant que monument historique soumet de tels travaux à l’avis décisionnel de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Les monuments historiques sont en effet dispensés des formalités imposés par le code de l’urbanisme, telles que les demandes de déclaration préalable ou de permis de construire. En revanche, la soumission à l’avis de la DRAC impose des exigences bien plus conséquentes en termes de documents à fournir, et par là même des sauts d’échelle précoces, dès l’élaboration de l’avant-projet.

PROGRAMME Le contrat de maîtrise d’œuvre portait initialement sur l’aménagement du rezde-chaussée. L’objectif principal, dès le départ, était de rendre accessibles et conformes aux normes de sécurité incendie les salons donnant sur le jardin, pour qu’ils puissent être utilisés en tant que salles de réunions pour des séminaires ou autre. Il était également question d’aménager un réfectoire ainsi qu’un office de préparation, et d’améliorer l’efficacité du système de chauffage de l’ensemble du rez-de-chaussée. De ces questions somme toute assez pragmatiques, il s’agissait de faire émerger un projet d’ensemble, qui puisse à terme faciliter la réhabilitation des étages supérieurs, inutilisables pour les mêmes raisons. Pour aménager les 600 m² de surface utile du rez-de-chaussée, l’enveloppe prévisionnelle du maître d’ouvrage était de 600 000 euros, soit 1000 euros/m². Si un tel budget peut sembler relativement confortable pour réhabiliter un bâtiment ordinaire, dans un contexte de monument historique où les exigences attendues peuvent rapidement faire augmenter le montant des prestations, il s’agissait en réalité d’un budget serré. Pour l’atteindre, l’Atelier multiple a opté, dès l’étude préliminaire, pour des interventions minimales sur les salons, permettant dans le même temps de minimiser l’impact sur les décors en bois et en plâtre du XVIIIe siècle. Les point les plus problématiques à traiter étaient ceux de la mise aux normes des circulations et de son impact sur les menuiseries d’origine, et de la liaison entre le réfectoire et l’office. Rapidement, il a en outre été question d’anticiper l’implantation des circulations verticales nécessaires à l’accessibilité des étages, mais également de prévoir la possibilité d’un accès secondaire à l’arrière du bâtiment. Je suis intervenu sur le projet à partir de l’avant-projet sommaire (APS) jusqu’au dépôt de la demande d’autorisation de travaux. Soit six mois durant lesquels j’ai pu participer à la conception, aux campagnes de relevés et aux échanges avec la maîtrise d’ouvrage, les bureaux d’études, le contrôleur technique et la DRAC. J’étais en outre en charge du dessin des états projeté et existant, ainsi que de la constitution du dossier de demande d’autorisation de travaux.

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installation d’une cuve propane

création d’un accès secondaire extension entre l’office et le réfectoire

OFFICE

REFECTOIRE

SALON

HALL

SALON

SALON

MUSEE

SALON

entrée principale

JARDIN

EGLISE ABBATIALE

cheminement accessible jusqu’à l’entrée principale

accès depuis le parvis de l’église abbatiale 65


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Sas et meuble technique Vue perspective

RELEVE Devant la nécessité de produire des documents à l’échelle du 1/50e pour la DRAC, nous avons du affiner les premiers relevés réalisés, ainsi que le dessin de l’état existant. La confrontation des relevés topographiques réalisés par le géomètre aux relevés intérieurs faits par les précédents architectes n’étant pas satisfaisante, nous avons du vérifier nous-mêmes la géométrie de l’ensemble de l’édifice, dont les irrégularités, liées en partie à son mode constructif, étaient conséquentes. Cela impliquait, dans le dessin, des choix sur les éléments à préciser et des décisions quant aux décalages entre les différents documents à notre disposition. Jamais parfaitement conforme à la réalité des choses, le relevé et la reconstitution par le dessin d’un tel édifice demandent non seulement d’aiguiser son regard, mais aussi d’être capable de décrypter ce que l’on ne voit pas : modes d’assemblage et liaisons entre les éléments, irrégularité des parois et transformations opérées par rapport à l’état d’origine. Ce faisant, le dessin, de plus en plus en précis, m’a permis de maîtriser progressivement l’ensemble de l’état existant du bâtiment, y compris sa part invisible. Or, sur une opération de ce type, les allers-retours entre intentions de projets et attention à l’existant alimentent le processus de conception ; dessiner les choses telles qu’elles sont, c’est déjà faire du projet.

UNITE DE PASSAGE

Plan du RDC (extrait) Echelle : 1:200

L’avant-projet définitif (APD) a été une phase décisive dans l’élaboration du projet et sa matérialisation. Le rez-de-chaussée devenant un ERP de 5e catégorie, il a fallu dans un premier temps parvenir à conserver les vantaux d’origine des portes en enfilade tout en répondant aux besoins d’unités de passages liées à la sécurité incendie. Un élément contemporain, qui pourrait s’apparenter à un sas, vient ainsi se glisser devant les portes d’origine. Il permet de conserver ces dernières, en les laissant ouvertes en permanence, tout en assurant le cloisonnement nécessaire entre les salles de réunion. Il joue en outre le rôle de meuble technique, en permettant d’exploiter dans chacun des salons les réseaux d’électricité, de communication et de chauffage. Ceux-ci, non dissimulés, sont acheminés via un chemin de câbles, assumé en tant que tel, qui suit l’enfilade. Tandis que le meuble permet de dissimuler le passage des câbles d’une pièce à l’autre à travers les murs, il permet en outre, par le biais d’un joint creux, de minimiser l’impact de l’opération sur les décors. La mise aux normes des salons devient, par le biais de ce simple élément, un projet contemporain, dessiné et architecturé, qui s’affirme tout en respectant l’intégrité de l’existant et en demeurant parfaitement réversible.

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ARTISAN Le projet n’étant pas soumis à la loi MOP, nous avons pu, dès l’avant-projet, consulter un menuisier pour estimer la faisabilité du sas et du meuble technique et en établir un premier chiffrage. La rencontre avec l’artisan s’est révélée très instructive. Il nous a d’emblée mis en garde contre un sous-dimensionnement de la structure en bois, celle-ci devant être à même de supporter un vitrage assez épais et donc assez lourd. Il nous a ainsi orienté vers des sections plus appropriées, tout en prodiguant quelques conseils sur les assemblages et les essences de bois à utiliser. Ce type d’échanges, très en amont, avec les entreprises, constitue selon moi une chance, limitée malgré tout à la maîtrise d’ouvrage privée - exception faite des conceptions-réalisations. Riche d’enseignements, le savoir-faire des artisans est une ressource pour le travail de conception et permet en outre de se rendre compte assez tôt de la viabilité économique de certains ouvrages.

FLUIDES La rénovation des réseaux de chauffage et des réseaux électriques, mais également du système d’évacuation des eaux, supposait l’intervention, dès l’avant-projet, d’un BET29 fluides. Ce dernier, intervenant en tant que sous-traitant, nous a ainsi aidé au dimensionnement des équipements tout en validant et en amendant nos choix de conception. Qu’il s’agisse de la conception du système de chauffage, des chemins de câbles supportant les réseaux, de l’aménagement de la nouvelle chaufferie ou de l’implantation d’une cuve à propane à l’extérieur du bâtiment, la nécessité du bureau d’études s’est confirmée à mesure de l’avancement du projet. La connaissance technique des bureaux d’études, quasiment indispensable à la maîtrise d’un projet, est en outre une source d’apprentissage pour tout architecte, qui n’a pas toujours l’expérience nécessaire pour répondre seul à de telles questions.

STRUCTURE L’aménagement de l’office et du réfectoire constitue le second nœud du projet. La volonté de conserver l’ensemble des salons donnant sur le jardin a conduit à implanter le réfectoire à l’emplacement de l’ancienne orangerie, qui sert pour le moment de chapelle d’hiver. L’office, quant à lui, a d’abord été projeté à l’intérieur d’un bâtiment annexe, accolé à l’ancienne cuisine. L’espace de cette dernière était libéré pour permettre d’y aménager un futur escalier de secours. Insatisfaisante, cette solution a finalement évolué au moment de l’APD : dessiné à l’emplacement de l’ancienne cuisine, l’office s’articule

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29. Bureau d’études techniques


autour d’un noyau en béton, capable de supporter l’escalier qui se déploierait au dessus, entre le premier étage et les combles. Les discussions sur place avec le BET structure ont permis de concevoir un ensemble autoporteur, parfaitement indépendant de la structure de l’édifice. Dégagé de sa toiture, le bâtiment annexe devient un espace extérieur, au dessus duquel viendra se glisser, dans un second temps, une passerelle de secours entre le premier étage et le rez-de-chaussée. Dans la courette attenante, une extension est créée pour permettre une liaison confortable avec le réfectoire, tout en architecturant cet espace pour le moment sans qualité. L’extension permet en outre de stabiliser et de contreventer les murs du bâtiment annexe, arasés et protégés une simple couvertine. Cette liaison entre le réfectoire et la cuisine est donc devenue le moyen d’améliorer le fonctionnement de l’arrière du bâtiment, jusque là sans grande cohérence, tout en lui conférant une réelle qualité architecturale.

D.T.U.

30. En particulier le DTU 40.41 relatif aux «couvertures par éléments métalliques en feuilles et longues feuilles de zinc»

La conception de l’extension supposait de pouvoir la dissimuler en partie, tout en réglant la question de l’écoulement des eaux. La solution d’une toiture à noue encaissée couverte en zinc s’est rapidement imposée. Pour en éprouver la faisabilité, la dimensionner et la dessiner, j’ai pu m’appuyer sur les informations contenues dans les documents techniques unifiés (DTU)30. La normalisation inhérente à ce type de documents, qui régit la conception et les travaux d’exécution du BTP, constitue une base de données indispensable pour tout jeune architecte. Elle permet ainsi d’acquérir progressivement la connaissance et la maîtrise de techniques de construction éprouvées et homologuées, quitte à s’en détacher par la suite pour concevoir des détails moins courants.

CONTRÔLE

31. Certains décors en bois ne répondant aux normes de classement au feu des parois, il a été nécessaire de demander une dérogation, permise par le classement MH de l’édifice et de ses décors.

Le contrôleur technique intervenant sur le projet a été conseillé au maître d’ouvrage par l’Atelier multiple, qui a l’habitude de travailler avec lui. Il s’est avéré d’une grande aide sur toutes les questions relatives aux normes de sécurité et d’accessibilité, pendant l’élaboration de l’avant-projet mais également au moment de la rédaction des notices liées à la demande d’autorisation de travaux. Il nous a ainsi conseillé sur la stratégie à développer pour ne pas dépasser la 5e catégorie d’ERP et minimiser les contraintes réglementaires, mais également sur l’élaboration d’une demande de dérogation au titre de la sécurité incendie31. En tant que spécialiste des questions normatives, ses conseils avisés peuvent là aussi aider tout jeune architecte à résoudre des problèmes qui peuvent paraître

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Coupe sur l’extension et l’annexe transformée Démolitions en jaune et projet en rouge. Echelle : 1:100

très compliqués lorsque l’on débute, et ce faisant à faire des contraintes liées aux normes une ressource pour le projet.

PHASAGE L’un des grands enjeux était de concevoir une intervention réversible qui n’altère ni les décors ni la structure de l’édifice. Par ailleurs, le souhait émis par la maîtrise d’ouvrage de réaménager ultérieurement les étages supérieurs nous a conduit à prendre en compte leur mise en accessibilité et donc à élaborer un scénario cohérent, en scindant le projet en deux phases. Fixer la limite entre les deux n’a pas été chose facile, d’autant que le diocèse a plusieurs fois changé d’avis quant aux prestations à inclure dans la première. L’installation d’une rampe d’accès à l’arrière du bâtiment par exemple, originellement en lien avec le futur escalier principal et donc comprise dans la phase 2, a finalement été incluse à la demande d’autorisation de travaux portant, elle, sur la phase 1. Qui plus est, pour aménager la cuisine autour du noyau porteur du futur escalier, il nous a fallu dessiner cet escalier pour en éprouver la faisabilité. Le temps passé à cette conception, exclue de l’enveloppe prévisionnelle et donc des honoraires de maîtrise d’œuvre, était pourtant nécessaire à l’élaboration d’un projet d’ensemble, qui anticipe et limite au maximum, dans un souci d’économie, les interventions ultérieures sur les ouvrages réalisés en phase 1. Intégrer la notion de temps au projet d’architecture permet de lui donner une épaisseur et une viabilité à long terme. Plus que jamais décisive dans un contexte de monument historique, où l’on compose avec un édifice qui a traversé les siècles, cette dimension temporelle me semble tout aussi pertinente lorsque l’on intervient sur du bâti ordinaire. Inhérent à l’idée de développement durable, à travers la notion de coût global par exemple, le rapport de l’architecture au temps conditionne simultanément notre relation au patrimoine bâti.

Vue perspective de l’extension. Axonométrie des escaliers projetés en phase 2.

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3ème partie.

Le patrimoine à l’aune du développement durable

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III.1. Le temps et la mémoire : une architecture inscrite dans la durée.

MEMOIRE

32. F. Choay, op.cit., p.15

33. ibid., p.15

34. ibid., p.15

L’histoire, comme la mémoire, fondent le rapport de la culture au temps. Au cœur de cette relation, le patrimoine « assure, rassure, tranquillise en conjurant l’être du temps. Il est garant d’origines et calme l’inquiétude que génère l’incertitude des commencements. Défi à l’entropie, à l’action dissolvante qu’exerce le temps sur toutes choses naturelles et artificielles, il tente d’apaiser l’angoisse de la mort et de l’anéantissement »32. Dans L’allégorie du Patrimoine, Françoise Choay interroge, à travers les concepts de « monument » et de « monument historique », la dimension mémorielle du patrimoine. Du latin monere - se souvenir, le monument désigne originellement « tout artefact édifié par une communauté d’individus pour se remémorer ou faire remémorer à d’autres générations de personnes, des événements, des sacrifices, des rites ou des croyances »33. Le sens du monument a ensuite évolué, s’élargissant, pour reprendre Quatremère-de-Quincy, à « un édifice, soit construit pour servir à éterniser le souvenir de choses mémorables, soit conçu, élevé ou disposé de manière à devenir un agent d’embellissement des villes »34. Apparu peu avant la Révolution Française, le terme de « monument historique » est quant à lui plus complexe à appréhender. Prenant ses racines à la Renaissance, au moment où la distance historique vis-à-vis des oeuvres de l’Antiquité se conjugue à la conceptualisation de l’art comme discipline autonome, le terme renvoie à la fois au savoir, à la sensibilité esthétique et à la mémoire affective. Il a été chargé, au fil des siècles et selon les courants de pensées, de valeurs parfois contradictoires dont Aloïs Riegl a, le premier, défini les termes dans Le culte moderne des monuments.

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Au Japon, la filature de soie de Tomioka, construite en 1872, a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2014. Elle est aujourd’hui visitée par de nombreux touristes.

Il y distingue trois classes de monuments35 : les monuments intentionnels, « destinés, par la volonté de leurs créateurs, à commémorer un moment précis ou un événement complexe du passé » ; les monuments historiques « qui renvoient encore à un moment particulier, mais dont le choix est déterminé par nos préférences subjectives », a posteriori ; enfin les monuments anciens « qui témoignent à l’évidence avoir subi l’épreuve du temps ». À ces trois classes de monuments correspondent trois valeurs entretenant chacune un rapport différent à la mémoire. La valeur de remémoration intentionnelle « ne revendique rien de moins pour le monument que l’immortalité, l’éternel présent, la pérennité de l’état originel »36. Elle est caractéristique de l’Arc de Triomphe, par exemple. La valeur historique tient dans la représentation d’un stade particulier de l’histoire de l’édifice. Elle est documentaire et « conservatrice ; elle veut tout préserver, et dans l’état présent »37 au nom de l’authenticité historique. La valeur d’ancienneté, enfin, tient à la perception des traces du temps qui passe et de l’activité destructrice de la nature : « le monument n’est plus que le substrat sensible nécessaire pour produire sur le spectateur cette impression diffuse, suscitée chez l’homme moderne par la représentation du cycle nécessaire du devenir et de la mort »38. Avec la valeur d’art, ces trois valeurs définies par Riegl fondent, séparément ou conjointement, selon les lieux et les individus, l’attachement des hommes aux monuments, par le biais de la mémoire. Elles ont peu à peu contribué au « culte officiel du patrimoine historique, devenu partie intégrante du culte de la culture »39 analysé un siècle plus tard par Françoise Choay.

35. A. Riegl, op.cit., p.55

36. ibid., p.93

37. ibid., p.90

38. ibid., p.54

39. F. Choay, op.cit., p.162

EVOLUTION Depuis la Renaissance jusqu’à aujourd’hui, le rapport de la société - voire des sociétés - au patrimoine bâti a en effet considérablement évolué. Peu à peu assimilée, l’idée d’un ensemble de biens communs à une nation s’est globalisée, donnant naissance à l’idée d’un « patrimoine mondial »40. En s’étendant hors de son champ d’origine, que l’on pourrait restreindre à l’Italie, la France et la GrandeBretagne, la conception européenne du patrimoine s’est répandue à travers le monde, se généralisant ainsi dans l’espace. Cette dernière, limitée pendant tout le XIXe siècle et pendant une large partie du XXe siècle à des édifices antérieurs à la révolution industrielle, s’est en outre élargie progressivement à tout un pan plus récent de la production architecturale. Comme l’affirmait Roland Barthes : « L’histoire ne se constitue que si on la regarde, et pour la regarder, il faut en être exclu »41. Or, les ruptures historiques liées entre autres à la Seconde Guerre Mondiale et à la fin de l’ère industrielle ont entraîné une prise de distance par rapport à des édifices et des ouvrages que, jusque là, on

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40. En 1972, la convention de l’Unesco pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel entérine cette idée.

41. R. Barthes, in F. Choay, op.cit., p.18


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La Nakagin Capsule Tower à Tokyo, emblématique du mouvement métaboliste des années 1960

42. F. Choay, op.cit., p.61

43. L’église Saint-Pierre de Firminy, conçue par Le Corbusier mais réalisée après sa mort est classée monument historique depuis 1996. A Tokyo, des architectes militent pour la préservation de la Nakagin Capsule Tower, construite en 1972 par l’architecte Kisho Kurokawa et emblématique du mouvement métaboliste.

44. Exposition organisée à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, du 17 décembre 2014 au 28 septembre 2015.

45. F. Edelmann, «Peuton parler d’une évidence patrimoniale» in F. Rambert (dir), Un bâtiment, combien de vies, Paris : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2015, p. 43

46. ibid., p.43

47. Y. Tsukamoto, in F. Léglise, op. cit., pp.34-35

n’eût songé à préserver : usines et sites industriels tels qu’à Emscher Park dans la vallée du Rhin ou même aéroports comme Tempelhof à Berlin. La fin d’une ère et la peur de son oubli entraînent le besoin d’en conserver les traces : là où s’arrête le quotidien, commence la mémoire. Ainsi, là où, au XIXe siècle, « la désaffection des monastères et d’autres édifices religieux [a créé] à leur endroit une distance historique que la familiarité de l’usage [permettait] plus difficilement »42, la désaffection des usines et autres édifices industriels a aussitôt entraîné leur patrimonialisation, tandis que certaines reliques de l’architecture moderne voire postmoderne43 sont elles aussi entrées dans le champ du patrimoine. L’évolution accélérée de nos modes de vie et la modification de notre rapport à l’espace et au temps, permise par la mondialisation et le développement des technologies d’information et de communication, jouent sans doute un rôle dans le raccourcissement de la distance historique nécessaire à la mise en mémoire. Mais en s’élargissant ainsi, à la fois dans le temps et dans l’espace, le champ du patrimoine bâti est devenu de moins en moins clair. Ses contours se sont floutés, au point de se confondre avec le présent. Dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? »44, Frédéric Edelmann se demande ainsi : « Que doit-on appeler patrimoine alors que la notion d’histoire tend à s’effacer pour faire classer des éléments de plus en plus récents, encore peu ou pas porteurs d’enseignement, ou portés par une minorité de professionnels éclairés ou qui se voient comme tels? Au point que des architectes contemporains s’activent pour faire inscrire leurs propres œuvres sur les registres de la nation, et les faire protéger de fait. Les exemples abondent qui voient des groupes de professionnels associer leurs signatures pour protéger désormais des édifices récents non classés et menacés de destruction »45. Tout se passe comme si le rapport de l’architecture à l’histoire, à l’origine de l’invention du patrimoine historique, comptait désormais moins que d’autres critères dans la délimitation contemporaine de ce que l’on considère comme patrimoine. « Car, et c’est peut-être là la rupture qui, en la matière, définit le XXIe siècle, la valeur patrimoniale qui était attribuée aux édifices par les marques du temps cède désormais le pas à une valeur absolue, indépendante de l’histoire, fondée sur une sorte d’estime esthétique, et sur le droit moral y afférent, accordée à tel ou tel bâtiment »46. Toutefois, ce constat peut aussi être regardé, à travers un autre prisme culturel, comme une évolution porteuse de sens. Ainsi, pour Yoshihiru Tsukamoto, fondateur de l’Atelier Bow-Wow, « le patrimoine s’apprécie avec le temps. Plus qu’un simple objet, il peut concerner un système ou une compétence. Le patrimoine doit refléter l’effort de ceux qui considèrent qu’un édifice est important pour eux et tentent de le préserver. C’est une manifestation de respect de la part d’êtres humains, qui donne à l’architecture sa raison d’être dans le processus de construction sociale »47.

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ORDINAIRE D’un côté, donc, certains militent pour la conservation au nom de ce que Riegl définissait comme valeur d’art, apparentée à une conception esthétique contemporaine, applicable à des édifices récents, voire contemporains. Sur des édifices plus anciens, la valeur d’art se mêle à la valeur historique pour alimenter un intérêt à la fois scientifique et esthétique. Ce sont là les principaux critères de classement et de conservation, qui supposent d’un édifice qu’il manifeste de manière extra-ordinaire les qualités techniques et artistiques relatives à une époque révolue. Mais d’un autre côté, échappant à la définition institutionnelle du patrimoine, s’ouvre aussi le champ de l’architecture ordinaire ; une architecture parfois banale, dans laquelle la valeur patrimoniale n’est plus affaire d’Etat, mais celle d’un groupe ou d’une famille, celle de l’individu à qui nous nous adressons, en tant qu’architectes, lorsqu’il s’agit de transformer, de réhabiliter ou de rénover un bien. Ce patrimoine ordinaire, qui n’est pas nécessairement significatif d’un point de vue historique, porte néanmoins en lui de petites histoires, à même d’être révélées et racontées par un projet d’architecture. Or, dans cette mise en histoire, le rapport aux usages occupe une place privilégiée. Reprenant les idées développées par John Ruskin48, Françoise Choay écrit : « l’architecture est le seul moyen dont nous disposions pour conserver vivant un lien avec un passé auquel nous sommes redevables de notre identité, et qui est constitutif de notre être. Mais plutôt que par l’histoire ou une histoire, ce passé est d’abord et essentiellement défini par les générations d’humains qui nous ont précédés »49. L’architecture porte en elle et nous transmet aussi ce qui pourrait s’apparenter à une mémoire des usages, dissimulée dans la forme même des édifices : « Que rappellent alors les édifices anciens ? La valeur sacrée des travaux que des hommes de bien, disparus et inconnus, accomplirent pour honorer leur Dieu, aménager leurs foyers, manifester leurs différences. En nous faisant voir et toucher ce que virent et touchèrent les générations disparues, la plus humble demeure possède, au même titre que l’édifice le plus glorieux, le pouvoir de nous mettre en communication, presque en contact, avec elles »50. Susceptible d’être révélée et déployée, cette mémoire s’adresse à notre sensibilité et peut participer, ce faisant, aux qualités émotionnelles de l’architecture.

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48. Critique d’art britannique, John Ruskin est notamment l’auteur des Sept lampes de l’architecture et des Pierres de Venise

49. F. Choay, op.cit., p.108

50. ibid., p. 108


DURABLE

51. Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Madame Gro Harlem Brundtland, avril 1987 52. J-M. Huygen, La poubelle et l’architecte, Paris : Actes sud, 2008, p. 85

Enraciné dans le temps, dans l’histoire et dans la mémoire, le réemploi du bâti existant, sa transformation, son adaptation aux usages contemporains constitue en outre le point de départ d’une conception durable de l’architecture. Le développement durable, nouvelle religion de nos sociétés, part d’un principe simple : permettre « un développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins »51. Or, tel qu’analysé par Jean-Marc Huygen dans La poubelle et l’architecte, « le patrimoine est l’ensemble des choses dont nous disposons au temps T pour aborder le temps T+1, aujourd’hui pour aborder demain »52. Autrement dit, l’idée de développement durable, de la même manière que l’idée de patrimoine, cherche à transmettre au mieux les disponibilités présentes aux générations suivantes. Cette coïncidence de valeurs entre les deux idées joue sans doute un rôle important dans la mise en avant, depuis la fin du XXe siècle, de projets de réhabilitation et de transformation, de plus en plus médiatisés. Car les deux idées participent bien d’un même changement de paradigme : économiser ce dont nous disposons pour pouvoir survivre à demain, tant physiquement que culturellement.

REEMPLOI

53. J-M. Huygen, op. cit., pp. 170-171

54. F. Choay, op. cit., p. 170

Forme la plus explicite de l’économie de moyens en architecture, le réemploi intervient sur l’usage, en conservant la matière et la forme d’un édifice. Il en modifie le sens en l’adaptant à une situation inédite, sans modifier sa forme et la mémoire que celle-ci contient. En cela, il diffère du recyclage ou de la transformation, qui supposent « un changement de forme » et de la rénovation ou de la restauration, qui concernent « essentiellement la matière, et non l’usage »53. Le réemploi de matériaux, pratique défendue par des architectes tels que JeanMarc Huygen, Patrick Bouchain ou ceux de Rural Studio, vise ainsi à utiliser pour la construction des matériaux initialement considérés comme des déchets, en les sublimant par leur mise en oeuvre tout en conservant leur sens originel. En appliquant le réemploi aux édifices eux-mêmes, l’objectif s’inscrit dans une perspective de développement durable, en diminuant l’énergie grise liée à l’acte de construire. Mais au delà, pour Françoise Choay, le réemploi consiste à « réintroduire un monument désaffecté dans le circuit des usages vivants, [...] l’arracher à un destin muséal ». Il constitue « sans doute la forme la plus paradoxale, audacieuse et difficile de la mise en valeur patrimoniale »54.

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Vue de loin du projet de Christelle Chalumeaux à Colombes (source : www. ladenantes.blogspot.fr)

III.2. Patrimoine et économies d’énergie : une impossible équation ?

CHAMALLOW

55. S. Vincendon, “C’est une maison rose”, Libération, 15 janvier 2011

A Colombes, dans les Hauts-de-Seine, l'architecte Christelle Chalumeaux a été sollicitée par les propriétaires d'un pavillon des années 1930 qui souhaitaient agrandir leur maison. Mais pour obtenir le droit de réaliser cette extension, la municipalité leur oppose une condition : améliorer dans le même temps la performance thermique du bâtiment existant. Le choix de l'architecte et des clients se porte alors sur une isolation intégrale de la maison par projection de mousse polyuréthane. Choix radical, et pied-de-nez à l'article 11 du plan local d'urbanisme, le pari est osé et demande à l'architecte de défendre le projet : « très vite, j’étais dans le bureau de l’adjoint à l’urbanisme pour le convaincre. Je suis arrivée à 8 heures du matin et je suis sortie à midi ». Le projet est finalement accepté, non sans hésitation : « Patrick Chaimovitch, l’adjoint, se souvient que, devant ce dossier, « les gens des services ont fait des bonds ». Admettant que c’était « un peu spécial », il a « beaucoup hésité ». «Et finalement, signé le permis.» Avec une réserve : pas de bleu, trop balnéaire »55. C'est donc d'une délicate mousse rose que se pare la maison, couleur qui lui vaut rapidement le surnom de « guimauve », « chamallow » ou « chewing-gum » de la part des voisins et des passants. Comme une seconde peau, la mousse épouse les formes de la maison, laissant apparaître discrètement les modénatures d'origine. Sorte d’allégorie de l’isolation par l’extérieur, poussée à son degré extrême de simplicité et d’audace, le projet de Christelle Chalumeaux interroge. Il questionne de manière radicale la relation parfois conflictuelle entre préservation du patrimoine et exigences réglementaires liées au développement durable.

Détails de l’enduit en mousse polyuréthane (source : www. ladenantes.blogspot.fr)

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REGLEMENTATION Au cœur de la relation entre architecture et développement durable, la réglementation thermique fixe des objectifs à atteindre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre56 liées principalement à l'utilisation des bâtiments et, timidement mais de plus en plus, à leurs modalités de construction. Les questions de l'épuisement des ressources et du changement climatique y sont au cœur des enjeux. Initiée en 1974, suite au premier choc pétrolier, la réglementation thermique a été remaniée à plusieurs reprises. A chaque fois, elle s'est enrichie des prises de recul et des études menées sur le comportement thermique des bâtiments, sur les différentes filières du BTP et sur les innovations technologiques successives. La réglementation est utilisée comme un levier d'action pour induire des changements de comportement dans le domaine de la construction et auprès des usagers. En 2007, lors du premier Grenelle de l'environnement, le président de la république annonçait ainsi 57 : « C’est une priorité et c’est une urgence. Nous voulons la réduction de la consommation d’énergie par les bâtiments. Je vous propose de retenir deux règles. Dès avant 2012, tous les bâtiments neufs construits en France répondront aux normes dites de basse consommation » ; et dès 2020, tous les bâtiments neufs seront à énergie positive, c'est-à-dire qu’ils produiront davantage d’énergie qu’ils n’en consomment ». Mais, suivant l'architecte Marc Bénard58, en tablant ainsi sur la généralisation des bâtiments basse consommation, et sur une production de bâtiments neufs correspondant chaque année à 1% du parc existant, « il faudra [...] attendre le milieu du siècle pour qu'un tiers du parc immobilier soit efficace énergétiquement. L'intervention sur les bâtiments existants apparaît donc comme indispensable pour réduire les consommations énergétiques et limiter le changement climatique ». La rénovation thermique de 400 000 logements par an, objectif fixé par la loi Grenelle I et repris en 2010 par la loi Grenelle II, doit ainsi permettre de répondre à cette ambition, par l'amélioration progressive du parc existant.

INDICES Désormais au cœur du métier d'architecte, la réglementation thermique fixe des exigences de résultats et des exigences de moyens, qui font office de normes. La généralisation du Diagnostic de Performances Energétiques (DPE) et l'obligation de respecter un certain nombre d'indices (Bbio, Cep, Tic) révèlent à elles seules l'importance du chiffre dans l'élaboration de ces normes : tout semble pouvoir être quantifié. Cela permet de fixer clairement les objectifs à atteindre, et surtout d'en évaluer

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56. L'objectif "facteur 4" adopté à l'échelle européenne vise à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.

57. Discours du Président de la République à l’occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l’Environnement, 25 octobre 2007, p. 11

58. M. Bénard, "Durable et patrimonial", D'architectures, n°207, avril 2012, pp.44-46


les effets pour être à même de les communiquer. Mais le chiffre, ou l'indice, et son préalable, le calcul, étant avant tout des outils d'ingénierie, leur déploiement dans le domaine de l'architecture est significatif de la complexité technique et technologique croissante liée à l'exercice de la maîtrise d'œuvre. Désormais, la compétence de bureaux d'études de plus en plus spécialisés est devenue indispensable aux architectes. D'une certaine manière, la réglementation thermique, au même titre que l'ensemble des normes applicables à l'acte de construire, contribue à la rationalisation de ce dernier.

ENERGIE

59. A. Pouget, " Le parc existant, une chance pour rénover de manière performante et durable", Actes du colloque "Patrimoine architectural parisien & développement durable", Commission du Vieux Paris, octobre 2011, p.67

60. S. Brunel, A qui profite le développement durable, Paris : Larousse, 2008, p.20

La question de l'énergie, et de son économie, est centrale. Aux yeux de la réglementation thermique, la performance d'un bâtiment se calcule d'abord en quantité d'énergie dépensée pour chauffer, rafraîchir ou ventiler un espace intérieur. Le coefficient de transmission thermique surfacique U, utilisé pour évaluer la résistance thermique d'une paroi, est ainsi donné en W/m².K (énergie/ surface*température). Le DPE, quant à lui, donne des valeurs de références calculées en kWh(ep).m².an. André Pouget, ingénieur en physique et thermicien, lorsqu'il intervient sur des opérations de rénovation thermique, s'attèle à « vendre de la non-énergie, c'est à dire de la maîtrise d'énergie, avant de parler de savoir quelle énergie, électricité ou gaz (ou autre) on va utiliser. Les deux impactent notre environnement. La plus respectueuse, c'est celle qui n'est pas consommée. Pour cela, nous œuvrons à vendre de la non-énergie »59. Dépenser moins d'énergie pour protéger nos espaces intérieurs des aléas du climat extérieur, en été comme en hiver ; c'est d'abord de cela qu'il est question, en proposant des solutions techniques adéquates.

PRODUITS Lorsqu'il s'agit d'intervenir sur un bâtiment existant pour en améliorer les qualités énergétiques, le choix des matériaux et des solutions techniques constitue la plupart du temps le noyau dur de l'opération. Au fil des dernières décennies, le marché de la construction s'est progressivement adapté et transformé pour s'insérer dans la logique du développement durable. De nouveaux produits ont ainsi vu le jour, accompagnés par le déploiement d'un arsenal publicitaire toujours plus vert, « le développement durable devenant surtout un slogan publicitaire permettant de séduire le consommateur, le client ou le partenaire institutionnel susceptible de passer un marché et de fournir des débouchés »60. Pour les industriels de la construction, le développement durable constitue donc un nouveau marché, soumis aux lois de la

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concurrence et de l'innovation mais aussi à celles du lobbying. Dans HQE, les renards du temple, Rudy Ricciotti dénonce avec la verve qui le caractérise « les lobbies industriels autant qu'énergétiques [qui] ont largement compris le caractère fécondant de ce nouveau dispositif écologique, et structuré les normes opposables »61. Car le rôle des grands groupes de l'industrie dans l'aventure du développement durable s'étend bien au delà du simple marketing : « Le titre HQE avec "registered mark" appartient à l'AIMCC dont le tout récent président à ce jour est Jean-Marie Vaissaire, directeur général de la région France/Benelux/Algérie de Saint-Gobain, directeur général de la société Placoplâtre, directeur général d'Isover et, par ailleurs, co-président du groupe de travail n°5 "industrie" au Grenelle de l'Environnement »62. Il est dès lors raisonnable de se demander ce que cela implique pour les architectes et pour l'architecture en général. M. Bernard et P. Gontier, architectes, s'en prennent ainsi à un autre label : « les bâtiments Minergie reposent sur des solutions techniques plus que sur une architecture spécifique : ventilation mécanique, enveloppe étanche, très forte isolation, etc. » jusqu'au « développement de « modules Minergie » : murs et isolants, portes, fenêtres, etc, avec plus de 200 produits disponibles ». Ils en déduisent « un risque que cette relative standardisation induise une « architecture de produits » et renforce une tendance à s’abstraire de son environnement »63.

61. R. Ricciotti, HQE, les renards du temple, Marseille : Al Dante, 2010, p.12

62. ibid., p.32

63. « Minergie, dans le maquis des labels », AMC Le Moniteur n°174, nov 2007, pp.50-52

CONFLIT Aujourd'hui inévitable, sans être insoluble, le conflit qui oppose un développement durable articulé autour de la norme, du chiffre et du produit et une alternative ancrée dans l'attachement à l'existant et au patrimoine, ne peut être résolu que par les architectes qui s'en emparent. Pour Elisabeth Borne, directrice de l'urbanisme à la ville de Paris, « chez les intervenants qui peuvent avoir vocation à intervenir en matière de conseils ou dans les actions de mise en oeuvre [...] il est rare de trouver aujourd'hui la double compétence développement durable et compétence patrimoniale »64. Or c'est peut-être en effet l'une des clés pour résoudre l'équation, en s'appuyant par exemple sur la pratique du réemploi pour enrichir sa démarche. A la Haute Qualité Environnementale, Patrick Bouchain oppose ainsi la Haute Qualité Humaine en tablant sur l'idée de « conserver pour être révolutionnaire ». Soulignant son adhésion à la pensée de Jean-Marc Huygen, il affirme ainsi : « j'ai le passé, je n'en fais pas table rase, donc je réemploie ».65 Dans cette même optique, et de manière tout à fait pragmatique, Jean-Marc Blanchecotte, chef du STAP66 de Paris invite à repenser le traitement actuel réservé aux menuiseries non conformes à la réglementation thermique : « Ce que nous souhaitons, c'est essayer d'inviter les fabricants à faire des efforts, et ne pas utiliser simplement ce qui existe sur le marché. Les obliger, par leurs recherches, à avoir des

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64. E. Borne, " Règles, principes et pratiques à Paris", Actes du colloque "Patrimoine architectural parisien & développement durable", Commission du Vieux Paris, octobre 2011, pp.11-12 65. P. Bouchain, in J-M. Huygen, op. cit., pp. 9-10

66. Service territorial de l'architecture et du patrimoine


67. J-M. Blanchecotte, "Enjeux énergétiques versus procédures patrimoniales", Actes du colloque "Patrimoine architectural parisien & développement durable", Commission du Vieux Paris, octobre 2011, p. 15

verres plus isolants, de telle sorte qu'on puisse conserver les menuiseries et améliorer leurs capacités phoniques et thermiques. Et par ailleurs, changer les menuiseries ce n'est pas du développement durable ! Quand on dépose des menuiseries, on a une perte. Préserver le patrimoine, c'est de toutes façons de l'économie d'énergie »67. Partir de la préservation du patrimoine pour penser le développement durable n’est pas une idée révolutionnaire. Mais elle demande un véritable engagement et une somme de compétences techniques particulières pour faire bouger les lignes des pratiques aujourd’hui dominantes.

ISOLATION Levier essentiel dans l'amélioration énergétique du bâti, la question de l'isolation est une question à la fois technique et esthétique, qui engage avec elle une partie du projet architectural. Aujourd'hui, l'isolation par l'extérieur (ITE) semble s'être répandue dans les pratiques du BTP comme le nouveau cheval de bataille de l'économie d'énergie. On emballe des immeubles récents ou plus anciens de laine minérale, de laine de chanvre, de polystyrène. On les recouvre de bardages en bois - matériau vert par excellence, en métal ou par les désormais très répandus panneaux de résine ou de dérivés plastiques qui, ne se patinant pas et ne demandant aucun entretien, donnent l'illusion qu'ils ne vieilliront jamais ; les « passoires thermiques » sont devenues « durables ». La question de l'isolation touche aux différentes caractéristiques thermiques de l'enveloppe d'un bâtiment, qui mettent en jeu à la fois les propriétés des différents matériaux qui la composent mais également leurs modes d'assemblage et leurs liaisons. La conductivité et la capacité thermique, mais également la diffusivité, l'effusivité et la prise en compte des ponts thermiques permettent d'évaluer le comportement thermique d'une enveloppe : sa capacité à freiner, capter, stocker et transmettre les échanges de chaleur entre l'intérieur et l'extérieur d'un bâtiment. Mais l'isolation ne se pense plus, désormais, sans aborder la question de l'étanchéité à l'air. Pour assurer une gestion vertueuse des flux thermiques et une maîtrise des dépenses énergétiques, il est devenu indispensable de prendre en compte les échanges d'air entre intérieur et extérieur ; un bâtiment neuf qui respecte la réglementation en vigueur doit ainsi être aujourd'hui parfaitement étanche à l'air, dont le renouvellement est régulé par une ventilation mécanique contrôlée (VMC) à simple ou double flux. Mais lorsqu'il s'agit d'appliquer ces principes aux bâtiments existants, et tout particulièrement aux bâtiments préindustriels, la question se fait plus complexe.

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L'isolation par l'extérieur pose une première question évidente, celle de la qualité architecturale des façades. Elle se pose certes moins pour des bâtiments protégés de la mise aux normes environnementales, par exemple au titre des monuments historiques. Mais lorsqu'il s'agit d'intervenir sur du bâti plus courant, avec ses propres spécificités architecturales, l'isolation par l'extérieur demande à l'architecte de faire preuve d'une grande finesse pour ne pas faire sombrer la façade dans la banalité et la pauvreté ambiante du polystyrène et du plastique. Solution alternative, l'isolation par l'intérieur (ITI) n'engage pas de modification en façade mais n'est tout de même pas évidente à gérer. Elle peut par exemple gommer les qualités d'inertie et de déphasage de parois en pierres ou en briques, voire créer des désordres si elle n'est pas parfaitement exécutée : « Dès qu'on isole par l'intérieur un bâtiment ancien, du même coup, au niveau des liaisons de parois, on génère un pont thermique qui n'existait pas. [...] En termes de déperditions uniquement, il n'y a pas de réels soucis, la situation après isolation est vraiment plus avantageuse. En revanche, il est essentiel de traiter d'éventuels effets collatéraux [...] c'est à dire les éventuelles pathologies »68. Les travaux d'isolation et d'étanchéité, quelle que soit leur forme, demandent en effet de ne pas mettre en danger la santé-même de l'enveloppe et du bâtiment. Les propriétés thermiques et hydriques du bâti ancien, en pierre notamment, témoignent, pour reprendre Hubert Lempereur, d'un « équilibre aussi remarquable que fragile » et imposent « la plus grande prudence [...] lorsqu'on intervient sur de tels bâtiments, afin de ne pas mésuser de leurs potentiels de confort - trop subtils pour que les calculs conventionnels actuels puissent en rendre compte - et ne pas compromettre leur durabilité »69. La migration de la vapeur d'eau entre l'intérieur et l'extérieur, phénomène naturel dans le bâti ancien, peut ainsi générer d'importants désordres lorsque l'on entreprend d'en étanchéifier et d'en imperméabiliser les parois. Les points de condensation qui se créent alors peuvent altérer de manière irrémédiable la structure du bâtiment. Progressivement, des solutions se mettent néanmoins en place pour palier à l'inadéquation entre certains matériaux et procédés courants et les qualités et comportements spécifiques du bâti ancien. L'installation de double-fenêtres ou le remplacement du vitrage par un simple vitrage performant type Van Ruysdael peuvent améliorer la performance thermique des menuiseries d'origine et permettre de les conserver. L'utilisation d'enduits isolants à base de chaux et de matériaux isolants (chanvre, liège, pouzzolane) peut améliorer les propriétés thermique de parois en pierre tout en préservant leur intégrité. L'isolation d'un immeuble par l'intérieur côté rue, et par l'extérieur côté cour peut également être un choix judicieux si l'ensemble du projet est maîtrisé.

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68. A. Pouget, op. cit., p.68

69. H. Lempereur, "Des produits innovants au service de la réhabilitation", D'Architectures n°207, avril 2012, pp. 58-61


Car il s'agit bien là de projet d'architecture. L'amélioration thermique du parc existant n'est pas qu'affaire de recettes éprouvées appliquées au compte-goutte. Il s'agit bien, pour chaque édifice, de comprendre ses spécificités, ses atouts et ses lacunes, pour tâcher de l'améliorer sans en compromettre les qualités. En cela, les « compétences patrimoniales » d'un architecte, qui passent notamment par une extrême attention à l'existant, peuvent largement contribuer à concilier économies d'énergie et préservation architecturale, voire puiser dans le patrimoine lui-même pour alimenter le débat sur l'économie d'énergie.

CONFORT

70. C. Amsler, "Energétique du patrimoine", D'Architectures n°207, avril 2012, pp.34-43

L'architecte Christophe Amsler a mis en lumière, par sa pratique, des qualités climatiques jusque là insoupçonnées dans un patrimoine évalué trop vite en fonction des seuls critères normatifs contemporains. La réhabilitation du château de Nyon en musée historique, menée entre 1993 et 2006, a été l'occasion pour lui d'aller jusqu'à interroger la notion contemporaine de confort, à travers le principe de température flottante. Pour réaliser une intervention contemporaine sur ce château du XVIe siècle, édifié au bord du lac Léman, il l'a d'abord pensée à partir des potentiels et des limites de l'enveloppe de l'édifice. Sa première observation a été la suivante : « l'enveloppe d'un bâtiment ne subit aucune contrainte physique notable si la différence de température entre l'air intérieur et l'air extérieur n'excède pas 12 à 15°C. Lorsque cet écart thermique est respecté, pas de pression sur l'enveloppe, pas de tension constructive, pas de différentiel non plus entre les taux intérieur et extérieur d'humidité, pas de condensation donc, ni d'assèchement de l'air intérieur »70. Le projet s'est donc articulé autour de l'idée de « libérer le climat intérieur, l'affranchir du joug de la constance, lui permettre de fluctuer au contraire durant la journée et au cours des saisons, en suivant, à 15°C près, les modulations du climat extérieur » en s'appuyant sur le constat complémentaire que cette température flottante n'a aucune incidence sur la conservation des objets muséaux. Au contraire, loin de nécessiter un climat homogène dans l'ensemble de l'édifice « chaque objet muséal [...] commande en réalité un climat propre, adapté à sa matérialité particulière ». A Nyon, le système central de production de chaleur tient dans une petite unité centrale située dans l'entresol des combles, tandis que dans chaque pièce, un simple « bahut technique » complète cette production tout en abritant l'ensemble des éléments techniques : « réglage de la lumière, alarmes de surveillance, diffusion sonore, humidification d'appoint, protection incendie, etc. ». L'intervention, extrêmement modeste et économe en énergie, tant dans la consommation que dans la mise en œuvre, permet ainsi de conserver intégralement l'enveloppe, sans isolation et sans altération des menuiseries d'origine.

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Coupe sur le château de l’Aile à Vevey avec repérage du système de chauffage à air pulsé (source : D’Architectures n°207, avril 2012, pp. 34-43)

Mais un tel parti suppose de s'affranchir de la constance, de la linéarité du climat intérieur, « à laquelle nous lions aujourd'hui indiscutablement notre idée de confort ». Pour Amsler, « face à l'abstraction d'un climat unique », il s'agit de « partir du patrimoine » et de ses enseignements pour « redécouvrir les charmes de la fluctuation et des modulations, la richesse des expositions, le potentiel des gradients, le bienfait des transferts et de la porosité », et « retrouver le bon sens des fenêtres qui s'ouvrent, du soleil qui rayonne et des nuits de lune ». Sur la réhabilitation du château de Valère, dans la haute vallée du Rhône, il a poussé l'expérimentation plus loin, allant jusqu'à mettre à profit les fluctuations de climat entre les différents espaces intérieurs de l'édifice. Par une étude très fine de son fonctionnement, et en perçant quelques ouvertures dans les planchers et les plafonds, il est parvenu à assurer « une autorégulation passive du bâtiment pris dans son ensemble ». Enfin, au château de l'Aile, à Vevey, il a profité de l'existence d'un dispositif de chauffage à air pulsé datant, comme l'édifice, de la fin du XIXe siècle pour assurer aux habitants le confort attendu aujourd'hui à l'intérieur d'un bâtiment. En conservant intégralement le système et en l'enrichissant simplement d'une « récupération de l'air chaud à chaque niveau de logement, de manière à créer, à l'intérieur du bâtiment, un flux fermé de chaleur », il est, là encore, parvenu à conserver les remarquables dispositions d'origine de l'édifice. Pour Christophe Amsler, « s'il y a une voie que le patrimoine nous indique dans le domaine de la rationalisation énergétique, c'est sans doute celle d'une réconciliation avec l'idée de mouvement et d'osmose ».

Système de chauffage central du château de Nyon. Coupe sur le château de Nyon, avec repérage de l’intervention en rouge. Menuiserie et espagnolette en laiton d’origine conservées dans le château de l’Aile. (source : D’Architectures n°207, avril 2012, pp. 34-43)

BIOCLIMATIQUE Dans ces quelques projets, les principes du bioclimatisme sont sous-jacents. Ils pourraient se résumer à l'adéquation entre l'enveloppe du bâtiment, le climat et l'environnement dans lequel il s'implante et le mode et rythmes de vie des habitants et des usagers. Autrement dit, « construire et vivre avec le climat et non contre lui ».71 A l'autre bout du monde, sur une petite île de l'archipel de Seto, au Japon, l'architecte Hiroshi Sambuichi a mené une expérimentation bioclimatique sur un tout autre type de bâti : une fonderie de cuivre laissée à l'abandon. Inoccupée pendant près d'un siècle, l'usine a été transformée en musée dans le cadre de la requalification des îles de Naoshima, Teshima et Inujima. A défaut de concevoir la réhabilitation autour d'une collection d'œuvres d'art, l'architecte a fait du bâtiment lui-même l'œuvre à explorer. Loin de notre cadre normatif actuel lié aux préoccupations du développement

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71. S. Courgey, J-P. Oliva, La conception bioclimatique, Mens : Terre vivante, 2008, p.33

Meuble technique disposé dans les salles du château de Nyon. Coupe sur le château de Valère, avec repérage des variations climatiques selon les pièces. (source : D’Architectures n°207, avril 2012, pp. 34-43)


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Vue d’ensemble du projet (source : Inujima Seirensho Art Museum Handbook)

durable, le Japon avance pas à pas vers sa propre conception écologique de l'architecture. Dans ce lent processus, le projet du Seirensho Art Museum fait figure de pionnier. Le musée s'articule autour de quatre espaces principaux : la sun gallery, l'earth gallery, l'energy hall et le chimney hall. Ce dernier révèle et exploite les potentiels bioclimatiques de l'une des quatre cheminées en briques de l'usine, haute de plus de vingt mètres. Disposé au pied de celle-ci, le chimney hall capte l'énergie solaire. L'air ainsi réchauffé s'échappe naturellement par la cheminée et crée, ce faisant, une dépression qui met l'air en mouvement dans l'ensemble du bâtiment. En hiver, l'air est ainsi attiré vers la cheminée depuis la sun gallery. Celle-ci, par sa toiture entièrement vitrée et la forte inertie thermique de son sol, transmet l'air réchauffé à l'ensemble du bâtiment. En été, l'air est au contraire acheminé depuis les espaces souterrains de l'earth gallery où il est rafraîchi. Mais le tour de force de l'architecte réside dans la mise en scène sublime de ces échanges d'énergie et dans la mise en relation, proprement japonaise, des différents éléments naturels. Pénétrant dans l'édifice par l'earth gallery, le visiteur est guidé, le long d'un parcours sinueux sous terre, par la lumière du ciel, réfléchie au fil d’un jeu de miroirs, tandis que le souffle léger et le bruit de l'air qui circule l'accompagne jusqu'à l'energy hall. Dans celui-ci sont exposées une série de menuiseries, vestiges du bâtiment d'origine, suspendues au dessus d'une large pierre déplacée depuis une carrière locale et recouverte d'eau. Elles s’y reflètent, éclairées par un halo de lumière émanant de l'une des parois. A l'intérieur du chimney hall, elles se retrouvent suspendues à plusieurs mètres de hauteur, oscillant et bruissant au rythme de l'air qui circule. D'une grande beauté, ce projet cherche ainsi à réconcilier le passé industriel d'une île en déclin avec des problématiques contemporaines d'économie d'énergie. Il montre que tout patrimoine, sous réserve d'un projet audacieux, peut ainsi être enrichi par sa transformation et son adaptation à de nouveaux usages et de nouveaux enjeux. Schéma explicitant les principes de circulation, de chauffage et de rafraîchissement de l’air (source : Inujima Seirensho Art MuseumHandbook)

Vue de l’earth gallery et de l’energy hall (source : Inujima Seirensho Art MuseumHandbook)

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Tour Bois-le-Prêtre. Vues du projet initial, de la première réhabilitation et de l’intervention de Lacaton & Vassal (source : www.lacatonvassal.com)

III.3. L’horizon de la banalité

« Toutes les Villes Génériques sont nées d'une table rase ; s'il n'y avait rien, à présent elles sont là ; s'il y avait quelque chose, elles l'ont remplacé. Il ne peut en être autrement ; sinon, elles seraient historiques » Rem Koolhaas « La ville générique », Junkspace, Paris : Payot, 2011, p.57

GLORIEUSE(S) Les vestiges de l'ère industrielle sont aujourd’hui collectivement admis dans le champ du patrimoine architectural. Prémisses et supports de la modernité, ils appartiennent désormais à l'histoire et portent en eux les qualités constructives d'une époque et une mémoire ouvrière encore prégnante. La conquête de ces nouveaux territoires patrimoniaux s'est opérée après la fin des Trente Glorieuses, période à l'économie florissante, dont la production architecturale est quant à elle au contraire aujourd'hui largement déconsidérée. Enfantés par les théories du mouvement moderne, les immeubles d'habitation de grande hauteur édifiés à partir de la reconstruction d'après-guerre ont promis à toute une génération le progrès et la modernité.

Coupes et axonométries des états existants et projetés (source : www. lacatonvassal.com)

La tour Bois-le-Prêtre, construite en 1961 par l'architecte Raymond Lopez, s'inscrit dans cette histoire. Réhabilitée une première fois en 1990, cette tour de cinquante mètres de hauteur est devenue depuis sa seconde réhabilitation en 2010 l'un des projets les plus manifestes des architectes Frédéric Druot et Lacaton & Vassal. Elle évoque les stigmates de l'architecture moderne et fonctionnaliste dans les représentations collectives et dresse, dans le même temps une réponse architecturale crédible à cette stigmatisation. Construite à partir d'éléments préfabriqués assemblés sur une trame de voiles et de planchers porteurs en béton armé, elle relève d'un système constructif élaboré au moment de la reconstruction. S'appuyant sur les qualités structurelles de l'ensemble, les architectes ne cherchent pas tant à retrouver les caractéristiques des façades d'origine, dénaturées par la première réhabilitation, qu'à enrichir les espaces intérieurs des logements. Pour Anne Lacaton, la transformation « part du dedans, de l'espace habité, et non de la forme ou de la technique. Que manque-

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t-il à ces logements ? Que faut-il simplement ajouter pour qu'ils prennent une valeur de plus, une qualité de plus, du confort en plus ? En profitant des structures déjà existantes. Bien sûr, cela implique des questions techniques à régler, mais l'essentiel est une question d'espace : que peut-on faire pour rendre le logement moins contraint, mieux éclairé, d'un usage plus agréable ? Agrandir l'espace du logement pour moins se gêner, pouvoir sortir dehors au lieu d'avoir un mur devant soi, ramener de la lumière, de l'air et de la vue »72. En prolongeant les espaces intérieurs par des modules de trois mètres d'épaisseur qui substituent à la façade existante des balcons et des jardins d'hiver, le projet parle d'abord de confort. Confort thermique, confort acoustique, mais avant tout confort d'usage. Les espaces intérieurs, réaménagés, ouvrent désormais sur la lumière et le paysage tout en favorisant leur libre appropriation par les habitants : « la visite de l'un des appartements est édifiante : rien ne semble s'interposer à l'expression de ses occupants. Murs et cloisons dessinent des cimaises impeccablement éclairées et avides de porter les traces de leurs habitants, comme les parois des grottes néolithiques. Chaque porte ouvre sur un monde inouï où l'architecture n'interfère pas »73. Ce patrimoine qui n'en est pas un, les architectes choisissent de le conserver pour ce qu'il a à offrir, et à l'enrichir pour palier ses lacunes : « Il faut juste pousser un peu plus loin ce qui, effectivement, n'est pas allé au bout, changer ce qui ne marche pas, apporter quelque chose en plus. Finalement, c'est cela qui est intéressant dans l'addition : on rajoute 50 % à 100% existant et, au final, on a 150% alors que, quand on démolit, on reconstruit au maximum 100% (souvent plus petit), et cela coûte à peu près deux ou trois fois plus cher »74. Entre pragmatisme économique, attention aux usages, mise aux normes et prise en compte de l'existant, la réhabilitation de la tour Bois-le-Prêtre témoigne des potentiels architecturaux inhérents à la transformation d'un patrimoine récent, qui n'en a pas encore les atours.

TABLE RASE L'un des enjeux tient donc ici au ré-enchantement d'une architecture qui a perdu ses lettres de noblesse ; une architecture dont la décrépitude doit certainement beaucoup aux décisions politiques qui ont accompagné son évolution, mais qui portait néanmoins en elle les gênes de son rejet. Pour Cyril Simonnet, « la table rase imaginée dès 1925 [par le mouvement moderne] n'aura eu lieu que sous les bombes de la seconde guerre mondiale, et le "nouveau construire" codifié par le Bauhaus notamment aura permis d'établir un certain nombre de règles que les concepteurs de la génération suivante - qui construisit après guerre donc - ont appliqué avec attention. Une architecture inspirée de la

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72. A. Lacaton in F. Rambert (dir), Un bâtiment, combien de vies, Paris : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2015, p. 239

73. R. Scoffier, « Rideau, réflexions sur la réhabilitation de la tour Bois-le-Prêtre », D’Architectures n°207, avril 2012, pp.20-23

74. J-P. Vassal, in F. Rambert, op. cit., p.239


75. C. Simonnet, « Le patrimoine sans qualités », Qui ne dit mot consent n°1, décembre 2013, p.11

76. R. Koolhaas, Junkspace, Paris : Payot, 2011, pp.74-75

table rase...mais bientôt intégrée dans le tissu urbain, dont peu à peu les architectes reconnurent l'importance : morphogénétique, sociologique... et mémorielle »75. L'architecture des Trente Glorieuses semble être à la rencontre de deux mondes. L'un rêvé par les architectes de la modernité, qui voyaient dans la table rase l'occasion d'un nouveau départ, d'une régénération. L'autre, réel et vécu, où les habitants sont en prise avec une histoire, des racines, et l'évolution d'un monde et de modes de vies construite au fil des générations. « Tout au long de l'histoire de l'humanité, nous dit Rem Koolhaas, [...] les villes ont grandi par un processus de consolidation. Les changements ont eu lieu sur place. Les choses sont améliorées. [...] La Ville Générique, comme une esquisse jamais développée, n'est pas améliorée mais abandonnée. L'idée qu'il faudrait passer une nouvelle couche, intensifier, compléter, lui est étrangère : elle n'a pas de couches »76. La « ville générique », née de la table rase, se lit dans l'héritage de l'après-guerre, à de nombreux niveaux. Mais désormais intégrée et liée, tant bien que mal, à la ville historique, elle demande à être reconquise plutôt que rejetée et démantelée, morceau par morceau. Faute de quoi, celle qui lui succédera ancrera dans la pratique la table rase comme mode d'évolution.

PAVILLON

77. IFOP, Archigraphie, Paris : CNOA, 2015 78. « Seuls 22% des Français souhaitent plus de logements en hauteur, c’est à dire sous forme d’immeubles, contre 77% qui préfèrent que l’on construise des maisons individuelles », J. Viard, Nouveau portrait de la France, la société des modes de vie, La Tour d’Aigues : L’aube, 2011, p.72

Le pavillon est à l'architecte ce que le grand ensemble est à l'habitant ; il traduit une forme de rejet, de rupture, d'abandon. Il n'est pas de l'architecture, mais un produit livré clé en main à un public auquel on aurait oublié de transmettre la culture du bon goût que se partagent les initiés. Le logement individuel représente aujourd'hui 56% du parc existant, soit 19 millions de logements en France. Largement dominé par les constructeurs, qui réalisent plus de la moitié des opérations, ce marché exclut depuis plusieurs décennies les architectes. Ceux-ci réalisent ainsi seulement 4% des maisons individuelles construites en France chaque année77. Le pavillon, avec son jardin, sa cour et son garage, incarne pourtant le désir d'habiter de près de trois quart des français78. Aujourd'hui, alors que les pouvoirs politiques commencent à prendre la mesure des problématiques liées à l'étalement urbain, les architectes ont une opportunité à saisir pour reconquérir ces territoires qui se sont construits sans eux. Le programme BIMBY soutenu par l'Agence Nationale de la Recherche a mis en avant les opportunités foncières et financières liées à la densification des zones pavillonnaires, dans lesquelles se sont aussitôt engouffrés les constructeurs. Mais la densification de ces territoires met en jeu des problématiques liées à l'intimité, au vis-à-vis, au stationnement, à l'accessibilité, auxquelles seuls des architectes me semblent capables de répondre, en proposant des solutions spécifiques, au cas par cas.

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La maison shishiodoshi surgissant parmi les pavillons. La surélévation dans son contexte immédiat. (source : Archdaily)

Cette spécificité inhérente au projet d'architecture incarne notre capacité à accompagner l'évolution de ces territoires, marqués par le caractère générique de la maison de constructeur. A Rezé, près de Nantes, l'atelier d'architecture Avignon-Clouet a conçu un projet qui témoigne des potentiels de mutation de ce type de bâtiments. Le pavillon devient le point de départ d'un projet radical qui, en se démarquant de son environnement immédiat, fait aussi de la banalité une source d'inspiration. Dans un contexte marqué par l'étalement urbain, et donc par une extension horizontale, les architectes ont fait le pari d'une surélévation qui prend appui sur le pavillon existant, dont l'aspect initial est assumé est subsiste en tant que tel. Ce projet doit beaucoup à l'architecture et à la ville japonaise. Son nom, shishiodoshi, découle du système de récupération des eaux inspiré des fontaines à bascules japonaises. Son aspect extérieur et sa réponse au contexte immédiat n'est pas sans rappeler le paysage tokyoïte, où les maisons individuelles, très proches les unes des autres, demandent une grande inventivité pour répondre aux besoins d'intimité des habitants. Ses volumes intérieurs enfin, où les espaces s'entremêlent tout en s'inscrivant dans une quête d'optimisation, doivent beaucoup à l'architecture contemporaine nippone. Transfigurée, la maison d'origine devient une œuvre d'architecture contemporaine à part entière, qui s'enrichit de la plus-value de l'intervention, pour un coût relativement modeste79. Là où l'on est en droit de s'interroger sur les capacités d'évolution et de transmission de ce type d'habitat générique en milieu périurbain, c'est peut-être par son enrichissement, son réenchantement au cas par cas que l'on peut envisager d'en faire un patrimoine qui vaille la peine d'être conservé pour ce qu'il est.

79. Coût du projet : 117 000 € (réhabilitation + extension). La surface passe de 80 m² à 150 m². (source : F.Rambert (dir.), op. cit., p.261)

BRICOLAGE L'une des grandes qualités de la maison individuelle tient dans sa capacité à permettre aux habitants d'y exprimer leurs envies, leurs goûts et en définitive leur spécificité. Si les modèles clés en main proposés par les quelques constructeurs qui se partagent le marché se ressemblent inévitablement et sombrent dans une mare de banalité, après plusieurs années d'occupation chacun s'approprie l'édifice et son environnement immédiat. On n'est alors plus tant dans le champ de l'architecture que dans celui du bricolage, qui véhicule sa propre poésie : « la poésie du [bricoleur vient] surtout de ce qu'il ne se borne pas à accomplir ou exécuter : racontant, par les choix qu'il opère entre des possibilités limitées, le caractère et la vie de son auteur. Le bricoleur y met toujours quelque chose de soi »80.

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Vue du procédé d’écoulement des eaux et de la couture entre l’existant et la surélévation. Vue des espaces intérieurs depuis l’escalier principal. (source : Archdaily)

80. C. Lévi-Strauss, La pensée sauvage, p.35, in J-M. Huygen, La poubelle et l’architecte, p.58


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Une réunion avec les habitants de l’îlot Stephenson à Tourcoing. Vue de l’une des maisons réhabilitées. (source : www. construire-architectes.overblog.com)

81. D. Perrault, in F. Rambert (dir.), op. cit., p.67

82. C. Sabbah, « Passé recomposé », L’architecture d’aujourd’hui n°407, juin 2015, pp.38-45

Photographie du projet d’Elemental à Quinta Monroy, après intervention des habitants par les habitants (source : www. developmentandurbanism.com)

En cela, le pavillon constitue un formidable support d'expression, pour ses habitants qui le transforment au gré de leurs besoins, mais également un formidable support de mémoire. Des architectes tels que Patrick Bouchain ou Alejandro Aravena (Elemental Studio) l'ont bien compris, en intégrant très tôt la patte des habitants à l'élaboration de leurs projets, qu'ils conçoivent volontairement comme inachevés. A Quinta Monroy, Elemental a ainsi laissé aux habitants l'espace nécessaire à l'évolution de leur propre projet. Libres de se l'approprier, ou non, comme ils l'entendent, ils sont reconnus par l'architecte comme acteurs à part entière de la construction de leur cadre de vie. A Tourcoing, Patrick Bouchain et Marie Blanckaert ont là aussi intégré les habitants à la transformation des maisons qui composent l'îlot Stephenson, du processus de conception à la mise en oeuvre sur le chantier. Ce faisant, c'est par la somme de leurs identités que les habitants ont conféré au projet d'ensemble la diversité d'expressions qui en fait désormais la richesse. Pour Dominique Perrault, cette idée d'inachèvement rejoint celle de la réversibilité, désormais promue comme condition de durabilité pour les constructions contemporaines : « Il y a un [...] élément qui est culturel, et psychologique aussi, c'est l'idée que les bâtiments que nous construisons sont des pièces architecturales inachevées. C'est une idée très contemporaine, qui ne fait peut-être pas une adhésion suffisante pour l'instant, en termes de conscience. [...] Et cette notion d'inachevé fait aussi partie de la réversibilité. Cette espèce de relation de non-finitude de l'architecture et de l'oeuvre architecturale est quelque chose que je trouve extrêmement jubilatoire »81. Alors que 56,4% de l'activité de l'industrie du bâtiment est aujourd'hui classée en « entretien-rénovation », les travaux de transformation ne représentent que 27% des montants déclarés à la Mutuelle des architectes français (MAF)82. Ces chiffres ne prennent en outre pas en compte les travaux menés par les habitants eux-mêmes, sans l'aide d'un artisan. Les transformations entreprises par les particuliers ne sont donc par toujours accompagnées par un architecte, loin de là. Mais, espérons-le, les projets architecturaux de réhabilitation et d'extension, en milieu pavillonnaire notamment, ont de beaux jours devant eux. L'éclatement des ménages, le vieillissement des occupants, l'évolution des modes de vie et des réglements, mais aussi l'évolution spatiale de ces territoires eux-mêmes figurent déjà parmi les enjeux de transformation de ce qui ne constitue pas encore le patrimoine de demain.

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BANALITE Abordant la question de la banalisation des procédés d'isolation par l'extérieur, Jean-Marie Blanchecotte relate « l'exemple d'une erreur qui a été faite Porte de Clignancourt, sur des immeubles de Dubuisson [...]. Je suis passé devant récemment, on les a complètement dénaturés ! [...] Il y avait tout un travail de Dubuisson, qui fait partie des grands architectes de nos jours, tout un travail très précis... C'est devenu un bâtiment informe. Quelconque ! »83. Alors que certaines normes et certains procédés courants contribuent désormais à banaliser tout un pan récent de la production architecturale. Alors que certains mécanismes de subvention associés à des décisions politiques douteuses conduisent à son démantèlement et à sa destruction progressive - pensons ici à la transformation de la galerie de l'Arlequin à Grenoble - des architectes tentent de préserver ce qu'ils estiment être un patrimoine à part entière. Les associations Docomomo, Icomos, ou Patrimoines XXe défendent ainsi, par respect et par humilité devant ce que d'autres ont produit, des édifices dont la majorité fait peu cas. A l'opposé, le procès intenté contre l'étalement urbain et le manque de qualité architecturale des espaces qu'il a produit n'entame pas le désir bien prégnant d'une vie entre ville et campagne, dans cet entre-deux auquel l'alternative n'a pas encore émergé. Ces chantiers, à mille lieues l'un de l'autre, comptent pourtant parmi ceux auquel les architectes doivent aujourd’hui s'affronter. Chacun à leur manière, ils supposent une reconquête de la banalité ; banalité des opérations faciles et rentables, des pratiques courantes mais pas toujours judicieuses, des territoires abandonnés au marché de la construction et de la promotion immobilière. C'est donc par une pratique généreuse, attentive aux envies et aux nécessités contemporaines comme à l'héritage que nous souhaitons transmettre, qu'il revient aux architectes de construire l’horizon de demain ; un horizon qui ne soit pas celui de la banalité, mais bien celui de la diversité et de la spécificité. Car c’est bien là, pour moi, l’essence de l’architecture et du rôle qui nous incombe : permettre à chacun d’évoluer et de se construire dans des espaces marqués par la pluralité des individus et des territoires, riches de leurs histoires et de leurs mémoires.

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83. J-M. Blanchecotte, «Enjeux énergétiques versus procédures patrimoniales», Actes du colloque «Patrimoine architectural parisien & développement durable», Commission du Vieux Paris, octobre 2011, p. 15


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Conclusion.

PrĂŠparer le patrimoine de demain

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AUJOURD’HUI

84. C. Sabbah, « Passé recomposé », L’architecture d’aujourd’hui n°407, juin 2015, pp.38-45

85. Le décret du 28 septembre 2007 a abrogé l’article 3 du décret du 20 novembre 1980 obligeant le recours à un ACMH pour toute mission de maîtrise d’oeuvre sur un immeuble classé, dès lors que la maîtrise d’ouvrage était assurée par le ministère de la culture ou que les propriétaires effectuaient une demande de subventions à l’Etat. Désormais, les monuments historiques appartenant à l’Etat sont tous confiés aux ACMH. Pour le reste, la maîtrise d’oeuvre a été étendue aux 900 architectes du patrimoine répartis sur l’ensemble du territoire.

L’intervention sur l’existant serait-elle moins glorieuse pour les architectes que la construction neuve ? C’est ce que se demande Catherine Sabbah dans le dernier numéro de l’Architecture d’Aujourd’hui consacré à la réhabilitation. Mais, suggèret-elle, « ce désintérêt ne proviendrait-il pas plus simplement de la complexité de la démarche? Ausculter un bâtiment, souvent construit hors de tout système normatif connu, diagnostiquer sa structure, la renforcer au risque de la déséquilibrer sans anticiper des dommages futurs, transformer des volumes existants pour les adapter à un programme, respecter ses prédécesseurs tout en apposant sa signature... [...] Il faut se montrer inventif, voire ingénieux, pour résoudre d’impossibles casse-tête techniques »84. Intervenir sur un bâtiment déjà construit suppose en effet de la part de l’architecte qui s’y confronte une grande maîtrise technique. Ce pourrait être le premier enseignement à tirer de ma mise en situation professionnelle, au cours de laquelle j’ai pu mûrir des compétences techniques que je n’avais pas acquis à l’école. Là où les normes techniques contemporaines constituent, il me semble, un support d’apprentissage pour tout jeune architecte, le bâti existant l’est tout autant, distillant ses enseignements à mesure qu’on l’interroge. J’ai beaucoup appris de l’expérience des associés de l’Atelier multiple et j’ai réalisé qu’eux mêmes continuaient de se former à mesure de leurs opérations et de leurs recherches. S’il est une discipline qui ne se contente pas des acquis de la formation initiale, c’est bien l’architecture. Recherche et maîtrise d’œuvre s’alimentent donc mutuellement, et c’est en gardant cette relation à l’esprit que je souhaite construire ma propre pratique. J’ai pu, au cours de cette année, comprendre la réalité de la pratique architecturale, les responsabilités qu’elle engage, et le jeu d’acteurs complexe qu’elle suppose. J’ai pu me familiariser avec l’ensemble du processus de projet, de l’accès à la commande à la livraison d’un chantier. J’ai pu me saisir des différents outils à la disposition de l’architecte pour mener à terme un projet qui réponde à la fois aux attentes du maître d’ouvrage, aux nécessités réglementaires et aux envies d’architecture que notre formation, notre culture et notre curiosité nous engage à concrétiser. L’expérience au sein de l’Atelier multiple m’a permis de me confronter à différents degrés et échelles d’intervention sur l’existant. Parmi ces interventions, le réaménagement du palais abbatial de Saint-Antoine-l’Abbaye a été pour moi la plus marquante et la plus enrichissante. J’ai eu la chance de pouvoir travailler sur un monument historique, chose qui, jusqu’à très récemment, était une tâche essentiellement réservée au cercle très restreint des trente-quatre Architectes en chef des monuments historiques exerçant en France85.

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L’intervention sur de tels édifices est extrêmement formatrice. Elle demande d’aiguiser son regard et sa culture pour en saisir la complexité, les enjeux et les potentiels d’évolution. C’est, par l’exigence qu’elle requiert, sans doute la meilleure école pour se former à intervenir sur un bâtiment existant. En cela, elle permet de développer une véritable « compétence patrimoniale » qui, au vu des enjeux contemporains liés au développement durable notamment, contribue non seulement à requestionner les termes du débat, mais peut également permettre d’accéder plus facilement à la commande. La mise aux normes du bâti existant compte désormais parmi les chantiers prioritaires. Qu’il s’agisse des normes thermiques, des normes de sécurité ou des normes d’accessibilité, elles supposent à chaque fois de bien comprendre ce sur quoi l’on intervient pour être capable d’enrichir l’existant par le projet sans le dégrader. Car il s’agit bien de tenter de faire de chaque intervention un projet d’architecture et non une simple réponse technique à un problème donné. En envisageant les choses de la sorte, cela permet en outre de faire de la préservation un levier d’économies pour le maître d’ouvrage. Cette « compétence patrimoniale » ne se limite néanmoins pas pour moi au champ du patrimoine reconnu et protégé. Elle peut s’étendre à l’ensemble de la production architecturale, voire à ce qui n’est même pas considéré comme de l’architecture, pavillons de constructeurs en tête. La relation au patrimoine bâti est pour moi une question fondamentale, que chaque architecte doit mobiliser à son échelle et à sa manière. Elle n’admet pas de réponse toute faite. Au contraire, elle suppose d’être remobilisée et reconfigurée en permanence, sur chaque projet, à mesure que notre recul sur l’histoire ouvre de nouvelles perspectives et que les normes et les modes de vie évoluent.

DEMAIN Il me semble que j’ai encore beaucoup à apprendre en travaillant auprès de l’Atelier multiple, chose que j’envisage dans un futur immédiat. Peut-être aurai-je également, de plus en plus à mesure que mon expérience s’enrichit, quelque chose à leur apporter. Que ce soit sous la forme d’une collaboration libérale ou d’une association, c’est en tout cas une relation que je souhaite voir perdurer. Cela étant, je souhaite développer ma propre pratique en explorant les champs d’intervention que j’ai pu toucher du doigt au cours de ma formation et de mes expériences personnelles. Le travail sur les territoires périurbains, rurbains, ou semi-ruraux, quelle que soit leur dénomination, constitue pour moi le chantier crucial des décennies à venir. Ces territoires constituent un laboratoire à même

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de réconcilier le grand public avec l’architecture et d’interroger la pratique elle-même. Ils admettent en outre un champ d’interventions plus large et plus souple dans la mesure où ils sont à la fois peu considérés et peu protégés. Sur ces territoires où beaucoup reste à faire, qu’il s’agisse de centre-bourgs délaissés ou de zones pavillonnaires en manque d’architecture, il y a là un enjeu pour penser et préparer le patrimoine de demain, en conciliant une attention fine à ce qui est déjà là avec une forme d’expérimentation et de liberté architecturale. L’expérience que j’ai modestement accumulée jusqu’ici me permet d’ores et déjà de répondre à des concours ouverts et des appels à idées. Je prépare ainsi en ce moment, avec Fanny Cacaud, également diplômée de l’ENSAG, une réponse à un appel à idées organisé par le CAUE de l’Aude et portant sur la revitalisation d’un centre-bourg ancien. Mais la meilleure manière d’explorer les potentiels d’évolution de ces territoires, en considérant à la fois leur matérialité, les enjeux liés au développement durable et les modes de vie de ceux qui les habitent, reste pour moi la maîtrise d’oeuvre. C’est dans la perspective d’être capable d’intervenir concrètement sur cette réalité, à mon échelle, que je souhaite aujourd’hui obtenir l’habilitation à la maîtrise d’oeuvre en nom propre. Permettre à ce que l’on crée et ce que d’autres ont créé avant nous de perdurer, de traverser le temps, d’être transmis et d’évoluer fait partie, il me semble, des responsabilités qui nous incombent et de ce qui fait la beauté et la spécifité de ce métier. Le patrimoine appartient à tous. Il catalyse des mémoires aussi bien individuelles que collectives et, ce faisant, inscrit l’architecture dans le temps. Si l’architecture est l’expression de la culture, alors le patrimoine en est le mode de transmission.

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Bibliographie.

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Ouvrages théoriques : AUDRERIE Dominique, Questions sur le patrimoine, Bordeaux : Confluences, 2003 BRUNEL Sylvie, A qui profite le développement durable?, Paris : Larousse, 2008 CHOAY Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris : Seuil, 1992 HUYGEN, Jean-Marc, La poubelle et l’architecte, Arles : Actes Sud, 2008 KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris : Payot, 2011 RAMBERT Francis (dir.), Un bâtiment, combien de vies ?, la transformation comme acte de création, Paris : Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 2015 RICCIOTI Rudy, HQE, les renards du temple, Marseille : Al Dante, 2010 RIEGL Aloïs, Le culte moderne des monuments, son essence et sa genèse, Paris : Seuil, 2013 VIARD Jean, Nouveau portrait de la France, la société des modes de vie, La Tour d’Aigues : L’aube, 2011

Manuels : COUFFIGNAL Daniel, HAXAIRE Pierre, Conduire son chantier, Paris : Editions du Moniteur, 2013 COURGEY Samuel, OLIVA Jean-Pierre, La conception bioclimatique, Mens : Terre vivante, 2008 KLEIN Hartmut, Gestion de projet, Bâle : Birkhaüser, 2008 PEROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Architecture : Description et vocabulaire méthodiques, Paris : Editions du patrimoine, 2011

Synthèse de projet : Inujima seirensho art museum handbook, Naoshima : Fukutake foundation, 2014

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Rapports de recherche : DAVID Stéphanie, LEONARDI Cécile (dir), Plasticité périurbaine, pour une architecture au service des territoires périurbains, Grenoble : ENSAG, 2013 GUILPAIN Laureline, JEAN LOYER Simon, RAPIN Aurore, SCHAEFER Tiemo, STABLON Jérôme, S(t)imulation pavillonnaire, Marne-la-vallée : Ecole d’architecture de la ville et des territoires, 2014 LEMPEREUR Hubert (dir), Patrimoine architectural parisien et développement durable, actes du colloques du 12 octobre 2011, Commission du Vieux Paris

Presse spécialisée : Qui ne dit mot consent, n°1, décembre 2013, « Héritage » L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 407, juin, 2015, « Réhabilitation » L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 386, nov-dec 2011, « Patrimoine(s) » D'Architectures, n°207, avril 2012, « Energétique du patrimoine »

Presse généraliste : « Les architectes dénoncent la tyrannie des normes », Le Monde, 25 janvier 2011 VINCENDON Sybille, « C’est une maison rose », Libération, 15 janvier 2011 EDELMANN Frédéric, « Intouchable, le patrimoine ? », Le Monde, 31 mai 2014, pp. 1, 4-5

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Sources 2.0 : HUGO Victor, « Guerre aux démolisseurs », Revue des deux mondes, tome 5, 1832, pp.607-622 https://fr.wikisource.org/wiki/Guerre_aux_démolisseurs

ROTUREAU Clémence, « C'est une maison rose... »

http://ladenantes.blogspot.fr/2012/11/cest-une-maison-rose.html

http://www.archdaily.com http://www.sitesecurite.com http://www.kheox.fr

Textes réglementaires : Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe, Grenade, 3 octobre 1985 Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, UNESCO, 16 novembre 1972 Règles de sécurité et de dimensionnement des garde-corps et rampes d’escalier, Groupe Moniteur, Guide Bonhomme, juin 2006 Arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l’application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l’habitation et de l’article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public DTU 40.41, « Couvertures par éléments métalliques en feuilles et longues feuilles en zinc », NF P 34-211-1, AFNOR, 2004 Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

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Annexes.

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PROTOCOLE DE FORMATION HMONP 2014-2015

Marc GIRERD

Directeur d’études : Frédéric GUILLAUD

Diplômé en 2013, j’ai suivi, avant d’entrer à l’ENSAG, une formation en sciences humaines et particulièrement en histoire, qui a largement nourri mon approche architecturale. Pendant mon cursus à l’ENSAG, j’ai peu à peu développé un intérêt pour les questions relatives au patrimoine bâti et à la manière dont l’architecture s’inscrit dans le temps. Mais au delà de l’aspect patrimonial tel qu’on l’entend habituellement, c’est plutôt la question du « déjà-là », de l’architecture déjà produite et existante qui m’a rapidement intéressé. Le curseur s’est ainsi déplacé pour moi vers une production plus ordinaire et plus récente : bâti industriel, immeubles de ville et grands ensembles, habitat pavillonnaire. Comment prendre en considération cette architecture ? Comment adapter nos pratiques pour l’adapter à nos usages ? Comment aménager notre avenir en s’appuyant sur elle ? J’ai travaillé sur ces questions pendant mes deux ans de Master. En poursuivant un travail de prospective sur les territoires périurbains, amorcé en Master 1 sous la direction de Stéphanie David et en m’engageant avec l’Atelier Multiple sur l’élaboration d’un guide d’architecture du XXe siècle à Grenoble, j’ai continué d’aiguiser mon regard et ma curiosité par rapport à cette architecture du quotidien. Ce sont donc ces mêmes problématiques que je souhaite continuer d’explorer, mais cette fois sur des questions plus spécifiques à la maîtrise d’oeuvre. L’Atelier Multiple a engagé toute sa pratique autour de ces questions. Parallèlement à des projets de réhabilitation, de transformation ou de sauvegarde du bâti, il mène des diagnostics urbains et architecturaux au service des collectivités territoriales, des études historiques et patrimoniales et des recherches relatives au bâti ancien. La question centrale dans la pratique de l’agence tenant dans la prise en compte de l’existant, les trois associés ont su développer les outils et méthodes indispensables à cette prise en compte. Au cours de cette année, je serai amené à travailler sur différentes phases de projet, qui devront me permettre d’acquérir une partie de ces outils. Qu’il s’agisse de réaliser des dossiers d’appel d’offres, des études de faisabilité, des permis de construire, ou de suivre des chantiers en cours, j’attends de cette expérience qu’elles m’apporte une compétence opérationnelle, nécessaire pour développer par la suite ma propre pratique. Il s’agira pour moi de me confronter à des questions techniques et administratives, là où l’école m’a permis jusque là de développer une approche théorique et conceptuelle. L’enjeu sera notamment d’être capable de dialoguer en tant que professionnel avec les maîtrises d’ouvrage, les bureaux d’études et les entreprises, cela étant à mon sens l’une des conditions essentielles à la mise en oeuvre réussie d’un projet. La formation dispensée par l’école ainsi que les rencontres régulières avec mon directeur d’études seront quant à elles un moyen pour moi de prendre du recul par rapport à ma pratique quotidienne au sein de l’agence et de la mettre en perspective sur des questions qui se posent à l’ensemble de la profession : des questions de responsabilités, de cadre juridique, des questions économiques, etc. Je continuerai en parallèle à répondre à des concours et appels à idées, qui me permettront de prolonger mes réflexions et d’expérimenter des solutions architecturales dans un cadre plus souple. Il me semble important de parvenir aussi, dans sa pratique, à trouver les moyens d’échapper aux contraintes de la réalité quotidienne, de manière à conserver un peu de la fraîcheur d’esprit que l’on acquiert à l’école. 111


@

girerd.marc@orange.fr

Code APE : 7111Z

06 10 89 62 43

38 rue Lesdiguières - 38 000 GRENOBLE

Identifiant SIRET : 797 953 338 00010 Dispensé d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au répertoire des métiers (RM)

MARC GIRERD Autoentrepreneur. Diplômé d’état en architecture et licencié en histoire

Né le 9 juin 1988 à Albertville (Savoie), j’ai suivi après le baccalauréat une

formation en lettres et en sciences humaines, avant de me tourner en 2008 vers l’architecture. Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble en 2013, je m’intéresse notamment à la relation qu’entretient l’architecture contemporaine avec le patrimoine, sous ses multiples aspects.

logiciels Autocad

Photoshop

Filemaker

Archicad

Indesign

Office

Illustrator

Scribus

Sketchup

Premiere

Tilemill

Artlantis

After Effects

formation

Diplôme d’Etat d’Architecte

2013 : Ecole Nationale d’Architecture de Grenoble, France Projet de Fin d’Etudes : « A la conquête de l’Ouest » : Habiter et travailler entre la gare et la Loire (Nantes, France) Mémoire de Master : « Mobilité et temps libre : des enjeux architecturaux liés à l’évolution de nos modes de vie »

Licence d’Histoire

2008 : Université Pierre Mendès France, Grenoble, France Mémoire : « Octobre, de S. Eisenstein : mise en scène d’une révolution »

Hypokhâgne - Khâgne

2005 - 2007 : Lycée Champollion, Grenoble, France Classe Préparatoire à l’Ecole Normale Supérieure

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Baccalauréat Scientifique

2005 : Lycée Jean Moulin, Albertville, France Mention Très Bien


compétences Recherches en archives

Avant-projet

Etude historique

PC, DP, DAT (MH)

Relevé

PRO, DCE

Etude de faisabilité

EXE, DET, AOR

expérience professionnelle Formation HMONP

2014 - 2015 : Atelier Multiple : Grenoble, France

Stage

2014 : Takei & Nabeshima Architects (TNA) : Tokyo, Japon

Diagnostic d’un ensemble urbain à Mirefleurs (63) : analyse historique, dessin et modélisation à partir de documents d’archives. Réaménagement du palais abbatial de Saint-Antoine-l’Abbaye (38), classé MH : relevés, avant-projet définitif, dossier de demande d’autorisation de travaux. Restauration de la façade de l’Eglise du Cheylas (38) : déclaration préalable, dossier de consultation des entreprises. Réhabilitation de la salle de spectacles de la Motte-Saint-Martin (38): assistance aux opérations de réception.

Travail en maquette sur différents projets de maisons individuelles. Participation au concours pour le musée Guggenheim à Helsinki. Dessin à partir de documents d’archives et modélisation en maquette d’une maison traditionnelle japonaise en vue de sa réhabilitation. Stage & Mission

2013 - 2014 : Atelier de Transformation des Patrimoines : Grenoble, France

Enseignement

2013 - 2014 : Ecole Nationale d’Architecture de Grenoble, France

Contribution à la réalisation d’un guide sur l’architecture du XXe siècle à Grenoble (1880 - 1980). Repérages et recherches en archives. Constitution d’une base de données sur Filemaker.

Chargé de TD dans le cadre de l’enseignement « Approches théoriques de l’architecture » en 3e année de Licence, sous la direction de Juliette Pommier et Mélanie Manin. Mission

2012 - 2014 : Université Citoyenne & Solidaire : Grenoble, France Conception et installation de quatre expositions dans le cadre du programme Université Citoyenne et Solidaire. Organisation de débats avec des élus et des membres des collectivités territoriales. Elaboration d’un ouvrage retraçant les enjeux et les étapes du projet.

Bénévolat

2012 : Villa Noailles : Hyères, France Installation de structures en bois destinées à recevoir le plublic dans le cadre du Midi Festival, organisé par la Villa Noailles.

Stage & Missions

Stage

2010 - 2012 : WIMM Architectes : Grenoble, France Installation de l’exposition «Fragilités» à la Maison d’Architecture de l’Isère. Conception et recherches en maquette sur des projets de maisons individuelles. Recherches en maquette et rendus de concours sur plusieurs commandes publiques : une crèche à Bernin (38) ; le refuge du col de Presset (73) ; des vestiaires à Villeurbanne (69) ; une médiathèque à Grenay (62).

2010 : Miotto Charpente : Albertville, France Mise en oeuvre d’éléments de charpente sur des chantiers de maisons individuelles en Tarentaise et en Maurienne.

Intérimaire

2009 : Chenal Electricité : Albertville, France Aide à la mise en oeuvre d’installations électriques à différentes étapes de la construction, sur plusieurs chantiers en Tarentaise et en Maurienne. 113





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