Chapitre 9 L’invention et l’essor de la photographie La science va nous servir de transition avec le chapitre précédent. En effet, nous allons passer à une période de l’histoire, le XIXe siècle, où la science s’était considérablement développée, particulièrement dans les domaines de la physique et de la chimie. Ce sont précisément les résultats qu’elle y avait déjà obtenus qui allaient rendre possible l’invention de la photographie. Avec la photographie s’initia une série d’inventions de nouvelles images entièrement dues à la science : allaient suivre dans cette veine le film, la télévision et la vidéo, puis dernièrement l’image numérique. Cette articulation nouvelle entre l’image et la forme devenue aujourd’hui la plus efficace d’exercice de la raison, à savoir la science, bat sérieusement en brèche le dogme iconoclaste de Platon – sauf à supposer que ce qu’il entendait par le monde des Idées n’avait pas grand-chose à voir avec le monde des lois et concepts qui structure la pensée scientifique contemporaine. Il serait intéressant d’imaginer le dialogue que pourrait écrire aujourd’hui Platon sur cette question s’il lui était donné d’être témoin de la situation dans laquelle nous vivons. La photographie est une « invention » du XIXe siècle. On la date même officiellement de l’année 1839. On peut en relater la genèse. On ne saurait en dire autant du dessin, de la peinture ou de la sculpture, encore moins de la musique ou de la littérature, qui n’ont, à proprement parler, jamais été « inventés » par personne ; leur origine est ancestrale et purement mythique.
Une image technique La photographie est le premier exemple historique d’image technique, obtenue par un procédé mécanique. Puisqu’elle permet non seulement de produire des images, mais encore de les reproduire, il est intéressant de la comparer avec le précédent de la gravure. D’ailleurs, ce qui intéressait en premier lieu l’un de ses deux inventeurs français, Nicéphore Niépce, c’était de trouver un moyen plus simple et plus fidèle que la gravure pour reproduire les œuvres d’art. Nicéphore Niepce, Essai d’héliogravure (reproduction d’un portrait gravé du cardinal d’Amboise), 1820. Une vignette en est visible sur le site consacré à Niepce : Source : http://www.niepce.com/
La gravure est un procédé (en réalité plusieurs), mais ce n’est pas une machine qui assure la reproduction de l’œuvre concernée. Celle-ci reste à la charge de l’habileté manuelle du graveur (n’oublions pas, d’ailleurs, que le graveur doit reproduire le dessin à l’envers pour que celui-ci ressorte à l’endroit sur la feuille imprimée). Ce primat de la main et du dessin a permis l’assimilation précoce de la gravure à l’art,
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contrairement à la photographie, vue par les contemporains de son invention, et longtemps encore après, comme un procédé dans lequel la main n’avait quasiment aucun rôle puisqu’il suffisait d’appuyer sur le bouton. Un procédé engageant « un minimum de facteur humain », affirmait encore Paul Valéry en 1939. Le caractère mécanique du procédé photographique le distingue donc radicalement de la gravure, dans laquelle, pendant longtemps, seule l’étape de l’impression pouvait être mécanisée (de fait, des techniques purement chimiques de gravure des plaques, comme l’eau-forte, sont apparues qui, à leur tour, réduisirent la gravure à une pure opération technique, sans parler de la technologie moderne de la numérisation par scanner qui, elle aussi, enlève toute incidence à la main humaine). D’emblée, la technique qui caractérise le procédé photographique est double. Il s’agit d’une part d’une mécanique optique : un appareillage permet de capter les rayons lumineux pour les concentrer en une image inversée à l’intérieur du boîtier. C’est ni plus ni moins que la reprise du dispositif de la camera obscura, inventé à la Renaissance. Planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert sur la camera obscura. Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9f/Camera_obscura.jpg
A cela s’ajoute une technique chimique qui permet de fixer cette image, et c’est là toute la nouveauté : au fond de l’appareil, une surface, préalablement rendue photosensible, est impressionnée par les rayons lumineux, puis elle fait l’objet d’un traitement chimique approprié qui d’abord révèle l’empreinte laissée par la lumière, c’est-à-dire qui la rend visible, puis qui la fixe sur un support, la plaque d’origine ou bientôt du papier. Avant l’invention de la photographie, quantité d’images avaient été obtenues par des dispositifs optiques divers, mais sans avoir été conservées faute d’avoir pu être fixées. C’est parce que la photographie combinait l’optique et la chimie qu’elle a réussi là où les autres tentatives avaient échoué. La photographie était donc d’emblée un procédé passablement complexe, qui fut mis en circulation dans un état d’élaboration encore extrêmement précaire. Si bien que, pendant les premières décennies qui suivirent son invention, la technique imposa aux photographes d’accablanteses contraintes : ils devaient se battre en permanence contre ses lourdeurs et ses insuffisances. Tente laboratoire, 1874. Source : http://expositions.bnf.fr/socgeo/grand/003.htm
Les balbutiements de la micro-informatique, au cours des dernières décennies, peuvent donner à ceux qui les ont vécues une idée de ce que furent les débuts de la photographie d’un point de vue technique : beaucoup de ratés et d’incessantes transformations. Dans les faits, la photographie n’a pas été inventée une seule fois. Le procédé a été maintes fois amélioré, voire radicalement transformé, comme lorsqu’on a trouvé le
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moyen de produire des négatifs. Au départ, en effet, en France tout du moins, l’appareil impressionnait une plaque de cuivre qui, une fois développée, constituait l’unique positif disponible : le daguerréotype. Puis, on passa à des plaques de verre. Mais surtout, on trouva le moyen d’impressionner non plus le support direct de l’image finale, mais un support intermédiaire faisant office de matrice (le négatif), à partir duquel il devint possible de tirer autant d’épreuves que nécessaire. Grâce au négatif, la photographie renoua avec la tradition de la gravure puisqu’elle devint à son tour une image reproductible. Au-delà de cette innovation majeure, la seconde moitié du XIXe siècle fut jalonnée d’un train continu de perfectionnements techniques du procédé ou des procédés photographiques. Si bien que, pendant toute cette période, le principal sujet de préoccupation des amateurs de photographie était d’ordre technique : comment fallait-il faire pour maîtriser le procédé ? Ce qui n’était pas une mince affaire. Ainsi, lorsque parut en 1851 le premier journal consacré à la photographie en Europe, intitulé La Lumière, 80 à 85 % des articles y étaient consacrés à des questions scientifiques et techniques. On retrouva le même lien organique avec la science et la technologie dans le cas du cinéma, inventé en 1895 par les frères Lumière, qui étaient deux industriels, l’un biologiste de formation et l’autre chimiste. En passant, ils apportèrent eux aussi diverses améliorations au procédé photographique et commercialisèrent en 1903 les premières plaques autochromes qui permettaient de réaliser des prises en vue en couleurs. Pour une somme d'information sur les frères Lumière et les autochromes, voir le site : http://www.autochromes.culture.fr
La première histoire de la photographie, élaborée à partir de 1881, proposa fondamentalement une histoire des procédés photochimiques. Par la suite, et au moins jusque dans les années 1930, les récapitulatifs historiques publiés sur la photographie furent essentiellement de nature technique. Aujourd’hui, il n’est quasiment pas d’histoire de la photographie qui ne commence par restituer la genèse et les méandres de l’invention du procédé.
Un commerce florissant La photographie a été « donnée au monde » par la France, puisque l’Etat français a rendu le procédé photographique public : il devint donc aussitôt accessible à tout un chacun sans limitation de brevet ni de droit de propriété. Dans un premier temps, les imperfections techniques du daguerréotype entravèrent sa mise en œuvre à une échelle élargie, mais pas pour longtemps. En mars 1840, soit seulement quelques mois après que le procédé ait été rendu public à Paris, s’ouvrit à New York le premier studio photographique du monde. Dès 1853, les Etats-Unis comptaient plus de 100 studios. La photographie fut très rapidement pratiquée à l’autre bout de la planète : des photographes sont représentés sur des estampes japonaises dès 1860 ; la photographie s'intègra au matériel de toutes les grandes expéditions scientifiques à partir des années 1880.
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Francis Frith, Temple de Philae à Assouan, Egypte, 1856 : importance du bateau pour assurer le voyage et servir de laboratoire photographique ambulant. Source : http://www.geh.org/fm/frith/m197602810008.jpg Sur les difficiles conditions de la pratique photographique dans les régions exotiques, voir le site : http://nileg.free.fr/doc/ppe4.htm
En Europe, où la notoriété du nouveau procédé s’établit rapidement, les studios s’ouvrirent également en grand nombre, bien que le daguerréotype ne fût encore accessible qu’aux classes les plus fortunées, en raison de son coût élevé. Ailleurs que dans les grandes villes, des photographes ambulants vulgarisèrent ce nouveau type d’images, sans compter les foires qui devinrent des lieux de prédilection pour le commerce de la photographie. En France, l’événement public qui consacra la photographie fut l’Exposition universelle de 1855 à Paris où, pour la première fois, cette nouvelle image fut exposée, dans le pavillon de l’Industrie (et non pas dans celui des Beaux-Arts – détail significatif). Sous le Second Empire, les studios de photographie s’inscrivaient parmi les nouvelles attractions à la mode. A Paris, les principaux s’installèrent sur les grands boulevards où s’ouvrirent également quantité de nouveaux théâtres et de restaurants. Les grands noms de la photographie, au premier rang desquels Nadar, y installèrent des locaux somptueux, somptuaires, pour attirer une clientèle de plus en plus nombreuse et désireuse de retrouver les plus beaux effets théâtraux dans ce nouveau genre de portrait. Atelier de Nadar sur le boulevard des Capucines, 1861, déployant en façade la signature géante de ce très célèbre photographe. Source : http://expositions.bnf.fr/legray/images/3/099.jpg
Avant l’installation de l’électricité (à partir de 1880) et l’invention du flash (en 1887), ces studios devaient impérativement ouvrir sur le toit des immeubles ou disposer d’une verrière car le plein soleil était indispensable à la prise de vue photographique. André Adolphe-Eugène Disdéri (1819-1889) est l’archétype de l’entrepreneur qui s’investit dans la photographie avec un appétit de profit non dissimulé. En 1854, il déposa le brevet d’un nouveau type de carte de visite portant la photographie du personnage concerné, dont le coût était très nettement réduit grâce à une technique permettant de prendre six clichés sur la même plaque. Disdéri, Portraits cartes du docteur Cabanès, 1858. Source : http://www.cndp.fr/Themadoc/niepce/images/docteur.jpg
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Il s’agissait donc de portraits de petite dimension, mais bon marché, dont le succès commercial fut immédiat. Avec ce nouveau procédé, la photographie commença à s’industrialiser. Les ateliers qui boudèrent ce nouveau débouché commercial éprouvèrent de grands difficultés à maintenir une production de qualité. Autres exemples et évolution du portrait carte de visite. Source : http://photocarte.ish-lyon.cnrs.fr/Document_Photocarte.php
Dans les années 1850 à Paris, le nombre d’ateliers photographiques passa d’une cinquantaine à environ 200. Entre 1860 et 1870, leur nombre fut encore multiplié par 2,5. A Londres, on en comptait pas moins de 300. La photographie était donc devenue un commerce rentable, qui attirait une foule d’ambitieux sans garantir pour autant leur succès : les faillites étaient nombreuses, beaucoup de succès éphémères.
Le succès du/par le portrait C’est le portrait qui assura le succès public et commercial de la photographie. Selon un historien américain, les portraits représentaient au XIXe siècle 90 % de la production photographique. Il est probable que ce chiffre dérive de la situation américaine où, dès son apparition, le daguerréotype connut un succès foudroyant auprès de cette population d'immigrants constamment en mouvement à travers un pays en pleine colonisation. Ainsi, en 1853, 3 millions de photos furent prises en Amérique et, entre 1840 et 1860, pas moins de 30 millions de clichés. En Europe, l'essor du portrait photographique ne fut pas moins considérable. Voici quelques chiffres à titre indicatif : – en 1849, au moins 100 000 portraits-daguerréotypes auraient été réalisés à Paris ; – en 1862 : 105 millions de photographies furent prises en Grande-Bretagne, dont la plus grande part étaient des portraits-cartes de visite ; – en 1863, à Londres, l'un de ces studios photographiques employait cent personnes ; de nombreux autres en employaient une cinquantaine chacun. Pendant très longtemps, « aller chez le photographe » a signifié communément « aller se faire tirer le portrait ». Si le portrait a imposé la photographie, réciproquement la photographie a véritablement démocratisé le portrait. Même si ce mouvement n’a pas été aussi rapide qu’on le croit, il est certain néanmoins que la photographie a offert à un nombre jusque-là inégalé d’individus la possibilité d’obtenir une image d’eux-mêmes. Je reviendrai dans un prochain chapitre sur cette véritable révolution qui, à sa manière, a contribué à façonner la société individualiste dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Au-delà du caractère massif de son extension, le portrait s’est également trouvé transformé dans sa facture. La photographie a introduit en effet une nouveauté
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décisive : un degré jusque-là jamais atteint de ressemblance mimétique. Le cliché d’un individu lui ressemblait d’une manière qu’on n’avait encore jamais vue dans la peinture. D’ailleurs, beaucoup des contemporains de l’invention se montrèrent horrifiés par cette restitution crue des traits individuels. Aussitôt, les laboratoires photographiques inventèrent d’innombrables tours et techniques pour donner de la couleur à ces joues blafardes, Daguerréotype rehaussé de couleurs, date ? Source : http://heliographie.tpe.free.fr/images/daguerreotype_colore.jpg
pour gommer ces rides implacablement restituées par l’optique, pour vivifier ces visages figés par la longueur des poses. Il n’en demeure pas moins qu’avec la photographie, le portrait s’engagea dans la voie de la ressemblance et de l’individualisation poussée de la représentation. Portraits d’ Isambard Kingdom Brunel, architecte anglais : − par le peintre John Callcott Horsley, 1857 : Source : http://www.reprotableaux.com/kunst/john_calcott_horsley/isambard_kingdom_brunel_1806_hi.jpg − par la photographe Tobert Howlett, vers 1855 : Source : http://www.eastman.org/taschen/m198116470079.jpg ou les variations visuelles entre un portrait peint (classique, psychologisant) et un portrait photographique (en extérieur, « professionnel »). Conséquence presque obligée de cette nouvelle qualité du portrait : la police rechercha très vite le moyen d’utiliser la photographie pour identifier les suspects, les récidivistes. Ce fut le point de départ de l’usage signalétique de la photographie, d’où sortit la photographie d’identité, attribut désormais obligé de nos documents administratifs. Alphonse Bertillon, Pose anthropométrique, vers 1890. Source : http://www.medienkunstnetz.de/assets/img/data/3832/bild.jpg Autoportrait anthropométrique, date ? Source : http://antiquescientifica.com/forensic_Bertillon_card.jpg
La pratique amateur Même produite à des millions d’exemplaires, la photographie du XIXe siècle demeura largement une pratique de professionnels. On allait dans un studio ou dans une baraque foraine, on tirait parti du passage d’un photographe ambulant pour se faire tirer le portrait. Photographe ambulant, gravure sur bois, 1890. Source : http://www.philographikon.com/images2/photographeambulant.gif
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On faisait venir un photographe pour immortaliser la noce. Pour que la pratique de la photographie commence à se répandre dans la population, il fallut, une fois de plus, de nouvelles innovations techniques. Entre 1871 et 1878, fut mise au point une nouvelle émulsion photosensible beaucoup plus réactive à la lumière, le gélatino-bromure d’argent, qui autorisa des temps de pose de 1/25ème de seconde. Puis on inventa, en 1889, un film négatif souple qui permit de s’affranchir des plaques de verre. A partir de là, apparurent les premiers appareils portables que la firme américaine Eastmann commercialisa sous le nom de Kodak. Les premiers modèles devaient être retournés à l’usine pour traitement du film ; le client recevait ensuite les tirages avec un nouvel appareil rechargé (la vogue des appareils jetables n’a fait que reprendre la même formule). D’où le fameux slogan : « Appuyez sur le bouton, nous faisons le reste ». Par la suite, on pouvait se contenter de donner le film à développer tout en conservant l’appareil. Facilité d’utilisation, vitesse de prise de vue (permettant de saisir des sujets en mouvement) et modicité du coût de ces nouveaux appareils, tous ces facteurs permirent le développement de la pratique photographique en dehors des sphères professionnelles. Significativement, les premières publicités de Kodak taient axées sur les femmes et les enfants pour montrer que la photographie était devenue un jeu d’enfant. Kitty Kramer, la première « Kodak girl », montrant comment se servir d’un appareil Kodak, 1890. Source : http://www.referenceforbusiness.com/businesses/images/lab_0001_0001_0_img006 7.jpg
Popular photography, magazine américain destiné aux photographes amateurs, novembre 1913. Source : http://mgroleau.com/jpg/mags/pop191311_r.jpg
Il ne faudrait pas croire pour autant que la photographie devint en quelques années une pratique de masse. La situation que nous connaissons aujourd’hui est extrêmement récente : en France, le grand essor du parc des appareils photo débuta seulement à partir des années 1950-1960. Jusque-là, la photographie resta l’apanage d’une minorité privilégiée. Mais le point déterminant est qu’elle avait cessé d’être le monopole des professionnels. Le photographe amateur des années 1890 était le plus souvent un amateur éclairé, féru de technique, qui n’avait que mépris pour le commerce de la photographie. Une très grande part des innovations techniques apportées au procédé photographique sont dues à des amateurs qui n’en tirèrent pas souvent profit. A partir de 1897, ils commencèrent à se regrouper dans des sociétés photographiques qui proclamaient des buts désintéressés, excluant donc explicitement toute dimension commerciale,
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mais qui se gardaient tout autant de vulgariser à tout-va la pratique photographique. Celle-ci devait demeurer à leurs yeux une activité élitiste pour gens de bonne compagnie et de bonne culture. A cet égard, l’amateurisme de cette fin de siècle se distinguait aussi nettement de l’affairisme que de la démocratisation de la photographie. C’est parmi ces amateurs d’élite que se recrutèrent certains des photographes les plus soucieux de faire de la photographie un art reconnu et rien d’autre qu’un art. Ce culte élitiste de l’amateurisme resta la caractéristique d’une minorité qui, même depuis que la photographie est devenue une pratique de masse, n’a jamais dépassé plus de 8 à 10 % de ceux qui utilisent un appareil photo. Dans les années 1960-70, cette minorité peuplait les clubs photo qui, depuis, ont considérablement périclité. Il est vrai que le perfectionnement technique et, surtout, son orientation massive vers l’automatisme ont jeté sur le marché de nouvelles générations d’appareils d’un usage extrêmement simple et d’un coût modique. Si bien que la pratique de la photographie est devenue courante ; elle n’est plus synonyme d’apprentissage technique. Le slogan initial de Kodak « Appuyez sur le bouton, nous faisons le reste » – lancé, je le rappelle, en 1890 – est aujourd’hui pleinement entré dans les faits. En tant qu’invention, la photographie date bien du XIXe siècle ; mais en tant que pratique de masse, elle est le produit du XXe siècle. Jusqu'à la commercialisation massive de la technologie numérique, ce n’était plus par millions, mais par milliards d’épreuves que se comptait la production photographique mondiale et, fait caractéristique de l’époque contemporaine, cette énorme production était (et demeure) le résultat de la pratique de tout un chacun.
POUR EN SAVOIR PLUS : Jean-Claude Magny, André Rouillé (sous la direction de), Histoire de la photographie, Paris, Bordas, 1986. Michel Frizot (sous la direction de), Nouvelle histoire de la photographie, Paris, Adam Biro-Bordas, 1994. Christian Delage, Vincent Guigueno, André Gunthert, La Fabrique des images contemporaines, Paris, éditions du Cercle d’art, 2007. André Gunthert, Michel Poivert (sous la direction de), L'art de la photographie, Paris, Citadelles-Mazenod, 2007.