Ville
p r o d u c t i v e e t p o t e n t i e l s l at e n t s
Atelier conception et société A. Béal, A. Zoia ENSAPL
2020 -2021
Margaux Walter
REMERCIEMENTS En préambule de ce travail, je tiens à adresser mes remerciements à l'ensemble des personnes qui ont contribué à l'élaboration de ce projet de fin d'études. Je souhaite dans un premier temps remercier les enseignants, Antoine Béal et Aurélien Zoïa pour la richesse du sujet et de la démarche qu'ils ont choisi de développer au sein de l'atelier. Cela m'a permis d'éprouver beaucoup de plaisir et de stimulation dans le projet et le processus de réflexion qui l'accompagne. Je les remercie également pour leur écoute et leur investissement tout au long du semestre. Je remercie Clémence Combelles et Marie Pietrzak, pour la qualité de nos échanges, la richesse de leurs idées, ainsi que pour l'envie et la motivation dont elles ont toujours fait preuve pendant nos temps de travail. Je tiens également à remercier Émeline Poirier, Ève Perthuis et Marine Béclin, étudiantes en PFE, pour leur soutien et nos instants solidaires, qui nous ont permis de surmonter nos doutes et de retrouver une certaine confiance en nos idées et notre travail. Pour finir, je tiens particulièrement à exprimer ma reconnaissance à ma famille et à mes amis pour m'avoir soutenue durant ces années d'études, et pour m'avoir permis d'en surmonter la pression et les difficultés.
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Eva Le Roi , « Vision pour vlaams-bouwmeester » , 2017-2020
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AVANT-PROPOS À mon sens, le travail de l’architecte a toujours été motivé — d’une façon ou d’une autre — par le désir de parvenir à agir sur la société et de traduire à travers le projet une idée porteuse d’une capacité transformatrice. Aujourd'hui la pensée architecturale s'étend au-delà du fait constructif, elle est portée par de nouvelles considérations et poussée par des responsabilités éthiques qui induisent une certaine prise de position politique au sein du projet. L'architecture ne peut (et ne doit) donc plus être considérée comme la réponse figée à un programme donné, elle doit être processus , et permettre l'articulation de différentes échelles et temporalités. L'atelier Conception — dirigé et encadré par les architecte et paysagiste Antoine Béal et Aurélien Zoïa — s'inscrit dans cette démarche prospective en appréhendant le projet comme "une pratique réflexive visant à interroger et provoquer une nouvelle production architecturale et paysagère" et à "questionner l'habiter humain de demain" 1. Il s'agit de s'appuyer sur le réel, et de le mettre en perspective avec les enjeux contemporains — qu'ils soient sociaux, culturels, économiques, politiques ou écologiques — pour proposer un « projet de société à petite échelle »2. Cette année, l'atelier s'empare d'une réflexion collective sur le thème de la ville productive (explorée par le concours d'idées Europan, et par la ville de Lille elle-même). Il interroge la place de l'économie productive (industrielle, technique, artisanale) au sein de la ville et de la société contemporaines , pour en comprendre les éventuelles contraintes, limites et potentiels. Il s'interroge sur la place et la nature du travail en ville, les rapports ségrégés entre le savoir et le faire, ainsi que sur les inégalités spatiales et sociale qu'ils sous tendent. Il s'agit de rechercher des modes de gestion, d'organisation et d'occupation spatiale innovants permettant de provoquer la rencontre, le partage des connaissances, et de générer des interactions sociales afin de recréer du bien commun et les conditions d'une ville équitable et solidaire. En sa qualité d'atelier pluridisciplinaire, il entame également une réflexion sur les rapports entre ville et nature, et comment concilier "les valeurs de l'urbain aux qualités de vie du rural"3. Nous nous sommes donc interrogés sur la façon dont le paysage peut dialoguer avec l'architecture, permettre de redonner un cadre de vie à l'urbain, tout en conservant une dimension productive. L'atelier Conception est donc un atelier qui expérimente de nouvelles façons d'habiter et de produire la ville, mais qui soutient avant tout une expérimentation située, avec un ancrage à une situation et des enjeux réels : "La démarche de projet se construit ainsi, progressivement, en résonance avec le processus de problématisation du contexte d’intervention, considéré comme lieu d’activation des connaissances et de mise en lien des champs disciplinaires
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« Sujet - atelier master conception et société », Antoine Béal et Aurélien Zoia, ENSAPL 2020 Ibidem Ibidem
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convoqués par la situation abordée"4. Ce projet de fin d'études s'inscrit donc dans une attitude de recherche. Il ne cherche pas à établir une réponse absolue à un site et à un programme, mais à révéler un champs des possibles. On peut donc considérer le mémoire comme un outil pour retracer un parcours de pensée et les différentes recherches qui l'ont alimenté tout au long du semestre. J'ai choisi d'y développer un mode d'expression et de communication par le dessin qui puisse permettre, de façon simple et explicite d'aborder différentes thématiques et de démontrer une déclinaison de dispositifs et d'organisations spatiales comme sociétales. Il s'agit d'établir une boite à outils, qui puisse nourrir le projet et interroger la fabrication architecturale, urbaine et paysagère. Ce mémoire expérimente donc le récit par le dessin d' histoires d'architecture à la manière de Diane Berg, Eva le roi, ou encore Yona Friedman, pour une " relecture onirique et sensible des espaces et des territoires "5.
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« Sujet - atelier master conception et société », Antoine Béal et Aurélien Zoia, ENSAPL 2020 Extrait de la présentation de Diane Berg - architecte illutratrice - sur son site internet https://diane-berg.com/bio/
SOMMAIRE
INTRODUCTION P 12 DIAGNOSTIC P 16 Le quartier du Marais, entre contraintes et potentiels LES BERGES COMME ÉCOTONE
P 36
Entre ville et activité du canal PRODUIRE/BÂTIR/HABITER, P 46 Les filières de l'écoconstruction CO-BÂTIR LA VILLE p 56 Des modes d'organisations communautaires L'HABITAT ÉVOLUTIF
P 64
Des formes d'appropriations RÉVÉLER LE TECHNIQUE, HABITER LA MATIÈRE
P 74
L'apprentissage passif
OUVERTURE P 83 CORPUS P 85
LATENCE
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UN INTERVALLE DE TEMPS ENTRE UNE IMPULSION ET LE MOMENT DE RÉACTION
UNE FONCTION OU DES SAVOIR-FAIRE SUSPENDUS
UN CAPITAL INEXPLOITÉ, EN MESURE DE RESURGIR
Importance du processus dans la fabrique de la ville, de ce qu'on vient mettre en place pour créer une impulsion et permettre aux habitants de s'emparer de cette dynamique. Intervalle de temps qui contient donc en lui une part d'inconnue dans l'évolution de la fabrique urbaine.
Des savoir-faire étouffés par une abondance de biens, de produits et de besoins imposés par la société marchande. Perte d'une certaine autonomie OU dévalorisation de ces savoir-faire qu'on invisibilise. Capacité de l'homme à "vivre à sa juste mesure" suspendue. Potentiel latent susceptible d'être remis en marche.
Ressources naturelles (eau, sol, énergie, et force travailleuse) mal exploitées ou inexploitées . Potentiel de production vertueuse laissé en pause.
INTRODUCTION
La notion de latence réside dans l'idée de « ce qui n'est pas manifeste, qui reste caché, mais demeure susceptible d'apparaître, de se manifester à un certain moment »1. C'est une notion, qui pour moi, peut et doit conduire le travail de l'architecte, car elle sous-tend une réflexion autour du projet en tant que processus, ainsi que la capacité de celui-ci à révéler le potentiel et les ressources inexploitées d'un territoire et de sa population. Aujourd'hui, le rôle de l'architecte doit être réévalué de celui de décideur, proposant des systèmes figés, à celui de facilitateur. Son métier doit consister à créer des outils et dispositifs capables de s'emparer des dynamiques en place et sous-jacentes, pour redonner à un lieu sa valeur motrice. Faire la ville ne se résume pas en la planification d'un système urbain fixe et calibré, cela réside aussi dans la façon de générer des impulsions qui vont lui donner la possibilité d'évoluer, et vont permettre à ses habitants de devenir acteurs de cette évolution. Il s'agit de bâtir pour habiter la ville, de la considérer comme un milieu vivant et vivable porteur d'une énergie que la chercheuse et architecte Antonella Tufano décrit comme « inscrite en profondeur dans la matière qui fabrique l’urbain, les hommes et les choses »2. Cependant, aujourd'hui cette énergie serait, selon elle, trop souvent « réduite à une unité de mesure de la force-travail, distincte de sa matérialité et de sa naturalité; transposée dans une logique productiviste », elle serait devenue « la monnaie d’échange de la ville capitaliste et, de surcroît, un outil de clivage social »3. Il s'agit donc de la reconsidérer comme une force latente, capable de réunir les conditions d'une ville équitable, régie par une éthique sociale et écologique que le travail de l'architecte doit être en mesure de faire resurgir. Pour permettre cela, il devient indispensable de penser des espaces capables de créer des liens entre les habitants et leur environnement et de s'appuyer sur les ressources locales pour rétablir des formes d'habiter et de production locales, solidaires et vertueuses. En effet, Alberto Magnaghi — architecte et urbaniste — décrit un affranchissement de la population vis à vis de son territoire, où le consommateur aurait remplacé l'habitant : « La nature a été reléguée, les relations culturelles et environnementales avec les lieux ont été rompues, le territoire réduit à une surface d’appui technique au système économique et à la compétition.[...] De manière générale, nous sommes dans un modèle dominant où l’action privée, et même celle de l’État, tuent la caractéristique d’écosystème du territoire. »4
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définition issue du centre national de ressources textuelles et lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/latent
2
« Les clés de la latence : dispositifs conceptuels pour la fabrique du projet », Antonella Tufano dans « La ville révélateur des architectures et énergies latentes », in R. d’ Arienzo, C. Younès et al. (coord), Ressources urbaines latentes, MétisPresses, 2016
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Ibidem «Les territoires du commun », entretien avec Alberto Magnaghi, Sandra Fiori, Métropolitiques, 10 mai 2018
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Pour que la ville, en tant que milieu, puisse retrouver un équilibre et une forme d'ancrage au territoire, elle devrait donc considérer le rapport au sol et aux ressources naturelles comme le premier agent transformateur de cette énergie latente en force motrice capable de soutenir la fabrique collective d'un paysage urbain. Paysage urbain dans lequel la nature participe « dans une relation de co-évolution féconde aux activités humaines »5, à l'échelle locale, celle de l'habitant, celle du commun. Ce processus de reterritorialisation pour tendre vers l'idée de ville comme « écosystème dynamique » énoncé par Magnaghi, traduit pour moi tout le potentiel de réactivation contenu dans l'idée de latence. Nous nous en sommes donc emparé pour une première interprétation théorique des conditions qui permettraient à la ville productive d'agir comme le révélateur de potentiels inexploités (ci-contre). Ces dernières amènent également à reconsidérer la distribution et le « partage des rôles dans la production de la ville » 6 vers un système plus solidaire et démocratique qui engagerait des jeux d'acteurs coopératifs et permettrait « d’ouvrir la voie au libre exercice de compétences non hiérarchiques, et communautaires »7. En effet, l'idée de latence comprend en elle-même la politique de convivialité, définie par Ivan Illich comme étant la « distribution équitable de la liberté de créer des valeurs d’usage »8. C'est à dire le fait de désinvisibiliséer les savoir-faire latents de la population, et de donner les moyens et infrastructures — techniques comme politiques — pour permettre à chacun d'agir sur la ville et son métabolisme. Il s'agit de redonner à l'énergie qui l'anime le statut de bien commun.
« L’idéal urbain n’est donc pas le rétablissement d’un état archaïque de bonheur et d’équilibre qui n’a jamais vraiment existé, mais une capacité renouvelée à regarder le projet de la ville à partir du non visible ou du négligé. La force du projet n’est plus dans l’apparence mais dans le latent » Antonella Tufano9
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«Les territoires du commun », entretien avec Alberto Magnaghi, Sandra Fiori, Métropolitiques, 10 mai 2018 « Sujet - atelier master conception et société », Antoine Béal et Aurélien Zoia, ENSAPL 2020, p9 «Le chômeur créateur- postface à la convivialité», Ivan Illich, édition seuil, 1977, p14
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Ibidem « Les clés de la latence : dispositifs conceptuels pour la fabrique du projet », Antonella Tufano dans « La ville révélateur des architectures et énergies latentes », in R. d’ Arienzo, C. Younès et al. (coord), Ressources urbaines latentes, MétisPresses, 2016
Une activité humaine en lien avec son territoire et ses ressources : S'appuyer sur le capital existant et transformer les contraintes en potentiel Créer une "coévolution féconde entre la nature et l'activité humaine"(2). Revaloriser le rapport au sol, à la nature et au paysage. Soutenir une "économie locale, auto-soutenable" et conviviale* : Engager des circuits courts, des jeux d'acteurs coopératifs, Retrouver une forme de travail artisanale, et une production à la mesure du territoire et de ses acteurs Une fabrique de la ville évolutive : Si la ville est un écosystème, un "milieu vivant" et en mouvement, elle doit pouvoir intégrer des logiques évolutives ainsi que des politiques pour cadrer et limiter sa croissance, et protéger l'existence et la qualité de ses espaces de respiration. Retrouver le sens de bâtir pour habiter : Stopper le zoning monofonctionnel et la séparation des fonctions du bâti Encourager la mixité et la diversité des programmes, recréer des liens entre habiter / travailler, savoir et faire, la production/culture/récréatif. Remettre l'habitant au centre de la fabrique de la ville et d'une communauté : Développer des formes d'autonomie de l'habitant, une capacité à produire, bâtir, se nourrir. Le réimpliquer dans les prises de décisions, dans la gouvernance de la ville. Retrouver une forme d'équité et solidarité, dépasser l'idée de "société de marché" et celle d'une "hiérarchie des compétences". Bâtir en engageant des formes d'écoconstruction : Avoir recours à des filières et des savoir-faire locaux, valoriser la production de matière/matériaux biosourcés.
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DIAGNOSTIC LE QUARTIER DU MARAIS, ENTRE CONTRAINTES ET POTENTIELS
Territoire d'entre-deux, entre ville et campagne Le site se situe au sein d'un ancien bassin ouvrier et agricole, dont le patrimoine s'étiole (bien qu'on en conserve encore la lecture). Il est devenu une zone de relégation des programmes incompatibles aux usages et fonctions centre- urbaines et acceuille aujourd'hui peu d'activités ayant une incidence à l'échelle locale. Enclave sociale et spatiale de la population Le quartier du Marais est constitué d'une population particulièrement précaire, avec un niveau de chômage élevé dû essentiellement à un manque de compétences dans les domaines professionnels du tertiaire (modèle professionnel dominant au sein de la ville). On y retrouve beaucoup d'habitat social, voire, d'habitat précaire. Il établit des connexions avec les grands axes de communication régionaux (canal de la Deûle, réseau ferroviaire et routier), mais reste cependant peu connecté à la ville et aux qualités de vie de l'urbain : l' accessibilité aux réseaux de transports est faible, et la quasi absence d'équipements, commerces et services freine la possibilité d'interactions et de dynamiques de quartier. Zones imperméables et complètement inaccessibles à l'homme (en tant qu'habitant) Les zones industrielles monofonctionnelles privatisent l'accès aux berges. Le canal est uniquement exploité comme voie de communication pour l'activité industrielle, ce qui prive l'habitant de tout rapport à l'eau. On a donc, au sein du quartier, la proximité de tout un paysage productif qui (comme nous allons le voir) a le potentiel de Faire ville mais qui reste cependant invisible et inaccessible depuis le site. L'usine Mossley, patrimoine productif Le site de l'usine Mossley est un îlot imperméable, complètement opaque et infranchissable. Il s'inscrit dans un réseau de friches industrielles, qui ont le potentiel de devenir des lieux incubateurs de la ville productive ( et qui ont d'ailleurs déjà fait l'objet de beaucoup de projets sur cette thématique).
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© Crédit photo : Nathan Hilaire
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La Proximité du paysage productif.... usine Cashmetal (recyclage et récupération des métaux)
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© crédit photo : Anaïs Giraud
....qui cependant privatise l'accès aux berges et le rapport à l'eau. usine Cashmetal (recyclage et récupération des métaux)
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La friche industrielle Mossley, un patrimoine riche mais inexploité usine Mossley (ancien fabriquant textile)
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un îlot inaccessible et infranchissable usine Mossley (ancien fabriquant textile)
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Patrimoine architectural : la maison ouvrière de 1930
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© crédit photo : Eve De Perthuis
La parcelle, lieu de l'autoconstruction (?)
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Des espaces cultivés... réseau de petits jardins partagés
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© crédit photo : Clémence Combelles
... des espaces cultivables ? réseau de petits parcellaires en friches
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QUELLES SONT LES RESSOURCES LATENTES DU TERRITOIRE ÉTUDIÉ ?
CAPITAL HUMAIN L’habitant
CAPITAL PRODUCTIF Le paysage industriel
CAPITAL AGRICOLE ET NATUREL
Comment ces ressources latentes peuvent-elles être activées et participer à un développement local, soutenable, et convivial ?
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L’HABITANT COMME RESSOURCE
STATUT DE LA POPULATION LOCALE
Population essentiellement familiale et précaire
Chômage élevé, incompétence dans le domaine du tertiaire
POTENTIEL LATENT DE L’HABITANT
Parcelles construites Des habitations construites par l'addition d'extensions réalisées par les habitants. (autoconstruction)
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Parcelles cultivées Des initiatives d’agriculture urbaine présentes dans le quartier
L’HABITANT COMME RESSOURCE Retrouver une curiosité individuelle, ainsi que la faculté de l'habitant de "vivre à sa mesure ».
RETROUVER UNE CAPACITÉ DE L'HABITANT
À BÂTIR
SE NOURRIR
ET À AGIR
L’habitant, moteur de la fabrique de la ville et de celle d’une communauté ?
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LE CAPITAL PRODUCTIF Le paysage industriel
Un paysage industriel monofonctionnel et inaccessible à l’homme
De l’espace pour apporter de nouveaux usages et de nouvelles formes de travail, notamment artisanales en lien avec les savoirs de la population locale.
L'usine Mossley, un site qui réunit le savoir et le faire. Un pôle d'excellence dans sa particularité modeste ?
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La possibilité pour la ville de regagner ses berges, et que l’eau redevienne vecteur de développement urbain.
Réunir habitants et professionnels, engager des transmissions de savoir-faire.
CAPITAL AGRICOLE ET NATUREL
Proximité d'un grand parcellaire de cultures intensives dans l'enceinte de la métropole
Des parcelles résiduelles à l’échelle du quartier du Marais
Transformer ce parcellaire en parc agricole pour produire des matières biosourcées
Leur donner une identité et les transformer en espace productif et structurant pour le quartier
Générer des matériaux pour des formes d'écoconstruction
Créer des liens entre habiter /cultiver
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Clémence Combelle, la coupe comme schéma directeur
SCHÉMA DIRECTEUR collectif
Sur la base de l'analyse qui précède, nous avons établi en groupe quelques grandes lignes et intentions directrices guidées par la notion de ville comme écosystème dynamique et révélateur de ressources latentes. Notre première volonté était de développer différentes natures et échelles de production, en commençant par la réimplantation de services, d' activités et de petits équipements au sein du tissu existant, ainsi que dans les nouveaux ensembles d'habitation que nous venions mettre en place. Nous voulions réactiver des mécanismes de rencontre, de partage et de convivialité entre les différents habitants du quartier en créant des espaces de commun et de mutualisation. Il s'agissait également de mettre en place des formes de production plus importantes, notamment le long du canal, qui engageraient une nouvelle expression du travail au sein de la zone d'activités industrielle et participeraient à la diversification des usages et des fonctions qu'elle accueille. L'idée étant de permettre à la ville de regagner la Deûle, en redonnant à la production une échelle humaine ainsi qu'un rapport à l'urbain et à la notion d'habiter. Parallèlement, nous avons cherché à créer une structure paysagère qui irriguerait le quartier et participerait à la création de porosités et d'un nouveau réseau de mobilités douces. Dans cette ambition, nous avons travaillé sur la réactivation de certains axes, comme celui du boulevard logistique qui borde le secteur industriel, pour en faire un boulevard marchable qui ferait lisière et deviendrait support de la ville productive. Si on le prolonge, qu'on l'étire suffisamment, c'est un axe qui pourrait inscrire le projet dans une échelle plus large et permettre le passage entre ville et campagne. Dans ce schéma directeur, le site de la friche Mossley devait, pour nous, jouer le rôle de nœud, d'articulation dans le tissu urbain en créant des percées, des porosités qui permettraient de faire pénétrer la ville au sein de l'usine. Nous avons décidé de la considérer comme un nouveau pôle d'excellence, qui, dans sa particularité modeste, permettrait une réconciliation du savoir et du faire en intégrant une diversité de programmes (tels que des ateliers d'artisanat, des espaces de culture sous serre, des lieux de formation et d'apprentissage, des bureaux d'architecture et de paysage, ou encore des ateliers de fabrication pour les habitants) J'ai choisi de concentrer mon travail sur le réaménagements des berges et la réactivation du canal, les pages qui vont suivre porteront donc essentiellement sur cet échantillon du territoire.
Échantillon d'intervention
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LES BERGES COMME ECOTONE RÉCONCILIER LA VILLE ET L'ACTIVITÉ DU CANAL
Studio Rijsel, illustration pour le projet Ecoto(w)ne
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Studio Rijsel, illustration et schéma directeur pour le projet Ecoto(w)ne, en réponse au concours d'idées Europan 14
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LES BERGES COMME ECOTONE
RÉCONCILIER LA VILLE ET L'ACTIVITÉ DU CANAL
Le terme Écotone décrit une notion empruntée aux disciplines géographiques et paysagères pour désigner une « zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins, dont la composition est plus riche que chacun des deux écosystèmes qu'ils séparent (et qu'ils repeuplent parfois) »1 . Il s'agit d'une notion que l'on peut rapporter à celle de rencontre entre deux milieux urbains, à leurs zones de frottements, ainsi qu'à leurs frontières mouvantes et qui illustre parfaitement le potentiel de réactivation du site, et l'énergie latente qu'il sous-tend. En effet, le quartier des rives de la Haute-Deûle est un secteur de mutation entre activités tertiaires, port fluvial, et quartier résidentiel, dans lequel s'inscrit un réseau de friches industrielles capables de devenir des lieux incubateurs de la ville productive. On y retrouve les sites de la presque-île Broschetti, des Silos Standard, ainsi que l'îlot de l'ancienne piscine Marx Dormoy et ses abords. C'est un secteur dont s'est emparé la ville, et plus particulièrement l'atelier Studio Rijsel, pour répondre au concours d'idées Europan afin d’entamer une réflexion sur le canal comme « vecteur de développement urbain et support d'outils de production »2. À travers le projet Ecoto(w)ne, ils ont proposé de transformer l'épaisseur linéaire des berges en un « lieu de transition [...] entre ville et Deûle » qui les rendrait « complémentaires »3. Dans notre travail et notre schéma directeur, nous avons décidé de prolonger cette réflexion jusqu'au site de la friche Mossley et de ses abords, et d'inclure le quartier du Marais dans une dynamique similaire. Dans le cas de notre site d'étude, les rives de la Deûle sont devenues un paysage d'activités industrielles complètement inaccessible à l'homme, rejetant toute fonction urbaine et participant à l'image et au constat d'un territoire ségrégé et régi par des logiques sectorielles. Il s'agit donc de dépasser ces logiques en reconsidérant le canal et ses quais comme une opportunité pour la ville, celle d'un connecteur, un espace de rencontre des usages et des programmes où se cristallise le concept de ville productive. Nous avons souhaité nous emparer d'un paysage industriel, et révéler sa capacité latente à soutenir des usages urbains tout en réactivant le canal comme voie de communication de l'activité productive. Aujourd'hui il est important [si ce n'est nécessaire], de réintégrer la production et le travail manuel au sein des logiques urbaines, car ces derniers portent en eux une capacité motrice dans l'affranchissement de la population vis à vis d'une société marchande mutilante. Nous nous sommes demandé comment le site pouvait permettre ce qu'Ivan Illich — philosophe — appelle «subsistance moderne », c'est à dire « un mode de vie dans une économie post-industrielle au sein de laquelle les gens ont réussi à réduire leur dépendance à l'égard du marché, et y sont parvenus en protégeant — par des moyens politiques — une infrastructure dans laquelle techniques et outils servent, au premier chef, à créer des valeurs d'usage non quantifiées, et non quantifiables par les fabricants professionnels de besoins »4.
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Définition issue du dictionnaire en ligne Larousse : nm. Zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins, telle que la lisière d'une forêt, une roselière, etc. (Les écotones ont une faune et une flore plus riches que chacun des deux écosys tèmes qu'ils séparent, et ils repeuplent parfois ceux-ci.) « Villes productives », Europan 2014, catalogue des résultats, édition Europan France, 2018, p214 Ibidem « Le chômeur créateur » postface à la convivialité, Ivan Illich, édition Seuil, 1977, p31
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LES BERGES COMME ECOTONE
RÉCONCILIER LA VILLE ET L'ACTIVITÉ DU CANAL
Cela amène donc nécessairement les questionnements suivants : comment lier habiter et produire, comment concilier l'espace public à l'espace logistique, et dans quelle mesure les espaces et outils techniques sont susceptibles de générer des valeurs d'usages et de devenir moteurs de convivialité ? Studio Rijsel décrit l'eau , en sa qualité de canal, comme induisant « un rapport frontal au paysage et donc à l'espace bâti ». Cette lecture de la ville et du paysage urbain m'ont guidée vers un mode de représentation, qui est rapidement devenu un outil de réflexion : celui de la Veduta. La Veduta est « une vue construite par le regard »5. Elle appartient à un langage pictural vénitien et signifie « ce que l'on voit » et plus particulièrement, la façon dont on le voit . Elle fait prévaloir les « intentions descriptives et représentatives, » à la représentation formelle, et décrit généralement de grands « panoramas dont les limites de projection s'étendent au delà de l'angle visuel normal, […] se dilatent outre-mesure, horizontalement »6. Je me suis donc demandé comment il était possible de retranscrire spatialement cette idée de la Veduta, comment elle pouvait devenir un élément d'interprétation des rives du canal et de la notion d'écotone. Je me suis d'abord saisie du vocabulaire de la longueur qu'elle sous-tend en amenant l'idée de promenade, d'un parcours linéaire au fil de l'eau, qui permettrait à la ville et à ses habitants de regagner la Deûle, de reprendre conscience de sa proximité. Cette promenade doit, pour moi, être accompagnée d'un rôle didactique, et devenir l'expression et le révélateur d'une activité productive. Elle doit être séquencée par des espaces, des outils et des infrastructures qui participeraient à la fabrique d'un paysage productif public et rendraient à la fois visible et lisible (voire accessible) le travail manuel et technique, afin de lui re-conférer le statut d'acte culturel, ainsi que son appartenance à l'écosystème urbain. Il s'agit également d'émettre des façons d'habiter les espaces de production, et de redonner une qualité au cadre de vie du travailleur en le reconnectant à l'espace public. Afin de réactiver des mécanismes de partage et de rencontres entre population locale et travailleurs, ce paysage productif doit accueillir des « micro-centralités » qui auront le potentiel de devenir ce que Gilles Debrun — architecte — nomme des « en commun »7 , c'est à dire des lieux fédératifs, ayant la capacité de recréer les conditions d'un vivre ensemble. Si l'on considère la ville comme écosystème et milieu vivant, elle doit également intégrer des espaces de respiration, des séquences paysagères, qui viendraient connecter la ville au canal, structurer le quartier, mais aussi cadrer sa croissance et son évolution. Ces séquences contiendraient en elles une capacité motrice, il ne s'agit pas de créer des paysages passifs, mais de considérer le sol comme une ressource capable et susceptible d'apporter de nombreux services écosystémiques (production de matière, approvisionnement, régulation des eaux, dépollution des sols, gestion de la qualité de l'air etc..) et d'évoluer en relation avec l'activité humaine8.
5 Argumentaire du séminaire «Veduta, paysage, perspectives et panorama à Venise", 2019 URL : http://blog.apahau.org/seminaire-veduta-paysage-perspectives-et-panorama-a-venise-venise-27-juin-3-juillet-2019/ 6 Source : Universalis URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/vedutistes/1-les-origines-de-la-veduta/ 7 Gilles Debrun dans «Ré-enchanter le monde», manifeste sous la direction de Marie-Hélène Contal, édition Alternatives, 2014, p68 8 «Les territoires du communs », entretien avec Alberto Magnaghi, Sandra Fiori, Métropolitiques, 10 mai 2018.
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LES BERGES COMME ECOTONE
RÉCONCILIER LA VILLE ET L'ACTIVITÉ DU CANAL
Pour pouvoir approfondir cette notion d' Ecotone, lui donner de l'épaisseur et permettre une véritable cohabitation de la ville et de l'activité du canal, il a fallu étudier la question des limites et des points de rencontre entre habiter et produire, entre privé et public, la gestion des flux que cela allait induire, ainsi que les différentes temporalités que pouvaient prendre ces espaces et leur possible alternance entre fonction urbaine et fonction logistique. J'ai fait le choix de développer plusieurs échelles de production dont certaines pouvant se concilier aux espaces et usages urbain, et d'autres, plus lourdes, dont l'activité serait rendue visible, sans pour autant être accessible au promeneur et à l'habitant . Pour pouvoir alimenter cette réflexion, j'ai souhaité établir une « boite à outils » de dispositifs spatiaux urbains et architecturaux qui permettraient des formes de mutualisation entre habiter et produire. J'ai donc abordé des notions telles que la rue et l’îlot productif, la diversité des fonctions bâti, les rez de chaussés actifs, les toitures productives et espaces d'agriculture urbaine (jardins partagés, permaculture, apiculture...). Ce sont des dispositifs qui, sans devenir systématiques, peuvent être déclinés et qui nous ont également permis d'établir une hypothèse sur comment la ville productive pouvait venir coloniser le tissu existant en considérant le petit parcellaire disponible comme ressource et en y appliquant des logiques d’acupuncture urbaine9 . C'est d'ailleurs peut-être au sein du déjà là, à travers la micro intervention, que démarre le processus de fabrique d'une ville solidaire, collaborative, et productive ?
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Notamment à travers l'implantation ponctuelle de services, d'ateliers artisanaux, d'espaces de rencontre et d’expérimentation, pour redonner aux rues et aux îlots existants une fonction active et pas uniquement domestique.
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ÉCOTONE « Zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins, dont la composition est plus riche que chacun des deux écosystèmes qu'ils séparent, et ils repeuplent parfois ceux-ci. »
SÉPARATION CONFRONTATION
( Situation actuelle )
CÔTOIEMENT
COHABITATION
SUPERPOSITION 42
LES FORMES DE COHABITATION ENTRE HABITER ET PRODUIRE
FAIRE VILLE AU SEIN DE LA ZONE D'ACTIVITÉS INDUSTRIELLE.
LA RUE PRODUCTIVE
L'ÎLOT PRODUCTIF
LA DIVERSITÉ DES FONCTIONS DU BÂTI 43
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PRODUIRE/BÂTIR/HABITER LES FILIÈRES DE L'ÉCOCONSTRUCTION
Diane Berg, illustration pour le concours Bas carbone EDF- La fabrique de la renaissance, OBRAS & OMA
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Diane Berg, illustrations issues du film d'animation pour le concours Bas carbone EDFLa fabrique de la renaissance, OBRAS & OMA
PRODUIRE/BÂTIR/HABITER LES FILIÈRES DE L'ÉCOCONSTRUCTION
La notion de ville productive étend pour moi ses considérations au-delà de l'implantation de services et de petites productions artisanales au sein de l'urbain, il s'agit également de parvenir à y intégrer de véritables espaces et outils techniques comme logistiques, permettant le développement d' activités de fabrication et de maintenance, trop souvent reléguées en périphérie de la ville. Cette politique d'exclusion, dictée par le monopole d'une économie tertiaire, alimente des inégalités tant spatiales que sociales, et refuse de percevoir la capacité latente de ces programmes à créer des valeurs d'usages et à s'intégrer dans les dynamiques urbaines. Notre site d'étude est un site stratégique au croisement de trois grands réseaux de communication et de transport — routier, ferroviaire et navigable — il s'inscrit au sein d'un large paysage d'activités industrielles dont les aménagements admettent et facilitent les conditions d'insertion de programmes liés à l'activité productive. Mais ces nouvelles formes de travail doivent également accompagner la régénération du quartier, et permettre de le transformer en milieu vivable capable d'intégrer de l'habitat, des services et des équipements. Nous avons fait le choix de développer sur le site d'intervention des infrastructures liées à la filière de l'écoconstruction. Tout d'abord parce qu'elle se détache du modèle économique dominant au sein de la ville, et permettrait de s'inscrire dans une démarche écologique mais aussi sociale en créant de l'emploi pour la population locale1, autant pour les acteurs professionnels de la construction que pour les travailleurs moins initiés. Mais aussi parce qu'il s'agit d'une filière qui participe directement à la fabrique de la ville et permet d'explorer — en tant qu'architecte — les rapports entre produire, bâtir et habiter. Cela nous a en effet amené à nous poser les questions suivantes : Quel est le rôle de chacun ? Qui produit, transforme, et met en œuvre ? Comment peut-on mettre en place un jeu d'acteurs collaboratif dans lequel la population locale est inclue, et auquel cas : où s'arrête le travail de l'architecte, de l'artisan et où commence celui de l'habitant ? Quelle est la marge d'intervention de chacun et quels en sont les points de rencontre ? Pour cela j'ai recherché des modes d'organisation et de gouvernance, permettant d'établir des chartes de construction et un partage des rôles dans la fabrique de la ville, qui permettent également la transmission de connaissances et de savoir-faire auprès de la population locale, afin de valoriser l’autoconstruction et les interventions à l'échelle du petit habiter. L'idée étant de développer une véritable hypothèse de l'habitant producteur de son espace de vie mais aussi acteur de la fabrique de la ville (mais ce sont des thèmes que j'approfondirai dans les chapitres suivants). Il s'agit également de trouver des dispositifs spatiaux qui vont permettre l'interaction (plus ou moins passive) entre habitants et travailleurs en donnant une visibilité du travail sur l'espace public , et en permettant une démonstration de ces savoir-faire et de leur mise en œuvre dans la construction de la ville. En effet, dans le chapitre précédent, j'ai évoqué l'idée d'une promenade didactique le long des quais qui
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Dans laquelle on observe un taux de chômage élevé, et qui est en grande partie déqualifiée pour les emplois du secteur tertiaire, mais dans laquelle on relève un intérêt et des compétences pour le secteur de la construction.
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PRODUIRE/BÂTIR/HABITER LES FILIÈRES DE L'ÉCOCONSTRUCTION
rendrait lisible et visible une chaîne de production. Il s'agit donc d'inscrire cette chaîne au sein de la filière de l'écoconstruction en développant une succession de programmes et d' infrastructures qui lui sont liés : Une scierie, un espace de stockage pour les grumes, qui seront ensuite transformées au sein d'un atelier de menuiserie et de fabrication bois, un espace d'exposition des chefs d’œuvre, un centre de maintenance et de services techniques liés à la construction, ainsi qu'une plate-forme de stockage et de redistribution des matériaux de seconde vie. J'ai décidé d'appuyer cette chaîne de l'écoconstruction par des infrastructures liées à la production du bois parce qu'il s'agit de l'un des rares écomateriaux permettant d'aborder la question du gros œuvre comme celle du second œuvre, et que sa transformation nécessite l'intervention de la main de l'homme, une forme de travail artisanal qui convoque des savoir-faire. De plus il s'agit d'une filière stagnante, car si la production forestière s'étend sur le territoire, elle est cependant de moins en moins exploitée par les scieries locales : le bois est exporté à l'étranger à bas prix et les produits transformés sont réimportés à prix coûteux. Il s'agit de réactiver des circuits courts, en s'appuyant sur les exploitations forestières locales, et en permettant une transformation et une mise en œuvre du bois au sein du territoire de la métropole, et plus particulièrement au sein du quartier. Le choix de la filière de l'écoconstruction était aussi le moyen d’établir une passerelle de réflexion entre production architecturale et production paysagère, car elle pose la question du bio-sourcé. En d'autres mots : quelle matière est susceptible de produire un paysage, et à quelle échelle ? Quelles en seraient les capacités de rendement ? Comment sa dimension productive peut-elle s'intégrer aux dynamiques et aux usages urbains en permettant d'autres propriétés écosystémiques (régulation et qualité de l'eau, de l'air, des sols, la promenade, le bien être) ? En effet, les réseaux liés au bio-sourcé commencent à se diversifier au sein de la région et à atteindre une certaine efficience à travers la production de matières telles que la paille, le lin, le chanvre, et le bois. Les politiques régionales tentent — notamment au travers de l'association Cd2e2 — de promouvoir ces filières par le développement d'outils de formation et de sensibilisation, ainsi que par la création de lieux de recherches et d'expérimentations autour de leur mise en œuvre. Cependant ces structures sont essentiellement visibles pour celui qui les connaît ou les recherche, et on constate toujours un manque de sensibilisation et d'accessibilité à ces filières et aux savoir-faire qu'elles induisent, ainsi qu'un manque de mise en relation des différents acteurs qui y participent ou sont susceptibles d'y prendre part. Il serait donc intéressant de voir comment la conception paysagère pourrait participer à redonner une visibilité à la production bio-sourcée, quelles ambiances elle pourrait générer au sein de l'urbain et quels dialogues elle pourrait entretenir avec le bâti. De plus, il s'agit d'une hypothèse que l'on pourrait explorer à différentes échelles d'intervention : On constate la présence de grands espaces d'agriculture intensive (à l'ouest de notre site d'intervention) qui ne sont plus adaptés, ni au contexte ni aux usages urbains. On retrouve également du petit parcellaire
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CD2E (Centre de Développement des Eco-entreprises) plate-forme d'outils et d'information sur l'éco-transition dans le secteur de la construction. URL : http://www.cd2e.com/
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agricole morcelé au sein du quartier ainsi que des espaces en friche, qui, additionnés, constituent un large foncier disponible pour recréer tout un paysage productif transcalaire en relation avec les pratiques et les dynamiques urbaines. De la même manière que pour l'espace bâti, cela pose la question de la part d'intervention laissée à l'habitant. Comment celui-ci peut-il participer à la fabrique de son propre paysage ? Quel est le rôle de chacun ? Nous avons pu constater sur site une certaine capacité de l'habitant à jardiner, planter, cultiver, à travers la présence d’associations de jardins partagés et l'aménagement de petits potagers au sein de certaines parcelles privées . Peut-être est-il possible de valoriser ces savoir-faire latents en imaginant différents degrés d'initiatives, de la parcelle privée cultivable au projet paysager conçu et dessiné par le paysagiste. Enfin, le dernier point que je souhaiterai aborder dans cette chaîne de l'écoconstruction est celui de la récupération et du réemploi et donc des filières de déconstruction. Il s'agit de rallonger le cycle de vie des matériaux et de participer à la création d'une forme d'économie circulaire, en profitant de la présence du canal pour aménager une plate-forme de stockage et de redistribution des matériaux de seconde vie, et instaurer un flux dynamique et vertueux de la matière. C'est une démarche qui a déjà été initiée par le collectif ZERM, à travers la mise en place d'un comptoir de matériaux de réemploi à Roubaix ( « Le parpaing » ), ou encore par l'agence Tetra et son projet Materials Flaws, réalisé à Bruxelles. La filière du réemploi est composée de plusieurs étapes, de la prospection ( l'identification et le repérage dans le « gisement urbain » des éléments susceptibles d'être réutilisés ) à la remise en œuvre des matériaux. Ces étapes ont été identifiées dans le rapport d'analyse « REPAR#2 » du collectif Rotor, qui explique comment ces dernières peuvent générer de l'emploi pour des travailleurs plus ou moins initiés : On y retrouve premièrement l' « extraction des matériaux » sur les sites de déconstruction, qui requiert une certaine autonomie et habilité de l'ouvrier. Puis l'« l'entreposage » : « le transit des matériaux par un entrepôt demande des opérateurs capables de gérer l’organisation et le suivi d’un stock complexe et hétérogène ». Les matériaux récupérés nécessitent alors un nettoyage et un remaniement qui s'inscrit dans un processus de « Reconditionnement » qui peut « être systématisé, jusqu'à un certain point » ou peut nécessiter des techniques spécifiques et un savoir-faire professionnel. S'en suit l'étape de « documentation », c'est à dire l'inventaire des matériaux et de leurs caractéristiques pour qu'ils puissent être revendus en connaissance de leurs propriétés techniques, afin d'assurer une certaine fiabilité dans leur remise en œuvre3. « [le réemploie] est un levier du métabolisme urbain, qui s'appuie sur le concept souvent imprévisible de mine urbaine pour proposer une alternative au « tout standard ». Il s'agit de rendre visible, et lisible le gisement de matière dans l'espace urbain afin de s'en saisir et de fabriquer des filières de distribution de matériaux et composants collectés, préparés, fiabilisés et fournis localement pour le BTP » « REPAR #2 : Le réemploi passerelle entre architecture et industrie », Bellastock. 4
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« REPAR #2 : Le réemploi passerelle entre architecture et industrie », ouvrage collectif sous la direction de Julie Benoit pour Bellastock, collection Expertises, 2018, p 23 - p25 Ibidem p9
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LES FILIÈRES DE L'ÉCOCONSTRUCTION
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L'entreprise locale BDN (Briquetteries du Nord) producteur, fabricant et commerce local
fabrication de matériaux en terre cuite et terre crue
Exploitations agricoles régionales
Production de matériaux biosourcés ( essentiellement bois, paille, lin et chanvre )
Plateforme de stockage et redistribution des matériaux de seconde vie
Matériaux de récupération ( gros oeuvre et second oeuvre )
LA FILIÈRE BOIS
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LE PARTAGE DES RÔLES DANS LA FABRIQUE DE LA VILLE
ARCHITECTE / HABITANT
PAYSAGISTE / HABITANT
L'aménagement de la parcelle de jardin privée et la construction des cabanons relèvent de l'habtiant
L'architecte conçoit et met en oeuvre la construction du logement, l'habitant décide des transformations et extensions qu'il veut opérer. Le paysagiste structure les espaces de jardins partagés et dessine les espaces communs. L'habitant intervient sur la façon dont il veut occuper ces espaces.
Les grands espaces et infrastructures publics sont conçus par l'architecte et le paysagiste....
... Mais le chantier peut devenir un point de rencontre entre le travail du concepteur, celui de l'artisan ou du jardinier et celui du travailleur non-initié.
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CO-BÂTIR LA VILLE DES MODES D'ORGANISATION COMMUNAUTAIRES
Diane Berg, illustration pour le concours «Réinventer Paris », réhabilitation du Cash à Nanterre - AUC Architecture
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Collectif ETC - 2013 Au P.O.I.L : Projets pour l'Ollière et Idées Locales Réflexion sur comment « habiter autrement les centres bourgs » Atelier d’urbanisme et de micro-projets participatifs monté sur place pour le temps de l’étude.
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figures : 1 Accuellir les visiteurs 2 Valoriser les espaces publics 3 Activités et services 4 Valoriser le bâti et compléments d'habitat
CO-BÂTIR LA VILLE
DES MODES D'ORGANISATION COMMUNAUTAIRES
Comme j'ai pu l’énoncer précédemment, la ville contemporaine intègre peu l'habitant à ses logiques de planification et de construction. Le sens de bâtir pour habiter se perd, on produit des biens quantifiables, au service d'une économie marchande et de logiques de rentabilité qui tuent la qualité des espaces. On crée une société de « besoins standardisés », qui engendre une forme de dépendance et donc d'impuissance de l'habitant, qui « fausse chez « monsieur-tout-le-monde » la faculté de vivre « à sa mesure » »1. Les logiques de projets participatifs deviennent plus souvent des instruments de légitimation de l'action publique, et une rationalisation des modalités d'encadrement, qu'une façon de repenser le lien social, et de redonner à l'habitant une vraie capacité d'agir sur son environnement quotidien Il s'agit de se départir de ce « gouvernement de la participation » 2 pour élargir la marge d'intervention de l'habitant sur son milieu de vie. C'est à dire comment lui redonner un pouvoir de décision dans la fabrique de la ville, une capacité d'agir et de bâtir ? Et comment cela peut se traduire à travers des modes d'organisation, ainsi que par des (infra)structures techniques et politiques. Pour cela, j'ai tenté d'envisager une nouvelle gouvernance du quartier, à échelle plus locale, à laquelle on attacherait une valeur symbolique en la matérialisant sous la forme d'une Maison du peuple, et qui permettrait la rencontre des différents acteurs, la concertation, et la prise de décisions horizontales. L'idée étant de générer une structure et une organisation qui instiguerait une critique perpetuelle de ce qui a été institué afin que la fabrique de la ville soit considérée comme un processus en renouvellement constant, et qu'elle soit toujours ancrée dans les valeurs et modes de vie contemporains. Cela amène donc à considérer une part d'inconnue dans notre façon de produire la ville, afin que celle-ci puisse contenir en elle des mécanismes démocratiques d'auto-organisation qui permettent à chacun de devenir acteur de ces transformations. L'objectif, pour cette maison du peuple, est aussi d'intégrer une dimension laboratoire, et d'y créer le sentiment émancipateur d’un espace plus nomade, fait d’intensités et d’éphémères. Il s'agit de créer un lieu qui se réinvente au gré des pratiques et en fonction des nécessités, en opposition au tout établi, à la quête de l'homogénéité et à l'ennui des lieux semblables. Il pourrait constituer un espace témoin de l'énergie latente de la ville, un espace d'«utopie concrète » 3 dont les possibilités se heurtraient parfois aux limites du réel mais qui permettrait d’enclencher une volonté d’agir et une participation citoyenne. Cela entamme une réflexion sur le caractère empirique de l'espace, c'est à dire sa capacité à devenir un espace qui se vit, s'experimente, et qui acquiert ses usages et fonctions au fur et à mesure qu'il se construit ou se déconstruit. Il s'agit également de provoquer une action simultanée du travail de conception et de construction et à engager une coopération des différents corps de métiers avec la population locale.
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« Le chômeur créateur » postface à la convivialité, Ivan Illich, édition Seuil, 1977, p 14 Pascal Tozzi, « Enjeux participatifs dans l’adaptation urbaine durable », Sud-Ouest européen [Online], 37 | 2014, Online since 23 July 2015. URL : http://journals.openedition.org/soe/1128 ; DOI : 10.4000/soe.112 expression empruntée à Fazette Bordage, fondatrice de la friche culturelle «Mains d'Oeuvre », qu'elle emploie pour qualifier la nature des lieux intermédiaires.
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DES MODES D'ORGANISATION COMMUNAUTAIRES
J'ai également réfléchi à des modes d'auto-organisation pouvant permettre des formes d'habitat communautaires, accessibles et désencastrées d'une « chaine immobilière spéculative »4. En effet, le quartier du marais est un quartier qui acceuille énormement de logements sociaux et/ou précaires. Comme l'expliquent les architectes Alejandro Aravena et Andrés Lacobell — (studio Elemental) dans le manifeste « Ré-enchanter le monde »5 — il est important de comprendre que le logement constitue aujourd'hui un produit, un bien à valeur marchande, et que l'habitat social est le seul à ne pas être considéré comme capital. Cela se justifie par le fait qu'il n'occtroie pas de droit à la propriété et que sa valeur diminue avec le temps. Or « si le logement était considéré comme un investissement, et pas seulement comme une dépense sociale, il pourrait être un outil pour lutter contre la pauvreté », il pourrait « servir de garantie pour demander un prêt permettant à une famille de monter un petit commerce, aux enfants de faire des études »6. Je me suis donc interessée à la notion de coopérative car celle-ci permet une relecture de l'habitat social, comme support de convivialité et d'équité, qu'elle intègre une forme de « gouvernance basée sur la démocratie directe, et la solidarité, »7 ainsi que des mécanismes pour affronter la précarité. En effet, elle amène premièrement une reconsidération de l'habitat social comme système permettant de mutualiser et de « faire naître la petite épargne » pour accéder à la propriété — qui, de nos jours, reste une assurance financière et un marqueur social évident. C'est aussi un système qui provoque un jeu d'acteurs coopératifs en engageant un dessin collectif de l'habitat ainsi que des services et des espaces communs. Elle décrit un mode de vie communautaire en permettant de créer de la rencontre, mais aussi une certaine forme d'engagement dans la vie collective et la gestion des espaces partagés: « ce sont ici le droit d'usage et la prise de responsabilité qui priment et non la propriété privée » (Yann Maury). Pour l'entretien et la maintenance de ces espaces, les coopératives intègrent généralement des sytsèmes d'auto-financement à travers la location de locaux ou d'équipements. Ces derniers vont permettre un apport financier régulier, mais aussi une forme d'intégration à la dynamique de la ville et à la vie de quartier. De plus, si la coopérative contient une part d'évolutivité, elle peut également devenir révélatrice d'un certain « génie technique populaire » (Yann Maury), en permettant à ses occupants d'intervenir sur leur unité de vie, et d'y apporter de la valeur ajoutée à travers l'auto-construction.
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« Les coopératives d’habitants - Méthodes, pratiques et formes d’un autre habitat populaire », Yann Maury, 2011, p20-21 : « une chaîne immobilière spéculative à étages multiples s'est mise en place : du repérage d'un foncier en passant par la conception du projet immobilier, le choix requis des matériaux et des techniques de construction, l'octroi d'un prêt bancaire, l'établissement d'un prix de revient, de vente et bien entendu à chaque étape inventoriée l'octroi de marges fiancières par et pour chaque opérateur [...] chaque agent […] entend dégager le surplus qu'il estime lui être du et satisfaire son intérêt immédiat. ».
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« Des maisons pour tout le monde ? L'habitat incrémenté et la conception participative », Alejandro Aravena et Andrés Lacobelli- Stu dio Elemental, dans Ré-enchanter le monde, manifeste sous la direction de Marie-Hélène Contal, édition Alternatives, 2014 Ibidem
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Cité de l'architecture et du patrimoine, exposition « Zurich. Les coopératives réinventent le logement social ». À Zurich, la coopérative a servis de laboratoire pour la réinvention et dé-stigmatisation du logement social, et a entammé une réflexion sur la façon dont ce dernier pouvait créer des formes d'habiter équitables et solidaires. URL : https://www.citedelarchitecture.fr/fr/exposition/zurich-les-cooperatives-reinventent-le-logement-social
CO-BÂTIR LA VILLE
DES MODES D'ORGANISATION COMMUNAUTAIRES
Cependant le concept d'habitat évolutif nécessite un certain accès à des espaces, outils et moyens de production qui pourrait être permis par des mécanismes coopératifs. La participation à des projets de quartier et petits chantiers école pourrait — par exemple — permettre l'accès à des ressources, au materiel de fabrication et aux unités d'apprentissages contenues dans les espaces de production. De ce point de vue, le chantier pourrait devenir le point de rencontre entre l'intervention du concepteur (architecte ou paysagiste) celle de l'artisan et celle de la population locale. Il pourrait devenir un temps d'apprentissage, un lieu de partage et de transfert des connaissances à travers un principe d'échange équitable : une main d’œuvre peu chère (car peu qualifiée), contre un temps de formation gratuit permettant aux habitants de s'initier à des savoir-faire et d'augmenter leur capactié à bâtir, cultiver par euxmêmes. Ainsi la participation à la vie communautaire et au collectif permet également l'autonomie et l'accomplissement individuel.
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DES MODES D'ORGANISATION COMMUNAUTAIRES
LE TEMPS DE CHANTIER COMME TEMPS D'APPRENTISSAGE
LA PARTICIPATION À DES PETITS PROJETS DE QUARTIER
donne accès à
DES RESSOURCES, OUTILS ET ESPACES DE PRODUCTION
pour
LA RÉNOVATION ET/ OU L'EXTENSION DU LOGEMENT
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DES MODES D'HABITAT COMMUNAUTAIRES
L'HABITAT SOCIAL COMME CAPITAL ?
MUTUALISER LA PETITE ÉPARGNE
pour créer
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Eva Le roi, illustration du concours 64
« Inventons la Métropôle du Grand Paris » pour le bureau Hardel Lebihan Architects, Paris
L'HABITAT ÉVOLUTIF DES FORMES D'APPROPRIATION
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L'HABITAT ÉVOLUTIF DES FORMES D'APPROPRIATION
Aujourd'hui on constate un besoin et désir grandissant de flexibilité au sein du logement. Les schémas familiaux évoluent, nos modes de vies se renouvellent en fonction des changements de la société, et nos usages et pratiques s'adaptent, se diversifient. En tant qu'architectes, il devient nécessaire d'anticiper ces changements, et ici encore, de considérer l'habitat comme un processus, un espace latent, « capable d'être modifié et étendu dans le temps en fonction des besoins et moyens »1 de ses occupants. Nous pouvons traduire cela en imaginant différents principes, qui permettent d'allier au sein d'un même système l'architecture « formelle » et l'architecture générée par l'autoconstruction et les modes d'appropriation. En commençant par imaginer des dispositifs qui permettent d'inclure l'individuel au sein du collectif et en considérant par exemple les espaces de circulation, coursives et paliers, comme des espaces partagés, appropriables, qui vont permettre de faire seuils mais aussi de devenir des lieux de commun et de rencontre. Nous pouvons également inclure un caractère évolutif dans le dessin du logement à travers la mise en place de typologies qui permettraient de dédoubler ou de subdiviser les unités d'habitation, mais aussi en imaginant un principe de modularité au sein même de ces unités. Il pourrait s'agir par exemple d'imaginer une structure secondaire interne, qui permettrait différents partitionnements du logement, et proposerait un système de cloisonnement réversible. Il faut alors réfléchir à la trame que l'on veut mettre en place, aux usages qu'elle permet, à la nature et à l'épaisseur des éléments de partition qui la composent (permettent-ils de s'isoler ou seulement de faire filtre ? Accueillent-ils des usages et fonctions particulières ?). On peut se référer au travail de l'atelier Sophie Delhay et à sa réflexion sur la pièce comme module et unité, dont la démultiplication et les différents assemblages ou associations permettent des typologies changeantes et une adaptation du logement et de ses ambiances en fonction des besoins de l'occupant. « Parce que c’est ce qui caractérise probablement le mieux le plaisir d’habiter, nous portons une grande attention à ce que les logements soient interprétables par leurs habitants, qu’ils puissent inventer eux même leur façon d’organiser leur logement, au gré des formes de groupes domestiques, au gré des horaires de chacun, des dépendances et des indépendances, mais aussi au gré de la qualité des espaces et des lumières. » « Evolutivité » Atelier Sophie Delhay2 Nous avons également abordé la thématique de la « pièce supplémentaire », comme un espace libre, réversible, au sein de l'espace domestique, qui pourrait faire l'objet de changements d’usages en fonction des besoins et des temporalités, et qui — dans le thème de la ville productive — pourrait accueillir une petite production liée à l'échelle de l'habiter.
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« L'habitat incrémental – une stratégie de construction progressive du logement », mémoire de recherche de Marion Gouges, ENSA-PB, 2016, 172p Thématique de l'évolutivité, définit par l'atelier Sophie Delhay : http://sophie-delhay-architecte.fr/
< Figures 1 Illustrations d'analyse du projet Quinta Monroy - Elemental Studio, par Marion Gouges dans « L'habitat Incrémental : un stratégie de construction progressive du logement ».
2 L'habitat évolutif : plan pour le projet Unité(s)+, atelier Sophie Delhay 3 L'habitat évolutif : plan pour le projet LoMyr+, atelier Sophie Delhay
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L'HABITAT ÉVOLUTIF DES FORMES D'APPROPRIATION
C'est un concept que l'on retrouve souvent à travers les dispositifs de double peau, qui permettent la création d'espaces supplémentaires dont les propriétés changent en fonction des saisons et participent aux logiques bioclimatiques de l'habitat. Cela se traduit sous la forme de jardins d'hivers qui, situés au nord, vont permettre de faire écran au froid lorsque les températures sont basses, et qui, exposés sud, vont permettre de récupérer et d'accumuler la chaleur, afin de la redistribuer au sein du logement. L'été, s'ils intègrent un système de parois amovibles, ces espaces peuvent devenir extérieurs et accueillir de nouvelles pratiques. C'est un système sur lequel l'agence Lacaton Vassal s'est beaucoup appuyée — notamment pour ses opérations de rénovation — et qui a participé à construire l'expression de leur architecture à travers un dialogue poétique entre la légèreté et finesse d'une structure métallique et le caractère diaphane de ses matériaux de remplissage. Au delà de ces dispositifs généraux, on observe dans le nord une culture constructive et des modes d'habiter spécifiques, qui aujourd’hui convoquent également une réflexion située sur le caractère évolutif de l'habitat. En effet, le quartier du Marais s’établit sur un ancien territoire d'activités industrielles et agricoles, dans lequel les lieux de travail et de production étaient intégrés aux îlots d'habitation, et où la logique du couple habiter/travailler était particulièrement lisible. On y retrouvait une typologie d'habitat en bande, composée de maisons ouvrières mitoyennes, avec des jardins en lanières étroites qui constituaient des parcelles cultivables pour les habitants. Aujourd'hui on conserve une lecture de ces anciens modes d'organisation dans le tissu urbain, et le modèle d'habitat ouvrier de 1930 y est toujours très présent mais ne correspond plus — ni en terme de confort ni en terme d'usage — à nos modes de vie. Pour pallier au manque de place, les occupants ont développé au fur et à mesure du temps des extensions par additions successives, l'espace de jardin est devenu un terrain de l'autoconstruction, et a participé à développer une certaine culture du bâtir soit même dans la région. Cependant, si ce système d'habitation comprend des erreurs, il s'agit également d'un « modèle constructif juste et efficace » (Patrick Bouchain)3 qui s'appuie sur des valeurs d'équité et de solidarité : La distribution du parcellaire se faisait de façon égalitaire, et « la construction de ces maisons reposait sur des principes d'entraide qui consistaient à construire tous ensemble la maison de chacun »4 . Cela était rendu possible par le fait qu'elles observaient toutes les mêmes systèmes, outils et moyens constructifs, ainsi qu'un principe de mitoyenneté, qui engageait également une économie de matière et une efficacité thermique. Il s'agit également d'un modèle qui permettait une forme d'autonomie de l'habitant, permise par des certains savoir-faire. L'habitant ouvrier possédait une capacité à bâtir, à cultiver et à « vivre à sa mesure »5 qu'il s'agit aujourd'hui de faire ressurgir. C'est donc un modèle qui peut alimenter la réflexion sur le logement social contemporain et sur la notion d'évolutivité, en s'appuyant sur certains codes, principes et valeurs qu'il promeut.
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« Pas de toit sans toi - Réinventer l'habitat socail » ouvrage collectif sous la direction de Patrick Bouchain, édition [Actes Sud] Beaux-Arts, L'Impensé, p17 Ibidem «Le chômeur créateur- postface à la convivialité», Ivan Illich, édition seuil, 1977, p14
L'HABITAT ÉVOLUTIF DES FORMES D'APPROPRIATION
Pour cela je me suis également inspirée du concept d'architecture incrémentale initié par Alejandro Aravena de l'atelier Elemental pour le projet Quinta Monroy. L'incrémentalisme n'est pas vraiment inscrit dans le vocabulaire architectural français, il est dérivé du latin incrementum signifiant « accroissement », et se réfère à l'idée d'« ajout par palier, petit à petit, afin d'être certain que chaque valeur ajoutée apporte une amélioration sans créer de dysfonctionnement »6 Le travail d'Alejandro Aravena s'est donc construit autour de la théorie suivante « il vaut mieux synthétiser que réduire » 7. Il a donc conçu avec un modèle d'habitat social efficace et rationnel, dans lequel chaque logement contient une première unité de vie minimum et a intégré dans son dessin un espace d'extension pour ces logements. Il ne s'agit pas de dessiner une architecture incomplète mais d'anticiper son évolution, qui elle, se fera au fur et à mesure de l'acquisition de savoir-faire techniques et de ressources — financières comme matérielles — nécessaires à l'autoconstruction. Cependant ce travail s'inscrit dans le cadre d'une architecture de l'urgence et dans une réflexion sur le logement social de masse. Il s'adresse à une population chilienne particulièrement précaire, dont les pratiques, usages et manières d'habiter diffèrent fortement des nôtres. C'est donc une réflexion qu'il faut transposer dans notre contexte et modèle culturel. Cela se traduirait peut être par un assemblage complexe de volumes et de typologies simples, qui permettrait de retrouver au sein du logement collectif l'identité de la maison individuelle (propre à l'habitat ouvrier) en travaillant notamment sur le logement en duplex. Les débordements et volumes extrudés permettraient de créer en toiture des espaces exterieurs, permettant d'accueillir des extensions. Les dimensionnements du jardin individuel seraient réduits et on imaginerait un parcellaire cultivable mutualisé en cœur d'îlot, à travers le concept de jardins partagés. La distinction entre le travail de l'architecte et celui de l'habitant pourrait s'exprimer à travers un changement de matérialité. La base perenne se retrouverait à travers l'expression de la masse et l'utilisation de la terre cuite (matériaux inscrits dans l'identité constructive du nord), et l'autoconstruction pourrait appliquer la règle du chantier sec, qui à mon sens, constitue un véritable support de l'autoconstruction. En effet, ce mode de construction induit la préfabrication des éléments en ateliers, et celle-ci facilite le chantier particulier par de nombreuses manières 8 : Elle assure la sécurité et la solidité de l'ouvrage car sous-tend leur vérification préalable. Elle induit généralement un temps de construction et d'assemblage court, qui nécessite peu de stockage sur place, peu de main d'oeuvre, et engendre peu de nuisances pour le voisinage (car l'utilisation de machines sur place reste relativement faible). Elle permet également une maîtrise des coûts plus importante car le travail de fabrication est anticipé, et qu'il peut être réalisé en interieur, au sein des ateliers de construction.
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Définition apportée par le mémoire de Marion Gouges ("L'habitat incrémental : une stratégie de construction progressive du logement"), et tirée du Dictionnaire lexical en ligne : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/incremental/ «Ré-enchanter le monde», manifeste sous la direction de Marie-Hélène Contal, édition Alternatives, 2014 p109 Les informations qui suivent sur le chantier sec sont essentiellement issues du livret d'enquête « Examen sur les filières des materiaux », produit par l'atelier materialité — Damien Antoni, ENSAPL 2019
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Et pour finir, elle permet de maintenir une forme d'harmonisation des extensions réalisées par les habitants. Le risque contenu dans cette approche est celui de tomber dans un forme d'homogénéisation et de standardisation des espaces auto-construits. Pour s'en défaire, il faut transmettre aux habitants les normes structurelles comme techniques afin qu'ils puissent s'emparer des questions constructives et s'approprier leur projet d'extension.
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L'HABITAT OUVRIER DE 1930
"UN MODÈLE CONSTRUCTIF JUSTE ET EFFICACE"
L'îlot pensé à travers le couple Habiter/Travailler
Logements en bande, accompagnés de cabanons accolés au corps bâti, et de parcelles cultivables (jardins en lanière)
Rapport direct du logement à l'espace agricole
Transformation de l'unité de logement initiale par l'addition d'extensions successives 71
L'HABITAT ÉVOLUTIF EXTENSION, ADAPTABILITÉ, RÉVERSIBILITÉ
Extension du logement à l'aide d'éléments préfabriqués en materiaux biosourcés
Espaces de jardins d'hivers adaptables à fonction bioclimatique
Possibilité de réorganisation et re-partition des logements
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LE CHANTIER SEC SUPPORT DE L'AUTOCONSTRUCTION
Module d'extension du logement initial en chantier sec.
Différentes déclinaisons de la composition des éléments de ce module.
Mur "caisson" qui accueille le passage des réseaux de fluides, ou encore permet le préchauffage des eaux chaudes sanitaires en façade.
La cloison habitable "module mobilier" entre deux porteurs, qui comprend un élément d'isolation sonore, et permet la séparation entre deux pièces .
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Eva Le Roi Série de dessins extraits du bâtiment des anciennes usines Citroën (actuel Musée Kanal-Pompidou à Bruxelles) 74
Commande de la Fondation Kanal et du CIVA.
RÉVÉLER LE TECHNIQUE, HABITER LA MATIÈRE L'APPRENTISSAGE PASSIF
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L'APPRENTISSAGE PASSIF
Aujourd'hui, nous n'avons plus conscience de l'impact de notre consommation sur notre milieu de vie : nous ne voyons plus circuler ni la matière, ni les déchets, ni l'énergie que nous dépensons. Tout est reçu sous la forme de produits (matériels ou immatériels), de « marchandises fictives », prêtes à l'emploi, et dissociées de tout rapport social. Les circuits, réseaux et infrastructures nécessaires pour soutenir le confort de nos modes de vie sont dissimulés et cela participe à une certaine désensibilisation des questions écologiques et des logiques de durabilité. De même, à l'échelle du bâti – et plus particulièrement au sein de l'espace domestique- on observe une tendance à camoufler les réseaux et outils techniques qui régissent son bon fonctionnement, alors qu'ils pourraient participer à son expression et à son identité architecturale. Il s'agit de « désinvisibiliser » l'invisible : en d'autres mots, de faire comprendre comment fonctionne une architecture, comment elle tient, de quoi elle est faite, quelles sont les machines qui la mettent en marche et la rendent viable, habitable. Cela nécessite donc une réflexion sur les éléments techniques qui la constituent et comment ils peuvent participer à la composition architectonique d'un espace, faire joint ou signal, et permettre d'entamer un dialogue entre le bâtiment et son extérieur. Celui-ci serait alors considéré comme métabolisme, « un milieu dans un milieu » antonella p149 qui interagirait simultanément avec son environnement et les pratiques de ses occupants. Il ne s'agit pas de tomber dans l'écriture biomorphique de l'architecture mais d'établir une recherche plastique sur les liens entre structure, spatialité, usage et technique. Pour ce faire, je me suis appuyée sur le travail de Renzo Piano (notamment sur son projet de bureaux pour les fabricants italiens de mobilier B&B, en 1973 – figure 1 ), ou encore sur celui de Glenn Murcutt (figures 2,3), dont la démarche s'inscrit presque dans ce qu'on pourrait qualifier d'« artialisation » du technique. J'ai entamé une réflexion sur les interactions que l'on pouvait imaginer entre les éléments de réseaux (conduits d'eau, colonnes et gaines techniques, mécanismes de ventilation) et la structure bâtie et comment ces derniers pouvaient générer des principes bioclimatiques. J'ai donc exploré des dispositifs tels que la réinterprétation du principe séculaire de la tour à vent à travers le dessin de tourelles de ventilation naturelle assistée (à la manière de l'architecte Philippe Madec) qui pourraient devenir des marqueurs visibles et créer une certaine esthétique ; ou encore le travail de systèmes de préchauffage naturel des eaux sanitaires en façade et toiture, à travers l'utilisation d'outils et de matériaux capables de capter et de reconduire la chaleur solaire. J'ai également émis un intérêt particulier à révéler le cheminement de l'eau, notamment parce qu'il permet d'établir un lien physique avec l'espace paysager. Je me suis donc attachée au dessin du chéneau et de la gouttière suspendue, à celui de la descente des eaux pluviales et des rigoles, qui tantôt s’inscrivent dans l'épaisseur des murs et tantôt s'en détachent pour devenir objet.
< Figures 1 Dessins de Renzo Piano pour le projet de bureaux B&B, Italie 1973 (chevauche le travail de Beaubourg) 2 Dessin de Glenn Murcutt pour le projet Walsh House, Australie 2005 3 Dessins de Glenn Murcutt pour le projet Magney House, Australie 1999 4 Dessins de Roland Simounet pour les projets de Maisons de vacances en Corse, Ghisonnaccia , 1967
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Tous ces dispositifs participent à activer une forme d'apprentissage passif qui permettrait à l'habitant de s'emparer des questions techniques et constructives, et éventuellement d'opérer chez lui une prise de conscience ainsi qu'une adaptation de sa manière d'habiter. Rendre l'architecture lisible, c'est aussi redonner une visibilité à l'épaisseur de la matière qui la compose ainsi qu'une lecture de sa structure. Trop souvent, la notion d'espace est réduite à celle de surface et d'enveloppe, il s'agit donc de travailler l'idée d'habiter un mur, sa masse et ses embrasements, ainsi qu'une structure, sa trame et ses interstices. En d'autres termes : Comment habiter la matière ? J'ai tenté de rechercher une palette, une collection d'ambiances pittoresques créé par le rapport à la matière. Je me suis d'abord intéressée au bois, aux manières de retrouver sa pleine expression par une mise en œuvre contemporaine qui intègre des acquis traditionnels. Il s'agit de révéler la hiérarchisation et l'assemblage des éléments qui composent sa structure en rendant visible la manière dont les choses s’articulent. Le bois doit être considéré comme une structure capable, qui ne nécessite pas l'intervention de pièces métalliques supplémentaires pour faire joint et révèle la nature et qualité de ses noeuds et enchevêtrements Il s'agit également de rendre cette structure habitable, en considérant que la trame puisse devenir une marge dans laquelle s'inscrit des usages et que le moisage puisse devenir interstice en accueillant des éléments de second œuvre et partition qui vont participer à la flexibilité et réversibilité de l'espace. Je me suis ensuite intéressée à l'expression massive à travers le travail de la brique et du monomur en terre cuite1 qui participent à la culture constructive du Nord, mais sont cepandant des matériaux industrialisés. J'ai donc cherché à leur donner une nouvelle noblesse à travers une mise en œuvre brute qui convoque un certain savoir-faire de l'ouvrier et permet de ne pas dissimuler la réalité de la matière sous un revêtement. Pour cela, je me suis largement inspirée du travail de l'architecte Roland Simounet qui recherche plus l' « expression du monolithe » à travers « l'unité de l'enveloppe » et l'utilisation unique d'un matériau (figure 4)2. Dans le cas de la série de réalisation de maisons de vacances en Corse, il emploie le parpaing, matériau industriel auquel il donne un caractère vernaculaire en organisant sa fabrication sur place à partir d'agrégats issus de carrières locales3. Il s'agit d'« appliquer à la préfabrication moderne un principe constructif séculaire »4. De la même manière, j'ai cherché à voir comment le standard pouvait bénéficier d'une application non systématique, qui engage la main de l'ouvrier (élevé au rang d'artisan). Cela participe à contrer le modèle de conception linéaire qui part de la forme pour aller jusqu'à la construction en considérant le chantier comme la continuité du processus architecturale ainsi qu'un temps de partage des connaissances entre l'artisan et l'architecte. Une mise en œuvre brute des blocs alvéolaires qui constituent le monomur demande une certaine finesse de travail. Elle implique une connaissance du matériau, de sa fabrication, de ses propriétés et un soin
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Blocs alvéolaires en terre cuite, maçonnerie « Roland Simounet à l’œuvre » , Richard Klein. Éditions du Musée D'art Moderne Lille Métropole 2000, p 152 Ibidem Ibidem
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du détail dans le travail du calepinage, du joint et du rapport de tolérance avec les matériaux de second œuvre. Il s'agit donc de retrouver des formes de chantiers qui dépassent la prédétermination du geste et du mode opératoire, de dé-rationnaliser les modes de production pour tendre vers une collaboration des savoir-faire ainsi qu'un engagement et une habilité de l'ouvrier. Habiter la matière constitue donc également un processus pour redonner à l’ouvrier la pleine possession de ses outils, moyens et modes de production.
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OUVERTURE Ce travail de recherche m'a amené à considérer l'urbain, comme le « laboratoire du vivant »(p9)1, un lieu fait d'interactions complexes, de flux et d' énergies — matérielles comme immatérielles — qui, lorsque l'on parvient à les comprendre et à établir un juste équilibre, font émerger des potentiels, des opportunités. La fabrique de la ville constitue donc un temps de l’occurrence, dans lequel « l’architecture est, à la fois, un processus de mise en visibilité [de ces] dynamismes et l’écrin qui révèle son propre potentiel latent »2. Elle doit donc résulter d'une analyse fine et située du territoire dans lequel elle s'insère et prendre appui sur la matière et les corps qui l'animent. Dans cette lecture de la ville, le sol devient ressource et capital, un support de rencontre entre nature et activité humaine, entre production et durabilité. Les espaces, outils et infrastructures de la ville, aussi bien publics que techniques, deviennent des espaces capables de créer des valeurs d'usages, d'instituer le social et de générer du bien commun. Le logement devient habitat et lieu d'appropriation. Il intègre des logiques d'évolution et de réversibilité en fonction des besoins et pratiques. L'acte de bâtir prend une dimension empirique, il s'appuie sur la pratique et l’expérience et reconnaît l'habilité de l'ouvrier, ainsi que l'effort et la curiosité de l'habitant. À mon sens, l'architecture du latent doit aussi permettre l’expérience démocratique à travers l'application de principes fondamentaux tels que l'autonomie et l'égalité. C'est une architecture « active et réactive », «étayée par des savoirs d’usages »3 et des réalités vécues. Si elle est motivée par un minimum de volonté d'agir, elle doit pouvoir contenir une certaine forme de résilience et de libération vis à vis d'une société marchande « où se cristallisent contradictions, injustices et exclusions sociales. » 4 La notion de latence est un enjeu majeur de ce travail de fin d'étude, elle m'a permis d'établir une méthode de pensée qui va dans l'épaisseur et l'articulation des choses et qui m'a apporté beaucoup de plaisir dans la recherche. Mais c'est aussi une notion qui a valeur d'éthique et qui constitue pour moi une véritable aspiration personnelle au sein de ma future pratique architecturale. Elle induit une vision de l'architecture comme un processus en perpétuelle réécriture et considère, à la manière de Roland Simounet « la modernité [comme] un projet inachevé... ». C'est en projetant un regard critique sur ce qui a été institué et en nous emparant de certains acquis pour ré-ancrer notre travail dans les valeurs et enjeux contemporains que se crée l'innovation. Il s'agit d'adopter une attitude réflexive qui met en perspective la ville d'hier avec les aspirations de demain, de s'appuyer sur les modes de pensée, d'action, et procédés de fabrication qui ont été établis pour leur donner une seconde lecture.
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« Les clés de la latence : dispositifs conceptuels pour la fabrique du projet », Antonella Tufano dans La ville révélateur des architectures et énergies latentes , in R. d’ Arienzo, C. Younès et al. (coord), Ressources urbaines latentes, MétisPresses, 2016, p9 Ibidem p7 « Une démocratie éprouvée », Pascal Nicolas-Le-Srat, octobre 2018. En ligne : http://www.pnls.fabriquesdesociologie.net/une-democratie-eprouvee/. «Les coopératives d’habitants - Méthodes, pratiques et formes d’un autre habitat populaire», Yann Maury, entpe & université de lyon, édition Bruylant, 2011, p19
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CORPUS LA VILLE PRODUCTIVE COMME ÉCOSYSTÈME OUVRAGES BIBLIOGRAPHIQUES
« Les clés de la latence : dispositifs conceptuels pour la fabrique du projet », Antonella Tufano dans La ville révélateur des architectures et énergies latentes , in R. d’ Arienzo, C. Younès et al. (coord), Ressources urbaines latentes, MétisPresses, 2016
«Les territoires du commun », entretien avec Alberto Magnaghi, Sandra Fiori, Métropolitiques, 10 mai 2018. URL : http://www.metropolitiques.eu/Les-territoiresdu-commun.html. « Energy and self-reliance », Yona Friedman, éditionVigyan, 2003, 93p « Sujet - atelier master conception et société », Antoine Béal et Aurélien Zoia, ENSAPL 2020
RÉFÉRENCES ARCHITECTURALES « Brussels, productive city » - livret, Bouwmeester Maitre Architecte, 2018 « Centres techniques communaux Phalempin » - Studio rijsel, 2019-2020 « Conservatoire botanique national » - APM architecture, 2019 « La fabrique de la renaissance » - illustrations de Diane Berg pour OBRAS & OMA, 2015 « Ecoto(w)ne - europan 14 » - Studio rijsel, 2017 « Vision pour vlaams-bouwmeester » - Eva Le Roi, 2017-2020
HABITAT ET PROJET SOCIAL (participation et évolutivitié) OUVRAGES BIBLIOGRAPHIQUES « Une démocratie éprouvée », Pascal Nicolas-Le-Srat, article en ligne, octobre 2018. URL : http://www.pnls.fabriquesdesociologie.net/ une-democratie-eprouvee/. « L'habitat incrémental – une stratégie de construction progressive du logement », mémoire de recherche de Marion Gouges, ENSA-PB, 2016, 172p «Le chômeur créateur- postface à la convivialité», Ivan Illich, édition seuil, 1977, 33p «Les coopératives d’habitants - Méthodes, pratiques et formes d’un autre habitat populaire», Yann Maury, entpe & université de lyon, édition Bruylant, 2011, 496 p «Le projet social», Alberto Magnaghi, édition Pierre Mardaga, 2003, 118p « Pas de toit sans toi - Réinventer l'habitat socail » ouvrage collectif sous la direction de Patrick Bouchain, édition [Actes Sud] BeauxArts, L'Impensé, 2016, 112p «Ré-enchanter le monde», manifeste sous la direction de Marie-Hélène Contal, édition Alternatives, 2014.
RÉFÉRENCES ARCHITECTURALES « House between pillars » - Camp Design, 2016 « LoMyr+ » - Sophie Delhay, 2017 « LoLu+ » - Sophie Delhay, 2012
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« Quinta Monroy » - Elemental (Alejandro Aravena), 2003 « Réinventer Paris » - illustration de Diane Berg pour AUC Architecture, 2018 « 20 logements - QE et zéro énergie » - APM architecture, 2010 « Uberbauung Hellmutstrasse » - ADP Architektur und Planung, 1991 « Unité(s)+ » - Sophie Delhay, 2019
MATIÈRE ET ECO-CONSTRUCTION OUVRAGES BIBLIOGRAPHIQUES « Examen sur les filières des materiaux », livret d'enquête, atelier materialité - Damien Antoni, ENSAPL 2019 « Matière grise », collectif Encore Heureux, manifeste, 2014 « Objectif réemploi - le bâti Bruxellois, source de nouveaux matériaux », rapport de recherche, Michaël Ghyoot pour Rotor, 2017, 70p « REPAR #2 : Le réemploi passerelle entre architecture et industrie », ouvrage collectif sous la direction de Julie Benoit pour Bellastock, collection Expertises, 2018, 76p « Roland Simounet à l’œuvre » , Richard Klein. Éditions du Musée D'art Moderne Lille Métropole 2000, 168p
RÉFÉRENCES ARCHITECTURALES « La ferme des possibles » - Archipel zero, 2020 « Le parpaing » - collectif Zerm, 2017 « Material Flows » - Tetra architecten, 2014
AUTRES SOURCES : EXPOSITIONS CONFÉRENCES ET ASSOCIATIONS CD2E (Centre de Développement des Eco-entreprises) plate-forme d'outils et d'information sur l'éco-transition dans le secteur de la construction - URL : http://www.cd2e.com/ #01 MATIÈRE, MATÉRIAUX & RÉEMPLOI - vidéo du café-débat d'architecture désirable (2015), Julien Choppin et Nicola Delon, agence Encore Heureux, Gilles Perraudin, architecte - source : Pavillon de l'arsenal URL : https://www.pavillon-arsenal.com/fr/arsenal-tv/conferences/pavillon-circulaire/10169-01-matiere-materiaux-reemploi.html
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Latence « ce qui n'est pas manifeste, qui reste caché, mais demeure susceptible d'apparaître, de se manifester à un certain moment ».