LES GRANDS ENSEMBLES À L’ECRAN - Construction d’une représentation collective PARIS 1948-1967
École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine_ Rapport de fin de licence AVRIL 2018
Encadré par Florian Guérin Margaux Paumelle 3
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REMERCIEMENTS Écrire un rapport de fin d’étude n’est jamais une chose facile. Je tiens donc à remercier Florian Guérin, mon enseignant de TD de rapport de fin de licence pour l’aide qu’il m’a apportée tout au long du semestre, sa réactivité face à mes requêtes ainsi que sa précision dans ses réponses. J’aimerais remercier également Léandre Brunel, cinéaste et enseignant à l’École, pour le temps qu’il m’a accordé ainsi que ses précieux conseils.
Photo de couverture- Photographie de la Cité Radieuse de Le Corbusier réalisée durant mon voyage d’étude à Marseille au S5
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SOMMAIRE
AVANT- PROPOS
p.7
INTRODUCTION
p. 11
I. UN LIEU A PART, QUI S’IMPOSE VISUELLEMENT
p. 15
1. Un décor tramé, lisse et uniforme
p.15
2. Une composition graphique et ordonné
p. 17
3. Une géométrie surdimensionnée et autonome
p. 22
II. UNE IMAGE PUISSANTE, SYMBOLE DE MODERNITE PUIS D’EXCLUSION
p. 26
1. Une solution à la crise du logement
p.26
2. Un mode de vie moderne adapté à l’homme contemporain
p. 30
3. La limite des grands ensembles : une utopie rattrapée par la réalité
p. 34
CONCLUSION
p. 37
BIBLIOGRAPHIE - FILMOGRAPHIE
p. 41
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Projet d’une bibliothèque de quartier, réalisé en Licence 2 au S3
Projet d’une école d’architecture, réalisé en Licence 3 au S5
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A V A N T – P R O PO S Le cinéma permet de capturer un mouvement et de mettre en scène l’architecture, un sujet immobile. J’ai trouvé intéressant de parler de ce lien qui existe entre image et architecture en prenant comme exemple les grands ensembles. Afin d’aller au bout de mon questionnement, j’ai alors choisi d’étudier les grands ensembles au cinéma.
Pratiquant la photographie, j’ai depuis longtemps pensé l’image comme une forme visuelle esthétique permettant de produire des émotions, de fixer un moment, de laisser une trace sur un fait, une action, un instant de vie. « L’œil du photographe isole, choisit, […], grossit le détail, varie les angles et les échelles » 1 comme le souligne Danièle Voldman dans un de ses articles. Lors de mon entrée en architecture, j’ai suivi les cours « Arts plastiques » et « Matières, matériaux et gravité » de Léandre Brunel, cinéaste et professeur à l’École. J’ai eu l’occasion de manipuler des outils comme la caméra et d’apprendre à filmer l’espace. J’ai alors découvert une autre manière de représenter l’architecture que celle permise par la photographie. A la portée de tous, le cinéma, lui, permet de se déplacer dans l’espace des images et de raconter l’architecture, même aux non-adeptes. J’ai notamment été sensible à Metropolis de Fritz Lang réalisé en 1927. Ce film muet met en scène l’espace de manière utopique et imaginaire : le pionnier des effets spéciaux, Eugen Schüfftan, utilise des miroirs inclinés pour créer l'illusion que les acteurs occupent des décors géants. Cette technique nous permet de vivre l’architecture.
Au cours de mes trois ans à l’école, je me suis intéressée davantage au film et à la photographie d’architecture notamment en réalisant des reportages photo au cours de mes voyages. J’étais curieuse de voir, une fois la prise de vue réalisée, ce que pouvait transmettre l’image. De plus, lors des cours de Théorie au semestre dernier, notre professeur, Alain Guilheux nous a montré des scènes de films mettant en scène des
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VOLDMAN Danièle, historienne et directrice de recherche CNRS (Centre d'histoire sociale du XXe siècle / Paris 1), auteur de l’article « Photographier l’architecture urbaine » publié en 1999 dans la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire, numéro 61, citation p.1
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éléments de l’architecture comme le « dispositif escalier ». L’escalier peut exprimer une rencontre, comme dans Le dernier métro de Truffaut en 1980 où la caméra alterne entre le visage de deux femmes se toisant du regard. Il peut mettre en scène l’hésitation, notamment dans Vivre sa vie de Godard en 1962 où apparait à l’écran, la jambe d’une femme hésitant à monter ou à descendre. L’escalier peut aussi traduire la psychologie d’un personnage comme l’excentricité dans Edward aux mains d’argent de Tim Burton en 1990 à travers un escalier tortueux. Par ces nombreuses séquences, Alain Guilheux nous a démontré que le cinéma permettait de raconter l’architecture « qui permet de relier ou de franchir, de voir et de cacher, d’aimer ou d’espionner, de montrer ou d’admirer, de séduire ou de sidérer, de se rassembler et se séparer, de se déchirer, maintenir en vie et de se reproduire. » 2. Cela a suscité une grande curiosité en moi. Le cinéma est un moyen de créer un lien entre l’habitat, fruit du travail de l’architecte, et les modes de vie, reflet de la société, tout en laissant une part d’imagination à celui qui regarde.
Mon intérêt pour l'articulation entre la fabrique de l'habitat et les manières d'habiter un espace provient des cours de Projet tournée vers le domaine d’étude Alto que j’ai suivi durant ma licence. Alto signifie Architecture - Laboratoire des Territoires Ouverts. Comme son nom l’indique, cette pratique cherche à produire des « lieux ouverts », c’est-à-dire des lieux en cohésion avec l’espace urbain. J’ai appris à travailler la lumière et les matériaux, à manipuler les formes et les espaces afin de servir l’être humain et d’assurer son bien-être au sein de cet art qu’est l’architecture. L’équilibre, l’élégance et la sobriété sont des éléments dans lequel je me retrouve. L’enseignement du domaine Alto est basé sur l’expérimentation et sur la recherche permanente. J’y ai appris l’importance de concevoir une architecture où la fonction l’emporte sur la forme.
Lors d’un voyage d’étude au S5 à Marseille avec le professeur de projet Cyril Faivre, j'ai pu observer cette articulation au sein des grands ensembles. J’ai eu l’occasion de visiter des grands ensembles comme la Cité Radieuse de Le Corbusier ainsi que La Tourette de Pouillon. Je n’avais pas vraiment d’opinion sur ces objets que j’observais depuis des années, de loin, depuis ma fenêtre en banlieue parisienne. Je les trouvais seulement brut et sans lien avec le paysage urbain.
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GUILHEUX Alain, professeur à l’ENSAPVS, citation extraite du cours de Théorie, semestre 5, 2017
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C’est pour la première fois durant ce voyage que j’ai été sensible à ce type de logement. En les visitant, ils sont apparus comme une forme régulière, composé et graphique. De plus, les logements très fonctionnels ce qui a davantage changé ma vision sur les grands ensembles. Leur géométrie surdimensionnée ne les empêche pas de s’intégrer totalement au paysage, au contraire elle leur permet d’apparaitre comme un objet y appartenant et faisant face au reste de la ville. Durant ces trois jours à Marseille, j’ai photographié les angles, les scènes de vie quotidienne sur les loggias, réalisé des cadrages qui soulignent les lignes des façades, qui les perturbent. J’ai pris conscience de la force de l’image que cet objet transmet. Je me suis demandé ce qu’il se passait derrière cette forme visuelle ; quelles formes de lieux de vie, quels paysages, quels impacts. Ce sont toutes ces connaissances acquises qui m’ont permis de me questionner sur l’image du grand ensemble à travers le cinéma jusqu’à me pousser à choisir ce sujet comme rapport de fin de licence afin de satisfaire ma curiosité.
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Photographies de la Cité Radieuse de Le Corbusier réalisées durant mon voyage d’étude à Marseille au S5
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INTRODUCTION
Les grands ensembles constituent un objet de recherche flou, aux limites incertaines. Il n’y a pas une seule définition. Dans son ouvrage, Camille Canteux nous le présente comme un « objet urbain aux contours mal définis »4. En France, l’expression est née sous la plume de Maurice Rotival, architecte et urbanisme, dans le cadre d’une réflexion sur l’architecture moderne des années 1930. Il définit les grands ensembles comme « un ensemble d’habitat social et collectif, conçu dans le cadre d’un plan d’urbanisme régional par des architectes influencés par les théories du mouvement moderne. »5. Après la Seconde Guerre mondiale, les grands ensembles apparaissent dans le paysage urbain dévasté comme la « solution miracle permettant à la fois de résoudre la crise du logement, de moderniser les banlieues et de contrôler leur croissance. »6 nous dévoile Annie Fourcaut . En 1957, Pierre Sudreau, ministre de la construction, exprime ses réticences faces à cette forme d’habitat et le décrit comme : « l’extension d’une nouvelle banlieue, la création de cités dortoirs […] où les masses humaines ne peuvent s’épanouir. »7 .
Comment, entre 1948 et 1967, les grands ensembles à l’écran ont permis de construire une représentation collective qui a révélé la modernité puis l’exclusion ? Il s’agit de montrer la forte influence de cet objet architectural à travers l’écran à modifier nos représentations mentales. L’image que les Français se sont fait des grands ensembles a beaucoup évolué et a permis de donner peu à peu du sens à cet objet mal défini.
CANTEUX Camille, historienne et auteur de l’ouvrage « Filmer les grands ensembles » publiée en 2014, citation p.6 Id. 6 FOURCAUT Annie, historienne, professeur à Paris 1 et auteur de l’ouvrage « Les premiers grands ensembles en région parisienne : ne pas refaire la banlieue ? » publiée en 2014, citation p.212 7 cité par LENGEREAU Éric dans « l’Etat et l’architecture 1958-1981, une politique publique ? 2001, citation p. 30 4 5
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La première réalisation cinématographique sur les grands ensembles est celui de Jean-Pierre Lévy avec Construire en 1933 qui réalise un documentaire sur les premiers chantiers. C’est en 1948 que le ministère les filmera pour la première fois. Les images seront ensuite diffusées à la télévision. C’est seulement une dizaine d’années après que le cinéma de fiction utilisera cette nouvelle forme urbaine comme personnage ou décor. A partir du milieu des années 1960, la représentation des grands ensembles au cinéma prend un tournant et commencent à susciter l’inquiétude et la condamnation. J’aimerais travailler sur toute cette période, c’està-dire du moment où les premières images des grands ensembles ont été diffusées traduisant l’entrée dans la modernité en France jusqu’aux premières critiques. Il me semble qu’il s’agit de la période la plus intéressante à traiter car elle permet de comprendre où ont débuté les questionnements que les urbanistes et sociologues se posent encore aujourd’hui sur leurs impacts dans le paysage. Mon terrain d’analyse se situe alors de 1948, date du premier film du ministère réalisé après la guerre, jusqu’en 1967, début des critiques et du rejet.
Afin de cibler mon travail, j’ai choisi de laisser de côté l’image des grands ensembles à travers la photographique et de travailler uniquement sur un corpus de textes et des œuvres cinématographiques. Ces œuvres sont : 2 ou 3 choses que je sais d’elle (Jean-Luc Godard, 1967), La cité des hommes (Frédéric Rossif, 1966), Quarante milles voisins (Jacques Krier, 1960), Le temps de l’urbanisme (Philippe Brunet, 1962), Les Moutons de Panurge (Jean Girault, 1961) et Se loger, (Marc Cantagrel, 1948). J’ai choisi ces réalisations car quelle que soit leur nature, elles cherchent à sensibiliser le public de l'époque. Les réalisateurs font un bilan de l’après-guerre en montrant notamment la plupart des grandes réalisations de 1945 à 1960 à Paris. De nombreux exemples de grands ensembles sont mis en avant notamment ceux de Sarcelles, Asnières, Nanterre, Epinay, Pantin, Bobigny et La Courneuve. J’ai trouvé alors intéressant de me baser sur ces films qui sont de natures différentes mais qui mettent tous en scène des grands ensembles en région parisienne. Je prendrais comme exemple aussi bien les images et les voix off que les plans ou les cadrages et les récits qui en découlent.
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Dans une première partie je m’intéresserai à l’objet architectural qu’est le grand ensemble en dégageant ses caractéristiques visuelles à travers l’écran. Il s’agit de montrer en quoi le grand ensemble est un lieu à part, qui s’impose visuellement. Dans une seconde partie, je chercherais à montrer ce que représentent en termes sociaux ses caractéristiques visuelles. J’expliquerais comment elles ont été mise en scène afin de modifier nos représentations et d’inscrire les grands ensembles comme un objet nouveau, solution à la crise du logement et symbole de modernité, puis comme une forme urbaine monotone et rejetée, synonyme d’exclusion.
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Figure 1. Jean-Luc GODARD, extrait de 2 ou 3 choses que je sais d’elle, 1967
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I.
UN LIEU A PART, QUI S’IMPOSE VISUELLEMENT
« Le grand ensemble est tout d’abord identifié à l’écran par sa forme »8 nous révèle Camille Canteux. Dans cette partie, je chercherais à dégager les caractéristiques visuelles de cet objet architectural qui lui permettent d’apparaitre à l’écran comme un objet esthétique, un lieu à part qui s’impose visuellement et modifie nos représentations. Je présenterais ces caractéristiques à travers plusieurs échelles en commençant par traiter l’objet seul, puis par rapport aux autres, et enfin à l’échelle d’un territoire plus large. Je prendrais comme exemples les séquences cinématographiques citées précédemment.
I.
1. Un décor tramé, lisse et uniforme
A première vue, cet objet apparait à l’écran comme un décor graphique et esthétique. Les grands ensembles dégagent une puissance formelle qui se traduit par des volumes massifs brut et des façades tramées. Ils sont généralement réalisés en béton puisque la guerre oblige une reconstruction rapide avec peu de moyens et le béton est un matériau à faible coût. De plus, la construction massive de grands ensembles a permis de moderniser cette industrie et de passer d’un béton coulé sur le chantier à un béton assemblé en usine, ce qui facilite davantage la mise en œuvre.
Dans la figure 1, extraite de 2 ou 3 choses que je sais d’elle, Godard réalise un plan fixe d’une jeune femme devant un grand ensemble. Ce plan est long et le grand ensemble prend toute la place du cadre. Les fenêtres se répètent tout comme les logements à l’intérieur. Deux enfants à la fenêtre viennent interrompre cette façade et la dynamiser. Le mouvement des personnages permet de mettre en avant le caractère lisse et uniforme de cet objet privé de volume.
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Op. cit. Camille Canteux, citation p.60
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Figure 2. Frédéric ROSSIF, extrait de La cité des hommes, 1966 La grille réalisée par-dessus permet de souligner la trame.
Figure 3 et 4. Jacques KRIER, Extrait de Quarante milles voisins, 1960
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Dans la figure 2, extraite de La Cité des hommes, Frédéric Rossif met en avant la trame. Il s’agit d’un plan cadré sur une façade. On peut y apercevoir des signes de vie, notamment une dame à la fenêtre. Cette accumulation organisée de lignes de fenêtres, d’opacité ou encore de menuiseries permet de créer une un décor graphique tramée. Dans les figures 3 et 4, extraite de Quarante milles voisins, Jacques Krier réalise un travelling rapproché puis éloigné d’un grand ensemble. Ce moyen permet de révéler les lignes des façades qui nous semblent très nombreuses, elles se répètent sans nous permettre d’en apercevoir la finalité.
Le caractère tramé, lisse et uniforme de cet objet architectural crée une image forte et séduisante qui trouble l’esprit et s’impose à l’écran en prenant la tonalité du cadre.
I.
2. Une composition graphique et ordonnée
Les grands ensembles produisent une forte image à l’écran grâce à leur composition urbaine ordonnée. Les réalisateurs utilisent de nombreux moyens afin de mettre en valeur cet enjeu esthétique. L’horizontalité des barres et la verticalité des tours sont utilisées afin de créer avec les lignes du cadre, un graphisme attrayant. En effet, les lignes sont soulignées, perturbées et forment une composition peu commune qui marque la mémoire.
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Figure 5 et 6. Philippe BRUNET, extrait de Le temps de l’urbanisme, 1962
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Figure 7, 8 et 9. Frédéric ROSSIF , extrait de La cité des hommes, 1966
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La figure 5, extraite de Le temps de l’urbanisme, est un plan fixe rapproché d’une façade. Cadrée, au milieu du ciel, les lignes de la façade créent une composition graphique. Philippe Brunet réalise ensuite un travelling arrière afin de donner davantage d’information à celui qui regarde. La caméra recule jusqu’à pouvoir réaliser un cadrage qui permet d’intégrer la totalité de la tour, au centre de l’image comme le montre la figure 6. A gauche, au premier plan, on peut voir une barre, dont les lignes horizontales convergent vers le centre de l’image, là où se trouve la tour. La lignes de la barre ainsi que celle du cadre sont un moyen de mettre en scène la tour. A ceci s’ajoute l’alternance entre les pleins et les vides en façades. Cette composition suggère l’ordre et son esthétique marque la mémoire. « Harcelé par les impératifs d’urgence et de prix, les architectes tentent tout de même la recherche de la diversité des volumes, la variété des couleurs, l’inattendu des perspectives. Ainsi se dessine tout un mouvement vers l’urbanisme, esthétique sociale. ». Comme le souligne la voix off dans ce film, la recherche de l’esthétique urbaine est présente dans la conception des grands ensembles. La figure 7, extraite de La cité des hommes, est une vue en plongée sur des grands ensembles. L’horizontalité des barres et la composition urbaine ordonnée qu’elles forment traduisent l’ordre urbain. La figure 8 est celle d’un plan d’ensemble, la nuit, où seuls certains logements sont encore éclairés. Ces touches de lumière viennent ponctuer cette atmosphère sombre et inquiétante et créer une image très graphique. Le dernier plan met en scène deux barres l’une derrière l’autre qui cachent le ciel et remplissent la totalité du cadre. On peut apercevoir en bas de l’image, au premier plan, une rue légèrement courbée ainsi que quelques piétons. La rue et les barres créent une composition. Les lignes horizontales des garde-corps opaques suggèrent l’ordre : elles viennent perturber les tracés de l’ancienne ville, désorganisée.
Ces films nous montrent que les grands ensembles forment dans l’espace une composition ordonnée et graphique séduisante et imposante.
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Figure 10. Jean GIRAULT, extrait de Les Moutons de Panurge, 1961
Figure 11 et 12. Marc CANTAGREL, extrait de Se loger, 1948
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II.
3. Une géométrie surdimensionnée et autonome
A l’échelle de la ville, la notion du « gigantisme » permet aux grands ensembles de s’affirmer à l’écran. Cette notion met en avant la différence d’échelle qui existe entre les grands ensembles et le paysage urbain dévasté après les deux Guerres mondiales. Elle est mise en scène au cinéma par de nombreux moyens et permet à cet objet architectural d’avoir un réel impact sur notre représentation.
Plusieurs séquences permettent d’illustrer cette immensité. Dans la figure 10, extraite de Les moutons de Panurge, Jean Girault réalise un panorama. Cette technique consiste en un mouvement, une rotation de la caméra sur sa position. Ici, la caméra réalise un mouvement horizontal de la gauche vers la droite pour nous montrer l’intégralité de cette barre. Le réalisateur utilise ce moyen car le grand ensemble ne rentre pas dans le cadre. Le mouvement est lent ce qui permet d’accentuer son immensité. Dans les figures 11 et 12, extraites de Se loger, Marc Cantagrel réalise des vues aériennes où l’on peut observer, de loin, l’immensité des grands ensembles. Ces points de vue obliques permettent à la foi d’informer sur le bâti mais aussi de mettre en scène les grands ensembles de manière spectaculaire. Elle permet de mettre en valeur la puissance du plan, tout en offrant une apparente lisibilité pour un public non averti. Même à l’aide de ce moyen cinématographique, les grands ensembles sortent du cadre : impossible de savoir jusqu’où ils s’étendent. De plus, cette vue montre qu’ils sont distincts de la ville. Dans la figure 13, de Le temps de l’Urbanisme, Philippe Brunet réalise un plan large pris à la hauteur des yeux sur un chemin de fer. Il met en scène cinq tour qui apparaissent comme surdimensionnée. Ces grands ensembles viennent ponctuer le paysage jusqu’à dépasser largement la hauteur des arbres et de la nature. Ces tours jaillissent de la terre comme si les deux étaient des éléments indissociables. Pourtant aucun rapport n’existe entre eux. Les grands ensembles semblent dominer le paysage. De plus, le chemin de fer rappelle qu’ils sont en périphérie de la ville et qu’un moyen de transport est nécessaire pour les atteindre. Ils apparaissent alors comme des objets autonomes.
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Figure 13, 14 et 15. Philippe BRUNET, extrait de Le temps de l’urbanisme, 1962
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Dans les séquences 14 et 15, le réalisateur filme des maisons de villes anciennes isolées, devant des grands ensembles. Le premier plan est pris sur le profil de la maison. La caméra est située au-dessus de son toit à 2 pans. On peut y observer un petit jardin privé. Elle représente la manière d’habiter du début du XXème siècle. La maison se situe devant une immense barre dont on ne peut pas apercevoir le bout, ce qui montre son immensité. Cela nous donne en effet l’impression que la barre de logement n’a pas de fin. La seconde séquence illustre aussi, une petite maison. Cette fois-ci, le plan est pris du trottoir d’en face à hauteur des yeux. En second plan, on peut voir un grand ensemble, puis un deuxième. Leur forte présence en arrière-plan ne laisse que très légèrement apercevoir l’espace du ciel, dans un coin. Ils prennent tous l’espace du cadre, ce qui met en avant leur autosuffisance à l’écran. Ils n’ont en effet, pas besoin de paysage pour se mettre en scène puisqu’ils sont à eux seul décor et personnage. Ces deux séquences montrent que les grands ensembles sont un objet hors norme par rapport à l’échelle de l’ancienne ville, soit l’échelle humaine. La voix off le souligne : « Un habitat nouveau se dresse dont les dimensions rivalisent avec les tours cathédrales. ». Ces objets apparaissent à l’écran comme une forme urbaine immense et surdimensionnée par rapport à l’échelle humaine et qui est autonome et se distinguent de la ville et de l’espace.
Ces caractéristiques visuelles permettent aux grands ensembles de s’imposer visuellement et de marquer les esprits.
Ces constructions, d’une austérité brutale, s’inscrivent dans le paysage comme un objet intemporel et esthétique. Sa composition moderne et sa géométrie hors d’échelle permettent de le définir comme un lieu à part, une forme nouvelle. Le cinéma les met en scène de manière à nous les imposer visuellement pour marquer notre mémoire. L’objet permet alors de modifier nos représentations sur la manière d’habiter.
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II.
UNE IMAGE PUISSANTE, SYMBOLE DE MODERNITE, PUIS D’EXCLUSION
Il s’agit de montrer dans cette partie que l’image des grands ensembles que nous avons étudiée précédemment a eu un fort impact sur la représentation de la façon d’habiter dans les années 1950 et leur a permis d’apparaitre comme La solution à la crise du logement et le symbole de la modernité puis de l’exclusion. Pour montrer chacune de ces représentations collectives qu’a permis l’évolution de l’image des grands ensembles je prendrais comme exemples les films cités précédemment.
II.
1. Une solution à la crise du logement
Les grands ensembles apparaissent à l’image comme la solution à la crise du logement dès 1947. C’est notamment le cas du film Se loger de Marc Cantagrel (1948).
Il montre que cette situation de crise est due aux deux guerres mondiales : « Les destructions accumulées par les deux guerres ont eu une double conséquence, milliers de familles sans abris et par cela même, obligation pour l’Etat de leur venir d’abord en aide ». Le réalisateur illustre ces paroles par de nombreux plans où figurent des villes dévastées. Il réalise notamment des vues panoramiques latérales comme dans la figure 16. Cette technique permet de montrer l’importance des dégâts et le besoin de reconstruire. Il ajoute que cette crise est aussi du fait des lois et de la forte fécondité qui entraine une croissance démographique importante en France. Le réalisateur filme en plan fixe des taudis, où seuls les enfants sont en mouvement, « (…) car il y a le taudis, ce dernier échelon dans les valeurs d’habitation. (…) Le taudis avec sa promiscuité et ses gosses à la rue (…) ». Il réalise des scènes de vies quotidiennes qui montrent des enfants jouant dans la rue, dans l’insalubrité et le danger comme le montre la figure 17. Cela met en avant l’importance du besoin de reconstruire pour la sécurité des familles.
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Figure 16,17,18 et 19. Marc CANTAGREL, extrait de Se loger, 1948
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Les images de chantier en cours montrent les moyens de remédier à la crise du logement : destruction des ilots insalubres et rénovation des immeubles anciens comme le montre les séquence 18 et 19. Marc Cantagrel réalise un plan à vol d’oiseaux, montré précédemment dans la figure 11 et 12, qui permet de filmer de loin les grands ensembles et de prendre conscience de leur immensité. Cette image témoigne de la quantité de personnes qu’il est possible de loger. Elle permet de créer un décalage avec la vie dans les taudis montrée précédemment. Elle cherche à montrer l'intérêt de quitter la ville traditionnelle, surpeuplée et insalubre, à la faveur des nouvelles cités conçues pour les hommes qui regardent vers l'avenir. Déjà en 1935, dans son ouvrage Aircraft, Le Corbusier fonde sa dénonciation du chaos urbain et la nécessité d’une modernisation de la ville sur des vues aériennes : « Car la vue d’oiseau nous a donné le spectacle de nos villes et du pays qui les environne et ce spectacle est indigne. […] Nous avons maintenant, par l’avion, la preuve enregistrée par la plaque photographique que nous avons raison de vouloir changer les choses de l’architecture et de l’urbanisme. » Les grands ensembles apparaissent comme une organisation spatiale ordonnée qui s’opposent au désordre et à la croissance incontrôlable de la ville née de la révolution industrielle. « Si le problème du logement est vaste, il est soluble et on doit le résoudre. » explique la voix off dans Se loger. Cela insiste sur l’importance de résoudre cette crise. L’immensité et l’ordre traduits par la forme visuelle des grands ensembles permettent de les faire apparaitre à l’écran comme la meilleure solution à crise du logement, « et leurs habitants comme des privilégiés ». (Camille Canteux, 2014, p. 136).
L’immensité ainsi que le caractère ordonné du grand ensemble lui permettent d’apparaitre comme un objet nouveau, distinct de l’ancienne ville et solution à la crise du logement.
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Figure 20. Marc CANTAGREL, extrait de Se loger, 1948
Figure 21. Frédéric ROSSIF, extrait de La cité des hommes, 1966
Figure 22 et 23. Jean GIRAULT, extrait de Les Moutons de Panurge, 1961
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II.
2. Un mode de vie moderne adapté à l’homme contemporain
Dès les années 50, de nombreux réalisateurs mettent en scène les grands ensembles en les montrant comme l’entrée dans la modernité. Je prendrais comme exemple Se loger de Marc Cantagrel en 1948, La cité des hommes de Frédéric Rossif en 1966 et Les moutons de Panurge de Jean Girault en 1961.
Dans Se loger, les chantiers sont la preuve à l’image que la solution à la crise du logement est bien en cours mais ils sont également la preuve de la modernité. Le secteur du bâtiment se connait une grande évolution dans la période de l’après-guerre. De nouvelles techniques voient le jour comme la préfabrication et l’industrialisation. Comme le montre la figure 20, la préfabrication consiste à fabriquer au préalable des pièces de construction habituellement construite sur place. Ce travail réalisé en série met en avant le fait que tous les logements sont identiques. Cela nous permet de se rendre compte de la maitrise et de la modernité de ces nouveaux moyens.
Dans La cité des hommes, de nombreux panoramas montre les grands ensembles comme des entités autonomes où « tout ce qui est susceptible de faire le bonheur de l’homme est présent » Camille Canteux, 2014, p. 177). Dans la figure 21, Frédéric Rossif illustre un espace extérieur, dont on ne peut apercevoir la finalité, où les enfants, accompagnés de leur mère, peuvent jouer en toute sécurité. L’immensité des grands ensembles permet de mettre en scène un lieu à part, adapté à l’homme contemporain où les familles s’épanouissent.
Dans Les moutons de Panurge, le réalisateur insiste sur le confort des appartements et leur modernité. Il raconte l’histoire d’une famille habitant dans un grand ensemble. Dès le début du film, Jean Girault réalise un travelling horizontal ainsi que des plans fixe permettant de présenter la chambre des enfants très bien rangée, celle des parents, la cuisine équipée d’une gazinière et d’un réfrigérateur, un balcon ainsi qu’une salle de bain avec un lavabo et une baignoire. Cela met en avant le confort et les multiples équipements que la famille possède. Les intérieurs des grands ensembles sont aussi remplis d’objet qui symbolisent la société
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de consommation et traduisent la modernisation de la vie quotidienne. Une scène notamment où la caméra est au niveau de la télévision et l’on se retrouve face à la famille, chacun ayant le regard fixé sur l’écran. Il met en scène aussi bien le père de famille, au travail, dans de grand bureaux en open-space, que la mère, dans les grands magasins faisant du shopping et utilisant l’escalators ou l’ascenseur pour se déplacer. De nombreuses scènes de vie quotidienne dans les logements mettent en avant la libéralisation des liens familiaux et l’utilisation d’objets innovants. Ces nombreuses scènes mettent en avant l’innovation et le progrès en montrant de nouveaux moyens et un cadre de vie moderne. Ils sont, à l’écran, la possibilité pour tous d’accéder à la modernité.
L’autonomie, la répétition montrée par le travail en série ainsi que l’immensité sont des caractéristiques du grand ensemble qui lui permettent d’apparaitre à l’écran comme un lieu à part, adapté à l’homme contemporain et accompagné d’un cadre de vie moderne.
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Figure 24. Jean-Luc GODARD, extrait de 2 ou 3 choses que je sais d’elle, 1967
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II.
3. La limite des grands ensembles : une utopie rattrapée par la réalité
Très vite rattrapée par la réalité, les grands ensembles suscitent dès 1960, de nombreuses critiques. Leur forme urbaine est rejetée et la population exclue comme notamment dans Quarante milles voisins de Jacques Krier en 1960 et Deux ou trois choses que je sais d'elle de Jean-Luc Godard en 1966.
Dans Quarante milles voisins de Jacques Krier (1960), le réalisateur filme la plupart des petites villes de la région parisienne qui ont vu se dresser des grands ensembles et qui se sont vite transformées en "cités dortoirs”, c’est-à-dire des villes vides d’emplois, de loisirs et d’hommes durant la journée. Le réalisateur prend l’exemple de Sarcelles : il interview de nombreux locataires qui déplorent tous le montant du loyer, la promiscuité, le bruit, la conception des logements. Il interroge notamment une jeune femme : « ce qui me déplait le plus, c’est certainement l’architecture » dit-elle, « tous ces gros cubes entassés les uns à côté des autres, ça me fait peur. Ce n’est pas joli, ce n’est pas joli du tout, je n’arrive pas à m’habituer. On était tellement habitué aux petites maisons voyez-vous, avec des cheminées, avec des volets, que quand on arrive ici ça nous effraie, ça nous écrase totalement. » Ici, la jeune femme exprime la solitude et l’ennui qui commencent à régner aux sein des grands ensembles dès les années 60, à travers la critique de leur géométrie surdimensionnée par rapport à l’échelle humaine. Ce témoignage montre que la forme urbaine est rejetée.
Posté à un carrefour entre le film de fiction, le documentaire sociologique et le traité philosophique, Deux ou trois choses que je sais d'elle (1966) de Jean-Luc Godard attribue le « elle » de son titre non pas à sa protagoniste, mais à la région parisienne constituée des grands ensembles. Le film est tourné durant le mois d’août 1966 dans l’ensemble des « 4000 » de La Courneuve. Le film a une dimension expérimentale puisque Godard s’interroge et interroge le spectateur sur ces « villes nouvelles » attirant une population qui se voit comme moderne en montrant parallèlement le sentiment du « mal des grands ensembles ». Il réalise le portrait d’une jeune femme en utilisant comme décor la façade d’un grand ensemble. La voix basse de la jeune femme ainsi que le cadre nous donnent davantage envie de nous attarder sur la trame et la répétition de la façade du logement. Le portrait de cette femme révèle une vie singulière et traduit la déshumanisation qu’il règne dans ces logements tous identiques. Il utilise notamment le moyen de la voix off qui énonce ces
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commentaires : « Apprenez en silence deux ou trois choses que je sais d’elle. Elle, la cruauté du néocapitalisme. Elle, la prostitution. Elle, la région parisienne. Elle, la salle de bains que n’ont pas 70% des Français. Elle, la terrible loi des grands ensembles. Elle, la physique de l’amour. Elle, la vie d’aujourd’hui » dit la bande son. Godard, avec son sens de la formule, a d’ailleurs su dire en quelques mots ce malaise urbain, rapprochant la prostitution et les grands ensembles : « Quand on soulève les jupes de la ville, on en voit le sexe ». Le réalisateur ne nomme à aucun moment le grand ensemble, personne ne le prononce. Godard cherche ainsi à montrer que le lieu n’a pas d’identité propre et qu’il ne sert qu’à fournir un toit. Cela souligne la déshumanisation et la monotonie qui règne dans ces logements. Dans la dernière scène, Godard réalise un travelling arrière : la caméra est centrée sur un paquet de chewing-gum Hollywood et va s’éloigner du sujet petit à petit en élargissant le champ de vision afin de révéler au spectateur une vue générale sur des packagings qui, dans l’herbe au pied des grands ensembles, reconstituent une ville moderne en modèle réduit. Les paquets de lessives, de pâtes ou encore de cigarettes dénoncent à la fois la société de consommation mais aussi l’immensité de bâtiment par rapport à l’échelle humaine.
Ces films mettent en scène le caractère surdimensionné des grands ensembles ainsi que la déshumanisation et l’ennui qu’il règne en raison de cet ordre urbain monotone. Ces caractéristiques font apparaitre à l’écran de nombreuses inquiétudes et le rejet de cette nouvelle forme urbaine synonyme d’exclusion.
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CONCLUSION
Le grand ensemble est un objet complexe, mal défini. Si les mots ne suffisent pas à le définir, les images permettent au moins d’en préciser son sens. L’objet architectural qu’il représente marque la mémoire à l’écran grâce à sa géométrie qui s’impose visuellement et son esthétique qui séduit le regard. Il apparait comme un objet nouveau, exclu de la ville, qui se distinguent des autres types d’habitat comme les maisons en centreville ou les pavillons de banlieue. En s’imposant visuellement à nous, il modifie nos représentations sur la manière d’habiter. A l’écran, le grand ensemble apparait comme un progrès et l’entrée de la modernité en France puis comme un lieu isolé et une architecture monotone. En effet, dès le début de sa construction, le grand ensemble est apparu aux écrans comme la solution à la crise du logement mais aussi à la crise de la ville et de son aménagement. Ils deviennent l’image d’un progrès accessible au plus grand nombre et d’une utopie en voie de réalisation. A partir des années 60, il devient synonyme de « cité-dortoir » et est rejeté par le plus grand nombre.
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Photographie rÊalise par ITAR Architecture et extraite de la revue D’architecture 258, Novembre 2017
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Je suis consciente de l’importance de ce tournant, que je n’ai pu traiter que partiellement, dans la représentation des grands ensembles. En effet, cette période permet de comprendre pourquoi ils sont à l’écart dans notre représentation du paysage d’aujourd’hui. Comment faut-il les intégrer dans la construction des nouveaux paysages urbains ? Comment reconsidérer ces logements afin de résoudre les problèmes d’exclusion sociale qui les touchent ? Dans la revue D’architecture 258 (Novembre 2017, p.10), un entretien avec l’architecte Ingrid Taillandier m’a interpellée. En 2011, elle obtient une commande portant sur un grand ensemble des années 1970, rue des Poissonniers dans le 18e arrondissement. La façade de 150 mètres de long et l’architecture typique de l’époque ont entrainé une image négative du quartier. L’architecte s’est attachée « à faire de la contrainte de la vie collective quelque chose de positif » en opérant différentes transformations : lecture architecturale rythmée par une dynamique verticale, différenciation des volumes et des hauteurs, baies toute largeur. Je me suis alors demandée si cette réhabilitation avait réellement changé le mode de vie des habitants ou si cela avait juste permis de redynamiser une façade et d’intégrer ce bâtiment à un quartier en mutation, appelé à devenir une nouvelle entrée dans la capitale. La patrimonialisation et la réhabilitation sont-ils des moyens de résoudre les enjeux sociaux et urbains auxquels les grands ensembles font face ou est-ce seulement une manière de les « moderniser » à nouveau ? On se posera alors la question de ce qu’est la modernité aujourd’hui et comment se manifeste-elle dans la conception des logements sociaux.
Après ces trois ans au sein de l’Ecole, je me rends compte qu’il faut dépasser la simple approche topologique pour cerner les rapports qui existe entre le projet et le lieu. Ce travail sur les grands ensembles et l’image qu’ils renvoient m’a permis de découvrir la complexité du lieu et de son rapport avec la société et le paysage. Comment habiter le lieu ? Avec quelles formes de ville, d’espaces publics, de bâtiments ? Comment transformer des organisations urbaines et des architectures reliées à un territoire, à son histoire, son climat, sa lumière. Le domaine d’étude « Territoires » m’intéresse alors tout particulièrement. C’est un terrain que nous n’avons pas eu le temps d’approfondir en licence et je suis intriguée par la recherche des liens entre l’habitant et l’habiter. Elle touche aussi bien l’architecture que l’économie, la sociologie, la géographie, le droit et la construction. C’est un champ d’action, pluridisciplinaire par essence, qui vise à créer dans le temps une disposition ordonnée et harmonieuse de l’espace.
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BIBLIOGRAPHIE
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CANTEUX Camille, 2014, Filmer les grands ensembles, Editions Créaphis, collection « Lieux habités »
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LE CORBUSIER, 1935, Aircraft, The Studio, traduit en français, Paris, Adam Biro, 1987
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FOURCAUT Annie, 2014, Les premiers grands ensembles en région parisienne : ne pas refaire la banlieue ?
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LANGEREAU Éric, 2001, l’Etat et l’architecture 1958-1981, une politique publique ?
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ROTIVAL Maurice, 1935, « Les grands ensembles », L’architecture d’aujourd’hui, numéro 6
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VOLDMAN Danièle, 1999, « Photographier l’architecture urbaine », Revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire, numéro 61
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FILMOGRAPHIE
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BURTON Tim, 1990, Edward aux mains d’argent, Drame/Cinéma de fantaisie, 1h45
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BRUNET Philippe, 1962, Le temps de l’urbanisme, Documentaire, 0h26
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CANTAGREL Marc, 1948, Se loger, Document d’information, 0h13
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GIRAULT Jean, 1961, Les Moutons de Panurge, Comédie, 1h25
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GODARD Jean-Luc, 1962, Vivre sa vie, Drame/Film artistique, 1h25 et 1967, 2 ou 3 choses que je sais d’elle, Documentaire/Fiction, 1h35
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KRIER Jacques, 1960, Quarante milles voisins, Reportage, 0h14
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LANG Fritz, 1927, Metropolis, Drame/Film de science-fiction, 2h 33m
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LEVY Jean-Pierre, 1933, Construire, Documentaire
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ROSSIF Frédéric, 1966, La cité des hommes, Document d’information, 0h13
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TRUFFAUT François, 1980, Le dernier métro, Drame/Film d’amour, 2h13
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TABLE DES MATIERES AVANT- PROPOS – Choix du sujet et expériences personnelles
p. 7
INTRODUCTION - Contexte et problématique
p. 11
II. 1.
LES GRANDS ENSEMBLES, UN OBJET CINEMATOGRAPHIQUE
p. 15
Un décor tramé, lisse et uniforme
p. 15
GODARD Jean-Luc, 1967, 2 ou 3 choses que je sais d’elle / ROSSIF Frédéric, 1966, La cité des hommes/ KRIER Jacques, 1960, Quarante milles voisins
2.
Une composition graphique et ordonné
p. 17
BRUNET Philippe, 1962, Le temps de l’urbanisme /ROSSIF Frédéric, 1966, La cité des hommes
3.
Une géométrie surdimensionnée et autonome
p. 22
GIRAULT Jean, 1961, Les Moutons de Panurge / CANTAGREL Marc, 1948, Se loger/ BRUNET Philippe, 1962, Le temps de l’urbanisme
III. 1.
UNE IMAGE PUISSANTE, SYMBOLE DE MODERNITE PUIS D’EXCLUSION
p. 26
Une solution à la crise du logement
p. 26
CANTAGREL Marc, 1948, Se loger
2.
Un mode de vie moderne adapté à l’homme contemporain CANTAGREL Marc, 1948, Se loger/ ROSSIF Frédéric, 1966, La cité des hommes/
p. 30
GIRAULT Jean, 1961, Les Moutons de Panurge
3.
La limite des grands ensembles : une utopie rattrapée par la réalité
p. 34
KRIER Jacques, 1960, Quarante milles voisins /GODARD Jean-Luc, 1967, 2 ou 3 choses que je sais d’elle
CONCLUSION - Vers le domaine d’étude « Territoires » BIBLIOGRAPHIE - FILMOGRAPHIE
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p. 37 p. 41
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Le cinéma permet de capturer un mouvement et de mettre en scène l’architecture, un sujet immobile.
Les grands ensembles constituent un objet de recherche flou, aux limites incertaines. Si les mots ne suffisent pas à le définir, les images permettent au moins d’en préciser son sens. Entre 1948 et 1967, l’influence de cet objet architectural à travers le cinéma a permis de modifier nos représentations mentales et d’inscrire les grands ensembles comme un objet nouveau, solution à la crise du logement et symbole de modernité, puis comme une forme urbaine monotone et rejetée, synonyme d’exclusion.
GRAND ENSEMBLE – CINEMA – OBJET – HABITER – REPRESENTATIONS
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