Introduction
Pour qui passe en revue le
XX
e
siècle, il est difficile d’échapper à la
conclusion que deux thèmes ont dominé l’histoire de l’Allemagne. Il y a d’un côté la poursuite du progrès économique et technique, qui pendant une bonne partie du siècle a fait de l’Allemagne, en même temps que des États-Unis, puis du Japon, de la Chine et de l’Inde, l’une des plus grandes économies du monde ; de l’autre, la poursuite de la guerre sur une échelle que personne n’avait encore imaginée. La responsabilité de la Première Guerre mondiale destructrice du XX
e
siècle incombe essentiellement à l’Allemagne. Elle fut seule responsable de
la seconde. De plus, au cours de la Seconde Guerre mondiale, Hitler et son régime repoussèrent les frontières de la guerre jusqu’à inclure une campagne massive de génocide qui reste sans équivalent par son intensité, son étendue et son caractère délibéré. Après la seconde catastrophe de 1945, les puissances d’occupation veillèrent à ne pas laisser le moindre choix à l’Allemagne. Bien que le sport, la technologie, la science et la culture soient progressivement redevenus des champs autorisés d’expression nationale et personnelle, et que la politique allemande soit devenue plus multidimensionnelle à compter de la fin des années 1960, c’est la poursuite dépolitisée du bien-être matériel qui a dominé la vie nationale, surtout en Allemagne de l’Ouest après 1945. En comparaison, la première capitulation de l’Allemagne, en 1918, fut beaucoup moins complète, et les conclusions tirées par les Allemands comme par leurs anciens adversaires furent à l’avenant plus ambiguës. C’est l’un des nombreux traits extraordinaires de la politique allemande à la suite de la Première Guerre mondiale : tout au long de la république de Weimar, l’électorat eut le choix entre Adam Tooze, Le Salaire de la destruction / © Les Belles Lettres
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