Mémoire DNSEP

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M A R I E

B O R L É E

L ’ ARCHÉTYPE FA C E AU X U S A G E S A C T U E L S

Ve r s l e r e n o uv e l l e m e n t d e l’o b j e t e t un e é c o l o g i e d e s f o r m e s

E SA D École Supérieure d’Art et de design d’Orléans



Remerciements : Laurence Salmon, Jean-Patrick PĂŠchĂŠ, Johann Aumaitre, Olivier Desportes et Philippe Szyman.



INTRODUCTION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P.1 L’HISTOIRE DE L’ARCHÉTYPE L’archétype est une image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4 Le contexte et la mémoire collective Le souvenir et la mémoire personnelle

Le standard, à l’origine de l’archétype. . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12 Rationaliser la production : une idée nouvelle Du statut de standard à celui d’archétype

LE DEVENIR DE L’ARCHÉTYPE Face aux nouvelles technologies et usages . . . . . . . . . . . . . . p.32 Les «nouveaux archétypes» et les comportements de l’homme La forme, au second plan de la perception du nouvel objet

Le travail du designer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.46 Adapter la forme de l’archétype soumise aux nouvelles technologies La complexité de la technologie accessible à tous Replacer l’archétype au coeur du projet : la question de l’affect

CONCLUSION

Vers une écologie des formes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.59

BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.61 ABSTRACT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.66




Introduction

Avec l’émergence des nouvelles technologies, l’environnement de l’homme est inondé d’objets de plus en plus sophistiqués. Tactiles, numériques et/ou reliés à Internet, ces objets semblent créer des nouveaux besoins tout en répondant à de nouveaux usages et comportements. En deçà des inventions contemporaines de la technologie, l’homme évolue dans un environnement constitué d’objets auprès desquels il se sent rassuré. Ces objets éveillent en lui le souvenir d’une histoire passée, d’une odeur, d’un son ou d’une sensation vécue. Dès lors qu’ils renvoient l’utilisateur, consciemment ou non, à une représentation symbolique au sein de l’esprit, ils sont des «archétypes». Cette notion est conséquente dans le monde du design et permet une constante exploration. La réflexion qu’elle demande sur le sens des objets et sur le dialogue qui s’établit avec l’homme, définit mes choix de projet. La principale motivation en est la question de l’affect qui leur est liée. Si les objets-archétypes durent dans le temps à travers la mémoire, ils y sont néanmoins relégués au second

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plan, derrière ceux issus de la technologie, et les sentiments éprouvés à leur égard s’atténuent. Pour comprendre ce phénomène et sauvegarder l’émotion ressentie, les origines, l’histoire et le devenir des archétypes seront questionnés. En observant notre société et les innovations qui s’y bousculent, nous chercherons à savoir si l’affection qui leur est portée finit par être oubliée, au profit des liens que nous tissons avec les objets plus récents. Nous analyserons ces nouveaux rapports pour se demander s’il est possible de créer de nouveaux archétypes. Enfin, en se servant du progrès, comment replacer l’archétype au coeur du projet et faire ainsi ressurgir le sentiment d’origine ? Une question de plasticien naît de cette étude. Elle concerne les silhouettes archétypales des objets. En effet, si ces formes célèbres sont mises de côté, elles méritent d’être ré-investies, car s’il en existe qui parlent d’elles-mêmes, pourquoi en créer toujours plus ?

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« Le standard est une qualification qui se mesure à l’aune du marché. Comme l’archétype, il se révèle au cours de l’histoire de l’objet. L’archétype d’une chaise est une chaise à quatre pieds, mais toutes les chaises à quatre pieds ne sont pas des archétypes. L’archétype est […] une image qui, le plus souvent, parle d’origines imaginaires. En design l’archétype est une façon d’aller au-devant des gens avec un produit. C’est une façon de se faire comprendre […] J’utilise ce référent comme langage commun avec des gens que je ne connais pas, les usagers ».* Martin Szekely **

* Extrait de l’oeuvre «Objets-types et archétypes», p. 64 * *Attaché à la fonctionnalité des objets et sensible à leur plus simple expression, 3

Martin Szekely est un designer français né en 1956.


L’HISTOIRE DE L’ARCHÉTYPE L’archétype est une image Le contexte et la mémoire collective, le souvenir et la mémoire personelle. Du grec ancien αρχέτυπον arkhêtupon, entré dans les langues modernes par l’intermédiaire du latin  « archetypum », soit « grande image », l’archétype est un modèle idéal. Ce terme, qui a été répandu par le philosophe suisse, Carl Gustav Jung (1875-1961), disciple dissident de Freud, désigne un modèle présent chez tous les humains, y compris dans des cultures éloignées. Il est, selon le philosophe grec Platon (427-347 av. J.C.), la base fondamentale et commune à tous les hommes. De ce fondement universel, Jung définit des « couches » qui sont propres aux races, puis aux cultures. Enfin, la plus superficielle de ces « couches » est l’essentielle et celle qui nous intéresse. Elle est définie par la conscience de chacun. La notion d’archétype se définit donc d’un point de vue universel comme strictement individuel, et est caractérisée par le fait qu’elle unisse un symbole à une émotion. L’objet-archétype tient sa force dans l’image que nous en avons.

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Il est « un songe », selon les mots du célèbre designer français, Philippe Starck.  « À travers la question des archétypes se recherche non pas ce qui nous différencie les uns des autres mais ce qui nous relie, ce qui nous est commun, […] sur le plan des images ». Nous faisons ensemble partie d’un même monde avec sa même histoire et composé d’objets qui nous sont communs. Les images auxquelles ces objets nous renvoient, ont pour origine une mémoire dite  «  collective  »  ,  « l’inconscient collectif » chez Jung. Le sens dont est chargé un objet nous rapproche les uns des autres en ce point. Selon Jung « notre psyché personnelle est à la psyché collective un peu ce que l’individu est à la société »* . Prenons l’exemple de la chaise Mullca que nous connaissons tous - fabriquée en 1950 par Gaston Cavaillon, ex-directeur de la Compagnie Parisienne de l’Ameublement, et un investisseur du nom de Muller - elle a été choisie par l’UGAP, l’Union des Groupements d’Achat Public, pour être « LA » chaise d’école de la France entière. Si cette chaise peut rappeler à certains les jeux de la cour de récréation, les camarades de classe et les poésies récitées, et provoquer chez d’autres le malaise ressenti lors d’un devoir sur table ou d’une punition, l’image qu’elle évoque nous est commune : celle de la salle de classe. La chaise Mullca est alors l’archétype de la chaise d’école par excellence. Les images connotées de chaque objet nous construisent.

* Carl Gustave Jung, Dialectique du Moi et de l’inconscient, 1933. 5


Elles sont l’essence de ce que nous sommes face à ce qui nous entoure. Lorsque le designer anglais, Jasper Morrison, propose, en 2008, une nouvelle version de la chaise Mullca, sous le nom de Basel Chair, il montre les capacités étonnantes qu’ont les archétypes à faire appel aux sentiments. L’objet est immédiatement reconnu par l’utilisateur qui s’y identifie. La forme et/ou la façon dont il est assis dessus suffisent à éveiller ses souvenirs. L’objet parle de lui-même et le rapport entretenu avec lui est intime. L’archétype se différencie donc des autres objets par son caractère symbolique fort. La mémoire collective est la base du processus d’identification de l’archétype et des images qui la composent. La mémoire personnelle, elle, fait vivre et perdurer cet archétype. Un siège de camping synthétise l’image des vacances, l’odeur du café, celle du petit-déjeuner familial, un air de musique, le premier flirt, etc. Pourtant, les vacances, les petits-déjeuners et les expériences amoureuses sont différents selon les uns et les autres. La distinction relève de l’affect. En effet, le contexte précis, les éléments extérieurs, le comportement propre à chacun, sont tout autant de facteurs variables qui font qu’on est attachés de façon très personnelle, à tel ou tel objet, pour ce qu’il représente.

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Dans son célèbre roman intitulé À la recherche du temps perdu, écrit en 1913, Marcel Proust (1871-1922) saura analyser très clairement ce rapport affectif. Il raconte un moment de sa vie, où, de retour chez sa mère, il mange une madeleine et décrit comment, à cet instant précis, ressuscitent avec force des pans entiers de sa mémoire. Ce n’est pas face à cet objet qu’il parvient à identifier un souvenir passé, mais en le combinant avec des facteurs extérieurs bien précis : il trempe la madeleine dans du thé au tilleul. Il ne parvient pas immédiatement à saisir à quoi cette sensation retrouvée fait allusion, à quel moment de sa vie elle se réfère, et tente à plusieurs reprises, l’expérience. La deuxième bouchée l’éloigne de cette première impression de «déjà-vu», la troisième un peu plus encore. Puis, après un dernier effort, il parvient avec soulagement à identifier le phénomène produit. Il s’agit d’un souvenir, celui de sa tante qui lui donnait à manger cette même pâtisserie trempée dans ce même thé. « Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray , quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la

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mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. » Comme le décrit ce passage, les images de la mémoire sont parfois volatiles et insaisissables. Elles sont de l’ordre du ressenti et s’évaporent en quelques secondes, laissant derrière elles une sensation de «déjà vu», ici en l’ocurrence, de «déja-vécu». Marcel Proust révèle que le souvenir est empreint d’images définies chacune par un ensemble d’éléments bien précis. Jung parle de ces éléments comme des « structures ». Pour le philosophe, tous les inconscients individuels s’enracinent dans un inconscient collectif commun ; cet inconscient enferme des types originels de représentations symboliques. Nous nous identifions face à ceux-ci et en associant la sensation vécue à l’objet qui nous l’a transmise, nous participons à son statut d’archétype. Si l’archétype tient alors son fondement dans la mémoire collective, comment s’y est-il installé ?

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Chaise 510, Metal peint, Contre-plaqué Gaston Cavaillon et M. Müller 1945

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Basel Chair Hêtre et plastique Jasper Morrison 2008


Qu’est ce que le standard ? Comment s’organise sa production ?


Le standard à l’origine de l’archétype Rationaliser la production : une idée nouvelle Au XIX ème siècle, au moment où la société artisanale devient industrielle, technicienne et rationaliste, apparaît le mot « standard », de l’anglais « etalon type ». Lors de cette révolution et dans un contexte historique de reconstruction d’après-guerre, les préoccupations sont à l’économie. Pour pallier aux problèmes de coût, l’industrie propose une production de masse. Les objets qui en sont issus sont conformes à des normes de fabrication en série, ce qui en fait des modèles standards. En 1859, Michael Thonet (1796-1871), ébéniste et industriel allemand-autrichien, est l’un des premiers à rationaliser et à normaliser la production de mobilier pour l’orienter vers l’industrie. En créant des sièges à partir d’un nouveau procédé, le cintrage à chaud du hêtre massif, il établit une rupture dans l’histoire des styles. À partir de cette technique qu’il découvre chez un ami luthier et utilisée dans la construction navale, il crée la chaise n°14, une de ses productions les plus célèbres. Finis les meubles artisanaux en bois sculpté destinés à la bourgeoisie, la chaise n°14

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est la première à être pensée pour l’habitat populaire. Composée de six parties reliées par 8 vis, elle se monte, se démonte et se transporte facilement. En cela, la technicité dont elle fait preuve améliore la distribution commerciale, et permet un gain de place important dans les transports. En effet, un mètre cube peut en contenir près de 36 modèles en pièces détachées. Avec Thonet, à travers l’objet ne transparaît plus une représentation sociale, mais la technique selon laquelle il a été conçu. L’objet a un statut nouveau : il représente l’état d’esprit dans lequel sont les industriels, désireux de remplir une fonction le plus logiquement et le plus économiquement possible, laissant de côté tout ornement témoin d’une différenciation. Les destinataires se trouvent être reliés par les objets produits. Les objets standardisés répondent à des besoins standardisés par l’industrie. Pour des raisons économiques, de temps, de matière et d’énergie, la production industrielle de masse demande une grande rigueur dans l’organisation de la chaîne de production. Pour y répondre, Frederick Winslow Taylor (1856-1915), un ingénieur américain, met en application l’OST (organisation scientifique du travail), une théorie qui consiste en un partage des tâches et qui a pour but l’amélioration de la rentabilité. Dès lors, s’établit une séparation radicale entre ceux qui conçoivent et ceux qui produisent et les ouvriers ne sont plus que de simples exé-

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cutants dans l’immensité des entreprises mécanisées. Les conséquences de ce nouveau système sont, pour eux, difficiles car ils se trouvent presque aliénés par l’unique tâche qu’ils répètent infiniment. Si l’artisan devient alors un « homme-machine », les objets de l’artisanat sont, eux, majoritairement remplacés par des objets industriels et standardisés. Quelles sont les conséquences sur la valeur de l’objet ? La pièce artisanale unique, qui représente un travail manuel important, est-elle plus « belle » que l’objet standard qui témoigne, lui, d’un savoir-faire technique ? Tout dépend de ce que nous entendons par « beauté d’un objet ». S’il s’agit de ses qualités d’ornement, des prouesses manuelles et artistiques dont il fait preuve, et de l’utilisation d’un matériau noble, alors la pièce artisanale est plus belle que l’objet industriel. Mais si cette beauté renvoie, au contraire, à la logique d’une réponse à une nouvelle fonction ou usage, tout en prenant en compte les contraintes économiques actuelles, alors le standard l’emporte sur l’objet « fait-main ». L’objet standardisé est une nouvelle manière d’appréhender le monde qui nous entoure. Dès lors que la production se rationalise, nous ne faisons plus du « beau » pour faire du « beau » uniquement dans le but d’une performance, mais nous créons de l’utile et du pratique pour l’utilisateur. Aujourd’hui encore, ce leitmotiv persiste. En effet, les grandes enseignes de mobilier comme IKEA, représentent parfaitement le besoin qu’ont les industries de s’organiser

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pour proposer à l’utilisateur des objets pratiques, satisfaisants et à moindre coût. Les magasins IKEA s’implantent à l’extérieur des grandes villes, car tous leurs objets sont stockés sur place, ce qui permet un approvisionnement rapide. Ils sont représentatifs d’une production en série pensée dans les moindres détails : chaque objet vendu est fabriqué en kit, idée qu’avait amorcée Thonet d’une certaine manière. Cela permet en effet de réduire la taille des cartons et donc d’optimiser l’espace nécessaire dans les transports. Les trajets entre l’usine et le lieux de vente sont donc diminués et l’impact sur l’environnement, réduit. La concurrence fonctionne désormais sur ce modèle, la révolution industrielle ayant normalisé leur manière de produire puis de distribuer.

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Du statut de standard à celui d’archétype Cette logique de la production industrielle a trouvé un écho du côté des usagers. Un objet, au départ standard, est donc reconnu pour ses qualités en tant que tel - innovant et peu cher - puis, comme il est proposé en très grande quantité, il est adopté par un large public. Il entre petit à petit dans l’environnement des utilisateurs qui s’y attachent et s’y réfèrent. La chaise n°14 de Thonet par exemple, fut très vite adoptée par les cafés de Vienne car elle est légère et bon marché. Côtoyée par tous, elle est devenue un symbole du bistrot. L’objet retrouve par le sens dont il est désormais chargé, la beauté à laquelle nous craignions qu’il échappe, et est, en cela, qualifié d’archétype. La chaise n°14 devient celui de la culture viennoise du café urbain. Depuis, elle a été produite à des millions d’exemplaires et rares sont ceux qui, même sans connaître son histoire, ne l’ont jamais vue, au moins une fois. D’ailleurs, quand l’Anglais James Irvine, élève d’Ettore Sottsass et actuel directeur artistique de l’entreprise Thonet, s’associe avec l’enseigne japonaise Muji

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pour la re-dessiner, il nous rappelle les qualités pour lesquelles elle a été désignée comme étant l’emblème même du bistrot. «  Depuis sa naissance en 1859, la chaise 214 est l’emblème du design parfait. A 150 ans, elle reste fidèle à son ADN : accessibilité, légèreté, élégance ».* En remplaçant le deuxième arc du dossier par une barre horizontale, il en donne une version presque inchangée mais modernisée, comme une agréable sensation de déjà-vu actualisée. La standardisation ne réduit donc pas l’objet aux qualités techniques et économiques que celui-ci matérialise. Elle lui permet son essor d’abord industriel, puis, plus tard, affectif. Peut-on dire pour autant qu’un standard devient automatiquement un archétype ? Et qu’un archétype est toujours issu d’un standard ? Si les qualités techniques d’un objet produit en série sont reconnues par les industries comme par les utilisateurs, alors l’objet est bien un standard. C’est précisément parce qu’il inonde notre quotidien et s’adapte à notre environnement commun et personnel que l’utilisateur construit une histoire autour de cet objet et fait de lui un archétype.

* « Thonet fête les 150 ans de sa chaise de bistrot », l’Express, 15 avril 2009. 17


Nous observons ce phénomène de reconnaissance de l’objet avec la chaise du métro parisien. En 1925, le designer Joseph-André Motte (né en 1925) crée la Chaise Coque qui est aujourd’hui l’archétype de la chaise du métro, toujours en place d’ailleurs dans certaines stations de la capitale. Chaise monobloc, monomatériau, monochrome et produite en une seule opération, elle a pour ambition de répondre à elle seule aux différences de chacun. L’inventeur de la coque avait l’idée d’un  « tronc commun ». Il aurait voulu prendre « l’empreinte [de chacun de ses étudiants] de la ligne qui assure la jonction entre le dos et les jambes d’une personne en position assise »* et pouvoir dire face à elles : « Vous êtes grand et fort, petit et rond, grand et mince, riche, pauvre, célibataire, marié ; vous vous sentez différents, mais au niveau de cette courbe, les différences s’estompent  ».* Motte établit par cet objet une généralité au sein de l’humanité et réalise, sous son dessin, l’utopie du standard qui tend irrésistiblement vers le « un ». Une trop forte uniformisation permet-elle toujours l’appropriation de l’objet ? Même si la chaise coque, par sa proposition de standardisation de la silhouette humaine, peut poser des questions éthiques de l’ordre du devenir de la société si tout était standardisé au plus haut point, elle est aujourd’hui ancrée dans notre mémoire collective et personnelle pour l’avoir souvent fréquentée. La notion d’archétype est si vaste qu’elle est applicable, comme le soutient Platon, à une idée même très

* Extrait de l’oeuvre «Objets-types et archétypes», p. 22 18


générale. Prenons un exemple simple, celui d’un écrou. Cette petite pièce métallique est facilement reconnaissable par tous. Ses dimensions sont normalisées au niveau international ce qui fait d’elle un standard de l’industrie mécanique et nous pouvons dire aussi qu’elle est la forme archétypale de l’univers mécanique inventé par l’homme, un domaine bien général. Nous avons cité auparavant la chaise n°14 comme l’archétype de la chaise de bistrot, ou plus largement, l’archétype de la culture viennoise du café urbain. Les notions de standard et d’archétype sont infimement liées, le rapport affectif permettant au standard son statut d’archétype. Il existe pourtant, au quotidien, des objets qui n’ont rien d’un standard mais auxquels l’utilisateur est attaché personnellement. En effet, certains objets ne cherchent pas à se faire remarquer, mais ils procurent un plaisir certain. Il y a par exemple, dans la cuisine, une tasse dans laquelle nous aimons boire le café. Cette tasse peut être de toute forme et les raisons du culte que nous lui vouons sont totalement subjectives. Nous sommes juste satisfaits que cet objet accompagne et serve nos habitudes journalières. Si nous modifions notre comportement face à lui, que nous y buvons de l’eau plutôt que du café, le goût de l’eau semble être altéré. Pourtant, objectivement, il ne l’est pas. Ce qui change c’est l’association du contact

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de l’objet avec son contenu : notre façon d’agir sur l’objet. Faites-en l’expérience. Ces objets font partie des repères que nous avons définis et qui régissent notre quotidien. Cette tasse est en quelque sorte notre propre archétype pour l’usage que nous lui attribuons et l’affectif qui en découle. L’usage est donc une des composantes importantes de la notion d’archétype. Pour en revenir au standard, ce qui fait qu’il est aussi un archétype, c’est qu’il répond à nos usages personnels et personnalisés. Les usages, qui sont d’une certaine façon un moyen de s’approprier l’objet, varient en fonction des cultures, des personnalités, des habitudes de vie de chacun. Il existe dans chaque catégorie d’objet, différents archétypes qui répondent à différents usages : la chaise d’école, la chaise de bistrot, le verre de cantine Duralex ou le verre de vin « ballon ». À ces usages, dictés en quelque sorte par l’Industrie qui définit l’objet à la base comme répondant à telle fonction puis tel usage, s’ajoutent l’appréhension et l’utilisation personnelle de l’utilisateur. L’architecte français Le Corbusier a cerné le besoin d’appropriation qu’a ce dernier face à une proposition standardisée de l’Industrie dans son environnement. Entre 1945 et 1952, à la demande de Raoul Dautry (ministre de la reconstruction et de l’urbanisme), il crée la Cité Radieuse à Marseille, projet d’une Unité d’habitation. L’architecte tente d’apporter une réponse

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nouvelle au problème du logement collectif dans sa double dimension urbaine et architecturale, à un moment où la France est en train d’accumuler un déficit considérable dans ce domaine. Sur des terrains artificiels supportés par des pilotis, il construit un ensemble de logements destiné à apporter, par ses équipements, l’organisation nécessaire à la vie domestique. À partir du nombre d’or, Le Corbusier standardise la silhouette de l’homme et conçoit la structure et la taille de ces logements, idée que reprendra, nous l’avons vu, Joseph-André Motte. À la volonté d’uniformiser l’espace à vivre, Le Corbusier apporte une nuance importante face à la standardisation. L’aménagement de chacun des appartements est modulable : les portes de placards deviennent des tables et les rangements se trouvent encastrés dans les murs. Des portes coulissantes permettent de découper l’espace selon les désirs, les besoins et les mouvements de ses occupants. Chaque habitant fait partie d’un tout dans lequel il peut se définir comme il l’entend et moduler à souhait son espace à vivre. Cette caractéristique matérialise la frontière entre la standardisation raisonnable et l’uniformisation utopiste. Elle permet l’appropriation par l’utilisateur et devient donc, à cette période, l’archétype des logements collectifs à usage personnalisable. Charlotte Perriand, designer, amie et collaboratrice de Le Corbusier, prouve, par l’aménagement qu’elle conçoit pour la Cité Radieuse, que « l’important ce n’est pas l’objet mais l’homme ».*

* Extrait d’article Internet sur Charlotte Perriand. 21


Nous remarquerons au sein de la cité, la célèbre chaise longue à position variable crée par Perriand en 1927, en collaboration avec Pierre Jeanneret et le Corbusier, et que Thonet édite deux ans plus tard. Si ce mobilier tente de répondre en globalité aux besoins des utilisateurs, les trois artistes innovent dès lors qu’ils travaillent par catégories. Charlotte Perriand conçoit des maisons ouvrières, citadines ou champêtres, des refuges ou encore des hôtels en montagne. Nous revenons par son travail, non pas à la représentation de la classe sociale, dont s’est affranchie le standard, mais à la création des « objets-types » répondant aux « besoins-types »* dont parle Le Corbusier : à la cr éation selon un mode de vie. Si les besoins et usages évoluent, les standards aussi, et intrinsèquement, les archétypes suivent cette évolution. Observons ce phénomène en musique. Les classiques de la musique, en jazz par exemple, semblent, après des années, mettre tout le monde d’accord. Evidemment, la subjectivité des goûts musicaux est mise de côté ici, pour ne parler qu’en terme de référence. Certains titres de jazz sont passés de l’état de standard à celui d’archétype. La majorité des auditeurs a probablement déjà entendu Georgia on my mind du célèbre Ray Charles ( 1930-2004 )  surnommé « The Genius ». Ce titre du chanteur-compositeur et pianiste américain, interprété pour la première fois en 1960, est, depuis 1979, l’hymne national de l’État de Géorgie. Il est resté gravé, et le sera à jamais dans la mémoire, des habitants de cet état du moins,

* Extrait de l’oeuvre « Objets-types et archétypes», p.31 22


comme un des nombreux archétypes de la musique à l’époque du jazz. Les styles dont Ray Charles était l’ambassadeur : le jazz, le gospel, le blues, la country, la soul et le rhythm and blues peuvent être également qualifiés d’archétype. La preuve en est que le R’n’B contemporain tire son inspiration dans le rhythm and blues. Bien des artistes s’inspirent des standards musicaux. Tout le monde connaît Lemon Incest écrit en 1984 par Serge Gainsbourg ( 1928-1991 ) et chanté par lui même et sa fille Charlotte. Ce morceau, qui a fait scandale parce qu’il aborde la pédophilie et l’inceste d’un point de vue positif, est en fait une « reprise » de l’étude n°3 en mi majeur opus 10 de Frédéric Chopin, pianiste virtuose polonais ( 1810-1849 ). Classique de l’histoire de la musique, standard à l’époque de sa composition, il est devenu une référence et il traverse les âges grâce aux auditeurs inconditionnels tant de Chopin que de Gainsbourg. Aucune comparaison n’est possible entre les deux hommes parce qu’ils ne font pas partie de la même époque ni du même genre musical. Pourtant, en ce qui concerne la notion archétypale de la musique, il est aisé d’avancer que la reprise du standard est une sorte de duplicata de l’archétype justement parce qu’il est une reprise. Foncièrement, il est donc lui même l’archétype, simplement sous un autre jour. Le dialogue entre le premier et le second est intéressant car il pose la question de la longévité de l’archétype. Ce dernier maintient-il son statut d’archétype parce qu’il est re-visité et qu’il accompagne alors une génération puis la suivante ?

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Si le standard, qui devient archétype plus tard, n’était pas repris et réactualisé par d’autres artistes, alors il serait amené à disparaître. Le standard, s’il est archétype, est amené à être constamment re-visité, et donc confronté à l’évolution perpétuelle de la technique.

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Chaise n°14 de Thonet James Irvine et Konstantin Grcic Muji manufactured by Thonet 2009

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Chaise 214 Hêtre courbé Michael Thonet 1859

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Rue intérieure de la Cité Radieuse Marseille Créée à partir de 1945 Le Corbusier La Cité est basée sur le principe d’une ville intérieure, un bâtiment comprenant des commerces, des espaces de détente, une école, etc. Les couloirs deviennent de véritables rues intérieures. Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret Chaise longue à position variable, BZO6 1928

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LE DEVENIR DE L’ARCHÉTYPE

Les nouvelles technologies apportent des nouveaux objets qui engagent l’homme à changer de comportement. Conjointement, l’homme évolue et développe de nouvelles attentes et préoccupations auxquelles les nouvelles technologies répondent. Quelle influence ce dialogue entre l’utilisateur et le progrès a-t-il sur l’archétype et ses représentations ? Philippe Starck pense qu’avec l’apparition des nouvelles technologies, « il faut abandonner la mémoire commune puisqu’on s’en construit une nouvelle».* Les objets qui naissent de l’avancée technologique actuelle édifient cette nouvelle mémoire. Est-il possible pour autant, de renier les images archétypales de notre mémoire présente ? Qu’en est-il du devenir de l’objet lié à ces images ? Comme c’est le cas en musique, les archétypes continuent de vivre à travers leurs re-visites. S’ils résistent par le sentiment qu’ils suscitent, ils peuvent pourtant être dépassés par des choses totalement nouvelles et différentes. Comme la mémoire commune se transmet et se nourrit de génération en génération, elle ne disparaît pas aussi vite qu’apparaissent les nouveaux objets, mais elle est pourtant menacée. * Extrait d’un entretien entre Philippe Starck et l’auteur de Question(s) design, p. 235.

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Quelles sont les nouvelles technologies et quels comportements amènent-elles ? Comment s’adapte l’industrie aux nouvelles préoccupations de l’homme ?


Face aux nouvelles technologies et usages Les « nouveaux archétypes » et les comportements de l’homme Nous observons chez l’homme de nouvelles habitudes. Son désir de gagner toujours plus de temps en est une. De plus en plus pressé, il a besoin d’être entouré et soutenu par des objets adaptés à ce rythme accéléré. Dans le domaine de l’automobile par exemple, nous constatons la mise en place de réponses à cette volonté d’économie de temps. Aujourd’hui, finie l’exclusivité de la voiture familiale « présentant toutes les qualités de la perfection technique, sous une enveloppe lisse d’une rare beauté »*, telle que la DS en 1950. Bienvenue à la petite citadine individualiste, au physique qui laisse parfois de marbre les automobilistes mais qui, une fois essayée, est adoptée pour sa praticité. La Smart est l’emblème de cette nouvelle gamme de voiture. La technologie, qui permet aujourd’hui de miniaturiser le moteur, rend possible le fait que le véhicule ne mesure que deux mètres cinquante de longueur. Il peut se garer presque n’importe où et évite ainsi à l’utilisateur, la longue recherche d’une place de parking. Dès lors que la Smart révolutionne la conception de l’automobile - le slogan

* Extrait des Mythologies de Roland Barthes. 32


de la marque suisse allemande «Open Your Mind*» le souligne - elle devient, comme ses cousins éloignés, l’Espace et la DS, un modèle pour les concepteurs automobiles au point que Citroën joue la concurrence avec la C1, aussi petite et pratique en ville. La Smart est une référence et donc un nouvel archétype. Cela ne veut pas dire que la voiture familiale disparaît en tant qu’autre modèle, au contraire, celle-ci se modernise constamment, présentant un meilleur confort d’assise, une insonorisation importante et un aménagement intérieur modulable et de plus en plus ergonomique. Sur le modèle du Renault Espace, précurseur du monospace, commercialisé en 1984, existent aujourd’hui le Renault Scénic, le Fiat Multipla ou encore le Citroën C4 Picasso. À chaque usage, son archétype. Quand la technique amène de nouveaux comportements, cela s’incarne dans des objets qui utilisent, par exemple, la technologie tactile, la 3D, Internet et les réseaux sociaux en ligne. Dopées par un effet de mode certain, ces technologies sont entrées rapidement dans les moeurs. Les conséquences sont visible lors de l’apparition de l’e-book, par exemple, qui entend supplanter l’invention de Gutenberg : le livre papier. La technologie est apparue d’abord aux lecteurs sous forme de motifs graphiques - flash codes - imprimés sur les pages des livres papier et téléchargeables depuis un ordinateur ou un smart-phone. Comme le dit Leonello Brandolini, P.DG des éditions Robert Laffont, « le livre interactif n’a pas pour but de remplacer le livre papier par un écran mais de l’enrichir grâce à un écran». *

* Extrait de l’article « L’hyperlivre, le livre interactif qui va rassurer les libraires » clubic.com, publié le 9.09.09.

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Renault Espace CommercialisĂŠ en 1984

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Fortwo Smart CommercialisĂŠe en 1997

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Avant même la création d’Internet, l’Américain Michael Hart créa, en 1971, le projet Gutenberg, dont le but était de numériser des livres. Le premier livre numérisé par ce projet est la Déclaration d’indépendance des États-Unis dans un fichier de 54 Ko. En 1998, l’économiste Jacques Attali et Erik Orsenna, romancier français, fondent l’entreprise Cytale qui lancera le premier appareil de lecture de livres électroniques : le Cybook. En 2003, Laurent Picard et Michael Dahan, anciens employés de Cytale, s’associent pour fonder l’entreprise française Bookeen, qui développe, édite et commercialise des liseuses électroniques de plus en plus sophistiquées.

iPad, Apple Commercialisé en 2010

e-book, Sony

Livre électronique ou e-book

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Ce sera l’été du numérique L’été 2010 restera peut-être comme le point de bascule entre les supports imprimés et les supports électroniques. Peut-être. Il y eut d’abord au printemps le lancement de l’iPad, lancement réussi puisque l’entreprise Apple en a déjà vendu plus de 3 millions d’exemplaires à la date du 15 juillet. On s’aperçoit d’ailleurs que cette tablette, conçue pour être un outil de lecture multimédia, est aussi utilisée comme ordinateur.

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Le livre interactif est, en un sens, une ré-interprétation du livre originel, au regard de la technologie. Le livre électronique, quant à lui, pousse l’innovation en se démarquant tant du point de vue du support de lecture que de l’usage. Le papier disparaît au profit d’une surface numérique et tactile qui peut contenir plusieurs écrits de plusieurs auteurs en même temps. Le lecteur n’a plus dans son sac l’unique roman mais les derniers best-sellers du mois, et peut naviguer de l’un à l’autre en un seul mouvement. L’e-book s’impose comme une rupture avec l’archétype du livre. L’objet est de plus en plus vendu et selon différents modes de distribution. Le journal Courrier International indiquait en juillet dernier que l’entreprise américaine de commerce en ligne, Amazone, aurait vendu les 6 derniers mois de l’année 2010 plus de livres électroniques que physiques. Les libraires également relaient cette invention en proposant à la vente le support comme l’information : le livre-électronique et les oeuvres téléchargeables compatibles. Reste que le rapport affectif porté à l’objet est altéré : l’usure des pages jaunies et cornées, témoin de son histoire, est étrangère à l’e-book. Il existe des fervents adeptes et défenseurs du livre imprimé sur papier qui continuent de l’utiliser et de le faire vivre. Néanmoins, qu’en est-il de son devenir : finira-t-il par disparaître ? Les générations futures qui connaîtront dès le plus jeune âge la version électronique de l’objet, continueront-elles de côtoyer le support papier ? C’est aujourd’hui un réel débat.

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Lorsque le moteur de recherche sur Internet, Google, commence à scanner les pages de livres pour les rendre disponibles en ligne, il pose un problème éthique. Les livres permettent l’acquisition des connaissances de l’Histoire, s’ils disparaissent, qu’en adviendra-t-il de la mémoire des peuples, des bibliothèques et du savoir sur nos origines ? Il est possible que ce même savoir sera transmis par le biais de la technologie, mais le sens originel de l’objet livre, s’il est remplacé, mettra par la même occasion de côté, le toucher, la caresse du grain du papier et son odeur. La surface de la tablette numérique est lisse et froide et le rapport entre le corps du lecteur et l’objet est, en un sens, perdu. Les éditeurs se défendent également face à cette invention car, n’étant plus les seuls acteurs du monde de l’édition, ils voient leur activité réduite. De la même manière, quelle place auront les libraires si le produit est dématérialisé ? Les industries se détachent davantage du livre papier en créant des objets tels que l’iPad ou le téléphone tactile 3ème génération, l’iPhone, lancés par Apple. Les objets sont des interfaces qui permettent d’échanger de multiples informations entre l’utilisateur et la machine. À la lecture ou à l’appel téléphonique s’ajoutent notamment la possibilité de surfer sur Internet ce qui permet à la fois d’écouter de la musique et d’envoyer des e-mails. Le téléphone sert de réveil, de GPS, de calendrier, de répertoire, etc. D’une certaine façon, l’évolution de la technologie modifie notre rapport au monde. «Le portable [...] a, selon le psychologue Serge Tisseron, rendu visibles la complexité et

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la richesse des relations que nous établissons avec chacun de nos objets familiers.» * Parfois, la technologie est tellement complexe, qu’elle prend le pas sur les relations humaines voire les relations sociales. Elle a la mainmise sur une grande partie de notre vie privée, et les relations que nous entretenons avec les objets comme avec les autres en sont parfois modifiées. Cette observation vise bien sûr le phénomène Facebook, inventé par Mark Zuckerberg en 2004. Au départ destiné uniquement aux élèves d’Harvard, le réseau social est rapidement devenu international. Avec lui, les relations entre les utilisateurs, sont de plus en plus virtuelles, et remplacent parfois des échanges simplement humains par des actions en ligne quasi-impersonnelles. Les inscrits sélectionnent désormais les éléments qui traduiront leur personnalité : ils choisissent les photographies qui les mettent en valeur, font apparaître sur leur page d’accueil ce qu’ils aiment ou n’aiment pas et les événements auxquels ils participent. La perception qu’ils ont de l’autre est, en quelque sorte contrôlée, par la technologie, mais aussi heureusement en partie par lui-même. Aujourd’hui, le monde virtuel créé par Facebook a tellement d’ampleur que parfois ceux qui en sont adeptes oublient ceux qui ne le sont pas. Cette vie parallèle altère la définition même de l’amitié. Il suffit d’un «clic» pour prétendre à une relation amicale, sans fondements objectifs, parfois sans autre raison que la curiosité des informations disponibles. La technologie semble d’un côté encourager les rap-

* Extrait des « Petites Mythologies d’aujourd’hui » de Serge Tisseron. 38


ports avec autrui - il s’agit d’un réseau social - en réalité, elle peut également diminuer les échanges «physiques». Facebook ou l’iPhone semblent nous faciliter la vie, mais ces technologies établissent une limite entre le monde réel et le monde virtuel. Cette frontière est fragile. Elle l’est particulièrement avec la création d’un univers virtuel 3D sorti en 2003 et consultable sur Internet : Second Life. Plus qu’un jeu vidéo, il s’agit d’une extension virtuelle de la vie réelle dans laquelle chaque utilisateur se crée un avatar et fixe ses propres objectifs. Les abonnés à ce monde parallèle payent pour y « vivre », y « travailler », et communiquer avec les autres membres participants. Le jeu pose, là aussi, des questions morales. Les utilisateurs parviennent-ils à faire la différence entre leur vie et leur « seconde vie » ? Là où ils se sentent libres, en réalité, ils ne le sont pas car c’est l’interface elle-même qui les contrôle. Sans elle, ils n’existeraient pas dans cette autre vie. L’écrivain français, Frédéric Beigbeder, dans les Nouvelles mythologies de Jérôme Garcin, analyse ces échanges entre les hommes et la technologie. Il perçoit clairement le paradoxe existant entre la sensation de liberté de l’homme, et sa dépendance aux objets qui la lui transmettent. Lorsqu’il possède un GPS, «l’homme contemporain sait où il va et ne parle plus à personne, partout dans le monde même au coin de sa rue. Il se croit libéré d’une contrainte, en réalité, sa contrainte s’appelait liberté.»* Privé de sa nouvelle habitude de communiquer avec autrui par l’intermédiaire de la technologie, de se tenir informé

* Extrait des «Nouvelles Mythologies» de Jérôme Garcin. 39


à travers elle ou d’être assisté par un objet qui le guide, l’homme se sent démuni et seul. La technologie lui a apporté des nouveaux besoins, il s’y est accoutumé, et peut désormais difficilement s’en séparer. Entrés dans les moeurs et dans son quotidien, les objets technologiques, de plus en plus multi-fonctionnels, semblent refléter un caractère archétypale de par l’appropriation qu’en font les usagers et les changements radicaux qu’ils apportent.

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La forme, une enveloppe au second plan de la perception de l’objet La Smart, l’iPad et l’iPhone sont progressivement entrés dans la « nouvelle mémoire », dont parle Philippe Starck. Pourtant, ils n’y remplacent pas les représentations acquises auparavant par notre inconscient. Avec le progrès sont nés de nouveaux critères de définition des objetsarchétypes. Aujourd’hui, leur identification est différente. Jusqu’à maintenant, l’utilisateur s’attachait à un objet pour son usage mais aussi pour sa forme représentative d’une technique de production. Lorsque la chaise n°14 de Thonet est apparue, elle s’est démarquée des autres chaises en bois de l’époque par ses formes courbes innovantes, que la technique avait rendues possibles, et est devenue un archétype pour ces mêmes raisons. Aujourd’hui, l’usage auquel répond la technologie prime sur la forme qui la contient. Cette forme est une enveloppe de la technique, issue d’une volonté de cacher la complexité des composants électroniques, pour laisser l’objet accessible à tous. Elle se situe au second plan de la perception de l’objet, et du processus d’identification de son statut d’archétype. La ou les différentes fonctions de l’objet suffisent désormais à sa reconnaissance. L’iPhone par exemple est d’abord reconnu pour son

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interface tactile et multimédia, puis pour la forme qui lui est associée. Même si des variantes sont observables selon les modèles, une grande majorité des surfaces tactiles qui existent chez les concurrents, tiennent dans cette même forme rectangulaire. Certes, les ingénieurs et designers étudient la forme pour qu’elle soit ergonomique au maximum, mais ils copient le dessin global d’Apple pour suivre la mode et connaître le même succès. La notion d’archétype évolue dans différents domaines. Par exemple celui de la machine à café. L’attachement à l’objet n’est pas lié à la forme générale de l’objet, mais à celle qui représente sa technologie. Chaque usage a son objet de référence. Les amateurs de café utilisent toujours la cafetière familiale, la célèbre Italienne créée en 1895 par Bialetti, et continuent de s’approvisionner dans une brûlerie. Mais pour répondre à un utilisateur de plus en plus pressé et individualiste, la célèbre marque de café et machines Nespresso propose des capsules individuelles qui permettent d’obtenir chez soi un expresso de qualité proche de celui du bistrot. Les capsules ont permis d’importer l’archétype de la machine de comptoir dans un lieu privé et deviennent elles-mêmes, un nouvel archétype car, à une même fonction -faire du café - elles proposent un nouvel usage. C’est cet élément que l’utilisateur s’approprie, en choisissant les couleurs définissant les notes aromatiques : corsées, douces, épicées, boisées, qui le caractérisent le plus.

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Contrairement aux concurrents de l’iPhone, ceux de la machine Nespresso reprennent la technologie mais la déclinent sous différentes formes. Le choix de l’usager est alors subjectif et lié à la notion de style de l’objet. Il en achète un plutôt qu’un autre parce qu’il s’intègre bien à son intérieur, que la couleur lui plait ou que le prix est attrayant. Le point le plus important de cet objet pour l’utilisateur, ce n’est pas son apparence, mais bien sa technologie, matérialisée par cette petite capsule. Face à cette nouvelle approche de l’archétype, le métier de designer évolue. Si les designers dessinent et conçoivent l’enveloppe de la technologie - la machine entière ils le font une fois après avoir élaboré, avec les ingénieurs, l’élément essentiel : la capsule. De la même manière, pour l’iPhone ou l’iPad, ils pensent la forme globale rectangulaire de l’objet après avoir minutieusement travaillé sur l’interface qu’elle reçoit. Le progrès atteint le coeur de la profession le concept lié à l’usage, et la forme, un de ces aspects fondamentaux La technologie s’interpose entre l’objet physique et l’utilisateur. Elle pose alors une question importante quant au sentiment que nous portons aux nouveaux objets. Comment, face au progrès, les designers tentent de rapprocher l’utilisateur de l’objet ?



Radi designers Switch, interrupteur électrique, 1992 Bi-injection de polyuréthane de densité variable, composants électriques

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L’interrupteur est un segment qui, respectant l’alignement du circuit, laisse passer le courant, ou au contraire, créant une rupture dans la continuité, présente un angle qui en brise la ligne et coupe le courant. Le principe de fonctionnement se réfère à des gestuelles analogues : couper le courant c’est briser le circuit comme on briserait une brindille. Symboliquement, c’est aussi la rupture d’un flux parcourant l’intérieur d’un fil. Laurent Massaloux, Olivier Sidet et Robert Stadler se sont rencontrés à l’école nationale de création industrielle de Paris. Ils présentent leur interrupteur « Switch » au projet de fin d’année et se font connaître grâce à lui, bien qu’il ne soit jamais édité.

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Le travail du designer Adapter la forme de l’archétype soumise aux nouvelles technologies Le collectif de designers Radi designers, formé par Laurent Massaloux, Olivier Sidet et Robert Stadler, a tenté de répondre à cette question en re-dessinant, en 1995, un objet que nous connaissons tous, l’interrupteur. Nous ignorons tout du procédé électrique interne qui permet à l’objet de fonctionner. C’est pour atténuer cette frontière entre la technologie et l’homme, que les designers mettent à nu ce système électrique. A travers le projet «Switch» - projet non édité* - ils traduisent formellement la représentation schématique usuelle, l’ouverture et la fermeture, du circuit électrique, et en modifient la lecture de l’objet. Par la gestuelle liée à l’objet et à travers sa forme, les designers rapprochent l’utilisateur de la technologie. L’utilisateur vient «casser» l’interrupteur et «casse» alors le circuit qui y est intégré. Le courant ne passe plus. Le geste inverse rétablit le courant.

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La complexité de la technologie accessible à tous Bien que les objets issus de la technologie soient de plus en plus intuitifs et facilement accessibles, l’inconnu peut parfois effrayer. Certains concepteurs présentent alors leurs technologies et les composants internes à l’objet en créant des enveloppes transparentes. Ils diminuent ainsi les barrière entre l’homme et le progrès technique. C’est le cas notamment d’Apple lors de la sortie de l’ordinateur fixe, l’iMac, en 1998, à l’initiative de Jonathan Ive. La coque de l’objet était transparente et habillée de couleur pour donner à la complexité des composants internes un air inoffensif. « La technologie devient sensuelle et colorée, comme pour nous convaincre qu’après avoir acquis la puissance, elle a acquis la grâce.»* Dans le même ordre d’idée, en 1980, le designer industriel britannique, James Dyson, crée un aspirateur transparent «G-Force». L’objet est révolutionnaire pour son époque car il ne requiert pas l’utilisation d’un sac. Le designer


James Dyson G-force 1986

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Jonhatan Ive L’iMac G3 Apple 1998

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Jasper Morrison Objets super normaux

Jasper Morrison Super Normal Musée des arts décoratifs de Bordeaux

(16) À gauche, le fauteuil « Folding air », de Magis, 2003. À droite, « la Basel » (2008) et le service d’assiettes et couverts Alessi (2004).


laisse visible la technologie qui le remplace, comme pour prouver à l’usager que l’objet lui est accessible et facile d’emploi malgré sa technicité.

Replacer l’archétype au coeur du projet  La question de l’affect L’utilisateur, après avoir apprivoisé ces «nouveaux archétype», les intègre à son environnement quotidien. Que deviennent alors les anciens, ceux auxquels nous étions attachés ? Parfois les objets-archétypes sont contraints d’être modifiés par l’arrivée de nouvelles technologies. Lire sur un support numérique plutôt que sur une feuille de papier par exemple, exige un éclairage qui prend en compte le reflet, même si de nombreux écrans sont étudiés pour limiter cet effet. Dans ce cas précis, quel est le devenir de l’iconique lampe de bureau Anglepoisse ? Est-elle vouée aux antiquités ? C’est précisément pour raviver ce sentiment que les designers travaillent à la réhabilitation de l’archétype, et lui redonne de l’importance au sein du projet. Comme le dit le britannique Jasper Morrison, «tout le monde (aujourd’hui) cherche à faire des choses spéciales et nous avons perdu un peu du monde normal». Les designers tentent de se différencier de plus en plus des utres et ils créent pour y parvenir, des objets totalement nouveaux.

* Paroles de Jasper Morrison dans une vidéo présentant l’exposition « SuperNormal » au musée des arts décoratifs de Bordeaux.


Ces inventions remplissent des fonctions auxquelles répondaient d’autres objets auparavant. Mais avec cette volonté d’innover radicalement, l’histoire et l’origine de ces objets sont délaissées. Entre octobre 2009 et janvier 2010, Morrison installe ses objets qu’il dit «normaux», nés de son attachement à l’archétype au sein des collections du musée des arts décoratifs de Bordeaux. L’exposition qui a pour titre « Supernormal » est un mariage subtil entre les oeuvres du 17ème siècle pleines d’histoire, et les objets du designer, issus du monde industriel. « Lorsque l’on rentre dans une pièce du musée dans laquelle il y a une oeuvre de Jasper Morrison, explique Bernadette de Boysson, directrice du musée, on n’est pas sûr de s’en apercevoir tout de suite. » La chaise «Bac» du designer, éditée chez Cappellini, se marie au piano-forte de l’époque des Rois de France, sa théière en porcelaine se fond dans le paysage de la faïences françaises du 18e siècle, quant à son fauteuil «Lotus Lounge», il dialogue de manière harmonieuse et discrète avec son voisin parisien, au style Louis XV. À travers cette expérience, Morrison nous démontre que la principale qualité des objets archétypes, est leur adéquation à la vie domestique. Philippe Starck parle à son tour de ces objets qui passent inaperçus. A travers la lampe Miss Sissi, éditée chez Flos, le designer montre à quel point un objet «de rien» est fort par le sens que nous lui attachons.

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« A l’époque où j’ai sorti ma lampe Miss Sissi, les lampes étaient des lampes faites par les designers, menant un véritable combat entre des gens très talentueux qui montraient combien ils étaient très techniques (balancier, articulation...). Mais a-t-on besoin de tout ça ? Oui, de temps en temps, mais moi j’aurai besoin d’une lampe de rien, qui n’existe pas. Dois-je aller aux puces récupérer une vieille lampe bringebalante, même pas aux normes de sécurité ? J’ai utilisé le moule de la mémoire collective de cette lampe pour rien, pour y couler la matière la moins chère possible. A cet instant, cet objet archaïque et réactionnaire a démodé tous ces objets ultramodernes (…)» Le travail de re-visite prend alors tout son sens dans l’appréhension sentimentale des produits à forte valeur ajoutée culturelle et de plaisir. «La question de l’archétype permet des objets plus discrets à la vue, mais plus riches au ressenti.»* Si les designers ré-interprètent les archétypes avec un regard plus moderne et actuel, en utilisant par exemple des nouveaux matériaux ou nouvelles technologies, ils sont tenus de justifier ce travail et de le mettre donc au service de l’utilisateur en améliorant le bien-être et le confort de celui-ci. Aussi, en travaillant à partir des formes appréciées par tous, les designers étudient également les nouvelles préoccupations de l’homme. Certains pensent que l’amélioration des objets archétypes passe par un «complément» à l’objet. Par exemple, les 5.5 designers proposent un kit d’éléments, semblable à une trousse de premiers soins

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pour objets, et leur donnent ainsi une seconde vie. Dans ce projet « Reanim» qui les a fait connaître, Vincent Baranger, Jean-Sébastien Blanc, Anthony Lebossé, et Claire Renard réhabilitent des objets, souvent récupérés dans des décharges, par des actions simples. Les quatre designers ajoutent un pied ou un dossier à une vieille chaise, des pièces en plastique potentionnellement reproductibles dans un nouveau processus de production industrielle. Le studio Delo lindo, formé en 1985 par Fabien Cagani et Laurent Matras, ont également proposé, pour une série d’électroménager de la marque SEB, d’autres types de compléments. En analysant la manière d’utiliser un grille-pain, une cafetière à filtre, un appareil à fondue, un robot ménager. Delo Lindo a tenté de remédier à certains manques du côté pratique des objets. Les deux designers ajoutent au grille-pain une pince qui permet de récupérer le toast sans se brûler les doigts, prévoit un enrouleur de fil au robot ménager pour optimiser son rangement et pense à doter d’une poignée le récipient du filtre qui permet de le vider directement sans avoir à le prendre directement en main. Jasper Morrison, en créant sa Basel Chair pour Vitra en 2008, n’ajoute rien à l’objet mais remplace les matières pour rendre la chaise Mullca plus confortable, et Philippe Starck, lorsqu’il re-visite le fauteuil Louis XV l’améliore techniquement : il le crée en un seul élément, avec un nouveau procédé de fabrication qui consiste en un moulage par injection de polycarbonate. Le designer donne un nouveau souffle à ce siège en le modernisant et en lui permettant

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de s’adapter, par son matériau, à l’intérieur comme à l’extérieur. La forme très célèbre de ces deux assises fait que nous sommes tous touchés de les revoir parmi nous et admiratifs de leur capacité à s’adapter dans le temps, de manière agréable en tout point de vue. Comme l’archétype est placé en référent, à travers sa re-visite et parce que les usagers le reconnaissent, les valeurs qui lui sont attachées survivent.

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Philippe Starck Louis Ghost Polycarbonate 2002

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Philippe Starck Miss Sissi Flos, 1991 (18)

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Delo Lindo pour Seb Simply Event 2006 Fabien Cagani et Laurent Matras sont diplômés de l’école des Arts décoratifs de Paris en 1996. Ils s’associent et fondent le collectif Delo Lindo. En 2006 ils collaborent avec le groupe Seb pour le projet « Simply Event » qui consiste en des compléments aux objets d’une gamme d’électroménager.

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Vers une écologie des formes À l’origine, la notion d’archétype était liée à la perception sentimentale d’une forme reconnaissable immédiatement. Faisant appel à la mémoire collective puis personnelle, elle était de l’ordre du souvenir et du ressenti. Aujourd’hui, plus seulement d’une forme, elle naît d’un nouvel usage auquel répond une technologie moderne. La forme n’a plus l’importance qu’elle avait quant à la perception de l’objet par l’utilisateur. L’observation et l’analyse de cette évolution des rapports entre les formes et les individus, ainsi que le désir de les sauvegarder, fait appel à une question écologique de la forme. Nous parlons d’écologie, non pas pour l’emploi courant que nous en avons aujourd’hui lorsqu’il s’agit de la protection de l’environnement, mais pour le sens plus large du mot. Du grec oikos, demeure, et logos, science, ce terme a été proposé par Ernst Haeckel en 1866. «L’écologie est la science qui a pour objet l’études des interactions, et de leurs conséquences, entre l’individu et les milieux biotiqueanimaux, plantes, micro-organisme, mais aussi les autres individus et leur société - et abiotique - tout ce qui n’est pas vivant, donc potentiellement les objets, la technologie, la connaissance, etc. - qui l’entourent et dont lui-même fait

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partie. Les conséquences sont celles sur le milieu mais aussi celles sur l’individu lui-même.»* Si l’écologie étudie les relations entre l’homme et son environnement, l’écologie des formes désigne l’étude des relations entre celles-ci et leur environnement, et donc les individus comme les technologies nouvelles. Elle est la science des conditions d’existence de ces formes. Les formes archétypales des objets interagissent de manière sentimentale avec l’utilisateur et se voient modifiées par le progrès. L’enjeu de mon travail est de rétablir au regard de la technologies et des «nouveaux archétypes», des liens solides entre le rapport «physique» lié à l’usage de l’objet, et le sentiment affectif, liée à sa forme. Guidées par une volonté de ré-investir les formes, les enveloppes récentes de la technologie seront confrontées aux formes des objets antérieurs qui parlent d’elles-mêmes. L’archétype sera replacé au coeur du projet. Il ne s’agit pas d’un travail empreint de nostalgie mais d’une réponse à une écologie au sein du vocabulaire formel des objets existants, dans un monde où de nouvelles inventions ne cessent d’apparaître, perdant un peu l’homme et les valeurs.

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(12) COLIN, Christine, Les Industries françaises de l’ameublement, Fonction et fiction, Édition Hazan, p. 101-105. (13) http://www.pixmania.com (14) http://www.9grid.fr/hardware.html


(15)-(16) SILIEC, Yann, « Jasper Morrison, la simple expression », Intramuros n°145, novembre/décembre 2009, p.66-67. (17) http://cgi.ebay.fr/KARTELL (18) SPARKE, Penny, «100 ans de design», Édition Octopus. (19)-(20) DELO LINDO, « Simply Events », Édition Seb/Tefal.

Papier et Typographie DCP, coated Clairefontaine, blanc, 135g/m2 DCP, Clairefontaine, ivoire 100g/m2 Iris Vivaldi, Canson, clémentine, 240g/m2 Calque Canson, 90g/m2 Vergé, Les Papiers Jean Rouget, cream, 210g/m2 Garamond Premier Pro Ce mémoire a été imprimé par Philippe Szyman, à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design d’Orléans

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ABSTRACT Referent object in its class, the archetype can be immediately identified. It creates links to images of our collective memory today, the emotional relationship seems to disappear in object creation. Initially recognized for its quality as industrial standard, innovating in terms of technology, the meaningful archetype is overwhelmed by it. New technologies, and new human behaviors they include, seem to lead it to his loss. So, beyond everyone’s memory , how can it survive this evolution? We will analyze the ways in which designers attempt to re-visit the subject in order to maintain the strength of its status as a model, weakened by the emergence of new techniques and materials, and changes in use that this entails. We will then explain our position in this reflection. The challenge has been taken to the economy of shape, because if some are self-significant, why still create more iterations of them? The archetypal standard object was in danger! Facing this threat, it survives and gives to the shape the importance it had. Analyzing current behaviors and developing new technologies for the archetype appears to be a good compromise to participating in its longevity. The field of plastic experimentation is open, shape and material will be the main drivers.




D S N EP D E S I G N 2011


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