Rapport de présentation du Projet de Fin d’Études Marius CAILLEAU
CADRE DE BRIQUES POUR TERRAIN D’APPROPRIATION Comment intervenir sur une matérialité existante, pour définir un nouveau potentiel d'appropriation ?
EXPÉRIMENTATION L’usine Peignage Amédée à Roubaix Atelier Matérialité - Ghislain His et Cédric Michel Session Printemps 2021 ENSAPL
REMERCIEMENTS
Aujourd’hui en fin de cursus, je prends conscience de l’évolution de mon travail, condensé d’une année de recherches qui a été riche, malgré le contexte actuel qui nous a limités dans nos échanges, visites, partages. Mon intérêt envers la notion d’appropriation et le rapport humain a été un guide dans cette dernière étape d’études que j'ai, parallèlement au PFE, approfondie également dans le cadre de mon mémoire de recherche.1 Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mes coordinateurs, Ghislain His et Cédric Michel. Je les remercie de m'avoir mené jusqu’à l’aboutissement de cet écrit, tout en me guidant sur le plan pratique afin de m’éveiller à l’autonomie architecturale. Me voilà prêt à affronter le monde réel de l’architecture, avec impatience, grâce à toutes les connaissances accumulées au cours de ces 5 années d’études, petit bagage face à la richesse de connaissances à acquérir encore dans le monde professionnel qui m'attend. J’adresse mes sincères remerciements à tous les professeurs, intervenants et à toutes les personnes qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions, ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes recherches malgré ces temps de crise. Je remercie mes amis Hugo, Maud, Lucie, pour leur relecture attentive, leur soutien inconditionnel et leurs encouragements qui ont été d’une grande aide. Enfin, je remercie ma famille, Lison et mes amis, pour leurs encouragements. À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude. Bonne Lecture, Marius.
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Lien pour visionner mon mémoire de recherche
https://drive.google.com/file/d/1id2XuZujBzuMiK8UWLI9gp2KmWlcc1LJ/view?usp=sharing
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SUJET D’EXPLORATION ET OBJET DE L’ATELIER
L'atelier de projet du domaine Matérialité “La branche et la mésange” a pour visée d’offrir le goût et les moyens d’une pratique de la conception architecturale et urbaine ancrée dans les problématiques contemporaines, émancipée, consciente et engagée. Son assise méthodologique est constituée par le domaine d'étude Matérialités, Pensée et Culture Constructives et les différentes acceptions des termes matérialités telles que proposées et parfois développées dans les Cahiers Thématiques n°15 : matérialités visibles, matérialités invisibles, nouvelles matérialités. Par ces termes sont entendues diverses extensions : Matérialités visibles : On pense ici au réel physique de la construction et de la matière. Matérialités invisibles : Elles prennent en compte les questions énergétiques, sont donc liées au confort, aux ambiances, aux atmosphères, aux climats, au cycle de vie des matériaux, etc. Nouvelles matérialités : On s'attache à ce que les technologies contemporaines peuvent apporter aux matériaux et à leurs mises en œuvre. Problématique : Depuis le début du vingt et unième siècle, le déclin généralisé de la biodiversité est confirmé. En 2009, le concept de limites planétaires est posé. Un nouveau vocabulaire montre le niveau des préoccupations et des problèmes à résoudre : gaz à effet de serre, réchauffement climatique de la biosphère, trou de la couche d'ozone, épuisement des ressources naturelles et des énergies fossiles, entropie, pollution, bilan carbone, développement durable, analyse du cycle de vie, etc. La préservation de la planète passe par une nouvelle attention au vivant, sa biodiversité, son habitat. Nous interrogerons la place que peuvent prendre les architectes dans la réussite des transitions énergétiques et écologiques auxquelles doit faire face le monde actuel et futur. Programme libre : Les étudiants en PFE peuvent proposer un projet alternatif dès lors qu’il répond aux mêmes problématiques d'économie circulaire. Choix du site : Quartier de la Lainière - A la frontière entre Roubaix et Wattrelos - Marqué par la linéarité de l'ancienne voie de chemin de fer et son patrimoine industriel délaissé.
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AVANT-PROPOS Je me situe aujourd'hui au terme de mon cursus universitaire qui m’ouvre la voie vers l’exercice du métier d’architecte. Ces cinq années d'études m’ont donné un aperçu des disciplines liées à l’architecture jusqu’alors inconnues, me permettant ainsi de me questionner sur les valeurs qui me tiennent à cœur en tant qu’architecte. Concernant mes expériences professionnelles, j’ai eu la chance de travailler dans l’agence G.O Architectes, d’abord en tant que stagiaire puis durant l’été. J’envisage d’ailleurs d’y proposer ma candidature une fois mon diplôme obtenu. Ces professionnels m’ont donné l’envie et la motivation d’acquérir mon diplôme d’architecte d'État et de me lancer dans la vie active en mettant à profit ce que j’ai appris. D’autres stages ont été bénéfiques puisque les projets sur lesquels je travaillais y étaient divers : hôpitaux, logements, équipements… J’ai choisi de mener de front mon PFE et mon mémoire pour approfondir au maximum le thème choisi. Cela a d’ailleurs été extrêmement enrichissant pour connaître mes priorités pour mon futur d’architecte. J’ai pris le temps cette année d'expérimenter les sujets principaux qui me questionnent, notamment celui de l’appropriation. A 22 ans, je choisis donc d’être un architecte centré sur les rapports humains, impliquant les différents corps de métiers et les habitants, apportant ma connaissance technique dans une co construction participative. Ces années d’études ont été nécessaires pour faire mûrir ma réflexion : Un architecte oui, mais lequel ? J’ai choisi l’atelier Matérialité encadré par les architectes Ghislain His et Cédric Michel, qui m’offre la possibilité de lier mon mémoire de recherche avec mon projet de fin d’études. Je me suis intéressé lors de mon mémoire de recherche à la notion d’appropriation dans la conception architecturale au sein du logement collectif en France. On observe depuis les années 60 une remise en question multidisciplinaire quant à l’appropriation du logement collectif, qui continue de croître et constitue le lieu de vie majoritaire des Français. Sachant cela, comment dessiner un logement qui, à la fois, conviendrait à tous, et qui dans le même temps offrirait à chaque habitant la possibilité d’exprimer sa personnalité, son individualité, tout en s’adaptant aux différents modes de vie et à leurs évolutions. Si les savoirs théoriques viennent cerner la notion, il est temps de reconsidérer l’avis des habitants. On constate que l'appropriation est rendue possible notamment par l’histoire et la matière… Cependant, des architectes vont imaginer une méthode d’appropriation pour prendre en compte cette notion au préalable de la construction. Les premières expérimentations d’appropriation du logement collectif dans la conception architecturale apparaissent dès les années 1970/1980. De ces prémices utopiques a découlé l’appropriation dans les projets du logement collectif qui ont évolué jusqu’à aujourd’hui. Il s’agira d'expérimenter la mise en application de cette recherche théorique à l'échelle d’un projet. L’envie de questionner les formes d'adaptabilité des espaces à diverses échelles permettra de phaser mes recherches partant de l'échelle plus large d’un bâtiment, ici dans le cadre d’une réhabilitation, puis évoluant dans la fin de mes recherches dans l’espace plus réduit que représente par exemple le logement.
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AVANT-PROPOS En parallèle de cette réflexion je tenterai d’interroger la place de la matérialité comme un outil de l’architecte pour travailler la question d'appropriation. En effet, les premiers travaux de recherche mettent en avant l’application de nouvelles dispositions spatiales. Aujourd’hui cette notion est davantage expérimentée à travers une volonté de flexibilité du logement ainsi qu’une neutralité dans l’attribution des espaces permettant à l’habitant d’intervenir dans la conception de son chez-soi. Cependant, très peu d’essais suggèrent un travail autour de la matière. Selon moi, la matérialité faciliterait une liberté d’appropriation par ses qualités de mise en œuvre. J’entends par là que la matière pourrait révéler des facilités d’accrochages ou encore aider aux remplacements d’éléments entre autres potentialités. Il suffit de prendre l’exemple d’une cloison en béton ou en bois, celle en bois sera plus facilement appropriée car on pourra y planter des clous, punaises… alors que celle en béton le sera plus difficilement. Le passé et la mémoire d’un lieu sont des choses importantes selon moi, et je ne peux me résoudre à regarder cet imposant bâtiment de l’extérieur sans jamais oser y apporter de modifications, restant là dans une muséification du bâti. Le présent me pousse à concevoir un projet qui mettra en lumière les potentialités du lieu et à y envisager un avenir. Conserver et transformer ce vestige du passé industriel apportera une nouvelle forme de vie, non plus par le travail du tissu mais par une nouvelle forme d’appropriation par l’utilisateur. Ma démarche s’inscrit dans une dimension écologique de revalorisation de la surface bâtie afin de limiter l’étalement urbain, mais aussi au regard de la capacité qu'offrent ces anciens bâtiments industriels avec l’application de légères interventions. Il est important de souligner que la conservation de ce patrimoine est un enjeu et un atout majeur pour une ville comme Roubaix. L’usine que j’ai choisie pour mener ce projet est précisément un manifeste de l’histoire de la ville. Je suis né et j’ai grandi près de Roubaix, tout comme mes parents, les membres de ma famille et mes ancêtres sur plusieurs générations. De fait, je remarque une certaine fierté de la part de certains d’entre eux. Je partage d’ailleurs ce sentiment. Mon passé et celui de cette ville sont liés à bien des égards : Mon arrière-grand-père travaillait dans une usine textile, ma maison est un ancien atelier de tisserand réhabilité. Enfant, déjà, je brandissais fièrement mon lampion fabriqué à l’école, à l’occasion de la fête des allumoirs… Cette fête rendait hommage aux tisserands des villes industrielles du Nord de la France. Elle marquait le début de l'automne avec ses journées raccourcies où les tisserands rentraient du travail à la lumière de la lampe. C'est donc en mémoire de cette époque que les enfants du village parcourent désormais les rues avec un lampion décoré, en chantant “vive les allumoirs''. Plus qu’une volonté de rendre un patrimoine à ses habitants, j'aimerais transmettre un message venant du cœur. Je connais ce quartier, son histoire, ses valeurs et je souhaite défendre et mettre en lumière une identité partagée avec les Roubaisiens. Refaire battre le cœur de ce quartier est mon objectif premier et les moyens que j’ai mis en œuvre pour y parvenir sont basés sur la matérialité existante (l’âme), une nouvelle matérialité (la peau) et l’appropriation de ce projet par les habitants (le cœur). Cet ensemble de réflexions, ne définissant pas un seul résultat mais proposant différentes solutions possibles dans la conception du futur projet, met en avant les qualités architecturales existantes à requalifier.
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Photographie personnelle : Ma binôme Camille et moi-même dans l’usine du Peignage Amédée Prouvost, notre lieu d’expérimentation
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LE BINÔME
Le travail en équipe apporte, selon moi, une grande force dans le projet et correspond à mes convictions architecturales. Dans l’optique où l'architecture ne représente pas le travail d’un seul mais l’usage d’une pluralité de compétences, le travail d'équipe permet un partage de savoirs et d'expériences, offrant une réponse nécessairement plus proche des besoins du “vivre ensemble”. J’ai commencé le semestre en binôme avec Morgane Courier aussi originaire de Roubaix, ensemble nous avons eu envie d’intervenir dans l’usine existante ainsi qu’avec Ningyu Wang travaillant sur la voie verte avec lequel nous voulions créer une continuité dans nos projets. Malheureusement ils ont décidé d'arrêter leurs PFE pour se laisser du temps de réflexion sur leurs mémoires. Par la suite, j'ai proposé à Camille Bourit de m’accompagner dans mes réflexions, elle aussi a été sensible aux questions de réhabilitation, notamment dans un lieu lié au patrimoine de la ville, avec une question majeure “Que faire du déjà-là ?". C’est ainsi via de multiples groupes de travail et d’échanges que le projet a vu le jour. Nous avons investi un lieu aujourd'hui inactif et présentant pourtant un potentiel programmatique riche. Camille m’a permis de confronter nos points de vue et de prendre du recul sur ma production, retravaillant l'émergence de mes intentions dans la pratique de ce projet d’architecture. Lors de ce semestre, nous avons pris le temps d’expérimenter chaque semaine une nouvelle approche du projet sans trouver de méthode type, cependant cela nous a permis une collection de données conséquentes menant à une vision complète de l’existant. Face à mon impatience dans une rapidité de production négligeant certains détails, Camille prenait le temps de proposer de nombreuses idées, remettant en question les choix qui devaient parfois être sélectionnés pour ne pas trop en faire. Nos capacités complémentaires ont amené une maturité dans la réflexion et un bon développement dans l’entraide malgré le contexte oppressant auquel nous avons dû nous confronter. Ce projet a été l'occasion d’ouvrir notre duo à d’autres personnes au cours du semestre, notamment en discutant avec des étudiants paysagistes, des architectes du projet de la Lainière, des habitants du quartier, le directeur des restos du cœur, les associations, et bien d’autres… Permettant, au fil des échanges, de nourrir la réflexion du projet en améliorant et précisant nos réflexions.
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SOMMAIRE INTRODUCTION 1. COMPRENDRE L’EXISTANT
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PATRIMOINE INDUSTRIEL ANCIENNE VOIE FERRÉE LINÉARITÉ PERSISTANTE EMBRANCHEMENT MÉMOIRE COLLECTIVE USINE ABANDONNÉE
2. TÉMOIGNER DU POTENTIEL
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CONTINUITÉ IDENTITÉ À PRÉSERVER STRUCTURE CAPABLE MATÉRIALITÉ VISIBLE MATÉRIALITÉ INVISIBLE PLAN LIBRE
3. PERCER L’ÂME DU LIEU À TRAVERS L’OBJECTIF
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RENCONTRE (ANNEXE : LIVRET DE PHOTOGRAPHIES)
4. FABRIQUER DU PROJET
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PROGRAMME QUELLES INTERVENTIONS ? RÉHABILITATION FRUGALITÉ CARTE MENTALE PRATICABILITÉ CAPABILITÉ
CONCLUSION
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GLOSSAIRE
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RESSOURCES
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INTRODUCTION A travers cet ultime projet, j’ai cherché à m'intéresser à ce qui faisait sens pour moi en architecture, en vue du diplôme et de ma future activité. Au cours de ces cinq années de mon cursus, il m’est arrivé plusieurs fois de questionner la relation entre l’architecture et les autres arts: musique, poésie, photographie, composante fondamentale et indéfectible. J’apprécie particulièrement les disciplines artistiques (visuelles, sonores, sensitives…) Elles m’aident dans la conception et, inconsciemment, sont toujours présentes lorsque je travaille. Accompagné par le rythme, l’ambiance, la poésie et les mots, la pratique de l’architecture prend pour moi tout son sens et elle est enveloppée par cette source inépuisable de créativité. En faisant la rétrospective des différents projets sur lesquels j’ai travaillé, je réalise que ce qui m’a marqué est avant tout la dimension humaine du métier d’architecte. Cette idée de réaliser un projet pour une personne qui s'y épanouira, est une perspective qui m’a séduit dès le début. C’est là une démarche que m’inspirent les architectes Lucien et Simone Kroll : depuis 50 ans, ils construisent et réhabilitent des ensembles, avec pour crédo la participation de tous (architectes, bâtisseurs et habitants) en intégrant une dimension végétale forte avec un objectif : donner envie aux habitants d’y vivre, comme le montre le projet de réhabilitation de préfabriqués, à BerlinHellersdorf, en Allemagne, en 1994. Leur devise est d’ailleurs la suivante : « Créer des choses où les gens sont bien ! ».2 Le choix fait par la ville de Roubaix est de raser entièrement le quartier de la Lanière pour y développer un nouveau programme. Les gravats des bâtiments industriels détruits serviront de fondations aux nouvelles constructions permettant selon les penseurs du projet de la Lainière, de “reconstruire l’histoire”. Il est de mon devoir d’architecte de me demander si ce projet est en phase avec la ville de Roubaix. Faut-il alors proposer une autre version, une sorte de contre-projet ? Le bâtiment qui se tient là depuis des décennies, avec ses qualités, ne peut-il pas être adapté à un nouvel usage pour la ville d’aujourd’hui et de demain ? Après la disparition des cheminées, il ne subsiste que quelques monuments témoignant d’une architecture passée liée à une matérialité ancrée dans son territoire. Cette “tabula rasa” roubaisienne efface de manière radicale toute trace d’identité, comme c’est le cas dans le quartier de la Lainière à Roubaix. Preuve en est, il ne reste plus que 43 monuments remarquables dans la ville dont 39 classés en monument historique, dont seulement 14 propriétés de la commune.3 Cependant, d'après Gilles Maury,4 Il semblerait, selon lui, que le passé industriel n’est pas encore aujourd’hui reconnu comme une richesse historique et économique.
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143 Valérie Oddos, « Lucien et Simone Kroll : construire pour que les gens soient bien », Franceinfo, 2015, en ligne, , consulté le 19 avril 2021. 3 Site de la ville de Roubaix: https://opendata.roubaix.fr/explore/dataset/liste-monuments-historiques-de-roubaix/table/ 4 Architecte DPLG et docteur en histoire de l’architecture. Maître de conférence, il enseigne l’histoire au sein de l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille depuis 2004. Il est professionnel dans le patrimoine du XIXe siècle et de l’architecture des Hauts de France
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Certes, Roubaix a évolué, mais conserve une image industrielle forte encore aujourd’hui. En plus de cette qualité historique, les usines offrent une pluralité d’interprétations fonctionnelles avec un avantage certain: une structure existante aux portances surdimensionnées permettant l’installation de nouveaux programmes. Avant de poursuivre, il me semble important de qualifier ma position d’architecte qui s'intéresse avant tout à l'existant. Pour moi, dessiner de l’architecture n’est pas forcément de la construction neuve, j’accorde une place importante dans le déjà-là. A Roubaix “Le nombre de friches industrielles subsistant : plus de 115 sites, près de 200 hectares au total”. 5 Que faire de ces surfaces abandonnées en cœur de ville, laissées en friches inexploitées offrant pourtant parfois un potentiel programmatique riche ? De plus, questionner l’existant donne la possibilité d’économiser de la matière déjà mise en œuvre tout en conservant une trace historique, préservant ainsi le patrimoine architectural de la ville. Dans ce projet mon intervention est limitée dans un cadre bâti dans lequel j’applique des outils permettant un réemploi de l’existant. Au-delà des qualités incontestables de surfaces exploitables dans une usine de cette taille, je souhaite dans ce projet agir en faveur du “déjà-là” et mettre en avant les enjeux écologiques d’un tel projet. En effet, les destructions massives de bâtiments industriels causent de nombreux déchets de matériaux inutilisables et non recyclables. De plus, ces dernières favorisent la mise à l'air libre de sols pollués difficilement maîtrisables. Recycler un bâtiment est une décision engagée envers les habitants. Je l’ai constaté lors de mes discussions avec eux : ces lieux sont des espaces de débats sur l’histoire de l’architecture et de l’environnement. Face aux constats évoqués précédemment, j’ai fait le choix d’un projet de réhabilitation s'inscrivant dans une démarche frugale avec un travail particulier sur la matière existante de l’ancienne usine de Peignage Amédée. La notion de “frugalité” fait écho à ma manière de penser l’architecture. Il ne s’agit pas ici de bâtir un projet frugal mais plutôt de réfléchir à améliorer “le déjà-là” avec frugalité. Faire état de l’existant, repenser ensemble l’architecture et l’écologie de manière raisonnée, valoriser un savoirfaire local tout en conservant l’identité d’un territoire et l’intégration de tous ses habitants. Faire un pas en arrière pour lire ce qui a résisté au temps puis regarder au loin pour co-écrire, toujours avec ses habitants, une nouvelle page de l’histoire du lieu. Ce qui m’importe est d’éviter une surexploitation des matières et d’être capable de réutiliser des techniques qui mettront en avant la beauté de l’existant. De plus, je suis attaché à préserver “l’ADN” de l’usine au moyen de sa matérialité. L’histoire et son contexte tiennent une part extrêmement importante dans le projet, pour cela j’ai pris le temps de l’observer et de l'étudier. Enfin, témoin et victime du contexte actuel de pandémie, je peux affirmer que le monde dans lequel nous vivons est imprévisible. Je reste à l'affût des évolutions, pour répondre aux futures problématiques qui pourront émerger dans les prochaines années. 5
Francois Carrel, “Roubaix-Tourcoing, une histoire à défricher”, Article historique, Publié le Lundi 22 Mars 1999, Roubaix, en ligne, <https://www.humanite.fr/roubaix-tourcoing-une-histoire-defricher>, consulté le 7 mai 2021.
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A la suite de ces réflexions, je me suis attaché à répondre à la question suivante :
Comment intervenir sur une matérialité existante, pour définir un nouveau potentiel d'appropriation ? Les 2 principaux concepts qui gravitent autour de ce projet sont les notions de matérialité et d’appropriation. J’ai souhaité les rassembler car chacune d’entre elles m’apparaît pertinente et mobilisable dans mes projets futurs. Réunir ces deux notions me semble un socle solide dans l'élaboration de ma pensée architecturale. Cette corrélation peut-être définie comme le rapport existant entre deux choses, deux notions, deux faits dont l’un implique l’autre et réciproquement. Mon plan s’organise en quatre parties, de la manière suivante: Je souhaite évoquer dans un premier temps la situation existante du site de la Lainière, pour y aborder l’histoire de l’usine et de son quartier jusqu'à aujourd'hui. Ceci m'amène dans un second temps à l’analyse du bâtiment. Témoigner de son potentiel en définissant des points positifs comme négatifs m’aideront à établir mes engagements sur ce projet en tant qu’architecte. Cette analyse du bâti sera appuyée par un reportage photographique pour percer l’âme du lieu et mettre en lumière l’aspect sensible qui m’anime et qui a façonné le projet. Enfin, seront établies les réflexions du projet de réhabilitation à travers une présentation des interventions, participant à la fabrique du projet.
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Photo d’archive historique issue de la Médiathèque de Roubaix
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Eugène Motte, Exposition internationale Roubaix 1911, en ligne, <http://roubaix1911.bn-r.fr/acc/topo_context_2.html>, consulté le 7 mai 2021. 6
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1. COMPRENDRE L’EXISTANT
PATRIMOINE INDUSTRIEL
“Roubaix”, dite “La ville aux mille cheminées”. Dès lors que ce nom surgit dans les discours, la matérialité de brique, ses usines, ses cheminées nous viennent immédiatement à l’esprit. Comme si celles-ci y avait pris leurs racines, et c’est bel et bien le cas. Marquée par son patrimoine industriel, liée à l'industrie textile du 19ème siècle, une gloire du passé a mené l’essor de la ville. Cet âge d’or économique et social montre que Roubaix reste pour ses habitants la ville aux 1000 cheminées même s’il n’en reste que très peu. Elles servent encore aujourd’hui de repère dans la ville. La ville de Roubaix a eu une croissance accélérée et a vu sa population se multiplier par 15 au cours du 19e siècle dépassant les 125 000 habitants. Cette période est maintenant qualifiée comme “la belle époque” afin de signifier un progrès social, sanitaire, démocratique, pour le plus grand nombre avec de surcroît, une réduction de la pénibilité. L'imaginaire collectif idéalise cette époque industrielle. En effet, malgré le développement de la ville, les structures sociales et médicales peinent à évoluer. Roubaix était plongée dans la pénombre des vapeurs d’usine causant de nombreuses maladies, les conditions de travail étaient très dures avec des salaires très faibles, créant des luttes ouvrières. Roubaix est confrontée depuis un demi-siècle aux conséquences de la crise industrielle du textile, l'activité économique Roubaisienne étant essentiellement centrée dans le domaine textile. Ce patrimoine industriel a une importance cruciale dans le projet, car je vais intervenir sur un bâtiment qui a une histoire rattachée au passé industriel et social.
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Photomontage personnel présentant le site d’expérimentation: au cœur d’une friche industrielle, le long de l'ancienne voie ferrée entre Roubaix et Wattrelos
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ANCIENNE VOIE FERRÉE
Le site d’étude que nous avons sélectionné est celui situé le long de l'ancienne voie ferrée, positionné à la frontière entre la ville de Roubaix et celle de Wattrelos, dans le Nord de la France, le long des infrastructures du Likoto, des aires délaissées, informelles, peu entretenues mais gérées par des intérêts différents. Il se situe dans le quartier de la Lainière, vestige du passé industriel pour la métropole. Il présente de nombreux questionnements sur lesquels nos positionnements se rejoignent: Comment traiter une linéarité sans réel commencement ni fin ? Comment traiter un site délaissé dans un tissu urbain dense ? Valoriser ou non les marques restantes du passé industriel ? Comment traiter la matérialité présente sur le site ? Comment intervenir dans la continuité du projet de réaménagement du quartier proposé par la ville ? Ce site exprime une trace de l’histoire qui marque le territoire. De nombreuses voies ferrées de la région ont été réhabilitées en cheminements piétons et celle-ci retrouve une place dans le nouveau projet d’aménagement proposé par la ville de Roubaix. Un nouveau chemin vert permettant une percée végétale dans la ville, créant ainsi un nouvel attrait pour ce lieu qui est aujourd’hui laissé à l'abandon.
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Collage de photographies personnelles, présentant la trace de l’ancien chemin de fer présente sur le site
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LINÉARITÉ PERSISTANTE
Initialement, le site d’étude proposé était une ligne étroite dans le paysage. Une ancienne voie ferrée formant une faille entre deux villes. Depuis sa fermeture dans les années 1970 suite à la faillite de l’industrie du textile, elle n’a pas trouvé d’usage contemporain. Devenue aujourd'hui un lieu fantôme, restant cependant comme une trace indélébile dans ce maillage urbain de plus en plus complexe, cette trace surgit parfois et disparaît momentanément. Frayant son passage dans les décombres de l’ancienne vie du quartier, dessinant un parcours, laissant pour seul héritage quelques traverses de bois et ses rails usagées qui disparaissent dans l’air du temps et les sursauts de l’histoire. Ici subsiste la linéarité du passé. Lors de notre première visite de site, nous avons longé les rails recouverts sous une pellicule de neige, cependant elles étaient bien là, coupant sur leurs passages tout ce qui tente de s’y opposer: routes, jardins, barrière.... elles persistent. Trouvant une place dans le nouveau plan de réaménagement du quartier. Je me suis demandé comment justifier son usage, les rails seraient la ligne de départ pour le projet mais comment intervenir dans une linéarité qui ne présente pas au premier abord de point d’accroche ? Comment faire de cette ligne une force dans le projet, comment participe-t-elle à son établissement et à son développement, tout en conservant la présence végétale qu'elle offre en ville.
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Photomontage personnel, marquant la bifurcation vers l’usine
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EMBRANCHEMENT
Seconde visite sur le site : En longeant la voie, intrigué par sa destination, la linéarité sans fin tente de nous amener quelque part, prenant des passages plus ou moins accessibles, où la végétation abonde, et soudain dans cette route toute tracée surgit un embranchement. Une bifurcation existante dans le tracé de la voie ferrée, appuyé visuellement par un large mur en brique courbé que nous prenons symboliquement dans le projet comme une étape, une halte, le commencement. C’est ainsi que se forme notre point d’accroche, venant se greffer sur l’axe redessiné dans le projet futur. Ainsi apparaît l'expérimentation d’une nouvelle manière de dessiner ou plutôt de redessiner avec la ville et son histoire. Cet embranchement nous mène à l’ancienne usine de teinturerie Amédée, un espace bien connu des habitants du quartier. Cette déviation nous conduit à une façade majestueuse composée de briques du Nord, vestige de l’identité architecturale de la région. Le bâtiment imposant de forme rectangulaire longe parallèlement la linéarité du chemin permettant d’imaginer une interaction entre les deux devenant un lieu majeur dans le parcours situé à mi-chemin entre le canal et le site de la Lainière. Présentant une grande surface bâtie permettant une intervention architecturale traitant une réhabilitation sans devoir construire davantage et travailler le “déjà la”.
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Photographie historique de l’entrée de la Lainière en février 1955, donné par l’association “les amis de la Lainière”
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MÉMOIRE COLLECTIVE Qu' en est-il aujourd’hui pour les habitants du quartier ? Cette question m'a poussé à faire des recherches pour comprendre comment le bâtiment était perçu par son voisinage afin d’avoir un avis pour compléter mon regard personnel. “03 février 1955, la journée de travail se termine les ouvriers rentrent chez eux…”7,“En 1968, dans l’immense usine de la Lainière de Roubaix, qui emploie 5 800 salariés dont 65 % de femmes, les conditions de travail sont très dures et les salaires médiocres. En mai, les ouvrières décident de se mettre en grève…”8
Ces histoires contées restent gravées dans le cœur des habitants. Ils souhaitent conserver l’image spécifique de leur région en défendant leurs valeurs avec fierté malgré la difficulté du travail. Car c’est un fait, Roubaix s’efface peu à peu, souhaitant cacher les erreurs industrielles. Ils ne laissent ni bien matériel, ni symboles aux futures générations permettant autrefois le lien social. Pour cela, les amis de la lainière sont mobilisés: Une association regroupe les divers témoignages des anciens travailleurs. J’ai pu en rencontrer quelques uns pour discuter du quartier et j’ai reçu des témoignages marquants, notamment celui d’Yves Decroix : “Merci aux villes qui ont bien profité du textile de faire en sorte que rien ou presque ne restera pour notre mémoire collective. Comment les jeunes générations pourront connaître la vie, le travail quelquefois pénible de leurs grands-parents et de toutes ces familles qui ont œuvré pour et autour du textile”,
ou encore celui de Thérèse Arco: “Une architecture bien spécifique à notre région, Les meilleures années de ma vie, quelle fierté de faire partie de cette grande famille”.
Par le biais de ces discussions enrichissantes, j’ai pris conscience que le métier d’architecte était étroitement lié avec les relations humaines que j’ai pu observer dans le travail de L. Kroll et P. Bouchain. Ici, plaisir aussi de partager mon travail photographique avec les amis de la Lainière réalisé sous la direction artistique d’Hélène Marcoz permettant de conserver une trace existante du bâti, avant sa transformation. “Tout ouvrier serait heureux et fier de montrer l'endroit où il travaille à sa femme et à ses enfants. Il serait bon aussi que chaque ouvrier voie de temps à autre, achevée, la chose à la fabrication de laquelle il a eu une part, si minime soit-elle, et qu'on lui fasse saisir quelle part exactement il y a prise” 9
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Echange téléphonique avec Georges Dubois, ancien travailleur de la Lainière, président de l'association des amis de la lainière 8 Béatrice Gurrey, « Mai 68 à la Lainière de Roubaix : “On était arrivés à la limite de l’exploitation de l’ouvrier. Il fallait faire quelque chose” », Le Monde, 2018, en ligne, <https://www.lemonde.fr/decryptages/article/2018/05/29/mai-68-a-lalainiere-de-roubaix-on-etait-arrives-a-la-limite-de-l-exploitation-de-l-ouvrier-il-fallait-faire-quelquechose_5306219_1668393.html>, consulté le 10 mai 2021. 9 Simone Weil, La condition ouvrière, 1951, Montréal : Les Éditions Gallimard, 375 pp. Collection idées, no 52, p.211
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“Elle est navrante ainsi qu’un inutile effort, Tombeau de l'énergie où le morne silence Enveloppant les murs comme un linceul immense, Dès le seuil angoissant vous étreint et vous mord. Ses fenêtres : des yeux qui contiennent encore La fièvre des hiers et le désir intense, Regardent fixement vers l’ancienne existence Les inertes métiers rangés comme des morts. C’est le délabrement, la rouille des jours proches, Le lugubre attentat des marteaux et des pioches Dont résonne l’écho comme un funèbre glas, Et c'est la vision d’une chair profanée, Ce cadavre glacé d’usine abandonnée, Vierge qu’immobilise un précoce trépas !”10
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Amédée Prouvost, Le poème du travail et du rêve, Deuxième édition, Roubaix, DU BEFFROI, 1908, p. 45.
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“USINE ABANDONNÉE”
Ce poème d’Amédée Prouvost poète célèbre de la région, et grand-père de Jean Prouvost, fondateur de la Filature de la Lainière à Roubaix en 1911 témoigne de la tristesse d’une usine abandonnée. Ne lui trouvant plus de fonctions, restant comme un fantôme dans la ville qui sera peu à peu détruite dans le temps, oubliant son histoire. Ce poème fait sens pour moi dans ma réflexion architecturale, ici l’auteur exprime l'humanisation de l’usine, qui comme un être mort n’a plus de vie en elle, il ne reste qu’un corps, son infrastructure. Ici je me questionne comment la réhabiliter pour qu’il puisse correspondre aux nouvelles attentes sociales du quartier.
"Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces... "11
A travers ce projet, je cherche à comprendre comment redonner vie au bâtis en lui attribuant des nouvelles fonctions tels de nouveaux organes. Le rendant “capable” d'accueillir de nouveaux programmes. Ainsi ce corps mort aujourd’hui pourra grâce à de nouvelles activités rebattre à nouveau dans le cœur du quartier.
11
Antoine De Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Paris, 1946, p. 80.
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Plan schématique personnel: Inscription dans la continuité du projet du quartier de la Lainière QUARTIER DU PEIGNAGE AMÉDÉE - TRAME VERTE MÉTROPOLITAINE - ZONE DE PROJET
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2. TÉMOIGNER DU POTENTIEL
CONTINUITÉ
QUARTIER DU PEIGNAGE AMÉDÉE : En cours de reconstruction, l’intérêt écologique principal sur le site repose en partie sur le réaménagement de la voie ferrée qui fait office d’axe de dispersion de la faune et de la flore en ville. Le projet de la lainière prévoit dans son aménagement une promenade plantée, associant préservation de la biodiversité et mode de déplacement doux, préfigurant un nouveau tronçon de la trame verte métropolitaine. TRAME VERTE MÉTROPOLITAINE : La trame verte est actuellement pensée pour desservir l’ensemble du projet en cours de réalisation. Cependant, elle trouve un réel potentiel, si son aménagement est poursuivi pour se connecter à la voie du canal. Cet axe relie différentes villes et permet de développer un loisir pour les habitants. Le long de celle-ci pourrait se développer différentes activités en reconnectant l’axe avec les lieux délaissés de la ville. ZONE DE PROJET : Cette voie ferrée monotone s'interrompt avec l’entrée dans l’ancienne usine du quartier. Elle n’a pas trouvé sa place dans le projet de réaménagement de la ville de Roubaix la laissant à la frontière de la zone d'intervention. Le lieu offre pourtant une grande richesse, notamment dans sa superficie d’environ 27 000 m². Permettant aujourd’hui une interprétation multiple, je m'y appuie pour développer mon projet, réfléchissant à travers une démarche de réhabilitation frugale.
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Perspective du nouveau quartier de la Lainière, une perte d’identité12
12
SEMVR, La Lainière - Ville Renouvelée, en ligne, <https://semvr.fr/projet/la-lainiere/>, consulté le 5 mars 2021.
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IDENTITÉ À PRÉSERVER « A la fin des années 1970, la ville a créé une société d'économie mixte dédiée à la reconversion du bâti industriel existant. La tâche était de taille car, à l'époque, les usines et autres ateliers occupaient près d'un quart de la superficie de la ville. »13
Le projet proposé actuellement dans le quartier de la Lainière par la ville de Roubaix (Société d’Économie Mixte Ville Renouvelée), montre davantage une volonté de rupture avec ce patrimoine qui faisait l’image de Roubaix. Comme une volonté d’effacer l'échec d’une époque révolue, et d'écrire une nouvelle histoire. Mais pouvons nous encore nous permettre de faire page blanche, de reconstruire lorsque les ressources viennent à manquer? Selon Rym Mtibaa14 : “Nous
ne démolirons plus comme par le passé, la ville est une mine de matériaux qu’il nous faudra réemployer” 15
Le projet de la lainière prévoyant la redynamisation du quartier, témoigne particulièrement de cette rupture avec l’histoire. Ce quartier méconnaissable est dépourvu de son identité d’autrefois cachée dans les fondations des nouveaux bâtiments, venant recouvrir les ruines de l’histoire, se tournant vers une gentrification du quartier. Mais où sont les cheminées, la brique, les sheds, l’histoire et ses habitants? Je ne prône pas non plus un pastiche d’une identité révolue, mais bien un renouvellement du lieu par l’usage d’une nouvelle matérialité en intervenant sur les bâtiments existants en conservant une trace de leur vécu. En parallèle, depuis une vingtaine d'années, la ville de Roubaix et ses 90.000 habitants a décidé de donner « une seconde vie » aux bâtiments industriels. Selon Pierre Dubois, adjoint chargé de l'urbanisme à la mairie jusqu’en 2014 « Nous souhaitons conserver cet héritage de notre histoire et le transformer en atout pour la ville ».
Laurence Boccara, « Roubaix insuffle une seconde vie à son patrimoine industriel », Les Echos, 2004, en ligne, <https://www.lesechos.fr/2004/12/roubaix-insuffle-une-seconde-vie-a-son-patrimoine-industriel-655203>, consulté le 17 mai 2021. 14 Responsable bâtiment chez ecosystem 15 Patrick Rubin, Brochure Canal Architecture : Construire réversible, 2015, en ligne, <http://canalarchitecture.com/sites/default/filesystem/files/publications/transformation-des-situations-construites606/canalarchitecturetransformationlt.pdf>, consulté le 19 mai 2021. 13
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Réalisation personnelle: Coupe latérale schématique représentant les capacités de charge du bâtiment existant
27
STRUCTURE CAPABLE
“Filatures, tissages, indiennages… La construction des bâtiments répondait aux besoins de leurs activités : équipements énergétiques, chaînes de production, organisation du travail, stockage, plate-forme de déchargement… Les constructions du XIXe siècle, correspondaient à une organisation du travail fondée sur la transmission verticale de l’énergie et la séparation des tâches réparties par étages. (...) Les ouvertures bénéficiant des portées offertes par ces nouveaux matériaux s’étendent jusqu’à donner une apparence de transparence aux façades. Épousant la croissance des productions, les usines n’ont cessé, parallèlement à ces progrès techniques, de s’agrandir pour atteindre parfois des dimensions prodigieuses”16
L’usine Amédée était une ancienne usine de peignage de laine, elle avait donc un usage spécifique définissant sa composition. J’ai rencontré un ancien ouvrier qui m'a expliqué son fonctionnement. Ils faisaient circuler la laine, qui arrivait en camion au sous-sol, puis après un long circuit de lavage passant niveau par niveau, elle arrivait au dernier étage pour être stockée avant l'envoi. La structure évolue donc selon les étages, à la base massive avec une base en béton armé pour finir en structure en acier évidé au dernier étage. La structure du bâtiment, bien que surdimensionné pour les usages modernes, a influencé notre répartition programmatique pour la réhabilitation, permettant ainsi une grande liberté, plaçant les programmes en fonction de la structure.
Sophie Giagnoni, Nord : un patrimoine industriel, reconverti en habitations, 2015, en ligne, <https://www.maisontravaux.fr/maison-travaux/actualites/reportages-actualites/patrimoine-industriel-aujourdhui-reconverti-en-habitations41305.html#item=1>, consulté le 17 mai 2021. 16
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Collage personnel illustrant schématiquement les différentes matérialités existantes
Extrait de la classification des différents types de structure, représentant ici la variation de poteaux par niveau du R-1 au R+2 de l’usine
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MATÉRIALITÉ VISIBLE
L’un des aspects qui a retenu notre attention est de travailler avec des matérialités existantes, l’usine ayant son histoire comme nous l’avons vue, notamment sa matérialité qui lui est propre. Celle-ci a défini l’identité architecturale de son quartier. Totalement inhérente à son histoire, la matérialité employée dans l’usine reflète un passé lié à l'industrialisation des villes, réformant l'identité du territoire, que les habitants se sont appropriés. La brique, le béton armé, et l’acier représentent une réalité constructive, économique et rapide, liée aux besoins de l’époque.
“ L’usine
est un bâtiment « dont la condition première est l’utilité
»” 17
Ce collage reprend les différents matériaux majeurs qui composent la structure principale de l’usine que nous souhaitons conserver comme base de notre intervention.
“De
forme allongée, ces fabriques étaient en brique, caractéristique de
l’architecture industrielle. Élément majeur des façades, les nombreuses ouvertures sont distribuées de manière répétitive. Le béton et l’acier se substituent à la brique, qui demeure cependant présente en tant que remplissage.”18
Aujourd’hui, comment peut être réinterprété ce lieu afin de lui retrouver une nouvelle utilité ? De plus, il serait pertinent de proposer des programmes adaptés à la structure que ce lieu permet, nous avons relevé de nombreux aspects matériels de l'usine notamment ses poteaux à dimensions et matérialité variable en fonction de l’usage. Il serait intéressant d'intégrer ses nuances en fonction du programme appliqué. Ils étaient conçus ainsi pour reprendre la descente des charges, les rendant de plus en plus épais. J’en viens à me questionner sur comment réemployer cette logique ou comment penser un système qui viendra s’adapter à ses variations structurelles.
Emmanuelle Real, « Reconversions. L’architecture industrielle réinventée », In Situ. Revue des patrimoines, no 26, Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines, juillet 2015. 18 Sophie Giagnoni, Nord : un patrimoine industriel, reconverti en habitations. 17
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Photographie personnelle représentant l'atmosphère propre aux bâtis de l’intérieur de l’usine
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MATÉRIALITÉ INVISIBLE
Selon l’architecte Prost Philippe : “La rencontre d’un bâtiment c’est comme la rencontre d’une personne”.19
En effet, chacune de mes visites étaient pour moi une rencontre avec le bâtiment. J’ai observé une atmosphère changeante, car elle évolue en fonction de mes allées et venues. L’usine s’approprie l’atmosphère ce qui crée un effet anthropomorphique. 20 Une fois plongé dans l’édifice, on se retrouve dans un noir complet, c’est un moment extrêmement fort. Privé de ce sens, d’autres se mettent en effervescence. Seul dans le bâtiment, on se rend rapidement compte de sa grandeur. Au moindre pas l’ambiance évolue: la température du lieu, son acoustique, les jeux de lumière pour le peu qui arrivent à se faufiler. Tous ces éléments cités que j’ai pu découvrir lors de mes nombreuses visites, ont nourri ma réflexion. Dans une vision de transformation du lieu, ma question première étant de savoir comment amener la lumière naturelle au cœur de l’édifice en creusant la matière. Ceci permet d'apporter un nouveau programme, mis en valeur par la lumière comme des éléments remarquables. Cela me rappelle une phrase de l’essai : l’éloge de l’ombre: “Pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l’un ou l’autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables”
21
19
Philippe Prost, « Conférence : Recycler l’architecture industrielle », Cité de l’architecture & du patrimoine , 2012, en ligne, <http://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/recycler-larchitecture-industrielle>, consulté le 17 avril 2021. 20 la définissant comme un être humain. 21 Junichirô Tanizaki, Eloge de l’ombre, Paris, 1933.
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Photographie personnelle retravaillé avec le dessin de la maison Domino pour illustrer la notion de plan libre
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PLAN LIBRE
Il s’agit pour nous de prendre parti dans la manière de réemployer cette matérialité présente. Traitons d’abord l’invisible. Si le vide fait matière alors l’espace que celui-ci dessine offre des potentialités multiples. Il nous offre ainsi le choix de composer, cloisonner et/ou fractionner l’espace à souhait. Mais ce vide a ses limites, son cadre, et c’est justement la matière concrète que représente la brique. L’acier ou encore le verre, encadrera cet exercice. L’image de référence que nous avons pour cela est “la maison domino”, un principe développé par Le Corbusier, dans un contexte d'après-guerre. Proposant une ossature en béton armé libre d'appropriation. C'est un
«
système de construction intellectuel où disparaissent les notions
de "pièces" et de "couloirs" remplacées par celles de "fonction" et "d'organe de circulation horizontale".
L'escalier ne vient pas diviser
l'espace, il est dans sa propre trame en dehors de la surface habitable.»22
Nous souhaitons ici appliquer ses principes avec la structure existante de l’usine permettant l’établissement d’un bâtiment “capable” pouvant accueillir différents programmes, libres de réinterprétation en fonction des besoins et de l’évolution sociétale.
22
Mémoires de l'Académie d'Orléans : agriculture, sciences, belles-lettres et arts (Série IV, Tome 13 ,406 p. ), Orléans, 2003, p. 73
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35
3. PERCER L’ÂME DU LIEU À TRAVERS L’OBJECTIF
RENCONTRE LIVRET DE PHOTOGRAPHIES ANNEXE
Vous trouverez en parallèle de mon écrit un carnet de photographies sélectionnées parmi la multitude de clichés que j’ai pu prendre au cours de mes nombreuses visites, présentant l’aspect sensible qui m’anime dans l'architecture et constituant une force dans le projet. Le livret n’est pas inclus directement dans le rapport mais y prend une place considérable. Il a été pensé dans une mise en page qui lui est propre, travaillant avec des photographies au format carré.
“Je cherche avec cette série de photographies à présenter la vision que j’ai eue de l’usine du Peignage Charles Amédée Prouvost lors de mes nombreuses visites. Chacune d’entre-elles était une redécouverte de l’édifice me présentant des atmosphères changeantes selon les saisons, les heures, la lumière, la température. Comme une nouvelle rencontre à chacune de mes venues. Ces photographies m’ont permis de capturer des ambiances qui faisaient sens pour moi et qui ont nourri ma réflexion architecturale notamment dans la compréhension du lieu. J’ai écrit un poème qui dialogue avec les photos de cet édifice qui, chargé d’histoire, témoigne encore aujourd’hui d’un passé ouvrier oublié.”23
23
Résumé de l'ouvrage
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Intergénérationnelle
-
Interruption
-
Interconnexion
Schéma d’intention d'intervention sur l’existant “Inter-”
Vue satellite avec une représentation schématique de l’organisation programmatique
Repenser l'épaisseur - L'apport de lumière - Valoriser la structure existante - Réadapter les volumes
Photomontage exprimant les interventions sur l’existant pour lui donner une nouvelle image adaptée à de nouveaux usages
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4. FABRIQUER DU PROJET
PROGRAMME
En interrogeant les besoins du quartier, plusieurs intentions et scénarios programmatiques nous ont permis d’établir un schéma d’intervention à l'échelle du contexte proche du bâtiment principal. Trois grandes intentions ont émergé de cette recherche: Intergénérationnel : Nous avons la volonté de travailler avec l’existant, en conservant les traces de l'évolution du bâti, ainsi que son histoire et son langage architectural. Interruption: L’interruption est ici marquée par la bifurcation de l’ancienne voie de chemin de fer présentée précédemment et nous sert de point d’ancrage pour le projet. Interconnexion: Ce bâtiment est un lieu emblématique du quartier. De ce fait, nous souhaitons retrouver une interaction entre les deux en créant des interconnexions. L’usine du peignage Amédée est un ancien lieu de travail mais aussi un lieu participant à la vie sociale des habitants. Notre projet exprime la volonté de garder ce lieu actif générant une continuité de son existence. Ainsi, nous avons fait le choix de proposer un scénario d'aménagement qui intègre une mixité programmatique découlant des nouveaux besoins du quartier. Cette première étape de conception nous a permis d’inscrire la programmation de l’usine dans un contexte plus large afin de vérifier la cohérence de la proposition d’ensemble en prenant en compte les bâtiments avoisinants. L’objet de notre travail par la suite s’est davantage attaché à la précision de notre intervention dans l’espace de l’ancienne usine de peignage Amédée qui proposait initialement un programme figé de logements relié à des locaux d’activités. Et avec du recul, il nous est apparu plus pertinent de travailler plusieurs propositions de programmatiques adaptables.
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Première modélisation de l’existant avec l’application de mes interventions, ne prenant pas assez en compte le "déjà-là"
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QUELLES INTERVENTIONS ?
Je suis retourné sur le site durant de longs moments afin de capter les qualités de l’état existant, les lumières à des horaires variés.... Ces visites m'ont poussé à réaliser mes recherches photographiques, présentées en parallèle, qui m'ont apporté un nouveau regard. Dans mes premières propositions, je ne prenais pas assez en compte le bâti, modifiant un grand nombre d'éléments existants (toitures, dalles, rues couvertes...) qui révèlent pourtant encore aujourd’hui un aspect fonctionnel à réinterpréter. En parallèle j’ai visité plusieurs bâtiments réhabilités de la métropole lilloise. Ces visites ont eu pour effet de souligner les avantages qu’offre un bâtiment déjà là, avec des qualités architecturales certaines. En conserver son aspect existant m’est donc apparu essentiel. L’une des plus intéressantes à mes yeux a été la visite de La Condition Publique à Roubaix, réhabilitée par l’architecte Patrick Bouchain bien connu pour ses nombreuses réhabilitations industrielles, en intervenant au minimum sur l’existant. Bien que je connaissais déjà le bâtiment, je n’avais jamais pris le temps de comprendre les changements qui y avaient été appliqués, avec des interventions radicales mais efficaces qui conservent les traces du passé. Pour capturer et observer l’âme du lieu, j’ai donc pris l'habitude de travailler au maximum à l’aide de divers relevés, photographies, maquettes… En effet, pour s’approprier un bâtiment, il est important de le connaître comme nous l’avons vu avec Philippe Prost24. En étudiant son histoire, sa matérialité, sa structure, ses ambiances, son fonctionnement, je me suis imprégné de sa “vie” pour écrire une nouvelle page avec de nouveaux usages. Aujourd’hui, le bâtiment conserve l’aspect fonctionnel de son ancien usage industriel. La première intervention est de questionner son état existant, ses qualités et ses défauts. Par l’observation sur site, j’ai donc recherché les différentes actions que l’on pourrait appliquer sur le bâti lors de la réhabilitation.
24
Voir la partie “matérialité invisible” page 34.
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SÉLECTIONNER Au-delà des marqueurs du passé industriel, le bâtiment présente une logique de construction adaptée à son usage passé, la réhabilitation du bâtiment doit prendre en compte la sélection d'éléments apportant une utilité future à son nouvel usage. Cependant une fois la sélection d'éléments faite, des actions sont appliquées, nous allons voir 3 manières de traiter la matière:
CONSERVER Le premier choix proposé est la conservation. Comme nous l’avons vu à La Condition Publique, le choix de conserver une matérialité existante du site témoigne de l’histoire du bâtiment. Sans forcément interférer avec son nouvel usage. L’usine Amédée présente aussi certaines caractéristiques esthétiques que nous souhaitons conserver.
TRANSFORMER Un deuxième choix s’offre à nous, la transformation. En effet la matière présente certaines qualités, en fonction de la programmatique choisie, son lot de transformation, de remodelage. Mais que pouvons-nous enlever, où et pourquoi ? Ces choix seront déterminés par des besoins situés et toujours dans une logique d’économie de matière et d’action . Travailler la matière c’est d’abord prendre en compte les interactions physiques qui la composent.
AJOUTER Le dernier choix est celui de la matière ajoutée. Celle-ci permet de définir un nouvel usage à l’intérieur de ce lieu emblématique du quartier. Notre volonté de réhabilitation de l’usine vers des programmes libres questionne sa mise en application pour réaménager et optimiser les espaces. Un nouvel usage naîtra par l'ajout d’une nouvelle matérialité.
Liste des différentes actions applicables lors d’une réhabilitation
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RÉHABILITATION “La réhabilitation, en architecture, consiste à améliorer l’état d’un bâtiment dégradé ou simplement ancien afin qu’il puisse conserver sa vocation initiale. Cette opération de remise en état s’accompagne d’une mise en conformité du lieu selon les normes en vigueur, que ce soit en matière de sécurité, d’hygiène, de confort ou d’environnement.”25
La réhabilitation est un terme général. Il s’agit de “Prolonger la vie d’un bâtiment en processus d'obsolescence26, pour le rétablir dans son estime”27.
Le manifeste pour une architecture responsable met en avant la notion d'obsolescence précitée: "L'obsolescence des bâtiments tertiaires et des équipements publics peut être freinée en anticipant l’évolution des attentes des usagers de
Cette perte de valeur de l’existant doit être questionnée afin d’observer les qualités réinterprétables aujourd’hui. demain.”28
La réhabilitation d’un bâti fait sens dans mon métier d’architecte, un sujet qui est de plus en plus d’actualité et qui soulève énormément de questions (éthiques, politiques, culturelles, programmatiques…), notamment dans ses choix d’interventions. Ce sujet a toujours eu une place importante dans ma réflexion architecturale, persuadé par le fait que l’architecte n’est pas forcément bâtisseur, et qu’il a tout intérêt à questionner le déjà là. J’ai eu l’occasion de travailler sur des projets de réhabilitation, notamment dans l’agence G.O Architectes, avec le projet du Centre Oscar Lambret, ainsi que la réhabilitation d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Lille. Deux projets sur sites occupés qui ont été d’un grand intérêt dans la constitution de mon bagage architectural. De plus, le fait de travailler sur site occupé m'a permis d’aller à la rencontre des usagers. Ces quelques projets m'ont appris que chaque site a ses particularités. Dans le projet de réhabilitation de l’usine Amédée, l'approche était encore nouvelle pour moi. J’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre son histoire, son fonctionnement, sa matérialité, ses avantages, les besoins du quartier… travail très conséquent, extrêmement intéressant pour saisir le sujet. En tant qu’architecte dans ce projet, je décide de mettre en valeur la capacité qu’offre le bâtiment actuellement, tout en concevant un projet pour le futur. L'idée est de prendre place tout en laissant la place. Ma vision de cette réhabilitation est de travailler l’existant en l’impactant au minimum. 25
Emmanuelle Real, “Reconversions. L’architecture industrielle réinventée”, In Situ [Online], 26 | 2015, Online since 06 July 2015, connection on 01 June 2021. URL: http://journals.openedition.org/insitu/11745
« L'obsolescence est le fait pour un produit d'être dépassé, et donc de perdre une partie de sa valeur d'usage en raison de la seule évolution technique » (définition CNRTL) 27 Patrick Rubin, Brochure Canal Architecture : Construire réversible. 28 Philippe Madec, Alain Bornarel et Dominique Gauzin-Müller, Manifeste pour une architecture responsable, Paris, 26
2018.
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Diagramme représentant les actions pour réaliser un bâtiment frugal29
Émile Feuillette, Bâtiment exemplaire CNCP (Centre National de la Construction Paille) , 2015, en ligne, <http://cncp-feuillette.fr/batiment-exemplaire/>, consulté le 21 avril 2021. 29
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FRUGALITÉ Suite à la conférence du mouvement « La frugalité heureuse et créative », je pense qu’il est essentiel de questionner le futur de l’industrie du logement. Selon le rapport CITEPA 2019, le secteur des Bâtiments résidentiels et tertiaires est le deuxième secteur en France (après les transports) qui émet le plus de CO2 en France (env. 20 %). Le mouvement rejoint ce constat dans leur manifeste : “(Les bâtisseurs) Leurs domaines d’action émettent au moins 40 % des gaz à effet de serre pour les bâtiments, et bien plus avec les déplacements induits par les choix urbanistiques, telles la forte préférence pour la construction neuve plutôt que la réhabilitation. Choix qui suppriment, tous les 10 ans, l’équivalent de la surface d’un département en terres agricoles. L’engagement collectif et individuel s’impose.”
Dans un monde où la problématique du développement durable commence enfin à se faire entendre, il est primordial que les acteurs se réunissent pour agir dans ce sens et engager des changements profonds. Le mouvement de la frugalité heureuse et créative propose de développer des solutions pour diminuer l’empreinte bâtie : utiliser l'existant, le réemploi, accentuer les savoirs locaux, éviter l’importation de matière étrangère… "Le bâtiment frugal se soucie de son contexte… Il est généreux envers son territoire et attentif à ses habitants. Par son programme et ses choix constructifs, il favorise tout ce qui allège son empreinte écologique, et tout ce qui le rend équitable et agréable à vivre.”30
La question de la frugalité fait sens pour moi et sera mobilisée dans ce projet. ça n’était pas évident au départ puisque mes premières propositions ne prenaient pas suffisamment en compte les qualités existantes et cherchaient encore à effacer les particularités du bâti, comme la variation dans sa structure par exemple. Faire des choix. Là est l'intérêt mais aussi la complexité d’une réhabilitation contrairement à la production d’un édifice neuf. Travailler sur un bâtiment existant envoie un message clair sur la manière dont je me positionne sur le modèle économique qui me semble être en adéquation avec le patrimoine et la planète. Transmettre ce message d’une consommation vertueuse de nos ressources est à mon sens un premier pas vers une implication collective.
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Philippe Madec, Alain Bornarel et Dominique Gauzin-Müller, op. cit.
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Photographie de notre première version de carte mentale, en cours de perfectionnement
LÉGENDE DES CARTES : Verte : Binôme, partis pris architecturaux, engagements communs au binôme Noir : Existant, avantages et inconvénients, étude de site Rouge : Projet, modifications principales sur l’existant, rendre l’espace capable Jaune : Intervention, précision d’interventions, ajout d’information de mise en oeuvre et de choix des matériaux des cartes rouges Violet : Programme, proposition de programmatique, vérification de notre intervention préliminaire Bleu : Référence, fantômes dans notre projet et notre manière de penser Blanche : Joker, personnes qui ont appuyé notre réflexion
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CARTE MENTALE Face à nos difficultés pour mettre en place une méthode de travail, nous avons essayé différentes entrées en matière pour étudier le projet et nous avons finalement réalisé que le fait de ne pas avoir de méthode préétablie nous permettait de découvrir davantage de choses chaque semaine sur le projet. A défaut d’avoir travaillé en ligne droite partant d’un point A à un point B, nous avons procédé comme le tissage d’une toile d'araignée tissant d’abord les grandes lignes du projet en travaillant sur : le site, la matérialité, la réhabilitation, l’histoire, les habitants du quartier… en plaçant l’usine au centre puis nous avons tourné autour en connectant les différentes informations collectées. Cela a donné un ensemble fort conséquent d’informations que nous souhaitons mettre à plat en rangeant nos idées. Nous avons pris l’initiative de représenter l’ensemble des recherches que nous avions mobilisées pour le projet sous la forme de cartes mentales. En effet, des questions sont posées et un positionnement de nos choix est fait. Ce système permet ainsi de vérifier la cohérence des différentes intentions de projet. A travers ces différentes cartes il y a un principe logique : Nous avons commencé par faire la liste des engagements que nous défendions en tant qu’architectes, en particulier dans ce projet. Puis nous avons listé l’ensemble des éléments positifs ou négatifs sur le bâti existant afin de voir comment intervenir. Nous avons listé les questionnements que nous nous étions posés et les solutions que nous avions choisies pour intervenir sur l'existant avec des détails d’interventions spécifiques. Par exemple, sur la prise en compte de la qualité architecturale des sheds présents en toiture et sa réinterprétation pour un nouveau programme, nous nous sommes questionnés sur l'avantage d’intervertir leurs positions, impliquant de fait un changement des expositions nord/sud. Cela influencera un apport de chaleur, une lumière changeante, des qualités bioclimatiques au regard d’un climat humide, ou pourrait répondre à un programme de serre par exemple. Cependant il y a certains éléments à compléter. Il pourrait par exemple y avoir une sélection de cartes “matérialité” permettant de présenter les différents matériaux employés, mais aussi de donner davantage de précision sur les interventions appliquées. Toute la base de cette réflexion amène à pleinement prendre conscience de l’existant. Pour finir, comme nous avons choisi de travailler sur le fait de rendre “capable” un existant, nous avons envisagé différents programmes adaptables. La réflexion sur le logement est d’ailleurs la plus aboutie notamment grâce aux recherches menées dans mon mémoire. En parallèle nous avons aussi replacé les différentes références (Lacaton et Vassal, Patrick Bouchain, Philippe Madec…) qui nous ont inspirées dans l’évolution du projet ainsi que les avis des différentes personnes rencontrées (Habitants, Architectes, Associations…).
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CONSERVER MODIFIER AJOUTER
Coupe transversale de l’usine exprimant nos interventions principales
CONSERVER MODIFIER
Plans (R+1 et R+2) exprimant nos interventions principales
Lumière Naturelle
-
Circulation
–
Isolation
–
Réinterprétation (Shed) Schémas simplifié exprimant nos interventions principales
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PRATICABILITÉ Après avoir travaillé un certain temps sur une programmation mixte imposée, constituée d’un espace dédié à des locaux d’activités en rez-de-chaussée, d’un espace de logements collectifs en R+1, puis d’un espace dédié à l’agriculture urbaine en R+2 sous les sheds, nous avons fait une autocritique des programmes qui n'étaient pas forcément les mieux adaptés au contexte environnant. Nous avons choisi de réhabiliter ce bâtiment en permettant plusieurs scénarios d’évolutions possibles offrant des programmes changeants en fonction des demandes selon les besoins différents dans le temps (par exemple, en 2020 il y a besoin de bureaux, en 2050 de logements, en 2070 de serres urbaines…). Le travail des cartes mentales présenté précédemment nous a recentré sur une intention plus claire : celle de rendre cet espace “praticable” pour lui permettre des évolutions en fonction des besoins changeants du quartier. En effet, ici, le sens du mot “praticable” est défini par ce “qui peut être mis à exécution”31. Cette réflexion s’inscrit dans une perspective d’élargissement du développement de divers programmes qui aura pour but de rendre cet espace “capable”. Le projet consiste premièrement à intervenir sur l’existant qui fige actuellement le bâtiment dans une fonction industrielle passée, freinant de nouvelles appropriations. Cette action permet d’accueillir du public, différents programmes, une nouvelle histoire. Autrement dit, notre volonté n'était pas d’écrire cette histoire future mais d'en proposer l’écriture. Travailler à confectionner la page blanche plutôt qu’imposer les mots qui la constitueront. Pour cela, nous avons débuté par un relevé des interventions nécessaires à la remise à disposition de l’usine, à l’aide de plans et coupes. Puis nous avons détaillé nos cartes d’intervention. Ce travail est constitué de deux grands axes : - Rétablir l’étanchéité du huis-clos : retravailler le cadre existant permet une base d'expérimentation avec une structure et une enveloppe du bâtiment en état, et des interventions minimales. - Réaliser un travail de second œuvre nécessaire pour maximiser la flexibilité des espaces intérieurs, apporter de la lumière, mettre en place des circulations centrales, organiser le passage de réseaux, gaines techniques, et fluides... Dans ce projet, j’ai cherché à compléter mes recherches sur la notion d’appropriation par un questionnement à plusieurs échelles. Cette première intervention, visant à rendre “praticable” le bâtiment permet une appropriation à l'échelle du bâtiment. Je cherche à compléter cette démarche avec une autre échelle plus zoomée: l’appropriation d’un programme dans la logique de rendre “capable” le bâtiment par le travail sur l’existant et l’ajout d’une nouvelle matérialité (penser des dispositions, parois, matériaux…).
31
Définition Larousse “Praticable”
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Photographie présentant une réflexion personnelle exprimant l’identité d’un matériau. Ici il s’agit de l’identité du bois (photographie d’un tronçon), une nouvelle matérialité qui va ainsi permettre une nouvelle identité par le changement de matériaux (empreinte de doigt avec encre).
Maquettes (100ème et 50ème) présentant l'état existant avec l’application de réflexions afin de requalifier l’existant
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CAPABILITÉ L'intervention sur l’existant visant à rendre le lieu “praticable” marque la première étape de notre projet. Cependant, une fois le lieu redéfini, la deuxième étape s’attache à le rendre “capable”. Nous cherchons pour cela à mettre en place un principe constructif permettant de proposer l'aménagement des espaces par différents programmes. Selon l’architecte Frédéric Druot “ L’architecte doit réfléchir à des systèmes constructifs suffisamment simples, économiques et capables ” 32 Il explique qu’ici l’enjeu n’est pas de répondre à toutes les contraintes dès le départ, mais de laisser la possibilité d’ajouter des éléments dans le temps pour répondre à de nouveaux programmes. C’est ce que je souhaite réinterroger dans le projet. Le choix architectural que nous avons pris est d’apporter au cadre existant une nouvelle matérialité. Aussi, nous expérimentons la logique d’une nouvelle identité par l’ajout d’une nouvelle matière. La matérialité existante sert de lien avec le passé. Elle est génératrice du cadre mais pas de l’outil. Pour redéfinir l’identité du bâtiment par la matérialité, nous avons volontairement pensé un système qui s’en détache. Il y a la matérialité existante composée principalement, comme nous l’avons vu précédemment, de brique, de béton et d'acier. Puis il y a celle que nous ajoutons. Dans notre étape actuelle de réflexion, cette matérialité serait principalement composée en bois pour ses nombreuses qualités (écologique, modulable, local...). Cependant nous ne nous sommes pas encore décidés sur l’essence choisie en fonction du procédé mis en place. Une fois que nous aurons trouvé les solutions à nos doutes, nous pourrons définir l’essence du bois choisi. Suite à la visite de la production de bois dans le parc naturel régional de l’Avesnois dans la commune de Wallers-en-Fagne, nous avons pris conscience de la qualité de cette ressource. En effet, nous avons assisté à quelques conférences dont celle d’Amandine Debaeke “ Le bois comme élément constructif et structurel ”. Cette dernière a mis en avant les qualités de ce matériau avec la référence du projet architectural de la Gare maritime de Bruxelles réhabilité en 2020, qui a été une de nos références de réhabilitation en mono matériaux. Elle exprime selon moi la différenciation entre l’identité d’un existant conservé et l’identité rajoutée. En partant de l’existant modifié, nous avons procédé à différentes hypothèses de cloisonnement de l’espace praticable avec plusieurs essais en maquette des différents principes qui s’adaptent à la structure existante. Cependant, en s’adaptant à ses dimensions, on partitionne l'espace et son aménagement est contraint par la trame de 3,60 mètres par 8 mètres. 32
Patrick Rubin, Brochure Canal Architecture : Construire réversible.
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Schémas de principe d’appropriation inspiré de mes recherches de mémoire
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APABILITÉ Cette intervention visant à rendre “capable” l’existant me permet de mettre en relation mes recherches sur l’appropriation. La proposition d’un programme de logement est aujourd'hui celle qui a été le plus réfléchie. Mon mémoire de recherche m'a permis de comprendre des principes généraux dans l’amélioration de l’appropriation du logement par des éléments de conception. J’ai d’ailleurs tenté de les reprendre de manière expérimentale dans le projet de réhabilitation afin d’observer leurs compatibilités avec un bâtiment existant. Ici plusieurs réflexions ont été établies. La première (1) était le cloisonnement des espaces avec des cloisons épaisses permettant de faire passer des rangements, réseaux, et assurer une bonne isolation. La seconde (2) était un système de parois sur une trame permettant de redimensionner l’espace selon les besoins des habitants. La troisième (3) présentait la volonté d’ouvrir le logement sur l'extérieur de manière traversante. La quatrième (4) proposait de penser une pièce supplémentaire dans le logement et la dernière (5) d’apporter un apport de lumière et de ventilation dans le logement. Cependant ces principes conceptuels sont encore en questionnement. Les principes sélectionnés doivent être en lien avec la matérialité choisie, le bois, représentatif d’une nouvelle identité. Ceci induira une facilité de mise en œuvre dans un bâtiment existant qui prendra en compte le choix de l’habitant.
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CONCLUSION L’usine s’inscrit dans le quartier de la Lainière et connaît un contexte économique, social, culturel et politique important de la ville dont j’ai pris conscience suite à mes recherches. Les interventions sur ce vestige industriel se devaient donc de respecter le quartier et ses habitants. Aussi, j’ai été guidé tout au long de cet écrit par cette problématique : “Comment intervenir sur une matérialité existante pour définir un nouveau potentiel d’appropriation ?” Cette question m’a permis de délimiter ma réflexion sur ce sujet vaste et complexe qu’est la réhabilitation d’un bâtiment. N’ayant pas pour but d’atteindre un projet complètement abouti, j’ai souhaité réaliser un projet soulevant des questions autour de la réhabilitation afin de rendre capable un bâtiment inexploité. Cela a pour objectif de dessiner l’ensemble du bâtiment comme un dispositif en attentes de différents programmes adaptés et adaptables. Ceci permet également de s’interroger sur la manière “d’Habiter” ces lieux à travers une matérialité re-questionnée. Aujourd’hui, l’emploi d’une matérialité locale permet de réduire notre impact écologique, tout en marquant une différence entre l’existant et le projet. Dans ce dernier, la matérialité existante fait un rappel au passé, elle est génératrice du cadre mais pas de la nouvelle fonction qui aura son matériau propre. Ceci est volontairement un système qui se détache du déjà là. Les interventions permettent de travailler dans un cadre existant qui représente le “savoir-faire culturel”33 incarné par les façades en briques. Le choix de se donner un cadre est une contrainte assumée dans le projet. Ma vision de la réhabilitation est de laisser une certaine flexibilité des usages pour que le bâtiment continue d’offrir tout son potentiel aux habitants. De ce fait, le projet ainsi que mes recherches m’ont permis de définir l’architecte que je souhaite devenir. De mon point de vue, son rôle est certes de concevoir des espaces de qualités, mais surtout de tisser des liens avec l'existant, la population et l’histoire d’un lieu pour en extraire les atouts. De même, je défends le fait que l’architecte peut partager son savoir. L’architecte donne un cadre et des outils qui permettent aux utilisateurs de s'approprier les lieux tout en leur laissant une part d’intervention personnelle. Ceci permet de placer le rapport à l'humain au centre du projet.
Alain Fleischer, « Passé, présent, mémoire industrielle », Jérome De Alzua et Briqueterie Lamour. Dans le cadre de Lille Métropole 2020, Capitale mondiale du design, Lille Métropole, 2020, 10:13. 33
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CONCLUSION L’appropriation est une notion qui a été mobilisée tout au long du projet, en lien avec mes recherches de mémoire. L'appropriation se fait en deux temps, elle concerne premièrement le cadre existant que nous venons réinterpréter, puis celle du nouveau programme. Cette intervention permet la rénovation générale du bâtiment en laissant place à l'application d’un programme libre et mixte complété en fonction des besoins du quartier. Ce projet offre une vision d’architecture “incrémentaliste” découverte à travers les travaux de Lucien Kroll, qui met en exergue ma vision d’architecte : “L'incrémentalisme devient la façon écologique de décider, par la participation continue de toutes les informations et de tous les informateurs qui surgissent inopinément. C'est-à-dire par rapport au contexte; et le premier contexte d'une architecture, c'est bien l'habitant. Soucieux de ce contexte, le moyen le plus évident de le connaître et de lui proposer de participer au projet.”34
Ce projet de réhabilitation de l’usine Amédée permet une continuité du corps, du squelette et des poumons de cette usine, où l’humain s'émancipe. Ces nouveaux occupants se lient à un lieu appartenant à la fois au passé et au présent pour écrire son futur. La matérialité a une réelle importance dans l’identification d’une personne à son territoire qui, selon moi, est importante à conserver. Dans la continuité des recherches initiées dans mon mémoire de master et dans une réflexion de projet de fin d’études, il serait intéressant de poursuivre cette réflexion par d’autres entretiens, travail photographique, recherches en archives etc… En effet, ce rapport entre matérialité et appropriation soulève de nombreuses questions. L’architecte doit être celui qui propose des solutions et qui les met au service de tous. C’est pourquoi, il est intéressant de prolonger ce travail en se demandant comment tendre vers davantage d’appropriation dans un contexte où les villes, l’architecture et la culture se distinguent de moins en moins?
Lucien Kroll, Yvette Masson-Zanussi et Marco Stathopoulos, Pour une éco-alphabétisation, Eterotopia, Paris, coll. « Alter architectures », 2012, 213 p. 34
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GLOSSAIRE Définir les notions: De fil en aiguille, tout nous ramène au textile Selon moi, la méthode de conception est l’application de différentes étapes établies au préalable, elle permet de définir une logique évolutive dans la réalisation du projet (analyse de site, intention de projet, conception, réflexion technique…). Elle est propre à chacun, notamment dans la durée de réalisation de certaines tâches. Nous avons abordé le projet de différentes manières, chaque semaine nous nous sommes organisés différemment dans notre méthode ne trouvant pas celle qui était la plus adaptée. Cependant, cela nous a permis d’accumuler énormément d’informations pour les mettre en lien. Ce tâtonnement et les interrogations au fil des ateliers nous ont aidé à nourrir le projet, nos nombreuses visites nous permettant de nous imprégner du lieu jusqu'à le connaître en détail ainsi que tout ce qui gravite autour: l’histoire, le quartier, ses habitants... Composant l’espace en étant directement sur place, nous nous sommes imprégnés de l’existant afin d’appréhender comment modifier et ajouter de la matière pour correspondre à un nouveau programme. Me concernant, j'ai donc choisi la méthode d’implantation sur un territoire, qui a une histoire liée à une matérialité existante. Ce travail m’oriente vers la conception d’un projet, qui propose une matérialité adéquate et un re-questionnement du déjà-là. Mon objectif principal pour ce projet est de redéfinir par la matérialité une nouvelle identité appropriable. Depuis le début de l’année, je mène des recherches qui contribuent à l'évolution de ma pensée d’architecte. J’aimerais les utiliser pour développer un projet qui intègre différents aspects, notamment les principaux évoqués au cours de mes recherches : l’appropriation, la réhabilitation, le patrimoine, la matérialité.
Matérialité :
Comment la matérialité a-t-elle défini l'identité de ce quartier ?
Selon l’architecte Marc Mimram “La matérialité n'est pas l'art de construire mais l'art de penser le construit.”35 J’ai pris conscience de la richesse qu'avait la matière existante pour le travail de réhabilitation. Les matérialités “visibles” de l'usine du peignage Amédée, (ses matériaux, sa forme, son histoire... ) et sa matérialité “invisible” (lumière, son, température…) m’ont particulièrement interpellé lors de mes visites. J’ai pris le temps de les observer, et de les photographier ce qui m'a permis une base de recherche, en partie visible dans le livret photo. Ces contemplations mettent en avant la qualité de ce lieu qui offre un large potentiel dans ce bâtiment. “L’art de penser le construit” prend ici tout son sens. Nous avons choisi à travers ce projet de penser cette matérialité déjà présente sur place qui a une réelle importance dans l’usine aujourd’hui : un ancien bâti, libre d'expérimentations nouvelles. Par l’observation j’ai la conviction que ce lieu mérite d’être mis en valeur par un travail de matérialité sur l’existant. Celui-ci offrira aux occupants un programme adapté aux demandes contemporaines, tout en utilisant les traces d’une ancienne identité.
Marc Mimram, Recueil #4 Reflexions Sur La Matérialité, Recueil de travaux d’étudiants, École d’architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée, 2015. 35
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Identité : L’identité est pour moi, jeune citoyen, un ensemble d'attributs qui permet de définir une personne, un quartier ou un territoire. Selon mon regard d’architecte, l’identité est ce qui permet de s’identifier à un groupe. Selon Merriout Somia “L'identité forme un emblème illustrant la continuité dans le temps et la relation de la ville avec ses occupants, leur vie, leurs activités et leur appropriation de l'espace”.
Il me semble indispensable de revendiquer l’importance cruciale de conserver des identités multiples “La préservation des diversités biologiques et culturelles pour une planète meilleure à vivre” 36. En effet, face à une standardisation grandissante, il est important de définir différents groupes unis dans une multiplicité des êtres liés à l’appropriation. Nous avons vu dans ce rapport que l'identité du quartier de la Lainière était fortement rattachée à son passé, aujourd’hui défini comme le quartier industriel de la ville de Roubaix. Cette usine est comme ancrée dans l’identité des habitants du quartier de la Lainière, habitants qui en ont vu la destruction. Ils sont nés dans ce territoire ouvrier et se sont imprégnés de cette matérialité qui lui est propre (la brique, les pavés, chemin de fer…). Nicolas Mathieu, dans son livre Les enfants après-eux, présente la vie de plusieurs adolescents issus de familles ouvrières, dans un désastre industriel d’une cité minière similaire au quartier de la Lainière. On peut y lire en épilogue : “Cette empreinte que la vallée avait laissée dans sa chair, l’effroyable douceur d’appartenir”.
On a beau dire que Roubaix est devenu aujourd’hui un symbole de pauvreté, mais, même si ce n'est pas parfait, j’ai grandi dans ce contexte qui a forgé mon histoire et qui me laisse aujourd’hui “l’effroyable douceur d’appartenir” à une ville qui conserve une histoire industrielle marquante, une matérialité, une identité, et une appropriation.
Appropriation : On trouve l’origine de cette notion en 1636, apparaissant pour la première fois en France dans l’ouvrage du Lexicographe Français Philibert, Monet Inventaire des deux langues français et latin. L’appropriation y est définie comme « l’action de s'attribuer des biens ». Elle apparaît donc dès lors que l’on fait sien un espace. Pour cela, d'après mes études menées en parallèle dans le mémoire de recherche, j’ai constaté que l'appropriation s’opérait généralement de deux manières. Elle se fait notamment par l’histoire, grâce au temps consacré dans cet espace et aussi par la matière, marquée par notre implication dans un lieu. L’usine, a quant à elle, connu une forte appropriation par ses ouvriers. J’ai eu la chance de pouvoir en rencontrer quelques-uns. Lors de ces échanges sur l’usine, ils n’ont cessé de la présenter sous ses heures de gloire, malgré la difficulté du travail enduré. Ils y ont consacré une longue période, 40 ans de travail acharné dédié à cette usine. Cette volonté collective nous invite à leur rendre hommage, en conservant une mémoire collective qu’ils partagent et se remémorent, en souhaitant maintenir cette trace de leur patrimoine. Mon travail est alors de respecter l’identité de ce lieu et l’appropriation que ces salariés ont fait de celui-ci, afin de rendre hommage à cette mémoire ancrée dans un territoire industriel. C’est alors qu’une question se pose : un changement de matérialité dans ce site définirait-elle une nouvelle fonction appropriable par les nouveaux et anciens occupants du lieu ? 36
Philippe Madec, Alain Bornarel et Dominique Gauzin-Müller, op. cit.
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Lieu : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. »37 Marc Augé, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité
Le mot Lieu est assez complexe à déterminer, cependant il devient plus compréhensible en définissant son antonyme. L'ethnologue et anthropologue français Marc Augé, défini comme “nonlieu” un espace qui est interchangeable et où l'être humain reste anonyme (moyen de transport, hôtel, supermarché, aires d'autoroute…). L'homme ne vit pas et ne s'approprie pas ces espaces. Aujourd’hui l’usine est devenue un non-lieu, il n'y a plus de signe de vie. La végétation, elle, tente tant bien que mal de reprendre place dans un contexte très urbanisé. C’est d’ailleurs ce que l’on observe en premier lieu lorsque l’on pénètre sur le site. L'entièreté est, avec le temps, parsemée de végétation abondante de toutes sortes et de toute nature. J’ai constaté que le temps reprend alors le rythme de la nature, tout en effaçant petit à petit, les traces de l’Homme. Comme pour nous passer un message, nous rappeler que le sol sur lequel nous construisons mérite le respect dans nos architectures. Ce message nous fait écho, nous souhaitons construire pour l’homme, mais rappelons-nous que la matière vivante ne s'arrête pas seulement à l'égocentrisme d’un bipède, carnassier du vivant qui l'entoure. On pourrait décrire ce bâtiment comme un “Haut-lieu”, défini par son passé ouvrier qui a marqué et s’inscrit dans l’histoire industrielle de la ville de Roubaix, et de ces usines.
Usine : Selon Larousse, l’usine est définie comme un établissement industriel où sont effectuées, à l'aide de machines, des transformations de matières premières ou semi-ouvrées en produits finis. Comme toutes, celle-ci a un passé particulier, une histoire et une utilité bien précise dédiée au peignage de la laine (Australienne). Sa structure en témoigne : une façade simple en briques rouges de la région, et à l'intérieur de cette enveloppe reflétant l'esthétisme régionaliste, se cache une structure massive alliant acier et béton qui permettait d'accueillir les anciennes machines. Ces charges d’exploitation pouvaient soutenir jusqu'à 2 Tonne/m2 dans de grands espaces au plan libre. Depuis leur fermeture, ses fantômes posent des grandes questions dans l’urbanisme contemporain. De nombreuses usines sont aujourd’hui réhabilitées en de nouveaux lieux, offrant des espaces de culture (La Condition Publique), d’habitations (La Filature), de travail (Euratechnologie)... Ainsi de multiples exemples prennent place dans la région Lilloise. En prenant en compte leur sobriété structurelle, leur réemploi est devenu une réponse adéquate à une demande historique et écologique offrant un renouveau au passé Textile.
Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité , vol. 34, no 129, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, 1994, p. 193‑194. 37
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