Vers la nécessité de la mise en place d'une politique du design

VERS LA NÉCESSITÉ DE LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE DU DESIGN : DE SA DÉMOCRATISATION À UNE CULTURE ANCRÉE DANS LES GRANDES ENTREPRISES FRANÇAISES MÉMOIRE

Marion MASSOT 2ème année master professionnel Design : Interaction, Innovation, Service Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3, UFR Humanités Sous la direction de CARDOSO Stéphanie Année universitaire 2016-2017 Session de septembre 2017

INTRODUCTION

REMERCIEMENTS

INTRODUCTION

Stéphanie Cardoso, sans qui ces pages seraient infiniment plus confuses,et dont le précieux suivi, l’intérêt pour les thèmes abordés et la connaissance ont été déterminants pour le bon aboutissement de cette tâche.

Oussama Azibou, pour les conseils en bibliographie et autres sitographies, et surtout, ses encouragements perpétuels.

L’équipe pédagogique du master DIIS, pour l’ouverture de mes recherches.

Au pôle Innovation du SNA, pour avoir accepté d’être les cobayes pour la partie théorique de ce projet.

Au soutien indéfectible de tous mes amis, ma famille, à qui j’ai rabâché sans cesse l’importance du design et que je ne dessinais pas que de « jolies chaises » (& pourtant, je ne sais pas dessiner !)

Pour conclure, je remercie vivement toutes les personnes qui se sont intéressées de près comme de loin à mon sujet et ceux, qui grâce à leur action, ont permis à ce présent mémoire de naître dans les meilleures conditions.

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SOMMAIRE INTRODUCTION

REMERCIEMENTS INTRODUCTION

P. 5 P. 9

01 - ANALYSE ET CONTEXTE

P. 17

A. LA NAISSANCE DU DESIGN : DE SA RACINE À SA POLYSÉMIE

1. Aux origines de la création à une difficile définition universelle

2. Du concept classique issu du monde manufacturé

3. A une indéfinition contemporaine ouverte aux services

p. 19 p. 19 p. 20 p. 25

B. ORIGINE ET ÉVOLUTIONS HISTORIQUES DU MANAGEMENT

1. Les monastères : le projet spirituel managérial

2. La manufacture et l’industrie : le projet progressiste managérial

3. Le management en 2017

p. 27 p. 27 p. 31 p. 36

C. ENTREPRISE, DESIGN ET MANAGEMENT AUJOURD’HUI : LA FORCE INNOVANTE DE LA TRANSDISCIPLINARITÉ

1. L’innovation et l’innovation organisationnelle : définition et distinction

2. Une approche managériale de l’innovation approfondie : la théorie CK

3. Le design dans le management : les enjeux d’un projet stratégique

p. 41 p. 41 p. 45 p. 47

02 -RECHERCHE PROJET / ETUDE DE CAS : LA TRIADE IDÉE - PROJET – USAGE

P. 53

A. ETUDE DE CAS 1 : L’ENTREPRISE KODAK FACE AU DILEMME DE L’INNOVATEUR

1. Historique de l’ascension de l’empire Kodak

2. Les prémisses de la chute

3. Sa chute : victime de l’innovation

p. 54 p. 54 p. 55 p. 56

B. ETUDE DE CAS 2 : LA MACHINE À LAVER, OBJET-TOTEM DE L’INNOVATION,

p. 57

TRANSFORMATION RADICALE DE L’ÉCONOMIE ET DE SA CULTURE

1. De la culture de l’artisanat à l’industrie

2. Rupture paradigmatique par l’invention de la machine à laver

3. Innovation qui a servi à la libération de l’asservissement de la Femme

p. 57 p. 59 p. 60

C. EVALUATION : COMMENT ÉVITER LA TRAGÉDIE ET PRENDRE LE CHEMIN DE LA RÉUSSITE ?

P. 62

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TROIS LEÇONS ISSUES DU DESIGN À RETENIR POUR LE MANAGEMENT AUJOURD’HUI 1. Enseignement n°1: Du chaos naît l’harmonie - ne pas avoir peur de se réinventer 2. Enseignement n°2 : Pour innover, penser “avec” et “pour” les usagers 3. Enseignement n°3 : “la rupture est un processus, pas un événement” ou la phénoménologie de l’innovation

p. 62 p. 66 p. 68

INTRODUCTION SOMMAIRE

03 - L’INNOVATION ORGANISATIONNELLE ET LA TRANSFORMATION MANAGÉRIALE : LA BELLIGÉRANCE DU CAS DE L’UNITÉ D’AFFAIRE ADRESSE (GROUPE LA POSTE)

P. 73

A. PROGRAMME D’EXCELLENCE : « LA POSTE 2020 : CONQUÉRIR L’AVENIR »

1. A l’assaut du monde du service : le groupe déploie son plan d’attaque

2. Saisir ces opportunités ambitieuses

3. Belligérance et guérilla courrier : la tactique de management ELAN en théorie

p. 74 p. 74 p. 75 p. 77

B. INTÉGRER UN DESIGNER DANS L’INNOVATION ORGANISATIONNELLE :

LE BAPTÊME DU FEU À L’UNITÉ D’AFFAIRES ADRESSE

1. Difficile intégration du designer : méconnaissance accrue du sujet

2. Bienvenue à Zombieland : retrouver la place de l’humain grâce au design

3. Une unité aux décisions versatiles : retard et incohérence

p. 79 p. 81 p. 83

C. LOST IN TRANSFORMATION : L’ÉCHEC DU LEAN MANAGEMENT

1. Lean management is another brick in the wall..

2. Intégrer le design : changement comme processus endogène

3. Le miroir de Cassandre : un portrait d’avenir au vitriol

p. 84 p. 84 p. 86 p. 89

04 -VERS UNE NOUVELLE FORME D’ORGANISATION DU TRAVAIL

P. 93

A. LE DESIGN COMME LEVIER POUR LE DÉVELOPPEMENT DES GRANDES ENTREPRISES : UN BESOIN D’APPRIVOISEMENT

1. Les atouts du design adaptés aux salariés d’une entreprise

2. Le Design Thinking appliqué comme système managérial

3. La conduite de projet : manager par le sens à travers le design

p. 94

B. LE DESIGN MANAGEMENT COMME FORME D’INNOVATION SOCIALE EN ENTREPRISE

1. Le design favorise le bien-être au travail : véritable recette de productivité

2. Le design réconcilie l’économie et le social : besoin de réinventer le modèle

d’organisation du travail d’un point de vue éthique

3. Percevoir le design comme progrès : un déontologie sociétale et industrielle

p. 103 p. 103 p. 106

C. LES DISPOSITIFS MANAGÉRIAUX PAR LE DESIGN : UNE LEÇON ENTRE BESOIN SOCIÉTAL ET ÉCONOMIQUE

1. Le besoin de sensibiliser les entreprises au design : une relation de l’ordre du

“je t’aime, moi non plus”

2. Pour une nouvelle architecture fiduciaire basée sur le design : démocratisation

du design comme pari sur l’avenir

3. Quand la théocratie industrielle laisse place à une gouvernance holacratique

CONCLUSION

RÉFÉRENCES

SOURCES

p. 79

p. 94 p. 96 p. 101

p. 108 p. 110 p. 110 p. 112

p.116 P. 121 P. 129 P. 137

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04 VERS UNE NOUVELLE FORME D’ORGANISATION DU TRAVAIL

INTRO DUCTION

INTRODUCTION

« Parce que les ressorts de la croissance sont durablement cassés, rien ne sera possible sans une action déterminée. Une action indispensable pour en finir avec les cinq crises que nous traversons : économique en premier lieu, mais aussi financière, morale, sociale et politique. Cinq crises qui forment une crise totale.

Les inégalités, déjà ravivées depuis la fin des années quatre-vingt, se trouvent encore aggravées par les effets de la récession. Les tensions sociales atteignent des niveaux sans précédent (...) Ils ont en réalité perdu tout repère et toute référence idéologique. Le monde a changé : il est global, ouvert, instantané et immédiat, mobile. Ils n’ont pas changé avec le monde. Ils le connaissent peu et ne le comprennent plus. Les vieilles grilles de lecture apparaissent désormais inopérantes. La crise est d’abord une crise du politique et du leadership » écrit Matthieu Pigasse, homme d’affaires français, dans l’introduction de son ouvrage

Eloge de l’anormalité1. Nous, surtout la jeune génération, assistons actuellement à un changement, à une véritable évolution dans la façon d’appréhender notre quotidien, que nous pouvons qualifier de « monde de rupture ». « Petite poucette, la génération mutante2 », telle serait son appellation donnée par Michel Serres, diplômé de l’Ecole navale et de Normale Sup, historien des sciences et agrégé de philosophie. La jeune génération, faites de « mutants » grandit aujourd’hui dans ce monde bouleversé, décrit plus haut par Matthieu Pigasse, des changements que l’on peut comparer aux grandes crises précédentes (Antiquité, Empire romain, Renaissance etc.). « La planète change, ils changent aussi, ont tout à réinventer3 », et laisse à Michel Serres, un regard très sévère sur sa génération et la suivante, ascendance qui laisse désormais les sociétés occidentales à l’état de gâtines.

Serait-il possible de favoriser l’intégration et l’acceptation de l’innovation à travers la notion du design ? La genèse d’une « chose » se trouve aussi bien chez son concepteur que chez son destinataire, et n’est pas déterminé exclusivement par des auspices extérieures. L’intérêt est de rapprocher l’inconnu du connu en masquant la technique4 à travers la notion de « raisonnement de conception », expliqué par Armand Hatchuel.

Faire de l’inconnu avec du connu, c’est aller bien au au-delà du duo conception et innovation car « si le concepteur est par nature, et par intention, un innovateur, on peut cependant innover de multiples manières : par exemple en rejetant une règle sociale sans jamais en concevoir de nouvelles ». Grâce au raisonnement de conception, il est possible « de créer avec préméditation des « expansions » du connus, expansions

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INTRODUCTION

d’ailleurs toujours relatives à un « connu particulier » ». Caractère analogue à l’architecte, l’ingénieur et le designer, il se sépare en trois phylum pour parcourir le chemin organisé du connu à l’inconnu. La spécificité de l’ingénieur se trouve dans sa capacité à puiser « dans les découvertes de la science la plus récente et étant lui-même en mesure de contrôler la validité de ses propositions, l’inconnu radical lui est permis », et surtout, ne se souciant pas de prime abord, des qualités esthétiques. Pour l’architecte et le designer, le passage du connu à l’inconnu radical passe par un « rapport plus restreint et moins violent », d’autant plus qu’il n’est que « très exceptionnellement à (leur) portée ». L’objet de leur conception se doit de « séduire et surprendre » et s’offre à eux, la possibilité de « jouer du chiasme : séduire en surprenant et surprendre en séduisant ». C’est là où se trouve le dilemme du design : créer un « inconnu immédiatement reconnu ».

En effet, autant l’architecte subit « ses contraintes propres » (le collectif auquel il s’adresse par exemple), toujours déterminées par des normes sociales ou techniques, on devine très souvent à première vue ce pour quoi il a été créé. Alors que, du côté du designer, on voit s’ouvrir à lui un macrocosme de possibilités. « Il est soumis à des contraintes de réception qui vont être déterminantes. Il ne s’agit pas des contraintes habituelles de coût, de production, ou de rentabilité, dont on fait trop grand cas, car celles-ci s’imposent à tous ». Ces contraintes de réception se trouvent dans l’association originalité du travail et sa compréhension immédiate par le destinataire. Hatchuel, dans son article, cite le designer de l’entreprise Banf&Olufsen, Jacob Jensen qui déclara qu’un objet doit être « different but not strange », suscitant « the power of making decisions without thinking » du destinataire. Dès lors, la réaction de ce dernier tiendrait un credo de trois mots : « fight, escape, love ». Aux oubliettes l’approche techno-centrée, autrement dit, une vision centrée sur la machine et ses possibilités où l’utilisateur doit s’adapter à la machine. Aujourd’hui, il est nécessaire de replacer l’humain au coeur du processus de conception : avoir une approche anthropo-centrée, « qui a la caractéristique de partir de l’humain pour répondre à des besoins humains »5. Il faut désormais se centrer sur l’homme et ses besoins et faire en sorte que, désormais, la machine s’adapte à l’utilisateur. Auparavant, pour être utilisable, « un produit (...) devait être conçu avec précision”. Il devait être conforme aux « connaissances scientifiques ».

En d’autres termes, « l’idéal du concepteur était pragmatique, c’est-à-dire fonctionnel6 ». L’industrialisation a apporté maintes évolutions technologiques. Dès les années 60, Hanna Arendt, dans son ouvrage Condition de l’homme moderne7, explique qu’il est nécessaire de s’interroger sur l’usage en lien avec la machine. Elle n’est

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INTRODUCTION

pas dangereuse en tant que telle mais il a été réglé en tenant compte de la portée existentielle de la relation que l’homme noue avec les objets de sa fabrication. Tim Brown, appuie cette pensée, dans la préface de son livre L’esprit Design, que « la technologie a permis de sortir de la pauvreté des millions de gens et d’améliorer le niveau de vie d’une partie considérable de l’humanité8 ». Mais, nous prenons désormais conscience que, cette approche techno-centrée atteint ses limites et nous en payons désormais les retombées néfastes. La conception de productivité sans une réflexion approfondie sur le rapport de l’homme et la technologie « a transformé (les) modes de vie d’une partie considérable de l’humanité », de « nos modes de vie, notre travail et nos loisirs9 ». « Les nuages de suie et de fumée noire qui assombrissaient autrefois le ciel au-dessus de Manchester et de Birmingham ont modifié le climat de la planète. Les montagnes de marchandises bon marché issues des usines et des ateliers ont alimenté une culture de la consommation à outrance et un gaspillage considérable. L’industrialisation de l’agriculture nous a rendus vulnérables aux catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme. Les innovations du passé se sont transformées en procédures de routine et de Shanghai à Bangalore, en passant par la Silicon Valley ou Detroit, les entreprises appliquent les mêmes théories managériales et s’engagent dans la spirale descendante de la banalisation10 ». La technologie n’a de cesse que de suivre le chemin du progrès. « La révolution des communications due à l’Internet a rapproché les individus les uns des autres et leur a fourni la possibilité d’échanger leurs opinions et de créer des concepts nouveaux comme jamais auparavant. La biologie, la chimie et la physique ont fusionné pour donner la biotechnologie et les nanotechnologies qui nous promettent des médicaments et des matériaux miracles. Pourtant, ces évolutions spectaculaires ne nous seront pas d’un grand secours contre les dangers qui nous menacent. Bien au contraire ».

L’innovation est l’affaire de tous, à tous les niveaux. « La destruction d’industries anciennes par l’innovation, qui entraîne la création d’industries nouvelles, n’a bien sûr, rien de nouveau. C’est le fameux mécanisme de « destruction créatrice » décrit par l’économiste Joseph Schumpeter, économiste pionnier dans le domaine de l’innovation, qui y voyait la condition du progrès technique, économique et social permis par le système capitaliste. Mais le sentiment qui domine est celui d’une accélération de vivre une époque où les ruptures sont particulièrement importantes, et particulièrement rapides » écrit Philippe Silberzahn, professeur

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INTRODUCTION

d’entrepreneuriat, stratégie et innovation à EMLYON Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique11. Il cite notamment Schumpeter, pour qui l’innovation est, « source de croissance à long terme ». De ce fait, maintenir une capacité créative dans une entreprise, c’est être capable de renouvellement au niveau ses produits, services et méthodes, fonction capitale pour sa pérennité. Christensen, disciple de Schumpeter, dénote deux formes d’innovations : continue et de rupture. La première, permet l’amélioration d’un produit ou service existant, tout en respectant la trajectoire de performance existante. La seconde modifie ce système : de nouvelles dimensions et de nouveaux critères de performance pénètrent et créent ainsi de nouvelles catégories de produits ou services. De prime abord, Christensen distingue que, l’innovation de rupture n’est pas aussi performante que les produits existants. Mais, cela est sans compter sur la suite : ces « ruptures technologiques, économiques, sociétales et culturelles s’entrecroisent et se combinent, démultipliant leurs effets et ouvrant la voie à de nouvelles sources de croissance où la seule limite est celle de l’imagination humaine”12. Par ailleurs, Christensen remarque que la notion de rupture revêt deux caractéristiques ; celle d’un nouveau marché, c’est-à-dire “inventer un nouveau type de produit très avancé qui bouscule les autres produits”, ou s’embarquer dans “un marché existant avec un produit simplifié et moins cher, en général type de produit aussi moins performant”. Manager l’innovation dans l’entreprise, c’est créer, à tous les niveaux, les conditions qui permettent de générer de bonnes idées et de les transformer en service (ou produit) rentables pour l’entreprise. Le management concerne l’ensemble des techniques d’organisation de ressources, qu’elles soient de l’ordre financier, matériel ou encore humain. Ces techniques sont mises en œuvre pour la gestion et l’administration d’une organisation (entreprise, association, administration…)13.

Manager, c’est donc construire et rendre visible la stratégie de l’entreprise. Il sert à déployer son programme en utilisant ses ressources utilisées de manière efficace. Le manager gère la cohérence de cet ensemble.

La technique la plus célèbre est celle dénommée taylorisme. Ce système d’organisation tient son nom de Frederick Taylor, ouvrier, ingénieur et consultant. Pour améliorer la qualité de production de l’entreprise, il étudie de manière “scientifique” les postes de travail et met en place une codification minutieuse des pratiques afin qu’elles soient le plus optimales possibles. Les fonctions de conception et d’exécution sont séparées afin que les ouvriers se montrent efficaces au maximum. Enfin, il prescrit un contrôle rigoureux, à l’aide de dispositifs organisationnels de la bonne exécution du travail et des règles à appliquer le plus

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rationnellement possible14. L’innovation ne se commande pas, elle se manage. Aujourd’hui, il est nécessaire d’accepter la complexité : les évolutions sociétales, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, cet ensemble se développe dans un rythme rapide qui demande des possibilités de conception, de production et de vente encore inexplorées. Source formidable d’épanouissement pour les personnes et les équipes qui participent à ces innovations, le design permet un juste retour à l’humilité. Pour vivre en société, les êtres humains ont seulement à leur disposition, l’échange et le partage. De nombreux systèmes dits « collaboratifs » se développent dans la société. En favorisant la « poly-autonomie15 », le travail n’est plus fondé sur l’organisation hiérarchisée traditionnelle : collaborer signifie littéralement « travailler avec une ou plusieurs personnes16 » avec pour but, la réalisation de tâches communes. Ces nouveaux mode de travail, qui prennent le nom de « coworking », « crowdsourcing », « lean », « open source », « collecticiel », etc., maximisent la créativité et l’efficience d’un groupe concernant le développement de projets d’envergure, malgré une dispersion dans l’espace et le temps. On ne planifie plus l’innovation, on ne la maitrise pas non plus mais il faut dorénavant rendre l’innovation possible et l’exploiter. Les facteurs clés de succès sont désormais devenus principalement les comportements individuels et collectifs, et passent à travers la communication qui dynamise les coopérations et le bon sens.

L’activité du designer est de concevoir des solutions, tournées vers les utilisateurs, les clients ou les consommateurs. Ces conceptions relèvent du produit, du service, de l’expérience, répondant à leurs besoins, pour qu’ils facilitent leur vie ou voire même, « la ré-enchante ». En d’autres termes, le designer s’intéresse à l’usage. Au lieu d’enfermer le designer dans un rapport unique envers un utilisateur, client, consommateur, cette étude a pour viser la « transposition d’une méthodologie de conception à un nouveau champ d’application »: l’entreprise et son rapport avec ses salariés. Les entreprises concentrent en leur sein, des activités, elles-mêmes impliquant des usages. Les entreprises elles-mêmes ont posé l’humain au coeur de leur réflexion. Les sociologues, les psychologues et philosophes du travail et même les politiques ont suivi cette question de l’humanisation de l’entreprise suite à la prise de conscience et au déferlement médiatique des risques psychosociaux, notamment suite aux suicides chez Orange17. Mais quid du designer?

Les enjeux du design, associés au monde de l’entreprise caractérisent l’objet de ce mémoire. Son ambition

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INTRODUCTION

est de traiter les questions suivantes : le design peut-il être vecteur d’une transformation managériale ? Si oui, comment ? Comment le design peut-il opérer une transformation managériale et organisationnelle ?

Comment le design ré-interroge-t-il les rôles des employés pour améliorer leur investissement dans les projets ? Ce changement organisationnel influence le bien-être émotionnel du personnel : comment le design peut-il être employé comme stratégie de management de groupe ? Peut-il devenir un facteur de motivation ? Comment les ressources, processus et valeurs d’une entreprise déterminent sa réaction à une rupture ?

Entre accompagnement et gestion de projet, comment le designer peut-il trouver, légitimer et faire accepter sa place dans une entreprise en plein changement organisationnel ? Le design appliquée en entreprise n’est-il pas à l’orée d’un nouveau paradigme managérial ?En effet, le fonctionnement hierarchique actuel, ensemble de croyances et de du monde reposant sur des bases archaïques n’est plus adapté à notre nouvelle société, fondée désormais sur la vitesse et le changement perpétuel. Désormais, les employés et leurs équipes se doivent d’avoir plus de liberté d’action et que les responsabilité leurs soient déléguées : l’ère de la collaboration est indispensable. Manager par le design, c’est désormais fonctionner de manière holacratique, grâce à la connaissance des parties prenantes et leurs implications directe dans le processus. Le design permet d’imaginer de nouvelles solutions car il offre la possibilité d’utiliser des méthodes de créativité, mais surtout, il permet d’approfondir les solutions retenues en les formalisant. De cette manière, le travail du designer serait d’analyser comment les entreprises pourraient organiser leurs activités de manière plus efficace. Tout d’abord, il est nécessaire de replacer les notions de design, de management et d’innovation de manière historique. L’image principale du design aujourd’hui est issue d’une représentation de la conception transmise au XIXème siècle, même si l’on peut déboucher sur une préquelle à la Renaissance. Le design est née de la volonté de cure, afin d’absorber le choc de l’industrialisation et d’adoucir ses conséquences dévastatrices sur l’humain et sa culture. Pendant très longtemps, son champ d’application fut le produit matériel, afin de le rendre culturellement, socialement, économiquement, esthétiquement et utilement acceptable. L’histoire du management permet de comprendre les principales caractéristiques de l’époque actuelles, depuis ses débuts jusqu’à nos jours, nous trouvons les attitudes typiques d’une foi portée sur la science : l’instrumentalisation du monde, la confiance placée dans les outils et la productivité rationnelle concernant la fin et les moyens. Une pensée qui conditionnera l’innovation, de par la conviction que l’on peut

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INTRODUCTION

résoudre tous les problèmes grâce au principe d’utilité. Cet ensemble a subi un processus d’industrialisation continu, accélérée par l’ère de production des services, qui désormais façonnent et conditionnent nos modes de vie. Les services sont devenus des produits à part entière, plus que jamais dépendant, pour leur succès ou de leur mort, le pouce de l’utilisateur. Ce dernier, disposant tous ses espoirs et ses aspirations dans les mains du designer. Les préoccupations du design ont changé : les services sont devenus des produits qui produisent des effets (Vial) et des valeurs ajoutées dans la relation entre entreprise et client. Manager par le design, c’est coopérer dans la durée et de trouver la force dans la démarche de l’expérimentation itérative car il est de plus en plus difficile d’expérimenter le résultat d’un projet. Notre société est devenue un système véritablement complexe. Les institutions cadrent les actions de l’entreprise à travers les normes, règles routines, procédures qui orientent les interactions. De par la combinaison des trois premières variables, les processus , comprenant la mobilisations des acteurs et leurs dynamiques d’échange et d’évolution dans le temps sont ainsi déterminés. Les organisations et les comportement sont ainsi aliénés par le résultats des effets produits mais aussi de part les conséquences de l’impact sur le problème traité et l’utilisateur.

Comme l’explique Alain Cadix, une politique de design est en soi une innovation au niveau « macro » et génère aussi des innovations de diverses natures au niveau «micro»: elle présente donc des risques comme toute innovation. Il est nécessaire de limiter les risques d’échec. Afin de réduire la probabilité de les rencontrer, par la diffusion de retours d’expériences. Le design est un facteur d’appropriation des technologies, un facilitateur de leur diffusion par l’invention de nouveaux usages, de nouvelles expériences pour l’utilisateur. La deuxième partie présente de ce fait, les étude de cas Kodak et l’évolution de la machine à laver afin de démontrer comment une entreprise doit se comporter face à l’innovation. En troisième partie, l’exemple de l’application de la méthode de design à l’Unité d’Affaires Adresse (groupe La Poste), permet de démontrer grâce à l’expérimentation (développée dans le projet professionnel), une approche qui présente des avantages, d’un point de vue méthodologique, comme modèle théorique pour éduquer au design, mais aussi, idéologique. Les études de cas précédentes permettent la comparaison d’un modèle avec un exemple empirique actuel : la perception complète une investigation objectivant les données et donnant une vue du phénomène. L’ensemble souhaite porter une amélioration sur le monde de l’entreprise et son rapport à l’humain. L’Unité d’Affaires Adresses se trouve pris entre le marteau et l’enclume. D’un côté, la

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INTRODUCTION

persistance d’un management archaïque, associée à une volonté qui se vante d’être prospectiviste et de l’autre, la révolution du numérique, associant de paire, la montée naturelle des besoins humains inscrits, dans la pyramide de Maslow, ont modifié considérablement le contexte. Ces deux phénomènes ont centré les individus sur le sens et ont développé leur besoin d’interactions. L’idée étant de, ne pas chercher pas à imposer de manière dogmatique un nouveau principe d’organisation mais d’en tester les principes. Le but du design n’est pas, à l’heure actuelle, dans la rupture de la pratique dominante des entreprises, mais de mettre en avant une action efficace et immédiate à engager : introduire, partout où cela est faisable, la dimension « usage et design ». La quatrième partie est ainsi une forme de réponse conseillée par rapport aux résultats, aux entreprises en pleine tectonique des plaques organisationnelles, ou en devenir, telle que l’Unité d’Affaires Adresse. En se concentrant sur les interactions entre l’entreprise et les employés, l’analyse systémique démontre que le design est essentiel dans le management d’une entreprise. L’entreprise officie comme support et subit les conséquences de l’activité de l’organisation sociale qui évolue en elle. Quelles sont donc les marges de manœuvre du design dans cette entité ? L’entreprise se pose un centre de décision qui se dote d’une stratégie économique autonome, avec pour objectif un profit maximal avec ses ressources : elle se dote deux fonctions principales : une qui influence au niveau des individus et l’autre, au niveau de la société. Ce profit assure sa croissance, et maintient son équilibre. Les contraintes traditionnelles de l’entreprise, sociales, financières se heurtent au développement rapide des sociétés actuelle et se doivent de suivre le rythme accéléré de la croissance économique. Dès lors, la direction doit aiguiser son regard sur l’entreprise afin de voir plus loin et de décider plus vite. Par ailleurs, elle doit désormais tenir compte de l’évolution du milieu extérieur, des techniques, des goûts et des besoins des utilisateurs. Le design devient alors une méthode stratégique car il permet, au mieux, d’apprécier les évolutions, anticiper les tendances et permettre la mise en cohérence de toutes ces dimensions dans l’organisation : nous verrons comment le design répond aux éléments constituant une innovation organisationnelle réussie.

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INTRODUCTION

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INTRODUCTION

01

ÉTAT DES LIEUX : LA SITUATION DU DESIGN EN FRANCE, DU MYTHE À SON APPLICATION

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01 ÉTAT DES LIEUX

A. La naissance du design :

de sa racine à sa polysémie

1. Aux origines de la création à une difficile définition universelle

« Au risque de vous décevoir, cher lecteur, il est impossible de donner une définition unique et faisant autorité du terme central de ce dictionnaire - design ». De par ce résumé du Design Dictionnary18, il est vrai que la notion du design a subi de nombreuses mutations sémantiques depuis sa naissance. Le design se trouve actuellement tiraillé par des significations à multiples sens. Pour comprendre son origine, le terme design tire sa racine du latin designare définissant la manière de marquer d’un signe distinctif, dessiner, indiquer.

En effet, l’association de la préposition de et du nom signum (marque, signe empreinte), dans le sens de « distinctif », signifie « créer de la différence ». Il est ainsi de rigueur, d’associer l’origine du mot design au vieux français dessigner ou encore desseigner, qui signifiait à la fois montrer, indiquer, dessiner, tirant son étymologie de la définition latine ci-dessus. Par ailleurs, le terme design tiendrait aussi de l’anglais.

To design signifie « dé-signer » une chose, c’est à dire, la marquer d’un signe, la sign-aler. C’est de cette définition que provient l’usage contemporain du terme design, pour exprimer quelque chose de « dessiné », dans le sens tracer des figures, des contours ou des motifs - autrement dit former des signes ou signer des formes. Par ailleurs, une seconde notion émerge de cette définition primaire : celle de dessiner, manière de réaliser des croquis et des plans. En ce sens, on pourrait lui associer, celui de projeter : projeter en fonction d’une intention, d’un dessein, d’un concept. Le design serait de forger un projet qui s’incarne dans ce signe, s’exprimant ainsi dans l’idée de lui donner un sens. Par ailleurs, si on regarde sa définitions dans le dictionnaire, d’autres éléments apparaissent, sans en être totalement éloignés. Dans le Petit Robert, il est écrit que c’est une « esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et adaptées à leur fonction » (pour les objets utilitaires, les meubles, l’habitat en général). L’adjectif design est quant à lui défini comme étant « d’un esthétisme moderne et fonctionnel ». L’encyclopédie Grand Larousse, cite le designer Roger Tallon, qui définit alors le design comme « ni un art, ni un mode d’expression, mais une démarche créative méthodique qui peut être généralisée à tous les problèmes de conception ». Le design requiert dont la double identité d’être à la fois, une notion de dessin, être la concrétisation physique et matérielle mais

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ÉTAT DES LIEUX 01

aussi, celle de dessein, une intention et un processus. Néanmoins, son utilisation présente fait référence à la définition anglaise, s’imposant progressivement en France à partir des années 60, tout en différant quelque peu. Néanmoins, on peut ainsi décrire une troisième définition du terme, qui réalise l’association des deux premières. En effet, dans la langue française, il n’a pas tout à fait le même sens qu’en anglais, qui utilisé sans autre précision, signifie un état d’esprit. Le design est donc la “conception” d’un objet nouveau. Ainsi, pour préciser le domaine auquel le terme se réfère, l’anglais lui ajoute un adjectif. C’est de cette manière que, les britanniques parlent de « product design », « graphic design », « shelter design », et ainsi de suite.

La croyance populaire associe donc le terme « design » comme adjectif. Il est communément admis, de s’exprimer en disant “c’est design” face à un objet, une architecture ou toute autre réalisation, dans le sens où l’expression signifie « beau, élégant, distingué, chic, « classe » ou bien encore, moderne, récent, nouveau, original, branché, bizarre, extravagant, fou19 ». Dès lors, le design possède le pouvoir d’être un facteur de distinction sociale et de diviser les gens en deux catégories : ceux qui ont du goût et les autres.

Stéphane Vial, dans son ouvrage Le Design20 ou dans son Court traité du design parle de l’indéfinition du design. Malgré une déclaration à connotation pessimiste, ce n’est pour lui, pas une fatalité postmoderne mais un symptôme épistémologique21. Le design a vécu une évolution considérable entre 1990 et 2000, bien plus marquante qu’entre 1960 et 1980. Son approche « consiste à considérer la production d’effets découlant de l’acte créatif qu’est le processus de design comme un élément constitutif fondamental du design ; ainsi qu’il l’explique dans sa postface, « le design n’est pas le champ des objets, mais le champ des effets »22. Ce qu’il y a de plus important dans le design ? « e n’est pas l’apparence de l’objet mais sa capacité à produire des effets qui conditionnent l’expérience »23. En effet, il ajoute que “les effets du design peuvent ainsi être contenus et médiatisés via des objets qui sont ainsi potentiellement capables d’enchanter notre quotidien”.

Le design est une nouvelle façon de penser, qui participe à la déconstruction du monde. Ettore Sottsass écrira que « pour (lui), le design est une façon de discuter de la vie, de la société, de la politique, de l’érotisme, de la nourriture et même du design”. En résumé, si l’on devait lui accorder une définition en 2017, il serait de dire qu’il serait indéfinissable et ce qui en ferait sa force.

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2. Du concept classique issu du monde manufacturé

Le contexte socio-politico-économique a toujours été un facteur très important et explique donc, pourquoi l’évolution du design est marqué par des repères chronologiques et une définition évolutive. Or, la genèse du design, ou de ce que l’on peut considérer comme ses prémisses, peut être apparentée à la période appelée Renaissance. En effet, le projet architectural de cette époque (en Italie plus précisément) et le design sont liés. Brunelleschi, artiste à plusieurs facettes (architecte, sculpteur, peintre, orfèvre etc.), installé dans la ville de Florence, se trouve être le fondateur du projet architectural. Vers 1420, il écrivit que son exécution est présente pour « séparer et unir simultanément deux temps essentiels dans l’acte de création appliqué à l’édification d’un bâtiment : le temps du travail en atelier, ordonné à la conception de la maquette, et le temps de travail sur le chantier, concrétisé dans la réalisation de l’oeuvre à partir de la maquette conçue24 ». Auparavant, l’élaboration et la réalisation étaient confondues dans une oeuvre, contenant ainsi sa part d’essais et d’erreurs découlant de l’un et de l’autre. De ce fait, outre mettre face à un dualisme de création, nous assistons à une première reconnaissance de la division du travail. Stéphane Vial, dans son livre sur Le

Design25 explique que le terme design existe depuis des siècles dans la langue anglaise. Il apparaît pour la première fois en Angleterre, à partir de 1849, dans le Journal of Design and Manufactures, définissant un nouvel usage. Le créateur et directeur du journal, Henry Cole, est un fonctionnaire britannique, aux multiples centres d’intérêt et touchant à des domaines très variés ; il est l’inventeur de la première carte de Noël, il écrivit des livres pour enfants, avant d’être dessinateur d’objets manufacturés et membre de la Société royale pour l’encouragement des arts, des manufactures et du commerce (« The Royal Society of Arts »). Cole, dans sa publication, « cherche à établir les principes d’une production industrielle associant harmonieusement la « fonction », la « décoration » et « l’intelligence » et à « marier le grand art avec l’habileté mécanique ».

Son ambition ? Que le design soit la symbiose de la convergence des arts avec l’industrie. De cette manière, il émergerait des « projeteurs industriels » capable d’améliorer l’art industriel par l’épuration des formes.

De cette manière, on peut dire qu’il est communément admis que la naissance du design est associée à la production industrielle.

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Cette dernière, donna suite à la première grande Exposition universelle en 1851 organisée à Londres, dans l’extraordinaire Crystal Palace de Joseph Paxton (1803-1865), organisée par ailleurs, grâce au soutien du prince consort Albert de Saxe. Elle marque le sommet de la puissance britannique régnant à ce momentlà et résumé entièrement dans le célèbre Crystal Palace. La force de l’industrie anglaise était telle que le journal Times employa la métaphore religieuse pour en faire sa description: « Au-dessus de la reine s’étendait une voûte transparente, de loin plus grande et plus haute et plus spacieuse que celles de nos plus grandes cathédrales »25. Sa grandeur ainsi que celle de l’Exposition ne furent pas seulement un exemple d’esthétique mais aussi un avènement socio-culturel : “Si la lutte des classes se fonde idéologiquement sur les écrits ou les prises de position de penseurs socialistes tels que Saint-Simon, Owen, Fourier, Proudhon, Marx, la mise en cause de l’environnement produit par la société industrielle est le fait d’un certain nombre d’esthètes comme John Ruskin, puis William Morris”26. Ce dernier, théoricien et praticien, militera pour un mouvement destiné à réhabiliter l’artisanat, considéré comme seul capable de produire beau et bien, et d’assurer l’épanouissement du producteur, du façonnier et du consommateur. C’est ainsi que vont naître les Arts and Crafts, ancêtre du design. Morris (1834-1896) aspirait à ce que ce mouvement s’érige en mur, face à la promotion d’une gloire associée à la société nouvelle, cette grande Exposition universelle reflétant l’action engagée sur la voie de l’impérialisme et de la colonisation. Ni même le bâtiment ne pouvait trouver grâce aux yeux de Ruskin (1819-1900), de par ses dimensions herculéennes, représentant à cette époque, l’un des chefs d’oeuvre absolus de préfabrication du bâtiment en usine, le comparant à « une serre à concombre ».

Pour ces deux avant-gardistes, seul le design était une réponse valable pour réconcilier l’art et la vie. William Morris porte en lui, l’hymne du renouveau et prend la défense des arts décoratifs comme étant le seul moyen de sauver l’homme, pantin aux mains des tenants du monde de l’industrie. Il est nécessaire, sans plus tarder, de réhabiliter le travail d’auteur de l’artiste, de part un artisanat à l’ornementation de qualité, et d’autre part, en améliorant du même coup le cadre de vie offert par la société moderne. L’ambition du design se résumerait alors, dans la conversion des arts avec l’industrie. Toutefois, les artistes de l’époque ne parlent pas de “design” et encore moins, ne se donnent le titre de “designer” : en 1849, on utilisera le terme “art décoratif” ou “art appliqué” pour symboliser ce que l’on appelle actuellement “design”. “Le design est une culture nouvelle qui s’incarne dans un mot nouveau. Tous les pays du monde ont adopté le mot “design””11,

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décoratif » ou « art appliqué » pour symboliser ce que l’on appelle actuellement « design ». « Le design est une culture nouvelle qui s’incarne dans un mot nouveau. Tous les pays du monde ont adopté le mot «design»27 », c’est un terme qui finira par s’imposer partout après un siècle (disegno industriale en italien, disegño en espagnol) et bien sûr, avec beaucoup de retard en France.

Par contre, on peut statuer que, la véritable reconnaissance dans l’histoire du design, en tant que discipline, fût amenée par Peter Behrens. Membre du mouvement Werkbund, il devient directeur artistique de l’entreprise AEG en 1907, basée à Berlin. Il réalise alors la première grande collaboration entre l’art et l’industrie : le design est né. « Cole avait inventé le nom, Behrens la chose28 ». En effet, se réalise une association jamais vu auparavant dans l’histoire de la création : concepteurs, artistes et industriels travaillent ensemble et favorise un l’apaisement général, suite aux querelles du Werkbund. En effet, le mouvement était serré entre deux étaux : d’un côté, « les défenseurs de la production en série emmenés par Muthesius » puis de l’autre, avec « les partisans d’un retour au travail manuel et artisanal, au nom de la liberté de l’artiste, emmenés par Henry Van de Velde, le grand maître de l’Art Nouveau29 ». Cette réconciliation, entre les idéaux des arts décoratifs (mise en valeur du travail de l’artisan) et les ambitions de l’industrie (centrée sur la production en série offriront un terrain propice à l’épanouissement à l’ère du Bauhaus, dirigé par Walter Gropius, architecte et membre du Werkbund, rangé du côté de Henri Van de Velde. Le Bauhaus résulte de la fusion de l’Ecole des Beaux-Arts et de l’Ecole des métiers d’arts. Cet établissement d’enseignement se félicitait d’être le conseiller artistique de l’industrie, des métiers d’art et de l’artisanat, se positionnant comme une sorte de laboratoire du design moderne. Cette école proposait initialement une formation plutôt artisanale. Les principaux enseignements étaient des ateliers (reliure, textile, imprimerie, métal, sculpture sur bois, pierre, menuiserie, céramique, peinture) l’atelier d’architecture n’ouvrant que bien plus tard. Par ailleurs, la particularité de ces ateliers était le fait qu’ils étaient encadrés conjointement par un maître d’ouvrage (qui portait le rôle de responsable technique), et années 40 marque l’avènement de la production mécanisée, permettant de faire évoluer de façon incroyable les conditions de vie de l’homme moderne. En résultat : la suprématie de la société industrielle qui domine l’ensemble de l’humanité. C’est en partie, à cause de la Seconde Guerre mondiale, qui marque un tournant décisif dans l’histoire des Hommes. En

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effet, elle n’aura épargné aucune partie du monde, que cela soit par des retombées directes ou indirectes et son achèvement en fera découler des implications à échelle planétaire. En février 1945, s’organise la conférence de Yalta. Le monde se trouve tiraillé entre deux géant porteurs d’idéologies antagonistes et ce, pour une très longue période. « Par voie de conséquence, là où il y avait encore place pour l’expression d’une tradition, la pénétration des modes de vie propres aux pays industrialisés vient porter, dans ce jeu sans concession des hégémonies, un coup terrible aux artisanats locaux »31. Durant tout le 20ème siècle, il s’ensuit, selon une acceptation internationale, que le design concerne la conception d’un objet en vue d’une production industrielle, et tout plus particulièrement, d’une série. Il permet de caractériser la part de création intervenant dans la conception d’un objet (ou son ensemble) et d’assurer la cohérence entre les impératifs techniques de fabrication, la structure interne de l’objet, sa valeur d’utilisation et son aspect. Une pièce unique ne peut être considérée comme un élément du design lorsqu’elle est un prototype destiné à une production en série, ou exceptionnellement, dans le cas où sa conception et sa réalisation n’ont pas pu emprunter les moyens mécaniques, voire informatiques, inhérent à l’industrie. Concernant l’artisanat, l’objet issu de ce mode de pratique ne peut rentrer dans le champ du design si et seulement si, il constitue un repère important, mais surtout utile dans la conceptualisation et la production industrielle. En finalité, le design est alors aussi bien utilisé pour définir les produits de l’artisanat, que ceux fabriqués en usine et en séries (appareils, machines, véhicules, meubles, outils, ustensiles, vêtements, mais également tissus, papiers peints, imprimés, affiches etc.) et les éléments préfabriqués en atelier, des bâtiments et des ouvrages d’art.

L’évolution de l’industrialisation annonce indéniablement l’épopée du design. Après l’émergence du design grâce à l’entreprise AEG, Jacques Viénot, fondateur de l’Institut d’Esthétique Industrielle, édite une revue du même nom et devient en 1984 l’actuel Institut Français du Design. Pour lui, sa définition de l’esthétique industrielle réside dans la recherche du beau dans des objets fabriqués industriellement. Enfin, que cette esthétique soit surtout, conforme à l’idéologie fonctionnaliste moderne. selon laquelle la beauté d’un objet fabriqué provient de son adaptation à sa fonction. Ensuite, l’entreprise Technès embauche en 1949, Roger Tallon, en tant que designer et directeur artistique bureau d’études techniques et esthétiques. En 1952, Raymond Loewy déclarera que, « en moins de 25 ans, l’industrial design, tentative hésitante et incertaine, est devenu ce que Times appelle “un des phénomènes les plus remarquables de l’industrie aux Etats-Unis”.

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En France, la notion de design a pris la relève de l’esthétique industrielle dans un premier temps (industrial design) ne concernant alors que la production de série en usine des objets de consommation. L’évolution du terme est devenu synonyme de « recherche stylistiquement innovante32 », pouvant dès lors, aller jusqu’à l’effet de mode. Le terme design est devenu une sorte d’adjectif et fût ainsi rapidement rattaché au mobilier et à l’architecture intérieur. Dans une large mesure, cette perception perdure, à tort, encore aujourd’hui. Ce n’est sans compter sur le marketing, qui s’est approprié le sens, avant de le dénaturaliser. Les grandes enseignes (Roche Bobois, Ikea entre autres) utilisent ce terme comme un véritable outil marketing. Le design s’incarne désormais dans le culte du marché, devenu véritable objet de consommation. La société de consommation s’en est emparé afin de le mettre véritablement en scène, à des fins de pure consommation33. Ce constat est perpétué par les magazines de décoration, les émissions télé sur ce thème (très souvent réduit à la notion de décoration) ou encore, les sites web. Pour la pensée commune, le design est rattaché à l’univers de l’habitat, de l’architecture, de l’immobilier et de la décoration. Le design est vu comme une notion d’habillement, qui inscrit l’objet dans un jugement de goût. Comme l’explique Bruno Remaury34, « il sert « à habiller un produit, du canapé au radio-réveil » et, par là même, « à inscrire l’objet qui en bénéficie dans un jugement de goût, strictement délimité dans le temps du jour”, c’est-à-dire dans l’éphémère du « goût du jour ». Le design est désormais communément considéré comme un synonyme de décoration, facteur d’embellissement ou producteur de style. Somme toute, dans la superficialité. Il se trouve qu’il est désormais nécessaire de s’interroger sur le sens et la portée culturelle d’expressions comme « productions de masse » ou de mots comme « design » dès lors lorsqu’il s’agit d’affirmer le souci de maîtriser globalement la production des objets utiles conçus par l’homme. En effet, de nombreuses aberrations eurent lieu autour de ce mot. En 1994, la loi Toubon prévoit de remplacer le terme design par celui de stylique mais le résultat connu un échec total.

Ensuite, en 2010, l’INSEE propose de supprimer le terme design et de remplacer par concept, et le métier de designer par concepteur. Il ne rencontra pas un franc succès.

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3. A une indéfinition contemporaine ouverte aux services

En résumé, si l’on devait lui accorder une définition en 2017, il serait de dire qu’il serait indéfinissable et ce qui en ferait sa force. Malgré une notion complexe, au sens culturellement variable, et à la diversité des métiers qui lui sont alloués, le design reste une discipline du projet. Le design n’est donc plus un terme à la définition si galvaudée, à l’usage si restrictif d’être le privilège de la création industrielle et ainsi réservé au champ de l’objet « à la mode ». Jean-Louis Fréchin, designer et enseignant à l’ENSCI, écrit dans son ouvrage Interface, le rôle du design « est une discipline dont nous tolérons l’indéfinition »35. Il semble donc que les designers ne souffrent pas de l’ambiguïté de cette indéfinition. « Il ajoute auprès d’étudiants non designers, en Master Spécialisé « Innovation by design », que l’une des caractéristiques du design est sa capacité à sortir de son champ d’origine. Il est souvent un traducteur, un médiateur qui aide à construire la transversalité, à transformer une équipe pluridisciplinaire. Une définition serait donc, par nature, trop réductrice et enfermante »36. Aurélie Marchal, elle, lui préfère cette définition : « Le design serait donc une démarche de conception très réflexive, qui a la caractéristique de partir de l’humain pour répondre à des besoins humains, et qui recherche l’harmonie, ce qui se traduit par l’esthétisme lorsqu’on l’applique à des objets matériels mais qui n’exclut pas les choses intangibles »37.

Stéphane Vial, que cela soit dans son ouvrage Le Design38 ou dans son Court traité du design39, distingue trois types d’effets propre à cette discipline : • l’effet ontophanique : augmenter l’expérience vécue • l’effet callimorphique : exprimer la beauté formelle et l’attrait esthétique extérieur du design en termes de forme, volume, tactilité, graphisme et expression interactive • l’effet socioplastique : des formes capables de remodeler la société Selon son approche, le design considère que, les effets produits découlent de l’acte créatif, ce dernier se trouvant dans le processus de design : « le design n’est pas le champ des objets, mais le champs des effets ». Peu importe ce qui est façonné par le design, peu importe l’apparence que cela prend, ce qui compte principalement, c’est la capacité à produire des effets qui conditionnent l’expérience. Les objets et/ ou services ne sont présents dans notre quotidien pour le simple besoin de le ré-enchanter. Là, se trouve

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l’unique et primordiale rôle des effets du design contenus et médiatisés dans l’objet, ou le service. Par contre, il est nécessaire de faire attention : le sens du mot « effet » ne se trouve pas dans le corrélat de la cause, à entendre comme forme de “conséquence” mais comme un concept phénoménologique. En effet, il doit être « pris au sens d’une éclosion créatrice de l’apparition, d’une dynamique inventive de la manifestation (corrélat de la perception), en tant qu’elle structure l’expérience40 ». Le design va augmenter la qualité de l’expérience vécue, quelle nature qu’elle soit. John Maeda le résume parfaitement : « L’art pose des questions. Le design propose des solutions ».

Aujourd’hui, la frontière entre l’art et le design est flou. Elle tend même à disparaître, à faire du design, de l’art contemporain en devenir. Dorénavant, les écoles de beaux-arts, à au versant opposé du Bauhaus, ouvrent des départements design. Cette discipline s’expose même dans les musées, « où les designers-stars sont présentés comme des « créateurs »41». Alors que, « contrairement à l’artiste, le « designer, en revanche, ne jouit pas d’une liberté sans bornes »42. Le designer travaille pour les usagers : de leur verdict, découle des contraintes et des normes, l’ensemble lui-même en évolution permanente. Toute la différence entre l’artiste et le designer se trouve là-dedans : le designer est soumis aux attentes, émises ou inconsciente de l’utilisateur, contrairement à l’artiste qui travaille à partir et pour son désir propre (ce dernier étant aussi une caractéristique nécessaire au designer). L’artiste tente d’exprimer son problème et d’y apporter une solution à travers l’art, « le designer affronte des questions de société pour tenter de les résoudre »43 : la pensée design est « socioplastique » est annonce les prémisses, de ce que nous analyserons plus loin, le Design Thinking. C’est dans cette vision, voire même, dans son intérêt, que lorsqu’on parlera du concept phénoménologique de l’effet, on parlera « d’oeuvre » pour l’artiste mais de « projet » pour le designer.

«L’expérience-à-vivre» dont parle Vial en continu dans ses ouvrages, se trouve dans l’essence même du projet : c’est là que doit se trouver la satisfaction des besoins, susceptible d’améliorer la qualité de leur existence, structurant les usages à travers des propositions formelles à vocation extraordinaire (qui sort du vécu habituel). Vial décrit cet événement comme une sorte de fonctionnement psychique à visée objectale : « soumis au principe de réalité, il ne peut se contenter d’investir sa libido sur le moi, et doit traiter avec ces «objets» extérieurs à lui-même que sont les autres »44 Le design n’est pas un acte de création, résultant

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d’un acte indépendant, individuel. Le designer partage, dans ses fondements et ses fondations, l’objet qu’il imagine pour le futur usager auquel il est destiné. Le designer met le cœur à l’ouvrage à offrir un service à autrui, pour lequel il porte la responsabilité d’enchanter son monde. De ce fait, découle la raison pour «laquelle le designer doit toujours justifier sa démarche et expliquer la légitimité de son travail »45: «le projet est un processus complexe d’objectivation de la subjectivité par l’image et par le discours qui propose et expose, qui explique, rationaliste et légitime»46. L’artiste lui, n’a pas d’explications à fournir pour expliquer son oeuvre : les couleurs, les formes, les matières… ne regarde que lui. Or, le designer doit se mettre en position justificatrice, afin que ses décisions soient reconnues objectivement et ainsi, acceptées par tous en leur apportant du sens. Patrick Jouin, cité par Vial sublimera cette profession par ces mots : « Le designer c’est quelqu’un qui est curieux, curieux des techniques, curieux des usages, curieux des comportements des autres et des siens propres. C’est quelqu’un qui doit injecter dans des objets d’usage une élégance, une poésie, faire que chaque moment de la vie soit un moment d’exception (...) Notre métier c’est de faire que tous ces moments soient des moments de qualité : que les objets ne nous encombrent pas, mais qu’ils soient au contraire des sortes de révélateurs de ce qu’il y a de mieux en nous ». L’artiste projette ce qu’il porte en lui, le designer projette la réalité, « c’est-à-dire une possibilité d’avenir réalisable. Le designer est un projeteur. Il jette en avant un plan, un dessein, une intention. Il a des vues sur l’avenir »47. Le designer, est une sorte d’être mystique, devinant l’avenir. Aujourd’hui, on peut décemment déclarer que le design est passé à une problématique d’expérience, à tendance prospective. Il officie comme « lien social »48 orchestrant les rapports entre les utilisateurs entre eux, et par rapport au monde.

B. Origine et évolutions historiques

du management

1. Les monastères : le projet spirituel managérial

Le management est la rationalité scientifique appliquée aux hommes. L’institutionnalisation du

management provient de la culture chrétienne : sa gestion s’est accomplie dans l’enceinte monacale, avant de pleinement s’accomplir dans le processus d’industrialisation du XIVème siècle. En effet, le rapprochement

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sonore entre « management » et « moine-agement »49 n’est pas anodin. La première forme institutionnelle s’est déroulée dans le monastère de St Benoît : son premier précepte associait la prière et le travail manuel (orare et laborare). «Le monastère met en scène dans un espace clos la foi et la raison technicienne. Il est le lieu qui fait lien avec Dieu et avec la communauté»50. Dans cet espace religieux vivent en coexistence deux dimensions, qui auparavant furent antagonistes : la prière, de l’ordre de l’esprit, comme fin et le travail, de l’ordre de la dextérité manuelle, comme organisation de l’ordre monastique. On retrouve cette pensée antithétique dans la Bible, plus précisément dans la Genèse : il écrit que Dieu créa le monde en sept jours avant de laisser la main à l’homme. En effet, la Création est incomplète et se doit d’être achevée par le développement du travail. Or, les textes se contredisent. Pierre Musso écrit que «Le travail est tantôt bonheur, tantôt châtiment, tantôt poursuite de la création, tantôt encore domination de la Nature. Dans Genèse II, 15, le Seigneur met l’homme au Paradis pour qu’il le travaille et le conserve : «Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden, pour le cultiver et pour le garder ». Mais dans Genèse III, 17-19, il le condamne par le péché originel au travail comme châtiment : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre, parce que c’est d’elle que tu as été pris ; car tu es poussière et tu retourneras en poussière». Dans Genèse III, 23, le Seigneur chasse l’homme du Paradis pour qu’il travaille la terre : « Dieu le fit sortir du jardin d’Eden, pour qu’il cultivât la terre d’où il avait été pris». Au début du chapitre 2, il est écrit que la création de Dieu attend l’homme pour poursuivre sa Création : « il n’y avait encore sur la terre aucun arbrisseau des champs, et aucune herbe des champs n’avait encore germé ; car Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol »51. Le travail apparaît dès lors comme un « châtiment »52 mais c’est seulement par cette punition que l’Homme peut accéder au Salut ; notion spirituelle qui ouvre à la délivrance et à la libération du péché pour accéder au Paradis et rejoindre Dieu.

L’Homme évite ainsi la condamnation éternelle, celle d’être en enfer. Mais pour ce faire, «l’homme déchu doit, pour sa pénitence, gagner son pain à la sueur de son front. Le christianisme a rendu sa dignité aux esclaves et a réhabilité le travail, et ce d’autant plus que par son activité l’homme poursuit la création divine »52. Grâce à la reconnaissance de la « valeur travail », le but est de trouver l’équilibre dans les diverses tâches que demande la vie quotidienne du moine. Dès lors, on peut résumer «la règle de Saint Benoît [...] dans le triptyque : Opus dei (prière), auquel « rien ne doit être préféré », l’obéissance sans faille à l’Être Supérieur,

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« Lectio divina (lecture de la Bible), comprendre le mystère de l’Eucharistie, « et Opus manuum (travail manuel, qui comprend l’artisanat, les travaux domestiques et l’hospitalité) »54 afin de réaliser l’union des deux premières. La vie religieuse se trouve ainsi rythmée par une organisation dite « rationnelle ». De par cette structure ternaire bénédictine, la « figure du pouvoir spirituel abouti »55 est normalisée et les ingrédients de l’industriation sont réunies. Durant tout le XIIème et XIIIème siècle, ces règles font ainsi la promotion du travail, non pas comme un moyen d’atteindre le progrès économique, mais comme une « nécessité à des fins religieuses et morales assurer sa subsistance et celle des pauvres, assurer son salut, etc. »56. Elles promeuvent ainsi un système rationnel expliquant le mystère chrétien de l’Eucharistie.

La vie est rythmée par l’alternance des tâches régulières et quotidienne et de la célébration des offices. Ces règles, « vont contribuer à faire naître une pensée économique et une action technique »57. Trois modèles de travail monastique vont être mis en évidence, par Isabelle Jouveneaux : • le travail ascétique : travail manuel à but spirituel qui occupe et combat l’oisiveté comme principale «ennemie de l’âme», et qui laisse l’esprit libre pour prier •

le travail de subsistance directe : l’exploitation agricole

• le travail commercial : travail rémunéré, contre salaire, ou travail commercial qui engendre un revenu d’un produit vendu, qui se trouve très fréquemment dans la modernité58.

Cet ensemble est réglée par « la liturgie des heures » : la communauté religieuse se rassemble huit fois dans la journée pour prier. Le reste du temps est partagé entre la lecture et le travail, déterminé par la règle de Saint Benoît, avec des temps fixes à variation possible selon selon les saisons, les horaires d’hiver et d’été, et les événements chrétiens (Carême, Pâques…) L’activité principale du moine étant de l’ordre du mystique, la prière, l’organisation de leur temps de travail se base sur la rationalité : y passer le moins de temps possible avec la plus grande efficacité. « Ainsi le rendement des moines se doit d’atteindre un niveau maximal puisque chaque minute donnée au travail sera une minute soustraire à la prière »59. Cette organisation basée sur des règles strictes, sociales et temporelles, de la vie collective a su traverser les siècles. La règle de saint Benoît est encore citée aujourd’hui comme un modèle de management dans la quasi-totalité des entreprises car perçus comme les « pionniers de la gouvernance efficace ». Les monastères bénédictins représentent la parfaite association des deux pans réglementés de la vie religieuse : le cheminement, inhérent à la vie

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la parfaite association des deux pans réglementés de la vie religieuse : le cheminement, inhérent à la vie monacale et l’idéal de vie organisée par la gestion des temporalités. Cette Règle rationalise, quantifie et calcule le temps. Elle représentent les prémisses de l’horloge, ou encore de la pointeuse d’entreprise, dans une structure combinant la calcul et la spiritualité. « Patriarche des moines d’Occident, saint Benoît est aujourd’hui encore le patron des ouvriers agricoles, des chaudronniers, des teinturiers et des ingénieurs civils - les pionniers du management »60.

De ce fait, « le monachisme bénédictin est sans doute la plus vieille multinationale du monde. Ce qui prouve que notre technique de « moine-agement », la règle de Saint-Benoît doit être performante »61. L’abbé Suger est le premier à tenir un livre d’administration62, achevé entre 1147 et 1149, juste après la reconstruction de l’abbaye de Saint-Denis : la rationalisation se réforme. Cet ouvrage novateur devient le premier traité de gestion, voire même de management. Le dessein du monastère et de l’entreprise est discordant, mais comme l’écrit Isabelle Jonveaux dans L’économie des monastères, elle assimile l’entreprise « à un groupe d’individus travaillant ensemble et poursuivant les mêmes projets comme l’est d’une certaine manière la communauté religieuse »63. Pour un but différent, des « règles du vivre » et d’organisation communautaire similaires. Lewis Mumford, dans La cité à travers l’histoire, appuie ses propos mais ajoute une préfiguration se rapprochant de la notion de « corporate », expression très souvent utilisé pour décrire la qualité d’un employé bien dans son entreprise et faisant partie intégrante de la société. Selon lui, « le monastère constituait, en fait, une cité de conception nouvelle, association ou plutôt fraternité d’hommes que des aspirations communes rassemblait non seulement au cours de cérémonies occasionnelles, mais dans une cohabitation durable (...).

La modération, l’ordre, la ponctualité, l’honnêteté, la discipline, y furent l’objet de soins attentifs, avant d’être diffusés parmi les populations des cités médiévales, puis d’inspirer finalement l’organisation du travail et ces inventions du capitalisme naissant : l’horloge, le livre de comptabilité, l’emploi du temps quotidien »64.

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2. La manufacture et l’industrie : le projet progressiste managérial

« Cette religion séculière a été patiemment bâtie dans l’arrière-boutique de la scène politique, combattant pour sa propre autonomie par rapport au religieux. Dans le silence des monastères, dans la pénombre des manufactures et derrière les fumées des usines, cette religion s’est développée jusqu’à advenir, aujourd’hui, en pleine lumière, à l’heure du triomphe de l’Entreprise et du Management universel » Pierre Musso, La religion industrielle

La deuxième forme d’institution à rationalité scientifique, c’est la manufacture. Apparu en 1443, ce

terme signifie littéralement « faire à la main ». Cet espace regroupe les différents corps de métiers manuels ainsi que les compagnons. « La différence entre manufacture et industrie n’est pas si nette. La manufacture est devenue usine en se dotant d’une cheminée et surtout en se mécanisant fortement »65. La manufacture, c’est surtout le versant par lequel, la Nature se trouve transformée par la science moderne ; tout est unifié autour d’un même ouvrage, avec une énième division du travail par tâche et avec un ensemble de personne enfermé dans un même lieu unique. La rationalité s’accroît dans les ateliers. En 1700, en Angleterre, Ambroise Crowley (1658-1713) instaure dans ses fonderies, manufacture de métaux, une stricte discipline avec des fiches horaires à la minute près. La communauté de travail se transforme pour être de plus en plus rationalité : le travail manuel cède sa place aux machines, plus performante sur qualité gain/temps et la concentration humaine.

Le premier ouvrage de management connu à ce jour, est l’ouvrage d’Alberti. Dans ce traité, il

explique la gestion « du foyer d’un point de vue technique, indépendamment de toute considération morale.

Le management a d’ailleurs longtemps signifié le soin domestique avant de devenir un corpus managérial destiné à organiser l’entreprise à la fin du XIXème siècle »66. Le livre III, consacré à l’Economicus, parle du management prodigué par Alberti, comme « l’art de gouverner la maison ». Il y préfigure les premières normes managériales, retranscrites dans les paroles entre un « marchand » et son « futur entrepreneur» : « Je voudrais des ouvriers et des apprentis à moi, et je ne m’occuperais de rien d’autre que de contrôler et ordonner afin que chacun fasse son devoir ». Le rôle de « marchand-manager » est ainsi clairement établi

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« activité permanente et rationnelle de l’homo faber qui ne perd jamais son temps, ordonne et contrôle, et ne se contente plus de la contemplation et du loisir de l’homo sacer » . Le marchand lui répondit qu’il « ne reste jamais dans l’oisiveté, je ne dors que quand je suis épuisé... je fuis le sommeil et l’oisiveté en faisant toujours quelque chose ». Ici, se prépare « la réprobation morale de la flânerie et se prépare la condamnation qui sera celle d’Adam Smith et de Frederick Taylor ». Musso ajoute ce qui sera le précurseur du manager67, le responsable qui manage des employés, avec toutes les responsabilités qui lui incombent: gérer, calculer, prévoir et créer de la valeur, « en un mot, le talent d’administrer ». Dans une ancienne abbaye, Jean-Baptiste Say fonde et dirige de 1805 à 1813 la filature de coton d’Auchy. Sa manufacture compte quatre cent cinquante ouvriers en 1811. « Il introduit la notion clé « d’entrepreneur d’industrie » pour désigner celui qui devient la figure symbolique de l’industrie, car, placé au coeur de la production. Il est défini comme « celui qui administre l’oeuvre de production »68.

La troisième, c’est l’usine, qui évoluera très vite vers la notion d’entreprise, sa forme contemporaine. Le mythe du progrès de l’Humanité crée la jonction avec la rationalité organisationnelle et l’économie industrielle. « La « Révolution industrielle » peut être considérée comme un des évènements majeurs de l’histoire économique et sociale de l’humanité »69 écrit Musso. En effet, ce changement de paradigme définit dorénavant une nouvelle vision du monde. Il faut “considérer l’industrie comme une vision du monde - une construction qui est objet de foi (fides), une « religion » - et non pas seulement comme un « phénomène historique » - de plus ou moins longue durée »70. L’Occident se bâtit dans cette nouvelle architecture fiduciaire. Il a, littéralement, fallu monter une « industrie », c’est-à-dire, « donner à l’Occident son échafaudage mythique»71. À l’origine, le mot « industrie » désignait une « activité secrète »72. Emprunté au latin, industria signifie une « activité, application», dérivant du terme industrius, « actif, zélé, travailleur ». Il est formé à partir de indu, forme archaïque du grec endon (ce dernier signifiant « en dedans », intérieurement). Il est par ailleurs, renforcé par le in en latin et du verbe struere. qui signifie originellement « arranger, disposer, entasser », puis « empiler avec ordre » et finalement « construire ». Struere veut dire aussi « tramer, machiner », sens qui renvoie à la ruse, à l’habileté et à l’adresse, mais aussi de struo, « entasser », « construire ». Il garde jusqu’au XIXème siècle, sa « qualification d’ingéniosité liée à un savoir-faire », « l’adresse à faire quelque chose », c’est-à-dire

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le talent et sera ainsi inscrit ainsi dans le Dictionnaire de l’Académie en 1964. Pour le dictionnaire Le Grand

Robert, « Industrie » signifie « qui prépare en lui-même ». « Le terme « industrie » contient souterrainement l’idée d’une intériorité, de quelque chose qui s’élabore en secret et se manifeste à l’extérieur, aujourd’hui par le zèle productiviste »73. On retrouve cette même définition dans le mot anglais industry qui désigne aussi communément « le zèle ou l’application au travail, ainsi que l’activité productrice et son résultat »74 toute activité productive que cela soit dans le monde agricole, commercial et manufacturier. En 1834, Victor Considérant utilise le mot « industrie » « dans sa belle et générale acception qui comprend tout travail utile à l’humanité »75. Enfin, à partir du XVIIIème siècle et suite au processus d’industrialisation qui se développe en Angleterre, juste avant la première grande Révolution Industrielle, Paul Harsin lui donne officiellement trois définitions : • celle d’invention et savoir-faire (qui, toutefois, a déjà tendance à ne plus être utilisé à l’oral mais plus qu’à l’écrit) • celle donnée dans le dictionnaire de Littré, « toutes les opérations qui concourent à la production des richesses : l‘industrie agricole, l’industrie commerciale et l’industrie manufacturière » • celle d’entreprise industrielle, sens que l’on retrouvera en français au début du XVème siècle sous «pratique d’une activité manuell »76 L’industrie est une activité manuelle, un métier, une profession, un travail, un art au sens d’artisanat.

L’industrie et son univers reste en relation avec le corps humain, et pas seulement relié à la machine. Il finit par s’imposer au XVIIIème siècle, dans la célèbre Encyclopédie qui, en 1769-1771, le décrit sous la forme « d’inventions de l’esprit en machines utiles, relativement aux arts et métiers », « technique industrielle, machinisme » au sens moderne et qui le demeure encore actuellement.

L’industrie, basée sur les préceptes du christianisme issues de la labeur monacale, représente la nouvelle architecture dogmatique. « L’industrie obéit à une croyance et impose une puissance matérielle. Là, s’esquisse une idée essentielle : l’industrie combine le mystère de la Foi et la puissance de la rationalité. L’industrie assemble les opposés. En ce sens, elle est comme la dialectique, une façon de nouer les contraires »77. La Révolution industrielle ressuscite les « arts mécaniques », que l’on place en opposition au «arts libéraux»,

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l’accent sur l’esprit. De l’autre, les arts libéraux liés à la dextérité manuelle (arts plastiques, notamment) à l’esprit. Ces arts étaient dits libéraux, car dans l’Antiquité ils désignaient les activités des hommes libres par opposition aux arts mécaniques ou manuels confiés aux esclaves. Mais, désormais, les hommes sortent de leur forme de passivité, la scolastique pour lui préférer des sciences appliquées et expérimentales. « Généralement l’industrie est abordée de façon positiviste, comme un fait, un phénomène, objet de l’histoire, de la sociologie, de l’économie, de l’ingénierie ou des politiques dites industrielles. L’industrie est de l’ordre de l’évidence, elle se voit dans les usines auxquelles elle est souvent réduite. Elle est présentée, fût-ce sur le mode de la rupture, comme le fruit du « progrès » scientifique et technique, l’accomplissement logique de l’homo faber ou du mythe prométhéen »78.

Lors de l’épopée industrielle du 19ème siècle, la nécessité de motiver les salariés était évidente : les industriels furent dans l’obligation de trouver un moyen qui réponde à la question « Comment faire travailler ces hommes ? »79. En effet, la révolution industrielle a bouleversé la vie quotidienne de l’époque en termes de rapport au travail, de rapport au temps et de rapport à l’espace. L’industrie était placé sous le sceau du taylorisme et de sa triade « process, reporting et indicateur de performance ». Une forme d’organisation militaire se met en place, avec pour unique but d’augmenter la productivité. Les techniques de production vont être rationalisées à l’extrême, par Taylor puis Ford : c’est la naissance du travail à la chaîne. Taylor pose ainsi les bases de l’organisation du travail que l’on nommera « scientifique ». Il en ressort quatre grands principes qui lui seront fortement caractéristiques : • la division horizontale du travail • la division verticale • du salaire au rendement • du contrôle au travail Ce système de management a pour but la régulation efficace pour assurer sa cohésion par la solidarité.

Il permet la mise en place d’incitations qui encouragent chacun à agir dans le sens de l’intérêt général et du plus grand nombre. A l’image des monastères bénédictins, tous les membres de la communauté doivent collaborer et oeuvre vers une même finalité. C’est à travers cet enseignement que le management

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s’accapare et fixe la normativité productive. Concernant la généalogie de l’industrie, plus une institution se trouvera de vigoureusement légitimé par des symboliques fortes, plus son efficacité économico-technique sera prospère. En effet, « aucune société ne peut se passer de croyance, de divinités et de leur mise en scène théâtrale et normative. Le rite complète le mythe. C’est pourquoi toute société bâtit une architecture dogmatique, une structure fiduciaire »80. Cette pensée se trouve même dans la définition de « dogmatique », dogma en grec désigne ce qui paraît, à la fois récit et pouvoir. Sigmund Freud dans L’Avenir d’une illusion en dessinait déjà les contours: « Si vous voulez faire disparaître la religion de notre culture européenne, ce ne peut être qu’au moyen d’un autre système de doctrines, qui reprendrait toutes les caractéristiques psychologiques de la religion : le sacré, la rigidité, l’intolérance, la même interdiction de penser pour se défendre »81. En définitive, l’industrie est l’allégorie du talent créatif humain. Elle incarne à l’extérieur, l’intelligence humaine comprise à l’intérieur. C’est projeter ce que l’on a en soi en produisant : l’homme devient ainsi un acteur de son monde à l’image de la puissance créatrice de Dieu. Le taylorisme représente ainsi la nouvelle cosmogonie : l’architecture fiduciaire tient désormais dans ce schéma ternaire - croyance légitimante, rationalité agissante, institution - tel que « le Christ-Roi est présenté comme médiateur entre ( et messager de) la croyance en Dieu et le dispositif normatif et législatif auquel sont soumis les sujets ou les citoyen »82. Ce triptyque est clairement établi dans le management : une foi fondatrice, une normativité et un médiateur qui tient les deux ensemble. « D’abord, elle délimite un lieu sacré, un Référent invisible ou symbolique (une divinité), objet de foi pour les sujets croyants : c’est « au nom de » ce mythe que se définit la croyance dans l’utilité, le Progrès, la science, le développement le bien-être matériel, la domination de la Nature. La religion industrielle parle « au nom de» ce Tiers référent, et comme toute religion, elle fonctionne aux promesses pour faire attendre ses sujets. Depuis le XIXème siècle, c’est le Futur et l’avenir de l’Humanité qui portent cette religion, au nom du bonheur et du paradis terrestre à venir. Ensuite, elle définit un ensemble de « préceptes du vivre », de techno-rationalités, de normes voire d’interdits dictés « au nom de « la Référence symbolique qui dit la Vérité. « La religion industrielle », concentre l’ensemble des rituels et des dogmes gouvernant le rapport des Hommes et de l’industrie. Il en découle des croyances humaines et des attitudes qui « appelle à l’efficacité, à l’organisation, à l’action et aux résultats « utiles ». Enfin, le Référent doit être « représenté », incarné, mis en scène et en textes par un messager qui est médiateur ou

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intercesseur. Cela passe par des représentations dont le corps est modèle (à commencer par celui du Christ ou du roi) des institutions à son image (Eglise, Etat, Entreprise) et des mises en scènes, des images, voire des propagandes. La religion industrielle est celle de l’Usine ou de l’Entreprise et le chef d’entreprise (l’ingénieur ou le manager) son messager et son corps »83. En effet, le management oriente l’Homme vers le Progrès (rédemption du péché), et ce, pour la promesse d’un bien-être futur (le Paradis). Cette nouvelle architecture fiduciaire charpente dès lors toute construction de croyance, ici le management pour le déploiement de l’industrie, autour d’une « communauté humaine organisée », expression qui se retrouve dans la définition de « la manufacture, de l’usine et de l’entreprise comme base de la religion industrielle. Elle est l’objet même du management qui vise la communion de cette communauté laborieuse »84. Pierre Legendre ajoute, dans son livre Dominium Mundi qu’ainsi, le management « livre une normativité mondiale », « joyau de l’Occident industriel et communicateur » pour mener à un « système industriel promu par l’Occident [rivalisant] avec le grand rêve religieux »85. C’est dans le sillon de sa pensée que nous inscrivons cette généalogie de la religion industrielle pour éclairer son processus de formation.

3. Le management en 2017

Ces méthodes vont durablement imprégner le monde du travail jusqu’en 1930. A partir de cette date, ce système de management sera remis en question suite à l’engendrement de conditions de travail très pénibles. Certains chercheurs, comme Elton Mayo, psychologue australien considéré comme l’un des initiateurs des recherches sur les relations humaines dans l’industrie, vont montrer les limites de ce système en mettant en avant l’influence des facteurs d’ambiance et de relations sociales sur la productivité et le rendement. Les limites du taylorisme vont être vites perçues mais non prises en compte. En effet, la période de reconstruction, qui a suivie les deux Guerres Mondiales, a permis de reprendre des conditions de travail favorables, freinées auparavant. Cette période, que l’on appelle les Trentes Glorieuses sera l’étendard de la prospérité économique et du plein-emploi, signe l’avènement de la société de consommation. La qualité de vie s’améliore considérablement et la population tentera d’acquérir le maximum de biens afin d’avoir un quotidien facilité et d’avoir du temps pour se consacrer à leurs loisirs. « Le taylorisme ne sera pas remis en cause durant cette période de frénésie économique d’autant moins que les Français se souviennent encore

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des privations et des traumatismes liées aux deux guerres »86. Mais, avec le premier choc pétrolier, survenu en 1973 puis en 1979, les années 80 font entrer le monde dans un format de concurrence impactant de plus en plus fortement la croissance individuelle. « L’économie devient mondiale et l’obligation d’être compétitif a des conséquences majeures sur le fonctionnement de l’entreprise, sur le management et donc sur les salariés.

Le système de production tayloriste est donc renforcé »87. Aujourd’hui, s’étend la prise de conscience qu’il faut désormais réviser ces règles de management. L’ensemble des pratiques de management actuelles, dérivées du taylorisme, ne sont plus adaptées à notre monde en constante mutation. Il est nécessaire de changer ces règles archaïques, ce management traditionnel qui handicape plus qu’il n’aide la progression de la croissance des entreprises. Ce néo-management se doit de redonner une place plus importante à l’humain, qui est lui le véritable atout de l’entreprise. « Le mouvement est amorcé et de nombreux dirigeants ont également pris conscience de la nécessité de reconsidérer la place de l’humain, notamment ceux qui ont contribué à la rédaction de l’ouvrage riche d’enseignements « Empreintes sociales ». Les dirigeants de Rhodia, Accenture ou Toshiba se définissent comme des « praticiens humanistes » et s’accordent pour dire qu’il faut “plaider pour que le retour de la croissance ne s’accompagne pas d’un retour à de mauvaises habitudes et à de fausses valeurs, mais qu’il soit l’occasion de replacer l’homme au centre de l’entreprise et d’agir pour le long terme »88. Le troisième choc pétrolier, survenue en 2008 a de nouveau plongé le monde dans une crise financière sans pareil. Elle renforce la nécessité de concevoir à nouveau des règles de management plus humaines. Selon une étude du groupe BPI89, les managers sont des atouts essentiels concernant la compétitivité économique d’une entreprise. Face à une crise financière, période de récession et de trouble, il importe que la motivation et le talent soit mis en avant dans la gestion de l’entreprise, afin qu’elle prenne la voie de la croissance. Les responsabilités reposent désormais sur un socle managérial plus humain, pour une meilleure performance au niveau employé donc aussi, économique : savoir rassurer les salariés, en favorisant les explications claires dans une bonne communication, permettre de maintenir le cap du développement (ou en cas de redressement) en proposant une adaptation libre donc plus réactive pour entraîner les équipes.

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01 ÉTAT DES LIEUX

En 2017, le management est décliné sous différents noms, aux caractéristiques plus ou moins communes: fair management, lean management, knowledge management, design management, agile etc. Le but est commun: ouvrir le champ de la créativité individuelle et organisationnelle afin de les exploiter dans la présentation des idées. Le design management veut placer l’humain au centre de la réflexion et se place du point de vue employé de l’entreprise. Stéphane Vial pense même qu’il n’existe aucune frontière claire et absolue entre le design et d’autres pratiques telles que l’art, le marketing ou l’ingénierie. « Le design est fondé sur une contradiction structurelle et historique »90, il est issu d’une réforme du champ politique, social et artistique. Né de l’industrie anglaise, suite aux effets catastrophiques sur l’homme (son aspect « socialiste »), il est aussi à l’inverse une invention capitaliste, (son aspect « contractuel »). Il s’est exporté en Allemagne, et grandit avec l’assomption de la production industrielle de masse, avant de mûrir Etats-Unis, sous le terme d’industrial design, sous le regard perçant de Raymond Loewy. Cette unicité est dénommé « injonction paradoxale », par Gregory Bateson. En effet, aucune autre activité ne réunit en elle autant d’ambivalence et d’authenticité politique. Le designer se doit d’être un socialiste capitaliste. D’un autre côté, le management par le design permet d’obtenir un format clair pour ainsi organiser une entreprise au pôle multidisciplinaire.

La Silicon Valley, pôle des industries de pointe, a développé le concept de design thinking afin d’impulser un nouveau souffle aux équipes de management. Herbert Simon, dans Les sciences de l’artificiel91, écrit que le design est conception. La conception, c’est la « faculté de comprendre », une « création de l’esprit ».

Son étymon provient du latin conceptio qui signifie « action de contenir, de renfermer » d’où « conception» puis « idée, pensée ». Mais le design va plus loin : il concerne désormais la résolution de problèmes92. Il est ainsi nécessaire de « dépasser le cloisonnement entre les disciplines93». Jim Hackett, PDG de Steelcase « ne s’inspire pas seulement du design pour créer des produits novateurs (...), il l’applique également au remodelage de l’ensemble de son groupe94 ». Tim Bown rajoute qu’« auparavant la technologie et la capacité de fabrication commandaient le développement des nouveaux produits, le processus d’innovation se fonde aujourd’hui sur les besoins des utilisateurs et des clients ». Il cite en exemple, Steel Case, qui s’appuie sur un processus de design thinking axé sur l’homme pour guider sa stratégie »95. A titre d’exemple, l’unité du groupe, Workplace Futures, qui « opère comme un groupe de réflexion interne », composé « d’anthropologues, designers industriels, de spécialistes de la stratégie ». Chargés d’enquêter sur le terrain, ils vont participer

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au développement des scénarios, répondant aux besoins détectés. Ensuite, ils aideront à réaliser les prototypes et exposeront « les opportunités potentielles à travers un récit convaincant ». En phase amont, ce travail préparatoire permet ensuite « aux équipes de vente proprement dite de collaborer avec les clients à la résolution de leurs problèmes au lieu de chercher uniquement à vendre la dernière gamme de produits».

De manière plus concrète, le programme Nurture s’est axé sur les environnements de soin en équipant le Metro Health Hospital de Wyoming, dans le Michigan, « établissement flambant neuf et à la pointe de la technologie» ou « le prototypage d’une chambre particulière pour le Sidney Hillman Health Center de New York ». Pour répondre au projet, l’équipe Nurture s’est posé des questions : « Comment pourrions-nous créer des zones d’intimité dans des lieux publics ? » ou « Comment pourrions-nous aménager l’espace de la salle de réveil, afin de concilier les diverses exigences des patients, des visiteurs et de l’équipe de soins » ? Hors pensée design, le brief de ces projets concernerait « des installations confortables dans la salle d’attente » ou « un système où conserver les effets personnels du patient ». Ils ont déplacé « le centre d’intérêt projet, du mobilier vers l’environnement de soin dans sa globalité ». Ce nouveau processus est une application pragmatique de la pensée design. Après ce questionnement, un atelier au cours duquel des designers de produit, des designers d’intérieur et des architectes travaillent avec des médecins, des infirmières et des patients pour étudier le sujet, prototyper les solutions possibles et évaluer les résultats »96. Les équipes ont ainsi mené des observations sur des environnements spécifiques afin de proposer un prototype fonctionnel et correspondant aux attentes de l’utilisateur.

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Lean Startup

Business Model Canvas

Lean Canvas

Eric Ries (2008)

Alexander Osterwalder (2004)

Ash Maurya (2009)

Pourquoi ?

• gérer le lancement d’un nouveau business et startup Comment ?

• technique de gestion rapide pour (in)valider «rapidement» un couple produit/modèle éco

Pourquoi ?

• formaliser un business existant (et un nouveau business) Comment ?

• synthétiser un modèle économique d’entreprise

Pourquoi ?

• formaliser un nouveau business et startup Comment ?

• Lean startup sous forme de business model

Agile Fondée par 17 experts en 2001 Pourquoi ?

• favoriser une approche bottom up Comment ?

• Conduire le projet sur un mode itératif incrémental, basé sur l’autonomie des ressources humaines

Team Building

Scrum

Issue de la méthode Agile (années 2000)

Jeff Sutherland et Ken Schwaber (2011) - Issue de la méthode Agile

Pourquoi ?

• renforcer la cohésion de l’équipe Comment ?

• favoriser la gestion du stress, la cohésion et l’esprit d’équipe

Pourquoi ?

• travailler dans un cadre de travail holistique itératif en s’appuyant sur un but commun (livrer un projet avec la plus grande valeur ajoutée possible) Comment ?

• améliorer la productivité de l’équipe

Figure 1 : Présentation de différentes méthodes de néo-management.

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C. Entreprise, design et management aujourd’hui : la force innovante

de la transdisciplinarité « Imite, assimile, et ensuite innove », Clark Terry, jazzman américain

1. L’innovation et l’innovation organisationnelle : définition et distinction

L’innovation se définit en deux points : tout d’abord, tant que processus dans l’action d’innover mais

aussi, en tant que résultat de cette action97. L’innovation se veut donc comme une nouveauté ou, comme l’amélioration notable d’un produit ou d’un service, selon sa fonction, son usage ou sa technologie, dans la méthode de commercialisation ou voire même, concernant une organisation. L’objectif d’une innovation est d’être une nouveauté pour l’ensemble du marché ou pour une entreprise spécifique, afin de conserver ou prendre un avantage compétitif durable sur un marché où l’obsolescence est désormais programmée. De manière plus académique, le Manuel d’Oslo, écrit à une seule main par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), se propose d’être la « principale source internationale de principes directeurs en matière de collecte et d’utilisation d’information sur les activités d’innovation ». Il y est déterminé les « principes directeurs pour le recueil et l’interprétation de données sur l’innovation ». A travers ce manuel, il y a été estimé le caractère systémique des activités d’innovation, les caractéristiques menant à ces activités ainsi que les facteurs influençant. « Combien d’idées fabuleuses prennent la poussière dans un grenier ? Combien de brevets déposés n’ont jamais été exploités ? C’est ce qui distingue l’invention de l’innovation98 ». En résumé, l’innovation est « une invention qui a rencontré un marché. C’est une invention qui répond à des besoins identifiés d’un groupe d’individus identifiés et dont la valeur perçue par celui-ci est monétisable à la hauteur de la constitution d’un modèle économique viable pour l’organisation à l’origine de l’innovation94 ». Quatre critères sont alors essentiels : caractère nouveau, clients, création de valeurs utilisateur et création de valeur business. L’innovation se décline sous trois formes100 : • incrémentale : on ne touche pas à l’identité du produit. On améliore ou on renforce une ou ou plusieurs caractéristiques de celui-ci.

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• radicale (ou de rupture) : l’intérêt est de créer un nouveau mode de consommation, divisant le Dominant Design sans le remplacer donc divise aussi le marché.

• référentielle : elle transforme les caractéristiques identitaires de référence en éradiquant le Dominant Design.

Le Dominant Design101 concerne les représentations identitaires d’un produit, sa définition d’usage fonctionnelle et émotionnelle admise de manière collective et ancrée dans l’esprit de tous. Dans le monde de l’entreprise, il signifie la stabilisation des caractéristiques du produit (architecture et performance), de sa production (processus) et de son modèle d’affaires. Dans tous les cas, le Dominant Design se place du côté consommateur, « plus l’innovation s’éloigne du Dominant Design, plus le produit porte des caractéristiques différentes, plus son potentiel de valeurs est élevé102 ». Il est divisé sur trois niveaux : • Action 1 : micro-segmente le marché • Action 2 : divise le marché • Action 3 : renouvelle le marché

Par ailleurs, il existe 2 principaux types d’organisation : • soit d’ordre économique (l’environnement instable et l’intensification de la concurrence ont favorisé les structures plus souples, plus adaptables et plus centralisées) • soit d’ordre sociétal (la responsabilisation et les aspirations du personnel poussent les dirigeants à la délégation du pouvoir)103 Lorsque l’on fait face à de nouvelles formes d’organisation, on appelle cela « l’innovation organisationnelle104».

Dans le rapport de l’OCDE (cf. Manuel d’Oslo), différentes définitions à propose de l’innovation non technologique sont partagées, telles que l’innovation organisationnelle et de marketing, et expliquant aussi les multiples liens qui existent entre les différents types d’innovation. « L’innovation organisationnelle désigne à la fois les nouvelles formes d’organisation du travail, les systèmes de gestion des connaissances, les méthodes de mobilisation de la créativité des travailleurs, ainsi que les nouvelles formes de relations entre les entreprises et leur environnement économique. Son objectif est d’améliorer les performances d’une structure en réduisant ses coûts de gestion et de fonctionnement, en améliorant le niveau de satisfaction de l’équipe, ce

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qui impactera favorablement sur l’amélioration de sa productivité »105. La gestion des connaissances et des compétences joue un rôle prépondérant dans l’innovation organisationnelle. En plus de demander un certain investissement dans la formation, en continue du personnel, il est nécessaire d’utiliser diverses méthodes d’expression, de circulation et de capitalisation du savoir et du savoir-faire accumulés dans une entreprise.

Il existe plusieurs méthodologie de conception dite innovantes, avec des facteurs clés de succès différents mais elles toute en commun la même culture. L’objectif est à chaque fois est identique : il est nécessaire de réconcilier les connaissances et l’imagination créative. Pour ce faire, le projet doit être co-construit avec l’aide de tous les acteurs disponibles dans l’environnement. En se focalisant sur les expériences et en exploitant la richesse pluridisciplinaire, la création de valeur pour l’entreprise est directement intégrée ainsi que l’identification de création de sens pour le client. La flexibilité utilisée permet de se mouvoir rapidement dans un environnement. « pluri, multi, inter (et pourquoi pas extra disciplinaire) les préfixes utilisés sont nombreux et chaque méthode a sa préférence. Mais ce qui ne change pas, c’est le fond : le croisement et les interactions entre plusieurs disciplines »106. Les concepts ne se ressemblent pas et chacun ne couvre qu’une, ou plusieurs parties, sans que cela soit l’ensemble. De la recherche d’idées à la mise sur le marché, chaque méthode apporte sa pierre à l’édifice de l’innovation. Et surtout, ils ne pas remplacent pas la performance démontrée par certains outils traditionnels. Il est très important de garder à l’esprit qu’il faut « le bon outil, au bon moment, au bon endroit et pour la bonne raison »107. Ces nouvelles techniques ne sont que des concepts novateurs, à utiliser comme des outils supplémentaires et non comme des outils éradiquant tous les autres, quelle que soit la problématique en traitement.

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ASIT

TRIZ Genrich Altshuller (1946) Pourquoi ?

• trouver des solutions scientifiques novatrices Comment ?

Concevoir de nouveaux produits en réponse au cahier des charges fonctionnel et amène au cahier des charges conceptuel

Roni Horowitz (1999) Pourquoi ?

• mettre en évidence l’hypothèse critique de «monde clos» Comment ?

• être créatif tout en «restant dans la boîte»

Théorie CK Concept Knowledge par Armand Hatchuel et Benoit Weil (96/2003) Pourquoi ?

• générer des idées d’innovation de rupture Comment ?

• réconcilie l’imagination créative et la pensée rationnelle

Figure 2 : Tableau présentant les différentes techniques d’aide à l’innovation.

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Design Thinking Naissance théorique avec Rolf Faste (1980) et popularisation par IDEO (2000) Pourquoi ?

• concevoir des innovations incrémentales et radicales Comment ?

• théorie Human Centric coordonnant désirabilité, viabilité et faisabilité

Management de projet par enjeux Frédéric Touvard (2010) Pourquoi ?

• favoriser la conception innovante Comment ?

• manager dans des environnements complexes et mouvement

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2. Une approche managériale de l’innovation approfondie : la théorie CK108

La théorie CK (Concept Knowledge) est un déclencheur et accélérateur d’idées. par Elle a été initiée

en 1996 par Armand Hatchuel, professeur à l’école des Mines ParisTech puis, en collaboration avec Benoît Weil jusqu’en 2003. Cette méthode fut aussi développée sous l’appellation KCP par Georges Amar, comme Knowledge Concept Proposition. Afin de générer des idées d’innovation de rupture, cette méthode permet de réconcilier l’imagination créative et la pensée rationnelle, en les scindant en deux espaces indépendants (C et K). Dans l’espace C, la logique n’a pas sa place : tout est possible. A l’inverse, l’espace K concentre la raison : espace des savoirs qualifiés en terme de maturité des connaissances. Les idées ainsi générées ne sont pas soumises aux préceptes de la rationalité scientifique. Le chemin entre les deux extensions légitime l’enrichissement mutuel jusqu’à générer la rupture identitaire du concept étudié. Cette méthode ne cherche pas à couvrir les phases de développement et de mise en marché : son avantage se trouve dans sa volonté d’expliquer le processus mental de la génération d’idées de rupture qui mène à la conception innovante.

En contraignant le cerveau à sortir de l’effet de fixation, on entre dans un monde psychique libre et sans jugement.

Quelle barre semple la plus grande ?

On pense la verticale or, les deux ont exactement la même taille. Sortir de l’effet de fixation c’est contraindre son cerveau à pour ouvrir notre créativité : il faut sortir de cette vision limitée du monde.

Figure 3. Exemple très souvent utilisé par Hatchuel pour expliquer l’effet de fixation.

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En sortant de l’effet de fixation, l’analyse du processus mental de conception innovante se met en interférence avec la sérendipité Cette dernière concerne le fait de découvrir de façon inattendue autre chose que ce l’on cherchait à travers des recherches scientifiques ou techniques. La pensée amène à cette découverte accidentelle, par des principes menant directement à la conclusion. La pensée passe d’un énoncé considéré comme vrai à une autre assertion. Ce mouvement de la pensée est aussi appelé inférence. Il existe trois types d’inférence : • déduction : démonstration qui amène d’une affirmation générale à une conclusion en particulier • induction : démonstration qui propose de chercher des lois générales à partir de l’observation d’un fait en particulier • abduction : conclusion à partir de l’observation d’un fait dont on connaît une cause et ce fait est dû à la cause Elle permet d’obliger le processus de créativité et donc de le rendre accessible à tous. L’aspiration à rendre ce système accessible pour tout le monde se retrouve dans le besoin de tous les profils, afin d’avoir une plus grande ouverture d’esprit. Encore actuellement, les pôles de Recherche & Développement, de marketing, de conception etc., travaillent en silo. « La restructuration systématique et permanente ne suffit pas » : la théorie CK permet de faire travailler ensemble les employés de chacun de ces pôles, de s’approprier leur connaissances et de stimuler la sérendipité. Le point de chute s’atteste dans la plénitude des connaissances dans l’espace K. Plus il y a de connaissances, plus il sera possible de faire émerger des concepts nouveaux dans l’espace C, donc en résultat, plus d’opportunités de création d’innovation de rupture. La force du designer se trouve dans sa capacité d’analyse des idées découvertes et leur rapport à l’utilisateur. Cette démarche permet d’amener à « l’inconnu désirable »109. Hatchuel explique qu’il faut « assumer la rationalité de l’inconnu ». L’entreprise actuelle a beaucoup de difficulté à différencier la rationalité de l’incertain à la rationalité de l’inconnu. En effet, il ajoute que « la question de l’innovation présente un changement profond marqué par l’émergence d’une forme d’innovation intensive ». En d’autres termes, les conditions de l’innovation effraient car ils créent une forme de rupture. Or, la théorie CK démontre que la théorie de la conception à travers l’inconnu peut et doit être rigoureuse, permet de contrôler cette rupture et ainsi, de ne pas la rendre automatique.

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3. Le design dans le management : les enjeux d’un projet stratégique

En 2010, une étude française110 démontre que les entreprises intègrent le design dans leur processus industriel pour des motivations qui relèvent de raisons différentes : augmenter la satisfaction client, rendre l’entreprise globalement plus créative, mieux différencier les produits et services, accéder à de nouveaux marchés ou encore, améliorer la compétitivité. Activité humaine communément admise, conceptuelle et issue de la culture et de la technique, il en ressort que l’activité principale de design et son intégration peut être séparée sur quatre niveau : « pas de design pour 60% des entreprises », « le design comme style » pour 17%, « le design comme compétence » pour 8% et « le design comme stratégie » pour 35% des entreprises. L’impact du design est jugé positif et considéré comme un élément moteur pour le chiffre d’affaire de l’entreprise, donc porte une valeur financière. Le point commun à ces quatre éléments, c’est que le design est vue comme une forme de créativité stratégique « organisationelle, « un processus de création et de captation des idées de valeur d’individus créatifs permettant le renouvellement d’une organisation spécifique»

». Dès lors,

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la stratégie design permet de rendre ces intentions concrètes. Adopter le design, c’est permettre à une entreprise d’avoir le potentiel de capter des idées issues de différents domaines : les arts, la technique, la technologie, la philosophie, le marketing, la sémiologie, la R&D etc. Quand est-ce que le design peut faire son entrée dans l’organisation d’une entreprise ? Il peut enrichir le développement vers de nouveaux marchés (très souvent à l’international, car en France, les entreprises, en particulier les PME, accusent un véritable retard dans l’intégration du design dans leur stratégie à la différence de nombreux pays tels que l’Italie, l’Allemagne, les USA, Suède etc…). Alain Cadix l’expose dans son mémoire Pour une politique nationale du design95. La france doit “mieux saisir et comprendre le design, son rôle, sa place”. L’ensemble des parties prenantes doit « mettre en oeuvre des démarches de design dans le plus d’entreprises possible et les accompagner ». A la fin, le pays doit « faire rayonner la vision française du design (designed in France) en Europe et dans le monde ». Le design peut être aussi une méthode managériale lors d’un changement significatif dans l’entreprise (changement du top-management, du nom de l’entreprise, restructuration et cession d’activités etc.), ou tout simplement, il peut intervenir pour préparer son propre développement en tant que nouvelle fonction dans l’entreprise.

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En plus d’être un moyen d’humaniser la technique, le design permet à l’entreprise d’avoir une démarche stratégique113, volontaire et structurée. En effet, il permet de rendre visible et lisible le cap choisi par la stratégie générale d’une organisation. Véritable méthode de prospective, il encourage à écouter les signaux faibles et à lire les tendance prochaines. En anticipant les évolutions des acteurs internes et externes, les nouvelles contraintes et/ou les tensions susceptibles de survenir entre groupes d’acteurs sont pris en compte dès le début du processus et ce, grâce à l’ensemble des outils issus du design. De ce fait, le design a entièrement sa place dans la stratégie corporate et du management de l’entreprise. Il contribue d’autant plus à être un avantage concurrentiel tactique. « La stratégie design incarne matériellement la vision de la direction et favorise sa déclinaison du niveau corporate à l’opérationnel comme le développement d’un nouveau marché, d’un nouveau produit ou d’un changement organisationnel »114. Un produit ou un service sont bien plus que le résultat d’un processus de conception et de développement sur lesquels, il est nécessaire de préparer sa rencontre avec un marché ou un public. Le design utilisé comme stratégie permet de scénariser, de façon clairvoyante et collaborative le comportement global d’une organisation, mais aussi de participer à la conception de la stratégie de développement. Les différentes branches de l’organisation de l’entreprise sont mises en cohérence et ensemble, dessinent une identité unique. Mais le design ne doit pas dénaturer l’entreprise, c’est pourquoi l’histoire de l’organisation influence la définition de son identité passée, actuelle et future. Pour être utilisé efficacement, le design comporte plusieurs étapes. Il faut que, au préalable, l’entreprise définisse ce qu’elle veut, peut et doit faire pour organisation son environnement et ce, à partir de la formulation de la stratégie de l’entreprise. Cette formulation doit être réalisée « à partir d’une vision stratégique réaliste et ambitieuse »115. Elle doit identifier les facteurs essentiels qui définissent son identité de l’entreprise ainsi, intégrer le design. En toute logique, les compétences du design doivent impérativement «impliquer le dirigeant (et le CODIR) dans la déclinaison matérielle de la vision»116 de l’entreprise. De la même manière, il est impératif de maintenir un dialogue régulier avec les personnes (dirigeants, salariés, clients, fournisseurs, partenaires…) prenant part au projet, sans oublier les différentes disciplines des sciences humaines et sociales (SHS) telles que l’ergonomie, la sociologie, la sémiologie, l’histoire, la psychologie, etc., afin de mieux apprécier les évolutions, anticiper les tendances et permettre la mise en cohérence de toutes ces dimensions dans l’organisation. Ce système est ainsi très bien traduit dans ce que l’on appelle le Design

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Thinking. ntégrer ce processus créatif de travail dans l’ADN de l’organisation n’apporte que des avantages : • ouverture des frontières de l’organisation vers l’environnement • création d’un écosystème pluridisciplinaire • une organisation plus agile

Le design permet de s’ouvrir à l’avantage concurrentiel, à condition que l’entreprise l’utilise de manière proactive. Durable dans le temps, il permet à l’entreprise de dépasser les organisations concurrentes en renforçant l’avantage compétitif d’une entreprise, voire même le créer. Il permet de matérialiser les décisions stratégiques à travers ses différentes facettes, en développant son orientation dès le début la stratégie design. De cette manière, elle peut retenir les indicateurs pertinents pour contrôler son développement et les contrôler régulièrement. D’un point de vue offre, des solutions ou des concepts, des produits ou des services émergent du processus de design. Le design transforme les outils spécifiques à la création de l’offre. Rendre visible la stratégie grâce au Design Thinking, permet de se rendre compte tôt des besoins et/ou techniques. « L’enjeu est de concilier les atours de la connaissance codifiée avec la créativité de la connaissance tacite117. « Comment peuvent-ils (les salariés) garder le temps nécessaire au recul, à la réflexion et à la créativité qui, par essence, demande du temps ? Ne convient-il pas, dans ce cas, de requestionner non seulement l’organisation mais aussi le management ? »118. L’interculturalité permis par le design, et issue du mélange des disciplines, de la prise en compte, dans et avec, le projet de l’utilisateur final, permet de mettre en place un environnement créatif efficace et de réaliser un bain de culture propre à l’entreprise mais aussi à l’usager. « Le management doit donc inciter à l’émergence de la créativité mais également gérer ses conséquences au niveau de l’organisation »119. Dès lors, la construction et la déconstruction de celle-ci dépendent de l’environnement dans lequel elle s’inscrit, et c’est de par les nouvelles méthodes de facilitation et de production d’idées que naît la créativité des salariés. La créativité peut se construire et se déconstruire et son émergence dépend largement de l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

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L’innovation a permis de mettre en place une organisation différente de la société. L’industrialisation remplace peu à peu la culture de l’artisanat en amenant de véritables transformations sociales, morales, et culturelles.

Aujourd’hui, les ré-organisations internes des entreprises font émerger de nouvelles formes de travail qui créent une rupture avec les formes hiérarchiques tayloriennes120, héritées de l’ère industrielle. Ces nouvelles pratiques organisationnelles « favorisent le travail en équipe, l’autonomie encadrée, le travail par projet, le temps de travail flexible, l’implication personnelle dans le travail »121. Les salariés se prennent désormais en charge, avec de nouvelles mesures d’attributions des responsabilités et du pouvoir de décision. Suite à ces changements, des résistances peuvent apparaître, source de tensions qui peuvent enchaîner sur des actes dramatiques, seront d’autant mieux maîtrisées si un dialogue social s’installe et accompagne ces nouvelles initiatives. « Dans de nombreuses études sur l’innovation et ses impacts, les innovations organisationnelles sont considérées comme une clé de réussite dans la mise au point de nouveaux produits, de nouveaux services et de procédés plus performants. Lorsqu’il s’agit d’innover dans les services, c’est-à-dire dans des produits immatériels, la dimension organisationnelle est souvent primordiale. Dans tous les cas, la convergence entre innovations technologiques et innovations organisationnelles apparaît essentielle »122. Outil véritablement prospectiviste, le design permet l’étude des causes techniques, scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l’évolution du monde moderne et la prévision des situations qui découlent de leurs influences conjuguées (définition de Gaston Berger). Il démontre que désormais, les frontières de création entre les sciences et les techniques, les sciences humaines et les sciences de l’art se sont élargies si ce n’est complètement floues. Le design se pose en véritable système stratégique, grâce à sa méthode de conception et d’innovation pertinente, globale, intuitive mais surtout empirique. La fonction n’est pas le seul moyen pour donner une crédibilité à l’objet.

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RECHERCHE PROJET / ETUDE DE CAS : LA TRIADE IDÉE - PROJET – USAGE

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A. Etude de cas 1 : l’entreprise Kodak face au

dilemme de l’innovateur

1. Historique de l’ascension de l’empire Kodak

L’entreprise Eastman Dry Plate Company a été fondée par Georges Eastman en 1881, avant de prendre le nom de Kodak en 1888. Il fait office d’exception tant il répond au mythe de l’inventeur solitaire enfermé dans son laboratoire. Parti de rien, il est à l’origine d’un véritable cataclysme dans l’univers de la photo, révolutionnant le marché grâce à son génie, associé à la technique et au marketing. Tout d’abord, il commence par vendre des plaques photographiques avant d’inventer en 1885, le film souple. Mais c’est en 1888, grâce à cette invention que le premier appareil-photo, avec une simplicité d’emploi inégalé qui permet le développement de la photo pour le grand public. A partir de 1898, le Folding Pocket (appareil de poche pliant) devient la norme et ce, pendant des décennies. En 1900, apparaît le Brownie, objet tellement simple et bon marché que la photo est désormais accessible à quiconque. Cet appareil-photo fait office de première innovation qui révolutionne la photographie. En 1976, Kodak possède pratiquement tout le monopole du marché de la photographie : 90% des films et 85% des appareils sont vendus aux USA par l’entreprise123. L’établissement se démultiplie en filiales un peu partout en France (1987 pour la première), ainsi que des usines en GrandeBretagne et en Australie. En 1907, Kodak emploie 5 000 salariés, puis 20 000 en 1927. Kodak se lance aussi dans la pellicule cinéma, ce qui ne plaît guère à Charles Pathé. Après des années en duel, leurs sociétés en France fusionnent en 1927 : c’est la naissance de Kodak-Pathé. En 1935, né le premier film, le Kodachrome et rencontre un véritable succès sur le marché amateur. Kodak n’ignore pas pour autant le numérique. Il invente même le premier appareil-photo numérique en 1975 mais ne l’offre pas au marché, de peur tuer son commerce dominant. L’entreprise change d’avis en 1990 et lance le DCS 100, mais qui reste très onéreux.

Elle collaborera plus tard, en 1994, avec Apple, pour lancer un produit plus grand public et présente en 2005 le « premier appareil-photo au monde équipé de Wi-Fi et capable d’envoyer les photos par e-mail »124. En 1986, Kodak deviendra même l’inventeur du premier capteur numérique mégapixel. Mais le il ne prendre le véritable virage du numérique seulement tardivement, en 2005 avec les appareils EasyShare.

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2. Les prémisses de la chute

L’entreprise connaît pourtant des difficultés depuis 1980. Fuji, son concurrent japonais se développe aux USA et gagne des parts de marché (11% en 1985, 13% en 1993)125. Une guerre des prix, en 1996, s’ensuite entre eux deux, et « érode sérieusement les marges, accentuant la pression sur Kodak qui prend conscience à cette occasion de sa structure de coûts très élevée et de l’inefficacité de son outil industriel que sa situation de monopole avait longtemps masquée »126. L’identité du film restant très forte, la vente d’appareils-photos est considérée comme secondaire, d’autant plus qu’elle leur est beaucoup moins rentables. L’année 1990 sonne le glas : Kodak se voit obligé de commencer à licencier et et la première purge débute dans les usines de fabrication. « Le réveil est douloureux et l’entreprise ne retrouvera plus jamais les marges qu’elle qualifiait elle-même d’indécentes »127.

Une entreprise se définit au premier abord par son identité. Plus l’établissement sera ancien, plus son identité sera profondément ancrée, dans sa culture, chez ses employés et au sein du réseau de valeur. Dès lors, la rupture sera appréhendée comme menace ou opportunité, selon la façon dont elle est perçue par l’entreprise, perception dépendant des éléments constitutifs de l’identité d’une organisation. En effet, c’est dans l’identité que se trouve l’impact décisionnaire de ses réactions face à son environnement. Même si l’entreprise en question a analysé minutieusement la situation, sa réponse sera inévitablement conditionnée pour être en rapport avec son identité et sa culture, quitte à utiliser le bourrage en répondant par une offre spécifique. C’est pourquoi, la photographie sans film vu comme un sacrilège d’où le premier appareil-photo numérique gardé secret.

De surcroît, Kodak, avec ses solides oeillères n’a pas manqué seulement le virage du numérique. Son identité lui a empêché d’avoir une qualité de visionnaire. L’appareil-photo numérique n’est pas la seule innovation d’avenir à laquelle l’entreprise a dit non mais elle a surtout renvoyés des personnes de talents. En 1945, Chester Carlson crée un système de photocopieuse révolutionnaire, dotée d’un processus sans consommable mais pour cette raison évidente, l’entreprise refuse d’en explorer les possibles profits. « A quelque chose chose, malheur est bon » Carlson fonde la société Xerox, en 1948, qui sera à l’origine des premiers photocopieurs.

Deux ans après, n’ayant pas appris de son erreur, Kodak réitère. Elle éconduit l’ingénieur Edwin H. Land,

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venu lui présenter le procédé de photographie instantanée, connu aujourd’hui mondialement sous le nom de Polaroid. Kodak mettra vingt-six ans à se lancer dans la photo instantanée, assortie à des années de procès avec Polaroid, pour se solder avec une amende de presque un milliard de dollars en 1991.

3. Sa chute : victime de l’innovation

Kodak, entreprise hyper innovante, à l’aube de grandes inventions avec un écosystème financier pourtant formidable, dépose le bilan en 2012. Pourquoi ? Car ils ne se sont pas mis à l’ère du numérique : le monde n’avait plus besoin d’eux. La rupture n’est pas un impact soudain : l’entreprise était au courant de tout et maîtrisait sa technologie. Mais, l’entreprise s’est vu face à un conflit de modèles d’affaires : ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas réussir dans le numérique en restant tel qu’elle l’était. Ils pris le tournant de l’innovation beaucoup trop tard : ils ont dépensé beaucoup sur le numérique pour finalement, se solder sur un échec. Kodak, c’est l’histoire de la « chute d’un c­ olosse, devenu trop gros, trop sûr de lui, qui n’a pas voulu prendre le virage du numérique qui menaçait son business model »128. Ils sont pris dans deux mondes : protéger l’ancien et créer le nouveau. En exemple, Fuji a quitté le monde de la photo et se porte actuellement bien. La véritable raison de l’échec de l’empire Kodak se trouve dans le manque de motivation à entrer dans l’ère du tout numérique. L’entreprise est parfaitement au courant que l’argentique sera inéluctablement remplacé par le numérique. Kodak compare les deux modèles d’affaires. Actuellement, son marché est basé sur la vente des films, sur les lesquels « il obtient une très forte marge »129. Le réseau de grandes et moyennes surfaces, ainsi que les buralistes, assurent la vente au détail du film. Le problème du numérique, pour Kodak, c’est l’absence dudit film. L’entreprise gagne alors l’argent en vendant les appareils or ils coûtent très cher et leur marge est quasi nulle dû à l’amortissement des frais de Recherche & Développement. Les appareils numériques sont réservés alors aux experts et ne se vendent via seulement des distributeurs spécialisés. On remarque alors que le premier réseau est parfaitement maîtrisé par Kodak mais sur le second… Tout est à développer mais aussi, à trouver non seulement une légitimité : les avantages concurrentiels de l’argentique deviennent inutiles dans le monde numérique.

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Le dilemme de l’innovateur est la véritable source du manque d’innovation arrivé à Kodak. Selon le dictionnaire Le Larousse, « en logique » , concerne l’« alternative entre deux propositions sémantiquement ou formellement incompatibles » ou encore, l’« obligation de choisir entre deux partis qui comportent l’un et l’autre des inconvénients ; alternative »130. Soit l’entreprise, prenait le courant disruptif très tôt mais, devait ainsi sacrifier son activité principale, le film. Se résigner à prendre le risque de tirer du profit dans une activité émergente et incertaine pouvait très fortement mettre en péril Kodak : la production de film et sa vente, représentait la totalité de son chiffre d’affaires. Or, si elle prenait le choix d’ignorer la rupture, de n’y rentrer que tardivement, le risque de déclin est irréversible. Et si la rupture réussie, l’entreprise disparaîtra. C’est donc ce qui est arrivée à Kodak : l’entreprise hésite entre la poursuite du nouveau marché, qui compromet son marché actuel, et la protection de son marché actuel qui l’empêche d’innover. Ne pas faire de choix, est, en lui-même un choix mais surtout, une démarche de prudence qui contribue au risque de compromettre son marché actuel ainsi que son marché futur. Kodak adopte une démarche qui lui semble prudente : protéger son marché actuel, celui du film. C’est ainsi, par choix de réduction de risque, qu’elle causera son échec ultérieur.

B. Etude de cas 2 : la machine à laver, objet-totem de l’innovation, transformation

radicale de l’économie et de sa culture

1. De la culture de l’artisanat à l’industrie

Une grande percée dans l’univers scientifique prépare la révolution industrielle. La mise au point de la machine à vapeur de James Watt, entre 1760 et 1783 sera l’avènement « mère » du progrès technique. Il permet la mécanisation systématique du travail au 19ème siècle. La mécanisation de l’agriculture provoque l’accroissement de sa production et de sa productivité puis s’ensuit la construction des usines. Cet élévateur industriel emmène avec lui une nouvelle masse de main-d’œuvre venant de l’artisanat, très souvent directement du monde agricole. Ce transfert professionnel transforme la société avec une grande ampleur : passage d’une culture du travail essentiellement fondée sur le métier artisanal à une culture du travail

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industriel. Un véritable remue-ménage dans la société est provoqué par le déplacement de la géographie de la main d’oeuvre par. L’exode rural se dirige vers la voie de l’urbanisation. Les conditions de vie s’améliorent et on voit apparaître la création de nouvelles classes sociales. La bourgeoisie devient le symbole de l’élite économique possédant le capital et les moyens de production. Quant à la classe ouvrière, elle forme de manière prépondérante le prolétariat industriel.

L’innovation a permis de mettre en place une organisation différente de la société. L’industrialisation remplace peu à peu la culture de l’artisanat en apportant de véritables transformations sociales, morales, et culturelles. « L’instrument le plus banal et le plus répandu, en l’occurrence la machine à laver, constitue, en ce sens, un témoin privilégié »131. Introduire la machine à laver à l’intérieur du foyer fut une véritable innovation. Le lavelinge est une devenu un produit multifactoriel qui franchit le cap de progrès technique. Pour développer la nouvelle mécanique des machines, les savoir-faire traditionnels, essentiellement agricoles ont été un appui.

En 1830 se développent les premières machines manuelles dites « barboteuses » grâce au constructeur français Flandria. Commandée par une manivelle à énergie mécanique, on effectuait un mouvement de vaet-vient dans une caisse en bois. La première machine à laver mécanique, dite «lessiveuse» apparaît en 1815, inventé par James King, et reprend le geste des lavandières. Dans un cylindre en bois rempli d’eau chaude, des pales tournaient à l’aide d’une manivelle. Le linge pouvait être ainsi nettoyé grâce aux frottements de l’eau contre les fibres textiles. Pour développer la nouvelle mécanique des machines, les savoir-faire traditionnels, essentiellement agricoles ont été un appui.

Laver son linge est une nécessité de la vie quotidienne et sa symbolique est très importante. La première machine à laver, en plus de demander beaucoup de force et habileté, est l’allégorie de la transmission de savoir-faire. La mécanisation du lavage du linge reproduit mécaniquement le geste humain : il est l’accès au sens. Ce patrimoine du geste ne s’apprend pas mais s’intègre par la pratique: c’est en voyant faire qu’on apprend, c’est voir avec les mains. Ce geste s’est culturellement dévolu à travers chaque génération de femme; du fait que l’on vit en famille, on hérite d’un patrimoine de geste contrôlé par l’entourage avec qui l’on vit. Il est un signal visuel et communique une information : la notion d’échange est prégnante. Le

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geste est l’expression de l’identité. C’est l’interaction, produite par le geste qui rend à l’héritage familial, sa suprématie. Le mimétisme du lavage devient un lien solidaire, invisible et inhérent à chaque génération de femmes de l’époque.

2. Rupture paradigmatique par l’invention de la machine à laver

« (Gervaise) n’avait aucun dégoût, habituée à l’ordure ; elle enfonçait ses bras nus et roses au milieu des chemises jaunes de crasse, des torchons raidis par la graisse des eaux de vaisselle, des chaussettes mangées et pourries de sueur. Pourtant, dans l’odeur forte qui battait son visage penché au-dessus des tas, une nonchalance la prenait. Elle s’était assise au bord d’un tabouret, se courbant en deux, allongeant les mains à droite, à gauche, avec des gestes ralentis, comme si elle se grisait de cette puanteur humaine, vaguement souriante, les yeux noyés. Et il semblait que ses premières paresses vinssent de là, de l’asphyxie des vieux linges empoisonnant l’air autour d’elle », Emile Zola, L’assommoir

Laver le linge est une activité harassante, physique qui se déroule dans un environnement insalubre. Les femmes s’arment de courage, malgré le caractère habituel de cette tâche. Jadis, laver le linge se déroulait entre femmes, le long d’une rivière, sur une pierre ou une planche inclinée, sans abri132 Ce n’est suite qu’à un besoin d’hygiène croissant, à partir du XVIII siècle, non sans lien avec la pollution industrielle, que les lavoirs ont été construits. Ils représentent l’ancêtre de la machine à laver actuelle. Les petits édifices qui protègeront par la suite les lavandières, eurent l’aspect de petit temple dans lesquels, cette tâche si répétitive et épuisante, se trouve valorisée et débarrassée de la souillure, purifiée, à l’image du texte de la Genèse.

Leur position agenouillée, donnant l’impression qu’elles font leur prière accentue le côté sacré du lavage.

L’intégration des applications du progrès scientifique dans le domaine privé confronte le design à la complexité du patrimoine d’habitudes de chacun. La métaphore du linge est une notion très représentative. Quand les vêtements sentent mauvais, quand ils sont tâchés ils sont donc sales. Avec le mouvement hygiéniste évoluant à travers l’amélioration des conditions de vie, la saleté est devenue la causalité des maladies. Le linge offre des réflexions dichotomiques. D’un côté, une acceptation de la saleté matérielle et de l’autre, la saleté morale.

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Le linge réalise la transition, de l’intime au paraître. On lave désormais son linge sale «en famille», on se cache presque. L’expression est limpide : on ne se retrouve plus au lavoir pour divulguer commérages et autres dissensions familiales (symbole du linge sale) mais tout se lave (ou se règle) chez soi, entre personnes concernées. L’expression d’individualisme familial s’inscrit fortement, les affaires personnelles restent confidentielles. Il est d’ailleurs une véritable projection de normes sociales. L’image traditionnelle de la femme la rend responsable de la propreté de la maison et de la bonne tenue de tous les membres de la famille. Les bourgeois et la classe moyenne se différencient au premier œil, par la qualité des vêtements mais aussi, par le niveau de crasse sur les vêtements. La saleté est ainsi le symbole du labeur, de l’effort fournit au travail, du mérite.

Les signes de résistance par rapport à l’acceptation des machines au début de sa conception font écho à l’émancipation des femmes. Très attachés à la mécanique humaine, l’industrialisation a développé l’acceptation d’une machine chez soi, issu d’un processus psychologique de reconnaissance des services positifs. Le foyer est le lieu de construction du fait familial : la famille se crée au sein des tâches ménagères.

On crée des liens familiaux, les corvées ne sont pas une activité négative car elles participent à la construction identitaire. La machine à laver est l’outil par lequel on passe d’un univers symbolique (homme – nature) à un futur univers artificiel (celui des appareils électroménager). Le monde des objets s’impose peu à peu à nous, le but étant de chercher à simplifier son environnement. Pour la population, cette nouveauté annonce la perte des savoir-faire du travailleur, l’ouvrier, contrairement à l’artisan, n’a plus le plaisir de produire. Mais, grâce à la diffusion dans l’objet technique une perception incluant l’ensemble des rapports de l’homme à la technique comme une démarche qui a participé à la construction même de notre humanité, le lave-linge et autres innovations ont pu se frayer une place dans nos intérieurs.

3. Innovation qui a servi à la libération de l’asservissement de la Femme

La révolution industrielle a permis d’instaurer le nouvel essor de la place des femmes dans la société.

Grâce à ces innovations, la femme s’offre un gain de temps considérable. Nul besoin de se déplacer au lavoir, la lavandière ne s’agenouille et ne se courbe plus pendant des heures. Elle ménage alors son dos et cette

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innovation demande moins d’opérations techniques. Le linge sale se lave désormais en privé. Phallocratie et patriarcat, « maître » étalon au 19ème siècle, l’introduction de la machine à laver a permis une rupture paradigmatique. En effet, les signes de résistance par rapport à l’acceptation des machines au début de sa conception font écho à l’émancipation des femmes. Très attachés à la mécanique humaine, l’industrialisation a développé l’acceptation d’une machine chez soi, issu d’un processus psychologique de reconnaissance des services positifs. La machine à laver est l’outil par lequel on passe d’un univers symbolique (homme – nature) à un futur univers artificiel (celui des appareils électroménager). Pour la population, cette nouveauté annonce la perte des savoir-faire du travailleur, l’ouvrier, contrairement à l’artisan, n’a plus le plaisir de produire. Mais, grâce à la diffusion dans l’objet technique une perception incluant l’ensemble des rapports de l’homme à la technique comme une démarche qui a participé à la construction même de notre humanité, le lave-linge a su se frayer une place dans nos intérieurs. Le concept anthropologique s’orchestre alors, selon un rapport d’opposition : les tâches domestiques vont aux femmes et l’activité professionnelle aux hommes. La ménagère est alors très valorisée et revêt un rôle majeur. La machine à laver devient le porteparole de la libération de la femme. Féminisme, et innovation, même combat : « Car le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse ; c’est aussi à la promesse, ou du moins l’espoir, d’un monde différent et qui pourrait être meilleur (...) on ne nous parle jamais de ces femmes qui se sont battues pour nous. Car c’est toujours une lutte de femmes qui a présidé à l’amélioration du sort des femmes (...) ces «effrontées» qui, dès la Renaissance, à une époque autrement difficile que la nôtre, eurent l’audace et la générosité de coeur nécessaires pour quitter la dignité et la sécurité d’un foyer et affronter l’ironie, l’hostilité ou la prison133 ».

Le processus d’émancipation des femmes s’effectue grâce au développement de l’accès au savoir dispensé aux jeunes filles. La réduction du temps de travail permet à la femme d’utiliser ce temps libérée pour commencer à s’éduquer, rentrer dans la vie active, puis s’octroyer des loisirs. Par l’éducation, les femmes, qui jugeaient « normales » leur situation prennent conscience qu’elles sont de véritables actrices indispensables à la vie quotidienne, qu’elles mènent une vie de coexistence égale à l’homme, tant dans la prise de décisions que dans sa nature d’être féminin. « Plus que la pilule contraceptive, la machine à laver a représenté une

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que dans sa nature d’être féminin. « Plus que la pilule contraceptive, la machine à laver a représenté une véritable émancipation pour la femme »134. Objet à l’essence féminine, c’est cette « culture des femmes (qui) a fait de la machine à laver française une machine pareille à aucune autre » dixit Quynh Delaunay. Le lavelinge permettra à la femme de se libérer du joug phallocratique et de sa routine séculaire. La perte du savoirfaire au profit du repos et de la connaissance, est nécessaire pour améliorer la condition féminine. Gain de temps et de connaissance, la machine délivre ainsi les prémices de l’affranchissement de la femme en tant que ménagère. Anne Beayert-Geslin, dans son livre Sémiotique du design, explique que «le sujet s’approprie alors l’objet et s’identifie à lui pour organiser son parcours quotidien. Par cet échange, le sujet autonome contrôle le sens en même temps qu’il se construit en tant que personne». Le lave-linge deviendra alors un élément perturbateur qui vient bouleverser la stabilité de la situation entre les hommes et les femmes dans leur conception sociale préétablie. En définitive, « cet outil quotidien» est « un objet technique qui parle des femmes » conclue Quynh Delaunay mais il a surtout permis à la femme de se libérer elle-même.

C. Evaluation : comment éviter la tragédie et prendre le chemin de la réussite ?

Trois leçons issues du design à retenir

pour le management aujourd’hui

1. Enseignement n°1: Du chaos naît l’harmonie - ne pas avoir peur de se réinventer

Aujourd’hui, Fuji, le principal concurrent de Kodak est toujours présent sur le marché et se porte plutôt bien. La réponse évidente serait de se dire qu’il a basculé dans le numérique, niant son identité ? Bien au contraire, l’entreprise Fuji n’a jamais tenté d’aller vers le numérique (pas de produits d’appareil-photos numériques, d’imprimantes, de site web pour télécharger les photos et les imprimer) : elle a compris très tôt que l’argentique était condamnée. Le monde de la photo n’avait plus besoin de Fuji car ils n’avaient plus besoin de chimiste ; or c’était son cœur de métier. L’abandon de la photo lui a permet de se concentrer sur des applications où ses compétences de chimistes seraient mises à profit. En résumé, Kodak a essayé de forcer d’adapter l’innovation à son identité, cette dernière étant majoritairement exprimée par son domaine

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d’activités (la photo) au lieu de prendre en considérations ses compétences techniques comme Fuji. Force est de constater, que malgré le fait que Kodak aura reconnu le déclin proche de l’argentique, elle forcera la rupture pour qu’elle corresponde à son identité en créant l’appareil-photo Advantix, machine numérique utilisant un film. L’essence de la révolution numérique ne se trouvait pas seulement la photographie. Le problème de Kodak ne fut pas le numérique mais bien sa prise de position pour défendre l’argentique. Quand l’entreprise a mis au point le premier appareil-photo numérique, sa réaction fût de l’ordre de « on a certes travaillé dessus, mais on le sortira quand on en aura besoin ». Il est très difficile de savoir ce que veulent vraiment les consommateurs et comment ils choisissent plutôt tel produit ou tel service. C’est une question complexe et dépend de stratégie, de politique, des fluctuations de mode etc. En contrepoids des avantages qu’offrent la création de startup, ils ont le poids du passé, de la culture de l’entreprise donc ils se retrouvent coincés dans un modèle, presque, fossilisé.

« Un modèle d’affaires décrit comment vous allez gagner de l’argent » est la définition pertinente donnée par Steve Blank, Serial-entrepreneur et leader d’opinion de la Silicon Valley. Le modèle d’affaires (ou business model en anglais, et plus couramment utilisé) décrit la manière dont l’entreprise va gagner de l’argent et ce, dans la durée. Le modèle d’affaires se place comme miroir pour représenter la logique de développement de l’entreprise et ses choix stratégiques pour créer, capturer et partager la valeur. Créer de la valeur se rapporte à la proposition, qui permettra à l’entreprise de se distinguer, grâce à la manière dont l’entreprise va mobiliser ses compétences et celles de ses partenaires pour fournir cette valeur et la capture (source et structure des revenus). Cette dernière sera ainsi proposée aux futurs clients et utilisateurs. Le partage de cette valeur va ainsi structure des coûts et sa scalabilité. Afin de tirer profit de la possibilité de croître et d’en tirer les avantages conséquents, la valeur sera répartie au sein d’un réseau de valeur comprenant plusieurs acteurs : actionnaires, salariés, fournisseurs et autres partenaires, distributeurs, prescripteurs etc. Eastman et son entreprise Kodak ont favorisé la disparition du métier de portraitiste, à l’instar de Schumpeter, “la rupture détruit des métiers et en construit d’autres ». En exemple, aujourd’hui, on fait des photos avec son téléphone portable, et nous ainsi face à la disparition progressive des appareils-photos, du fait de sa démocratisation… L’amateur devient consommateur d’art. Beaucoup de chose se sont transformé

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avec l’appareil car il a eu une influence colossale sur les vies quotidienne, l’économie, la vie politique etc.

Actuellement, les photographes professionnel se trouvent « uberisés » et impuissants face à la révolution Fotolia, Istockphoto ou encore Shutterstock. Il quasiment impossible de rendre prévisible le comportement consommateur. Comme l’explique Philippe Silberzahn, l’attractivité d’une opportunité, est somme toute relative. Le modèle d’affaire c’est la logique qu’utilise une entreprise pour créer de la valeur : il représente l’entreprise.

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PROPOSITION DE VALEUR

FORMULE DE PROFIT

RESSOURCES CLÉS

PROCESSUS CLÉS

VALEURS CLÉS

R

P

V

Figure 6. Modèle d’affaires (adéptés de C. Christensen et M. Johnson). Source : P. Silberzahn, Relevez le défi de l’innovation, p.57

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02 RECHERCHE PROJET / ETUDE DE CAS

Le design permet de faire un lien stratégique avec le modèle d’affaire. En effet, le design est un facteur essentiel de différenciation des produits et services. De part une vision globale il permet une juste mise en relation des interlocuteur. La structure tarifaire ne fait office que de couche épidermique et pour rester dans la course à l’innovation, il est primordiale de savoir adapter son modèle d’affaire. La valeur dépendant des évolutions de la société, le design permet d’être flexible car il permet de sortir de l’effet de fixation. « Tant que l’environnement ne change pas, c’est la recette de son succès. Mais s’il change, la réticence à remettre les - R(essources) P(rocessus) (Valeurs) en question pose problème »135. Changer de modèle d’affaire, c’est changer l’allocation de ressources, de processus et de valeurs. C’est amener une intuition, une découverte, un projet au stade commercial. « La théorie de la chaîne de valeur elle- même est remise en cause car les sources de valeurs se déplacent ». Bruno Caillet, designer pour Artishoc, cite en exemple la relation entretenue entre Dacia et Renault. “Qui aurait dit, il y a 10 ans, que c’est Dacia qui porterait aujourd’hui Renault” ou encore Nokia et l’arrivée du smartphone ? “Ces processus provoquent une déstabilisation des mécanismes classiques”. La marque Dacia a permis à Renault, de reconquérir le marché automobile grâce à son positionnement en entrée de gamme. La célèbre entreprise française avait précédemment échoué avec son véhicule haut de gamme Vel Satis. Le modèle proposé, audacieux dans son esthétique, ne correspondait pas aux attentes de la clientèle, plutôt conservatrice 136. Nokia avait très bien conscience de cette innovation mais elle ne l’avait pas soupesé avec gravité. « Pour Nokia, l’iPhone était sympathique, mais c’était un jouet. De toute façon, c’était bien connu, Apple était habitué à prospérer sur des niches à 2%, donc pourquoi s’inquiéter? Et de toutes façons, un téléphone à écran tactile, on en a un dans nos labos, vous allez voir ce que vous allez voir » . Le monde économique a pu voir Nokia être démoli par Apple et son smartphone. Leader mondial en 2008, avec 38% de part de marché, Nokia met la clé sous la porte cinq ans après137.

2. Enseignement n°2 : Pour innover, penser « avec » et « pour » les usagers

Les lavandières ont commencé à disparaître peu à peu, au début du XXème siècle, période de la Révolution industrielle et l’apparition des premières machines à laver. Concernant la machine à laver, on remarque que ce n’est pas l’abondance de ressources, ni la vitesse du changement, mais grâce à l’intérêt que le produit

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représenté en rupture pour le quotidien féminin qu’elle pérennisée. L’opportunité que représentait l’innovation était attractive et fut rationnellement acceptée puis adaptée. En 1920, apparaissent les premières machines électriques. On remplace la manivelle pour agiter le linge par une courroie à moteur électrique. Les autres manipulations restent manuelles, mais ce système utilisant l’électricité permet d’atténuer la pénibilité du brassage. A partir des années 50, les machines s’automatisent grâce à l’apport de programmateur, pressostat et électrovanne. Mais c’est dans les années 80 que l’on voit apparaître les premiers modèles que nous connaissons actuellement. L’électricité amenant l’électronique, les foyers sont désormais pourvus de machines réactives qui ne se contentent pas de réaliser le programme défini à l’avance, mais qui modifient certains paramètres (niveau d’eau, cadence de brassage, essorage) en fonction d’informations données par divers capteurs. Aujourd’hui, les utilisateurs peuvent faire peser le linge pour une plus juste consommation, comporte des interfaces tactiles… voire même lancer une machine de leur smartphone grâce à l’application connectée.

« C’est un changement de paradigme qui gagne en puissance : les consommateurs produisent et utilisent les premiers prototypes, leurs pairs sélectionnent les innovations qui peuvent s’adresser à un marché plus large, les professionnels commercialisent les innovations les plus largement désirées. Le coût de l’innovation s’effondre grâce à des outils de conception meilleurs et moins coûteux, et des dispositifs de prototypages meilleurs et moins coûteux », écrivent Eric Von Hippel, Jeroen P.J. De Jong et Susumu Ogawa dans The Age of the Consumer-Innovator, MIT Sloan Management Review en 2011. Eric Von Hippel, chercheur au Massachusetts Institute of Technology a remarqué sur sur beaucoup de marché, les innovations les plus importantes provenaient au départ d’utilisateurs avancés. Ces innovations étaient ensuite reprises et industrialisée par les entreprises, comme nouveau marché ou pour renouveler leur modèle d’affaires. Ce processus ancien n’est simplement précurseur du monde industriel d’aujourd’hui. En effet, il porte un rôle important du fait que le numérique, l’internet et les fab lab brouillent la frontière qui séparait autrefois, amateurs et professionnels. Les entreprises trouveront donc tout intérêt à travailler avec leurs utilisateurs dans un esprit de co-conception de leurs produits. En conclusion, le processus industriel habituel, allant initialement de la Recherche & Développement jusqu’à la mise sur le marché, est tout simplement inversé.

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Lors d’une innovation, l’enjeu important est important. Les ruptures sont autant des menaces pour une entreprise existante, qu’elles sont aussi des opportunités à savoir saisir. « Les rupture d’aujourd’hui sont les marchés de demain pour qui sait les exploiter »

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écrit Silberzan. Les entreprises ne doivent pas être

prisonnières de leur présent. Ces opportunités de pérennisation se trouve dans la capacité de l’entreprise à synchroniser le passé, le présent et le futur. Comment ? En se basant sur la compréhension des besoins et des attentes des utilisateurs, plutôt que de se baser sur la technologie. L’utilisateur est un marqueur temporel : il fait évoluer et évolue avec avec le monde l’environnant. En se confrontant très tôt au marché, l’entreprise peut ainsi récupérer les feedbacks informatifs et ainsi, avoir toujours une longueur d’avance sur la concurrence. Sans vivre dans la nostalgie du passé ou espérer un futur paradisiaque, l’entreprise doit tre capable d’analyser et de s’appuyer sur son expérience afin de garder une visée rationnelle tout au long du processus. Désormais, le management actuelle doit s’inscrire dans le temps : la puissance et le pouvoir ne sont plus les nouveaux dieux guidant les ouvriers.

3. Enseignement n°3 : « la rupture est un processus, pas un événement »139 ou la phénoménologie de l’innovation

L’observation est le meilleur atout pour suivre le processus de rupture et d’innovation. « Branloire pérenne », écrivait Montaigne dans ses Essais, en parlant du monde. Tout change, évolue mais aujourd’hui, la vitesse est plus que de mise et devient une condition sine qua non de notre société. Cette dernière ne semble jamais avoir changé aussi fréquemment et intensément, laissant l’entreprise démunie. De ce fait, l’Human Centric, comme objectif, sont les concepts majeurs de l’innovation pour aller allier rapidité et efficacité. Il faut oublier désormais, l’image extraordinaire d’un génie travaillant seul dans son laboratoire et trouvant le SaintGraal qui révolutionnera le monde. Pour être en avance sur l’avenir, il ne faut pas pour autant trop anticiper.

L’innovation est le résultat d’une richesse pluridisciplinaire qui s’accomplit dans le temps. On s’accorde à dire que l’innovation, c’est l’avenir, mais il faut garder à l’esprit que sa principale caractéristique est son imprévisibilité. Il n’existe pas d’oracle extra-sensoriel qui permettra d’atteindre la rentabilité forcément là où on l’attend. Le suivi en temps réel devient un facteur avantageux : il permet d’agir instantanément et non de se contenter de réfléchir après la réception du résultat. En définitive, il faut savoir maîtriser son passé tout en

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étant capable de s’en libérer, de regarder vers l’avenir avec un oeil ouvert et bienveillant. Appliquer ces leçons au présent permettra de bénéficier d’un état des lieux complets et de définir les approches organisationnelles pérennes et surtout, adaptées. La machine à laver et son évolution sont à la source d’une libération d’une force de co-construction pluridisciplinaire et de créativité individuelle comme collective. Elle fût un objet flexible qui a su se mouvoir rapidement dans un environnement en perpétuelle évolution et qui s’accélère de plus en plus. De la raison à l’intuition, la machine à laver n’a cessé d’être réhabiliter progressivement selon divers modes de pensées. Les gains de créativité concernant leur performance ont remplacé les gains de productivité et marquent désormais la différence sur le marché industrielle.

Le succès d’une entreprise dépend donc de l’exploitation des ressources à bon escient, avec des processus facilitant ce qui se doit d’être accompli, non sans oublier les valeurs qui lui permettent cette opportunité. « Si ces conditions ne sont pas remplies, l’opportunité n’est pas attractive et ne peut être exploitée avec succès », éléments qui participent à forger l’identité d’une entreprise. Son identité est caractérisées par des éléments centrales et durables selon les considérations des membres, et qui déterminent comment ceux-ci s’associent à l’organisation (statut juridique, domaine d’activité, rayonnement économique etc.). Dans les ressources à utiliser, l’espace d’innovation doit être présent et créer un lien social avec l’extérieur. En effet, la créativité, la naissance d’une idée n’est pas le monopole des employés de l’entreprise. En encourageant le développement de la sensibilisation client ainsi que l’encouragement de l’expérimentation, on évitera le syndrome du laboratoire qui invente plein de choses mais qui ne rencontre jamais un possible marché. En finalité, le système de gestion doit mettre en places des processus qui développeront l’amorçage de projets innovants, ainsi que des analyses de causes de réussites et d’échecs sur un projet pour prétendre à réussir.

En adaptant sa gouvernance, la direction doit s’engager à pousser les employés dans leur action d’innovation.

Elle doit encourager l’exploration et de permettre ainsi le travail en co- création car les idées de ruptures efficaces résident très souvent en dehors de l’organisation. La trinité management - innovation - pérennité de l’entreprise du système d’innovation à l’Unité d’Affaires Adresse (groupe La Poste) va être ainsi analysée, à travers le point de vue global du designer. Les observations issues vont permettre de se concentrer sur le jeu des interactions entre ce lot d’idées et le design.

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02 RECHERCHE PROJET / ETUDE DE CAS

RÉUSSITE - valeur business - Human Centric - sens pour l’utilisateur

CONNAISSANCE - veille - recueil de données - analyse des données

IMAGINATION CRÉATIVE nouveauté et progrès

HORIZON DE VISIBILITÉ

RÉFLÉXIVITÉ - s’adapter aux modifications de l’environnement - réduire la vitesse de perception des problèmes et les délais d’application des grandes décisions FLÉXIBILITÉ - capacité de remise en question - dynamique du changement

Figure 5. Iceberg de l’innovation réussie.

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CULTURE DE L’ÉCHEC expérimenter, apprendre et réitérer > apprentissage continu

PATIENCE une innovation met du temps à intégrer un marché et à être acceptée

RECHERCHE PROJET / ETUDE DE CAS 02

BONNE GESTION gestion à bon escient de ses ressources

CE QUE LES PERSONNES EXTÉRIEURES VOIENT

COOPÉRATION valoriser la création et le mérite collectif

ACCEPTATION DU RISQUE endosser la capacité à résoudre des problèmes

CONCEPTION GLOBALE - avoir une approche globale des problèmes - savoir analyser la complexité - processus de conception en coexistence et/ou complémentaire (pas d’évolution linéaire ou séquentielle)

CE QUE L’ÉQUIPE INTERNE VOIT

PARTICIPATION DES CO-ACTEURS - utilisateurs (non-utilisateurs, non- clients, utilisateurs potentiels, consommateurs) - équipe pluridisciplinaire (interne, externe) - spécialistes - fournisseurs - secteurs divers > activité collective qui fait sens

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L’innovation organisationnelle et la transformation managériale 03

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L’innovation organisationnelle et la transformation managériale : la belligérance du cas de l’Unité d’Affaire Adresse (groupe La Poste) 140

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03 L’innovation organisationnelle et la transformation managériale

A. Programme d’excellence : “La Poste 2020 :

Conquérir l’avenir”

1. A l’assaut du monde du service : le groupe déploie son plan d’attaque

Exprimé en novembre 2015 et lancé le 2 février 2016 pour la première fois, la direction du groupe a donné « le cap de la conquête, de la croissance et du développement », vers le monde des services. Ils ont pris la décision de « ne plus subir et de passer à l’offensive ». L’ambition de l’équipe dirigeante, est de doubler l’effet des « plans d’actions de conquête, en passant de 770 M€ à 1,6 G€ ». Depuis, une nouvelle équipe de comité exécutif a été mis en place, avec une « nouvelle gouvernance matricielle composé de Business Units, de directions opérationnelles et de directions de métiers ». Les contrats d’objectifs autour des « plans d’actions » tournent autour de trois axes : « Conquête » - « Excellence » - « Engagement », afin que l’organisation apporte “toute l’énergie et le souffle pour accélérer”. L’entreprise veut se donner les moyens de rendre cette « ambition pour 2020 » atteignable grâce aux « feuille de route », aux « véhicules pour (les) y conduire et surtout parce qu’(ils ont) les femmes et les hommes pour le faire » et surtout « la culture terrain qui est la leur ».

Son activité historique est fortement « challengée ». L’Unité d’Affaires Adresse fait partie de la Branche Service Courrier-Colis (BSCC), une des cinq branches constituant le groupe La Poste. La BSCC représente la moitié du chiffre d’affaires du groupe et réalise 70% de ses activités sur le marché. Or, malgré ce chiffre haut, le marché est en baisse sensible du fait de l’explosion des échanges numériques, au détriment de la lettre. La BSCC se trouve face à un choc technologique que nul ne peut contester. La direction a pris la décision stratégique d’investir dans le réseaux de proximité, composé de factrices et de facteurs. Leur but ? Remplir cette mission de service public qui est la leur : devenir le premier opérateur de services de proximité humaine et numérique. En effet, les factrices et facteurs sont et resteront les acteurs de proximité et de confiance, au contact de tous, partout et tous les jours. En apportant des solutions aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités, La Poste souhaite capter 1,6 G€ de CA de conquête sur la période des 5 années - 2016 - 2020. L’Unité d’Affaires Adresse souhaite mettre en place plus que du changement : elle

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L’innovation organisationnelle et la transformation managériale 03

vise à la transformation. Cette transformation se doit d’être au service du Groupe, mais aussi au service de la Branche et pour le Service National de l’Adresse lui-même. Les enjeux pour 2017 sont : « penser client, partout, tout le temps », « être réactif et efficient » et « développer la transversalité ». Pour y parvenir, ils se sont fixés comme objectif de concevoir des offres en développant la vente directe et de favoriser le marché des collectivités. Leurs cibles sont diverses : collectivités (communes, Établissement Public de Coopération Intercommunale, départements, régions), les « gros faiseurs » Adresse (banque/assurance, vente à distance, santé, entreprises en réseau), les « nouveaux entrants » Adresse (starts up, entreprises de service, ...) et le réseau de production de la BSCC (autres Unités d’Affaires, Business Units, autres branches du groupe).

2. Saisir ces opportunités ambitieuses

Dernièrement, ils ont analysés « les vents porteurs », c’est-à-dire les éléments de leur environnement socio-économique qui présentent pour eux, des opportunités pour leurs activités. Les modes de vie se sont transformés sous l’influence des outils digitaux mais le courrier reste un support de valeur universellement reconnu. Plus il sera rare, plus il faudra le traiter à un haut niveau d’excellence, auquel, on prêtera toujours plus d’attention et donc à valeur pour leurs clients. La BSCC, en synergie avec les autres Branches dispose de nombreux atouts pour saisir ses opportunités. Le groupe La Poste est une marque forte et réputée, qui amène un état de conscience neutre, pérenne et le pose alors comme tiers de confiance. De par ses services, l’entreprise a fait preuve d’une capacité humaine d’intervention jamais égalée, de par la proximité humaine des facteurs, des équipes engagées pour le service public et le service clients. Et enfin, grâce à l’expertise de l’Unité d’Affaires Adresse, elle dispose de la connaissance du territoire et de l’adresse, avec une stratégie et une capacité numérique alliées à l’humain. Pour ce faire, la réalisation « d’ambition 2020, vers le monde des services » et sa progression seront mesurées chaque mois et chaque année autour de quatre indicateurs clés : • Le CA Conquête • Le Net Promoteur Score pour la satisfaction Clients • Le taux de fréquence des accidents du travail • Le résultat de la marge opérationnelle toujours supérieur à 6 %

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Ce plan est décliné en « contrats d’objectifs » décrivant les actions, assurant « l’alignement stratégique » mais aussi et surtout l’autonomie responsable, notamment sur le choix des actions à engager et à piloter en équipe autour des « salles opérationnelles ». Les actions de Conquête vont donner les directions stratégiques.

En premier lieu, ils vont se concentrer avec le commerce de plus en plus connecté pour booster leur moteur de croissance. Ensuite, il s’agira de valoriser le courrier tel un « média premium » et enfin, « conquérir le marché » autour du domicile. Au travers de pratiques de terrain, fondées sur l’amélioration continue et la résolution des problèmes, le groupe porte en lui, la volonté d’aider quotidiennement « celui qui fait ». En 2016, pour mettre en place le système d’excellence, ils ont pris les démarches de la technique de management ELAN (anagramme de LEAN). Le système d’excellence se pose comme le référentiel managérial de la BSCC, orienté terrain. Afin de mettre en place un véritable contrat social entre les employés et l’entreprise, le groupe s’engage. Le but est de développer les compétences collaborateurs, l’amélioration de la santé et de la sécurité des postiers grâce à l’accompagnement managérial. La gouvernance, en assurant une meilleure coordination des parties prenantes, permet de recueillir consensus et prise de décision rapide dans l’intérêt général du groupe La Poste. Faire ainsi la promotion de la concertation dans les actions à mener donnera les moyens de mettre en oeuvre le développement de projets communs. L’expérience acquise des anciens projets sera capitalisée comme compétence au sein du groupe, afin de rationaliser les projets et les budgets engagés. L’ensemble sera suivi sur une feuille de route commune afin de connaître l’évolution des résultats obtenus, la réduction des coûts et l’homogénéisation des projets en cours.

Figure 6. Représentation des buts du groupe La Poste. Source : La Poste

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L’innovation organisationnelle et la transformation managériale 03

3. Belligérance et guérilla courrier : la tactique de management ELAN en théorie

Le lean management, ou ELAN offre un parcours de planification stratégique. La volonté est d’appliquer à l’Unité d’Affaires Adresse (comme au reste du groupe), une réflexion collective sur les modalités de mise en oeuvre de la gouvernance adresse, à travers la triade objectifs, participants, fonctionnement, sous couvert de favoriser la synergie entre les projets. La méthodologie ELAN permet de partager les adhérences et de gérer les convergences sur les projets, en articulant les expertises et les différentes compétences à solliciter.

Piloter des projets communs garantit l’échange d’objectifs et des gains escomptés.

Figure 7. Représentation du système d’excellence du groupe La Poste. Source : La Poste

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Le lean management (ou stratégie ELAN pour La Poste) s’est inspiré de la success story de la famille Toyota avec son Toyota Production System (TPS)141. Le concept est né à la fin des années quatre-vingt, de l’enceinte du MIT (Massachussets Institute of Technology). Un livre devenu depuis la « bible » du Lean management, en recense tous les préceptes : Le Système qui va changer le monde de James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos. La philosophie du Lean management est, pour beaucoup de ses détracteur, du taylorisme adapté aux être humains. Pour d’autres, c’est un système qui se veut vertueux avec les employés, tout en produisant toujours plus vite et surtout, mieux. De cette manière, les conditions de travail seraient améliorées et augmenteraient fortement la productivité de l’entreprise. Grâce à cette méthode, tout ce qui produit de la non-valeur ajoutée est chassé pour éviter tout gaspillage et permet ainsi d’identifier ce qui ajoute de la valeur dans un processus de fabrication et de production. Outre la guerre menée au gaspillage, c’est la participation générale des salariés, dans un travail-ensemble qui séduit les managers. En réduisant les cycles de développement, l’entreprise minimise ses risques et peut réussir sans un apport massif de capital, ni business plan élaboré. La stratégie ELAN vise à améliorer la qualité de vie au travail, qui se traduit par une politique d’emploi responsable. La Poste aimerait impulser une véritable dynamique de développement individuel et d’évolution professionnelle à travers un nouveau modèle managérial. Désormais, le manager se doit d’être attentif à la situation personnel des employés qu’ils supervisent et se doit d’être sensible aux nouvelles formes de risques professionnels. Le déploiement continu de versions successives du service est privilégié, tout en bénéficiant d’un accompagnement d’une mesure et de prise en compte continue des retours du marché. L’entreprise peut ainsi être conduite à pivoter, ce qui signifie tester de nouvelles hypothèses fondamentales sur le service, le marché ou encore, la stratégie et les moteurs de croissance.

Mais cette démarche se heurte encore à la demande fréquente d’un cahier des charges ou avec un plan de développement sur plusieurs années. Pour assurer cette stratégie, un accord-cadre qui englobe tous les éléments sur la qualité de vie au travail, a été signé le 22 janvier avec les organisations syndicales142.

Différents outils sont ainsi déployés, comme les réunions quotidiennes en escalade ou le système d’OBEYA.

Pour mettre en place ce système, le groupe annonce une véritable posture de loi martiale. La volonté guerrière est nette avec la présentation de la politique de l’entreprise usant d’un langage lexical très guerrier : «cap»,

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«conquête», « ne plus subir et passer à l’offensive », « gouvernance », «directions opérationnelles», « feuille de route », « véhicule », « nous avons les hommes et les femmes pour le faire ». Des termes aussi agressifs n’annoncent-t’ils pas de mauvaises augures ? Dans l’ouvrage Dictionnaire des symboles : mythes, rêves,

coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, co-écrit par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, la notion de guerre arbore une double connotation. Dans un premier temps, la guerre est un «sentiment général» partagé depuis l’Antiquité avec un symbolisme extrêmement important. Image du «fléau universel», les « moeurs contemporaines et l’augmentation des capacités d’autodestruction » en font le symbole du «triomphe de la force aveugle». Ils ajoutent que « l’ardeur guerrière s’exprime symboliquement par la colère et par la chaleur » et qu’enfin, « la paix est l’extinction » de ce feu. Dans un second temps, dans un sens religieux, la guerre représente l’expression du combat intérieur. Dans les écritures chrétiennes, islamiques ou encore bouddhistes, il « ne s’agit pas d’une guerre extérieure livrée avec des armes » : ils parlent de « guerre sainte ». Ils expliquent que c’est « la lutte que l’homme livre en lui-même ». Le combat permet « l’affrontement des ténèbres et de la lumière », de la dualité interne inhérente à l’être humain et permet son accomplissement « dans le passage de l’ignorance à la connaissance. D’où le sens d’armée de lumière, selon l’expression de Saint Paul ». En finalité, « la guerre a pour fin la destruction du mal, le rétablissement de la paix, de la justice, de l’harmonie, tant sur les plans cosmique et social…. c’est la manifestation défensive de la vie ».

B. Intégrer un designer dans l’innovation organisationnelle :

le baptême du feu à l’UAA

« Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change », Tancredi dans Le Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa

1. Difficile intégration du designer : méconnaissance accrue du sujet

Annick Lantenois écrit pour L’Alliance Française des Designers (AFD) que « la particularité du design est qu’il n’existe pas de définition unique et définitive, puisqu’il se réinvente à chaque époque, en suivant les

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évolutions, les cultures et les apports des designers du monde entier ». Jocelyne Leboeuf rajoute que « Le terme design (…) ouvre sur de nombreux champs spécialisés qui peuvent être simplement une nouvelle façon de nommer ce qui se pratiquait auparavant par les designers, sans qu’il y ait d’appellation spécifique, mais qui témoignent aussi d’une dynamique de cette discipline et pratique professionnelle » - en soit, cette « labellisation » a ceci de positif qu’elle fait l’état – et la promotion – de ce qui « relève du design ». La transversalité du sujet design est tel que l’on ne sait pas ce qu’il est : l’enfer de sa complication. A qui la faute ? “Quand vous dîtes « je veux devenir designer » dans un dîner, la première chose à laquelle les gens pensent, c’est à des meubles” déplore Oriane Juster. Le néophyte ne comprend pas cette notion de pluridisciplinarité qui rend si unique, et qui lui donne sa richesse au design. Lors d’un questionnaire proposé à mes collègues du pôle Innovation, pour apprendre à les connaître, lors de mon arrivée à l’Unité d’Affaires Adresses, deux questions se rapportait au design : « Quel était le design pour eux ? » et qu’est-ce qu’un design pouvait apporter au pôle Innovation ? Il en est ressorti que le designer faisait des jolis chaises. C’est un comble pour une entreprise travaillant le service et plus précisément l’adresse. Difficile d’y trouver un lien. Il est dès lors normal que le design se sent incompris et peut prétendre à un certains reclus sur lui-même, se retrouvant dans un environnement presque hostile et aux antipodes de ses repères. Expliquer et faire comprendre le métier est un passage obligé pour tout designer se retrouvant dans un monde où le design n’a pas encore sa place afin de faire respecter et reconnaître la discipline. Il est important de transmettre la connaissance du design, afin d’éviter la moindre incompréhension, mais surtout la moindre frustration entre le designer et les autres membres de l’entreprise.

Et pourtant, gouvernement et institutions lui promettent des jours heureux. Professée telle une nouvelle religion par les géants Apple et Décathlon - pour ne citer qu’eux - le design est un format stratégique qui allument des lueurs d’espoirs intéressées dans les yeux des entrepreneurs. Mais designer et décisionnaire ont du mal à se comprendre, ce qui rend ces derniers frileux à dépenser de l’argent pour les méthodes de designers qu’ils jugent souvent peu orthodoxes et plus coûteuses que rentables au premier abord. En effet, le designer a tendance à travailler dans l’ombre de son projet. De par cette mise en lumière, seul le message projeté est retenu : le designer en tant qu’être disparaît derrière le projet. La Direction Générale de

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la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) se montrent très exaltée à l’idée d’un tournant majeur dans le monde professionnel du design : « le designer pourrait être au 21ème siècle ce que fût l’ingénieur au 20ème siècle : un professionnel incontournable dans le développement économique, un acteur susceptible de marquer durablement nos environnements sociaux et culturels, un métier qui se conjugue au pluriel, protéiforme, voire polysémique ».

2. Bienvenue à Zombieland : retrouver la place de l’humain grâce au design

L’Unité d’Affaires Adresses se trouve pris entre le marteau et l’enclume : d’un côté, la persistance d’un management archaïque, associée à une volonté qui se vante d’être prospectiviste. L’obsession du contrôle absolue est encore très présent à l’Unité d’Affaires Adresse et va à l’encontre d’un système de confiance voulu par l’entreprise. Les tâches ont aujourd’hui changé de nature et les employés ont désormais besoin d’une certaine liberté, qui se trouve dans une architecture fiduciaire industrielle. A titre d’exemple, les indicateurs de performance ont un effet pervers. D’un côté, ils permettent un suivi régulier de son activité et de pouvoir donner la motivation de s’améliorer et d’aider à la prise de décision. Or, d’un autre côté, ils peuvent être aussi ce frein à décision et placer le manager dans entre deux eaux : l’exigence de précision des objectifs admise par les supérieurs et la zone de liberté plus grande demandée par les collaborateurs. La démotivation des employés et le manque de coopération entre eux est flagrant. Où est la place de l’humain dans cette entreprise vantant l’empathie et la philanthropie sans failles ? La motivation est un élément clé de l’efficacité et pour l’implication des employés. En termes de motivation, les implications sont énormes. « Des chercheurs comme Teresa Amabile, de la Harvard Business School, ont constaté que les récompenses et les sanctions externes pouvaient être très efficaces dans le cas des tâches algorithmiques, mais catastrophiques dans le cas des tâches heuristiques. Teresa Amabile parle de principe de motivation intrinsèque à créer ».

Des études terrains, menées dans les années 50 à 70, par le psychologue américain Frederik Herzberg, spécialisé en Business Management, démontrent les conditions nécessaires qui doivent être réunies afin que l’homme s’épanouisse dans sa vie professionnelle. En analysant ses travaux, il a permis une avancée colossale dans le domaine de la psychologie du travail. Il a découvert que l’environnement était très souvent à l’origine des facteurs de mécontentement. En revanche, les facteurs de satisfaction sont issus de ce qui

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permet un développement personnel et une considération du travail accompli. Le travail est un lieu essentiel de socialisation et contribue à une part importante de notre identité. Au Service National de l’Adresse, le principal enjeu est de mettre en place un contrat coopératif entre l’entreprise et ses employés, la direction réalisant le liant, sous couvert de mesure cohérente et de réciprocité. « L’entreprise demande de la flexibilité au salarié, alors elle doit se comporter de même en retour ; elle exige un fort engagement, alors elle doit s’engager fortement pour la santé, le bien-être au travail et d’employabilité de son collaborateur ».

« Dans le mythe grec, l’imaginaire de la technique est ambivalent en tant que celle-ci est un pharmakon, à la fois poison et remède, alors qu’avec la rationalité philosophique elle entre en discrédit. Cette ambivalence fictionnelle persiste dans la religion industrielle moderne, qui, comme toute construction mythique, offre deux faces opposées : Enfer industriel de l’exploitation et Paradis de la création de richesses. Cette religion triomphera avec le mythe du Progrès associé à la rationalité technoscientifique dont elle célèbre la positivité”.

Aurélie Marchal cite François Dupuy, apparu dans l’émission « Peut-on désorganiser les entreprises, comment serons-nous managés demain ? » du 8 avril 2011 sur la chaîne France Culture. Sociologue des organisations, professeur à l’INSEAD et auteur de Lost in management : la vie quotidienne des entreprises au XXème siècle explique que « le management consiste à obtenir des gens qu’ils fassent ce que vous souhaiteriez qu’ils fassent ». Il ajoute ensuite, de manière belliqueuse mais néanmoins, lourde de sens, que « le management a récemment fait un bon de cent ans en arrière, que nous sommes dans une période où le travail est devenu très difficile et que les salariés sont dans une situation de dépendance et de pression très forte ». Le problème des méthodes de management, c’est que majoritairement, elle favorise la coercition. Elle contraint les employés à travers les forces d’un « trio infernal ». En premier lieu, les processus qui conditionnent la manière dont les salariés doivent faire les tâches qui leur incombent. les systèmes de reporting (les comptes à rendre aux supérieurs hiérarchiques, parfois nombreux) et les indicateurs de performance (pour suivre les objectifs).

D’après François Dupuy, le problème est que les entreprises ont poussé à l’extrême ce que ni Taylor, ni Fayol n’auraient pu imaginer. La production de reporting est parfois même devenue une fin en soi.

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3. Retard et manque de cohérence

Suite au rapport d’Alain Cadix, il est mis en évidence que la France est extrêmement en retard dans le domaine de l’innovation. « Pourtant, la France détient la plupart des technologies qui font – ont fait ou feront – les innovations introduites sur les marchés et/ou dans la société ». Pourquoi ? Car le pays ne porte pas en lui «la culture de l’usage ni du design». Chaque politique de développement économique se doit d’instaurer le design dans son programme. Les entreprises françaises, pour pérenniser, doivent s’engager une « mutation culturelle profonde », or ce changement « demande de la cohérence, de la constance et de la consistance dans la politique de mise en œuvre ». La cohérence prendra racine dans le bon vouloir des acteurs de l’entreprise, dans l’envie de solliciter un partage au service d’un intérêt commun. Sous couvert de l’acceptation d’une coordination, ces démarches contributives de co-construction seront des actions à réaliser dans une moindre peine. La constance et la consistance, quant à elles, naîtront de cette volonté politique partagée.

Autant le groupe La Poste a mis en place le design au niveau des autres pôles Innovation dans ses différentes unités d’affaires, tels que Innov’up, Docapost ou encore Yellow Vision depuis quelques années, l’Unité d’Affaires Adresse n’a commencé que fin 2015. Silberzahn préconise que ce genre de groupe ne peut survivre et réussir « que s’il est intimement lié à l’activité de l’entreprise ». « Un groupe de coordination focalisé sur la production et la création en lien avec les différentes unités d’affaires a plus de chances de réussir »143. Cadix appuie cette idée en proposant de « rapprocher structurellement et fusionner » les différents services d’innovation afin de les unir et ainsi, plus fort. Par contre, ils devront faire l’effort d’« adapter leurs offres et services, leurs moyens, leur gouvernance”. Cadix écrit qu’il est important de « capitaliser sur ce qui existe et se fait déjà pour pouvoir aller au-delà ». Un des problèmes du groupe La Poste, se trouve dans la création de ses pôles Innovation. Innov’Up, Yellow Innovation, Docapost, pour ne citer que ceux que j’ai pu rencontrer, n’ont pas su convenir d’un commun accord, afin de transférer leurs expériences et leurs savoir-faire d’un pôle à l’autre.

Le pôle Innovation, créer en fin d’année 2016, en tant que nouvelle structure au sein de l’Unité d’Affaires Adresse n’a pas pu bénéficier, pour son développement et son démarrage, des expériences acquises ailleurs.

Déjà fragilisé par des restrictions budgétaires, ce manque d’échange entre les différents pôles innovation du groupe, qui travaille donc pour un intérêt commun, la mission de service public à proximité humaine ne

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leur a pas permis de s’épanouir de manière rapide et efficace. « Le modèle contributif de co-conception des dispositifs » combiné avec « les acteurs concernés sur le terrain », mis en œuvre par « un modèle bottom-up, où les initiatives remarquables prises sur des territoires doivent être, dans toute la mesure du possible, soutenues puis diffusées pour en fertiliser d’autre »s n’a pas pu se mettre en place intégralement.

En effet, une démotivation des employés était ressenti : il était donc très difficile de co-concevoir. Ce silotage crée des tensions internes : vue de l’extérieure, le service innovation, “avec “ses critiques implicites, et parfois explicites, de l’inertie actuelle, passent mal auprès des “dinosaures” qui s’avèrent être ceux qui font rentrer l’argent pour le moment ». Le risque est que cette contrariété « se transforme en hostilité lorsque le budget de la cellule commence à faire jaser », d’autant plus si, la salle allouée au pôle Innovation se dote d’un espace cocooning. Mais si le pôle Innovation succombe à un changement de direction ou doit faire face à une pression sur les résultats, son existence risque fortement d’être remise en cause. Généralement, se dissolvera progressivement dans l’organisation. « En somme, si une telle entité n’est pas capable de démontrer rapidement sa capacité à avoir un impact, elle n’a aucune chance de survivre. Et la seule façon de démontrer un impact dans une entreprise est de contribuer à la génération de chiffre d’affaires »144. Or, comme l’a démontré l’exemple de la machine à laver, le processus d’innovation met du temps.

C. Lost in transformation :

l’échec du lean management « The place of God tonight ? Oh, did I believe Oh, really believe that I could see light That’s hopeless and clearer Than God I got no life I got no hope I got no will I got nowhere to go I lost my soul » In this cold place, Moby and The Void Pacific Choir

1. Lean management is another brick in the wall...

Le design, constituant une innovation managériale et officiant comme disruptive, l’intégrer directement au modèle d’affaires déjà en place et, fonctionnant encore très bien à l’heure actuelle, c’est prendre le risque d’entrer en conflit directement avec celui-ci et de déstabiliser son entreprise. Or le Lean management ne

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fait que perpétuer la lignée scientifique du management. Le travail est un lieu essentiel de socialisation et contribue à une part importante de notre identité. Au Service National de l’Adresse, le principal enjeu est de mettre en place un contrat coopératif entre l’entreprise et ses employés, la direction réalisant le liant, sous couvert de mesure cohérente et de réciprocité. « L’entreprise demande de la flexibilité au salarié, alors elle doit se comporter de même en retour ; elle exige un fort engagement, alors elle doit s’engager fortement pour la santé, le bien-être au travail et d’employabilité de son collaborateur ».

L’uniformisation des plages horaires de travail, associée à la badgeuse à l’Unité d’Affaires Adresse n’appuie pas cette volonté de changement. Automatiser le contrôle du temps permet d’obtenir une plus grande fiabilisation et d’optimiser le travail du comptable ou du service Ressources Humaines. Mais l’acte de badger donne une impression de « flicage », et de porter un manque de confiance de la part de la direction. Cet outil se lie efficacement avec le Lean management car il permet de mieux appréhender la productivité des salariés. Elle brime la liberté d’agir des salariés. Le design permet de libérer le salarié car la motivation permet l’auto-contrôle. Des études menées par Decy et Ryan145 ont démontré que si, un manager met en place un environnement sain, les salariés se motivent eux-mêmes en prenant ce qu’ils ont besoin pour combler les trois types de besoins fondamentaux : l’affiliation, la compétence et l’autonomie. En satisfaisant ces besoins, les employés peuvent atteindre la maîtrise et le bien-être. Le design permet de sortir des principes tayloriens dont la mise en application découle de la définition des postes indépendamment des personnes, pour aboutir à des organisations centrées compétences et aspirations. Le design thinking, avec son processus, chaque action amenant une action, appuie cette recherche de la bonne allocation des tâches de façon à favoriser en permanence l’adéquation entre aspiration à un moment donné et réalisation consécutive.

Par ailleurs, pour innover, il est nécessaire d’être capable de sortir de ses expertises. Les entreprises reconnaissant que l’innovation n’est plus un positionnement mais une nécessité pour rester sur le marché.

Or, il est difficile de concevoir des innovations à forte valeur et qui atteignent leur cible. Elles se trouvent face à un véritable paradoxe : entre l’injonction d’innover et l’organisation même de l’entreprise (gestion du risque zéro, niveau d’investissement faible, culture d’entreprise sécuritaire, management hiérarchique

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rigide), le fossé est colossal. L’écart est aussi grand entre la volonté exprimée par les dirigeants et la capacité des entreprises à innover. Le concept directeur favorisant l’innovation sont récents et le problème se situe généralement dans le top management. Thomas Bart, consultant en stratégie digitale et en webmarketing, a exposé cette situation dans un article de 2015, « Star Wars ou la théorie du changement ». Suite à un rendezvous avec un prospect, qui cherche à contrer la baisse de son business, il est prêt à abandonner le numérique pour se lancer dans le digital. Or, au fil des rendez-vous, Bart se retrouve face à un mur : le prospect est d’accord pour faire du changement, mais selon à sa manière, qui s’adapte à son organisation actuelle : hors de question de changer une équipe qui gagne depuis si longtemps. « Dark Vador est le symbole de l’antimodèle de management ». Dans le film, il manage par la peur : les généraux de l’empire sont terrifiées par son arrivée, lui seul ayant la décision de les déchoir de leur poste voire pire, de les tuer. Second détail, les soldats sont tous les mêmes : ils ont perdu leur identité. Ils portent les mêmes vêtements et leur visage est caché par un masque. Aucun élément ne permet de les distinguer l’un de l’autre. Le problème de l’Unité d’Affaires Adresse du groupe La Poste est le même. La direction veut du changement mais tout en restant sur le même format. Elle démontre la principale difficulté des innovateurs : ils sont très souvent tenté de forcer une innovation de rupture dans un réseau de valeur existant. Le déterminisme de la raison instrumentale et le rôle central du facteur économique reste des critères d’évaluation quasiment exclusifs.

2. Intégrer le design : changement comme processus endogène

L’Unité d’Affaires Adresse est amenée à changer car elle doit s’adapter à son environnement et à son contexte interne, suite à des effets de contingence liés à ‘l’évolution de son environnement (économique, culturel), de son age etc., ce qui a amené la création d’un pôle Innovation dans de sa structure. Véritable innovation ou simple effet de mode ou de mimétisme engendré par d’autres entreprises ? En tout cas, le SNA souhaite évoluer en cherchant à introduire un nouveau savoir et une nouvelle démarche pour à faire évoluer sa culture (la rendre plus coopérative, l’axer davantage sur le client). Un changement est un processus qui se vit dans la durée : il n’est pas un phénomène ponctuel à un moment donné mais il nécessite d’être progressivement approprié par les salariés, d’où souvent une programmation en plusieurs étapes. « Dans les conditions modernes ce n’est pas la destruction qui cause la ruine, c’est la conservation, car la durabilité des objets conservés est

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en soi le plus grand obstacle au processus de remplacement dont l’accélération constante est tout ce qui reste de constant lorsqu’il a établi dans sa domination »146. En exemple, la réussite de Nespresso. Nestlé a mis vingt et un ans à lancer avec succès sa machine à café. Problèmes techniques, échecs commerciaux… « D’abord lancé au sein de Nestlé, le projet Nespresso est ensuite isolé dans une entité spécifique en raison de l’hostilité du reste de la société ». Le coeur de métier de Nestlé est de vendre du café en sachet aux supermarchés. Le groupe souhaitait innover en proposant une machine à café et de la commercialiser au monde la restauration mais fut un échec suite aux mauvais critères de performances : « conçue pour des petits volumes, la machine offre un coût à la tasse de café très élevé, alors que les restaurateurs n’ont qu’une faire d’une petite taille, mais font très attention au prix unitaire de la tasse, car ils en produisent beaucoup ».

En attendant, le projet coûte plus qu’il ne rapporte… jusqu’à l’arrivée d’une personne extérieure, Jean-Paul Gaillard, ancien homme d’affaires de chez Marlboro. Gaillard « ne connaît rien au monde du café » mais qui a de l’expérience en terme d’innovation disruptive, de par le lancement d’une gamme de vêtement chez Marlboro. Sortir des schémas de pensée classiques en embauchant quelqu’un de l’extérieur a permis de finalement à l’entreprise, de connaître son succès aujourd’hui. Tel que Nespresso avance indépendamment de Nestlé, avec son Club Nespresso et ses propres magasins147. La réussite d’un changement de grande ampleur, ici le déploiement de l’innovation, mais surtout de l’acceptation du design comme stratégie pour créer, prends plusieurs mois voire plusieurs années pour s’affirmer. Leur laissera-t’on le temps ?

La stratégie design est un outil de gestion, y toucher c’est toucher à quelque chose de complexe dans quelque chose qui est déjà complexe. Fruit d’une construction longue qui a conduit à cristalliser le résultat d’une négociation entre acteurs de l’organisation à un moment donnée. Or la modification de l’instrument de gestion doit rester compatibles avec d’autres dimensions de l’organisation. La stratégie design touche au point de culture, élément fondamental de l’entreprise. Il est la caractéristique qui évolue le plus doucement et le plus difficilement car il touche à des points ancrés chez les acteurs et concernant la raison d’être de leur participation à l’organisation et le fait qu’il s’y sentent bien. Le travail en groupe, élément essentiel du design, est un moyen de s’approprier la cohérence dans ce changement et donc son acceptation148. L’individu est le facilitateur et le moteur d’une réussite du changement. Néanmoins, le rôle de la direction et sa capacité à

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mobiliser, à faire passer le message sont importants dans ces processus. Sur la période de six mois de ma présence comme designer, la stratégie design ne fut présenté qu’au bout de quatre mois et aucune action symbolique n’a porté d’échos sur les autres pôles de gestion de l’Unité d’Affaires Adresse. Le changement s’est, pour l’instant alors, figé au pôle Innovation. La culture de l’organisation de l’Unité d’Affaires Adresse, porte en elle une échelle du prestige (statut significatif d’une autorité par exemple, système organisationnel vertical), ce qui produit des sources de légitimité lié à ce statut. Or, en commençant par le bas pour gravir les marches, démontrer l’intérêt du design à un collègue puis au pôle entier, puis à l’intégration, petit à petit d’autres employés des autres pôles puis au manager qui le présente à la direction, constitue un levier d’évolution car l’évolution se justifie peu à peu en douceur. Le design influe par ailleurs sur la stratégies des salariés car de nouvelles missions sont définies. En portant une vision axée utilisateur, le design demande aux employés d’avoir de nouveaux rôles et missions porté sur l’intuition, l’observation, l’empathie et de s’ouvrir à d’autres sciences et cultures. Les murs entre les collègues s’effacent pour laisser place à de nouveaux réseaux de relation, inédits dans l’organisation. Les métiers existants sont amenés à évoluer, les personnes elles-mêmes conçoivent des rôles nouveaux qui font évoluer la perception de leur activité. A terme, une figure d’acteur nouvelle pourrait devenir un métier, comme celui de designer, si elle est associée longuement à des compétences et des modes d’interventions spécifique.

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Figure 8 : Les zones de positionnement relatif des individus («mapping») pour une composante donnée de la relation du manager à son environnement de travail. Source : M. FIOL et Y. FRONDA149

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3. Le miroir de Cassandre : un portrait d’avenir au vitriol

L’Unité d’Affaires Adresse ne prend pas à ce rythme le chemin d’un mouvement vertueux. Elle répète ce qui s’est passé dans l’histoire, faute des exemples cité auparavant, Kodak, Nokia, ou encore Orange (anciennement, France Telecom). Le point commun entre Orange et La Poste vient du fait qu’ils sortent du même environnement, avec une évolution parallèle mais décalée dans le temps. « Le zapping organisationnel et les mobilités fonctionnelles (ont généré) des pertes de repères »150. Le management a mis une pression accrue sur le personnel suite à la baisse continue du courrier et la hausse du colis, ce qui engendre un sureffectif à certains endroits et un sous-effectif à d’autres. Orange a vu la disparition progressive de son monopole d’exploitation sur le territoire national, ainsi qu’un très fort développement de son secteur d’activité, tant sur le plan commercial, concurrentiel que technologique. Issue du secteur public, le mode de management historique principal dans l‘entreprise est qualifié de bureaucratique et de technocratique : décisions très centralisées et « descendantes », primauté à la technologie, dirigeants formés dan le même moule. À partir des années 1980, l’entreprise prend un tournant plus commercial et moins technologique ; les décisions sont partiellement décentralisées au niveau de divisions spécialisées et d’unités opérationnelles locales (nouvelle structure organisationnelle autour de divisions et d’unités opérationnelles; relativement autonome, spécialisé par marché-produit-métier), la technologie ne constitue plus l’élément majeur de l’organisation. Déstabilisé par l’ouverture et l’instabilité croissante du marché ainsi que par la remise en cause du mode de management passé, les salariés passent d’une quasi-absence de pression sur les performances, d’une co-gestion humaine à un univers « lean », déshumanisé et impitoyable, destruction de la solidarité et mise en concurrence interne 151. La nouvelle équipe de direction donne l’impression d’être cohérent et cohésif pourtant, écrit Yannick Fonda dans sa thèse152. Or, la principale difficulté est celle d’un manque crucial d’une direction par le sens, une dérive sur la mer de l’innovation, « des petites barques qui ont besoin d’une ficelle même petite pour se rassembler ».

Le design, c’est prendre le risque de se trouver dans l’incertitude et se trouve ainsi en opposition avec l’organisation classique de l’entreprise qui est dans le contrôle ultime. Il faut oser prendre des risques.

Les designers doivent s’armer de connaissances pour adopter une posture crédible lorsqu’ils font face à la

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contestation des entreprises et à leur craintivité financière. Mais c’est une injonction paradoxale face à laquelle les entreprises doivent faire face, mais surtout, actuellement, faire avec : avec détermination, elles doivent rester attachées à leur culture, leur vision corporate et ses méthodes, tout en s’ouvrant aux œuvres initiatives et nouvelles visions. C’est très souvent le cas lorsqu’une entreprise concentre uniquement sur son compte de résultat et applique drastiquement les méthodes de lean management pour réduire au maximum les temps «inutiles». Or, ce modèle d’ultra-gestion pose l’entreprise dans une situation d’incapacité à dégager des temps et des espaces propices à l’innovation, du fait de cet excès de mesure. Rendre à tout prix son activité efficace et rentable prend un tournant malsain. Par ailleurs, quand un modèle d’affaires est efficacement coordonné, il est construit pour évoluer par lissages et optimisations. Or, dans ce cas, il est impossible de lui appliquer autre chose que l’innovation incrémentale qui ne bouscule ni le marché ni l’organisation interne de l’entreprise. Le design, constituant une innovation managériale et officiant comme disruptive, l’intégrer directement au modèle d’affaires déjà en place et, fonctionnant encore très bien à l’heure actuelle, c’est prendre le risque d’entrer en conflit directement avec celui-ci et de déstabiliser son entreprise. Le design se dresse alors comme un vecteur de stratégie non-violente de la transformation en entreprises. Il pose les bases des besoins de créativité, de planification, de discipline et d’unité. Son principe essentiel se trouve dans sa capacité à poser une vision futur. Le fonctionnement classique commence très souvent avec une liste de ce que les utilisateurs ne veulent pas, ou plus, mais sans savoir ce qu’ils veulent réellement. Il est ainsi nécessaire d’avoir une vision claire est nécessaire, de ce à quoi ils souhaitent aboutir. « Comment imaginer un futur qui puisse être différent, d’abord, et comment mettre en œuvre les moyens pour y aboutir, en décidant du champ de bataille sur lequel on veut se battre »153. En comprenant les contours du champ de bataille, la situation de conflit, en identifiant les segments de l’entreprise à réunir, le design permet de réconcilier les objectifs sociaux et économiques, « un projet à la hauteur (d’une) idéologie historique prônée par William Morris : l’amélioration du monde du travail »154 ?

« Un système, et en particulier un système humain ou social, est mieux compris à partir de l’intérieur, par une approche qualitative et phénoménologique »155. Le design est la meilleure méthode pédagogique pour enseigner une telle approche, axée utilisateur. Le pôle Innovation de l’Unité d’Affaires Adresse l’a bien compris

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et va appliquer la démarche d’innovation issue du Design Thinking156 à la rentrée de septembre 2017 dans son organisation. Or, l’organisation d’une entreprise ressemble à un système issue d’une « morphologie vivante complexe », en somme, s’apparente à un utilisateur. L’appréciation sans un spécialiste du design, va être compliqué. Malgré la démocratisation croissante du design thinking, cela ne signifie pas, pour autant, que tout le monde est capable de faire du design. Travailler en interdépendance ne doit pas faire oublier le métier de chacun. Le designer est un concepteur et un ergonome, expert en conception d’IHM (Interface Humain Machine) mais surtout, porte en lui la capacité d’analyser l’utilisateur. Raphaël Yharrassarry, consultant freelance en ergonomie et UX, cite en exemple la fabrication du pain. «Tout le monde peut faire du pain, ou presque» : en effet, il ne suffit pas d’avoir les ingrédients (eau, farine, sel, temps, four et autres «bricoles») pour « faire du bon pain ». Comment faire un « pain au levain, avec de la vraie farine de qualité, une mie bien levée et une croûte qui craque » ? A force de se renseigner car avec le temps, des repères se créent. «Le levain est une matière vivante, une fois ça lève vite et bien, la fois d’après il fait plus froid, plus humide, ça ne lève pas aussi bien ». En se formant, on peut trouver « des info sur les températures et les temps de «poussée» ». On comprend qu’il faut mettre moins d’eau avec telle farine » et ainsi de suite. Dans cette «parabole», il suffit de remplacer « le levain par l’utilisateur » et, ensuite, on retrouve les « mêmes problématiques

».

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L’entreprise d’aujourd’hui ne sera pas l’entreprise de demain sans application du design par un designer dans son organisation.

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VERS UNE NOUVELLE FORME D’ORGANISATION DU TRAVAIL

04 VERS UNE NOUVELLE FORME D’ORGANISATION DU TRAVAIL

« Nous avons passé un siècle à préparer la Révolution et un siècle à la répandre à travers le monde. Nous sommes entrés dans le siècle où nous risquons de la défaire. Une nation, pour vivre, doit croire et vouloir. Croire en des valeurs - la liberté, l’égalité, le progrès, le bonheur. Vouloir les partager et les porter haut et loin, vers un meilleur possible.

Nous avions touché le monde par nos idées, nos combats, notre foi. Aujourd’hui nous doutons d’un monde qui ne nous ne considère plus, et nous ne croyons plus en nous-mêmes. Acquis, nos idéaux se sont usés et ont perdu de leur sens.

Il n’y a plus rien qui nous dépasse que nous cherchons à atteindre. C’est le doute qui l’emporte, l’ennui, le dégoût de soi et le rejet de l’autre ».

Matthieu Pigasse, Eloge de l’anormalité

A. Le design comme levier pour le développement des grandes entreprises :

un besoin d’apprivoisement

« Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde.

Je serai pour toi unique au monde…» le renard au Petit Prince

1. Les atouts du design adaptés aux salariés d’une entreprise

Les méthodes traditionnelles de résolution de problèmes ont une forte tendance à accéder directement aux solutions. Elles ne prennent pas le temps de requestionner l’interrogation principale. Le designer permet de combler ce manque à travers la recherche de pertinence. Son premier travail est de redéfinir le postulat interrogateur de départ, délimitant d’un point de vue pertinent, c’est-à-dire centré utilisateur. « La logique d’action est la logique de pertinence : la sélection des conduites en accord avec les identités et les règles afin de s’adapter aux contraintes de l’action et des situations. Les institutions sont les procédures, les conventions, les formes d’organisations, les technologies, mais aussi les croyances, les schémas intellectuels et les connaissances qui enveloppent, soutiennent, interprètent ou contredisent les routines et les rôles »158. Aurélie Marchal, cite la définition de pertinent, issue du Petit Robert : « qui a rapport à la question, qui se rapporte

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au fond à la même cause », et en langage courant : « qui convient exactement à l’objet dont il s’agit »159. Elle en conclut qu’il réalise le « lien essentiel entre la question de départ, la pertinence ainsi que la nécessité pour les entreprises d’être à la recherche de cette pertinence qui se situe en amont de la performance » : un véritable gain pour l’entreprise. Cette pertinence de l’offre par rapport à la cible impacte l’entreprise de deux manières. Dans la première, c’est grâce à l’intégration de cette « composante majeure » dans la structure fiduciaire de l’entreprise. Positionnée en amont, elle conditionne la suite du processus de conception. Enfin, la seconde préhension se rapporte « aux salariés de l’entreprise ». En formulant une problématique de départ pertinente, les salariés peuvent répondre avec plus d’efficacité et effectuer leurs tâches avec moins de complexité. « Et de la même manière que l’entreprise profite de la pertinence de l’expérience vécue par ses salariés, ces derniers étant ainsi plus opérationnels et donc plus performants ».

Marc Beekenkamp, rédacteur en chef du magazine en ligne Diisign, déclare dans le titre d’un article, que « tout le monde peut designer, peu le font bien…»160. En effet, comme cité au début161, l’actualité donne l’impression que la frontière entre l’art et le design s’éclipse. Or, « l’artiste jouit d’une liberté absolue et n’a de compte à rendre à personne. Il crée à partir de son propre désir »162, a contrario du designer pour qui, la conception dépend du désir d’autrui. « Le designer affronte des questions de société pour tenter de les résoudre163 ». Sa capacité créative est alors un atout indispensable pour répondre aux contraintes et au service de la société. Beekenkamp illustre ses propos avec le portemanteau Game of Trust de Yiannis Ghikas.

Véritable objet politique, il est édité mais ne fonctionne pas à cause de sa conception. Constitué de trois pièces semblables, reposant les unes sur les autres, l’ensemble est, de base, très peu stable. Impossible de faire tenir un quelconque manteau dessus. Cet objet est une véritable critique de l’intérêt d’avoir un designer pour faire du design et pas monsieur-tout-le-monde, qui prétend concevoir dans une optique de design. « Un bon designer doit savoir se rendre compte que son objet nécessite des techniques de pointe pour être produit, il n’est pas qu’un artiste qui dessine une idée. Espérons que la définition de concepteur du designer passe dans les esprits, pour qu’on ne dise plus « le design, c’est une belle chaise sur laquelle on ne peut pas s’asseoir » ! C’est pourquoi, Tim Brown résume les conditions d’une idée valide sous trois points : la faisabilité (qu’est-ce qui est fonctionnel et réalisable dans un avenir prévisible ?), la viabilité (qu’est-ce qui

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s’intègre dans un modèle économique durable ?) et la désirabilité (qu’est-ce qui correspond aux attentes de la population cible?)164.

Enfin, c’est de par cette importance d’une conception à partir de l’humain qui légitime sa présence du design et la rend, indispensable. Aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre l’humain dans ses pratiques et dans ses usages pour être force de proposition innovante ; le design permet de caractériser les usages, les expériences, les préférences, qui sont par nature, centrés utilisateur. Ce postulat pour concevoir l’innovation se situe en opposition à l’innovation traditionnelle, qui historiquement et culturellement, est héritière de l’ingénierie, qui s’organise autour des produits et des process165. Or, comme l’explique Tim Brown, il est très difficile de détecter un besoin et d’y répondre : « les gens s’adaptent toujours avec beaucoup d’ingéniosité à des situations incommodes, sans en être conscients : ils s’assoient sur leur ceinture de sécurité, écrivent leur code Pin sur la paume ou le dos de leur main, suspendent leur veste aux poignées de porte et attachent leur vélo aux bancs publics sans même y penser166 ». Pour étayer sa pensée, il cite même Henri Ford : « si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu un cheval plus rapide ». Les systèmes organisationnels actuels ont malheureusement, une certaine disposition à s’organiser autour d’eux-mêmes et à auto-justifier le système, au lieu d’organiser ses solutions autour des individus. Le designer déplace le système autour des humains, utilisateurs comme salariés, pour le rendre plus pertinent et donc efficace : ceci explique pourquoi les méthodes classiques comme les groupes témoins ou les questionnaires dans lesquels il est seulement demandé aux gens ce qu’ils veulent, fournissent rarement des informations pertinentes.

«Les études de marché traditionnelles peuvent servir de base à des améliorations incrémentales, mais elles ne mèneront jamais à ces innovations de rupture qui changent les règles du jeu, modifient les paradigmes existants»167.

2.Le Design Thinking appliqué comme système managérial

Le Design Thinking est intrinsèquement une stratégie corporate et apporte ainsi l’efficacité nécessaire à l’entreprise. Le Design Thinking a été démocratisé par Tim BROWN, dans son ouvrage intitulé «L’esprit

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design» sortie en 2009 mais initialement développé dans les années 80. Les prémices du professeur Robert McKim ont été reprises par le designer Rolf Faste à l’école de Standord. McKim et Faste ont mis en évidence 7 étapes dans le processus de travail : définir, rechercher, imaginer, prototyper, sélectionner, implémenter, apprendre. Tim Brown, les a rassemblé sous trois thèmes : inspiration, imagination, implémentation. Il explique de quelle manière le design est un processus réflexif qui s’imprègne de la stratégie corporate.

Ces différentes étapes peuvent se résumer sous trois domaines principaux. Tout d’abord, l’observation des besoins des gens ciblés («human needs is the place to start»). Comme exprimé plus haut, le design doit enchanter la vie, la rendre plus facile et agréable. La culture et le contexte, sont avant, l’ergonomie, les points principaux à prospecter : l’inspiration. Il permet de se reconnecter à l’utilisateur et à son besoin fondamental. Par le principe d’empathie, le Design Thinking permet de replacer le client au cœur la stratégie et de travailler avec : être inspiré par eux, se mettre à leur place (comprendre leur pensée, leur perception du monde), en résumé, avoir leur point de vue, aussi bien que du côté corporel, émotionnel, cognitif, social, que culturel. Mieux seront compris leurs besoins et leurs réelles attentes, mieux l’objet ou le service conviendra à l’utilisateur. Deuxièmement, vient l’expérimentation comme moyen d’engendrer des idées («learning by making») : contrairement à la pensée générale, il est nécessaire de réaliser de nombreux prototypes avant de proposer une idée. La troisième étape et dernière, est celle de l’implémentation. «Le design est trop important pour être laissé aux seules mains des designers» déclare Tim Brown. « Au terme du processus de design, on ne doit plus seulement trouver la consommation (passive) mais la participation (active) ». La mise en oeuvre doit devenir un système participatif. « Parce que c’est quand il est mis dans les mains du plus grand nombre que le design a l’impact le plus grand. Parce que tout le monde doit s’impliquer dans les nouveaux choix que nous avons à faire ». Le point commun principal dans les processus est l’itération : c’està-dire des allers-retours continus avec l’utilisateur final et les différentes capacités créatives. En finalité, au lieu d’avoir un processus linéaire A (début) vers B (fin), nous avons un ensemble d’espace qui s’entrecroisent (schéma ci-dessous). C’est la synthèse entre pensée analytique et la pensée intuitive qui, associées, donne une nouvelle approche de l’innovation et de son management : on pense dans, par et au travers du design.

L’empathie est une donnée centrale dans le développement de « la pensée design ». À travers différents

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outils liés au domaine de l’anthropologie, cette méthode de travail permet de mettre en évidence ce que les utilisateurs font, pensent, ressentent et disent mais aussi, l’inverse, tout ce qu’ils font de manière inconsciente ou ne disent pas. Cette posture de designer en matière de créativité et d’innovation doit être diffusée et assimilée par tous les acteurs de l’organisation et en particulier les dirigeants. Tim Brown insiste sur la nécessité de travailler en projet car cela oblige l’équipe à formuler un objectif clair dans un espace-temps défini et sous des contraintes données. On parle de toute façon « d’équipe-projet » avec un «chef de projet».

Mais ces contraintes d’instructions ne doivent pas être des freins à la créativité, d’où le besoin qu’elles soient formulées à partir de principes généraux et non de règles strictes. Les axes les plus fréquents dans lequel le design est utilisé concerne ceux de la créativité (brainstorming, map mapping, audit utilisateur, focus groupe etc...), de l’optimisation (méthode AEIOU, modèle de Kano, personas...) et de l’opportunité (analyse de potentiel de valeur, prototypage…). Ces domaines sont la base de l’orientation d’une entreprise, concernant ces prises de décision en matière de stratégie de croissance; cela peut aussi bien les services internes, comme pour le développement d’un nouveau produit ou service, pour rentrer dans un nouveau marché, ou externes, avec la volonté d’un rapprochement partenarial avec un fournisseur, une alliance avec un concurrent etc. En plus de s’ouvrir aux autres, la stratégie du Design Thinking nécessite de missionner une équipe pluridisciplinaire, une collaboration avec des personnes issues de domaines différents tel que les ingénieurs, commerciaux, scientifiques, ergonomes etc. « La « pensée design » demande finalement d’inscrire l’innovation dans la culture de l’organisation. (Celle-ci) sera alors amenée à proposer des espaces dédiés où les collaborateurs peuvent expérimenter, prendre des risques et explorer leurs idées ». La convergence multi-acteurs permet de s’entourer d’une équipe qui permettra à l’entreprise, une organisation exploratoire offrant ainsi la possibilité de soit améliorer leur produit actuel, soit d’un créer un nouveau ou encore, de réduire la structure de coût donc son prix.

Promu comme un outil de dialogue, d’échange et de partage de la créativité, il permet de sortir des champs habituels de réflexion. Le but est de faire du « Design by the people for the people », une relation sur laquelle, le design se focalise sur l’expérience du client-utilisateur. Il permet ainsi de créer ou de renforcer l’adhésion à l’image perçue et/ou aux valeurs déclarées au travers de l’offre et de la relation, afin de fidéliser voir polliniser le marché. Véritable stratégie de gestion de projet, il permet de concrétiser des projets innovants.

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Opter pour la « pensée design » permet de s’assurer que le produit à venir correspond bien à l’attente des utilisateurs et qu’il détient un réel potentiel de valeur pour eux. Son but est de « rendre les processus d’innovation accessibles à tous ». En somme, la théorisation du design, à travers la pensée de Tim Brown est actuellement, le seul véritable concept de design que les designers professionnels contemporains peuvent utiliser pour définir ce qu’ils font.

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BUSINESS THINKING

DESIGN THINKING

Pensée logique

Pensée intuitive

Raisonnement déductif (détermine la conclusion) et inductif (raisonnement à partir d’une règle)

Raisonnement abductif (proche du concept de la pensée latérale et signifie de déterminer la précondition)

Besoin de preuves

Question : « What if? »

Appui sur des exemples passés

Détachement des exemples passés

Décision rapide

Maintien de plusieurs possibilités

« C’est bon » ou « C’est pas bon »

« On peut toujours trouver une meilleure solution »

Inconfort avec l’ambiguïté

Goût pour l’ambiguïté

Recherche de résultats

Recherche de sens

Figure 9 : Deux manières de penser : «business thinking versus design thinking », A. MARCHAL, Innovation organisationnelle & transformation managériale par le design thinking, p. 117

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3. La conduite de projet : manager par le sens à travers le design

Le designer est un projeteur. « Un projet, c’est comme un filet que l’intelligence rationnelle jette sur un situation donnée pour la modifier. Dans cette image, les fils du filet représentent les règles selon lesquelles la situation doit être modifiée ; les nœuds sont les points de cristallisation du projet à réaliser. Le projet indique ce qui doit être ; il a valeur impérative. La situation, c’est le donné tel qu’il est ; il a valeur indicative » écrit Vilèm Flusser dans Petite philosophie du design168. Stéphane Vial ajoute, dans son Court traité du design, “en ce sens, « faire du design, ce n’est pas seulement marquer quelque chose d’un signe (signifiant), mais aussi forger un « projet », qui s’incarnera dans le signe, c’est-à-dire donner un sens (signifié) » : le designer conçoit des projets. Vial cite la définition de projet, comme un « ensemble de propositions formelles originales qui offrent aux usagers une expérience-à-vivre de nature à satisfaire leurs besoins et susceptible d’enchanter leur existence. C’est une démarche de conception ou d’anticipation qui consiste à imaginer, à partir de l’état existant des formes de vie et d’usage169 ». Le designer a des vues sur l’avenir, projection qui se présente de trois manières170 : • projection existentielle : projection de notre société dans l’avenir, faire rêver d’un avenir attractif et séduisant (design comme moteur d’utopie) • projection conceptuelle : concevoir un projet qui permet à des tiers de se représenter de manière professionnelle son dessein (design comme prototypage) • projection visuelle : communiquer sur le projet, montrer des des images et produire un discours pertinent C’est dans cette notion de projet que le designer se distingue encore de l’ingénieur. Ce dernier a, dans son projet, l’objectif de faire fonctionner un système, un produit une technologie. Le designer, est lui à la recherche d’opportunités nouvelles, grâce à des questionnements « comment » ou « et si ». « Les designers sont donc à l’affût de solutions, de futurs possibles, et ont donc développé une certaine aptitude à percevoir, à anticiper, à prévoir des mutations sociétales, des nouvelles tendances, l’émergence de nouveaux comportements171 ». En quelque sorte, pour reprendre Flusser, le design est synonyme de destin : en posant des questions, c’est utiliser un outil afin de tenter de prendre en main le destin, de prendre en compte l’écosystème et de le façonner en commun avec lui. « Le passage du « quoi » et du « pourquoi » au « comment » implique qu’en

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fait les objets de connaissance ne peuvent plus être des choses ni des mouvements éternels, mais forcément des processus172 » le prédisait Hanna Arendt dans son ouvrage Condition de l’homme moderne.

Associé à cette pensée par le projet, se trouve le principe itératif : cela consiste à un aller-retour entre la solution en cours de conception et les problèmes qui se posent au fur et à mesure. La solution prend forme progressivement car un résultat peut pousser l’équipe à revisiter certains postulats de départ. Tim Brown précise que la nature itérative de la méthodologie du design ne tient pas à un quelconque défaut d’organisation ou à un manque de discipline qui rendrait le processus de conception chaotique. Le design est un processus fondamentalement exploratoire, qui débouche sur des découverte inattendues, et démontre l’incertitude de la solution finale. Le design, caractérisé par une nature directive, ouverte sur l’extérieur et itérative, permet d’échouer tôt pour ensuite apprendre de ses échecs et réussir plus vite. « Par ailleurs, les résultats obtenus par un processus linéaire sont beaucoup plus facilement recopiables par la concurrence173».

Le designer est un être à la méthodologie qui lui est propre car « plus on se spécialise, plus on a une tendance naturelle malheureusement inéluctable à s’enfermer dans un segment174 ». En développant la posture inverse, il est ainsi capable de remettre en cause ce qui est donné. En effet, il a cette qualité inhérente, de posséder un regard critique qui permet de sortir du cadre (penser « out of the box ») : se méfier des présupposé, ne rien prendre pour acquis de manière définitive. Son esprit critique, à forte capacité constructive, lui permet d’entretenir la capacité de voir une problématique différemment, pour ensuite mieux l’appréhender. Ceci s’apparente à la culture de la réflexivité. Stéphane Vincent, directeur de la 27ème Région, laboratoire de nouvelles politiques publiques explique que design est la discipline qui travaille le plus la réflexivité opérationnelle : le designer a la capacité de réfléchir sur lui-même en tant qu’individu dans une organisation. Marchal cite la définition du Petit Robert : « propre à la réflexion, au retour de la pensée, de la conscience sur elle-même », synonyme d’introspection. Ce système de réflexivité n’existe malheureusement pas assez dans l’entreprise et lui assurerait pourtant un gage d’efficacité. En partant d’une vision globale aux détails, cette capacité de zoomer et dézoomer, d’analyser un problème en profondeur, puis de poser regard plus général permet plus plus de recul.

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B. Le design management comme forme d’

innovation sociale en entreprise « Face à la trahison de ses élites, protégeant leurs droits mais refusant d’assumer leurs devoirs, face à l’incapacité coupable de ses politiques, centrés sur eux-mêmes et ignorants du monde, impuissante désormais à assurer le bienêtre collectif, c’est la démocratie elle-même qui est en péril » Mathieu Pigasse, Eloge de l’anormalité

1. Le design favorise le bien-être au travail : véritable recette de productivité

La réussite d’une innovation organisationnelle dépend fortement de la qualité de la participation humaine.

«Cette crise ouverte du travail résulte de la coexistence paradoxale et très problématique de cette intensification du travail et de la sous-estimation du facteur humain ». d’organisation et de relations plus responsables en matière de bien-être et de santé au travail ». lors de la table ronde de France Culture du 8 avril 2011 intitulée “Peut-on désorganiser les organisations, comment serons-nous managés demain ? », François Dupuy, sociologue des organisations et auteur de Lost in management, rajoute, que « le management doit être réinventé parce qu’il ne fonctionne plus des deux côtés de la chaîne ». En effet, fort heureusement tous les employés ne mettent pas de côté leur motivation déviationniste. Si, docilement et méticuleusement, ils appliqueraient les règles du taylorisme, en terme de process, de reporting et d’indicateurs, l’entreprise filerait droit dans le mur avec un tel fonctionnement. Angoisse, stress à la clée, cet enchaînement managérial est violent et produit de la souffrance. A titre d’exemple, cité par François Dupuy, si un supérieur s’adresse à l’un de ses collègues, pour lui demander d’effectuer une tâche autrement ce dernier peut se sentir mal à l’aise.

Parallèlement, si cette personne ne se sent pas suffisamment en confiance pour demander des explications à son responsable, va se sentir inquiet. Il risquera de déduire qu’il réalisait mal son travail et la sensation d’être désabusé peut influer sur sa façon à traiter le nouveau processus indiqué. Le design permet un regard nouveau sur l’appropriation du travail et comment les sciences humaines y contribuent. Si et seulement si, c’est traité dans une manière respectable. Le designer Victor Papanek, dans son ouvrage Design pour un

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monde réel déplore le manque d’éthique dans le processus de démocratisation du design. Le designer se doit de se doter d’ « un sens aigu des responsabilités morales et sociales, et une connaissance plus approfondies de l’homme », car « le design doit devenir un outil novateur, hautement créateur et pluridisciplinaire, adapté aux vrais besoins des hommes ». L’éthique est donnée par le design afin de créer un monde de l’entreprise meilleur.

Jean-Luc Fallou, président de Stratorg, entreprise experte en conseil stratégique dans la transformation, déclare qu’il faut « parvenir à une performance humaine et économiquement durable suppose de stimuler les comportements. Il faut donc inviter au dépassement de soi, à l’initiative, au progrès continu et au maintien d’un engagement fort au sein de l’entreprise. La confiance est un ingrédient clé pour faciliter ces changements de comportements et assurer cet engagement. A contrario la perte de confiance a souvent des conséquences dramatiques et ce d’autant plus que les dirigeants ne l’ont pas toujours vu venir ». De fait, le salaire est une constante importante pour l’employé mais l’entreprise se doit de mettre en place un climat de confiance, dans lequel son employé pourra s’épanouir. De par l’épanouissement, le personnel sera plus engagé dans son travail et offrira une « performance durable et harmonieuse ». Du même acabit, Jean-Marc Legall, dans un article paru dans Le Monde le 8 juin 2010, intitulé « Une occasion historique de réformer l’entreprise », estime l’importance du climat de confiance dans une entreprise. Chaque salarié doit pouvoir s’impliquer et se sentir libre d’être dans la contestation et dans la participation, « car le salarié va, en faisant le choix de communiquer son expérience et son opinion, éventuellement critique, se positionner comme contributeur ». Mais la confiance et l’épanouissement personnel vont de pair comme l’entreprise et son salarié : les deux parties impliquées doivent converger. Jean-Luc Fallou considère ce loyalisme comme un « contrat invisible » établi entre les deux partis. Selon lui, « le contrat invisible établit ce que sont les motivations majeures valorisées dans chaque entreprise, qui sont les acteurs importants dans la réalisation des motivations, dans l’obtention des reconnaissances, il connaît les temps forts de l’entreprise où le salarié se sent en pleine harmonie avec son entreprise ». Pour innover, les entreprise doivent redessiner les contours de la participation des salariés, en mettant en place les conditions propices : tel est l’enjeu de la réforme managérial des entreprises. « Elle ne se fera pas sans un transfert de pouvoir du centre vers sa périphérie,

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et de ses dirigeants vers les salariés et leurs représentants ».

L’autonomie salariale, la confiance et la participation au changement sont les sources de la nécessité de sens pour les employés de l’entreprise. Selon les analyses de Hanzes et De Keyzer, il est conseillé aux entreprises d’intensifier “l’appel à une démocratie du travail, laissant une autonomie et un pouvoir décisionnel au personnel, le recours à la participation dans tout changement organisationnel, la nécessité que le travail ait un sens, l’importance des relations sociales et des communications dans le travail”. L’entreprise se doit de mieux concilier performance et bien être au travail. Jean-Marc Le Gall émet plusieurs conditions indispensables: « La première est que l’Etat, le patronat - qu’on a peu entendu sur ce sujet - et les directions d’entreprise osent mettre le sujet de l’organisation et de l’intensification du travail en débat. Ensuite, ces dernières doivent analyser sans complaisance leurs outils, règles et pratiques de management…/ … la seconde rénovation à envisager est celle de la fonction ressources humaines ». Il ajoute que « mieux reconnaître les personnes, leurs contributions et leurs difficulté, pour améliorer les organisations, sont les conditions impératives de ce travail de fond, à l’opposé des solutions rapides ou individuelles, dictées par la seule actualité. Ce chantier de grande envergure est essentiel faute de quoi il n’y aura finalement ni motivation, ni santé au travail ni performance ». Il est donc « urgent d’investir dans la construction d’organisations et de relations plus responsables en matière de bien-être et de santé au travail». En exemple, un petit article est écrit par Raphaëlle Dormieu pour Positivr, le 12 juillet 2017, avec un titre quelque peu racoleur, mais néanmoins lourd de sens « elle se met en arrêt pour sa santé mentale, son patron la félicite ». Et si, à partir de maintenant, les employés prenaient leurs congés maladie, autre que pour un rhume ou une blessure physique ? Madalyn Parker a demandé deux jours de congés maladie pour « revenir en pleine forme » la semaine suivante. Cet acte fut chaleureusement appuyé par son patron sur Twitter. L’épuisement professionnel n’est pas reconnu encore en France comme maladie mental mais il n’empêche que des députés ont tenté, en février 2017, de proposer une mission parlementaire pour faciliter la reconnaissance du burn out en maladie professionnelle.

Elle fut malheureusement rejeté pour manque d’informations prouvant sa nécessité. Malgré qu’il n’existe aucune étude épidémiologique spécifique, l’INVS devenu Santé publique France, évaluait à 30 000 le nombre de travailleurs touchés sur la période 2007–2012.

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2. Le design réconcilie l’économie et le social : besoin de réinventer le modèle d’organisation

du travail d’un point de vue éthique Il permet d’éviter le risque de surmenage. En effet, les tâches sont déployées étape par étape, et dans le temps. Certes, un cadre temporel définit la durée de chaque tâche mais ce sont les personnes travaillant dans l’écosystème du projet, avec le chef de projet, décident ensemble de la durée nécessaire. Le management actuel est de format pyramidal. Or, dans ce système si quelqu’un est absent, le projet ralentit voir s’arrête. Or, par un système tel que le Design Thinking, si quelqu’un s’absente pour déplacement professionnelle, maladie ou tout autre raison, tout le monde est au courant de ce que le collègue et peut prendre la relève. Cet effet porte un nom : le « bus factor » (le « facteur bus »). Il porte aussi d’autres noms tels que « facteur de loterie, le facteur de camionnette, le nombre de camions / camions ou le facteur de camion ». Dans cette expression, se concentre en fait, une forme de mesure du risque. L’expression «hit by a bus» décrit une personne en train de mourir ou plus généralement disparaître soudainement du projet. Il est utilisé pour décrire les futures disparitions hypothétiques d’une manière légèrement humoristique. Les membres de l’équipe ne doivent pas forcément être «frappés par un autobus» pour que le «facteur de l’autobus» s’applique - un nombre quelconque d’événements pourrait se produire dans le cas où un membre de l’équipe pourrait être soudainement empêché de travailler sur le projet, si on prend en compte le partage (ou le non-partage) de l’informations et des capacités. Cela pourrait inclure une personne prenant un nouveau travail, ayant un bébé ou changeant de mode de vie ou de vie. Cette théorie fait référence à un concept plus ancien, dans lequel la notion de personne clé influe sur le risque et considère les conséquences de la perte de cette personne clé, souvent technique,, par rapport aux cadres financiers ou cadres (qui sont théoriquement remplaçables à un coût assurable). Le personnel doit être à la fois clé et irremplaçable pour contribuer au facteur de l’autobus.

Perdre une personne remplaçable ou non clé n’entraînerait pas un bus factor effect. En d’autres termes, le «facteur bus» est le nombre minimum de membres de l’équipe qui doivent disparaître tout à coup d’un projet avant que le projet ne soit bloqué en raison du manque de personnel compétent ou incompétent. Un facteur de bus élevé est considéré comme une mauvaise chose (puisque la perte de toute personne incluse détruit le projet), et zéro est considéré comme le facteur de bus idéal. Le terme a d’abord été appliqué au développement de logiciels, où un membre de l’équipe pourrait créer des composants essentiels en élaborant

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un code qui fonctionne bien, mais qui n’est pas disponible pour les autres membres de l’équipe, comme le travail non documenté, jamais partagé, crypté, obscurci, non publié, Ou autrement incompréhensible pour les autres. Ainsi, un composant clé serait effectivement perdu en conséquence directe de l’absence de ce membre de l’équipe, ce qui en fait la clé du membre. Si ce composant était la clé de l’avancement du projet, le projet décrocherait. En d’autres mots, le design fait office de responsabilité anticipatrice.

« Ce n’est pas seulement une nécessité économique, c’est un devoir politique ». L’humanité doit retrouver une place prépondérante dan l’entreprise. Cette dimension humaine, ainsi que son importance se sépare en deux points : le point de vue de l’angle RH (qui est recruté, comment inciter à prendre des risques etc.) et d’une vision plus culturelle (célébrer les échecs comme les réussites, relativiser la notion d’échec). Favoriser le design en entreprise apparaît dès lors comme une forme d’innovation sociale. L’innovation sociale est aujourd’hui identifiée par la Commission européenne et intégrée dans le cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l’innovation dans l’Union européenne. Face à des besoins complexes auxquels ni l’Etat, ni le marché n’apportent de réponses, il vise à apporter des solutions concrètes et efficaces.

Propre à l’innovation sociale, le design offre une approche multi-dimensionnelle, définie par sa finalité et ses modalités : produit, processus de mis en oeuvre, organisation etc. Malgré que le projet de design soit régi par un chef de projet, il met en lumière un modèle de gouvernance multi-partie prenante : le design associe autour de la construction et du pilotage du projet, des acteurs multiples dont et surtout, le client/utilisateur.

Une innovation sociale promeut des axes stratégiques qui concerne le renforcement du «capital humain», par des pratiques innovantes au niveau social et en favorisant le dialogue entre les différentes parties prenantes des projets pour au final, créer une véritable dynamique au niveau de l’entreprise.

La Cour de cassation a reconnu qu’un mode de management peut mettre l’employé dans une situation de harcèlement, sans qu’il y ait pour autant une relation agressive ou perverse entre un manager et son collaborateur (arrêt du 10 novembre 2010). Quelques mois plus tôt, Muriel Pénicaud, directrice générale des ressources humaines de Danone livre en février 2010 un rapport sur le bien être et l’efficacité au travail.

«Dévastatrice politiquement, la déflagration l’est également sur le front économique et social. Elle est

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violente jusque dans ses conséquences les plus concrètes, avec par exemple une explosion des suicides.

Ceux-ci ont ainsi augmenté de plus de 100% depuis 2010, et la plupart d’entre eux, selon le ministre de la Santé lui-même, sont imputables à la crise économique. Une telle explosion dans un laps de temps aussi court est un record absolu depuis qu’un recensement des suicides a été mis en place l’Organisation mondiale de la santé (OMS) il y a cinquante ans ».

3. Percevoir le design comme progrès : un déontologie sociétale et industrielle

Joseph Schumpeter, économiste pionnier dans le domaine de l’innovation déplore qu’une entreprise est condamnée au déclin, de manière plus ou moins rapide si elle n’innove pas. « Le maintien d’une capacité créative au niveau de l’organisation : capable de renouveler produits et services, mais aussi pratiques et méthodes, est donc crucial pour sa pérennité ». Une entreprise, si elle veut perdurer doit aller dans le sens du progrès. L’artiste Francis Bacon fut le premier à utiliser le mot « progress » dans un sens temporel, et non plus spatial. L’étymologie latine de progrès étant pro-gredire, « marcher en avant ». Fontanelle reprendra cette notion dans la préface de son ouvrage Eléments de la géométrie de l’Infini, publiée en 1727, en affirmant qu’« il y a un ordre qui règle nos progrès ». En tant que discipline de création, le design est un moyen d’aller au-delà ce qui est existe actuellement. Facteur transgressif, il pense à ce que sera demain en s’appuyant sur ce qui se passe aujourd’hui. De par sa notion de projection dans le futur, il pose la question de ce que nous deviendrons et des traces que nous laisserons, sur la Terre et à notre descendance. Face à l’actualité, entre le réchauffement climatique, les guerre physique comme virtuelle, la maladie… La mondialisation et le développement du numérique nous amène désormais dans un environnement hybride, en ligne et horsligne, pouvant nous déplacer sans nous déplacer etc. Nous nous construisons «phénoménologiquement» avec le monde, déclare Vial. Le design est présent pour donner du sens au monde et à tout ce qui nous entoure. Il ajoute même que « l’homme est dans la machine autant que la machine est dans l’homme ». Le design a pour but de donner du sens à cette interobjectivité. « Vivre, ce n’est pas seulement vivre avec « mon père, ma mère, mes frères et mes soeurs », c’est vivre avec (...) des tables, des chaises, des chaussures, des voitures (...) des paysages (...) des non-humains, avec lesquels nous tissons des liens à chaque instant» . Le design interroge la notion d’identité, de culture, les croyances diverses… afin d’aller de l’avant, vers l’avenir.

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Le design permet de lever des freins et à activer des atouts certains pour l’entreprise. De par son aspect thaumaturgique, le design apparaît aux yeux du monde comme une « phénoménologie pseudo-miraculeuse où les choses ont perdu leur pesanteur ancienne pour devenir légères et fluides, cette phénoménalité douce où les choses sont plus aériennes et plus déliées, se pliant comme par magie à nos attentes et nos désirs, sans la résistance d’autrefois » par rapport à la situation du travail en entreprise. Reprenant Stéphane Vial, le design doit devenir un mythe à forte utilité : utile car c’est un moyen de « convaincre les gens que les designers font plus que rendre les choses plus jolies ». Le design redonne aux employés la possibilité d’être à nouveau perçus pour ce qu’ils sont : ils sont des êtres humains et non des êtres mécanisés. Cette vision, fédératrice dans les monastère, s’est perdue à partir de la grande révolution industrielle. Le management par le design devient un « événement philosophique qui affecte notre expérience phénoménologique du monde et qui relève de l’ontologie, ou plutôt de l’ontophanie, c’est-à-dire de la manière dont les êtres (ontos) apparaissent (phaïno) ».

Le design, grâce à l’incrémentation du connu permet de rapprocher le nouveau. Dans le cadre de changement organisationnel, il valorise et projette de nouveaux modes de vie et de nouvelles manières de faire, ce qui permet à l’employé de comprendre son nouveau rôle dans l’entreprise. Chris Anderson, dans son livre Makers - La nouvelle révolution industrielle écrit que « nous visons dans une culture de remix : tout est inspiré par quelque chose qui a précédé et la créativité transparaît autant dans la réinterprétation de travaux existants que dans les oeuvres originales ». Apple l’a reprise dans sa célèbre première publicité pour iTunes, « Rip. Mix. Burn ». Le design a la capacité de mettre en forme les mutations conceptuelles de l’époque tout en créant des modèles abordables des nouveaux paradigmes. Le design offre une approche multidimensionnelle qui permet de changer son regard sur l’innovation. Le design se doit d’être politique afin qu’il devienne l’affaire de tous et symboliser le défi structurant qu’il pour l’économie française. A l’intérieur du processus de design, l’entreprise doit se donner les moyens de financer les preuves de concept (POC - Proof Of Concept) et les différentes phases de développement. Le personnes qui se donnent dans le processus d’innovation ont besoin de soutien dans les différentes étapes itératives du développement de leur projet, dont la commercialisation est généralement indissociable de la conception et du développement : prototypage et premiers tests

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utilisateurs, mise au point des premières version, développement commercial, français ou international. Le besoin, en plus d’être moral, se doit être aussi de l’ordre financier. En effet, dans le processus de design, il s’agit de financer des projets de de manière itérative et souple des projets qui le sont tout autant. L’appétence pécuniaire émerge de manière progressive, ce qui la rend difficile à mesurer au démarrage. C’est pourquoi le financement se définit étape par étape. Le design permet de répondre à la volonté de l’entreprise d’optimiser tous ses processus.

C. Les dispositifs managériaux par le design : une leçon

entre besoin sociétal et économique « Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années 1970. Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace » Michel Serres, Petite Poucette

1. Le besoin de sensibiliser les entreprises au design : une relation de l’ordre du “je t’aime, moi non plus”

Les entreprises se doivent d’intégrer l’ensemble de leur personnel. L’implication de l’ensemble des parties prenantes vers un objectif commun clairement identifié est la seule solution pour faire face à la complexité de l’écosystème à mobiliser et éviter les résistances. Selon la thèse, de Gary Hamel, spécialiste américain en conseil de stratégie, il est évident que l’organisation de l’entreprise et ses pratiques de management sont complètement dépassées et plus du tout adaptées à la société actuelle. Très virulent, il défend la thèse, dans La fin du Management, inventer les règles de demain, publié en 2007, qu’il faut faire table rase du passé et tout réinventer. « Comparée aux changements considérables que nous avons observés au cours du demi-siècle dernier en matière de technologie, de style de vie et de géopolitique, la pratique du management semble évoluer à la vitesse d’un escargot ». Demain, le manager favorisera la synchronisation humaine et délaissera la planification. L’entreprise doit penser son activité dans un système de reliance. La société actuelle est régi

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par de nouvelles réalités. Le changement s’accélère, ainsi que les performances des nouvelles technologies qui ne font qu’évoluer de plus en plus. Ces événements engendrent une augmentation de la concurrence qui s’envole de manière exponentielle, des enjeux de société tels que la responsabilité de l’entreprise envers l’environnement et ses parties prenantes, de l’exigence accrue des consommateurs etc. Et s’il arrivait qu’un dirigeant des années 1960 ressuscitait tout à coup, il serait fortement étonné que le management soit resté fidèle à lui-même face à tant de turbulences pour le monde. Les entreprises filent droit dans l’impasse à cette allure : former des pôles innovations avec leurs équipes et travailler en transversalité pour donner l’envie d’aller plus loin ensemble. De nouvelles capacités organisationnelles et managériales se doivent d’être mise en place pour prospérer dans un monde où les changements à répercussions fondamentales sont de plus en plus fréquents et forts. « Il est urgent d’agir pour dire non à ce qui n’est rien d’autre qu’un nouvel obscurantisme. Non à ce refus systématique de l’autre au seul motif qu’il est différent. Non à ces politiques de la haine et du rejet, à cet ordre social qui trie, classe et veut que rien jamais ne bouge. Notre société doit être au contraire ouverte et mobile, unie, moderne, une société du possible, une société où tout est possible pour chacun ».

Il faut faire attention car ces ajustements internes peuvent être source de crispations et de frustration et de finir par le risque de les effaroucher. ll faut respecter le rythme de l’autre. Donner quand il est prêt à recevoir. C’est très difficile de recevoir quelque chose de nouveau, qui perturbe d’autant plus le quotidien.

On croit que tout le monde réclame de l’innovation à cor et à cri. C’est une affaire complexe, et il convient de savoir comment donner, comment doser, ne pas encombrer l’autre d’une demande excessive. Désormais, pour mener à bien des projets plus itératifs, plus proches du marché et moins prévisibles dans leur développement, les compétences et les forces de travail sont traduits sous le format de besoin en tempshomme. Il est indispensable d’organiser des recrutement afin de former des équipes pluridisciplinaire. Mais, en conséquence, certaines compétences se font rare représente aujourd’hui à la fois un coût et un facteur de risque, ce qui rend souvent les entreprises hostiles. Mais le besoin de savoir s’entourer des bonnes personnes est présent.

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Véritable « nouvelle philosophie du monde175 » de l’entreprise, le design est une approche praxéologique du management. Findeli explique que « nous sommes dans une période de changement nécessaire que ce soit dans l’éducation, la pratique ou la recherche de conception ». Les problèmes de la conception ne sont pas «les raisons intrinsèques» à la conception elle-même. Mais, on remarque, « comme si dans ses fondements, la philosophie pratique contemporaine était en crise ». Le paradigme actuel démontre un ensemble de «croyances partagées selon lesquelles nos systèmes éducatifs, politiques, technologiques, scientifiques, juridiques et sociaux fonctionnent sans que ces croyances ne soient jamais contestées, ni discutées ». Cette anthropologie philosophique conduit à considérer l’utilisateur comme un simple client ou, au mieux, comme un être humain encadré par l’ergonomie et la psychologie cognitive. Or, à l’instar d’Oskar Schlemmer et de son diagramme, montrant un être humain entouré d’un cosmos complexe et multidimensionnel, il est nécessaire de traduire la figure humaine en mouvement dans l’espace. « Une telle image doit être considérée comme la base de l’intelligence visuelle future dans la conception, puisque tout projet de conception évolue entre les deux pôles de l’anthropologie et de la cosmologie ». Les raisons de la situation actuelle de la conception se trouvent principalement en dehors du domaine de la conception-même. En prenant en compte l’écosystème dans lequel les salariés travaillent, il est parfaitement légitime au designer de travailler sur toute problématique de méta-conception : « organisation de l’entreprise », « ses pratiques de management, telle que la gestion du temps, la gestion du stress, la reconstruction d’un contrat basé sur la confiance entre les dirigeants et les salariés176 ».

2. Pour une nouvelle architecture fiduciaire basée sur le design : démocratisation du design comme pari sur l’avenir

En s’assurant de disposer d’une diversité de talents, le défi de l’innovation de rupture ne peut être qu’une réussite. Recruter les mêmes profils aux mêmes parcours, formaté dans les mêmes écoles, c’est parfait pour ne rien changer et laisser tourner le business principal de l’entreprise. Pourtant, cette situation s’avérera dangereuse lorsqu’il sera vital d’amorcer des démarches d’innovation de rupture. Arendt écrit que « l’action des hommes de sciences, agissant sur la nature du point de vue de l’univers et non sur le réseau des relations humaines, manque du caractère révélateur de l’action comme de la faculté de produire des

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récits et de devenir historique qui, à eux deux, forment la source d’où jaillit le sens, l’intelligibilité, qui pénètre et illumine l’existence humaine. Sous cet aspect, dont l’importance existentielle est extrême, l’action aussi est devenue une expérience de privilégiés, et ces derniers savent encore que ce que c’est d’agir sont peutêtre encore moins nombreux que les artistes, leur expérience est peut-être encore plus rare que l’expérience authentique du monde et de l’amour du monde177 ».

Le design se pose comme un axe de management transversal, partagé par tous les acteurs de l’entreprise, au service du développement économique de l’innovation. La coopération plurielle, entre employés, gouvernance institutionnelle et management de l’innovation est au coeur du design. Pour coordonner cet ensemble d’acteurs aux intérêts multiples, le design officie comme avec les fonctions de médiation et de traduction. Le processus les mobilise tous et permet un accompagnement pas à pas tout au long de la démarche. S’appuyant sur des dynamiques participatives, le designer permet de les mettre en scène. En effet, il ne suffit pas d’associer les acteurs pour que le système fonctionne. Il agit comme un pivot permettant de les passer d’un monde à l’autre, et en faciliter la médiation.

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INNOVATION SOCIALE

Réponse à un besoin social mal satisfait •

•

•

•

besoin social sur un territoire d’implantation + insuffisance des réponses à ce besoin identifiés de manière claire volonté de mettre en oeuvre une réponse nouvelle qui apporte de la valeur est inscrite explicitement comme la raison d’être du projet l’impact du projet sur la résolution du besoin social identifié est positif, mesuré de manière explicite et rigoureuse projet sur le long terme

Génération d’effets positifs • • •

sur le développement économique impact sur d’autres besoins sociaux suscite d’autres innovations (grappes d’innovations) comme la création/ structuration d’une nouvelle filière qui contribue au renouvellement du secteur d’activité

Expérimentations et prise de risque • •

•

•

lever des verrous et résistances pour mettre au point la réponse envisagée opérer par la transposition (réponse est plus adaptée pour répondre au besoin social que les solutions alternatives ) projet porté par une équipe ou un collectif d’acteurs, qui développent une culture d’innovation manifeste (accent sur la créativité, encouragement des recherches de solutions inédites) et disposent de compétences complémentaires (multidisciplinarité) projet d’abord déployé sur un mode expérimental : phase test, avec un processus formalisé d’évaluation et d’ajustements par itération

Implication des acteurs concernés •

•

•

impliquer les bénéficiaires visés dans l’identification du besoin social mal couvert co-construction de la réponse innovante à ce besoin et validation de la pertinence de cette réponse implication des bénéficiaires dans la mise en oeuvre opérationnelle du projet

DESIGN Figure 10 : Schéma démontrant le design comme une innovation sociale, inspirée de la grille de caractérisation de l’innovation sociale

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La politique de design demandé par Cadix s’inscrit dans une triple ambition. Dans le premier objectif, il est « convaincu que le design doit contribuer à l’émergence de la nouvelle entreprise industrielle, le premier objectif est que le recours au design, dans la conception de tous les « objets » devienne naturel ; qu’il ne soit ni réservé à certain secteurs (ameublement, décoration, art de vivre en général), ni l’apanage de grandes entreprises, ni limité à une dimension stylistique ». Le design est un des catalyseurs du redressement productif. Le deuxième objectif est faire des entreprises françaises, « un des hauts lieux de la création industrielle au 21ème siècle », afin qu’elles soient les investigatrices de « nouvelles formes et des nouveaux usages pour notre temps, d’une esthétique du « nouveau monde industriel ». Il est de ce fait, nécessaire de passer à travers « le « redressement créatif »” du pays et de prendre en main, « sans l’instrumentaliser, le monde de la création dans sa globalité ». Les entreprises doivent mettre en avant la pratique de la création et l’entraînement à la créativité ; en effet, « il ne peut y avoir redressement productif sans redressement créatif. Il ne peut y avoir redressements créatif et productif sans déploiement d’une ambitieuse politique d’éducation artistique et culturelle, technologique et industrielle – pour tous ». Le dernier objectif, consiste à la concrétisation de cette politique de design au service des grandes causes : elle doit contribuer à relever les défis auxquels font face les individus et les entreprises aujourd’hui. « L’Etat et les collectivités territoriales doivent par conséquent s’ouvrir à lui pour contribuer à imaginer un monde différent, des pratiques différentes, des « objets » différents ». Les enjeux de la pratique du design dépassent les notions d’économie, d’industrie et de culture pour devenir ceux d’une politique de design à travers les ambitions sociales et sociétale du temps actuel. Il cite en référence à cet égard, la « Kyoto design declaration 2008 – A statement of commitment, by the members of Cumulus, to sharing the global responsability for building sustainable, human-centered, creative societies – proposing new values and new ways of thinking, an era of human centered developpment, the imperative for designers to assume new roles, seeking collaboration in forwarding the ideals of sustainable development, from education to global responsability, the power to make fundamental improvements to our world ».

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3. Quand la théocratie industrielle laisse place à une gouvernance holacratique

Le taylorisme était le temps des révolutions et de leurs grandes idéologies. D’extrêmes gourous voulaient changer le monde. A bas la procrastination, il était nécessaire de tout diriger afin que tout rentre dans les cases prédéfinies en amont. Management à forte valeur viril, se retrouve ce sentiment guerrier, un sensation d’imposer par la force de la rationalité et du calcul comme Vérité ultime. Le management postmoderne, basée sur les notions du design, se pose en héros : réconcilier le bien-pensé et le bien-être dans le temps et l’espace. La planification serrée, le rapport de force pyramidal ne sera plus si l’on souhaite des entreprises humainement en bonne santé. Aujourd’hui, le design se dote d’un rôle missionnaire, se résumant dans une action de quatre types par Cadix : « celles qui « poussent » les changements, celles qui les « tirent » ; celles qui les encouragent et les facilitent ; celles qui les préparent ou les accompagnent ; enfin, celles qui permettent de les financer. Dans une approche système, elles sont toutes importantes par nature, elles sont liées entre elles et pour cela elles doivent être coordonnées – tout en laissant une grande marge de manœuvre aux maîtrises d’ouvrages déléguées – c’est le rôle de la Mission Design ». Ce sont les usages donnent de la valeur la technologie : c’est pourquoi, le design doit être acceptée dans un triple sens « création – conception – maîtrise d’oeuvre » et « être considéré comme un levier très important de l’innovation ; en particulier comme facilitateur de l’innovation technologique dans la mesure où il promeut les usages dans le champ de la technologie ».

Le terme holacratie est dérivé du mot holarchie, inventé en 1967 par Arthur Koestler dans son livre The

Ghost in the Machine, composée du grec holons qui signifie le « tout » et de arkhê, le « pouvoir » dans le sens de « commandement ». Les entités sont autonomes et indépendantes mais restent sous la dépendance d’une entité supérieure dont elles font partie. Dans holacratie, le substantif cratie provient du grec kratos et signifie « pouvoir » dans le sens de « force ». C’est la force de force de travailler ensemble : l’holacratie est un système d’organisation de la gouvernance, fondé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective. Concernant le système holacratique, la théorie fut développée en 2001 par Brian Robertson dans son entreprise de production de logiciels (Ternary Software) dans une visée d’un management plus « agile ». Management horizontal, il renverse le système hiérarchique de management top down (ou vertical). Les

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salariées et les équipes s’auto-gèrent puis prennent les décisions entre eux. Ce système est notamment déjà appliquée dans les entreprises comme Zappos, Danone ou encore Castorama. « Les entreprises qui ont intégrés le design sont plus innovantes, la croissance de leur chiffre d’affaires plus rapide, leur développement à l’export également , et elles rebondissent plus vite après les périodes de crise » martèle Anne-Marie Boutin, directrice de l’APCI. Ces différentes formes d’innovations sont nommées «agiles», ou encore «ouvertes».

Elles touchent au modèle d’affaires ou à l’organisation de l’entreprise, et c’est ce qui leur donne aujourd’hui une importance croissante, voire dominante dans certains secteurs. Suite à l’évolution des aspirations, liée à l’amélioration du niveau de vie, à l’élévation dans la pyramide de Maslow et à l’Histoire et au phénomène grandissant du numérique, le monde s’est considérablement métamorphosé. Le numérique a ouvert un possible de communication universelle. Toute idée, tout concept prend d’abord une forme numérique. De cette manière, il devient plus flexible et d’autant plus personnalisable. En facilitant la dématérialisation, chaque individu est devenu potentiellement émetteur et récepteur à l’identique de son voisin, quel que soit son statut. C’est la norme des générations X et Y qui sont nées avec. L’association entre entre produits et services, et êtres humains contribue à l’accélération des cycles. Le management collaboratif devient le minimum acceptable ; le pro-participatif sera la règle. Les données deviennent un actif-clé de l’économie.

Cette interconnexion donnent de la puissance aux idées. Circulant encore plus vite, d’un bout à l’autre de la Terre, nous sommes invités à la collaboration comme à la copie. La différence entre professionnels et amateurs s’estompe. Les chaînes de valeur se restructurent en permanence, souvent autour de grandes “plateformes”. Les externalités, en croissance constante et de par leur puissance, se démarquent pour devenir les sujets centraux de l’innovation, notamment à visée sociale. La politique et ses actions qui ont toujours été mise en place connaît ses limites face à la montée des enjeux énergétiques et climatiques, et l’accent croissant mis sur la « responsabilité sociale et environnementale » des entreprises, invitent à prendre en compte les effets des innovations sur l’emploi, le bien-être collectif ou l’environnement.

Le design redéfini les intérêts collectifs et invente de nouveaux moyens d’action. Il permet de retrouver, comme dans la religion, l’équilibre : ce qui est de l’ordre de l’esprit d’un côté, la réflexion amont, le questionnement, la recherche et le travail pratique, ce qui est de l’ordre de l’exécution Le designer est en quelque sorte un

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« prophète ». Flusser rajoute même, qu’il mérite plutôt d’être qualifié de dieu ; seulement il n’en a pas conscience, Dieu soit loué, et il se considère lui-même comme un technicien ou un artiste. Que Dieu lui garde cette croyance !178 ». Il permet d’atteindre un état de bonheur, tel le Paradis sur son lieu de travail. Le design se pose en véritable théologie, en se dépassant lui-même et en surpassant le modèle classique de management. Le management prenait naissance dans les origines chrétiennes, il trouve son Salut dans le design. « L’homme doit transformer le monde avant de se transformer lui-même179 », il en est de même pour l’entreprise : « qui s’interroge sur notre temps présent devrait d’abord soumettre à l’examen critique les usines d’aujourd’hui. Et soulever la question de notre avenir, c’est poser celle de l’usine de l’avenir180 ». Car en effet, comme l’explique Mike Monteiro, co-fondateur et directeur design de Mule Design, dans sa conférence How designers destroyed the world181, c’est le design qui tire les ficelles dans le monde industriel, si ce n’est plus. Il explique que la responsabilité de toute conception tient dans les mains du designer car chaque manipulation qu’il exerce sur le monde, a des effets tel la théorie, du battement d’ailes d’un papillon au Brésil qui peut provoquer une tornade au Texas. En ayant l’avenir du monde entre ses mains, le problème du pouvoir se trouve dans le fait que, le designer doit tenir tenir compte des effets et réfléchir aux conséquences de ses actes, s’il ne veut pas suivre la lignée destructrice du taylorisme.

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ENJEUX DE L’ENTREPRISE

Remettre l’humain au cœur des organisations (avantage compétitif de la société occidentale et pour répondre aux attentes des salariés en terme d’épanouissement au travail), en privilégiant les aspects suivants : • un climat de confiance • un contrat de réciprocité entre salariés et dirigeants • des salariés autonomes et responsabilisés • l’implication des salariés • la mise en place de la motivation intrinsèque autant qu’extrinsèque • le sens du travail effectué • la gestion de la complexification des rapports au temps • l’importance des relations sociales

INGRÉDIENTS D’UNE INNOVATION ORGANISATIONNELLE RÉUSSIE

• l’observation • des idées nouvelles, de la créativité • une activité collective qui fait sens • l’implication de la base de la pyramide • la réflexivité • une certaine marge d’autonomie • la responsabilisation • l’expérimentation • la dynamique de changement • l’appropriation du sens de l’innovation • l’apprentissage continu • la motivation intrinsèque

L’APPORT DU DESIGN

Méthodologie de résolution de problème créative focalisée sur l’humain (conception par les hommes et pour les hommes) mais très structurée : • la créativité • l’observation • la prise de recul, le requestionnement de la problématique • la conception participative • la connaissance des parties prenantes et leur implication dans tout le processus • le processus itératif Les atouts du prototypage : • le test • l’échec rapide pour une réussite encore plus rapide • l’apprentissage • la communication des idées, des défis et des solutions • l’appropriation • la création de sens

Figure 11 : Apport du design aux enjeux auxquels se retrouvent confrontées les entreprises, A. MARCHAL, Innovation organisationnelle & transformation managériale par le design thinking, pp. 152 - 153

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CON CLUSION

CONCLUSION INTRODUCTION

« La fin ou le but du design est d’améliorer ou au moins de maintenir l’habitabilité du monde dans toutes ses dimensions », Alain Findeli

Auparavant, le design représentait la symbiose entre les arts et l’industrie, selon la théorie de Henry Cole.

Aujourd’hui, il est là pour « ré-enchanter », selon l’expression de Stéphane Vial, le monde de l’entreprise et son rapport avec ses employés. Comme l’écrit Tim Brown, le designer est bien plus qu’un « simple maillon dans la chaîne qui reliait le service d’ingénierie du client au département marketing »182. Les entreprises se positionnent sur des marchés existants pour innover car « la virtuosité technique ne constitue pas la condition sine qua non du succès »183. Or, l’innovation centrée utilisateur est un atout à privilégier car cela leur permettrait « d’exploiter des atouts qu’elles possèdent déjà : une large base de clientèle, des marques reconnues et fiables, un service client et des systèmes de support éprouvés, un réseau de distributeurs et de fournisseurs solidement établi»184. Aujourd’hui, il est plus qu’urgent que, de réinventer le fonctionnement de l’entreprise. L’innovation connaît de grands bouleversements dans lesquels toutes les typologies s’entremêlent : technologique face au non technologique, l’imbrication produit - service - procédé, incrémentale versus radicale… Dès lors, ce changement ne sera possible qu’avec une réflexion qui interviendra nécessairement sur la revalorisation des capacités humaines. Le design libère l’être humain. La transmutation du monde ne sera possible qu’à partir de la reconnaissance des valeurs humaines intrinsèques. La voie aujourd’hui, c’est l’exploration, l’adaptation, l’expérience. Redonner foi en l’humain, voilà où se trouve le véritable avantage compétitif des sociétés occidentales. Croire en l’homme et dans sa capacité de développement, c’est à cet endroit que se retrouve le premier avantage compétitif de l’entreprise. Les fondements de l’entreprise doivent être revisités. Perçue comme de plus en plus, les employés se trouvent brimés dans leurs aspirations. Les nombreux ressorts d’engagement sont au coeur de l’entreprise, dans son management : le design aide à les connaître et à savoir les activer. L’assomption de l’industrie et sa production, évolution de la vie manufacturière, contiennent en elles la causalité qui a permis au design de s’élever et de devenir un être-au-monde. Le lien commun au christianisme, c’est ce qui en a été conservée : l’idée d’une perfection future de l’humanité.

Le but de la triade industrie, management et design est de sauver l’homme. La manufacture a concouru à

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INTRODUCTION CONCLUSION

la libération de l’homme, le management l’a enfermé mais le design se voue à la vocation de transformer l’entreprise. Influencer le monde de par l’action terrestre sur les hommes, transformer le monde, en réponse à ses origines chrétiennes, amener le Paradis sur terre : rendre la liberté définitive à l’homme, voilà la promesse du design. L’industrie se voulait efficace et la norme managériale donnera à « cette valeur la clef de voûte de son dogme »185, celle d’organiser scientifiquement l’humanité.

L’innovation de rupture pose l’entreprise face à trois réactions possibles. Premièrement, elle peut utiliser la technique de l’autruche, se cacher la tête dans le sable et attendre que cela passe ou se réalise tout seul.

Mais l’ignorer, c’est risquer de se faire prendre par surprise par son développement et ne pas réussir à prendre le coche en cours de route. Deuxièmement, l’entreprise peut en être parfaitement consciente mais la rejeter, et ignorer ensuite volontairement les non-consommateurs. soit adopter l’innovation de rupture mais essayer de la forcer pour la mettre au service de son modèle actuel. Francis Bacon, dans son ouvrage Novum Organum, résumait l’invention a trois grandes innovations techniques que sont la poudre, la boussole et l’imprimerie. Toutes trois ont changé la face du monde et la condition des choses dans la guerre, dans la navigation et dans les lettres. Elles sont rentrées avec fracas dans la vie des hommes. Or, l’introduction de la machine à laver dans l’univers privé n’a pas été un évènement bouleversant pour les hommes mais c’est grâce à son effet sur la population féminine qu’elle a changé leurs rapports en profondeur. Il s’ensuit peu à peu, la reconnaissance de la quantité de travail de la femme au foyer, entre les tâches domestiques et l’éducation des enfants, le temps et l’énergie qu’ils consument. Les entreprises se trouvent aujourd’hui démunies, face à l’ampleur des difficultés rencontrées. Elles se trouvent dans l’urgence de réinventer leurs organisations et leurs pratiques de management. La gestion de la qualité humaine se doit d’être plus efficientes si elles portent en elles, le souhait réel de s’en sortir. La vocation actuelle n’est plus à l’ère de l’expert monotâche mais à celle d’employés indépendants mais surtout interdépendants, libérés et créatifs, un ensemble multipotentiel. La reconnaissance du design en faveur de l’innovation, de ses diverses dimensions serait une avancée significative.

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CONCLUSION

La Royal Society de Londres est la première forme d’organisation à créer, un environnement, voire un mouvement particulier de pensée : celle de la réflexion collective. En conclusion, le design est un véritable vecteur de transformation dans une innovation managériale car il réconcilie les objectifs sociaux et économiques. Il se place en atout pertinent pour tout projet d’innovation et l’entreprise qui le porte. Il permet de faire en sorte que l’innovation soit portée par tous les salariés et non pas seulement la Recherche & Développement, fonctionnant en binôme avec le service marketing. Le management par le design apporte de la souplesse, permet une vision sur l’avenir et se pose comme un outil décisionnel, pour en finalité éviter l’écueil de Kodak. Il s’intègre parfaitement dans n’importe quelle culture d’entreprise et offre à l’employé le moyen de se libérer. Mettre en place une organisation plus agile, c’est faire une sorte que l’entreprise sera susceptible de générer en permanence de nouvelles options stratégiques et que tous les salariés endossent le rôle d’acteur de l’innovation. Pour réussir, les entreprises doivent donner à leur service d’innovation, la capacité de saisir les opportunités et de maîtriser les risques possibles. Prendre part au design c’est vivre une aventure humaine : qualité, complémentarité des équipes, l’organisation et le management en feront toute la différence. «L’essentiel est invisible pour les yeux »186...

Le design, c’est parier sur l’avenir. Il offre une aide considérable pour évaluer aussi précisément que possible les chances et les conditions de réussite, mais surtout, repère les imprévus afin de pouvoir réagir rapidement.

Cette discipline démontre aussi le besoin de travailler en co-création, clients et utilisateurs afin d’assurer un service de qualité : s’organiser pour les écouter, les comprendre, voire même les impliquer le plus en amont possible et tout au long du cycle du projet. Le design, c’est l’encouragement à la prise de risque dans l’innovation afin de service l’avenir. Le design est un processus qui permet de chercher une solution cohérente et en harmonie avec l’environnement à un problème qui est généralement mal défini. Contrairement aux autres approches telles que le lean, la théorie CK, ASIT etc. qui sont excessivement figées et ne se concentrent que sur l’idée, sans s’ouvrir à l’environnement, le design se place dans une volonté transformative dans un monde au changement perpétuel et où ce dernier est la nouvelle règle. Utiliser le design, c’est travailler avec cette incertitude. C’est aussi travailler avec l’usager, car rien de tel que de s’immerger plutôt que de se baser sur des présupposés. Le design se concentre sur les choses qu’il peut « contrôler ». Comme une conférence

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CONCLUSION

de Yalta, la guerre contre les anciennes formes de management n’est pas finie, il est important de décider de l’avenir des entreprises et dans leur gestion des employés dans le fonctionnement des projets. L’avenir du design, se place donc dans l’organisation oecuménique des entreprises, tel l’ONU chargeait d’assurer la paix dans le monde.

« Nous sommes aujourd’hui dans une impasse, avec des systèmes démocratiques à bout de souffle et menacés. Il faut inventer quelque chose de neuf, tracer un nouvel horizon. Il est possible de faire plus et mieux.

Sans dommage. Sans drame. Sans larmes. Maintenant. C’est pour cela que nous devons combattre et réagir.

Ici et maintenant. Entre l’audace et l’enlisement, il est temps de changer d’orientation. Les gouvernements, résignés, ont choisi d’être des observateurs et non des acteurs. Ils subissent, espèrent parfois, attendent toujours, sans jamais agir vraiment. Le manque d’efficacité des politiques publiques, l’improvisation qu’on maquille en pragmatisme, l’absence de dessein collectif en sont autant d’illustrations. Refuser de sortir du cadre, d’innover, d’oser, c’est pourtant se condamner à une faillite sans précédent. C’est ruiner toutes les chances qui se présentent à nous, tous les défis qui valent d’être relevés. Pour être grand, un peuple doit embrasser l’infini. Il doit renouer avec l’aventure et le désir de grandeur. Il doit s’appuyer sur sa jeunesse.

Il a besoin de rêves et de frissons. Il est temps de renouer avec l’exceptionnel, de tracer un nouvel horizon, de définir un nouveau champ des possibles. Il est temps de rêver de nouveau...»187. Aujourd’hui, la France affronte des challenges capitaux pour consolider sa place comme acteur et appuyer de tout son poids dans la balance de l’économie mondiale. Pour le pays, le développement vers le haut dépend de la compétitivité et des incidences sur sa croissance. L’élection plutôt surprenante au regard de la lignée précédente, sa jeune expérience, malgré tout fourmillante, et l’élection d’un mouvement au lieu d’un parti, met face à une rupture de paradigme, plutôt enlisé depuis quelques décennies. Le gouvernement, en s’ouvrant à ses citoyens leur donne l’opportunité de mettre leurs compétences à profit, en développant leur « confiance créative »189.

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INTRODUCTION

Emmanuel Macron, nouveau président depuis mai 2017, a su concentrer un certain engouement sur des principes prenant part au Design Thinking. Son élection est le résultat d’une volonté du peuple voulant le changement tout en acceptant l’incertitude. Son tout premier principe, consiste à penser par l’action : le titre « En marche ! » donne le ton. Croire en un avenir meilleur est déjà un premier pas. Mais le changement véritable nécessite de l’action. Pour éviter la gangrène qui paralysait le pays, il faut désormais de l’action mais surtout aussi, de l’empathie. Élément constitutif de la pensée design, pour répondre aux besoins réels de la population, il faut l’écouter, quel que soit le sexe, l’âge l’activité ou la non-activité etc. Aujourd’hui et à l’avenir, se forme le souhait de co-créer dans la diversité : s’écouter et rebondir sur les idées de chacun. Macron a construit son mouvement pas à pas, comme avant le lancement d’une nouvelle idée sur le marché : identification des besoins, élaboration des solutions, prototyper, tester, affiner, itérer tout en avançant toujours. Faire fi de la lourdeur bureaucratique face à la complexité de notre société actuelle, de la critique radicale et des décisions caustiques. L’agir individuel doit renouer avec l’engagement collectif afin de transformer le sens en profondeur. Et inscrire toute cette réflexion dans le même optimisme que notre nouveau leader porte, espérer que le design sera enfin écouté et finalement, bel et bien « En marche »188...

De l’utilisateur au salarié, puis au monde politique, le système de la stratégie design se veut global. Suite à la lecture de l’ouvrage Gouvernez ! de l’ancien député Fançois Cornut-Gentille, il explique les échecs de rupture de chaque président depuis la première élection de Jacques Chirac. En effet, chaque nouveau président n’a rien modifié sur sa façon de faire et une incroyable distance prenait place entre les discours et les actes, sous couvert de fatalité et de débats systématiquement biaisés à l’origine ; les questions étaient aussi mal posées par la majorité que l’opposition. Il est aujourd’hui nécessaire d’appliquer une nouvelle méthode pour retrouver l’exercice du pouvoir, sans laquelle rien ne sera possible mais surtout, de penser en mode projet et de le construire. La volonté de Cornut - Gentille est de ce fait, absolument design. Il explique « ce ne sont pas seulement les hommes qui reviennent ou qui s’accrochent comme cela a toujours été ; ce sont d’abord les situations. Toujours le même discours sur la crise. Toujours des réformes incomplètes qui sont à refaire.

Toujours le même acharnement à légiférer et, dans le même mouvement, la même dénonciation des excès en la matière » 190. Les réformes d’innovations technologiques, souvent, spectaculaires ne modifient pas en

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INTRODUCTION

profondeur l’action publique. L’obsession de la crise et du retour à la croissance dans les discours politique a détourné l’attention sur les véritables changements radicaux qui sont intervenus un peu partout. « Etre enseignant aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec le métier qui s’exerçait dans les années 1980 » 191 évolution des familles, des enfants - la société a évolué dans son ensemble. Entre querelles psychologiques et affrontement sur la question de recrutement, la solution se trouve manifestement dans la redéfinition du métier d’enseignant, dans l’écosystème éducatif qui est à reconstruire. Il en est de même pour le monde médical, qui est descendu dans la rue au printemps 2017 pour dénoncer leur mal-être et l’organisation anxiogène du milieu. Cette pensée peut s’appliquer à toutes les professions. De ce fait, le design se pose comme une expérience atypique pour contrer l’enlisement politique qui se perpétue année après année.

Cette démarche repose sur la force et la pertinence d’un questionnement effectué avec le seul souci de l’intérêt général. Proposition déconcertante pour tous ceux qui sont à la recherche de mesures immédiates, mais c’est justement cette obsession qui les a conduit dans l’impasse. Le design peut devenir une véritable action politique car il a une emprise sur le réel. Aujourd’hui, le monde a radicalement changé et la politique est en retard sur lui. La société a évolué plus vite qu’elle. Les réponses actuelles, voire même leur absence, ne sont pas appropriées aux problèmes actuels, car elles sont issues de statuts et de problèmes issus du passé. Les réformes se contentent le plus souvent, de rationaliser des outils obsolètes. Il est nécessaire de rompre d’urgence avec l’ancienne politique, de réussir le processus de rupture. Le design peut en être une réponse. En apportant une réflexion au préalable, définissant des objectifs clairs, il renvoie à la notion primaire de la politique, qui est de décider ensemble l’avenir de la société, en réactivant un socle de valeurs communes.

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04 VERS UNE NOUVELLE FORME D’ORGANISATION DU TRAVAIL

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RÉFÉ RENCES

RÉFÉRENCES

1. PIGASSE Matthieu. Eloge de l’anormalité. Plon, Paris, 2014, 198 pages, pp. 8-9 2. <http://next.liberation.fr/culture/2011/09/03/petite-poucette-la-generation-mutante_758710> 3. PIGASSE Matthieu. Eloge de l’anormalité. Plon, Paris, 2014, 198 pages, pp. 8-9 4. HATCHUEL Armand, article Quelle analytique de la conception ? Parure et pointe en Design 5. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p. 21 ou encore, BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.14 6. FLUSSER Vilém, Petite philosophie du design, Broché, Paris, 2002, 93 pages, p. 30 7. ARENDT Hanna, Condition de l’homme moderne, Poche, Paris, 2002, 416 pages 8. BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.2 9. Ibid.

10. Ibid.

11. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p.3 12. Ibid.

13. <https://www.petite-entreprise.net/P-1583-136-G1-management-definition.html> 14. ALEXANDREBAILLY Frédérique, BOURGEOIS Denis, GRUÈRE Jean-Pierre, RAULET-CROSET Nathalie, ROLANDLÉVY Christine, (avec la contribution de Véronique TRAN), Montreuil, Comportements humaines et management.

Pearson, Paris, 2013, 396 pages, p.65 15. Cité dans les notes de bas de page, https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2009-3.htm 16. <http://www.cnrtl.fr/etymologie/collaborer> 17. Brunstein, 1999 ; Dejours, 1998, Sainsaulieu, 1977, Paitra, 2002 ; Stiegler, 2006, de Coninck, 1998, Dupriez & Simons, 2002, références citées dans la thèse de Y. Fronda, Les fractures managériales comme facteur de risque majeur pour l’organisation. Extrait sur : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2008-4-page-147.htm 18. ERLHOFF M., MARSHALL T. (dir.), Design Dictionnary, Basel. Boston, Berlin, Birkhäuser, 2008, p. 104 19. VIAL Stéphane, Court traité du design, PUF, Paris, 2014, 104 pages, p. 15 20. VIAL Stéphane, Le design. Que sais-je ?, PUF, Paris, 2015, 128 pages 21. Ibid. p.9 22. Préface p. XI, VIAL Stéphane, Court traité du design. Préface de Mads Nygaard Folkmann, 2014, p. 98 23. Ibid.

24. BOUTINET Jean-Pierre, Anthropologie du projet (1990). Puf, Paris, 2012, 464 pages, p.224 25. VIAL Stéphane, Le design. Que sais-je ?. PUF, Paris, 2015, 128 pages, p.8 26. RECHT Roland, Le Croire et le Voir. L’art des cathédrales XII-XVème siècle. Paris, Gallimard, 1999, p.32 27. GUIDOT Roland, Histoire du design de 1940 à nos jours. Hazan, 2004, p.388, p. 16 28. VIAL Stéphane, Court traité du design. Préface de Mads Nygaard Folkmann, PUF, Paris, 2014, 104 pages, p.2 29. Ibid. p.13 30. Ibid.

31. Ibid. p.11 32. Ibid. p.12 33. VIAL Stéphane, Le design. Que sais-je ?, PUF, Paris, 2015, 128 pages, p.6 34. REMAURY Bruno, “Les usages culturels du mot design”, in Brigitte Flamand (dir.), Le Design : essais sur des théories et des pratiques. Paris, Institut français de la mode - Ed. du Regard, 2006, p.106 35. FRÉCHIN Jean-Louis, Interface : un rôle pour le design, in Bernard Stiegler (dir.), Le design de nos existences.

Paris, Mille et une nuits, 2008, p.255 36. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.21 37. Ibid. pp.21-22 38. VIAL Stéphane, Le design. Que sais-je ?, PUF, Paris, 2015, 128 pages 39. VIAL Stéphane, Court traité du design. Préface de Mads Nygaard Folkmann, PUF, Paris, 2014, 104 pages 40. Ibid. p.35 41. Ibid. p.43 42. Ibid. p.44 43. Ibid. p.46 44. Ibid. p.44

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RÉFÉRENCES

45. Ibid.

46. MERGY Clémence, “Design, conditions d’apparition et légitimation”, Azimuts n°30, p.92, cité par Stéphane Vial, Court traité du design, p.44 47. VIAL Stéphane, Court traité du design. Préface de Mads Nygaard Folkmann, PUF, Paris, 2014, 104 pages, p.47 48. Revue Communication & 0rganisation n°46 (disponible en ligne) Sous la dir. Anne Pipionnier, Anne Beyaert-Geslin, Stéphanie Cardoso, Design & Projet, PUB, Bordeaux, 2014. En ligne : http://communicationorganisation.revues. org/?lang=en 49. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, Paris, 2017, 800 pages, p.154 50. Ibid. p.59 51. Ibid. p.134 52. Ibid.

53. Ibid.

54. Ibid. p.149 55. GAUCHET Marcel, La condition historique, Folio, Paris, 2005, 496 pages, p.115 56. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, Paris, 2017, 800 pages, p.178 57. Ibid. p.124 58. JONVEAUX Isabelle, Le Monastère Au Travail : Une Économie Utopique, Bayard, Paris, 2011, 612 pages, p.77 59. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, Paris, 2017, 800 pages, p.132 60. Ibid. p.149 61. Ibid. p.154 62. Cité par Musso : le mémoire de Suger, intitulé à l’époque par un copiste Gesta Sugerii, fut publié pour la première fois en 1641 par André Duchesne (Hist. Franç. Script., IV, 281) sous le titre Sugerii abbatis liber de rebus in administratione sua gestis 63. JONVEAUX Isabelle, Le Monastère Au Travail : Une Économie Utopique, Bayard, Paris, 2011, 612 pages, pp. 175176 64. MUMFORD LEWIS, La cité à travers l’histoire. Paris, Le Seuil, 1964, p. 316 65. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.350 66. Ibid. p.250 67. Ibid. p.470 68. SAY Jean-Baptiste, Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Paris, Deterville Libraire, 1803, pp.731-735 69. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.9 70. Ibid. p.12 71. Ibid.

72. ERNOUT Alfred et MEILLET Alfred, Dictionnaire étymologique de la langue latine (1967). Paris, Klicksieck, 4ème édition, 2001, article “Industria”, p.316 73. LEGENDRE Pierre, Argumenta & Dogmatica. Paris, Mille et une nuit, 2012, pp.216-217 74. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.32 75. CONSIDÉRANT Victor, Destinée sociale. Paris, Au Bureau de la Phalange, 1834, vol.1, p.50. Voir Jean Dubois, Le Vocabulaire politique et social en France, de 1869 à 1872, Paris, Larousse, 1962, p.323, Cité par MUSSO Pierre, La religion industrielle 76. <http://www.cnrtl.fr/etymologie/industrie> 77. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, Paris 2017, 800 pages, p.20 78. Ibid. p.40 79. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p. 31 80. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.43 81. FREUD Sigmund, L’Avenir d’une illusion [1927], Paris, Hatier, coll. Classiques & Cie philo, 2012, p.70

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RÉFÉRENCES

82. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.47 83. Ibid.

84. Ibid. p.53 85. LEGENDRE Pierre, Dominum Mundi, op. cit., p.36 et p.22, cité par MUSSO Pierre, La religion industrielle 86. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p. 32 87. Ibid. p.33 88. JACOB Odile, L’empreinte social (Collectif). Paris, mai 2011, postface, cité par MARCHAL Aurélie, Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p. 34 89.<http://www.bpi-group.com/fr/images/stories/Institut_du_leadership/Observatoire_du_travail/Enquetes_ internationales/Synthese_Managers_face_a_la_crise_BPI-BVA2009.pdf> 90. VIAL Stéphane, Court traité du design. Préface de Mads Nygaard Folkmann, PUF, Paris, 2014, 104 pages, p.27 91. SIMON Herbert, Les sciences de l’artificiel, Folio, Paris, 2004, 464 pages 92. <http://www.cnrtl.fr/etymologie/conception> 93. « Design thinking is a process for practical, creative solution of problems or issues that looks for an improved future result”. “The design thinking process has seven stage : define, research, ideate, prototype, choose, implement and learn »(op. cit. p. 55) 94. BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.168 95. Ibid.

96. Ibid. p.169 95. Ibid. p.169 97. Ibid.

98. ALAMI Lina, 2015, <http://comment-innover.fr/livre-blanc-gratuit>, p.10 99. Ibid.

100. Ibid.

101. Ibid. p.11 102. L’expression employée par Lina Alami, dans son livre blanc de l’innovation réduit considérablement le terme design, ne l’associant qu’au produit et à sa fonction.

103. Ibid.

104. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p. 60 105. Ibid.

106. Ibid.

107. ibid. p.12 108. ALAMI Lina, 2015, <http://comment-innover.fr/livre-blanc-gratuit>, p.22 109. Ibid.

110. <http://www.hubservatoire.fr/articles/nous-avons-tue-les-idees-folles-demarche-vers-linconnu-desirable> 111. <http://www.apci.asso.fr/magazine/categorie/faites-du-design/etude-sur-l-economie-du-design-enfrance-2010> 112. SZOSTAK Bérangère, LENFANT François, La boîte à outils du design management. Dunod, Paris, 2015, 192 pages p.12 113. CADIX Alain, Pour une politique nationale du design. 2013, 55 pages 114. Sufra exemple Steel Case, p.30 115. SZOSTAK Bérangère, LENFANT François, La boîte à outils du design management. Dunod, Paris, 2015, 192 pages, p.12 116. Ibid.. p.13 117. Ibid.

118. Ibid.

119. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.45 120. Ibid. p.61

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RÉFÉRENCES

121. Supra. p.24 122. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, pp.61-62 123. VALENDUC Gérard et VENDRAMIN Patricia, Pourquoi s’intéresser à l’innovation organisationnelle. Association pour une fondation travail-université, Bruxelles, Notes éducation permanente, n°19, novembre 2006 124. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p.12 125. Ibid.

126. Ibid.

127. Ibid.

128. Ibid.

129. <http://www.capital.fr/economie-politique/kodak-splendeur-et-decadence-d-un-empire-913548> 130. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p.15 131. <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/dilemme/25567> 132. <https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2004-1-page-59.htm> 133. <https://www.lavoirs.org/historique.php> 134. GROULT Benoîte=, Ainsi soit-elle, Poche, Paris, 1977, 219 pages 135. Osservatore Romano, revue du Vatican publié en 2009 136. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p.59 137. <http://boitierrouge.com/2015/04/11/renault-vel-satis-un-probleme-de-look-coco/> 138. <https://philippesilberzahn.com/2017/01/23/innovation-de-rupture-tout-va-tres-bien-madame-la-marquise/> 139. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p.168 140. Ibid.

141. Issus de documents internes à l’entreprise 142. http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-lean-management_1028028.html 143. http://legroupe.laposte.fr/espace-presse/liste-des-communiques/la-poste-presente-son-projetstrategique-2013-2018 144. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, Pearson, Paris, 2015, 181 pages, p. 145 145. Ibid. p.144 146. ALEXANDREBAILLY Frédérique, BOURGEOIS Denis, GRUÈRE Jean-Pierre, RAULET-CROSET Nathalie, ROLANDLÉVY Christine, (avec la contribution de Véronique TRAN), Montreuil, Comportements humaines et management.

Pearson, Paris,, 2013, 396 pages, p.173 147. ARENDT Hanna, Condition de l’homme moderne, Poche, Paris, 2002, 416 pages, p.320 148. SILBERZAHN Philippe, Relevez le défi de l’innovation de rupture, pp. 128-129 149. WATSON D., Clark L.A. et TELLEGEN A., Development and validation of brief measures of positive and negative affect : The PANAS scales. Journal of personality and social psychology, p.54, 1988, p. 1063-1070 cité par ALEXANDREBAILLY Frédérique, BOURGEOIS Denis, GRUÈRE Jean-Pierre, RAULET-CROSET Nathalie, ROLAND-LÉVY Christine, (avec la contribution de Véronique TRAN), Montreuil, Comportements humaines et management. Pearson, Paris, 2013, 396 pages, p.173 150. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00587455/document 151. </www2.strategies.fr/emploi-formation/management/209248W/2-9-4617/la-douloureuse-mutation-de-la-poste. html> 152. <www.atlantico.fr/decryptage/suicides-france-telecom-poste-management-francais-sensibilite-entreprisessouffrance-marco-diani-308488.html#St0SbQPg62LfB0ur.99> 153. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00587455/document 154. https://laverdadocultablog.files.wordpress.com/2016/04/article_578575.pdf 155. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.156 156. <http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/07479360152103796> 157. Cf infra p. 79 158. http://www.diisign.com/2010/03/tout-le-monde-peut-designer-peu-le-font-bien 159. LASCOUMES Pierre, LE GALÈS Patrick, Sociologie de l’action publique: Domaines et approches, Poche, Paris, 2012, 128 pages, p. 86 160. Ibid. p. 96 161. http://www.diisign.com/2010/03/tout-le-monde-peut-designer-peu-le-font-bien/

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RÉFÉRENCES

162. Cf supra p.17 163. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.96 164. Ibid.

165. BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.19 166. Cf supra. P26 167. BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.19 168. Ibid.

169. FLUSSER Vilém, Petite philosophie du design, Broché, Paris, 2002, 93 pages, p.94 170. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.72 171. Ibid. pp. 105-106 172. Ibid. p. 106 173. ARENDT Hanna, Condition de l’homme moderne, Poche, Paris, 2002, 416 pages, p. 370 174. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.107 175. Ibid. p.101 176. http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/07479360152103796 177. MARCHAL Aurélie. Innovation organisationnelle et transformation managériale par le design thinking. Amazon Distribution, Leipzig, 2011,168 pages, p.150 178. ARENDT Hanna, Condition de l’homme moderne, Poche, Paris, 2002, 416 pages, p.403 179. FLUSSER Vilém, Petite philosophie du design, Broché, Paris, 2002, 93 pages, p.17 180. Ibid. p.25 181. Ibid. p.70 182. https://graphism.fr/how-designers-destroyed-the-world/ 183. BROWN Tim, L’esprit design - comment le design thinking change l’entreprise et la stratégie. Pearson, Paris, 2009, 265 pages, p.5 184. Ibid.

185. Ibid.

186. MUSSO Pierre, La religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Broché, 2017, 800 pages, p.74 187. DE ST-EXUPÉRY Antoine, Le Petit Prince, Gallimard, Paris, 2007, 120 pages 188. PIGASSE Matthieu. Eloge de l’anormalité. Plon, Paris, 2014, 198 pages, pp. 11-12 189. https://www.linkedin.com/pulse/le-design-thinking-est-il-en-marche-aude-simon 190.CORNUT-GENTILLE François. Gouvernez ! Pour un nouvel exercice du pouvoir. Alma Editeur, Paris, 2015, 190 pages, p. 25 191. Ibid. p. 34

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04 VERS UNE NOUVELLE FORME Dâ&#x20AC;&#x2122;ORGANISATION DU TRAVAIL

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BIBLIO GRAPHIE

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Innovation : • • • • •

<http://www.bpi-group.com/fr> <http://comment-innover.fr/livre-blanc-gratuit> <http://www.capital.fr> <https://www.cairn.info> >https///www.lexpress.com>

Sciences humaines: •

<http://next.liberation.fr/culture/2011/09/03/petite-poucette-la-generation-mutante_758710>

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