Inf'OSE Juillet 2014

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Inf ’ Juillet 2014 - N ° 93

EDITO Ce nouveau numéro du mois de juillet traite de sujets au cœur de l’actualité du monde de l’énergie : stockage, énergies renouvelables, récupération de chaleur fatale, effacement. Tous ces thèmes sont en lien avec le projet de loi sur la transition énergétique présenté en juin dernier et dénommé désormais « projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français ». Le secteur des transports est particulièrement visé par ce projet de loi de part sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre, nous développerons donc ici le thème du stockage d’énergie par batteries à flux continu, appliqué aux véhicules électriques, et également celui de l’évolution de l’écotaxe poids lourds, cible de nombreuses contestations ces derniers mois. Le projet de loi concernant également le développement des énergies renouvelables, nous examinerons les atouts de l’éolien flottant et ses perspectives de développement en France. Enfin, la réduction des consommations énergétiques et l’amélioration de l’efficacité énergétique étant au cœur des discussions, nous nous attarderons sur les enjeux liés à l’effacement de la consommation électrique. Pour finir, Laurent Sanchez de la société Enertime nous donnera un aperçu des activités de sa société, spécialisée dans la technologie du cycle de Rankine. Bonne lecture !

SE BRÈVE Solutions d’efficacité énergétique « gagnant-gagnant P. 3

BREVE Les nouveaux péages de transit P. 4

ARTICLE Vers un stockage plus efficace P. 5

ARTICLE L’éolien flottant : une opportunité de développement pour la France P. 6

INTERVIEW P. 8 Laurent SANCHEZ


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2 NEWS ! Chiffre du mois : 4 500 000 de schiste en France. Face aux Sachant que le cycliste Christopher Froome a produit une puissance moyenne d’environ 400 Watts sur l’édition 2013 du Tour de France, 4 500 000 est le nombre de coureurs cyclistes qu’il faudrait connecter au réseau pour pouvoir fermer la centrale nucléaire de Fessenheim…

De l’eau dans le gaz … russe La crise russo-ukrainienne qui sévit maintenant depuis plusieurs mois fait peser une menace sur les approvisionnements en gaz du Vieux Continent. Même si d’après Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, « la situation n’est pas critique à l’heure actuelle », l’Union Européenne pourrait néanmoins souffrir si l’Ukraine décidait de détourner une partie des exportations de Gazprom comme en 2009, obligeant la Russie à fermer les gazoducs traversant ce pays. Malgré les tentatives, non vaines, de la Commission Européenne pour relancer la discussion sur la question du gaz russe, cette menace plane sur les pays du Vieux Continent.

Le schisme du schiste français L’institut Montaigne a publié le 11 juillet dernier le rapport « Gaz de schiste : Comment avancer », dénonçant la stérilité du débat sur le sujet de l’exploitation des gaz

discussions entre parlementaires, qui ont interdit par la loi Jacob du 13 juillet 2011, l’extraction par fracturation hydraulique et face aux industriels de la chimie qui dénoncent l’écart de compétitivité croissant avec les Etats-Unis, l’institut Montaigne « établit 12 propositions pour débloquer le débat ». A travers ce rapport, l’institut propose notamment un travail de recensement précis des ressources, une mobilisation de la recherche publique, ou encore la création de puits-pilotes.

L’hydroélectrique chinois suit son cours

Le barrage de Xiluodu, le troisième plus grand au monde après celui des Trois Gorges et d’Itaipu, situé sur la rivière Jinsha, a été mis en service en Chine au mois de juin. La centrale hydroélectrique affiche une puissance de 13860 MW, qui permettrait de produire 64 TWh par an, l’équivalent de plus de 13 % de la consommation française. Comme en témoigne le nombre de personnes déplacées (180 000 pour celui-ci contre 1,2 million pour celui des NEMO va surgir de l’eau Trois Gorges), la démesure chinoise n’est pas prête de s’arrêter car de Le programme européen NER nombreux barrages monumentaux 300, visant à financer notamment devraient être mis en service dans les des projets innovants d’énergie prochaines années. renouvelable, va profiter au projet NEMO (New Energy for Martinique La route de l’Arctique and Overseas), qui vient d’être désigné lauréat de ce programme La route de l’Arctique est connue par la Commission Européenne. En depuis très longtemps comme étant effet, Akuo Energy, développeur très périlleuse, voire impraticable du projet en collaboration avec pour les navires commerciaux, DCNS, a reçu le 8 juillet dernier, mais présente l’avantage d’être la confirmation de l’attribution du 40  % plus courte que la route du financement du fonds européen, Sud habituelle passant par le canal lui permettant de développer une de Suez. C’est pourquoi TOTAL centrale d’Énergie Thermique des et Novatek utiliseront dès 2018, Mers (ETM) offshore de 16 MW de nouveaux méthaniers briseau large des côtes martiniquaises. glace, permettant d’ouvrir une Celle-ci devrait être opérationnelle nouvelle route de distribution dans 4 ans, une première mondiale du GNL. Ces bateaux d’une valeur de 310 millions de dollars à l’échelle industrielle … chacun, auront une capacité de 172 000 m3, et permettront d’assurer une distribution continue du gaz produit par la plateforme du Yamal.

Nicolas GARCIA Sources : Sia Partners Usine Nouvelle Le Monde Enerzine Les Echos

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3 BRÈVES Les brèves Solutions d’efficacité énergétique « gagnant-gagnant » Dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles et de transition énergétique, les consommateurs ont de plus en plus de difficultés à assumer leur facture énergétique, qui ne cesse d’augmenter ces dernières années. De nombreuses solutions sont proposées pour faire face à ces problématiques. Des offres permettent par exemple aux particuliers de visualiser leur consommation en temps réel pour mieux la maîtriser. Ces solutions d’efficacité énergétique, telles que le projet « Watt et moi » d’ERDF, visent à rendre les consommateurs davantage responsables de leurs dépenses énergétiques, et ainsi permettre de réduire leur facture énergétique. On pourrait citer un autre outil d’optimisation de la consommation d’électricité, « l’effacement de consommation », qui consiste à réduire sa consommation d’électricité pendant une certaine durée, soit en se privant d’une consommation soit en la

repoussant simplement à plus tard. L’effort d’effacement se répercute sur la facture d’électricité, en évitant de solliciter les capacités de production les plus coûteuses, qui sont généralement appelées lorsqu’il existe des risques de déséquilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique. En plus d’être avantageux économiquement, les effacements contribuent également à la réduction des émissions de CO2. En effet, en période de pointe, ce sont des centrales de productions thermiques, ayant la capacité de démarrer rapidement mais fortement émettrices de CO2, qui sont appelées pour répondre à la demande massive d’électricité. De plus, cette nouvelle flexibilité est un enjeu majeur pour le gestionnaire de réseau d’électricité RTE qui gère les capacités d’effacement, c’està-dire une quantité d’électricité qu’un acteur accepte de ne pas consommer à un moment donné.

Actuellement, certains industriels possédant une consommation régulière, plus facile à planifier et donc à reporter, sont déjà engagés dans cette pratique avec RTE. Auprès des particuliers, des expérimentations sont en cours dans certaines régions françaises et l’effacement devrait s’ouvrir à tous d’ici quelques années. A terme, l’évolution du système électrique avec le développement des smart grids va offrir de plus en plus de possibilités d’effacement. Via des outils innovants, il sera ainsi possible d’optimiser sa consommation d’électricité par des actions adaptées à son mode de vie.

Elsa BRUNET Sources : http://www.energiesactu.fr/ecogeste/ une-consommation-delectricite-passeeau-peigne-fin http://www.audeladeslignes.com

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4 BRÈVES Les nouveaux péages de transit L’écotaxe poids lourds, qui devait rentrer en vigueur au 1er janvier 2014, a été suspendue le 29 octobre 2013. Cette taxe, prévue dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, concernait les poids lourds immatriculés en France ou à l’étranger, circulant sur le réseau routier français non concédé ainsi que sur certains itinéraires départementaux et communaux. Ceuxci auraient alors dû s’acquitter d’une taxe de 0,025 à 0,20 € par kilomètre, en fonction de divers critères propres au véhicule. L’objectif étant de faire contribuer les professionnels du transport routier au financement de l’entretien et de la construction de nouvelles infrastructures routières. Cette écotaxe concernait alors plus de 15  000 kilomètres de routes à travers la France. Suite à de vives contestations de la part de sociétés de transport, mais également aux actions du mouvement des «  Bonnets rouges », le projet a été remis en cause et a fait l’objet de nouvelles concertations, dont le dénouement a été révélé le 22 juin dernier. Le gouvernement a ainsi décidé de remplacer l’ « écotaxe poids lourds » par un «  péage de transit poids lourds  ». Ce dernier sera instauré sur les itinéraires de grand transit, supportant un trafic supérieur à 2 500 poids lourds par jour et concernera les poids lourds de plus de 3,5 tonnes circulant sur un réseau de près de 4 000 kilomètres. Sa mise en service est prévue pour le 1er janvier 2015, après 3 mois d’essais, qui débuteront en octobre 2014. La tarification moyenne est fixée à 0,13 €/km et dépend du niveau d’émissions et du nombre d’essieux du véhicule. Mais cette nouvelle réglementation se heurte déjà à de nombreuses contestations des transporteurs, qui anticipent une augmentation de la taxe au kilomètre, ainsi qu’une probable extension du réseau concerné dans les années à venir, dans le but d’augmenter les gains de cette mesure. En effet, ce nouveau dispositif devrait accuser un manque à gagner énorme en comparaison des recettes qu’aurait pu rapporter l’écotaxe, avec seulement

550  millions d’euros attendus annuellement, contre 800 millions avec l’écotaxe. Les écologistes ne semblent pas non plus convaincus ; Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, considère ainsi que ce système est « un coup d’arrêt pour le financement de plusieurs dizaines de projets de transport en commun. A l’opposé de l’ambition affichée d’engager la France dans la transition énergétique ». Ce nouveau péage mécontente également le groupe Europe Ecologie Les Verts (EELV) : le député François de Rugy qui le qualifie de « taxe au rabais » préconise que les transports les plus polluants contribuent davantage au développement de moyens de transport propres. Du côté des bonnets rouges, les réactions ne se sont pas faites attendre, et un portique écotaxe a été incendié la nuit suivant l’annonce du

nouveau système. En effet, le collectif continue de revendiquer la gratuité de l’ensemble des routes de Bretagne et ne semble pas prêt à abandonner la cause pour laquelle il lutte depuis plus de 6 mois. Affaire à suivre dès le 1er octobre prochain, date à laquelle sera mise en place une marche à blanc sans facturation, afin de permettre à tous les professionnels concernés de se familiariser avec ce nouveau système.

Capucine Plisson Sources : http://www.service-public.fr/professionnelsentreprises/actualites/00375.html http://www.developpement-durable.gouv.fr/ Remplacement-de-l-ecotaxe-par-un,39914.html http://tempsreel.nouvelobs.com/ economie/20140623.OBS1365/le-peage-detransit-poids-lourds-comment-ca-marche.html http://www.leparisien.fr/economie/legouvernement-enterre-l-ecotaxe-et-instaure-unpeage-de-transit-22-06-2014-3943761.php

http://www.developpement-durable.gouv.fr/

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5 ARTICLE

Les articles Vers un stockage plus efficace

L’un des principaux enjeux du marché de l’électricité est de respecter l’équilibre entre l’offre et la demande, et ce, à chaque instant. Pour respecter cet équilibre, tout en minimisant les coûts de production, plusieurs solutions techniques ont à ce jour été étudiées. Aujourd’hui, le stockage de l’électricité apparait comme étant une solution prometteuse pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables et les recherches sur ce sujet pourraient permettre d’accélérer la décarbonisation des usages énergétiques. En effet, le stockage permettrait non seulement d’améliorer la qualité de l’électricité fournie aux consommateurs, mais également de restituer, lors des périodes de forte demande, l’énergie stockée précédemment. Cela limiterait les appels de puissance, très souvent dangereux pour la stabilité du réseau. Contrairement au gaz ou au pétrole, l’électricité ne se stocke pas facilement, elle doit être transformée et conservée temporairement. C’est ce que proposent les batteries à flux continu. Cette technologie, qui en réalité associe les propriétés d’un accumulateur électrochimique et celles d’une pile à combustible, présente la particularité d’avoir des électrodes liquides. Créé dans les années 70, le principe de ce type de batterie n’est pas récent : la batterie emmagasine l’électricité et la produit grâce à une réaction d’oxydoréduction. Les deux électrolytes liquides, stockés à l’extérieur de la batterie et contenant des ions métalliques, circulent à travers une cellule d’échange dont les compartiments sont séparés par une membrane solide. L’électricité circule ainsi à travers les électrodes lors des échanges de charge, pendant que les liquides sont évacués par un système de pompage. Les batteries à flux continu ont l’avantage d’avoir une durée de vie assez longue, de l’ordre de plusieurs milliers de cycles et empêchent les pertes de performance dues à la dégradation des électrodes au fur et à mesure des cycles de charge et décharge. Par ailleurs, contrairement aux batteries lithium-ion, on remarque que cette technologie demande des dépenses nettement moins importantes, du fait qu’elle utilise essentiellement des composants à base d’eau. Cependant, le principal désavantage

de ces procédés est le ratio énergie/ volume ; les systèmes demeurent, en effet, assez volumineux à cause de leur densité énergétique relativement faible. Plusieurs types de batteries à flux continu ont été étudiés, mais seulement deux d’entre eux sont actuellement opérationnels : les batteries Zn-Br et les batteries Vanadium-Redox Flow (VBR). On compte à ce jour environ 13 MW de batteries à flux continu en fonctionnement à travers le monde, ce qui reste très faible. C’est en Californie que la société américaine EnerVault a récemment développé une technologie de batterie à base de fer et de chrome. Il s’agit d’un projet de grande envergure fortement soutenu par le Département de l’Energie américain. Situé à côté d’une centrale solaire et de pompes hydrauliques réservées à une activité agricole, ce système de stockage sera capable de fournir 250 kW de puissance pendant 4 heures, soit 1 MWh d’énergie. La capacité importante de ces batteries les rendrait de ce fait bien adaptées aux activités nécessitant des stockages stationnaires d’énergie importants. Les batteries à flux continu constituent également un avenir pour le véhicule électrique : le prototype « QuanteSportlimousine» doté d’un pack de

batteries à flux continu développé par la société allemande NanoFlowcell, présente une autonomie pouvant monter jusqu’à 600 km, c’est-à-dire cinq fois supérieure à celle d’une batterie lithium-ion, et une consommation moyenne de 20 kWh pour une centaine de kilomètres. Pour parcourir 600 kilomètres, la nouvelle Quant, équipée de 4 moteurs, réclame plusieurs centaines de litres d’électrolyte. Pour cela, elle a été équipée de 2 réservoirs de 200 litres. De ce fait, pour recharger ce coupé sport 100 % électrique, il ne s’agit plus de se brancher à une infrastructure de recharge, mais de procéder à un ravitaillement d’électrolyte. En effet, « faire le plein » consiste en une vidange des électrolytes liquides passés dans la membrane du système et à faire le plein dans les 2 réservoirs principaux. Par ailleurs, le prototype se distingue par le fait d’être la première sportive à rouler à l’eau salée, ce qui lui permettrait d’être plus résistant au froid en hiver. Il s’agit ici de la première application dans le domaine de l’automobile et de la propulsion électrique. Cependant, il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’infrastructure viable permettant ce genre de réapprovisionnement et le principal désavantage de ce système est que sa capacité de stockage est directement liée à la taille des réservoirs. Ainsi, même si cette technologie présente de nombreux avantages et applications, elle doit donc encore faire ses preuves, tant sur le plan technique qu’économique, avant de penser à un éventuel développement à grande échelle.

Caroline Hennes Sources : http://www.smartgrids-cre.fr/ index.php?rubrique=dossiers&srub =stockage&action=imprimer http://www.ifpenergiesnouvelles.fr/espacedecouverte/les-cles-pour-comprendre/le-stockagemassif-de-l-energie/les-technologies-actuelles-destockage-et-leur-etat-de-maturite http://www.bulletins-electroniques.com/ actualites/65629.htm http://www.rtflash.fr/stocker-l-electricite-en-quantiteillimitee-par-batteries-en-flux-continu/article Images : http://www.energy-without-carbon.org/FlowBatteries

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6 ARTICLE

L’éolien flottant : une opportunité de développement pour la France

Le projet de loi sur la transition énergétique, un des axes majeurs de la politique du gouvernement français qui devrait être débattu au Parlement à la rentrée de septembre, a été rendu public en juin. Un des aspects abordés est le développement des énergies renouvelables et plus particulièrement des énergies marines. La France souhaite se positionner en leader sur ce domaine. En effet, ses nombreuses façades maritimes en métropole et en outre-mer la dote d’un atout non négligeable dans ce secteur, avec une surface maritime de 11 millions de km2. L’énergie marine la plus mature est l’éolien en mer posé dont les premiers parcs ont été raccordés en 1991 au Danemark. La France a pris un retard important dans ce secteur puisque ses premiers parcs en mer ne verront pas le jour avant 2020. L’objectif du Grenelle de l’Environnement de 6 GW éolien en mer à l’horizon 2020 ne sera d’ailleurs pas atteint. Bien qu’étant mature, cette technologie présente l’inconvénient de ne pouvoir s’implanter que dans des eaux peu profondes (inférieures à 50 mètres), ce qui limite son développement. Le concept d’éolienne flottante permet de s’affranchir de cette contrainte. Il s’agit d’une éolienne fixée sur une plateforme flottante qui supporte les conditions maritimes (houle, courants marins et marées) et qui est ancrée pour éviter que la structure ne dérive. Les différentes technologies de plateforme actuellement en développement, s’appuient sur le savoir-faire de l’industrie pétrolière, et sont adaptées aux besoins spécifiques de l’éolien en mer. L’éolien flottant présente de nombreux atouts : le parc peut être

installé plus loin des côtes ce qui rend son impact visuel quasi-nul et diminue les contraintes vis-à-vis des usages maritimes. Par ailleurs, le vent est plus stable et plus fort au large ce qui augmente le facteur de charge de ces systèmes. De nouvelles zones au gisement éolien très important deviennent exploitables. C’est le cas de la Méditerranée, totalement délaissée lors des deux premiers appels d’offres éolien en mer pour des raisons de profondeur des fonds marins, mais qui possède l’un des régimes de vent les plus importants de France. Enfin, concernant le développement économique, une ferme d’une centaine d’éoliennes assurerait 1 300 emplois en phase de construction et une centaine de personnes affectées à la maintenance du parc sur une durée de 25 à 30 ans. En termes de développement technologique, la France est bien placée dans la compétition internationale avec quatre entreprises travaillant sur différents concepts d’éolienne flottante: DCNS (WINFLO), EOLFI TECHN-OLOGIES (SPINFLOAT), IDEOL (DAMPINGPOOL) et NENUPHAR (INFLOW). Des développeurs de projets commencent également à étudier l’implantation de fermes éoliennes flottantes sur les côtes françaises et plus particulièrement dans le Golfe du Lion. De plus, le potentiel de développement de l’éolien flottant sur la France métropolitaine est important. L’organisme France Énergie Éolienne, regroupant les industriels du milieu de l’éolien, estime ainsi que le potentiel technique envisageable est de 122 GW pour cette technologie, soit près du double de la puissance du parc nucléaire français (63.1 GW) et préconise un objectif de 6 GW d’éolien flottant à l’horizon 2030. D’autres pays s’intéressent également à cette technologie parmi lesquels le Japon, la Norvège, le Portugal et les États-Unis. Tous ces pays ont déjà mis à l’eau des prototypes afin de tester leur technologie de flotteur. Un prototype français va être testé en mer en 2015 au large du Croisic sur le site d’essai du SEM-REV. Les premiers pays qui réussiront à développer une filière industrielle de l’éolien flottant pourront, en

Spinfloat, éolienne flottante à axe de rotation vertical et pâles orientables à pas variable (Source : EOLFI Technologies)

effet, exporter leur technologie sur le modèle de l’éolien terrestre, où le marché est principalement dominé par les entreprises danoises et allemandes. Pour valider les choix techniques et la viabilité économique des différents concepts d’éoliennes flottantes en développement, il est nécessaire de passer par une étape de fermes pilotes. Il s’agit de parcs de taille réduite, composés de cinq à dix machines chacun. Les acteurs de la filière estiment qu’un Appel à Manifestation d’Intérêts (AMI) réalisé en 2015 permettrait de tester de telles fermes pilotes dès 2020. Ainsi, les premiers parcs commerciaux verraient le jour à partir de 2023. D’autres organismes tels que les ports ont également un besoin de visibilité pour planifier dès maintenant les lourds investissements nécessaires pour accueillir la filière industrielle de l’éolien flottant. La France possède des caractéristiques intéressantes pour le développement de l’éolien flottant : une grande surface maritime, un gisement éolien important et des entreprises bien positionnées. La création de cette nouvelle filière industrielle permettrait de maîtriser toute sa chaîne de valeur et de créer des emplois durant chaque phase de vie du projet. Le souhait du gouvernement français de se placer comme leader des énergies marines se fera grâce à différentes technologies comme l’hydrolien, dont un AMI est en cours, mais également l’éolien flottant.

Julien MAGIN Sources : http://fee.asso.fr/ http://www.gouvernement.fr/gouvernement/ le-projet-de-loi-pour-un-nouveau-modeleenergetique-francais-reussir-la-transition-ener http://www.marine-renewables-directory.com/ en/pole-mer-mediterranee/fr/eolien-flottantrecherches-et-strategies

Assemblage du prototype WINDFLOAT (Source : Greentechmedia) MASTÈRE SPÉCIALISÉ OPTIMISATION DES SYSTÈMES ÉNERGÉTIQUES - MINES PARISTECH - http://www-ose.cma.ensmp.fr/


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7 INTERVIEW

Interview

Laurent Sanchez, chargé d’études - Enertime Après deux années à l’ENSTA, Laurent Sanchez a complété sa formation par une troisième année à l’université KTH de Stockholm en spécialité Énergies Renouvelables. Souhaitant vivre l’expérience d’une petite entreprise démarrant dans les énergies renouvelables, Laurent a effectué son stage de fin d’étude, en 2009, au sein de la société Enertime où il a eu pour mission le suivi d’une étude OSEO sur la technologie des Cycles Organiques de Rankine (ORC). C’est à l’issue de cette aventure qu’il a été embauché chez Enertime, en charge des études ORC. Pour commencer, peux-tu décrire l’électricité produite est possible en quelques mots la technologie des dans les zones où l’électricité est Cycles Organiques de Rankine. chère. Les Cycles Organiques de Rankine Le travail sur les problématiques sont des cycles thermodynamiques de stockage de l’énergie pourrait de base appelés Cycles de Rankine également faire de ces cycles une ou plus communément Cycles solution adaptée aux régions coupées vapeurs dans lesquels le fluide de tout réseau électrique. de travail n’est pas de l’eau, mais un fluide de type fluide frigorigène (ou hydrocarbures ou siloxanes, etc.) dont la principale caractéristique est sa faible température d’évaporation. Cela permet de produire de l’électricité à partir de sources de chaleur dont le niveau de température est inférieur à 300°C. Ce fluide de travail est sélectionné en fonction du domaine d’application. En effet, un des avantages de cette technologie est qu’elle est compatible aussi bien avec de la récupération de chaleur industrielle qu’avec du solaire à concentration, de la géothermie ou encore avec une chaudière biomasse. De quelle manière sont rémunérés les industriels ? Est-ce par la revente de l’électricité produite par le module ? Les modules ORC sont généralement des machines de faibles puissances et les économies d’échelles y sont alors difficiles, d’où un coût de production de l’électricité plus élevé que celui d’un cycle vapeur de grande puissance. En France, il est donc difficile de concurrencer les faibles prix de l’électricité et ces cycles servent principalement aux industriels souhaitant faire de l’autoconsommation. En dehors de la France, la revente directe de

aux environs de Châteaubriant. Cette mission très complète concentrait le choix des équipements, des fournisseurs, la vérification de la conformité des pièces et le suivi du montage. Maintenant que la mise en service est faite, je m’occupe des réglages, des tests et des Quelles sont les difficultés pour optimisations continues du module. une petite entreprise comme J’assure actuellement les mêmes Enertime pour « survivre » et se missions pour la seconde machine de la SERM avec en supplément la développer ? mission de relation avec le Client. Comme toute petite entreprise, c’est une question de trésorerie. Quel est le bilan du démonstrateur Pour pallier ce problème, il faut ORCHID ? Qu’a-t-il apporté ? lever des fonds et décrocher des Malgré un point de fonctionnement contrats, donc gagner la confiance légèrement en deçà du nominal, notamment à l’aide de projets ORCHYD fonctionne de manière démonstrateurs. On est aussi en autonome et permet de convaincre contact permanent avec l’ADEME les industriels venant visiter le pour leur faire remonter nos démonstrateur. Moins d’un an informations et nos impressions. après sa mise en service, plus de L’ADEME est en relation avec 100 visites ont déjà été effectuées. la Commission de Régulation de Par ailleurs, ce démonstrateur l’Energie, qui peut mettre en place nous permet d’avoir un retour des systèmes de tarif de rachat de d’expérience complet sur la l’électricité, aujourd’hui inexistants conception et l’installation d’un tel concernant l’électricité produite à module. Celui-ci a déjà été valorisé partir d’un module ORC. Ainsi, à sur le démonstrateur de la SERM l’heure actuelle, des projets comme où les aspects de planning ont été la centrale de trigénération de la beaucoup mieux appréhendés. SERM n’aurait pas pu voir le jour Quels sont les aspects de ton sans des subventions de la part de travail qui te motivent le plus ? la ville de Montpellier. L’autonomie, la diversité des D’un point de vue plus personnel, interlocuteurs et des missions. quel est ton rôle au sein de Pour conclure, comment l’entreprise ? définirais-tu ton expérience chez Je me suis investi depuis le début Enertime en trois mots ? sur la technologie ORC, j’ai été en charge du dimensionnement Aventure, innovation, responsabilité. et de la construction du premier Jean MEYER démonstrateur ORCHYD installé sur le cubilot de la fonderie de la FMGC

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La promotion 2013

Agenda Événement

Date

World Renewable Energy Congress (WREC)

3 - 8 Août

ISEE 2014 Conference 13 Août 2nd International Symposium on Energy Challenges and Mechanics (ECM2) 19 - 21 Août Progress in Biomass III 10 - 11 Septembre Quelle place pour les nouvelles filières gazières dans le mix énergétique de 25 Septembre demain ?- Gaz Non Conventionnel & Biogaz

Lieu Londres Reyjkavik Aberdeen Stuttgart Sophia Antipolis

Contacts :

Rédactrices en Chef Fabienne BREMOND & Capucine PLISSON

Contact infose@cma.mines-paristech.fr Téléphone 04 97 15 70 73 Mastère Spécialisé OSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines ParisTech Rue Claude Daunesse - CS 10.207 06 904 SOPHIA ANTIPOLIS Cedex

Journalistes Tous les élèves du MS OSE

Sources photos

Maquettiste Jérôme HOUËL

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Rédaction :

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