20 ans d'escalade pour tous !

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DOSSIER TEXTE: FRED LABREVEUX PHOTOS : DR

LES VINGT ANS

DES SALLES D’ESCALADE Avant 1995, seul le centre d’escalade européen de Thiais, rebaptisé depuis Roc et Résine, pouvait se targuer du titre de salle d’escalade privée, alors que nos voisins belges en comptaient déjà une bonne centaine. Vingt ans plus loin, le retard s’est petit à petit comblé, mais l’engouement pour l’escalade indoor en France devrait s’accélérer encore notamment avec l’arrivée de nouveaux acteurs économiques. Avant, la recette était simple : un ou des grimpeurs passionnés, un local, un peu d’autoconstruction, un comptoir, et le tour était joué. Mais ça, c’était avant !

Le mur de Lyon ne semble pas combler que ses clients avec le plus gros chiffre d’affaire des salles privées de France et qui donne accessoirement du travail à 25 salariés.

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Ci-dessous François Lombard lors du contest mensuel de la salle Grimper à Marseille, toujours aussi enjoué de tenir des prises en résine. Car pour la petite anecdote, ça fera aussi 20 ans le 6 mai prochain que François a été sacré champion du monde de difficulté. Comme quoi la résine ça conserve !

La (pré)histoire des salles Pour tenter d’expliquer le décalage qu’il pouvait y avoir entre la France et la Belgique avant 1995, il faut se rappeler qu’historiquement, la France est un pays d’alpinisme. L’escalade ne fait que découler de cette culture alpine intimement liée à la nature et aux grands espaces, un domaine bien éloigné du “prêt à grimper” à péage qu’offrent les salles privées. D’ailleurs, quand on demande à Vincent Albrand ce qu’il pense de la multiplication des salles et de la concurrence que cela entraîne, il répond que la plus grosse concurrence qu’il ait connue, c’est quand il a créé la première salle Grimper à Aix, il y a justement vingt ans. Car la concurrence à cette époque, c’était les grimpeurs eux-mêmes, qui n’étaient absolument pas disposés à payer pour grimper. À ce sujet, Nicolas Glée se rappelle qu’à l’ouverture d’Espace Vertical à Fontaine, un 14 janvier 1995, ils avaient décidé avec ses associés de faire entrée gratuite pour tous et avaient ainsi accueilli une trentaine de grimpeurs. En revanche, contrairement à l’expression, le lendemain

valeur que l’argent privé et une fois l’investissement voté, il n’est plus question de rentabilité, d’amortissement. Même le simple fonctionnement de la structure ne mérite pas que l’on s’y intéresse. Le nouveau mur est à porter au crédit de la collectivité sollicitée et aux efforts qu’elle a bien voulu consentir pour la diversification de ses nouveaux aménagements sportifs. Le meilleur exemple étant le mur des Championnats du monde de Bercy installé à Voiron. Quelle structure privée pourrait supporter financièrement le changement des plaques qui accueille les prises seulement

deux ans après son installation ? En outre, les architectes bâtisseurs de gymnases ont eu la possibilité de “rentabiliser“ l’espace vertical laissé vacant jusqu’alors en implantant des murs toujours plus importants. Conséquence, on peut y grimper moyennant une modique cotisation au club local et pour rentabiliser une salle privée dans la même zone de chalandise, il fallait donc se sentir des ailes mais surtout offrir un service différent, à même de réussir l’incroyable exploit de faire dépenser une somme rondelette aux grimpeurs désireux d’assouvir leur passion.

La concurrence à cette époque, c’était les grimpeurs eux-mêmes, qui n’étaient absolument pas disposés à payer pour grimper. n’a pas voulu chanter avec zéro entrée au compteur ! Mais rassurez-vous, depuis ça va mieux avec 150 000 entrées par an, réparties dans les deux salles de Saint-Martin-d’Hères et Grenoble. Le troisième à s’être lancé dans l’aventure des salles d’escalade cette année-là, c’est Olivier Marinx, qui était beaucoup plus confiant sur l’attractivité du concept de part son expérience personnelle. Originaire de Belgique et avant de rentrer par hasard dans une salle d’escalade, Olivier était un windsurfer invétéré. Une semaine après, il revendait toutes ses planches à voile pour ne faire que grimper. Alors, une fois arrivé à Toulouse pour un post-doctorat en biologie moléculaire et à grimper sur les bords de la Garonne, c’est tout naturellement qu’il crée la première salle Altissimo avec le succès qu’on lui connaît par la suite. La deuxième raison pour laquelle la France ne comptait qu’une salle privée avant 1995 tient au fait que, pendant longtemps, les fabricants de murs ont équipé les collectivités locales de SAE avec une certaine réussite due à deux facteurs principaux. D’abord, l’argent public n’avait et n’a toujours pas la même

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Le Club Med’ au secours des salles privées À la fin des années quatre-vingt, le Club Med’ lance son célèbre “le bonheur s’y je veux“. Ce slogan est un véritable marqueur sociologique d’une nouvelle tendance de la société : faire ce que l’on veut, où on veut mais surtout quand on veut, qui va aussi se répercuter sur les pratiques sportives. Difficile alors pour un grimpeur de se contenter d’un créneau de club d’une heure par semaine quand il a la possibilité de grimper quand il veut et aussi longtemps qu’il le souhaite dans une salle privée. Moyennant finances certes, mais le service devient incomparable si tant est que vous avez attrapé le virus de la grimpe. Les voies ou les blocs sont régulièrement changés et vous pouvez grimper tous les jours, généralement de midi à vingt-deux heures. D’ailleurs, depuis vingt ans, les plages horaires n’ont cessé d’augmenter dans les salles privées. François Petit constate que dans sa salle, Le Mur de Lyon, il y a du monde dès 9 heures du matin et ce jusqu’à 24 heures, sept jours sur sept. Et quand on fait les comptes à la fin de l’année, on arrive

Ci dessus le centre commercial de Puerto Venecia à Saragosse avec l’espace sportif et ludique géré par Dock 39, qui vient de s’implanter en France à côté de Marne-laVallée et qui ne compte pas en rester là.

quand même à deux millions d’euros de chiffre d’affaires. Un peu moins que la moitié du budget de la FFME. Mais si on rajoute ses cinq autres salles du groupe Climb Up, on s’en rapproche doucement… Alors même si la FFME se félicite tous les ans de l’augmentation du nombre de licenciés, l’engouement qui s’opère autour de l’escalade indoor semble échapper en grande partie au cadre institutionnel.

Un mélange des genres Il y a vingt ans, le succès d’une salle privée se résumait à un tenancier sympa qui ouvrait bien, régulièrement, avec des prises pas trop pourries et qui avait accessoirement de la bière fraîche sous le comptoir à l’heure d’écouter les ragots du milieu et de récupérer les infos sur les nouveaux spots secrets. Les douches, quand il y en avait, servaient au mieux à se rincer les orteils, car souvent, ce n’était pas un

manque de volonté de se laver en entier, mais de chauffage… Bon, je caricature un peu, mais la salle d’escalade répondait à l’époque à un seul besoin : s’en mettre plein les bras. Aujourd’hui, on peut aussi s’en mettre plein la lampe, par exemple à Block’out qui, en plus d’offrir une salle de bloc, propose une restauration haut de gamme qui représente entre 10 et 15 % de son activité. Autre diversification, des salles comme Antrebloc et Ablok se sont lancées en parallèle dans la création de fringues d’escalade, respectivement Nograd et ABK. The Roof organise quant à elle une compétition de Psykobloc après avoir investi dans la structure et qui aura lieu le 24 avril dans le port de La Rochelle. Les salles Grimper ont créé un club qui est rapidement devenu le plus gros des Bouches-du-Rhône, et Altissimo propose des cours avec leurs ambassadeurs Caroline Ciavaldini et James Pearson dans les dix salles de leur réseau. Avec ce concept de Master Classes dispensés par Caroline et James à travers la France, de Marseille à Lille, l’idée était de profiter de l’occasion pour essayer de dégager, ou pas, un profil type de grimpeur de salle dont voici le résultat.

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PUBLI-REPORTAGE

« La pratique indoor s’est si largement et si rapidement développée au cours des 20 dernières années, parce que les gérants de salles privées ont su faire évoluer la pratique et rendre l’escalade accessible à tous. »

20 ANS D’ESCALADE modèle de salle émerge…Inspiré de ce qui se pratique en Belgique depuis quelques années déjà, Olivier Marinx crée Altissimo, première salle privée associant escalade sur cordes et bloc, une première ! Son objectif : rendre l’escalade accessible à tous !

L’escalade 100 % indoor, vers de nouveaux sommets ? Le développement des salles d’escalade a élargi la pratique en lui donnant une dimension urbaine. L’escalade indoor, entre midi et deux, après la journée de travail constitue même parfois une fin en soi. Chaque grimpeur doit trouver dans sa salle le minimum requis pour une pratique régulière et ludique. Nous sommes bien loin de la vision des années 1980… Ouvertes 7 jours sur 7, les espaces Altissimo sont pensés pour accueillir les néo-pratiquants, et les grimpeurs purs et durs, stakhanovistes de la verticalité. Chaque salle possède un secteur d’escalade en tête, propose des voies entre le 3 et le 8b+ et un espace bloc. En 2015, toutes les salles Altissimo s’équipent de pans Gullich.

Ce dernier modèle est aujourd’hui majoritaire. Nombreuses sont les salles ou la pratique en moulinette, voire de l’escalade en auto assurage est courante.

Altissimo Marseille : ouverte en août 2011, la première salle à corde privée de la cité phocéenne.

© RAPHAËL FOURAU / ALTISSIMO

Mais comment apporter toujours plus de plaisir à grimper en salle? Outre le professionnalisme de l’accueil et du conseil, la propreté des lieux, l’organisation d’événements et soirées, la qualité e t régularité du renouvellement des itinéraires, des prises et volumes constituent un atout. Fabricant de prises d’escalade, de volumes polyester sur mesure, de volumes bois, Altissimo pense et fait évoluer ses produits pour le plaisir des grimpeurs.

L’implantation de « pro shop » dans chaque salle d’escalade constitue un gage de qualité de la prestation. Altishop, première chaîne de magasins d’escalade en salle avec plus de 300 références, une boutique en ligne, s’est largement développé dans les salles Altissimo, offrant ainsi aux grimpeurs des produits ciblés, au meilleur rapport qualité/prix, quelque soit votre pratique.

L’escalade pour tous, une utopie ? Vous l’aurez compris, si la pratique indoor s’est si largement et si rapidement développée au cours des 20 années, c’est bien parce que les gérants de salles privées ont su faire évoluer la pratique de sorte à rendre l’escalade accessible à tous. Forte d’un réseau de 10 salles, reconnue comme le leader français de salles d’escalade, Altissimo séduit nombre de grimpeurs, que ce soit pour grimper pour son modèle économique. Ainsi la cordée Jibé Tribout – Hervé Laillé a décidé d’investir et créent la première salle à corde privée de la cité phocéenne sous l’enseigne Altissimo, Loïc Fossard a rejoint l’équipe d’Altissimo et gère la salle Altissimo Odysseum, Caroline Ciavalidini et James Pearson sont Ambassadeurs Altissimo. Vous êtes entrepreneur(e) passionné(e) d’escalade, envoyez nous votre candidature. Ensemble innovons pour que grandisse l’escalade pour tous !

© RAPHAËL FOURAU / ALTISSIMO

Ainsi, à Aix en Provence, est créée la première salle de bloc privée avec comme objectif d’avoir un outil d’entrainement pour les grimpeurs. Le deuxième modèle est né à Grenoble, sous l’impulsion d’amis passionnés, falaisistes avertis qui ouvrent une salle à corde, afin de permettre à chacun de grimper quelque soit le temps. Le concept : vous venez avec votre corde et grimpez…comme en falaise. Au même moment, à Toulouse, un autre

Ouverte en décembre 2013 Altissimo Nantes, équipée d’un Pan Gullich nouvelle génération, bientôt dans toutes les salles Altissimo.

© RAPHAËL FOURAU / ALTISSIMO

Comme évoqué dans l’édito du n° 161 du magazine Grimper, l’année 1995 symbolise la naissance de l’escalade en salle. En quelques mois, dans 3 régions distinctes, 3 modèles de salle d’escalade, correspondant peu ou prou à 3 approches différentes et complémentaires ouvrent la voie.

© FLORIENT ERNAULT / ALTISSIMO

POUR TOUS

Altissimo Montpellier Odysseum, ouverte en septembre 2009, première salle d’escalade privée implantée dans un pôle ludique.

Construite en 2005, la salle Altissimo Toulouse Saint Martin, fleuron du réseau.


Ci-dessous fini le sandwich et le verre d’eau, place à une cuisine plus raffinée comme ici au Dock café et sa carte élaborée par un chef.

Quelle évolution à attendre dans les salles d’escalade ? Depuis quelques mois, on entend ici ou là des déclarations peu habituelles jusqu’à présent dans le milieu paisible des salles d’escalade : c’est moi qui aie la plus grande, moi la plus longue, oui mais moi la plus juteuse… Alors certes, nous sommes dans un monde très masculin puisque les gérantes de salles d’escalade se comptent sur les doigts d’un moignon mais quand même… Jusqu’à maintenant, c’était chacun chez soi et les grimpeurs étaient bien gardés. Mais les lignes semblent vouloir bouger et la concurrence se fait de plus en plus présente. Nicolas Glée avoue préférer prendre les devants en ouvrant une nouvelle salle de bloc à Grenoble en septembre prochain plutôt que de laisser une place à la concurrence pour venir s’installer. Les déclarations d’ouverture de nouvelles salles vont bon train et rien que Block’out va s’installer très prochainement à Rennes et Strasbourg avant la prochaine étape qui sera Bordeaux, Lyon et Montpellier. En parallèle, François Petit et son groupe Climb Up déclare aussi vouloir s’implanter à Bordeaux et Montpellier, cette dernière ville étant aussi convoitée par le nouvel acteur espagnol Dock39. Ce qui permet de mieux comprendre pourquoi les relations se raidissent, si vous permettez l’expression… Alors certes, tous les acteurs s’accordent à dire qu’il y a de la place pour tout le monde, mais ça risque toutefois de saturer à un moment ou à un autre. Aujourd’hui, le standing des salles n’a plus rien à voir avec ses débuts et, au vu des saunas, jacuzzis et autres appareils de musculation mis à notre disposition, nous pourrions craindre à nos bourses, mais que nenni. Merci la concurrence, les tarifs ne se sont pas envolés ! En effet et à titre d’exemple, le 7 mars dernier, l’enseigne espagnole Dock39 a ouvert son premier centre sportif

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VERS UN ENCADREMENT DE LUXE Les Master Classes, c’est un concept qui se pratique depuis longtemps en Angleterre. James avait goûté au concept de Master Classes à seize ans, à Manchester, avec rien moins que Johnny Dawes. Jamais entendu parlé de Johnny Dawes ? C’est parce que vous n’êtes pas Anglais. Un artiste, un petit singe, un magicien de la gestuelle. Peut-être un Antoine le Menestrel, mais en dynamique aussi. Alors le Master Classe de James à l’époque s’était déroulé sur le mur en grès d’une vieille église, des sauts, des équilibres, et un curieux tenu de tasse à café posée à l’envers. Ou comment pratiquer l’adhérence à la perfection. James est encore bluffé par son maître douze ans après. Bref, l’idée des Master Classes, c’était de donner des « trucs et astuces » aux grimpeurs qui fréquentent les salles Altissimo. James et moi sommes donc partis pour une tournée des dix salles à travers la France. J’espère avoir appris à des grimpeurs quelques petites choses. Pour ma part, j’ai beaucoup appris d’eux, gagné une vision un peu globale de ce qu’est un grimpeur de salle. Oh, je vous vois venir de suite : « un grimpeur de salle »… Parce qu’il y aurait des grimpeurs de salle et des grimpeurs de falaise ? Comme deux « races » ? C’était d’ailleurs l’objectif de mon papier, commandé par Grimper : identifier les « défauts et qualités » des grimpeurs de salle… Eh bien, je vous arrête tout de suite : il n’y a pas deux races, ou alors elles se font les yeux doux ! Parmi tous les grimpeurs que nous avons rencontrés, certains viennent s’entraîner en salle en semaine et partent en falaise tous les week-ends. D’autres ne touchent de la résine que quand il pleut pendant trois mois. D’autres enfin mettent occasionnellement le nez dehors, car c’est ce qu’ils préfèrent ou pour cause de « vie à cent à l’heure ». Alors mettons les points sur les “i” dès à présent. Si vous vous attendiez à ce que je juge, que je catégorise, et que je classe, c’est raté. Et pour cause… Certes aujourd’hui, mes objectifs de grimpe sont en falaise mais je viens du monde des compétitions. J’ai ainsi eu le regard focalisé sur de la résine pendant des années. James, au contraire, fait partie de ceux qui méprisaient la résine, capable d’aller grimper dehors même sous la pluie… Eh bien, depuis, le garçon s’est bien rendu compte que « bouffer de la résine », ça lui faisait les bras ! Alors certes, il y a bien des grimpeurs qui font plus de résine que d’autres, mais tout est question de pourcentage. Nous y voilà… Qu’avons-nous vu durant toutes ces séances de « trucs et astuces » ? Des grimpeurs entre 5b et 8a, des gros bourrins et de fins techniciens, des ultrastatiques et des jetés en veux-tu en voilà… Et aussi des « un peu de tout ». Avec quelques défauts évidents… Arrête donc ce pied en « écrase-merde » !!! Imaginons un adulte qui commence l’escalade, disons dans une ville où les falaises sont loin, accessibles uniquement en vacances. Ce grimpeur sera bien plus fort en salle qu’en falaise avec une voire deux cotations d’écart, et ceci pour plusieurs raisons :

>> Le concept de prise, bien tranché en salle, avec même une couleur, est une notion complètement différente en falaise : il y a une prise à tel endroit du rocher si tu décides qu’il y a une prise. Cette phase d’identification des prises lors de l’escalade est absente en salle. Bien évidemment, James et moi ne sommes pas allés en falaise avec nos petits cobayes, mais même en salle, il est possible de titiller la lacune : un passage en utilisant le volume du mur, ou même des boulons, des inégalités du bois, un logo en relief… et tu perds ton grimper ! Alors le mot d’ordre sera : ouvre ton esprit, sers-toi de tout ton corps pour grimper. Et s’il faut y mettre les dents, vas-y !!! >> Un défaut qu’on retrouve chez ce même grimpeur : la pose de pieds. À difficulté égale, vous trouvez en falaise des pieds bien plus petits (en général), qui demandent plus de précision. Le grimpeur en falaise apprend vite à se servir de toutes les petites réglettes de pied, d’adhérence, pour palier à une section qui serait trop à allonge ou trop regroupée pour sa morphologie. En salle, c’est bien plus tranché encore une fois : il y a une prise de pied ou il n’y en a pas ! Alors soyons francs, dans le cas général, les grimpeurs de salle (eh oui, j’en reviens à cette dénomination, mais en espérant y avoir supprimé toute connotation) ont moins affaire à de petits pieds et passent moins de temps à regarder leurs pieds. Ils sont donc évidemment moins précis sur leurs pieds. Une solution, à mon humble avis, serait d’essayer de faire des voies à thèmes : tels que « pose de pied », avec des cachous partout… >> Tout n’est pas noir, soyons francs. Si le grimpeur de salle a un défaut dû à son support, il en a aussi les qualités. Vous vous souvenez de l’archétype du grimpeur fort des années quatre-vingt, ultra-précis, en grenouille constante… et ultra-statique ? Voilà un défaut de falaise que le grimpeur de salle évite : il dynamise ! Impressionnant de voir des grimpeurs de 5b capables de jeter, de dynamiser pour économiser un blocage ! Pourquoi ? Simplement parce qu’en salle, on sait à quoi ressemble la prise d’arrivée. Parfois il n’y a pas 36 solutions… Il faut y aller ! Et là, j’applaudis à deux mains : la technique, c’est très bien, mais la technique, ce n’est pas que du statique, c’est aussi la technique de dynamique ! Apprendre à pousser sur ses jambes, déplacer son corps dans la bonne direction, serrer les doigts en coordination avec son arrivée sur la prise et enfin gérer le ballant… Bref, être dynamique, ce n’est pas nécessairement être un bourrin ! C’est grimper comme un chat ! Tout doux, tout doux… Et paf, un saut ! Atterrissage amorti, et c’est reparti, tout doux ! Ce qui m’amène à des points particuliers, des petits défauts qui se retrouvent assez

souvent mais pas systématiquement. Le grimpeur de salle, souvent, “oublie” : >> De changer de main, ce qui n’est pas interdit ! Sans doute encore une fois parce qu’en salle, la plupart des prises sont en préhension simple, le grimpeur ne ramène pas, ne change pas de main, quitte à s’obliger à des croisés abracadabrantesques ! Et pourtant, parfois, que vous ayez des petits doigts de fille ou des paluches, un changement de main, un ramené vous auraient sorti de la mélasse sans trop d’effort… Il me semble que c’est toujours une histoire d’ouverture d’esprit, non ? >> De chercher les positions de repos ! Certes, en falaise, il n’est pas si peu fréquent de trouver une voie avec un repos total, de la marche où l’on peut s’asseoir au coincement de genoux qui permet de lâcher les mains. Alors qu’en 14 mètres de salle (au maximum), l’ouvreur va rarement vous permettre un vrai repos total… encore que ! Un dièdre, un volume et, avec un peu d’imagination, il est possible de trouver une position calée et souffler, se reposer avant d’enchaîner la fin. Encore et toujours, ,en escalade, tout est autorisé, et poser les fesses contre le mur pour se reposer, c’est une idée brillante si ça marche ! Un peu de grimpe en tête, matin, midi et soir… J’ai toujours quelques difficultés à prendre position à ce sujet : en tête ou en moulinette ? Je pars du principe que chacun choisit la grimpe parce qu’il aime ce sport, parce qu’il cherche à se faire plaisir dans l’effort. Alors, que ce soit en tête ou en moulinette, du moment qu’on essaie vraiment dur, je trouve difficile de prendre position et critiquer la moulinette. Il y en aura beaucoup pour argumenter mais je dirais juste : essayez ! Bien sûr, si vous grimpez dehors, vous n’avez pas tellement le choix, les moulinettes ne tombent pas du ciel. Mais en salle, il faut faire l’effort, aller vers les voies en tête… Commencer à grimper en tête, en salle comme en falaise, c’est effrayant. Voilà quelque chose de très normal. Mais se faire un peu peur peut aussi être très gratifiant à terme. Ou pas, certains se retrouvent tétanisés même après des années à essayer, risquant de se dégoûter de l’escalade. Alors dans ces cas-là, je dis non. La moulinette, c’est très bien aussi ! Des plus, des moins, du moment que vous grimpez, vous êtes déjà du bon côté ! Je finirai juste en enfonçant une porte ouverte. Si vous voulez progresser au plus vite et dans toutes les situations, le plus efficace est bien sûr de varier les supports ! En salle, en falaise, sur calcaire, grès, granite… Plus on est mauvais quelque part, plus il faut le travailler. Alors… à vos chaussons !


Voici ci dessous et en images le résumé de ce qui a changé en 20 ans dans les salles d’escalade : le nombre de grimpeuses et le standing général.

et récréatif dans le centre commercial du Clos du Chêne, à côté de Marne-la-Vallée. Au programme, une salle de bloc de 350 m2 accessible à partir de 6 euros la séance, un mur extérieur, un restaurant haut de gamme et un espace Clip’n Climb développé par Entre-

chaque année grâce à l’espace Clip’n Climb. En sachant que cette société projette de s’implanter dans six autres centres commerciaux nouvelle génération dits Greencenter et son concept de pratique ludique mais avec quand même de la vraie escalade dedans.

Est-ce que le concept multiplexe où vous pouvez grimper, faire vos courses et vous restaurer est l’avenir des salles d’escalade ? prises qui propose une escalade ludique, le tout sur 1 000 m2. Sur un concept un peu similaire mais développé par Walltopia, François Petit et sa holding Climb Up Investissements vont inaugurer en grande pompe le 2 avril prochain leur nouvelle salle Climb Up en présence de Chris Sharma s’il vous plaît, sur le village Décathlon de Bouc-Bel-Air entre Aix-enProvence et Marseille. Alors, est-ce que le concept multiplexe où vous pouvez grimper, faire vos courses et vous restaurer est l’avenir des salles d’escalade ? Nous avons posé la question à Fred Roulhing, gérant à Vitam’Parc depuis six ans à Saint-Julien-en-Genevois, une salle implantée dans un centre commercial qui propose aussi un parc aquatique et tous les services nécessaires à votre bien-être. Voici sa réponse : « Notre public vient essentiellement pour grimper, voire uniquement pour grimper. Il existe pourtant une formule d’abonnement pluriactivité qui comprend l’entrée à la salle d’escalade, au parc aquatique, à la salle de musculation, etc. mais avec mon public de grimpeurs, ça ne représente qu’une dizaine d’abonnements par an. » Alors, si le grimpeur recherche avant tout à grimper, en revanche, ce nouveau concept de “fun climb“ ne peut que promouvoir notre sport et ainsi remplir encore un peu plus les salles et grossir les rangs des licenciés de la FFME ou de la FFCAM. Car si l’on prend l’exemple du premier complexe Dock39 implanté en 2012 au centre commercial de Puerto Venecia à Saragosse, en Espagne, c’est quand même 4 000 goûters d’anniversaires qui sont organisés

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Les salles d’escalade plus traditionnelles risquent au pire de devoir agrandir leurs murs pour accueillir tout ce monde qui n’est pas encore sensibiliser au plus beau sport au monde…

Ce qui a changé en vingt ans Tout d’abord, les mises de départ pour ouvrir une salle. Entre la première salle Grimper d’Aix-en-Provence et la nouvelle, la surface a certes été multiplié par quatre mais l’investissement, lui, par plus de dix. Aujourd’hui, l’investissement de départ ne se trouve plus en raclant les fonds de tiroir. Et on ne parle là que de salles de bloc. Pour Espace Vertical, on est passé tout simplement de 400 000 francs pour la première salle à 400 000 euros pour la troisième et encore, en réduisant les coûts grâce à de l’autoconstruction. Sinon, vous pouvez presque rajouter un 0. Autre évolution, aujourd’hui toutes les salles ont aussi leur shop, ce qui était loin d’être une évidence se souvient Olivier Marinx. Quand il lança cette idée pleine de bon sens, puisque quoi de mieux que de proposer des articles de grimpe dans un endroit fréquenté par les grimpeurs, contre toute attente, il s’est heurté à un certain conservatisme des marques. On lui a répondu que les articles devaient se vendre dans un magasin et non dans une salle. À l’époque, seuls EB et Edelrid avaient bien voulu travailler avec Altissimo. Les temps ont changé de ce côté-là, contrairement au niveau moyen des grimpeurs de salle. Pour Nicolas Glée, le niveau n’a pas forcément augmenté, c’est toujours dans le 6a/b qu’il faut ouvrir le plus de voies. En revanche, il constate que les grimpeurs sont moins à cheval sur les cotations, ils grimpent plus par rapport à une ouverture qu’une cotation. L’ouverture est devenue un critère primordial pour attirer ou garder sa clientèle, ce qui était moins le cas avant. À la fois quand vous étiez la seule salle à deux cents kilomètres à la ronde… Chez Block’out, on compte cinq ouvreurs à temps plein plus un chef ouvreur qui tournent sur les trois salles parisiennes. Idem pour les prises, on ne peut plus se contenter d’ouvrir avec des prises maison, il faut de la qualité et surtout de la variété. Selon Nicolas Glée, en vingt ans, les créneaux de grimpe se sont raccourcis à cause entre autres d’une gestion différente de la famille. Il y a moins de grimpeurs fanatiques mais en revanche, il y a beaucoup plus de femmes qui grimpent. Bref, tous les voyants sociétaux semblent indiquer que l’escalade indoor a encore de beaux jours devant elle.


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