Courrier International

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Co u rri e r Inter nat i on a l N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

DÉCO UVERTE DE DELH I.

« L’Inde, c’est un peu le temple de l’art : toute forme d’art en Inde est sacrée et vénérée. »

Paul Baun - Explorateur / journaliste

WWW. COURRIERINTERNATIONAL.COM/ MPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, EtatsUnis 5 $, Finlande 2,60 €, GrandeBretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, PaysBas 2,20


Courrier international - N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

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7 JOURS DANS LE MONDE

Editorial Le 8 novembre 1990 paraissait le n° 1 de Courrier international, un ovni dans la presse française.Une idée géniale de Jacques Rosselin et des trois autres fondateurs, devenue réalité grâce au soutien financier de Pierre Bergé, qui se trouve être aujourd’hui l’un des trois principaux actionnaires du groupe Le Monde, auquel appartient Courrier international. L’histoire de notre journal est celle d’un succès jamais démenti. Avec une diffusion hebdomadaire de 195 000 exemplaires (2011), il a imposé un ton nouveau et un regard unique sur le monde et sur la France dans le paysage médiatique. Depuis sa création, Courrier international n’a cessé d’arpenter tous les recoins de la planète pour repérer dans toutes les presses du monde, des pages du Cape Times (Afrique du Sud) à celles de Semana (Colombie), des colonnes du Washington Post (EtatsUnis) aux idéogrammes du Mainichi Shimbun (Japon), ces petites fissures ou ces nouvelles tendances, signes avant-coureurs des métamorphoses du monde. A l’heure de Twitter, Google et autres YouTube, qui mettent les kiosques d’ailleurs à un clic d’ordinateur, on aurait pu croire que cette mission avait perdu sa raison d’être. Avec nos lecteurs et l’ensemble de la rédaction, nous nous sommes interrogés, en faisant notre examen de conscience et celui de nos pages. Et nous sommes arrivés à la conclusion exactement inverse : face au télescopage toujours plus rapide des échos du monde, au bombardement des images et des breaking news, face au brouhaha babélien, le besoin, dans la presse française, d’un journal comme Courrier international n’a jamais été aussi fort. C’est pourquoi nous vous proposons à partir du 4 octobre cette nouvelle formule, entièrement bimédia. Un journal rénové, encore plus à l’écoute de la planète et de ses 7 milliards d’habitants. Un journal qui reste fidèle à sa tradition, capable de sélectionner et de traduire les meilleurs articles de la presse étrangère, qu’elle soit proche ou lointaine, qu’elle soit rédigée en anglais, en vietnamien, en suédois ou en persan, capable de traquer les dernières tendances ou les nouvelles idées en vogue en Allemagne ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Loin des débats franco-français, Courrier international vous donne rendez-vous chaque jour sur son site et chaque semaine dans l’hebdomadaire pour prendre la température du monde. Avec une maquette plus tonique, créée par le graphistes espagnols Javier et Pablo Errea (Errea Comunicación), et de nouvelles rubriques, Courrier international trace des chemins pour mieux comprendre notre planète, mais aussi notre pays tel qu’il est vu d’ailleurs. Bonne lecture et bon voyage à travers les kiosques du monde ! is ce ne sont pas seulement les athlètes qui vont toujours plus vite, plus haut et plus fort. L’industrie du sport bat elle aussi régulièrement des records. Elle enregistrera 133 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde en 2013, selon le cabinet PriceWaterhouseCoo- pers. Une croissance de 47 % en dix ans ! Quel autre secteur, à part les technologies de l’information, peut en dire autant ? D’où provient cet argent ? De la vente des billets, du merchandising et des droits de retransmission, bien sûr. Mais aussi, pour un quart, des sponsors, trop heureux de s’emparer d’événements et de héros pour en faire leurs hommes-sandwichs. On se rase, on déjeune, on se désaltère, on fait le plein avec les athlètes. Ils sont devenus des produits, avec profil marketing et date de péremption. Mais il est une constante : le sport reste toujours un monde d’hommes. Parmi les cinquante sportifs les mieux payés au monde, on ne trouvera qu’une seule femme : la tenniswoman Maria Chara- pova, à la 29e place du classement établi par le magazine Forbes. Les autres, dans leur grande majorité, réussissent l’exploit de gagner des compétitions sans sponsors, sans équipement professionnel.

On peut admirer leur courage et leur ténacité, mais on peut aussi souhaiter un peu plus de parité. Pour les sportives, à vot’ bon cœur, messieurs-dames... Virginie Lepetit. En mars 1968, Pierre Viansson-Ponté écrivait dans Le Monde un éditorial intitulé “La France s’ennuie”. Quelques semaines plus tard, les baby-boomers jetaient des pavés sur les CRS et rêvaient de libérer la société française. C’était encore l’époque des Trente Glorieuses, de l’insouciance économique et du journal de 20 heures de l’ORTF qui n’ouvrait pas sur les fermetures d’usines. Un demi-siècle ou presque a passé et l’Hexagone s’est recroquevillé. Ses moteurs économiques sont à l’arrêt. Les enfants des baby-boomers n’ont rien connu d’autre que le chômage de masse et une dette publique à 12 chiffres (au minimum). La pauvreté s’affiche à chaque coin de rue jusque dans les centres-villes. La croissance appartient à l’Histoire. Le retour à un déficit public sous la barre des 3 % est devenu le nouvel horizon indépassable. Et, comme il y a quarante-cinq ans, la France s’ennuie. C’est le sentiment d’Anjuli Pandit, une étudiante d’origine indienne en cours à Paris. Invitée il y a quelques jours par la conférence TEDxParis à livrer sa vision de notre pays, la jeune femme a raconté qu’à son arrivée elle avait trouvé “de jeunes Français qui ont peur de l’avenir, qui ont peur du chômage, qui ne veulent pas prendre de risques”. Sa recette pour lutter contre la morosité ambiante ? Voyager, traverser les frontières, côtoyer une nouvelle culture, apprendre une nouvelle langue… Anjuli a raison : contre la panne sèche, la France a besoin d’idées. Et, pour faire naître celles-ci, notre pays peut compter sur ses talents, comme le physicien Serge Haroche, nouveau Prix Nobel de physique (aux côtés de l’Américain David Wineland) indienne en cours à Paris. Invitée il y a quelques jours par la conférence TEDxParis à livrer sa vision de notre pays, la jeune femme a raconté qu’à son arrivée elle avait trouvé “de jeunes Français qui ont peur de l’avenir, qui ont peur du chômage, qui ne veulent pas prendre de risques”. Sa recette pour lutter contre la morosité ambiante ? Voyager, traverser les frontières, côtoyer une nouvelle culture, apprendre une nouvelle langue… Charlotte Bauigh - journaliste

Javier ERREA L'auteur de la nouvelle maquette de Courrier international

Photo Javier ERREA

Ancien journaliste converti au graphisme, Javier Errea (Errea Comunicación, Espagne) connaît la presse internationale comme sa poche. De La Nación (Buenos Aires) à Dagens Nyheter (Stockholm), de The Inde pendent (Londres) à Malayala Manorama (Inde), d’Al Bayan (Dubaï) à Semanário Económico (Angola), il a participé aux nouvelles formules de très nombreux quotidiens ou magazines. Présent depuis sept mois aux côtés de la rédaction, il est l’auteur de la nouvelle maquette de Courrier international

« Vive les magazines imparfaits ! » Javier Errea et de son site. Quel est l’objectif de cette nouvelle formule ? Elle est très journalistique ! Nous avons cherché en priorité à raviver l’esprit du magazine, en introduisant plus de flexibilité, de rythme, et en séparant clairement les différentes séquences du journal. C’était l’objectif principal du projet. A l’arrivée, quel est son apport principal ? Plus d’énergie, une navigation plus claire, un repérage plus aisé. Courrier international ne sera pas un journal propre et lisse, mais un magazine plutôt imparfait. Il s’agit d’un mot positif à mes yeux : les articles de l’hebdomadaire viennent des quatre coins du monde, ils sont nécessairement très différents. David Leigh - journaliste

OURS Rédacteur en chef : Fabrice Bousteau (18). Pour contacter Fabrice Bousteau par mail, merci d’adresser vos mails à Assistante de la rédaction : Catherine Joyeux (01) Rédactrices en chef adjointes : Isabelle de Wavrin (21) & Anne Picq (19) Actualités : Françoise-Aline Blain. Emmanuelle Lequeux, assistée de Sarah Ihler-Meyer. (22) Livres : Natacha Wolinski Première secrétaire de rédaction : Sabine Moinet (23) Secrétaires de rédaction (Editing) : Natacha Nataf* (24) & Anne Séror Chroniqueurs : Marie Aucouturier (Mode), Xavier de La Porte (Culture numérique), Claire Fayolle (Design), Judicaël Lavrador (Musique), Stéphanie Moisdon (Revue de presse), Jacques Morice (Cinéma), Philippe Trétiack & Céline Saraiva (Architecture), Sabrina Weldman (Spectacles) Ont également participé à ce numéro : Malika


7 JOURS DANS LE MONDE

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

Un journal en cinq séquences

7 JOURS DANS LE MONDE P.4-7

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CONTROVERSE

Faut-il taxer Internet pour sauver la presse écrite ? La presse quotidienne d’information va mal. Pourquoi ne pas l’aider en instaurant une bonne taxe sur l’abonnement Internet, qui serait redistribuée aux grands “fournisseurs d’informations” garants de la démocratie?

À LA UNE P.14-17

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Uruguay : le corps du délit a disparu Droit à l’avortement. Les députés uruguayens ont adopté le 25 septembre un projet de loi visant à légaliser l’avortement.

CHINE

Moins vite, la Chine D’ici peu, le Comité central du Parti communiste chinois réunira son XVIIIe Congrès. La passation de pouvoir à une nouvelle génération de dirigeants aura lieu à l’issue d’une année beaucoup moins “harmonieuse” que Hu Jintao, le secrétaire général, ne l’aurait souhaité. Résister à l’impérialisme culturel chinois L’écrivain chinois Wang Lixiong s’insurge contre le dépérissement programmé de la culture tibétaine. Et souligne le rôle que peut jouer l’intelligentsia locale sinophone pour sa défense.

LA DÉMOCRATIE NE RÉSISTERA PAS À TANT D’AUSTÉRITÉ

Les Espagnols et les Portugais ont manifesté en masse le 29 septembre contre les coupes budgétaires. L’occasion pour ce chroniqueur d’un journal de centre droit de lancer un avertissement aux gouvernements trop dociles vis-àvis de Bruxelles.

“Attends ton peuple !” L’accident ferroviaire survenu en 2011 sur une nouvelle ligne à grande vitesse est symptomatique d’un pays qui a cherché à rattraper trop vite son retard de développement.

Un commentaire étranger sur l’actualité française. Juan Pedro Quinonero: un correspondant

Il faut changer de cap Xi Jinping, futur numéro un, devra faire face à deux urgences: transformer le modèle économique et démocratiser. Une critique de l’héritage de Hu Jintao.

MNLA,Aqmi et Ansar Dine: un mariage... Conclusion de la reunion de l’Onu sur le Sahel, le 26 septembre _ IRAN : Un dessin très offensant… _ POLOGNE : Nétanyahou fait son show _ ISRAÊL : Les allergie alimentaires

TRANSVERSALES P.18-21

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D’UN CONTINENT À L’AUTRE P.8-13

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NUTRITION

Un peu de steak d’herbe ? Transformer le gazon en aliment pour l’homme, tel est le défi relevé par des chercheurs néerlandais. Et leurs premiers résultats sont prometteurs.

GRÈCE

DES CHIFFRES ET DES LETTRES

AMÉRIQUE. ÉTATS-UNIS. Le face-à-face Romney-Obama. Deux personnalités que tout oppose, présente le spectacle le plus fascinant depuis deux générations.core utilisée de « médecine non-conventionnelle » pour désigner les autres médecines.

Le papier renaît de ses cendres Victimes de la récession, de nombreux titres ont cessé de paraître. Mais d’autres voient le jour. En septembre, trois journaux ont fait leur apparition dans les kiosques du pays.

AMÉRIQUE. ÉTATS-UNIS. La voiture et la banlieue. Les modes de consommation des 20-30 ans compromettent l’avenir des deux secteurs qui ont longtemps dopé la croissance américaine. Ils offrent aussi une formidable occasion de repartir sur des bases économiques plus saines. Premier volet d’une série sur les Etats-Unis de demain.

Piétons de tous les pays, traversez… Signaux

AMÉRIQUE. HAÎTI. Jouer aux pauvres, quelle insulte Quatre Américains sont partis vivre avec un dollar par jour à Port-au-Prince pour, disent-ils «comprendre la pauvreté». De leur expérience, ils ont tiré un film, posté sur Youtube. Une idée «stupide, égocentrique et surtout stérile pour Haïti».

EN FINIR

AFRIQUE. SOUDAN. En finir avec les dictateurs ! Le récent accord de réconciliation entre Soudan et Soudan du Sud enterre la hache de guerre. Mais jusqu’à quand?

DOLOURS PRICE

EUROPE. IRLANDE DU NORD. La paix rattrapée par le passé Dolours Price, ancien membre de l’IRA, accuse Gerry Adams d’avoir dirigé le mouvement et ordonné des attentats lors des années les plus sanglantes du conflit contre les Britanniques. Ce que le leader nord-irlandais a toujours nié.

INFOGRAPHIE

360° CULTURE P.22-27

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CULTURE

A Dehli, une dynastie aux fourneaux Si Delhi était une femme, ce ne serait pas, comme Bombay, une courtisane aguicheuse, amenant à elle les pauvres hères alléchés par le fantasme d’une vie meilleure. Malgré ses airs de vieille aristocrate guindée, Delhi cherche encore et toujours son élixir de jouvence. > Raconte moi Delhi L’histoire Couleurs et traditions du maroc Le surnom de «ville rouge» de Marrakech est bien mérité. Les constructions de la ville sont toutes ou presque rouges. Origine et définition du riad au Maroc > Les palais de la Médina L’histoire Origine et définition du riad au maroc Riad devient ainsi un adjectif qui qualifie une habitation quelconque qui reprend certains éléments de l’architecture ou de la décoration des authentiques riads des medinas.


Courrier international - N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

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7 JOURS DANS LE MONDE

CONTROVERSE Faut-il taxer Internet pour sauver la presse écrite ?

La presse quotidienne d’information va très mal. Pourquoi ne pas l’aider en instaurant une bonne taxe sur l’abonnement Internet, qui serait redistribuée aux “fournisseurs d’informations” garants de la démocratie? Le site GigaOM, est promoteur d’un nouveau mode de journalisme, réfute sévèrement cette proposition lancée par The Guardian. A charge pour les quotidiens de se réinventer.

OUI

Il y va de l’avenir de la démocratie — The Guardian, Londres. Selon la sagesse populaire, la presse écrite est condamnée. Son tirage s’effondre car les lecteurs peuvent avoir tout ce qu’ils veulent sur Internet. Et si ces lecteurs non seulement rejettent l’idée de payer pour lire en ligne, en outre l’existence, parmi d’autres, du site de la BBC, financé par le contribuable et la taxe qu’il paie sur l’audiovisuel, leur garantit de ne jamais avoir à payer pour obtenir des informations fiables au quotidien. Pourtant, quand les journaux se verront dans l’obligation de cesser toute impression, ce sera un désastre pour la démocratie. Les maigres gains issus de la publicité en ligne sur les sites d’information gratuits ne financeront qu’une fraction du journalisme de qualité produit par les journaux commerciaux. Nous n’aurons plus que, d’un côté, la timide BBC et, de l’autre, une camelote superficielle.Il existe pourtant un moyen tout simple de sauver les journaux, d’assurer la pluralité des médias et de mo nétiser Internet. Les consommateurs ne sont pas prêts à payer pour les informations en ligne, d’accord ; mais ils sont nombreux à payer pour leur indispensable connexion à haut débit. Une faible taxe sur les fournisseurs de haut débit britanniques – pas plus de 2 livres par mois sur chaque facture d’abonné – pourrait être répartie entre les “fournisseurs d’informations” proportionnellement à leur lectorat britannique en ligne. Cela

résoudrait les problèmes financiers des journaux de qualité, dont les lecteurs ne disparaîtraient pas, mais migreraient simplement vers Internet. Près de 20 millions de foyers britanniques paient au moins 15 livres par mois pour une bonne connexion à haut débit, auxquels s’ajoutent 5 millions d’abonnements à l’Internet mobile. Ils versent volontairement ces sommes à une poignée d’entreprises de télécommunications, mais ne paient rien pour les informations que cela leur permet de recevoir. Une taxe supplémentaire de 2 livres – facilement collectée auprès du petit nombre de fournisseurs de services britanniques (BT, Virgin, Sky, TalkTalk, etc.), qui l’ajouteraient aux factures des consommateurs – permettrait de récolter plus de 500 millions de livres par an [625 millions d’euros environ]. Redistri-

Dessin de Glez paru dans RNW, Pays-Bas.

au moins une fois par semaine dans une série continue sous le même titre […], [qui] contiennent des informations sur les événements actuels de portée locale, nationale ou internationale. Les publications qui ne contiennent pas une quantité suffisante d’actualités ne sont pas des journaux d’information.” D’autres fournisseurs d’informations originaux pourraient par la suite faire acte de candidature auprès du conseil indépendant de la taxe pour être admis dans le programme, au cas par cas. Mais il devrait y avoir un seuil de taille raisonnable pour l’admission, peut-être quelque 100 000 utilisateurs mensuels, ainsi que quelques règles visant à exclure les agrégateurs de contenus. Le site Internet de la BBC ne retirerait aucuns fonds supplémentaires de cette taxe, dans la mesure où il est déjà financé par les

« Les publications qui ne contiennent pas une quantité suffisante d’actualités ne sont pas des journaux d’information. » Nicholas Jover - journaliste.

buée automatiquement aux fournisseurs d’informations en fonction de leur part de lectorat britannique en ligne, elle fournirait 100 millions de livres par an au groupe Telegraph, à l’équipe d’Associated Newspapers et au Guardian Media Group. The Independent récolterait quelque 40 millions de livres, The Sun de Rupert Murdoch 50 millions. Il n’y aurait pas de problème insurmontable pour définir les fournisseurs d’informations. Il suffirait de commencer par désigner les organisations déjà classées par l’Etat comme des journaux non soumis à la TVA dans le cadre de la réglementation de 1994 : “Les journaux d’information […] publiés

contribuables britanniques. Le premier parti à adopter un tel programme fiscal obtiendrait certainement mon vote. La taxe serait, comme pour la BBC, préservée sur le plan opérationnel de toute “intervention de l’Etat”. Il n’y aurait pas de problème insurmontable pour définir les fournisseurs d’informations. Il suffirait de commencer par désigner les organisations déjà classées par l’Etat comme des journaux non soumis à la TVA dans le cadre de la réglementation de 1994 : “Les journaux d’information […] publiés au moins une fois par semaine dans une série continue sous le même titre […], [qui] contiennent des informations sur les événements actuels de

portée locale, nationale ou internationale. Cela résoudrait les problèmes financiers des journaux de qualité, dont les lecteurs ne disparaîtraient pas, mais migreraient simplement vers Internet. La taxe serait, comme pour la BBC, préservée sur le plan opérationnel de toute “intervention de l’Etat”. Près de 20 millions de foyers britanniques paient au moins 15 livres par mois pour une bonne connexion à haut débit, auxquels s’ajoutent 5 millions d’abonnements à l’Internet mobile. Ils versent volontairement ces sommes à une poignée d’entreprises de télécommunications, mais ne paient Il suffirait de commencer par désigner les organisations déjà classées par l’Etat comme des journaux non soumis à la TVA dans le cadre de la réglementation de 1994 : “Les journaux d’information […] publiés au moins une fois par semaine dans une série continue sous le même titre […], [qui] contiennent des informations sur les événements actuels de portée locale, nationale ou internationale. Cela résoudrait les problèmes financiers des journaux de qualité, dont les lecteurs ne disparaîtraient pas, mais migreraient simplement vers Internet. Près de 20 millions de foyers britanniques paient au moins 15 livres par mois pour une bonne connexion à haut débit, auxquels s’ajoutent 5 millions d’abonnements à l’Internet mobile. Ils versent volontairement ces sommes à une poignée d’entreprises de télécommunications, mais ne paient rien pour les informations David Leigh - Conseiller et Journaliste de presse.


7 JOURS DANS LE MONDE

NON

Le journalisme vit ailleurs — GigaOM New York, San Francisco. Alors que le secteur classique des médias continue de stagner, un certain nombre de personnes semblent penser que le journaliste du Guardian David Leigh a eu une idée nouvelle et intelligente pour sauver le journalisme en général, et les journaux en particulier : une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet. Le seul problème avec ce projet, c’est qu’il n’est ni intelligent ni particulièrement nouveau : l’idée a déjà été évoquée par le passé pour sauver l’industrie 01 musicale et n’est, heureusement, jamais devenue réalité. Si la proposition de Leigh semble attirante au premier abord, elle est loin d’être sans faille. Elle échouerait même probablement à atteindre ce que ses partisans en attendent. Des rédacteurs comme Leigh s’inquiètent, et on le comprend, des effets que le recul sans précédent [des recettes publicitaires] pourrait avoir sur le journalisme, qui selon eux remplit un rôle public essentiel et ne peut donc être abandonné aux caprices du marché. D’autres personnalités américaines, comme le journaliste du New York Times David Carr, ont exprimé des inquiétudes similaires face aux effets de ce déclin sur des villes comme La Nouvelle-Orléans, dont les journaux perdent du terrain ou cessent d’être édités, et ne

peuvent plus obliger politiciens et autres vilains à rendre des comptes comme ils l’ont toujours fait (du moins, en théorie). L’idée de taxer 02 Internet consiste à tenter de soutenir un modèle commercial fondamentalement inopérant. Le fait de financer les journaux en fonction de leur lectorat et de leur part de marché pourrait également aggraver certains des problèmes existant dans les médias numériques, dans la mesure où son seul effet serait d’encourager les journaux à accroître leur diffusion par tous les moyens possibles. Mais l’une des plus grandes faiblesses de cette idée de taxe , c’est qu’elle se fonde sur le principe selon lequel le journalisme – du moins, le type de journalisme qui mériterait un financement public – est synonyme de presse papier. Même si c’était la réalité dans un lointain passé, ce n’est clairement plus le cas : un tel projet laisserait de côté un nombre croissant de fournisseurs alternatifs, d’organismes à but non lucratif comme le Bureau of Investigative Journalism [ONG britannique fondée en 2010, qui produit des articles d’investigation] ou de plus petits médias, exclusivement disponibles en ligne. Et ce type de services alternatifs et de start-up, qui essaient pour beaucoup de réinventer le journalisme à l’ère du numérique, méritent incontestablement davantage de financements que les grands journaux, qui disposent déjà de gigantesques parts de marché. La réalité, c’est que le projet de taxer Internet ne ferait pas grand-chose pour aider à subventionner le journalisme d’intérêt public. Au contraire, cette taxe serait utilisée pour subventionner un modèle commercial en échec, qui continue de se fonder essentiellement sur un média mourant appelé presse écrite. Comment

cela pourrait-il profiter à la société dans son ensemble ? c’est qu’elle se fonde sur le principe selon lequel le journalisme, le type de journalisme qui mériterait un financement public – est synonyme de presse papier. Même si c’était la réalité dans un lointain passé, ce n’est clairement

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

et la découverte de solutions novatrices pour le faire est une idée louable. Mais qui n’a rien à voir avec le fait de taxer les internautes s’appuyant largement sur la presse écrite.Mais l’une des plus grandes faiblesses de cette idée de taxe , c’est qu’elle se fonde sur le principe selon lequel

« Le fait de financer les journaux en fonction de leur lectorat et de leur part de marché pourrait également aggraver certains des problèmes existant dans les médias numériques. » Bernard Louvel - journaliste.

plus le cas : un tel projet laisserait de côté un nombre croissant de fournisseurs alternatifs, d’organismes à but non lucratif comme le Bureau of Investigative Journalism [ONG britannique fondée en 2010, qui produit des articles d’investigation] ou de plus petits médias, exclusivement disponibles en ligne. Et ce type de services alternatifs et de start-up, qui essaient pour beaucoup de réinventer le journalisme à l’ère du numérique, méritent incontestablement davantage de financements que les grands journaux, qui disposent déjà de gigantesques parts de marché. La réalité, c’est que le projet de taxer Internet ne ferait pas grand-chose pour aider à subventionner le journalisme d’intérêt public. Le sauvetage – ou plutôt, l’amélioration et le développement c’est qu’elle se fonde sur le principe selon lequel le journalisme est synonyme de presse papier. Même si c’était la réalité dans un lointain passé du journalisme est un objectif noble

le journalisme – le type de journalisme qui mériterait un financement du public est synonyme de presse papier. Même si c’était la réalité dans un lointain passé, ce n’est clairement plus le cas : un tel projet laisserait de côté un nombre croissant de fournisseurs alternatifs, d’organismes à but non lucratif 03 comme le Bureau of Investigative Journalism [ONG britannique fondée en 2010, qui produit des articles d’investigation] ou de plus petits médias, exclusivement disponibles en ligne. Et ce type de services alternatifs et de start-up, qui essaient pour beaucoup de réinventer le journalisme à l’ère du numérique, méritent incontestablement davantage de financements que les grands journaux, qui disposent déjà de gigantesques parts de marché. La réalité, c’est que le projet de taxer Internet ne ferait pas grand-chose pour aider à subventionner le journalisme d’intérêt public. Au contraire, cette taxe serait utilisée pour subventionner un modèle commercial en échec. Matthew Ingram - Développeur dans le web.

01 Industrie: Calisation des différents virus évolue car ils sont transportés par les hommes. multitude de virus différents.

02 Taxe: En droit français, la taxe est un prélèvement obligatoire perçu d’autorité à l’occasion d’un service rendu. leurs matériels génétiques. Cette différence est de 5 à 10%.

03 Lucratif: Chacun de ces groupes est lui-même a plus de 50% de différence entre tion).

Uruguay : Le corps du délit a disparu Droit à l’avortement Les députés uruguayens ont adopté le 25 septembre un projet de loi visant à légaliser l’avortement. “Une avancée à l’arrière-goût amer”, titre l’hebdomadaire Brecha : le texte est trop tiède au goût des féministes - l’autorisation est soumise à une procédure lourde. Le projet doit encore être approuvé par le Sénat. L’Uruguay deviendra alors le deuxième pays d’Amérique latine, après Cuba, où l’avortement est légal. Le Parti républicain avait sans doute espéré que le pire était passé, après la violente polémique sur le droit à l’avortement qui a dominé récemment la campagne électorale. Les propos de l’élu républicain Todd Akin, qui avait affirmé qu’une femme victime d’un «véritable viol» tombait rarement enceinte, avaient été fermement condamnés par Mitt Romney et son colistier, Paul Ryan. Au centre de cette polémique, Mitt Romney, qui tente de trouver un juste milieu en vue de l’élection du 6 novembre, entre les conservateurs purs et durs d’un côté et les électeurs indépendants et les femmes de l’autre, qui risqueraient de s’éloigner. Depuis son entrée en politique, sa position sur le droit à l’avortement a beaucoup évolué. En tant que sénateur du Massachusetts, il défendait le droit à l’IVG, Les propos de l’élu républicain Todd Akin, qui avait affirmé qu’une femme victime d’un «véritable viol» tombait rarement enceinte, avaient été fermement condamnés par Mitt Romney et son colistier, Paul Ryan. Au centre de cette polémique, Mitt Romney, qui tente de trouver un juste milieu en vue de l’élection du 6 novembre. Laura Valym - journaliste. Dessin de Laura Michala, le 12 octobre 2012.

Suivez - les: Journalistes, experts, citoyens éclairés: ils sont sur les réseaux sociaux. A suivre ! Ismael@ChangelnLibya Tél. : 0140.33.52.00 218 RUE DE BELLEVILLE 75020 Paris Activité : Etudiant libyen,

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technicien et développeur web, se dit «allergique à l’ignorance, à tous les extrémistes et dictateurs».

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et les commentaires parfois ironiques du correspondant spécial de Reuters pour l’Asie du Sud-Est.

l’Amérique du Sud, des derniers investissements pétroliers au Pérou.

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soin. s globules blancs chargés de la défense iminutaire ziva la oula.

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7 JOURS DANS LE MONDE

La démocratie ne résistera pas à tant d’austérité Les Espagnols et les Portugais ont manifesté en masse le 29 septembre contre les coupes budgétaires. L’occasion pour ce chroniqueur d’un journal de centre droit de lancer un avertissement aux gouvernements trop dociles vis-à-vis de Bruxelles. Dessin de Kichka, Israël.

— I, Lisbonne. Le Portugal, la Grèce et l’Espagne sont dans le même bateau. Un fil conducteur unit ces trois peuples : ils se sont affranchis des dictatures qui les opprimaient au même moment, entre 1974 et 1976, et ont adhéré à l’Union européenne dans la foulée. Aujourd’hui, ils sont à la dérive dans une mer agitée, en quête d’un port d’attache impossible à atteindre. Avec une révérence plus ou moins marquée, chacun de leurs gouvernements – tous membres de la même famille politique – accepte comme inévitables les programmes d’appauvrissement de leurs peuples dictés par Bruxelles et Berlin. Mais, comme cela est démontré, en Grèce, au Portugal et prochainement en Espagne, les réductions massives des salaires et l’augmentation brutale des impôts aggravent les difficultés que ces mesures étaient censées permettre de surmonter. Elles provoquent de sévères récessions, saccagent le tissu économique et augmentent le déficit budgétaire et la dette extérieure, détruisant les équilibres sociaux, mettant des millions de personnes au chômage et les jetant dans la

misère. La sortie [de crise] proposée par nos créanciers n’est pas une sortie, c’est une entrée en enfer. Le pire est à venir. Les résultats désastreux des mesures d’austérité devraient aujourd’hui inciter notre gouvernement à affronter nos créanciers en exigeant une renégociation sérieuse

le continent, ces gouvernements en état de soumission veulent “respecter” les diktats des spéculateurs financiers jusqu’au dernier souffle. Ce serait le seul moyen d’obtenir plus de marge de manœuvre pour favoriser une politique volontariste de croissance économique, qui, accom-

« Le gouvernement, en suivant le chemin de l’austérité, ne fait pas qu’appauvrir la majorité des Portugais et les jeter dans la misère. » Charles Omniurer - journaliste.

de la dette en ce qui concerne les délais et les taux d’intérêt, voire son annulation partielle. Ce serait le seul moyen d’obtenir plus de marge de manœuvre pour favoriser une politique volontariste de croissance économique, qui, accompagnée d’une répartition plus juste des sacrifices, pourrait à court terme ranimer le tissu économique, contenir la récession, diminuer le chômage et maintenir la cohésion sociale. Mais ce n’est pas le chemin choisi par les gouvernements portugais, grec et espagnol. Prisonniers de l’euro, des traités européens et de la droite, dominante sur

Immense soutien à Malala, la jeune martyr pakistanaise s’adresse au monde Malala Yousoufzai, militante des droits de l’homme en convalescence au Royaume-Uni, remercie le monde pour son soutien. Un mois après la tentative manquée d’assassinat dont elle a été victime le 9 octobre dernier, Malala Yousoufzai, lycéenne de 15 ans et militante des droits de l’homme en convalescence au Royaume-Uni, remercie le monde pour son soutien. Ziauddin Yousafzai a transmis un message à la presse de la part de sa fille, dont les journaux du monde entier ont fait une héroine de la résistance aux talibans. La jeune fillea souhaité dire «à quel point elle est reconnaissante et touchée que des hommes, des femmes et des enfants de tous les pays se soient souciés de sa santé». L’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown va remettre une pétition signée par un million de personnes au Président pakistanais Asif Ali Zardari le pressant de faire de la scolarisation une réalité pour de tous les enfants de son pays, garçons et filles. Paul Ryan - journaliste.

pagnée d’une répartition plus juste des sacrifices, pourrait à court terme ranimer le tissu économique, contenir la récession, diminuer le chômage et maintenir la cohésion sociale. Ce n’est pas un hasard si, dans une Europe apparemment calme, on assiste de plus en plus au Portugal, en Grèce et en Espagne à des grèves générales, à de gigantesques manifestations populaires de rejet des politiques gouvernementales et au désenchantement vis-à-vis des partis, voire de la démocratie elle-même. Nous savons que n’importe quel régime peut tomber d’un jour à l’autre. Parfois il suffit d’un souffle pour qu’ils s’écroulent complètement, sans aucun soutien civil ni militaire. Ce fut le cas le 25 avril 1974, quand des militaires en colère parvinrent en quelques heures, avec l’appui de la population, à faire chuter une dictature vieille de 48 ans. Ce fut le cas également le 28 mai 1926, quand le général Gomes da Costa fit disparaître la Ire République [portugaise], acclamé par une foule de partisans. Et ce fut enfin le cas le 4 octobre 1910, quand quelques centaines de rebelles du Parti républicain en finirent avec une monarchie de près de 800 ans. Le gouvernement, en suivant le chemin de l’austérité, ne fait pas qu’appauvrir la majorité des Portugais et les jeter dans la misère. Il met également en cause notre fragile démocratie. ils se sont affranchis des dictatures qui les opprimaient au même moment, entre

1974 et 1976, et ont adhéré à l’Union européenne dans la foulée. Aujourd’hui, ils sont à la dérive dans une mer agitée, en quête d’un port d’attache impossible à atteindre. Avec une révérence plus ou moins marquée, chacun de leurs gouvernements – tous membres de la même famille politique – accepte comme inévitables les programmes d’appauvrissement de leurs peuples dictés par Bruxelles et Berlin. Mais, comme cela est démontré, en Grèce, au Portugal et prochainement en Espagne, les réductions massives des salaires et l’augmentation brutale des impôts aggravent les difficultés que ces mesures étaient censées permettre de surmonter. Elles provoquent de sévères récessions, saccagent le tissu économique et augmentent le déficit budgétaire et la dette extérieure, détruisant les équilibres sociaux, mettant des millions de personnes au chômage et les jetant dans la misère. La sortie [de crise] proposée par nos créanciers n’est pas une sortie, c’est une entrée en enfer. Le pire est à venir. même moment, entre 1974 et 1976, et ont adhéré à l’Union européenne dans la foulée. Aujourd’hui, ils sont à la dérive dans une mer agitée, en quête d’un port d’attache impossible à atteindre. Avec une révérence plus ou moins marquée, chacun de leurs gouvernements – tous membres de la même famille politique – accepte comme inévitables les programmes d’appauvrissembrutale des impôts aggravent les difficultés que ces mesures étaient censées permettre de surmonter. Elles provoquent de sévères récessions, saccagent le tissu économique et augmentent le déficit budgétaire sociaux, mettant des millions de personnes au chômage et les jetant dans la misère. La sortie [de crise] proposée par nos créanciers n’est pas une sortie, c’est une entrée en enfer. répartition. Mais ce n’est pas le chemin choisi par les gouvernements portugais, grec et espagnol. Prisonniers de l’euro, des traités européens et de la droite, dominante sur le continent, ces gouvernements en état de soumission veulent “respecter” les diktats des spéculateurs. David Leigh - journaliste.


7 JOURS DANS LE MONDE

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

MNLA, Aqmi et Ansar Dine : un mariage ...

SONDAGE

10 %

du trafic enregistré sur Internet est le fait de robots. Ce chiffre émane d’une étude réalisée par Solve Media. Ces robots, précise le site d’informations GigaOM, peuvent imiter les humains ou en participant.

Conclusion de la reunion de l’Onu sur le Sahel, le 26 septembre: l’intervention militaireréclamée et annoncée ne sera pas immédiate La libération du deux tiers du territoire malien semble de plus en plus éloignées. Le MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad], Aqmi et Ansar Dine ont remporté plusieurs batailles dans le Nord-Mali, mais pas la guerre. Primo, le peuple malien ripostera et défendra avec abnégation et persévérance sa patrie. Secundo, le feuilleton MNLA - Aqmi - Ansar Dine ne fait que commencer. Le partenariat entre ces trois mouvements nous réserve beaucoup de rebondissements. Rien qu’à mûrir une profonde réflexion sur leurs histoires, objectifs et modes opératoires, on se rend compte queleur alliance est contre nature. Le seul point qui les rassemblait étant relativement atteint aujourd’hui, la libération du Nord de toute emprise de l’Etat malien, tout porte à croire qu’une guerre interne entre les “frères alliés” n’est pas à exclure. Le MNLA est un mouvement indépendantiste et laïc ayant pour seul objectif l’indépendance de l’Azawad. C’est du moins la revendication qu’il défend et que l’on connaît. Contrairement au MNLA, les radicaux d’Aqmi ont prouvé à travers leurs actes que leur objectif majeur était le contrôle de la zone pour leurs trafics en tout genre et leurs actions contre les Occidentaux. Quant au mouvement Ansar Dine, son combat est l’instauration de la charia sur toutle territoire national. Anthony Atala, chirurgien, présente ses nouveaux travaux de recherche qui pourraient un jour régler Luke Massella, jeune patient du Dr. Atala il y a 10 ans, le rejoint ensuite sur scène pour parler de sa vessie artificielle créée a partir d’une technologie. Mais, comme cela est démontré, en Grèce, au Portugal et prochainement en Espagne, les réductions massives des salaires et l’augmentation brutale des impôts aggravent les difficultés que ces mesures étaient censées permettre de

Un dessin très offensant... IRAN - Ce n’est pourtant pas une représentation de Mahomet, mais il a valu au quotidien réformiste Shargh d’être suspendu le 26 septembre : ce dessin de l’Iranien Hadi Heidari, explique le site

34 %

de bonnes opinions

Dessin de Glez paru dans RNW, Pays-Bas.

surmonter. Elles provoquent de sévères récessions, saccagent le tissu économique et augmentent le déficit budgétaire et la dette extérieure, détruisant les équilibres sociaux, mettant des millions de personnes au chômage et les jetant dans la misère. La sortie [de crise] proposée par nos créanciers n’est pas une sortie, c’est une entrée en enfer. Le seul point qui les rassemblait étant relativement atteint aujourd’hui, la libération du Nord de toute emprise de l’Etat malien, les radicaux d’Aqmi ont prouvé à travers leurs actes que leur objectif majeur était tout porte à croire qu’une guerre interne entre les “frères alliés” n’est pas à exclure. Le MNLA est un mouvement indépendantiste et laïc ayant pour seul. Le partenariat entre ces trois mouvements nous réserve beaucoup de rebondissements. Rien qu’à mûrir une profonde réflexion sur leurs histoires.C’est du moins la revendicationde la jeune patiente qu’il défend et que l’on connaît. Fousseyni Maïga- journaliste.

Shargh, a été arrêté et Hadi Heidari a été convoqué au tribunal le 1er octobre. Sur sa page Facebook (hadi.heidari.fanpage), le dessinateur s’explique : “Ceux qui me connaissent savent que je ne cherche à offenser personne. L’idée du dessin était de dépeindre l’ignorance.

Heidari, explique le site Kayhan, a été considéré comme offensant envers les combattants de la guerre Iran-Irak (19801988, 1 million de morts), qui portaient autour de la tête des bandeaux sur lesquels étaient inscrits des versets du Coran. Mehdi Rahmanian, directeur de Shargh, a été arrêté et Hadi Heidari a été convoqué au tribunal

Nétanyahou fait son show

Dessin de Hadi Heidari paru dans Shargh, Téhéran.

Your Middle East, a été considéré comme offensant envers les combattants de la guerre Iran-Irak (1980-1988, 1 million de morts), qui portaient autour de la tête des bandeaux sur lesquels étaient inscrits des versets du Coran. Mehdi Rahmanian, directeur de Shargh, a été arrêté et Hadi Heidari a été convoqué au tribunal le 1er octobre. Sur sa page Facebook (hadi. heidari.fanpage), le dessinateur s’explique

POLOGNE - « Réveille-toi,Pologne ! » C’est avec ce mot d’ordre n’est pourtant pas une représentation de Mahomet, mais il a valu au quotidien réformiste Shargh d’être suspendu le 26 septembre : ce dessin de l’Iranien Hadi Heidari, explique le site Kayhan, a été considéré comme offensant envers les combattants de la guerre IranIrak (1980-1988, 1 million de morts), qui portaient autour de la tête des bandeaux sur lesquels étaient inscrits des versets du Coran. Mehdi Rahmanian, directeur de Shargh, a été arrêté et Hadi Heidari a été convoqué au tribunal le 1er octobre. Sur sa page Facebook (hadi.heidari.fanpage), le dessinateur s’explique : “Ceux qui me connaissent savent que je ne cherche à offenser personne. L’idée du dessin était de dépeindre l’ignorance. Il n’y a aucune référence à des combattants.” Fondé en 2002, le journal, assez critique à l’égard du pouvoir, a été fermé à plusieurs reprises. Ce n’est pourtant pas une représentation de Mahomet, mais il a valu au quotidien réformiste Shargh d’être suspendu le 26 septembre : ce dessin de l’Iranien Hadi

ou 75 5000 euros: c’est en Thaïlande, la somme acceptée par la famille du policier Wichian Klanprasert pour ne pas poursuivre au civil Vorayuth Yoovidhya, petit- fils du créateur de la boisson énergétique Red Bull, responsable de la mort de Klanpra-

65 %

d’avis sur les forums sur Internet est le fait de robots. Ce chiffre émane d’une étude réalisée par Solve Media, un groupe publicitaire américain. Créez votre forum gratuit sans publicité ! lesforums.com est un fournisseur de forums gratuits sans pub très fonctionnels du site.

l’Iranien Hadi Heidari, explique le site Kayhan, a été considéré comme offensant envers les combattants de la guerre IranIrak (1980-1988, 1 million de morts), qui portaient autour de la tête des bandeaux sur lesquels étaient inscrits des versets du Coran. Mehdi Rahmanian, directeur de Shargh, a été arrêté et Hadi Heidari a été convoqué au tribunal le 1er octobre. Sur sa page Facebook (hadi.heidari.fanpage), le dessinateur s’explique : “Ceux qui me connaissent savent que je ne cherche à offenser personne. L’idée du dessin était de dépeindre l’ignorance. Il n’y a aucune référence à des combattants.” David Leigh - journaliste.

Peer Steinbrück. Photo Sean Gallup / AFP.

le 1er octobre. Sur sa page Facebook (hadi. heidari.fanpage), le dessinateur s’explique : “Ceux qui me connaissent savent que je ne cherche à offenser personne. L’idée du dessin était de dépeindre l’ignorance. Ce n’est pourtant pas une représentation de Mahomet, mais il a valu au quotidien réformiste Shargh d’être suspendu le 26 septembre : ce dessin de l’Iranien Hadi.

SOURCE

Les allergies alimentaires ISRAËL - Ce n’est pourtant pas une représentation de Mahomet, mais il a valu au quotidien réformiste Shargh d’être suspendu le 26 septembre : ce dessin de

LE NOUVELLISTE Port-au-Prince, Haïti Quotidien francophone 18 000 ex. www.lenouvelliste.com

Fondé en 1898, c’est le plus ancien journal francophone des Amériques. «De centre droit, il s’attache à cultiver un amour profond pour Haïti et n’a jamais donné son appui à aucun parti politique», précise son rédacteur en chef, Fratz Duval.


Courrier international - N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

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D’UN CONTINENT À L’AUTRE

ASIE

BURKA BABES

La bande dessinée Burqa fashionista propose de dédramatiser le sujet du voile intégral.


ASIE

D’UN CONTINENT À L’AUTRE

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

Burqa fashionista Dessin de Peter de Wit.

— The Open, Turquis. Elles bullent en Burqa. La bande dessinée Burqa fashionista propose de dédramatiser le sujet du voile intégral. Des «Burqa babes» (ndlr «Nanas en Burqa») pleines d’humour, présentées sous forme de petites saynètes, comme des sketches, telle est la recette de Burqa fashionista. Cette BD, signée Peter de Wit, dessinateur néerlandais, est publiée jeudi en France. Une façon originale de dédramatiser le thème de la Burqa, qui «déchaîne bien les passions», selon les Presses de la Cité, son éditeur. Traiter par l’humour les problèmes de société, c’est la spécialité de Peter de Wit, qui s’est rendu célèbre grâce à ses dessins du personnage de Sigmund, le psychiatre, publiés dans le quotidien De Volkstrand depuis 2004. A partir de 2005, il a fait apparaître des femmes en Burqa dans ce journal. L’album qui regroupe 60 de ces croquis est un énorme best-seller aux Pays-Bas. La Burqa dans tous ses états» Dès la couverture, le ton est donné : une dame en Burqa aux imprimés Burberry est qualifiée de «snob» par deux autres dames en voile intégral noir. Des femmes représentées par un dessin très simpliste et arrondi, ressemblant à des plots, ou encore aux personnages des Barpapapa. Le tout dans un petit album de petite taille et en noir et blanc, dont seule la couverture est en couleurs. L’idée du dessinateur est de donner une identité à ces femmes intégralement voilées, grâce à de petits accessoires. A chaque scène, sa réflexion humoristique, souvent très courte. L’occasion de «découvrir la burqa dans tous ses états», selon l’éditeur. L’idée selon laquelle la burqa serait interdite au sein même de La Mecque est fausse. Reprise par Michèle Alliot-Marie et un certain nombre de médias, cette erreur vient d’«une confusion», comme l’explique Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman. Le voile intégral y est seulement proscrit pendant la période du pèlerinage (5 jours). «Le pèlerin, qui est alors dans un état sacré, a un certain nombre de rituels à respecter, explique-t-il. Les hommes ont interdiction de se couvrir la tête et de porter des

vêtements cousus et les femmes doivent découvrir leur visage.» Chaque «infraction» au rituel doit faire l’objet d’une aumône donnée aux pauvres. Burqa fashionista. Cette BD, signée Peter de Wit, dessinateur néerlandais, est publiée jeudi en France. Une façon originale de dédrama Dans les pays musulmans, le voile intégral ne fait l’objet d’aucune loi régissant son port. En revanche, des réglementations existent dans certains pays, comme la Turquie ou l’Égypte, par décret ou via des chartes internes au fonctionnement des établissements publics, afin d’en fixer les modalités d’usage. Ainsi, la burqa est interdite dans le cadre des examens sco-

exemple. Les mains sont visibles. Certains types de tchadri sont même ouverts par devant, légèrement en dessous de la taille, laissant paraître robe et pantalon. La burqa (nouvelle version), selon le spécialiste de l’Islam et politologue français Olivier Roy, est une invention récente du mouvement intégriste salafiste dans les pays du Golfe et au Pakistan2. Avec ce vêtement qui ne date que d’une vingtaine d’années, l’enfermement de la femme est plus total qu’avec un tchadri puisqu’il s’accompagne de gants pour cacher les mains et que même les pieds sont dissimulés. Dans les pays où seuls les yeux n’étaient pas cachés, obligation est faite aux femmes de porter des lunettes de soleil ou de cacher leurs yeux à l’aide d’un

« La bande dessinée Burqa fashionista propose de dédramatiser le sujet du voile intégral. » Charles Omniurer - journaliste.

laires dans un certain nombre de pays. En Turquie, c’est même le voile qui est prohibé dans plusieurs universités. Les besoins d’identification par les autorités sont les mêmes dans les pays musulmans que partout ailleurs. Les femmes intégralement voilées y sont «parfaitement habituées , aucune ne conteste ça», assure Mohammed Moussaoui. Que ce soit à l’aéroport, dans les contrôles routiers ou à la sortie des classes, si l’institutrice veut vérifier que la mère est bien celle de l’enfant. Le port de la burqa n’est pas une obligation religieuse. Mais une pratique venue de «l’interprétation erronée» de la tradition, selon un musulman spécialiste du Coran. «Les femmes qui la portent disent le faire par mimétisme avec les femmes du Prophète, explique-t-il. Or celles-ci n’étaient pas voilées. En revanche, un rideau les séparait de tout homme qui désirait leur parler par respect de leur intimité, un peu à la manière du confessionnal chez les catholiques.» À l’origine, la burqa n’avait pas le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Par exemple, le tchadri, le vêtement traditionnel des femmes en Afghanistan est au sens littéraire une burqa. Le tchadri, mot persan et synonyme de burqa, ne couvre pas le bas du pantalon des femmes et il est adapté pour que les femmes puissent sortir leurs bras pour faire le marché, par

morceau de tissu fin permettant de voir sans être vues. Ce voile intégral accentue ainsi violemment la tradition séculaire du purdah3. Le philosophe Abdennour Bidar juge que le port de la burqa outrepasse largement cette tradition et qu’il ne se fonde sur aucune prescription coranique, y préférant pour sa part le voile laissant à découvert le visage, voire l’absence de tout voile et l’intériorité de la pratique religieuse. La Burqa dans tous ses états» Dès la couverture, le ton est donné : une dame en Burqa aux imprimés Burberry est qualifiée de «snob» par deux autres dames en voile intégral noir t cette tradition et qu’il ne se fonde sur aucune prescription coranique, y préférant pour sa part le voile laissant à découvert le visage.

SONDAGE

74 %

Des femmes pour une loi contre la burqa. Une large majorité de Français sont favorables à un loi interdisant le port du voile intégral en France, selon un

39 %

De burka Selon un sondage pour Le Point à paraître jeudi, le vote éventuel d’une loi interdisant le port du voile intégral ou «burqa» en France est approuvé par 74% des Français. L’approbation de la loi est particulièrement forte chez les sympathisants du MoDem (75%), UMP (69%) et Front national (74%). La loi est désapprouvée par 25% des personnes interrogées. Ce point de vue rassemble 48% des opinions à gauche, et de manière plus

David Leigh - journaliste.

_ Histoire _ Il est dit que ce vêtement a été introduit en Afghanistan au début du XXème siècle durant le mandat de Habibulla (1901-1919) qui imposa cet usage à plus de 200 femmes de son harem pour éviter que la beauté de leur visage ne vienne à tenter d’autres hommes. Les voiles étaient de soie avec de fines broderies. Les princesses de Habibulla portèrent même des burkas brodées de fils d’or.Ainsi la burqa se convertit en un nêtement de luxe, utilisé par les femmes de la classe aisée qui, de cette façon, étaient éloignées des gens simples évitant ainsi leur regard. Arnaud Robert - journaliste


Courrier international - N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

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D’UN CONTINENT À L’AUTRE

ETATS-UNIS

Des chiffres et des lettres Le face-à-face Romney-Obama, deux personnalités que tout oppose, présente le spectacle le plus fascinant depuis deux générations.core utilisée de « médecine non-conventionnelle » pour désigner les autres médecines.

Rendez-vous

23

12 Psychosociale

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faire un don par courrier ou en ligne. Ceux-ci sont destinés à financer des programmes de recherche en neurosciences sélectionnés par appel d’offres. Investissez dans l’ordinateur le plus précieux au monde ! 13 rue St féréole 13101 Marseille 18 H

Médicale

12

Tropisme du cancer :

Barack Obama & Mitt Romney Dessin de Glez paru dans le journal du jeudi, Ouagadougou.

— The Atlantic, Washington. Sous nos yeux, un combat mythique fait rage : l’affrontement de deux archétypes radicalement différents. D’un côté, l’enfant qui rêvait d’un père qu’il avait à peine connu et qui a grandi, taraudé de questions sur son identité. De l’autre, le fils chéri qui, fort du soutien paternel, a grandi sans se poser de questions sur quoi que ce soit. Barack Obama, enfant du mérite, errant et solitaire, dont les parents s’étaient rencontrés au hasard de leurs trajectoires respectives avant d’évoluer dans des directions opposées, s’est construit lui-même à partir de rien, ou presque. Mitt Romney, issu d’une famille de pionniers qui avait gagné les rives de la Terre promise, avait dès la naissance une destinée toute tracée les parents s’étaient rencontrés leurs trajectoires respectives. Jamais, depuis le duel entre John Kennedy et Richard Nixon – golden boy contre vieux briscard –, une présidentielle américaine n’avait mis en présence deux êtres aussi intrinsèquement différents. Face à face en 2012, un fort en mots et

un fort en chiffres. L’un s’est instruit en lisant des livres, l’autre en analysant des comptes d’entreprise. Même ce qu’ils ont en commun les sépare un peu plus encore : tous deux sont des marginaux, les héritiers de persécutions dues à la couleur de sa peau pour l’un, à sa foi mormone pour

mutuellement. Les clivages idéologiques en sont en partie responsables – nous vivons à une époque de politisation à outrance, mais la fracture est également linguistique, comme l’autre un sens extrême du devoir, le premier parce qu’il vient de nulle part, le second parce qu’il est né avec une cuil-

« Deux être intrinsèquement différents » Nicholas Jover - journaliste.

l’autre. Et, curieusement, tous deux sont descendants de polygames. Ils ont l’un comme l’autre un sens extrême du devoir, le premier parce qu’il vient de nulle part, le second parce qu’il est né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Si leur rivalité met notre patience à rude épreuve, c’est qu’ils s’expriment dans des langages tellement différents qu’ils paraissent se parler en s’ignorant réciproquement. C’est pire que l’impossibilité de tenir un discours cohérent : ce qui est manifeste, c’est leur incapacité à s’entendre

lère d’argent dans la bouche. Sensibilités incompatibles. Le lyrisme d’Obama et la prose de Romney reposent en effet sur des facultés intellectuelles divergentes, et ils touchent des sensibilités incompatibles. Lorsque le président tente de démontrer que, pour bâtir une entreprise, il faut de solides fondations sociales, il se heurte aux principes linéaires de toute une famille de pensée [de droite]. Quand Romney affirme sans ambages que “les entreprises sont des personnes” puisqu’elles sont composées de personnes, sa métaphore rudimentaire fait ricaner les grands esprits [de gauche]. Ainsi,

Les maladies du cerveau représentent aujourd’hui un tiers des maladies touchant les Européens, c’est-à-dire plus encore que le cancer ou les maladies cardiovasculaires. Les maladies du cerveau, telles que la schizophrénie, la maladie d’Alzheimer, la dépression ou encore. les maladies orphelines concernent un grand nombre de malades, nombre qui augmente par ailleurs avec le temps1. «Un quart de la population de plus de 65 ans. 64 rue Boulle13101 Marseille 19 H 30

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12 Chirugicale Diagnostic des greffes Les maladies du cerveau représentent aujourd’hui un tiers des maladies touchant les Européens, c’est-à-dire plus encore que le cancer ou les maladies cardiovasculaires. Les maladies du cerveau, telles que la schizophrénie, la ore. les maladies orphelines. 64 rue Boulle13101 Aix-en-provence 19 H 30


D’UN CONTINENT À L’AUTRE

ETATS-UNIS

pour peu que l’on traite leurs discours avec le mauvais hémisphère cérébral, le président utilise un langage trop imagé tandis que son adversaire s’exprime de façon trop abrupte. Au final, les discours sonnent un peu faux. Rien d’étonnant à ce que les malentendus se multiplient : entre les styles antithétiques des candidats et le cerveau cloisonné des électeurs, les paroles qui paraissent cohérentes à un camp frappent l’autre par leur absurdité. Les deux adversaires font campagne dans des mondes miroirs. L’esprit partisan et les idéologies divergentes ne suffisent pas à expliquer entièrement le clivage, qui a sans doute pour origine des modes de cognition et de perception opposés. Mitt Romney, issu d’une famille de pionniers qui avait gagné les rives de la Terre promise, avait dès la naissance une destinée toute tracée les parents s’étaient rencontrés leurs trajectoires respectives. Ainsi, pour peu que l’on traite leurs discours avec le mauvais hémisphère cérébral, le président utilise un langage trop imagé tandis que son adversaire s’exprime de façon trop abrupte. Mars & Vénus. La pensée de Romney est claire, nette et précise, telle une flèche pointée vers le ciel, tel l’axe séparant pertes et profits dans un graphique. Le chaos ne l’excite pas : sa conception du bonheur, c’est un compte bancaire à l’équilibre, une frappe de missile efficace ou un colistier [Paul Ryan] identique à lui-même, une vingtaine d’années et dix kilos en moins. Romney

est précis jusque dans ses incohérences. Il a par exemple répudié le système de santé qu’il avait lui-même institué lorsqu’il était gouverneur du Massachusetts et il a affirmé

« Obama interprète, Romney analyse. » Nicholas Jover - journaliste. que, pour équilibrer un budget, il suffisait de changer une seule colonne du bilan. Quant à sa foi mormone, il l’honore en l’escamotant depuis qu’il est candidat, ce qui ne l’empêche pas d’encenser les extrémistes évangéliques qui contestent la légitimité de cette foi. Si son adversaire fait dans la nuance, estimant que la réalité est complexe, Romney offre une vision tranchée. Il est toujours ferme et décidé, même dans ses volte-face, à l’instar de l’Eglise mormone, qui prône désormais la monogamie après avoir depuis toujours affiché une conception plus libérale de l’institution du mariage. Obama interprète, Romney analyse. Et si leur rivalité nous paraît confuse et agaçante, c’est que ces deux musiques sont discordantes. Ensemble sur la même scène, ils ne font que du bruit. Beaucoup ont déploré le faible niveau de la campagne ; l’entrée en lice de Paul Ryan leur a fait espérer un vrai débat de fond – au moins au sujet de Medicare [le système d’assurance-maladie pour les personnes âgées]. Obama est l’homme de la connotation, de l’ambiguïté et de la complexité,

qui nous rappelle sans cesse de ne pas nous laisser tromper par l’apparente simplicité des choses. Ses électeurs font preuve d’une tendance prononcée à l’euphorie et d’une prédilection pour le paradoxe. L’expression “soft power” [persuasion sans coercition : par la séduction, l’influence culturelle ou idéologique] leur parle, tout comme l’idée que l’endettement permet parfois de sortir une économie de l’ornière. Son électorat se méfie également de la rigidité, surtout si elle est personnifiée par son rival, cet homme dont le tempérament ordonné et mécanique transparaît dans la manière dont il se coiffe. Ils ne se livrent pas une guerre fratricide, de celles pour lesquelles notre système politique a été conçu et que les cinq sens sont capables d’appréhender, mais une lutte entre deux espèces, homo subjectif (Obama) contre homo impératif (Romney), quelque chose du genre de Mars et Vénus – en moins théâtral, et plus dramatique. Lorsque le président tente de démontrer que, pour bâtir une entreprise, il faut de solides fondations sociales, il se heurte aux principes linéaires de toute une famille de pensée [de droite]. Quand Romney affirme sans ambages que “les entreprises sont des personnes” puisqu’elles sont composées de personnAinsi, pour peu que l’on traite leurs discours avec le mauvais hémisphère cérébral, le président utilise un langage trop imagé tandis que son adversaire.

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

Témoignages Chantal: « On croyait que j’avais la leucémie parce que

mon taux de plaquettes était tellement faible; la seule explication était le cancer. Croyait que j’avais la leucémie parce que mon taux de plaquettes était tellement faible. »

Benoît: « Ma séropositivité n’est pas liée à la prison: j’ai

été contaminé et dépisté bien avant d’être incarcéré. J’ai également commencé mon traitement en dehors du système carcéral. »

Leahann: « Je me rappelle les jours où j’ai été infectée, où j’ai séroconverti, où j’ai passé les tests de sang et où le médecin m’a donné la nouvelle. Je connais tous ces jours-là par coeur. À l’anniversaire de chacun d’eux, il faut que personne ne s’approche de moi parce que je n’ai pas encaissé le choc.» Thibault: « Ma séropositivité n’est pas liée à la prison: j’ai été contaminé et dépisté bien avant d’être incarcéré. J’ai également commencé mon traitement en dehors du système carcéral. À l’anniversaire de chacun d’eux, il faut que personne ne s’approche de moi parce que je n’ai pas encore encaissé le choc. »

David Leigh - journaliste.

La voiture et la banlieue, c’est bon pour les vieux. Les modes de consommation des 20-30 ans compromettent l’avenir des deux secteurs qui ont longtemps dopé la croissance américaine. Ils offrent aussi une formidable occasion de repartir sur des bases économiques plus saines. Premier volet d’une série sur les Etats-Unis de demain. Aux Etats-Unis se développent des formules de partage aussi bien pour les voyages longs que courts. Comme le disait Jérémie Rifkin (L’âge de l’accès) : « Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale. Les conséquences de cette révolution sont d’une conséquence et d’une portée fondamentales pour notre société. D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée. C’est de l’accès plus que de la propriété que dépendra désormais notre statut social. ». Et pour la voiture ? Le prestige lié à la possession d’une voiture ne suffit plus : les nouveaux acteurs de l’auto-partage promeuvent l’image d’un utilisateur tendance, en accord avec son temps, qui fait des rencontres humaines inattendues et riches. Pour preuve, le succès mondial des systèmes de vélo partagé qui drainent ainsi plus de 2,2 millions de trajets chaque mois dans le monde ! Pour longtemps encore, la voiture restera le mode de déplacement privilégié : 80% des Français l’utilisent dans leurs déplacements. David Leigh - journaliste. Dessin de Glez paru dans le journal du jeudi, Amérique.

SONDAGE

80 %

53 %

20 %

conduisent leur voiture tous les jours ou 75 5000 euros: c’est en Thaïlande, la somme acceptée par la famille du policier Wichian Klanprasert pour ne pas poursuivre au civil Vorayuth Yoovidhya, petit- fils du créateur de la boisson énergétique.

Aux Etats-Unis se développent des formules de partage aussi bien pour les voyages longs que courts. « Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale. D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, démodée.

Située dans la banlieue nord-ouest de Paris, avec ses 82 552 habitants au 1er janvier 2007, Colombes est la septième commune d’Île-deFrance et la troisième ville des Hauts-de-Seine. Plus grande cité pavillonnaire de la petite couronne parisienne.

Des personnes âgées

De formules de partages

Située dans la banlieue de Paris


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D’UN CONTINENT À L’AUTRE

ETATS-UNIS

Jouer aux pauvres, quelle insulte Quatre Américains sont partis vivre avec un dollar par jour à Port-au-Prince pour, disent-ils «comprendre la pauvreté». De leur expérience, ils ont tiré un film, posté sur Youtube. Une idée «stupide, égocentrique et surtout stérile pour Haïti». critère de vie. Ils avaient le maigre pécule en poche à leur arrivée. Qu’importe, l’»expérience» continue, et le film avec. La faim les plonge dans une grande fatigue alors qu’ils observent ces travailleurs informels lutter pour gagner de quoi manger. Ils font alors le vouloir vivre comme les pauvres Que font ces touristes de la pauvreté à Cité Soleil ? Nous n’en saurons rien. Ils y ont filmé des enfants souriants en haillons, et pieds nus dans les fatras [tas d’ordures]...

«Ok, Ok... Vous nous emmenez dans cet endroit ou il y a beaucoup de cadavre» Photos de Langer paru dans Clarin, Buenos Aires.

— Le Nouvelliste, Port-au-Prince. Lexique Sinn Féin “Nousmêmes”:

Parti politique irlandais fondé en 1905 pour promouvoir l’unification de l’Irlande et l’indépendance politique et économique vis-à-vis du Royaume-Uni. Il a été pendant longtemps la vitrine politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA).

IRA - Armée républicaine irlandaise:

Organisation nationaliste irlandaise fondée en 1919 pour imposer par les armes une Irlande indépendante et unie. En 1969, quarante-huit années après la partition de l’Irlande, le mouvement presque moribond prône une Irlande socialiste unie et se déclare contre l’utilisation de la violence ou du terrorisme. A Belfast, une partie du mouvement s’oppose à cette position et forme “l’IRA provisoire”. Ce groupuscule devient la plus puissante organisation républicaine dans le conflit nord-irlandais, responsable de la mort de 1 824 personnes entre juillet 1969 et décembre 2001. Il se dissout en 2005. En Irlande, lorsqu’on parle de “l’IRA”, il s’agit généralement de “l’IRA

Comme beaucoup d’étrangers, Matthew Jones n’a découvert Haïti que le 12 janvier 2010, devant une télévision où tournaient en boucle les images terribles des morts, des blessés, des décombres... Devant l’horreur sans mots de la catastrophe qu’a été le séisme, ce jeune étudiant américain a voulu aider. Sentiment compréhensible et partagé par des millions de personnes à travers le monde. Mais plutôt que de se défausser rapidement de quelques billets auprès d’une ONG, Matthew Jones a voulu agir : «Je ne savais pas comment aider mais vivre dans la pauvreté a été une bonne première étape». Enrôlant son frère et deux de ses amis, il est donc parti pour passer 28 jours à Port-au-Prince. Leur projet : vivre sous une tente, avec un dollar par jour. «Pour mieux comprendre, nous avons décidé de vivre comme les Haïtiens». Faire comme si... tels des enfants qui, dans une cour de récréation, s’inventent un univers. Sauf qu’ici le terrain de jeu a été un pays, une capitale, une ville bien réelle. Clichés annoncés.Les quatre jeunes hommes ne sont, bien sûr, pas partis les mains vides. Caméra et micro dans les sacs : il leur fallait filmer le quotidien haïtien, preuve s’il en fallait une, que leur «aide» bien intentionnée était davantage tournée vers eux-mêmes et non à destination des Port-au-Princiens dans le cruel besoin. Leur vidéo intitulée «1 dollar poverty - living in Haiti on 1 dollar per day for 28 days» est désormais disponible sur Youtube. Vingt-huit minutes dérangeantes où s’étale l’inutilité de leur «expérience», car Haïti fut réellement pendant ces quelques jours leur laboratoire. Et pas n’importe lequel ! Avant le départ, les quatre amis évoquent face à la caméra leurs appréhensions, leurs doutes. Qu’est-ce qui leur fait le plus

peur ? Le plus jeune répondra «de ne pas revenir»... Les clichés sont annoncés, le suspens lancé : nous, Américains, allons dans cet inconnu d’où nous pourrions ne pas revenir. Au fil du documentaire, ces candides aidants découvrent la rude réalité.

Devant l’horreur sans mots de la catastrophe qu’a été le séisme, ce jeune étudiant américain a voulu aider. Sentiment compréhensible et partagé par des millions de personnes à travers le monde. Mais plutôt que de se défausser rapidement de quelques billets auprès d’une ONG, Matthew Jones a voulu agir : «Je ne savais pas comment aider mais vivre dans la pauvreté a été une bonne première étape». Enrôlant son frère et deux de ses amis, il est donc parti pour passer 28 jours à Port-au-Prince. Leur projet : vivre sous une tente, avec un dollar par jour. «Pour mieux comprendre, nous avons décidé de vivre comme les Haïtiens». Faire comme si... tels des enfants qui, dans une cour de

SOURCE LE NOUVELLISTE Port-au-Prince, Haïti Quotidien francophone 18 000 ex. www.lenouvelliste.com

Fondé en 1898, c’est le plus ancien journal francophone des Amériques. «De centre droit, il s’attache à cultiver un amour profond pour Haïti et n’a jamais donné son appui à aucun parti politique», précise son rédacteur en chef, Fratz Duval, le plus ancien journal francophone des Amériques. «De centre droit, il s’attache à cultiver un amour profond pour Haïti et n’a jamais donné son appui à aucun parti politique», précise son rédacteur en chef il s’attache à cultiver un amour profond pour Haïti et n’a jamais donné son appui. Fratz Duval.

« Haïti n’est pas un laboratoire pour étrangers en mal d’exotisme, qui se sentiraient coincés dans un quotidien facile pour eux » Nicholas Jover - journaliste.

Leur tente (emportée dans les bagages, ils n’ont pas eu à subir des heures d’attente pour bénéficier d’un don d’une organisation internationale) sera plantée dans la cour d’une maison en ruines. Une générosité haïtienne qui fausse déjà leur «expérience», mais ils ne s’en soucient guère. L’étape au marché leur fait réaliser qu’avec leur dollar quotidien, ils ne pourront manger que deux repas par jour. Et uniquement du riz, des pois, des spaghettis... Qu’il est dur de prétendre être pauvre ! Les stéréotypes s’égrènent et il ne faut pas attendre trois jours avant que cette fine équipe ne nous emmène à Cité Soleil. Ah, Cité soleil... Ces deux petits mots qui se doivent d’être glissés à son retour d’un séjour en Haïti si l’on veut susciter l’approbation, l’admiration de ceux pour qui le pays ne sera toujours qu’une contrée dangereuse, en prise avec les guerres de gangs fratricides. Un rire déplacé. Rapidement tout de même, Matthew Jones confesse qu’il est impossible de se mettre à la place des sinistrés du séisme, et même à la place de tous les Haïtiens qui survivent sous le seuil de pauvreté. Lui et ses amis n’ont pas à travailler pour gagner ce dollar par jour qu’ils se sont fixé temporairement comme

récréation, s’inventent un univers. Sauf qu’ici le terrain de jeu a été un pays, une capitale, une ville bien réelle. Leur vidéo intitulée «1 dollar poverty - living in Haiti on 1 dollaest désormais disponible sur Youtube et sera plantée dans la cour du président qui leur fait réaliser qu’avec leur dollar quotidien. Walter Kirn - journaliste.

_ Journal d’un Blanc _ Chaque fois que je prends l’avion pour Haïti en venant des Etats-Unis, je regarde les Blancs. Il y des Blancs en chemisette, des Blancs en costume, des groupes qui portent le même tee-shirt et des sandalettes. Mais la plupart d’entre nous ont en commun une excellente raison de prendre ce vol. La détermination se lit sur le visage. Un économiste pourrait établir une corrélation entre l’état d’un pays et le nombre de Blancs dans les avions qui y vont. Après le séisme, les vols étaient remplis d’urgentistes (au gilet plein de poches pour ranger les antibiotiques). Eux et les missionnaires – des Américains du Midwest avec le nom de Jésus imprimé sur le ventre – se regardaient en chiens de faïence. Ce matin, la seule Blanche de la classe affaires à moitié vide lit des rapports sur un ordinateur – sans doute la consultante d’une ONG qui vient pour un truc très important. En classe économique, à peine cinq ou six Blancs. Deux Européennes anxieuses à qui l’hôtesse demande si c’est leur premier voyage en Haïti ; un Américain en treillis cramponné à sa carte de l’ONU. Une jeune femme rousse dont la longue jupe laisse penser qu’elle va évangéliser un pays déjà passablement christianisé. Son sourire semble indiquer qu’elle se réjouit de sauver tant d’âmes. Le jour où les Blancs ne viendront plus seulement sur cette île pour la sauver. Mais pour l’aimer. Arnaud Robert - journaliste.


AFRIQUE

D’UN CONTINENT À L’AUTRE

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

En finir avec les dictateurs Le récent accord de la réconciliation entre Soudan Nord et Soudan du Sud enterre la hache de guerre. Mais jusqu’à quand?

_ Le 27 septembre _ Il prévoit la création d’une zone démilitarisée, dans l’attente d’un tracé définitif de la frontière. Pétrole : Les Soudanais du Sud s’engagent à verser à Khartoum entre 9,1 et 11 dollars (entre 7 et 8,50 euros) par baril pour le transit de leur pétrole par les oléoducs du Nord et une somme de 3 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros) pour compenser les pertes de revenus subies depuis la sécession du Sud recelant 70 % des champs pétrolifères. Djouba avait suspendu la production en janvier dernier. Une reprise des exportations est prévue dans trois à six mois, dès que les oléoducs et installations endommagés par les derniers combats seront prêts. Les ressortissants des deux pays, soit environ 1 demi-million de Soudanais du Sud au Nord et 80 000 Soudanais au Sud, auront des droits équivalents quant à la liberté de circuler et de travailler. Le statut de la zone contestée d’Abiyé (Abyei) n’a pas été fixé. Arnaud Robert - journaliste.

Dessin de Hajjaj, Jordanie.

— The Gulf Today, Chardja. La réconciliation spectaculaire entre les présidents des deux Soudans, Omar Hassan El-Béchir et Salva Kiir. Les accords signés le 27 septembre à Addis-Abeba permettent au Soudan du Sud une reprise des exportations du pétrole, la création d’une zone démilitarisée [les pays s’engagent à retirer leurs troupes à 10 kilomètres de la frontière] et la cessation des hostilités. Toutefois, les dirigeants n’ont pas réussi à s’accorder sur le tracé de leur frontière commune ou sur la résolution des dissensions dans la région d’Abiyé (Abyei). Et l’animosité, la méfiance et la guerre qui existent depuis si longtemps entre le nord et le sud du Soudan font qu’il est difficile de croire qu’une paix durable soit possible. Tout d’abord, la “réconciliation” concerne deux dirigeants, leurs programmes, leurs intérêts et leurs objectifs, et non pas les populations du Sud et du Nord. La réaction de l’opposition soudanaise rappelle la légitimité toute relative des accords d’Addis-Abeba : c’est bien le parti d’Omar El-Béchir, le Congrès national, et non le Soudan, qui a signé les textes, ce parti ayant exclu l’opposition de la scène politique pour laisser place à un pouvoir

autocratique. Sous ce régime, la moitié des habitants n’ont jamais pu se sentir citoyens soudanais, ils étaient cantonnés à être des “gens du Sud”. On les a littéralement poussés à faire sécession. Dans de telles conditions, la paix peut-elle durer ? Qui peut le garantir ? Les Etats-Unis, aux côtés des Nations unies et de l’Union africaine, s’étaient portés garants, en 2005, du processus de paix, grâce auquel la seconde guerre civile entre le Nord et le Sud a pris fin. Tendances sectaires. Par ailleurs, Omar El-Béchir, toutefois, la paix a été de courte durée [entre mars et mai 2012, de violents combats frontaliers ont opposé les armées des deux pays]. L’application de l’accord du 27 septembre, négocié par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, risque de buter sur de nombreux obstacles, dont certains sont liés à l’absence de feuille de route et de calendrier. le dirigeant qui a signé cet accord, n’est autre que celui qui, il y a encore quelques semaines, appelait les citoyens du Nord au djihad contre leurs frères du Sud. Aurait-il utilisé ce même terme s’ils avaient été musulmans ? Les commentateurs négligent souvent le fait que les populations du Sud ont été littéralement forcées – oui, forcées – à demander à Israël de les aider contre l’oppression de Khartoum. A l’origine de cette oppression,

on retrouve la sempiternelle incapacité d’accepter qu’au sein d’une même nation différentes religions puissent coexister. Dans la capitale, les gouvernements successifs n’ont rien fait pour favoriser l’“esprit de la nation” au lieu de l’“esprit du djihad”, lorsque le bon sens et les intérêts nationaux le dictaient, à demander à Israël de les aider contre l’oppression de Khartoum. A l’origine de cette oppression, on retrouve la sempiternelle incapacité d’accepter qu’au sein d’une même nation différentes religions puissent coexister. c’est bien le parti d’Omar El-Béchir, le Congrès national, et non le Soudan, qui a signé les textes, ce parti ayant exclu l’opposition de la scène politique pour laisser place à un pouvoir autocratique. Omar El-Béchir [au pouvoir depuis 1989] n’est que la dernière incarnation d’une série de dictateurs que le Soudan subit depuis son indépendance. Leur rhétorique belliqueuse contre les citoyens du Sud révèle leurs tendances sectaires. Et le Royaume-Uni est en partie responsable de ce désastre. Récemment, un témoignage venu du Congrès américain notait qu’à l’époque coloniale les peuples du Nord et du Sud étaient “traités différemment”. Après l’indépendance, en 1956, cette situation était une bombe. Arnaud Robert - journaliste.

CHRONOLOGIE D’Omar El- b2chier: président du Soudan

1956.

Indépendance du Soudan l’élite nordiste impose ses options politiques. Une guerre civile oppose la rébellion sudiste au pouvoir de Khartoum.

1972.

Des accords de paix confèrent au Sud un statut d’autonomie.

1983.

Une seconde guerre civile oppose l’Armée de libération des peuples du Soudan (SPLA), du Sud, au pouvoir central qui entend appliquer la charia à l’ensemble du pays.

2000.

Un accord de paix prévoit un nouveau régime d’autonomie de six ans au Soudan du Sud.

2005.

Un accord de paix prévoit un nouveau régime d’autonomie de six ans au Soudan du Sud.

2011.

En janvier, les Soudanais du Sud votent à plus de 98 % pour l’indépendance, proclamée le 9 juillet. Mais les tensions entre les deux.


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D’UN CONTINENT À L’AUTRE

EUROPE

La paix rattrapée par le passé Dolours Price, ancien membre de l’IRA, accuse Gerry Adams d’avoir dirigé le mouvement et ordonné des attentats lors des années les plus sanglantes du conflit contre les Britanniques. Ce que le leader nord-irlandais a toujours nié. — The Daily Telegraph, Londres. Aujourd’hui, c’est une dame de 61 ans comme une autre, que vous pourriez croiser dans la rue sans la remarquer si vous déambuliez dans la paisible banlieue de Dublin où elle réside. Mais Dolours Price est sortie de l’ombre pour parler, et ce qu’elle raconte risque fort de faire dérailler le processus qui a offert quinze années de paix à l’Irlande du Nord. Elle affirme que Gerry Adams, le président du Sinn Féin, qui a joué un grand rôle dans le cessez-le-feu décrété par l’IRA et dans l’accord du Vendredi saint [en 1998] ; n’a pas toujours été un homme de paix. Dolours Price, elle-même terroriste condamnée à de la prison, accuse Gerry Adams d’avoir approuvé les attentats contre des cibles en Grande-Bretagne – dont Old Bailey, la cour d’assises de Londres –, et d’avoir ordonné directement l’enlèvement de plusieurs personnes considérées par l’IRA comme des traîtres. Ce que Gerry Adams nie catégoriquement. C’est une accusation des plus graves, et le mobile en est surtout personnel : Dolours Price estime qu’Adams a “trahi” la cause républicaine en s’impliquant dans le processus de paix, et qu’il l’a trahie elle, ainsi que d’autres membres de l’IRA, en niant avoir été des leurs. Il serait certes hâtif d’en conclure que ce sont là les déclarations d’une femme mue par la rancœur et la vengeance, bien que ce soit peut-être le cas. A en croire Dolours Price, ses affirmations seraient contenues dans des enregistrements que la police d’Irlande du Nord a tout fait pour se procurer, allant jusqu’à invoquer un accord d’“assistance mutuelle” juridique avec le gouvernement des Etats-Unis pour mettre la main sur son témoignage et celui d’autres terroristes. Ces derniers avaient en effet accepté de répondre aux questions de chercheurs travaillant pour le Boston College, une université américaine. Les chercheurs avaient pu enregistrer leurs réponses contre la promesse que ces témoignages ne soient rendus publics qu’à la mort des 28 anciens terroristes de l’IRA et de l’Ulster Volunteer Force, son équivalent loyaliste, avec lesquels ils avaient pu s’entretenir. Le Boston College espérait ainsi que les personnes interrogées répondraient avec honnêteté. Mais le projet a aiguisé la curiosité de la police lorsqu’un livre fondé sur les enregistrements de deux terroristes décédés a été publié par Ed Moloney, grand reporter, qui pilotait les recherches. Le livre révèle que Brendan Hughes, ancien commandant de l’IRA, a parlé de “disparus” assassinés par l’IRA et enterrés en secret, déclarant que Jean McConville, la plus célèbre de ces victimes [veuve et mère de dix enfants,

accusée d’espionnage pour le compte de l’armée britannique], avait été exécutée par une unité surnommée “les Inconnus” [dont Dolours Price faisait partie], et ajoutant : “C’était Gerry qui contrôlait cette unité-là.” ADN républicain. Dolours Price et sa sœur Marian, âgée de 59 ans, sont issues d’une famille de tradition républicaine. “C’est peu de dire que nous étions nées pour être républicaines : le républicanisme fait partie de notre ADN, commente-t-elle. Mon père nous prenait sur ses genoux et nous racontait comment il était parti à la guerre en 1939 à l’âge de 19 ans pour faire sauter les Anglais.” C’est la réinstauration du système des internements [arrestations et incarcérations sans procès], en 1971, alors que des centaines d’activistes républicains, et beaucoup d’autres qui n’avaient aucun lien avec l’IRA, étaient arrêtés et incarcérés sans jugement, qui poussa Dolours et sa jeune sœur à rejoindre l’organisation. Elle approcha Séan MacStíofáin, un des fondateurs de l’IRA provisoire, et lui dit qu’elle voulait être un “combattant” plutôt qu’un membre du Cumann na mBan, la branche féminine du mouvement républicain. Un conseil militaire de l’IRA fut convoqué, et Dolours Price put prêter serment, suivie de sa sœur. Plus tard, celleci se vanta d’avoir franchi un barrage de l’armée britannique grâce à sa minijupe alors qu’elle avait été arrêtée à bord d’une voiture pleine à craquer d’explosifs. Parlant de cette période, Dolours rapporte : “C’était une époque passionnante, la vie quotidienne n’était pas vraiment ordonnée ni structurée, la guerre avait effacé toute normalité, toute routine… Je devrais avoir honte de le dire, mais en ce temps-là on s’amusait.” En 1972, les sœurs Price se firent connaître au cours de ce qui fut

Dolours Price et la paix. Desin de Ribert Belfast.

Aujourd’hui, c’est une dame de 61 ans comme une autre, que vous pourriez croiser dans la rue sans la remarquer si vous déambuliez dans la paisible banlieue de Dublin où elle réside. Mais Dolours Price est sortie de l’ombre pour parler, et ce qu’elle raconte risque fort de faire dérailler le processus qui a offert quinze années de paix à l’Irlande du Nord. Elle affirme que Gerry Adams, le président du Sinn Féin, qui a joué un grand rôle dans le cessez-le-feu décrété par l’IRA et dans l’accord du Vendredi saint [en 1998] ; n’a pas toujours été un homme de paix.

« J’étais convaincue qu’un choc brutal, une incursion au cœur de l’Empire aurait plus d’impact que vingt voitures piégées n’importe où dans le nord de l’Irlande » Dolours Price.

l’année la plus sanglante des Troubles, avec 249 morts civils. Dolours Price insistait alors pour que l’IRA s’attaque à la GrandeBretagne même, et plus particulièrement à Londres. Elle soutient que c’est elle qui a eu l’idée de frapper Londres, et que son plan a obtenu l’assentiment explicite de Gerry Adams en tant qu’“officier commandant” la brigade de Belfast de l’organisation. Elle précise : “J’étais convaincue qu’un choc brutal et rapide, une incursion au cœur de l’Empire aurait plus d’impact que vingt voitures piégées n’importe où dans

C’est une accusation des plus graves, et le mobile en est surtout personnel : Dolours Price estime qu’Adams a “trahi” la cause républicaine en s’impliquant dans le processus de paix, et qu’il l’a trahie elle, ainsi que d’autres membres de l’IRA, en niant avoir été des leurs. Il serait certes hâtif d’en conclure que ce sont là les déclarations d’une femme mue par la rancœur et la vengeance, bien que ce soit peut-être le cas. Dolours Price, elle-même terroriste condamnée à de la prison, accuse Gerry Adams d’avoir approuvé les attentats contre

L’auteur Gerry Adams, né à Belfast en 1948, Gerry Adams est le président du Sinn Féin, deuxième force politique d’Irlande du Nord et quatrième de la république d’Irlande (Eire). Longtemps soupçonné d’être l’un des chefs de l’IRA, il fut emprisonné à plusieurs reprises pendant les années 1970, avant d’être libéré en 1978 faute de preuves. Il joue un rôle majeur dans le processus de paix en Irlande du Nord, qui aboutit en 1998 à l’accord du Vendredi saint, mettant fin à trente années de conflit. Il est actuellement député au Parlement de la république d’Irlande : selon un sondage récent, il est l’homme politique le plus populaire du pays. Arnaud Robert - journaliste.


D’UN CONTINENT À L’AUTRE

le nord de l’Irlande.” Son plan fut soumis à Gerry Adams et, assure-t-elle, débattu et accepté par les commandants de l’IRA. Puis Adams convoqua une réunion pour trouver des volontaires. Et Dolours Price poursuit : “Adams a commencé à nous dire qu’il s’agissait d’une grosse opération très dangereuse. ‘Vous risquez la peine capitale, nous a-t-il déclaré. Ceux qui ne souhaitent pas participer peuvent quitter la pièce par la porte de derrière en respectant entre eux un intervalle de dix minutes.’ J’étais de ceux qui sont restés et on m’a confié l’organisation de l’opération et son commandement.” Après une tentative ratée sur Oxford Street, l’une des grandes rues commerçantes de Londres, l’IRA passe aux choses sérieuses avec quatre attentats à la voiture piégée dirigés contre les symboles de l’Etat britannique : Old Bailey, Scotland Yard, un bureau de recrutement de l’armée à Westminster, et Whitehall, le siège du gouvernement britannique. Perpétuité . La bombe de 150 kilos d’explosifs placée devant Old Bailey explose à 15 heures le 8 mars 1973 alors que les policiers sont en train de procéder à l’évacuation du bâtiment. Un homme de 60 ans meurt d’une crise cardiaque et plus de 200 personnes sont blessées. A Whitehall, l’attentat fait 33 blessés. Les deux autres bombes sont désamorcées à temps. Dolours Price ne regrette pas d’avoir employé la violence : “Nous avons toujours prévenu la police à temps, mais les gens voulaient rester pour voir, certains sont même restés aux fenêtres de leur bureau et avec le souffle de l’explosion ont été blessés par des bris de

verre. A Belfast, nous avions l’habitude de leur donner un quart d’heure, à Londres nous leur avions donné une heure.” Lors de leur procès au Winchester Castle, en novembre 1973, les sœurs Price ainsi que Gerry Kelly – futur ministre du Sinn Féin à l’Assemblée d’Irlande du Nord – sont condamnés à la perpétuité. Les sœurs Price,

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stress posttraumatique à cause des gavages qui lui ont été imposés en prison et qui a plusieurs fois tenté de mettre fin à ses jours, n’avait jamais évoqué publiquement le rôle qu’elle avait joué au sein de l’IRA. Entre 2001 et 2006, elle a accepté d’être interviewée par l’université de Belfast, mais uniquement dans le cadre d’un projet sur

« Que ce soit clair, quand j’ai pris la décision de démarrer une grève de la faim, je nous voyais aller jusqu’à la mort, c’était pour moi une évidence » Dolours Price. Gerry Kelly et leur complice Hugh Feeney entament immédiatement une grève de la faim qui va durer 203 jours, afin d’être transférés dans une prison d’Irlande du Nord. “Que ce soit clair, quand j’ai pris la décision de démarrer une grève de la faim, je nous voyais aller jusqu’à la mort, c’était pour moi une évidence”, dit-elle. Ils finissent par être transférés en Irlande du Nord, dans le cadre d’un accord passé avec l’IRA lors de la trêve qui dure de février 1975 à janvier 1976. En 1980 Dolours Price est graciée par la Reine et l’année suivante elle est libérée pour raisons humanitaires à cause de son anorexie. Elle vient de purger huit années sur vingt dites incompressibles. Pourtant son engagement ne faiblit pas et à la fin des années 1990 elle dénonce l’accord du Vendredi saint. Jusqu’à présent, Dolours Price, qui dit souffrir du syndrome de

la transmission orale de l’histoire du pays. En 2010, elle a participé à la commission indépendante chargée de la localisation des restes des victimes afin de retrouver les tombes de trois hommes enlevés et tués par l’IRA, tout en refusant de coopérer avec la police d’Irlande du Nord. Gerry Adams a immédiatement nié les affirmations de Dolours Price : “Je démens une fois de plus, comme je l’ai toujours fait, les accusations contenues dans l’article du Sunday Telegraph.” Dolours Price ne regrette pas une seconde ses déclarations. Quand on lui demande si elle se réjouit de saboter ainsi le processus de paix, elle répond : “Je ne crois pas au processus de paix. Je pense qu’il n’a aucune raison d’être et qu’il devrait même disparaître. Il est temps que Gerry Adams reconnaisse le rôle qu’il a joué, ainsi que sa responsabilité dans tout ce qui est arrivé.”

N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

SONDAGE

10 %

du trafic enregistré sur Internet est le fait de robots. Ce chiffre émane d’une étude réalisée par Solve Media. Ces robots, précise le site d’informations GigaOM, peuvent imiter les humains ou en participant.

34 %

de bonnes opinions ou 75 5000 euros: c’est en Thaïlande, la somme acceptée par la famille du policier Wichian Klanprasert pour ne pas poursuivre au civil Vorayuth Yoovidhya, petit- fils du créateur de la boisson énergétique Red Bull, responsable de la mort de Klanprasert. Yoovidhya avait percuté le policier le 3 septembre dernier avant de s’enfuir, ivre, au volant de sa Ferrari.

65 %

d’avis sur les forums

sur Internet est le fait de robots. Ce chiffre émane d’une étude réalisée par Solve Media, un groupe publicitaire américain. Créez votre forum gratuit sans publicité ! les-forums.com est un fournisseur de forums gratuits sans pub très fonctionnels du site.

Walter Kirn - journaliste.

. Censure

Conseil national du numérique. Un rapport remis à Eric Besson dessine les contours de ce que sera cet organe représentatif des acteurs du numérique.

Les contours du futur Conseil national du numérique, voulu parNicolas Sarkozy pour améliorer le dialogue entre le monde politique et le secteur de l’internet et des nouvelles technologies, ont été dévoilés dansun rapport publié vendredi 25 février. Le décret de création de ce nouvel organe consultatif doit être publié «d’ici deux semaines», soit à la mi-mars, précise à Nouvelobs.com une source ayant participé à la rédaction du rapport. «Le décret qui fixe les missions, le nombre de membres, etc. du Conseil national du numérique, circule actuellement entre Bercy et l’Elysée», avance cette source. La mission du Conseil national du numérique (CNN) est double, explique dans ce rapport Pierre Kosciusko-Morizet, co-fondateur du site d’e-commerce PriceMinister.com, chargé par le gouvernement de mener une consultation sur sa mise en place. D’une part, le CNN devra «répondre à l’une des critiques émises par le secteur du numérique : l’impression d’une absence de prise en compte de la voix de ce secteur qui pourtant représente de nombreux emplois, un réel enjeu en matière de croissance et d’innovation pour la France». D’autre part, il doit permettre aux pouvoirs publics de «trouver des interlocuteurs avec lesquels échanger, au regard de l’atomisation de la représentativité des acteurs du numérique». Dans cette optique, le Conseil national du numérique (CNN) «doit avoir un rôle prospectif : participer à la définition de la politique numérique» de la France. Youka Alma - journaliste. Censure. Dessin de Malima Ferni, Par conscience politique. Publié dans : parti politique

Brèves BD - «Julius II» : le retour du prophète

La finance a pris une place démesurée dans nos économies et ses dérapages pèsent lourdement sur l’emploi et le bien-être des populations partout dans le monde. Mais il n’est pas facile pour le simple citoyen

M’sieur Besson j’veux un avocat et un juge

From www.chaptelat.com - July 2, 2011 11:50 AM Éric Besson, Ministre de l’Énergie et de l’Économie numérique soutient un projet de décret pour filtrer internet et bloquer des sites sans décision de justice.

France ses présidents et les puissants Le gouvernement Sarkozy pourrait adopter un décret lui donnant le pouvoir de censurer internet. J’ai signé l’appel urgent pour stopper cet assaut contre la liberté d’expression accrochage d’oeuvres majeures.

Libourne accueille le Pompidou mobile

Le deuxième voyage du Centre Pompidou Mobile à travers la France commencera mercredi à Libourne (Gironde) avec un accrochage d’oeuvres majeures de la collection du musée autour de «Cercles et Carrés».

Gaza : une offensive à visée électoral

La finance a pris une place démesurée dans nos économies et ses dérapages pèsent lourdement sur l’emploi et le bien-être des populations partout dans le monde. Mais il n’est pas facile pour le simple citoyen

Poussée de fièvre sécessioniste aux Etats-Uni From www.chaptelat.com - July 2, 2011 11:50 AM Éric Besson, Ministre de l’Énergie et de l’Économie numérique soutient un projet de décret pour filtrer internet et bloquer des sites sans décision de justice.

Les combats reprennent dans l’Est

Le gouvernement Sarkozy pourrait adopter un décret lui donnant le pouvoir de censurer internet. J’ai signé l’appel urgent pour stopper cet assaut contre la liberté d’expression accrochage d’oeuvres majeures.


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À LA UNE

D, le 17 novembre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP

Moins viiite PORTRAITS

Hu Jintao - 69 ans Quasi inconnu à son arrivée aux plus hautes fonctions du Parti et de l’Etat, en 2002, le secrétaire général Hu Jintao a présidé à l’émergence de la Chine sur la scène internationale et maintenu stabilité et croissance – sans renoncer à la répression de toute dissidence.

Wen Jiabao - 70 ans Souvent appelé “grand-père Wen”, le Premier ministre Wen Jiabao a endossé les habits du bon dirigeant toujours prêt à donner de sa personne et à se prononcer en faveur de la réforme. Il sera remplacé par Li Keqiang, proche de Hu Jintao.

Xi Jinping - 59 ans Fils d’un ancien dirigeant marqué comme réformiste, Xi Jinping sera le premier du “parti des princes” (les “héritiers”) à devenir secrétaire général du PCC. Si sa carrière dans l’appareil ne lui a pas permis de se forger une image très définie.

la Chine D’ici peu, le Comité central du Parti communiste chinois réunira son XVIIIe Congrès. La passation de pouvoir à une nouvelle génération de dirigeants aura lieu à l’issue d’une année beaucoup moins “harmonieuse” que Hu Jintao, le secrétaire général, ne l’aurait souhaité.

—Caijing Wang, (extraits) Pékin. La décennie 2002-2012, celle du tandem Hu Jintao – Wen Jiabao, a été marquée par des bouleversements colossaux aussi bien en Chine que dans le monde entier. Alors qu’une page est sur le point d’être tournée, comment évaluer les succès de cette période, les problèmes en suspens et l’héritage laissé aux générations suivantes, sans trop enjoliver le tableau ni oublier les points noirs ? L’objectif historique de faire de la Chine un Etat fort a été atteint : le pays occupe désormais sur la scène internationale une place qu’on ne lui avait pas vue depuis mille ans. Dans leur quête de modernisation, les Chinois ont fait preuve d’une liberté de pensée et d’action plus grande que jamais. La Chine s’est efforcée d’explorer une voie de développement en dehors du modèle occidental, qui prenne en compte ses spécificités et son passé. Cependant, d’une manière générale, si

la Chine a enregistré des succès et des progrès considérables, elle a également accumulé bon nombre de problèmes. Sans se voiler la face, il faut bien admettre que ces problèmes sont graves – et même peut-être plus importants que les réussites. Le Parti communiste chinois (PCC) a réussi à élever le niveau général de richesse et a permis aux Chinois d’accéder à une certaine aisance. Mais il n’a pas su stopper le creusement continu du fossé entre riches et pauvres, ni remédier à la corruption, ni instaurer une cohésion sociale efficace ou satisfaire à la demande populaire de se voir rendre du pouvoir. De ce fait, le PCC se trouve face à une crise de légitimité. Dans certains domaines, la modernisation de la Chine n’a pas progressé au cours de la décennie Hu Jintao – Wen Jiabao, et des reculs ont même été enregistrés. La structure économique n’a pas été modifiée, et une société tirée par la demande intérieure n’a toujours pas émergé. Aucun plan de réforme du mode de répartition des revenus n’a encore vu le jour, et les écarts s’accentuent. Malgré de multiples tentatives de


À LA UNE

régulation du marché immobilier, les résultats ne sont toujours pas probants. Un système de sécurité sociale a été mis en place, mais le niveau de couverture reste très bas. L’accès aux services publics n’est toujours pas dissocié du système de domiciliation obligatoire, et les paysans migrants restent bloqués aux portes des villes, en dépit d’une urbanisation galopante. Le vieillissement de la population devient préoccupant et la politique de l’enfant unique est en retard par rapport à la réalité sociale [cette politique est remise en cause par les démographes et n’est plus appliquée aussi strictement]. Aucune amélioration fondamentale n’a été enregistrée en matière de protection de l’environnement. L’éducation est de plus en plus dépendante d’une gestion bureaucratique et notre vision de l’enseignement doit être complètement reconsidérée [pour permettre plus de créativité]. La recherche scientifique est certes parvenue à des résultats importants, mais la recherche fondamentale et l’innovation occupent une place trop restreinte. La morale se délite dans la perte des valeurs. Les clivages sociaux et les raidissements s’accentuent, les tensions entre les agents de l’Etat et les administrés s’exacerbent ; la qualité du service public et la capacité des gouvernants à gérer la société sont médiocres. On n’a pas réussi à faire émerger réellement ni à étoffer une véritable classe moyenne, etc. Par ailleurs, il nous manque encore un réseau stable d’approvisionnement en énergie, qui soit appuyé par des forces militaires en rapport avec les besoins. Notre diplomatie manque de vision à long terme et reste confinée à des réactions à chaud et souvent purement conservatoires. Mais, surtout, la faiblesse des efforts déployés pour faire progresser la réforme politique et la démocratisation est en complet décalage avec l’ampleur des espoirs de rendre du pouvoir au peuple. Il paraît impossible de réaliser d’un coup la réforme du système politique et la démocratie. Néanmoins, le Parti, qui exerce le pouvoir, se doit de manifester une réelle volonté d’agir dans ce domaine en donnant des éléments d’espoir à la population par des actes concrets. Ce n’est pas parce que la tâche est difficile qu’il faut rester les bras croisés ! Au cours de la dernière décennie, Hu Jintao et Wen Jiabao ont certes souligné l’importance de la démocratie, de la liberté et d’un Etat de droit, ainsi que la nécessité de réformer le système politique, mais ils l’ont fait avec une énergie insuffisante. En fait, la solution à tous les problèmes évoqués plus haut se ramène à une réforme politique. Aussi doit-on rassembler tout notre courage pour amorcer le premier pas dans ce sens. Le grand projet de développement pacifique de la Chine, la vitesse de son émergence et même l’interruption ou non de cet essor dépendront de la façon dont les successeurs de Hu Jintao et Wen Jiabao parviendront à résoudre ces importants problèmes. Nous devons donc avoir bien conscience de la gravité de la situation. Au début de la nouvelle ère qui s’ouvre, il faudra s’atteler en priorité aux deux tâches suivantes : accélérer la restructuration économique et l’évolution de

notre modèle de développement, de façon à endiguer au plus vite le ralentissement de notre croissance ; lancer des réformes politiques et renforcer la constitution d’un Etat de droit, de manière à répondre à la demande de participation des citoyens. Foyer de crise L’essor du pays implique de donner à l’économie une place centrale, et le développement reste un facteur majeur. Depuis le début de l’année 2012, l’économie chinoise connaît de graves difficultés. La croissance est tombée à son plus bas niveau depuis trois ans [7,6 % au deuxième trimestre] et les prévisions pour l’ensemble de l’année ne sont pas bonnes. Depuis le début de la crise financière, la Chine a rarement connu pareille situation. Certains organismes d’investissement étrangers prédisent que la Chine sera le prochain foyer de crise de l’économie mondiale. Si cela semble exagéré, cela révèle néanmoins le caractère non durable du modèle de développement actuel. Stabiliser la croissance – ou plutôt conserver la croissance – est devenu la mission prioritaire. Une

« Sans se voiler la face, il faut bien admettre que ces problèmes sont graves» Charles Omniurer - journaliste. croissance stable est-elle vraiment nécessaire ? Bien sûr que oui ! Même si le PIB par habitant dépasse désormais en Chine les 5 000 dollars [3 890 euros], il reste malgré tout au moins 120 millions de personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté [1 dollar par jour] et, dans les villes tout comme dans les campagnes, sont plus encore susceptibles de retomber à tout moment dans la misère. L’appartenance à la classe moyenne chinoise est très fragile, et les zones rurales disposent chaque année d’un excédent de main-d’œuvre de 10 millions de personnes qui souhaitent aller s’installer en ville à la faveur de l’extension des zones urbaines. Aussi les problèmes évoqués plus haut ne peuvent-ils être résolus sans une certaine croissance. Cependant, il faut se garder d’avoir une perception mécaniste de la notion de croissance stable en justifiant tous les excès pour empêcher son ralentissement. Actuellement, certains édiles locaux, soucieux d’assurer le développement économique de leur région, mettent sur pied de grands projets d’investissement alors que leur budget ne le leur permet pas. Les programmes d’investissement locaux porteraient au total sur 13 000 milliards de yuans [plus de 1 500 milliards d’euros], dépassant de 4 000 milliards le programme d’investissement du gouvernement national en 2009. Respecter la loi . Le cœur du problème du ralentissement est que la Chine a développé une économie tournée vers les exportations et reposant sur une force de travail et des ressources bon marché, si bien qu’elle n’est plus en mesure d’encaisser le choc externe provoqué par la récession économique mondiale. Voilà qui prouve a contrario la nécessité de mettre en place une économie tirée par la demande intérieure. sont bonnes, pour amorcer le premier pas dans ce sens. David Leigh - journaliste

ZOOM _ 1. Une annonce tardive.

Le XVIIIe Congrès du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) débutera le 8 novembre, a annoncé l’agence officielle Xinhua le 28 septembre. Une date tardive par rapport au calendrier habituel, pour un Congrès dont la préparation aura été marquée par des remous politico-judiciaires singuliers (lire chronologie).

_ 2. La succession réglée.

Après dix ans à la tête du Parti et du pays, le secrétaire général du PCC, Hu Jintao, cédera son poste à Xi Jinping, déjà membre du Comité permanent du Bureau politique (CPBP) depuis 2007. Xi avait été nommé vice-président de la Commission militaire centrale (CMC, le véritable centre du pouvoir suprême en Chine) du PCC en 2010.

_ 3. Des inconnues.

La redistribution des postes au sein du CPBP, elle, serait à peu près fixée : le nombre de ses membres passerait de neuf à sept, et la supervision des domaines de la propagande et de la sécurité serait rétrogradée au niveau du Bureau politique. Cependant Hu Jintao pourrait conserver la présidence de la CMC pendant deux ans, ce qui pourrait entraver les velléités supposées réformatrices de Xi Jinping, que Hu verrait d’un mauvais œil.

_ 4. Le calendrier.

Il restera, en mars 2013, lors de la session parlementaire annuelle, à attribuer officiellement les fonctions à la tête de l’Etat. La présidence de la République reviendrait à Xi Jinping, tandis que le poste de Premier ministre reviendrait à Li Keqiang . (lire prortraits)

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

Résister à l’impérialisme culturel chinois L’écrivain chinois Wang Lixiong s’insurge contre le dépérissement programmé de la culture tibétaine. Et souligne le rôle que peut jouer l’intelligentsia locale sinophone pour sa défense. Dans la controverse sur le Tibet, les questions culturelles focalisent l’attention. En réponse aux critiques qui lui sont adressées par les observateurs étrangers, le gouvernement chinois cite ses nombreuses initiatives visant à protéger la culture tibétaine : la restauration des temples, la protection du patrimoine culturel, la promotion de l’enseignement de la langue écrite tibétaine, l’instauration de règlements rendant obligatoire l’usage des deux langues [chinoise et tibétaine] ou encore la sauvegarde d’arts en voie de disparition. De leur côté, la communauté internationale et les exilés tibétains condamnent l’attitude de la Chine dans ces différents domaines, exemples à l’appui. Les deux parties arrivent à des conclusions diamétralement opposées. Pour ma part, je considère que débattre de la culture sous cet angle revient à s’écarter du fond du problème, car la culture d’un peuple réside avant tout dans sa capacité d’expression. Or, de ce point de vue, il est évident que les autorités chinoises cherchent à détruire et à étouffer la culture tibétaine. Il est clair qu’elles ne permettent pas au peuple tibétain de s’exprimer. Elles contrôlent toute forme d’expression et sanctionnent sévèrement toute incartade, comme l’illustre le cas de Wei Se [connue également sous le nom de Woeser], une écrivaine tibétaine qui écrit en langue chinoise. Née en 1966 à Lhassa, elle a grandi dans la préfecture autonome tibétaine de la province du Sichuan. Diplômée en 1988 de la faculté de lettres chinoises de l’Institut des minorités nationales du Sud-Ouest, elle a d’abord travaillé comme journaliste dans le département autonome tibétain de Ganzi, avant d’être nommée en 1990 à Lhassa à la rédaction de la revue Xizang Wenxue [“Littérature tibétaine”]. Parmi tous ses écrits, son ouvrage Xizang Biji [“Notes du Tibet”] lui a causé bien des ennuis. Il s’agit d’un recueil de nouvelles publié en 2003 à Canton. Bien que plébiscité par les lecteurs et réédité dans la foulée, il est très vite entré dans le collimateur du Département du front uni [autorités centrales en charge de la politique vis-à-vis des minorités], qui a estimé que l’ouvrage comportait de “graves erreurs politiques”. A la suite de quoi, sa vente a été interdite dans la Région autonome, puis dans toute la Chine. L’unité de travail de Wei Se, l’Association littéraire du Tibet, a considéré que “‘Notes du Tibet’exagère et amplifie le rôle positif joué par la religion dans la vie sociale. Certains chapitres trahissent une profonde vénération pour le dalaï-lama, et par endroits expriment même une pensée nationaliste étroite et des opinions et des propos contraires à l’unité nationale et à la solidarité entre les peuples.” Wei Se se trouvait alors à Pékin, où elle participait à une importante session de formation destinée à des rédacteurs en chef de périodiques. A l’époque, l’Association littéraire du Tibet envisageait de la nommer rédactrice en chef adjointe de Xizang Wenxue, mais, dès que l’affaire a éclaté, l’organisation a immédiatement mis fin à son séjour d’études et lui a enjoint de regagner Lhassa. Un “groupe d’aide éducative” spécial a ensuite été constitué pour s’occuper de sa rééducation idéologique. On lui a alors demandé de “faire son autocritique” et de “changer de bord”. Bastien Lavoxmo - journaliste.


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À LA UNE

“Attends ton peuple !”

— LE MOT DE LA SEMAINE

L’accident ferroviaire survenu en 2011 sur une nouvelle ligne à grande vitesse est symptomatique d’un pays qui a cherché à rattraper trop vite son retard de développement.

« Man »: lenteur. Du haut du temple IV de l’ancienne cité maya de Tikal, on a une vue spectaculaire sur les vastes étendues de forêt tropicale vierge d’Amérique centrale. En cette fin d’après-midi, des singes-araignées suspendus aux branches les plus proches s’étendent pour attraper de petits fruits. Les cris gutturaux des singes hurleurs résonnent à travers la canopée. Cette forêt de plaine est le cœur de la réserve de biosphère maya du nord du Guatemala, un sanctuaire de 2,1 millions d’hectares qui couvre 19% de la superficie du pays et représente quelque 60% de ses zones protégées. La réserve, créée par l’Unesco, présente une large gamme de biodiversité, en particulier les derniers représentants d’une sousespèce majeure d’ara écarlate. Mais les magnifiques animaux qui vivent dans la réserve — on y trouve aussi des jaguars, des pumas, des singes hurleurs noirs du Guatemala et des tapirs de Baird - ne sont pas seulement soumis aux menaces ordinaires des régions tropicales, telles que les abattages illégaux d’arbres, les incendies et le braconnage. Des forces encore plus redoutables rongent la réserve de biosphère maya, parmi lesquelles les cartels de la drogue mexicains qui construisent des pistes d’atterrissage dans la forêt pour pouvoir transporter leurs chargements, les gangs salvadoriens qui y installent d’immenses fermes d’élevage pour blanchir l’argent de la drogue, et les mafias chinoises qui y transfèrent leur réseau d’abattage illégal pour fournir les marchés asiatiques en bois dur provenant de la forêt primaire tropicale. Résultat : ce trésor naturel et culturel — le cœur de la Selva maya, une forêt qui s’étend sur le Guatemala, le Mexique et Belize — a été réduit de moitié ces dernières années. Pistes d’atterrisage et fermes d’élevage. La coalition internationale qui lutte pour préserver le cœur de la réserve a déjà quelques belles réussites à son actif. Grâce à son programme intensif de préservation, on note par exemple un retour de l’ara écarlate. La présence d’effectifs civils et militaires a été renforcée. Les délits environnementaux font davantage l’objet de poursuites, même si des progrès restent à faire. Et la mise en place de concessions forestières communautaires a assuré des revenus pérennes à des paysans guatémaltèques et leur a offert la possibilité de gérer une partie de la réserve. Les pratiques criminelles ont commencé à s’intensifier dans la région il y a une dizaine d’années, ce qui a contribué à accélérer la destruction de la moitié occidentale de la réserve [limitrophe du Mexique]. Le nord du Guatemala est l’endroit idéal pour faire le plein des avions latino-américains qui transportent de la drogue et pour transférer les chargements sur des camions qui accèdent plus facilement au Mexique. Selon Roan McNab, directeur du programme de l’ONG Wildlife Conservation society (WCS) au Guatemala, les cartels opéraient jusqu’ici dans un «climat d’impunité»

car les forces de l’armée et de la police n’étaient pas suffisantes pour s’attaquer à eux. Les propriétaires des fermes d’élevage ont construit des dizaines de pistes d’atterrissage, dont une surnommée l’»aéroport international” qui comptait trois voies et plus d’une dizaine d’avions abandonnés. C’est ainsi que plus de 40 000 hectares de forêt ont été réduits à néant. Pour désigner ce phénomène actuellement à l’oeuvre, les Guatémaltèques utilisent le néologisme «narcoganadería» formé à partir des mots espagnols signifiant drogue et élevage de bétail. Les cartels blanchissent l’argent de la drogue en investissant dans l’élevage de bétail et en vendant celui-ci sur les marchés mexicains.

Le propos n’est pas de faire ici l’éloge de la lenteur. Mais il est tout à fait extraordinaire de constater aujourd’hui le contraste suivant : au moment où le monde entier admire l’émergence de la Chine et la rapidité de sa croissance, l’opinion publique chinoise remet la vitesse en question et demande des comptes aux gouvernants du pays quant aux conséquences de cette rapidité. En effet, il y a de quoi être ébloui par les données en provenance de la Chine : une croissance à deux chiffres depuis trente ans, la deuxième plus grande économie du monde après celle des Etats-Unis, le leader de

Les agents de l’Etat sous la menace des cartels. Victor Penados est le coordinateur du contrôle et de la surveillance dans la réserve pour le CONAP, le Conseil national des zones protégées. Il désigne une pile de bois de rose confisquée aux fournisseurs des gangs chinois. Le bois provient d’une des saisies récentes dont les médias du pays ont beaucoup parlé. Cette pile, d’une valeur marchande de 125 000 dollars [95400 euros] selon M. Penados, se trouvait à bord d’un camion qui transportait le bois jusqu’à Puerto San Tomas de Castilla, un port caribéen [du Guatemala] d’où il devait être ensuite expédié en Chine. Les gangs qui travaillent pour les cartels chinois effectuent des abattages illégaux à la lisière sud de la réserve, mais M. le Conseil national des zones protégées. Il désigne une pile de bois de rose confisquée aux fournisseurs des gangs chinois. Le bois provient d’une des saisies récentes dont les médias du pays ont beaucoup parlé. Cette pile, d’une valeur marchande de 125 000 dollars [95400 euros] selon M. Penados, se trouvait à bord d’un camion qui transportait le bois jusqu’à Puerto San Tomas de Castilla, un port caribéen [du Guatemala] d’où il devait être ensuite expédié en Chine. Les gangs qui travaillent pour les cartels chinois effectuent des abattages illégaux à la lisière sud de la réserve. Mais les magnifiques animaux qui vivent dans la réserve — on y trouve aussi des jaguars, des pumas, des singes hurleurs noirs du Guatemala et des tapirs de Baird - ne sont pas seulement soumis aux menaces ordinaires des régions tropicales, telles que les abattages illégaux d’arbres, les incendies et le braconnage. cartels opéraient jusqu’ici dans un «climat d’impunité» car les forces de l’armée et de la police n’étaient pas suffisantes pour s’attaquer à eux. Les propriétaires des fermes d’élevage ont construit des dizaines de pistes d’atterrissage, dont une surnommée l’»aéroport international” qui comptait trois voies et plus d’une dizaine d’avions abandonnés. Paul Ryan - journaliste.

l’exportation mondiale, etc. Quand, en juillet 2011, un accident de signalisation du TGV chinois mis en route depuis seulement trois mois fait quarante morts et de nombreux blessés ; quand, en novembre, les paysans du village de Wukan (dans le Guangdong) se soulèvent contre les autorités locales parce que leurs terres ont été vendues avant même qu’on leur demande leur avis ; quand, en juillet 2012, une pluie, si forte soit-elle, submerge tout Pékin en causant quarante morts En réclamant la générosité de la lenteur, l’opinion chinoise ne met pas seulement en cause la quête aveugle de la vitesse, mais aussi un modèle de société qui, à ses yeux, ignore et les hommes et leur environnement. Chon Yan - journaliste

Insolites Ces oeufs cuits à la flamme du soldat inconnu

« On croyait que j’avais la leucémie parce que mon taux de plaquettes était tellement faible; la seule explication était le cancer. Croyait que j’avais la leucémie parce que mon taux de plaquettes était tellement faible»

Les cyclistes avancent casqués « Ma séropositivité n’est pas liée à la prison: j’ai été contaminé et dépisté bien avant d’être incarcéré. J’ai également commencé mon traitement en dehors du système carcéral. »

La jaguar, le politicien et le handicapé « Je me rappelle les jours où j’ai été infectée, où j’ai séroconverti, où j’ai passé les tests de sang et où le médecin m’a donné la nouvelle. Je connais tous ces jours-là par coeur. À l’anniversaire de chacun d’eux, il faut que personne ne s’approche de moi parce que je n’ai pas encore encaissé le choc. »

Les relations Chine-Japon, c’est pas du gâteau « Ma séropositivité n’est pas liée à la prison: j’ai été contaminé et dépisté bien avant d’être incarcéré. J’ai également commencé mon traitement en dehors du système carcéral. À l’anniversaire de chacun d’eux, il faut que personne ne s’approche de moi parce que je n’ai pas encore encaissé le choc. »

Hu Jintao cède l’armée à Xi Jinping « Avec le départ imminent de Hu Jintao de toutes ses fonctions, et en particulier à la tête de l’armée, la nouvelle direction chinoise va pouvoir donner la mesure de ses capacités En moins d’un mois, les deux premières puissances mondiales ont changé de dirigeants. »

Brèves La saga du macchabée congelé Tél. : 0140.33.52.00 218 RUE DE BELLEVILLE 75020 Paris Activité : Centre de dépistage anonyme et gratuit caractérise par la destruction de notre système immunitaire de défense. On dit «acquis» car cela est contagieux. tage

Les fonctionnaires qui vont raquer te saluent Tél. : 01.49.96.62.70 56 RUE DU FIGUIER 75004 Paris Activité : Centre de dépistage anonyme et gratuit caractérise par la destruction de notre système immunitaire de défense. On dit «acquis» car cela est contagieux.

Une poupée gonflable sauvée de la noyade Tél. : 0140.33.52.00 349 RUE DE RENEVIEL 75020 Paris Activité : Centre de dépistage . C’est une maladie mortelle dans l’état actuel de nos connaissances, contagieuse, due à un virus. appelé rétro-

19 h 30 : tous à vos chasses d’eau ! Tél. : 01.49.96.62.70 870 RUE ALBERT 75008 Paris Activité : Centre de dépistage anonyme et gratuit dépistage . C’est une maladie mortelle dans l’état actuel de nos connaissances,

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À LA UNE

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N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

Il faut absolument changer de cap Xi Jinping, futur numéro un, devra faire face à deux urgences : transformer le modèle économique et démocratiser. Une critique de l’héritage de Hu Jintao. Vive la lenteur ! A la veille du XVIIIe Congrès du Parti communiste chinois, qui doit marquer une transition politique majeure, la presse chinoise s’interroge sur la modernisation à marche forcée. Et si, après tout, la croissance ne faisait pas le bonheur ? En septembre, la disparition temporaire de Xi Jinping, destiné à devenir le nouveau secrétaire général du Parti, a suscité les plus folles rumeurs sur les luttes de pouvoir à Pékin. Pire, avec l’affaire Bo Xilai, le pays a constaté qu’un dirigeant corrompu et impliqué dans un crime de sang avait failli parvenir au sommet. Le décalage entre, d’une part, les aspirations populaires à plus de démocratie et, d’autre part, le secret dont s’entoure le PCC est de plus en plus criant. Pourtant, l’appareil du Parti ne manque pas d’intellectuels lucides, capables de faire le bilan d’une décennie. Parmi eux, Deng Yuwen, dont on peut lire une analyse , d’ailleurs censurée dans son pays. Au fond, c’est le rythme effréné du développement de la Chine qui est remis en cause. La croissance économique ralentit, et déjà certains économistes avertissent des risques que fait courir au pays le gigantesque plan de relance actuel. Voilà à peine plus d’un an, un accident à Wenzhou sur une nouvelle ligne de TGV inspirait à Tong Dahuan un éditorial émouvant qui reçut un large écho. Le mot “ralentir” entrait soudain dans le vocabulaire des médias, et pour la première fois les Chinois s’interrogeaient sur la cadence infernale des mutations de leur pays.

« T R A N QU I L L E L A CH I N E N’ A L L A I E NT PA S TR OP V I TE S V P » Paul Ryan - journaliste.

En septembre, la disparition temporaire de Xi Jinping, destiné à devenir le nouveau secrétaire général du Parti, a suscité les plus folles rumeurs sur les luttes de pouvoir à Pékin. Pire, avec l’affaire Bo Xilai, le pays a constaté qu’un dirigeant corrompu et impliqué dans un crime de sang avait failli parvenir au sommet. Le décalage entre, d’une part, les aspirations populaires à plus de démocratie et, d’autre part, le secret dont s’entoure le PCC est de plus en plus criant. Pourtant, l’appareil du Parti ne manque pas d’intellectuels lucides, capables de faire le bilan Anthony Atala, chirurgien, présente ses nouveaux travaux de recherche qui pourraient un jour régler le manque de dons d’organes: une imprimante 3D qui utilise des cellules vivantes pour créer un rein transplantable. Luke Massella, jeune patient du Dr. Atala il y a 10 ans, le rejoint ensuite sur scène pour parler de sa vessie artificielle créée a partir d’une technologie. Un jour régler le manque de dons d’organes: une imprimante 3D qui utilise des cellules vivantes pour créer un rein transplantable. Luke Massella, jeune patient du Dr. Atala il y a 10 ans, le rejoint ensuite sur scène un jour régler le manque de dons d’organes: une imprimante 3D qui utilise des cellules vivantes pour créer un rein transplantable. Luke Massella Bastien Falunc - journaliste.


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TRANSVERSALES

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Piétons de tous les pays, traversez SIGNAUX. Apparue pour la première fois en 1969 en RDA, cette signalétique a depuis fait le tour du monde. Révélant des allures très différentes. Il est rare que l‘on dise de la RDA qu‘elle était un pays précurseur dans les domaines sociaux ou technologiques. Pourtant, c‘est en 1969, dans la patrie des ouvriers et des paysans allemands, que, pour la première fois au monde, les célèbres feux pour piétons ont été mis en place. Apparue pour la première fois en 1969 en RDA, cette signalétique promeuvent l’image d’un utilisateur tendance, en accord avec son temps, qui fait des rencontres humaines inattendues et riches. Pour preuve, le succès mondial des systèmes de vélo partagé qui drainent ainsi plus de 2,2 millions de trajets.

“Vachement customisé !” Dessin de Tiounine paru dans Kommersant, Moscou.


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TRANSVERSALES

Un peu de steak d’herbe ? NUTRITION. Transformer le gazon en aliment pour l’homme, tel est le défi relevé par des chercheurs néerlandais. Et leurs premiers résultats sont prometteurs.

—De Volkskrant, (extraits) Amsterdam. Gjalt De Haan est exploitant agricole dans la Frise, province du nord des PaysBas. Il emploie 35 personnes pour faucher l’herbe, entretenir les bords des fossés et faire fermenter la biomasse. Au tout début de ce siècle, Gjalt De Haan a remarqué que les années fertiles engendraient un gigantesque surplus d’herbe : environ 1,5 million de tonnes. L’agriculteur s’est alors demandé s’il était possible d’utiliser cette ressource pour fabriquer des produits à forte valeur ajoutée : des fibres pour le carton, de meilleurs aliments pour les porcs… et pourquoi pas des produits alimentaires pour les êtres humains ? Du pur délire ? Pas du tout. Sept ans plus tard, des chercheurs de la société Nizo Food Research, à Ede, s’apprêtent à explorer de nouvelles pistes. Ils isolent notamment des protéines intéressantes comme la RuBisCO, une enzyme contribuant au processus de

photosynthèse chez les plantes, pour les appliquer à l’alimentation humaine. “Nous disposons de la technologie nécessaire pour isoler les protéines de l’herbe et les utiliser dans des soupes, des sauces ou des desserts”, précise le chercheur Bart Smit. “Si nous parvenons à agglutiner la protéine et à lui donner une texture de viande, il n’est pas inconcevable que l’on puisse produire un jour un steak d’herbe”, ajoute René Floris, qui travaille également chez Nizo Food Research. Tout a commencé par un test réalisé par Gjalt De Haan en 2006, avec entre autres des chercheurs de l’université de Wageningen et Courage, une plateforme d’innovation pour l’élevage de vaches laitières, dans la petite ville frisonne de Grouw. Si l’être humain ne peut pas consommer d’herbe, c’est parce que son système digestif n’est pas en mesure de décomposer correctement ces fibres végétales. Les acides aminés présents dans l’herbe

ne peuvent donc pas être libérés pour contribuer par exemple à la construction des muscles. Un phénomène d’autant plus frustrant que les acides aminés contenus dans l’herbe sont parfaits pour les êtres humains. “Il y a un certain nombre d’acides aminés que nous ne pouvons pas fabriquer nous-mêmes. L’herbe les contient tous”, explique Johan Sanders, professeur d’agrotechnologie et de sciences de l’alimentation à l’université de Wageningen. Après avoir broyé de grandes quantités d’herbe, Johan Sanders et ses collaborateurs ont commencé à travailler sur le jus de protéine obtenu. Ils sont parvenus à augmenter la quantité de protéine récupérée. La RuBisCO peut ainsi faire d’un porc un herbivore. L’animal, omnivore comme les êtres humains, est lui aussi incapable de digérer les fibres de l’herbe. Si le porc était nourri à l’aide d’une telle protéine raffinée, il y trouverait une excellente source d’acides aminés. “La composition en acides aminés de la RuBisCO est nettement meilleure que celle de la protéine du maïs et n’a rien à envier à celle du soja, qui est souvent un ingrédient de base de l’alimentation porcine”, ajoute Johan Sanders. Après avoir broyé de grandes quantités d’herbe, Johan Sanders Une substitution pourrait avoir une incidence majeure sur l’importation de germes de soja en provenance du Brésil, dont la culture est encore souvent associée à la destruction de la forêt tropicale. “Il y a dans notre pays assez d’herbe pour remplacer la protéine des germes de soja par la protéine de l’herbe, qui suffirait à alimenter en totalité les 12 million vient de loin pour y manger. Le restaurant “Karim” perpétue les traditions de la cuisine moghole. Les recettes, gardées secrètes, s’y transmettent uniquement de père en fils. En 1857, Delhi (Dilli, en ourdou) est la capitale du prestigieux mais déclinant Empire moghol, fondé en 1526. Mais cette année-là, le vieil empereur Bahadur Shah Zafar décide de soutenir la révolte des cipayes, soldats indiens de l’armée britannique. La Couronne britannique réprime le soulèvement. Désaveu pour Delhi, elle choisit également Calcutta pour nouvelle capitale. En 1911, revirement de fortune. George V décide de rendre à Delhi son statut de capitale, sur un site situé au sud de la vieille ville moghole.

Dessin de Walenta, Varsovie.

Il rêve d’une capitale impériale et moderne, dotée de larges avenues et tout entière construite à la gloire de la puissance colonisatrice. Elle mettra près de deux décennies à sortir de terre et sera baptisée New Delhi (“la nouvelle Delhi”). Aujourd’hui encore, elle est la capitale

de l’Union indienne et le centre névralgique de l’administration et de la politique nationales. C’est la photo la plus ancienne que la famille possède de Karimuddin, le fondateur du restaurant Karim. Il est assis au centre de l’image, un bébé sur les genoux. A sa gauche, son fils Nooruddin ; à sa droite, un ami de celui-ci. Le poupon est son petit-fils, Zahooruddin. Karimuddin porte des vêtements lourds mais bien coupés, sa barbe et ses moustaches sont bien taillées, son regard est paisible. Ses traits sont fermes et son visage n’a pas de bajoues, à moins que sa barbe ne les dissimule habilement. Karimuddin est un jeune grand-père. Sa famille ne connaît pas la date exacte du cliché, mais a de bonnes raisons de penser qu’il a été pris en 1932, année de la naissance de Zahooruddin, âgé aujourd’hui de 80 ans, qui est le directeur général de l’emblématique chaîne de restaurants Karim Hotels, créée par son grand-père dans le vieux Delhi. La tradition familiale veut que Karimuddin ait pratiqué la lutte et s’y soit illustré par son adresse et son endurance. A 80 ans passés, il pouvait soulever une massue de 20 kilos et fréquentait encore les rings. Tous les jours, il passait quelques heures à l’entraînement. Le reste de la journée, il fallait qu’il soit présent dans son restaurant qui ouvrait dès 8 heures, pour le petit-déjeuner, et fermait habituellement ses portes à 22 heures. Le père de Karimuddin, Mohamed Aziz, aurait été employé dans les cuisines royales du Fort Rouge [alors palais impérial] de Delhi. Quand, en 1857, la révolte des cipayes [soldats indiens de l’armée britannique] atteignit la ville, le dernier empereur moghol, devenu une figure de proue des insurgés, fut envoyé en exil par les Britanniques, et son personnel se retrouva sans emploi. Le père de Karimuddin partit pour la ville voisine de Ghaziabad où, contraint de multiplier les petits boulots, il vécut dans la misère. Cela ne l’empêcha pas d’apprendre la cuisine à ses fils, car il était convaincu que les recettes et le savoir-faire de la gastronomie royale constituaient un héritage précieux. “C’était notre patrimoine, explique Zahooruddin. Il pensait qu’il ne fallait pas le laisser disparaître.” “Les origines du restaurant Karim remontent au moins au temps du dernier empereur moghol, Bahadur Shah Zafar [qui régna de 1837 à 1857 et mourut en 1862]”, confirme Salma Husain. Cette historienne de la cuisine moghole, auteure de plusieurs ouvrages somptueux, dont The Emperor’s Table : The Art of Mughal Cuisine [La table de


TRANSVERSALES

l’empereur : l’art de la cuisine moghole, inédit en français], a travaillé aux Archives nationales indiennes, où elle a pu mener des recherches approfondies sur son sujet de prédilection. “L’aïeul de Karimuddin était un soldat saoudien venu en Inde pour rallier l’armée de Babur [le fondateur de la dynastie moghole, au XVIe siècle]. Mais ses talents l’avaient hissé au rang de cuisinier personnel de l’empereur”, explique Salma Husain. En 1911, l’Empire britannique des Indes déplaça sa capitale de Calcutta à Delhi. La décision fut officialisée lors d’une visite du roi George V et de la reine Mary, qui venaient d’accéder au trône. Une majestueuse cérémonie, connue sous le nom de Durbar [littéralement “audience publique”], fut organisée à Delhi afin de permettre aux sujets de Sa Majesté, aux rois et aux princes indiens de venir rendre hommage à la couronne. Karimuddin eut alors l’idée, inédite pour son temps, d’installer un stand de restauration pour les participants. Il dressa son kiosque près de l’actuelle porte no 1 de la mosquée Jama Masjid, avec deux plats à la carte : aloogosht [ragoût de mouton aux pommes de terre] et dal [préparation à base de lentilles]. “A l’époque, rappelle Zaeemuddin, codirecteur de Karim Hotels et arrière-petit-fils du fondateur, manger à l’extérieur n’était pas du tout dans les pratiques courantes. C’est

ce que m’a raconté mon grand-père. C’était même honteux, les gens demandaient : ‘Mais pourquoi manges-tu dehors ? Tu n’as donc ni mère ni sœur pour faire la cuisine chez toi ?’” Enfin, il y a le cas des êtres humains. “La protéine RuBisCO est plus

alors un grand nombre de visiteurs qui, précisément, n’avaient pas de famille sur place pour leur préparer à manger : toute une population itinérante attirée dans la ville par le Durbar, mais aussi pour bâtir la nouvelle capitale, opulente vitrine d’un

« Ces recettes sont notre héritage et notre gagne-pain. Car, après tout, tout le monde est capable de cuisiner. » Charles Gus - journaliste

nourrissante que le soja et se digère mieux sous forme de gélifiant dans les desserts, d’agent de texture dans les mousses et de stabilisateur d’émulsions dans les soupes”, reprend René Floris. La protéine de soja, que l’on utilise pour ces applications, doit souvent être complétée par des additifs. “Mais la protéine de l’herbe, la RuBisCO, fait le travail sans aucune aide.” Les prés verdoyants seront-ils bientôt fauchés pour produire des steaks d’herbe ? Les terrains de sport et les étendues d’herbe dans les parcs serviront-ils à fabriquer des yaourts compacts et versera-t-on le produit de la tonte de votre jardin dans la mousse au chocolat ? Le fait est que Delhi accueillait

empire britannique déjà sur le déclin soit illustré par son adresse et son endurance. A 80 ans passés, il pouvait soulever une massue de 20 kilos et fréquentait encore les rings. Tous les jours, il passait quelques heures à l’entraînement. Le reste de la journée, il fallait qu’il soit présent dans son restaurant qui ouvrait dès 8 heures, pour le petit-déjeuner, et fermait habituellement ses portes à 22 heures. Archives nationales indiennes, où elle a pu mener des recherches approfondies sur son sujet de prédilection. “L’aïeul de Karimuddin était un soldat saoudien venu en Inde pour rallier l’armée de Babur [le

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fondateur de la dynastie moghole, au XVIe siècle]. Mais ses talents l’avaient hissé au rang de cuisinier personnel de l’empereur”, explique Salma Husain. En 1911, l’Empire britannique des Indes déplaça sa capitale de Calcutta à Delhi. La décision fut officialisée lors d’une visite du roi George V et de la reine Mary, qui venaient d’accéder au trône. Une majestueuse cérémonie, connue sous le nom de Durbar [littéralement “audience publique”], fut organisée à Delhi afin de permettre aux sujets de Sa Majesté, aux rois et aux princes indiens de venir rendre hommage à la couronne. Karimuddin eut alors l’idée, inédite pour son temps, d’installer un stand de restauration pour les participants. Il dressa son kiosque près de l’actuelle porte no 1 de la mosquée Jama Masjid, avec deux plats à la carte : aloogosht [ragoût de mouton aux pommes de terre] et dal [préparation à base de lentilles]. “A l’époque, rappelle Zaeemuddin, codirecteur de Karim Hotels et arrière-petit-fils du fondateur, manger à l’extérieur n’était pas du tout dans les pratiques courantes. C’est ce que m’a raconté mon grand-père. C’était même honteux, les gens demandaient René Didde - journaliste.

Le papier et ses cendres Victimes de la récession, de nombreux titres ont cessé de paraître. Mais d’autres voient le jour. En septembre, trois journaux ont fait leur apparition dans les kiosques du pays. situation. En juillet, un mois après les dernières élections générales – une période de grande effervescence politique –, la diffusion totale des journaux grecs représentait exactement 1 084 882 exemplaires. Voilà pour le côté sombre de l’histoire. Mais, de manière surprenante, il y a aussi de quoi être optimiste : plusieurs nouveaux journaux ont vu le jour le mois dernier. Leur traitement de l’information, qui se veut différent, pourrait redynamiser le secteur.

Dessin de Walenta, Varsovie.

A première vue, la situation peut sembler paradoxale. Cela fait cinq ans que la Grèce est plongée dans une profonde récession. Le niveau de vie de sa population s’est effondré, l’économie est sous le contrôle impitoyable de ses créanciers étrangers, les Grecs ont épuisé leurs forces dans les manifestations et ne font plus confiance à leurs dirigeants politiques ni aux médias. Ils n’ont plus d’économies et se préparent à affronter un hiver très rude, étranglés par le nouveau plan de rigueur irréaliste qui leur a été imposé par la troïka (FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne). Le secteur des médias n’est pas épargné. Au cours du premier semestre 2012, la presse a perdu environ 15 % de son lectorat, les publications les plus touchées étant les quotidiens. De grands journaux comme Eleftherotypia ont déjà fermé et des centaines de journalistes n’ont pas été payés depuis août 2011. La formule du contrat négocié individuellement, de plus en plus souvent proposée par les employeurs, affaiblit les syndicats de journalistes et altère la solidarité au sein de la profession. Des voix continuent à s’élever pour dénoncer les tentatives de contrôle des médias par le pouvoir, et la migration des informations de la presse traditionnelle vers les sites aggrave encore la

Puis il y a eu le lancement d’Ergasia Tora [Travail maintenant], un journal qui s’adresse principalement aux nombreux chômeurs et travailleurs précaires. “Il est honteux qu’en 2012 la Grèce compte 1,5 million de chômeurs et tout autant de précaires. Nous devons tirer pleinement parti de toutes les possibilités de travail et offres d’emploi. S’il y a la moindre annonce de poste, nous la publierons”, peut-on lire dans une longue déclaration publiée sur les médias sociaux. Le journal compte dans son équipe des journalistes reconnus spécialisés dans les questions du travail. Enfin, la première édition de Parapolitika a été publiée le 22 septembre ouvoir, et la migration des informations de la presse traditionnelle vers les sites aggrave encore la situation. En juillet, un mois après les dernières élections générales – une période de grande effervescence politique –, la diffusion totale des jououédition de Parapolitika a été publiée le 22 septembre ouvoir, et la migration des rales – une période de grande effervescence politique . s’adresse principalement aux nombreux chômeurs et travailleurs précaires. “Il est honteux qu’en 2012 la Grèce compte 1,5 million de chômeurs et tout autant de précaires. Nous devons tirer pleinement parti de toutes les possibilités de travail et offres d’emploi. S’il y a la moindre annonce de poste, nous la publierons”, peut-on lire dans une longue déclaration publiée sur les médias sociaux. Le journal compte dans son équipe des journalistes reconnus spécialisés dans les questions du travail. Enfin, la première édition de Parapolitika a été publiée le 22 septembre ouvoir, et la migration d s’adresse principalement aux nombreux chômeurs pleinement parti de toutes les possibilités de travail et offres d’emploi. S’il y a la moindre annonce dus spécialisés dans les questions du travail. Enfin, la première édition de Parapolitika a été publiée le 22 septembre ouvoir, et la migration. Ariana Ferentinou - journaliste.

L’auteur Gerry Adams, né à Belfast en 1948, Gerry Adams est le président du Sinn Féin, deuxième force politique d’Irlande du Nord et quatrième de la république d’Irlande (Eire). Longtemps soupçonné d’être l’un des chefs de l’IRA, il fut emprisonné à plusieurs reprises pendant les années 1970, avant d’être libéré en 1978 faute de preuves. Il joue un rôle majeur dans le processus de paix en Irlande du Nord, qui aboutit en 1998 à l’accord du Vendredi saint, mettant fin à trente années de conflit. Il est actuellement député au Parlement de la république d’Irlande : selon un sondage récent, il est l’homme politique le plus populaire du pays. Arnaud Robert - journaliste.


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Akim un enfant du village, le 17 novembre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP

À DE L HI , U NE D Y N A STI E AU X FO U R N E A U X Si Delhi était une femme, ce ne serait p as, comme Bombay, une courtisane aguicheuse, amenant à elle les pauvres hères alléchés par le fantasme d’une vie meilleure. Malgré ses airs de vieille aristocrate guindée, Delhi cherche encore et toujours son élixir de jouvence.


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—Open, (extraits) New Delhi. En 1857, Delhi (Dilli, en ourdou) est la capitale du prestigieux mais déclinant Empire moghol, fondé en 1526. Mais cette année-là, le vieil empereur Bahadur Shah Zafar décide de soutenir la révolte des cipayes, soldats indiens de l’armée britannique. La Couronne britannique réprime le soulèvement. Désaveu pour Delhi, elle choisit également Calcutta pour nouvelle capitale. En 1911, revirement de fortune. George V décide de rendre à Delhi son statut de capitale, sur un site situé au sud de la vieille ville moghole. Il rêve d’une capitale impériale et moderne, dotée de larges avenues et tout entière construite à la gloire de la puissance colonisatrice. Elle mettra près de deux décennies à sortir de terre et sera baptisée New Delhi (“la nouvelle Delhi”). Aujourd’hui encore, elle est la capitale de l’Union indienne et le centre névralgique de l’administration et de la politique nationales. C’est la photo la plus ancienne que la famille possède de Karimuddin, le fondateur du restaurant Karim. Il est assis au centre de l’image, un bébé sur les genoux. A sa gauche, son fils Nooruddin ; à sa droite, un ami de celui-ci. Le poupon est son petit-fils, Zahooruddin. Karimuddin porte des vêtements lourds mais bien coupés, sa barbe et ses moustaches sont bien taillées, son regard est paisible. Ses traits sont fermes et son visage n’a pas de bajoues, à moins que sa barbe ne les dissimule habilement. Karimuddin est un jeune grand-père. Sa famille ne connaît pas la date exacte du cliché, mais a de bonnes raisons de penser qu’il a été pris en 1932, année de la naissance de Zahooruddin, âgé aujourd’hui de 80 ans, qui est le directeur général de l’emblématique chaîne de restaurants Karim Hotels, créée par son grand-père dans le vieux Delhi. La tradition familiale veut que Karimuddin ait pratiqué la lutte et s’y soit illustré par son adresse et son endurance. A 80 ans passés, il pouvait soulever une massue de 20 kilos et fréquentait encore les rings. Tous les jours, il passait quelques heures à l’entraînement. Le reste de la journée, il fallait qu’il soit présent dans son restaurant qui ouvrait dès 8 heures, pour le petit-déjeuner, et fermait habituellement ses portes à 22 heures. Le père de Karimuddin, Mohamed Aziz, aurait été employé dans les cuisines royales du Fort Rouge [alors palais impérial] de Delhi. Quand, en 1857, la révolte des cipayes [soldats indiens de l’armée britannique] atteignit la ville, le dernier empereur moghol, devenu une figure de proue des insurgés, fut envoyé en exil par les Britanniques, et son personnel se retrouva sans emploi. Le père de Karimuddin partit pour la ville voisine de Ghaziabad où, contraint de multiplier les petits boulots, il vécut dans la misère. Cela ne l’empêcha pas d’apprendre la cuisine à ses fils, car il était convaincu que les recettes et le savoir-faire de la gastronomie royale constituaient un héritage précieux. “C’était notre patrimoine, explique Zahooruddin. Il pensait qu’il ne fallait pas le laisser disparaître.” “Les origines du restaurant Karim remontent au moins au temps du dernier empereur moghol, Bahadur Shah Zafar [qui régna de 1837 à 1857 et mourut en 1862]”, confirme Salma Husain. Cette historienne de la cuisine moghole, auteure de plusieurs ouvrages somptueux, dont The Emperor’s Table : The Art of Mughal Cuisine [La table de l’empereur : l’art de la cuisine moghole, inédit en français], a travaillé aux Archives nationales indiennes, où elle a pu mener des recherches approfondies sur son sujet de prédilection. “L’aïeul de Karimuddin était un soldat saoudien venu en Inde pour rallier l’armée de Babur [le fondateur de la dynastie moghole, au XVIe siècle]. Mais ses talents l’avaient hissé au rang de cuisinier personnel de l’empereur”, explique Salma Husain. En 1911, l’Empire britannique des Indes déplaça sa capitale de Calcutta à Delhi. La décision fut officialisée lors d’une visite du roi George V et de la reine Mary, qui venaient d’accéder au trône. Une majestueuse cérémonie, connue sous le nom de Durbar [littéralement “audience publique”], fut organisée à Delhi afin de permettre aux sujets de Sa Majesté, aux rois et aux princes indiens

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de venir rendre hommage à la couronne. Karimuddin eut alors l’idée, inédite pour son temps, d’installer un stand de restauration pour les participants. Il dressa son kiosque près de l’actuelle porte no 1 de la mosquée Jama Masjid, avec deux plats à la carte : aloo-gosht [ragoût de mouton aux pommes de terre] et dal [préparation à base de lentilles]. “A l’époque, rappelle Zaeemuddin, codirecteur de Karim Hotels et arrière-petit-fils du fondateur, manger à l’extérieur n’était pas du tout dans les pratiques courantes. C’est ce que m’a raconté mon grand-père. C’était même honteux, les gens demandaient : ‘Mais pourquoi manges-tu dehors ? Tu n’as donc ni mère ni sœur pour faire la cuisine chez toi ?’” Le fait est que Delhi accueillait alors un grand nombre de visiteurs qui, précisément, n’avaient pas de famille sur place pour leur préparer à manger : toute une population itinérante attirée dans la ville par le Durbar, mais aussi pour bâtir la nouvelle capitale, opulente vitrine d’un empire britannique déjà sur le déclin. Beaucoup de ces visiteurs étaient étrangers. Le stand au Durbar remporta un tel succès que Karimuddin continua à vendre aloo-gosht et dal bien après la fin des cérémonies. Tant et si bien qu’au bout de quelques années il décida d’ouvrir un restaurant. Cet établissement originel se situait à quelques pas seulement de l’enseigne actuelle. Celle-ci, véritable aimant pour les gourmets de la vieille ville, populeuse et bruyante, est désormais tout aussi auréolée de gloire que la grande mosquée Jama Masjid. Les premières années, le restaurant ouvrait de midi à 22 heures environ. Le matin, Karimuddin allait lui-même acheter ses produits. Il se montrait particulièrement exigeant sur la découpe du mouton, et insistait pour que le boucher taillât ses morceaux en suivant scrupuleusement ses instructions. Il n’achetait sa viande qu’auprès de quelques bouchers de confiance. Et à ce jour, la famille a conservé les mêmes fournisseurs. L’heure de fermeture du restaurant pouvait varier d’un jour à l’autre, selon la fréquentation. Certains jours, si des festivités ou quelque autre événement avaient attiré du monde dans la ville, l’établissement restait ouvert jusque tard dans la soirée. La famille, manifestement fâchée avec

« Le safran reste la couleur spirituelle des swami, les moines. L’Inde, c’est un peu le temple de l’art : toute forme d’art en Inde est sacrée et vénérée. » Paul Ryan - journaliste. les dates, ne sait plus combien de temps a duré cette phase d’heureuse souplesse horaire. Une chose est sûre : Karimuddin comprit très vite que le petit déjeuner pouvait être un créneau lucratif, et le restaurant se mit à ouvrir ses portes dès 8 heures du matin. Les villas a delhi, si fascinante et colorées, l’impulsion de Nooruddin, le fils du fondateur : nihari [ragoût de viande], paaya [curry de pieds de mouton], gurda kaleji [curry de rognons et de foie] et bheja [curry de cervelle] vinrent s’ajouter à la liste des plats – autant de mets aujourd’hui rassemblés sous la dénomination de “gastronomie d’Old Dilli”, en référence à la vieille ville, ancienne capitale moghole. A certains égards, c’est donc Nooruddin qui a fait de cette table une véritable institution du vieux Delhi, en permettant aux gens ordinaires de découvrir la gastronomie des cuisines impériales. C’est après un bref passage par l’université que Nooruddin rejoignit l’affaire familiale. Ses débuts y coïncidèrent avec une période de consolidation pour le restaurant. Les années 1940 furent particulièrement excitantes, la famille s’étonnant elle-même de sa renommée croissante. C’est dans les années qui précédèrent la Partition [du sous-continent indien, en 1947] que le restaurant commença à accueillir les clients par centaines, tous les jours. Le 26 janvier 1948, la recette atteignit même le

Indienne à Bundi, Delhi le 27 octobre 2012. Photo de Aisha Laco. Enfant a delhi le 25 septembre 2012. Photo de Michel Barouk. Les enfants du Rajasthan, le 12 octobre 2012. Photo de Riquel Marco.


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C’est après un bref passage par l’université que Nooruddin rejoignit l’affaire familiale. Ses débuts y coïncidèrent avec une période de consolidation pour le restaurant. Les années 1940 furent particulièrement excitantes, la famille s’étonnant elle-même de sa renommée croissante. C’est dans les années qui précédèrent la Partition [du sous-continent indien, en 1947] que le restaurant commença à accueillir les clients par centaines, tous les jours. Le 26 janvier 1948, la recette atteignit même le montant, à l’époque impressionnant, de 1 000 roupies, pas une de moins. “Ce jour-là, nous, les petits-fils, avons chacun reçu une roupie”, se souvient Zahooruddin. Ce dernier, fils de Nooruddin, embrassa quant à lui la tradition familiale dès la fin de sa scolarité. Comme son père avant lui, il avait été formé à la cuisine par Karimuddin son grand-père, et avait donc appris à apporter l’exacte dose de massala [épices] nécessaire à chaque plat. “J’ai grandi en voyant tout le monde cuisiner autour de moi. Je savais donc comment m’y prendre. Mais pour mon grand-père, il était indispensable d’apprendre à préparer le bon mélange d’épices quand on commençait à travailler, c’est une sorte de rite initiatique”, se remémore l’héritier, réputé aujourd’hui encore, à plus de 80 ans, pour sa capacité à cuisiner de mémorables festins en un rien de temps. Le secret des recettes continue à ne se transmettre qu’entre hommes, et elles ne sont toujours pas partagées avec le personnel, dans aucune des nombreuses succursales de la chaîne Karim Hotels. Les employés reçoivent des instructions, mais les épices employées et leur dosage restent un secret de famille, essentiel pour entretenir l’aura de l’enseigne. Et c’est une règle qui n’a jamais été enfreinte. Ainsi quand Zahooruddin apparut dans une émission de cuisine sur la chaîne de télévision Star Plus, il prépara un plat en direct mais sans en révéler la recette complète. “Vous n’avez pas besoin de tout montrer, même sur le petit écran”, glousse Zaeemuddin, présent lors du tournage pour aider son oncle. “Ces recettes sont notre héritage et notre gagne-pain. Car, après tout, tout le monde est capable de cuisiner.” A la maison mère du vieux Delhi, un tableau recense les faussaires : cinq établissements qui utilisent le nom Karim mais n’ont rien à voir avec la famille. La liste n’a apparemment pas été mise à jour, car ils sont bien plus nombreux aujourd’hui à exploiter le nom. “Les établissements inscrits sur ce tableau sont ceux contre lesquels nous avons entamé des poursuites judiciaires, et qui ne peuvent donc pas utiliser notre nom tant que la justice n’a pas rendu sa décision”, explique Zaeemuddin. Depuis qu’il a rejoint l’affaire, la famille a multiplié les succursales et se montre plus consciente de l’importance de protéger sa marque. “Nous sommes une entreprise familiale, souligne-t-il. Nous n’avons pris la mesure de la valeur de la marque que lorsque des gens ont commencé à venir nous voir pour nous proposer des partenariats. Et puis d’autres restaurants sont apparus sous la même enseigne que nous. On nous a même proposé de l’argent pour utiliser notre nom : beaucoup de gens, des grands hôtels aussi. Je ne souviens plus qui, exactement – je reçois de nombreux appels, tous les jours.”

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A la fin des années 1980, les médias internationaux, parmi lesquels National Geographic, la BBC et le magazine Time, se firent l’écho de la réputation formidable du petit restaurant des abords de la Jama Masjid. La famille, avisée, photocopia toutes ces bonnes critiques et les afficha sur les murs de l’établissement. Une troisième adresse fut inaugurée quarante ans après la deuxième, au début des années 2000 ; les nouveaux établissements se mirent alors à se multiplier. Aujourd’hui, alors que la chaîne Karim Hotels vient de fêter ses 100 ans, elle Ima Meenu - journaliste. possède treize adresses dans la région de Delhi. Mais il n’y en a aucune dans le reste du pays. L’établissement de Dubaï, contrairement à ce que beaucoup croient, n’est pas une succursale de Karim, insiste Zaeemuddin. Seuls les hommes peuvent rejoindre l’affaire familiale. Les filles n’apprennent pas l’intégralité des recettes – on redoute trop qu’elles ne révèlent les secrets de famille à des étrangers, une fois mariées. Le clan Karim ressemble en cela à ces grandes dynasties de musiciens classiques qui ne font confiance qu’aux fils pour perpétuer une noble tradition considérée comme un don de Dieu. Hormis la fougueuse Zila Khan, fille du grand sitariste Ustad Vilayat Khan, et Anoushka Shankar, enfant du célèbre Ravi, quelles autres filles de grands musiciens ont embrassé la carrière ? Chez Karim, un peu d’archaïsme ne nuit apparemment pas à la réussite, en tout cas.

« Je vends des épices pour la cuisine, mais aussi des herbes comme traitement médical»

Khari Baoli à Delhi est le plus grand marché de gros d’épices d’Asie. Situé dans le célèbre et très animé quartier de Lal Quila (Fort Rouge), c’est un domaine très occupé avec des magasins aux deux côtés de rues étroites et encombrées.. Au restaurant du quartier de la Jama Masjid, il n’est pas rare d’entendre des étrangers se recommander l’adresse. Les files d’attente sont systématiques, et toujours bien ordonnées, ce qui n’est pourtant pas le fort des Indiens du Nord. Mais devant chez Karim, on se tient bien et on fait preuve de courtoisie. Un deuxième restaurant Karim a été inauguré dans les années 1960 dans le quartier de Nizamuddin. Bouli Cona - journaliste

Un deuxième restaurant Karim a été inauguré dans les années 1960 dans le quartier de Nizamuddin [en dehors de la vieille ville] par l’épouse de Fakhruddin Ali Ahmed, qui devait devenir président de l’Inde quelques années plus tard. Lui-même raffolait des plats de chez Karim, qui finit par les lui livrer régulièrement au palais présidentiel. Mais pendant l’état d’urgence [période durant laquelle, de juin 1975 à mars 1977, la démocratie a été momentanément suspendue], l’établissement de Nizamuddin connut des difficultés et fut fermé par les autorités. Sanjay Gandhi [fils et principal conseiller d’Indira Gandhi, alors Premier ministre], grand amateur du restaurant, aida la famille à se réinstaller non loin pour subsister durant cette fermeture. Et, une fois l’état d’urgence levé, la famille put regagner ses locaux de Nizamuddin. Photos de portrait la jeunesse indienne, le 30 novembre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP

— HISTOIRE Raconte moi Delhi Officiellement le Territoire de la Capitale nationale de Delhi (anglais National Capital Territory of Delhi), est l’un des sept territoires de l’Inde. Situé dans le nord de l’Inde, sur les bords du fleuve Yamuna, Delhi est la seconde agglomération d’Inde après Mumbai : elle comptait plus de 16 millions d’habitants au dernier recensement de 20111. Le Territoire de Delhi se compose de trois administrations municipales : Delhi, New Delhi et le Cantonnement de Delhi. Depuis l’amendement constitutionnel de 1991, le Territoire possède également sa propre assemblée législative aux pouvoirs limités.Capitale de plusieurs empires indiens, Delhi était une ville importante, placée sur les anciennes routes de commerce du nord-ouest aux plaines du Gange. Beaucoup de monuments d’importance nationale y ont été érigés au cours de l’histoire. Delhi a été

rattachée à l’Empire moghol en 1526 après la victoire du prince Bâbur face au dernier sultan de Delhi. Les Moghols y établirent leur capitale dans la partie de la ville maintenant connue comme le Vieux Delhi (Old Delhi). Delhi resta la capitale de l’Empire jusqu’en 1707 et la défaite des Moghols face aux Marathas. Au début du xxe siècle, pendant le Raj britannique, le gouvernement britannique décide de déplacer la capitale de Calcutta, jugée trop excentrée, vers la ville de Delhi située plus au centre. New Delhi est ainsi construite au sud de la vieille ville et est faite capitale de l’Empire britannique des Indes en 1911. En 1947, l’Inde indépendante confirme New Delhi comme capitale du nouveau pays. gouvernement central, y compris le Parlement indien. Stéphanie Jantzen- journaliste


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Photos de portrait d’un moine indien à Udaipur (Rajasthan), le 19 octobre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP

Epices à Jmena, le 13 septembre 2012. Photo de Raphaël Ourlm.

Marché Khari Baoli à Delhi, quartier de Lal Quila (Fort Rouge), le 25 septembre 2012. Photo de Irma Aphoum.


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Portrait de Anwar Cherkaoui 89 ans, le 30 novembre 2012. Photo de Achi Meli.

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L E MAR O C P E U PRÉ PA R É À L A P R I S E E N CHA R G E D ES PE R S O N N ES Â G ÉES . En 2024, le Maroc comptera 4,8 millions de personnes âgées. Sur le plan social, l es maisons d’accueil sont souvent démunies, isolées et insalubres. Les actions so c i a l e s d’aide aux per sonnes âgées en difficulté sont négligeables.

—Open, (extraits) Maroc. A l’instar des autres pays, le Maroc connaît une mutation démographique marquée par un vieillissement de la population», alerte le Dr Mustapha Oudrhiri, président de l’Association marocaine de gérontologie, qui a organisé le 31 mai, à la faculté de médecine de Casablanca, ses premières journées nationales. Cette vieillesse est appelée à évoluer au cours des décennies à venir. En effet, les résultats du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2004 faisait état de 8,1% de personnes âgées de 60 ans et plus, soit 2 409 058 personnes. Selon les projections du centre d’étude et de recherche démographique (Cered), cette population connaîtrait une évolution spectaculaire durant les trois décennies à venir. Elle va doubler, atteignant la barre des 4,8 millions à l’horizon 2024, et elle continuera à croître considérablement pour dépasser 6,5 millions en 2034. Cette évolution va poser des problèmes liés à la prise en charge de cette catégorie de personnes sur le plan médico-social et en matière de régimes de retraite. D’autant plus que le vieillissement de la population s’associe à une morbidité et à une mortalité croissantes. L’une des caractéristiques de la santé des personnes âgées est la grande fréquence de la polypathologie, à savoir plusieurs problèmes de santé chroniques en même temps, pouvant être responsables de déficiences de gravité variable, sources d’incapacité et de handicap, et donc d’un surcoût pour les individus, la famille et les finances publiques. Sommes nous préparés pour y faire face ? s’interroge le Dr Oudrhiri. Pour ce gériatre marocain, la réponse revêt plusieurs volets. Le nombre d’actions entreprises reste très en deçà des attentes des personnes âgées. Sur le plan médical, il y a eu formation ces dernières années d’une quinzaine de médecins gériatres. Ils sont tous confrontés au manque de structures gériatriques

adaptées et de moyens techniques et humains nécessaires pour répondre aux besoins des personnes âgées. Sur le plan social, les maisons d’accueil sont souvent démunies, isolées et insalubres. Les actions sociales d’aide aux personnes âgées en difficulté sont négligeables. Concernant les régimes de retraite, il s’agit là d’un grand défi qu’il va falloir relever dans les meilleurs délais. Quant au Dr Laurent Lechowski, gériatre à Paris et qui participe aux journées marocaines de gérontologie, l’évaluation de la santé de la personne âgée, ainsi que la prise en charge des problèmes identifiés vont très souvent nécessiter de mobiliser les compétences de plusieurs acteurs de santé. C’est l’équipe gériatrique, qu’il s’agisse du milieu hospitalier ou du milieu ambulatoire, qui sera centrée et coordonnée par un médecin gériatre. Les actions de cette équipe s’articuleront autour de 3 axes : le diagnostic, la prise en charge thérapeutique et la prévention. Pour le Dr Tristan Cudennec, gériatre à Paris, également présent à Casablanca, à la différence des sujets plus jeunes, l’urgence chez le malade âgé relève d’affections potentiellement graves car survenant chez un sujet fragilisé. Il y a des pièges à éviter concernant cette population et une véritable expertise est nécessaire pour savoir quand hospitaliser ou non un patient. Certains éléments reposant sur l’évaluation gériatrique sont nécessaires à la décision entre un retour à domicile, une admission dans un service de gériatrie, une prise en charge en service de spécialité ou une orientation vers une unité de réanimation. Pour le Dr Khalid Elattaoui, de Casablanca, il est bien établi que le risque cardiovasculaire augmente avec l’âge et expose à des accidents vasculaires cérébraux, encore plus s’il y a des facteurs de risque (diabète, tabac, antécédents de maladies cardiovasculaires, cholestérol...) Elle comportera idéalement une infirmière formée à la gériatrie, un kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, diététicien, un psychologue et une assistante sociale. Bouli Cona - journaliste


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CO U LEU R S ET TR A DIT ION D U MAR OC Le surnom de « ville rouge » de Marrakech est bien mérité. Les constructions de la ville sont toutes ou presque rouges. —Médina de Meknes, (extraits) Marrakech. Très vite, à Marrakech, sous l’impulsion des Almoravides, pieux guerriers et austères savants venus du désert, de nombreuses mosquées et médersas (écoles de théologie coranique) furent construites, ainsi qu’un centre commercial pour le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Marrakech grandit rapidement et s’imposa comme un centre culturel et religieux influent, supplantant Aghmat, auparavant cheflieu du Haouz, et ce depuis une période ancienne. Des palais furent édifiés également et ornés avec le concours d’artisans andalous venus de Cordoue et de Séville, qui amenèrent le style omeyyade caractérisé par des coupoles ciselées et des arcs polylobés. Cette influence andalouse fusionna avec les éléments sahariens voire ouest-africains et fut synthétisée dans une architecture originale totalement adaptée à l’environnement spécifique de Marrakech. Elle devint la capitale de l’Émirat almoravide qui s’étendait des rives du Sénégal jusqu’au centre de l’Espagne et du littoral atlantique jusqu’à Alger. La cité fut ensuite fortifiée par le fils de Youssef Ibn Tachfin, Ali Ben Youssef, lequel fit édifier vers 1122-1123 des remparts encore visibles. Les murs sont rouges, faits de terre, de chaux, montés sur une armature en bois. Marrakech est aussi l’une des villes universitaires du Maroc. L’université Qadi Iyad est la plus importante de la région. Plus récemment une école supérieure des arts visuels (ESAV) est née en partenariat entre la Fondation Dar Bellarj et l’Université de Marrakech, offrant à la ville un support de formation aux métiers du cinéma et de la télévision. Marrakech organise aussi le Festival International du Film. La Biennale Arts in Marrakech, née en 2005 est le plus important rendezvous d’art contemporain au Maroc. L’art contemporain a désormais un musée privé à Marrakech. Il s’agit du musée de la palmeraie, une initiative privée due au collectionneur et créateur de parfums Abderrazzak Benchaâbane. Au musée de la palmeraie le visiteur découvre un collection de peintures, de photographies, installation et sculptures d’artistes marocains et étrangers. La collection montre le travail d’une soixantaine d’artistes d’aujourd’hui et de ceux de la pariiez[Quoi ?] juste après la grande guerre.

— HISTOIRE Les Palais de la Medina Dar Hussein est l’un des plus beaux palais de la médina de Tunis, situé dans le quartier de Bab Menara, et abrite aujourd’hui l’Institut national du patrimoine. Cette demeure construite sur l’emplacement de la cité princière des XIe et XIIe siècles, est l’habitation successive de princes, de deys et de beys. Ses propriétaires de haut rang n’auront de cesse de l’embellir : .Ismail Kahia, ministre et gendre du bey Ali Pacha (1758-1781) l’occupa jusqu’à sa disgrâce et son exil. Vint ensuite Youssef Saheb el Tabaa, qui restaura le palais à l’occasion de son projet de mariage avec la princesse Fatma, sœur du souverain Hammouda Pacha. C’est à lui que l’on doit les décorations actuelles : patio décoré de dallage et de colonnes de marbre blanc, chapiteaux de style néo-corinthien, faïences de Kallaline, stucs, boiseries peintes ... Isiloum Baouik - journaliste

« Le Maroc offre un dépaysement total : sa culture, ses souks, ses odeurs, ses couleurs al ant de l’orange au jaune, rose et au rouge.. »

C’est la couleur de la terre en cet endroit, qui servait et sert encore à la construction On trouve à Marrakech Paul Ryan - journaliste. le premier campus universitaire privé du royaume qui regroupe plusieurs écoles telles que le Groupe HECI ( Hautes Etudes Commerciales et Informatiques),l’école supérieure de gestion ESG, Euromed, et Vatel. L’un des symboles essentiels de cette ville impériale se retrouve dans ses remparts, entourant la Médina, la vieille ville. Les murs sont rouges, faits de terre, de chaux, montés sur une armature en bois. C’est la couleur de la terre en cet endroit, qui servait et sert encore à la construction des différents édifices et bâtiments de cette ville du Maroc. Marrakech est aussi l’une des villes universitaires du Maroc. L’université Qadi Iyad est la plus importante de la région. Amaoubi Loui - journaliste Medina de Meknes, le 06 octobre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP Habitants d’une medina, le 25 septembre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP Habitants d’une medina, le 19 septembre 2012. Photo de Miguel Rojo/AFP


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RI A D :ORIGINE E T D ÉFINITION

ZOOM _ 1. La population

Riad devient ainsi un adjectif qui qualifie une habitation poser problème du fait du non emploi des matériaux et techniques quelconque qui reprend certains éléments de l’architecture traditionnels, souvent au profit du béton. Ces maisons sont entièrement fermées sur l’extérieur et s’organisent autour du patio central, ou de la décoration des authentiques riads des medinas. —Médina, (extraits) Marrakech. Les riads, orthographiés aussi ryhads, « jardin », c’est le même mot qui désigne la capitale de l’Arabie saoudite, Riyad.) et les dars (littéralement « maisons ») constituent un habitat traditionnel des centres urbains marocains (médinas). Ces maisons sont entièrement fermées sur l’extérieur et s’organisent autour du patio central, sur le modèle de l’habitat arabo-musulman traditionnel. On retrouve l’héritage persan et l’héritage romain au monde arabo-musulman, le riad étant très proche de la villa urbana romaine. Ils sont souvent plantés d’arbres et dotés d’une fontaine qui leur donnent ainsi l’allure d’un jardin, d’où leurs noms. Des salons ouverts et tournés vers le patio (bou’h ou menzeh.) permettent de profiter de sa fraîcheur ces riads bénéficient depuis les années 1990 d’un regain d’intérêt dû à la volonté d’une sauvegarde du patrimoine et à un développement touristique. C’est pourquoi nombre d’entre eux ont été reconvertis en maisons d’hôtes ou en restaurants. Enfin, un nombre croissant de riads sont rachetés et réhabilités par des occidentaux qui en font leur résidence secondaire. La qualité de la restauration du riad peut cependant

N°1144 du 4 au 10 octobre 2012 - Courrier international

sur le modèle de l’habitat arabo-musulman traditionnel, il possède un trésor : son habitat traditionnel et surtout les riads, ces demeures anciennes, véritables joyaux cachés derrière les murs austères de la médina. Leur origine remonte loin dans le temps, mais sous leur forme actuelle, ils sont une représentation temporelle du paradis oriental. La croissance des nouvelles villes s’est traduite par une désaffection et une dégradation des habitats traditionnels. Il faudra attendre les années 1960 et 1970 pour que des artistes, des diplomates ou des personnalités célèbres, séduits par ces bijoux délaissés, restaurent des demeures à Fès, Marrakech. Patrimoine. Menacés par la ruine du fait du départ des populations aisées vers les nouveaux quartiers modernes, le MarocCes maisons sont entièrement fermées sur l’extérieur et s’organisent autour du patio central, sur le modèle de l’habitat arabo-musulman traditionnel. On retrouve l’héritage persan et l’héritage romain au monde arabomusulman, le riad étant très proche de la villa urbana romaine. Ils sont souvent plantés d’arbres et dotés d’une fontaine qui leur donnent ainsi l’allure d’un jardin, d’où leurs noms. Des salons ouverts permettent de profiter de sa fraîcheur ces riads bénéficient depuis les années 1990 d’un regain d’intérêt dû à la volonté d’une sauvegarde du patrimoine et à un développement touristique. Mira Yabon - journaliste

Sur fond de croissance démographique rapide, les pays du Maghreb - Algérie, Maroc, Tunisie - ont connu d’importants changements depuis 30 ans : chute de la fécondité, allongement de la vie, urbanisation croissante.

_ 2. «La perle du sud»

Marrakech, la ‘’perle du sud’’, la ‘’ville rouge’’… on ne sait plus comment l’adjectiver. Cette magnifique ville marocaine est l’une des plus importantes du pays. Situé au carrefour du Sahara et haut Atlas, elle abrite près 1,5 millions d’habitants (sans compter les touristes), c’est dire si la vie y est bien présente. Partez donc à la visite de Marrakech !

_ 3. Les souks

Les souks de Marrakech sont tout particulièrement réputés. Vous pourrez y accéder par la rue Souq Assmarine, l’entrée principale de la Médina. les velléités supposées réformatrices de Xi Jinping, que Hu verrait d’un mauvais œil.


Co u rri e r I nte r nati on a l N°1144 du 4 au 10 octobre 2012

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