Manager crise

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Florence Hunot

MANAGER EN PÉRIODE DE CRISE

Scénario pour réagir et réussir

E D I T I O N S

LIAISONS


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sommaire

Préface...........................................................................................................

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CHAPITRE 1 La situation est grave... évitons qu’elle ne devienne désespérée !......................................................................

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CHAPITRE 2 Pour avancer, commencer par renoncer.........................

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CHAPITRE 3 Obtenir l’adhésion à un projet de transformation

25

CHAPITRE 4 Définir une stratégie différenciante... et être prêt à en changer à tout moment....................................................

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CHAPITRE 5 Construire l’entreprise de demain avec les Hommes d’hier... et d’après-demain..................................

41

CHAPITRE 6 Formaliser un projet d’entreprise mobilisateur......

51

CHAPITRE 7 Adopter un management centré sur l’innovation collective......................................................................................................

61

CHAPITRE 8 Expliquer, mobiliser... et recommencer !........................

73

CHAPITRE 9 Le paradoxe du mouvement : comprendre les raisons sans donner raison.................................................

91

CHAPITRE 10 Revisiter les projets professionnels et accompagner les mobilités multidimensionnelles....................................................................... 109 CHAPITRE 11 Concilier le temps de l’Homme avec celui des machines et des clients....................................................... 127 CHAPITRE 12 Caler les interfaces et partager des objectifs communs...................................................................................................... 147 Épilogue............................................................................................................................................. 167 MANAGER

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préface

C

et ouvrage est le troisième « roman d’entreprise » que j’ai le plaisir d’écrire depuis 2002. À l’époque, cette terminologie n’était pas encore apparue sous la plume de journalistes qui attribuèrent l’origine de ce concept au monde anglo-saxon. Pour autant, l’idée de partager des bonnes pratiques et des outils de cette manière me fut inspirée par une méthode pédagogique d’origine canadienne, fondée sur la résolution de situations-problèmes (1). Exit le rébarbatif et inefficace cours magistral, cette approche ancre l’apprentissage au cœur d’une situation concrète dans laquelle chacun peut aisément se projeter, reconnaître un collègue, un collaborateur, son patron... et surtout soi-même ! Apprendre dans le plaisir plutôt que dans la souffrance, donner vie aux pratiques et méthodes proposées pour mieux les intégrer, telles sont les ambitions de ce livre. Non réelle mais réaliste, l’histoire relatée ici est transposable à tout secteur d’activité. Située dans une entreprise comme il en existe des milliers partout en France, cette aventure est ancrée dans une période de crise et de mutation profonde de notre monde. Elle aborde de nombreuses problématiques économiques et sociétales, mais aussi des pistes de solutions susceptibles de transformer une entreprise sclérosée, ici au bord du dépôt de bilan, en organisation agile, capable de s’adapter très rapidement à toutes les évolutions qui solliciteront la proactivité et la créativité des hommes qui la composent. Je dédie cet ouvrage à tous les entrepreneurs qui chaque jour osent, risquent et combattent avec une énergie inépuisable ; patrons et managers de l’ombre, pionniers et rebelles, créateurs d’emplois et développeurs de talents. Lecteurs, je vous souhaite de passer de bons moments en compagnie d’André, Stéphane, Maud, Philippe, Charlotte et tous les héros de ce conte des temps modernes. Si vous souhaitez réagir ou échanger, me questionner, je vous propose de nous retrouver sur le blog créé à cet effet : www.managercrise.com Au plaisir de vous y rencontrer ! Florence Hunot

1) « Problem-based learning », cf. l’ouvrage Former les nouveaux managers, du même auteur, Éditions Liaisons.

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chapitre

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La situation est grave... évitons qu’elle ne devienne désespérée !

Lundi 4 février 2013 Jamais deux sans trois... Il s’en doutait, Il le savait... il se dit même fugacement qu’il allait en crever. À 62 ans, André Grund allait devoir procéder à son troisième plan social. Il était probable que ce serait le dernier. La clé sous la porte... Voilà, ce serait son dernier geste avant la retraite, un geste insupportable pour ce grand patron fier de son usine, de ses produits et de ses ouvriers. En 1993, il était encore à la tête d’une belle entreprise de 1 000 personnes, véritable fleuron du textile vosgien haut de gamme. 20 ans plus tard, Grund SA ne comptait plus que 300 salariés. André avait su développer et porter à son apogée cette PME créée par son grand-père au début du XXe siècle. En ce lundi 4 février 2013 glacial et enneigé, il referma la lourde grille du cabinet d’expertise comptable qui l’accompagnait de longue date et remonta difficilement dans son véhicule, après avoir failli glisser sur une plaque verglacée. Cet homme aux cheveux blancs encore fournis et aux yeux d’acier avait pourtant la carrure d’un solide bûcheron, véritable hommage à son arrière-grand-père dont c’était le dur métier. Depuis quelques heures, ses épaules semblaient un peu plus affaissées, ses traits plus tirés. Lui qui avait versé si peu de larmes durant toutes ces années, malgré les difficultés, se laisserait volontiers emporter par une immense tristesse qui ne cessait d’augmenter. Quelle injustice ! Tant d’années à produire de beaux linges de maison – tissus de grande qualité, couleurs très résistantes, magnifiques broderies –, tant d’années à gérer en bon père de famille... Tout ça pour ça... Finir sa carrière par un échec retentissant, le licenciement de tous, la mort de son entreprise, autant dire de l’enfant qu’il n’avait jamais eu... Il n’y avait pas pire scénario. Pour autant, Marcel Damstadt, son expertcomptable et ami d’enfance, ne lui laissait aucun espoir : « – André, je sais que ça va être une épreuve pour toi, mais, crois-moi, il va falloir déposer le bilan. – On peut peut-être trouver un repreneur ? – Si ma mémoire est bonne, cela fait deux ans que tu cherches... en vain. Tu sais très bien que toutes les entreprises françaises de textile meurent ou délocalisent. – Ah non, ça, pas question ! Plutôt mourir que délocaliser. Avec mon fauteuil de maire, tu sais bien que je ne peux pas me le permettre. De toute façon, je ne trouverai jamais d’ouvriers aussi qualifiés en Chine ou ailleurs.

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La situation est grave... évitons qu’elle ne devienne désespérée !

– Si tu ne délocalises pas, tu vas devoir fermer, donc ça fera plus de personnes sur le carreau ! – Je peux peut-être sauver l’outil industriel et vendre l’usine avec ses ouvriers... – Ok. À qui ? Pour faire quoi ? – J’en sais rien mais si on se creuse les méninges, on va finir par trouver... – André, le temps presse. Je t’ai alerté il y a trois mois. Depuis, ta situation financière s’est aggravée... – Non, mais tu n’te rends pas compte de ce que ça représente pour moi ! C’est comme si je trahissais mon père et mon grand-père à la fois, comme si j’étais le renégat de la famille... À 62 ans, c’est rude... – Je comprends, je sais que cette entreprise c’est toute ta vie. Mais tu n’y peux rien... C’est le monde dans lequel nous vivons qui nous trahit... Le coût de la maind’œuvre en Asie, la crise financière, ça ne dépend pas de toi. – J’aurais dû anticiper, trouver le moyen de réduire les coûts, inventer de nouveaux produits... – Facile à dire ! Ça ne sert à rien de culpabiliser. Tu vas prendre ta retraite et te dire que tu as eu une belle carrière, avec de jolis succès... – C’est ça que tu veux que je dise à mes salariés ? ‘‘Bon les p’tits gars, j’ai fait de mon mieux, y a rien à regretter, et puis c’est la loi des marchés, donc vos compétences, vous pouvez les mettre à la poubelle et aller cachetonner au RSA !’’ – Écoute André, je pense que l’on va remettre cette conversation à plus tard. Prends le temps d’y réfléchir et on se revoit la semaine prochaine. – J’ai combien de jours pour sauver ma boîte ? – Vu la trésorerie et les commandes en cours, je dirais qu’il te reste six mois grand maximum. – Bon. Eh bien, c’est parti, le compte à rebours a commencé. » Après un frugal déjeuner qu’il avait bien du mal à digérer, André arriva à son bureau la tête basse et le regard vide. Il aurait aimé ne rencontrer personne, ne pas avoir à saluer tous ceux qui allaient bientôt le détester. Même cette place de parking attitrée qui semblait l’attendre devant l’entrée principale de l’usine, il avait le sentiment de ne plus la mériter. Il n’y avait plus à tergiverser : sa première action allait consister à échanger avec Gérard Tripalheim, 64 ans, son fidèle adjoint depuis tant d’années. Grâce à sa persévérance et à sa capacité de travail, Gérard était parvenu à détenir tout pouvoir dans l’entreprise, chapeautant la production, les achats, l’informatique et même le juridique. Originaire de Strasbourg, il avait soigné avec amour un accent et des expressions alsaciennes qui lui valaient régulièrement d’être la risée des Vosgiens et des « Français de l’intérieur », comme il les qualifiait. « – Bonjour Gérard. – Hio, bonjour André, tu arrives bien tard aujourd’hui. Tu t’entraînes pour la retraite ? – Va falloir qu’on s’entraîne tous les deux mon vieux, parce ça va arriver plus vite que prévu !

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La situation est grave... évitons qu’elle ne devienne désespérée !

– Tu ne crois quand même pas qu’ils vont rebaisser l’âge de la retraite ! – Ça c’est moins sûr. – Tu sais très bien que je n’ai aucune intention de prendre ma retraite dans les mois qui viennent. Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis... – Alors, il va falloir que tu te trouves un nouveau job... » Gérard commençait à comprendre que l’heure n’était pas à la plaisanterie. Ce petit homme au corps rond et au crâne dégarni appréciait particulièrement la cuisine locale et la chasse à ses heures perdues, mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était résoudre des problèmes techniques de toute nature. Son esprit affûté et sa curiosité innée venaient d’identifier une énigme à explorer. Signe extérieur de cet état d’excitation intérieure, ses petits yeux marron se plissaient et s’illuminaient concomitamment. « – Comme je ne t’imagine pas me mettre à la porte après tant d’années de bons et loyaux services, je suppose que notre situation financière s’est encore détériorée... – Mouais... – Et donc ? – On a six mois pour sauver la boîte. – Corneguidouille et ventrebleu ! » En temps normal, André souriait toujours aux jurons pour le moins créatifs de Gérard, grand amateur d’Alfred Jarry et de son père Ubu. Cette fois, il n’était pas d’humeur à s’en délecter. « – Tu m’emmerdes avec tes répliques de théâtre ! On ne joue plus là, on est dans la vraie vie. Ça fait plusieurs années que tu t’obstines à faire fuir tous les repreneurs... Maintenant on n’a plus le choix... Et plus personne dans les tuyaux. – Hio, ça va être de ma faute maintenant ! – En partie, oui ! On aurait dit que c’était ta fille que tu devais marier... Tu as descendu en flèche tous les prétendants qui se sont présentés et tu leur as tellement bien vendu la boîte qu’ils ont pris leurs jambes à leur cou ! – Je te rappelle que c’est toi le patron ! – Quand ça t’arrange oui... » Interpellée par les éclats de voix de ses deux patrons, Martine Sauvat, assistante de direction, poussa la porte du bureau de Gérard. « – Non mais ça va pas là ! On vous entend à l’autre bout du couloir... Si vous voulez vous engueuler, allez faire un tour ailleurs... » Coupés dans leur élan comme deux enfants pris en flagrant délit de grosse bêtise, André et Gérard baissèrent la tête en attendant que Martine retournât vaquer à ses occupations. Mais cette dernière n’avait pas l’intention de les laisser reprendre leur altercation. « – Bon ça va, Martine, on ne vous a pas sonnée. – Hio, c’est vrai ça. Occupez-vous de vos affaires ! On discute entre hommes. – Si j’ai bien compris votre conversation, ce sont aussi MES affaires ! Si vous croyez que je vais retrouver facilement du boulot avec mes 52 balais... Et puis, j’aimerais

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La situation est grave... évitons qu’elle ne devienne désespérée !

bien que vous me parliez autrement, parce que ça s’appelle du harcèlement et de la discrimination ce que vous faites. » Sur ces propos qui lui avaient demandé un courage dont elle ne s’imaginait pas capable, Martine tourna les talons et quitta la pièce en claquant la porte. Fière de son intervention, elle replaça méticuleusement une mèche rebelle de son traditionnel chignon et retourna à sa place. Depuis quelques temps, ses cheveux blanchissaient à vue d’œil, signe extérieur des mois difficiles qu’elle venait de passer depuis que son mari l’avait quittée. André et Gérard se regardèrent éberlués. Était-ce bien Martine ? Leur fidèle Martine ? Celle qui acceptait tout d’eux depuis tant d’années, toujours prête à encaisser leurs colères, à les tirer d’affaire quand ils étaient en retard ou en difficulté. Décidément, il y avait de la révolution dans l’air... Après tout c’était peut-être bon signe, pensa André, car c’était bien d’une transformation en profondeur dont avait besoin Grund SA pour se sortir de ces sales draps. Malgré sa colère, il sourit intérieurement à ce bon mot qu’il s’empressa de partager avec Gérard, comme à son habitude depuis plus de 30 ans.

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