Calanque de Port-Pin Sous la surface, un paysage Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles Promo 2008-2012
Travail Personnel de Fin d’Etude. Maxime Aubinet Encadré par Alain Freytet
INTRODUCTION ET CHOIX DU SUJET LE PLONGEUR
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UN TERRAIN D’ÉTUDE
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LA NOTION DE PAYSAGE SOUS-MARIN
LA CALANQUE DE PORT-PIN UNE PROXIMITÉ AVEC LA VILLE UN SITE DU CONSERVATOIRE LE PARC NATIONAL DES CALANQUES UN CADRE IDYLLIQUE L’ACCÈS AU SITE UNE PRÉSENCE FORTE DES BATEAUX LE PAYSAGE SOUS-MARIN UN OUBLIÉ DU SITE LE SITE IDÉAL AMBIANCES SOUS-MARINES
MÉMOIRE DE 3ÈME ANNÉE REPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE UN PAYSAGE DE L’IMAGINAIRE UNE VISION SCIENTIFIQUE CE QUE NOUS APPREND LA GÉOLOGIE 1.FORMATION DES CALANQUES 2.L’ACTION DE L’EAU SUR LA ROCHE
P6 P8 P9 P10 P12 P14 P18 P20 P21 P22
P26 P32 P39 P40 P42 P43 P46 2
SOMMAIRE
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LE PAYSAGISTE SOUS L’EAU
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DU DESSUS AU DESSOUS, À LA DÉCOUVERTE D’UN PAYSAGE
PLONGER DANS LE PAYSAGE 1.LA PLONGÉE EN BOUTEILLE 2.LA PLONGÉE EN APNÉE DESSINER SOUS L’EAU CARACTÉRISTIQUES DU PAYSAGE SOUS-MARIN TABLEAUX QUELQUES MOTIFS DU PAYSAGE
P48 P57 P62 P64 P66 P74 P80 P82 P84 P86 P94 P96 P98 P100 P102 P104 P106 P108 P110 P112 P113 P114
QUESTIONNEMENT DU DESSUS AU DESSOUS, FIL ROUGE LE SENTIER VERS LA CALANQUE DIRECTION LE MONDE SOUS-MARIN LA MISE À L’EAU CARTOGRAPHIER LE PAYSAGE CHANGER LES USAGES LA POINTE D’EN VAU LA POINTE CACAU LE BELVÉDÈRE SUR LES FONDS POSITION VERTICALE LA BULLE DE PLONGÉE REMERCIEMENTS BIBLIOGRAPHIE SOURCES ET DROIT D’AUTEURS 3
-”Sous la mer, le silence oblitère tout.1” Depuis tout petit je suis fasciné par la mer. Je peux passer des heures à la contempler, l’explorer, jouer avec les vagues. J’aime écouter le silence qu’elle impose lorsque l’on est au fond. Peut-être est-ce simplement l’envie de parler de ce qui est, aujourd’hui encore, un monde mystérieux : le monde sous-marin. Fortement ancré dans l’imaginaire tel un monde à la fois merveilleux et effrayant ( l’Atlantide et “les dents de la mer”. ). Le passage entre le monde marin et le monde terrestre, n’est autre que la surface, une limite fine et transparente, proche et accessible. Plus le temps passait à l’école du paysage, plus une question me taraudait : “les outils, appris à l’école, et qui me permettaient de lire l’espace terrestre, pouvaient-ils m’aider à décrire les sensations et les lieux découverts lors de mes plongées.” S’il nous est possible de décrire l’espace sous-marin pour le percevoir, pour le représenter, pour le vivre, tel un paysage, alors il doit être possible de le traiter comme tel, et d’y concevoir des “projets”.
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“Le silence oblitère tout” de Paul ASTER extrait du Moon Palace
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UN TERRAIN D’ÉTUDE
LA CALANQUE DE PORT-PIN
Au cours de l’été 2011, j’ai pu visiter les fonds marins de plusieurs calanques. L’une d’entre elles m’a paru intéressante, à la fois dans sa position stratégique, et également par la beauté de ses paysages sous-marins. De plus, il m’a paru évident que le sentier pour s’y rendre pouvait faire l’objet d’un aménagement dans le cas d’un projet de paysage. Situé dans les Bouches-du-Rhône, au sud de Marseille, le massif des calanques s’étend sur plus de vingt kilomètres le long de la Méditerranée. Partant du sud-ouest de Marseille, du quartier des Goudes pour rejoindre la commune de Cassis au sud-est, ce massif constitue la frange côtière des massifs de Marseilleveyre et de Puget. Ces paysages spectaculaires résultent du contraste entre des falaises karstiques1, d’un blanc éclatant, qui plongent à pic dans une mer de couleur bleu turquoise. Ils attirent chaque année des miliers de visiteurs. En 2008, les calanques ont été visitées par près de deux millions de personnes. Le climat méditerranéen, des calanques, se traduit par une aridité forte où l’essentiel de l’humidité provient de l’évaporation marine, des pluies d’automne et d’hiver. Les températures peuvent y être élevées, et les vents violents. Comme le célèbre mistral qui souffle sur le massif depuis le nord nord-ouest. A la limite entre Marseille et Cassis, la calanque de Port-Pin est la deuxième calanque ( la première étant Port-Miou, seule calanque sur la commune de Cassis ) en allant de Cassis à Marseille. Avec les calanques d’En Vau et de Port-Miou, la calanque de Port-Pin fait partie des lieux les plus célèbres des Bouches-du-Rhône. 1
forme géomorphologique résultant de l’érosion des roches par l’eau.
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Marseille
Cassis
Port-Pin
N
Situation géographique de la calanque. Fond aérien géoportail
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UNE PROXIMITÉ AVEC LA VILLE
La calanque de Port-Pin, première calanque ‘‘naturelle’’1 depuis Cassis, est située à la limite de cette commune. Elle se trouve à environ 40 minutes à pied du centre ville de Cassis, et à 20 minutes du parking de Port-Miou. Cette proximité avec la ville est à la fois un avantage et un inconvénient. En effet, chaque année des milliers de visiteurs parcourent le massif, et la calanque est victime de son succès : - piétinement, - surfréquentation estivale, - mouillage sauvage. Les itinéraires qui ne sont plus respectés génèrent une érosion problématique. Il est également possible de visiter les calanques en bateau depuis Cassis ou Marseille. 200 m
N Carte IGN 1/25000
1 Celle de Port-Miou avec la carrière et le port, est marquée par la main de l’homme.
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UN SITE DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL
N Propriété du conservatoire. Fond aérien géoportail
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La calanque de Port-Pin est propriétée du conservatoire du littoral depuis 1979. C’est une des premières acquisitions du conservatoire. Le domaine de la Fontasse s’étend sur 243 hectares dont 99 hectares marins. Sous l’action de l’homme, pendant plusieurs siècles, la chênaie, forêt méditerranéenne originelle, a complètement disparue. En 1990 un immense incendie a brulé une grande partie des boisements du domaine, stoppant la régénération. Les arbres de Port-Pin furent quelques peu épargnés. Si aujourd’hui la forêt renaît peu à peu, avant de retrouver la chênaie du passé, la forêt de résineux doit s’installer. La garrigue à Chênes kermès est aujourd’hui la formation végétale la plus répandue. L’Office National des Forêts assure la gestion de ces espaces.
LE PARC NATIONAL DES CALANQUES Le groupement d’intérêt public des calanques a été crée en 1999. Ce projet de parc est le fruit d’une volonté locale et nationale. Après une gestation difficile, le Parc national des Calanques a été officiellement créé, le 18 avril 2012. Le coeur de parc représente une superficie de 8 500 hectares pour la partie terrestre, et 43 500 hectares pour la partie marine. La zone coeur bénéficira des moyens d’action, de prévention et de surveillance les plus élevés en France. Il est le dixième Parc national de France, et le premier Parc national périurbain d’Europe car situé à proximité de l’agglomération marseillaise deuxième ville de France en terme de population. La calanque de Port-Pin rentre dans la zone coeur. l’emprise du parc sur le territoire
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L’importante partie marine du parc permettra une meilleure gestion du littoral, qui doit préserver un fragile équilibre entre des patrimoines paysagers naturels, et des patrimoines culturels. Rappel des objectifs principaux prenant en compte la notion de paysage : - Limiter l’artificialisation, (renforcer l’intégration paysagère des aménagements et rechercher la réversibilité), - Préserver la quiétude des lieux, et les possibilités de ressourcement de chacun, - Limiter la “marchandisation” des sites et des paysages.
“Le principal défi sera de concilier la préservation d’un patrimoine paysager, culturel et naturel en fragile équilibre. Son importante partie marine permettra d’assurer au mieux la gestion intégrée d’un littoral au patrimoine très riche et aux multiples usages.”1 1
site officiel des Parcs nationaux.
La calanque de Port-pin fait également partie d’un périmètre de site classé. On constate par la multiplication des protections, une réelle volonté de préservation de cet espace. 11
UN CADRE IDYLLIQUE A 20 minutes de l’entrée de Port-Miou, la calanque de Port-Pin offre un cadre rêvé pour une baignade au calme.(Fig.1) La plage, de sable et de galets, est bordé de pins d’alep sous lesquels pousse le chêne kermès. (Fig.2) Les eaux limpides, et turquoises, offrent une vision exceptionnelle sur le fond.(Fig.3) Les randonneurs de passage font une pause pour admirer la beauté du paysage, et profiter d’une baignade rafraîchissante. Les replats dans la roche au bord de l’eau, permettent au baigneurs, de s’étendre au soleil, et d’admirer le site (Fig.4). L’eau reste relativement fraîche, et en été, lorsque le mistral ne souffle pas, sa température peut facilement atteindre 24 degrés.
eau chaude eau froide
100lorsqu’il souffle fortement le mistral pousse la couche d’eau N
0
chaude en surface, permettant ainsi à l’eau froide de remonter.
50 100 12
Fig.1
Fig.2
Fig.3
Fig.4 Les eaux turquoises, et le cadre de la calanque, incitent les visiteurs à s’arrêter pour profiter d’un moment de calme.
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L’ACCÈS AU SITE
Un parking à l’entrée de Port-Miou (Fig.1) permet de venir en voiture jusqu’à la porte des calanques (Fig.2 ). Il faut ensuite traverser l’espace abandonné de la carrière, sous un plein soleil, le long de la voie d’accès pompier (Fig.4.5). On passe devant un bâtiment, lui aussi abandonné, occupant une position stratégique (Fig.6). A cet endroit, il existe deux chemins pour se rendre dans la calanque de Port-Pin : Le premier, le plus emprunté par les visiteurs, est la continuité de l’accès pompier. Il est balisé de bornes, informatives sur les calanques, en pierres. Ce sentier, bien qu’appelé - terre et mer - s’éloigne de la mer pour remonter vers la carrière (Fig.7). Il faut ensuite gravir une longue côte, toujours sous le soleil. Ce chemin est large, et plus adapté aux véhicules qu’aux promeneurs. Pour redescendre dans la calanque, une difficulté apparait : trouver le bon sentier parmi tous ceux créés par les passages des marcheurs. Après une descente difficile sur les rochers rendus lisse par les piétinements (Fig.8), l’espace de la plage, et les ruines du fond de la calanque s’offrent à nous (Fig.9). Le second, moins emprunté, passe à flanc de falaise et longe la mer (Fig.10). Il est aménagé jusqu’à un belvédère (Fig.11). Vient ensuite, créé par le passage répété des marcheurs, une voie où les pierres sont glissantes (Fig.12), s’impose alors une attention accrue à l’endroit où l’on pose le pied, au détriment du paysage.
Fig.1
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Fig.3
Fig.4
Fig.5
Fig.6
Fig.7
Fig.8
Fig.9
Fig.10
Fig.11
Fig.12
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Cette coupe schématique présente la différence entre les deux voies d’accès décrites précédement. En haut de la falaise, la route d’accès pompier, au gabarit large, calibrée pour des véhicules. La vue sur la mer est masquée par les pins, et une clôture de sécurité restreint l’accès au bord de la falaise. Le sentier situé en contrebas, chemine à flanc de falaise. Il est beaucoup plus petit, large de deux mètres (au grand maximum). Il autorise le croisement des marcheurs. Tout le long de l’ascension, qui se trouve être régulière à l’ombre des pins, la vue sur la mer est permanente.
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6m
2m
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UNE PRÉSENCE FORTE DES BATEAUX De nombreux randonneurs passent par cette calanque, un grand nombre de bateaux aussi. On peut distinguer deux types de bateaux, ceux des plaisanciers qui viennent profiter de la zone de mouillage qui s’ancrent avec trop souvent peu de respect pour l’herbier de posidonie, et les bateaux qui font faire la visite des calanques. Ceux là s’avancent jusqu’au fond de la calanque, s’arrêtent à la limite imposée par les bouées, puis après une courte pause font demi-tour en direction des autres calanques. Ces bateaux à moteurs, de dimensions variables, font de bruyant demi-tours en face des promeneurs installés paisiblement sur les rochers. Ils supplantent les délicats parfums de la garrigue, par leurs lourds gaz d’échappement. En pleine période estivale, le va et vient de ces bateaux est incessant, s’y ajoute les bateaux des plaisanciers, alors la mer devient un espace réservé à la marchandisation du paysage.
ligne de bouées
mouillage autorisé engins à moteur interdits
N
mouillage interdit carte des restrictions maritimes
D’importantes questions se posent : - Est-il possible d’apprécier la beauté complexe de ce paysage, dans le temps limité d’un passage tarifé ? - Le calme des lieux est il compatible avec la surfréquentation des bateaux ? 18
En pleine saison le flux des bateaux est permanent. La taille des navires est variable, du petit bateau de plaisance au gros transporteur.
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LE PAYSAGE SOUS-MARIN, UN OUBLIÉ DU SITE ?
maquette en courbes de niveau. De +100 a -50 mètres par rapport au niveau de la mer
Seule une petite partie de ce paysage est accessible
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Aujourd’hui, l’occupation de l’espace par les bateaux restreint la zone de baignade. Elle se concentre sur les petits fonds (moins de quatre ou cinq mètres). En effet, Il n’est pas agréable, et plutôt dangereux, de nager entre les bateaux visitant la calanque. Même lorsque l’on reste près des bords il faut être en permanence vigilant au passage des navettes. Difficile donc d’accéder à ce paysage sous-marin perçu depuis la surface, qui nous appelle et nous attire depuis le début de la promenade. Ne sommes nous pas émerveillés par la couleur, et la visibilité des fonds ? La calanque est principalement visitée pour son paysage terrestre qui se caractérise par la roche calcaire blanche qui contraste avec le bleu de la mer. Elle est aussi coiffée d’une couronne de pins d’alep. Pourtant il ne s’agit là, tel l’iceberg, que d’une petite partie visible. Le paysage sous-marin n’est il pas le grand oublié ? La perception du paysage sous marin depuis la surface terrestre n’en permet qu’une idée déformée. Telle l’image renvoyée par des miroirs déformants ; Dimensions et volumes sont écrasés. Le paysage sous-marin est presqu’absent alors qu’il devrait tout au contraite être magnifié.
LE SITE IDÉAL La proximité de la calanque avec la ville de Cassis la rend facile d’accès, même lorsque de l’on transporte du matériel de plongée. La mise à l’eau peut se faire à l’écart de la plage, sur les rochers en toute tranquilité. Protégée en partie du mistral, venant du nord nord-ouest, la calanque est également protégée des vents sud sud-est. Grâce à cette position, une grande partie de la calanque reste en permanence à l’abri de la houle. Ainsi, il est toujours possible de s’y baigner pour profiter des paysages sous-marins, même s’y ailleurs le temps n’est pas propice à la plongée. L’étroitesse de la calanque permet de se repérer aisément lors des plongées, et de passer d’un bord à l’autre, pour rechercher les lieux les plus intéressants. C’est aussi rassurant pour les plongeurs novices. Certains vacanciers y viennent aussi équipés d’un masque, d’un tuba et une combinaison pour admirer les fonds marins. les falaises rocheuses qui plongent à pic, se prolongent sous l’eau en de magnifiques tombants. Ici, des bancs de poissons, attirent quelques pécheurs sous-marin. La calanque de Port-Pin est l’endroit idéal pour initier le grand public au paysage sous-marin.
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AMBIANCES SOUS-MARINES
Des fonds sableux aux herbiers de posidonies, en passant par les rochers recouverts d’algues, il y a une grande diversitÊ de sols et de textures.
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Visible en partie depuis la surface, la verticalitĂŠ du paysage offre des sensations uniques.
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Sous l’eau la lumière est source de fascination. Lorsque les rayons du soleil viennent toucher les fonds sableux, le paysage s’illumine
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L’eau et la lumière favorisent partout une vie foisonnante, des poissons circulant librement, aux algues qui s’agrippent aux rochers.
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LA NOTION DE PAYSAGE SOUS-MARIN
MEMOIRE DE 3ÈME ANNÉE
En troisième année de L’Ecole Nationale Supérieure du Paysage, qui aboutit à un master 2, j’avais choisi, déjà, de traiter du paysage sous-marin. Mon premier objectif était de faire ressentir l’espace sous-marin par la représentation de ces paysages en utilisant différents media : Peintures, dessins, photos, vidéos. ‘‘Et maintenant, comment pourrais-je retracer les impressions que m’a laissées cette promenade sous les eaux ? Les mots sont impuissants à raconter de telles merveilles ! Quand le pinceau lui-même est inhabile à rendre les effets particuliers à l’élément liquide, comment la plume saurait-elle les reproduire ?’’ Professeur Aronnax dans ‘‘Vingt mille lieux sous les mers’’ de Jules Verne, 1871
Couverture du mémoire : “Sous les flots de St Hernot : Rencontre avec un paysage.” Mémoire de Master 2 Maxime Aubinet 2010-2011
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Là, pour représenter le paysage sous-marin, et pour utiliser la technique du croquis, l’outils privilégié du paysagiste, j’ai développé une technique en utilisant des crayons gras pour dessiner sur une plaque de “plastique” (polypropylène). j’ai ainsi, réalisé une série de croquis sous l’eau.
Captures d’images tirées d’une vidéo. “Le plongeur dessinant”
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Dessins réalisés sous l’eau pour le travail de mémoire. “Presqu’île de Crozon, Finistère”
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Acrylique sur toile, “sans titre”
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Acrylique sur toile, “horizon ?”
Acrylique sur toile, ‘‘Fascination”
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Acrylique sur toile, ‘‘sans titre’’ 2,1x1,2m
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RÉPRÉSENTATIONS DU PAYSAGE Les fonds marin sont l’espace le plus vaste du globe terrestre. Ils ont toujours fasciné les hommes, comme un monde inconnu à porté de main. Ils ont suscité l’imaginaire de nombreux écrivains et dessinateurs, laissant libre cours à leur imagination pour représenter le monde sous-marin. Cette partie n’est pas exhaustive, je me suis focalisé sur quelques représentations. Dans la littérature, le ‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ de Jules Verne est une référence lorsque l’on parle de paysages sous-marins. Dans la grande édition illustrée du roman parue en 1871, un scientifique français, Pierre Aronnax, son domestique Conseil, et un harponneur Ned Land, voyagent à bord du Nautilus, le sous-marin du célèbre capitaine Némo.
Le roman sert de prétexte à la description du monde sousmarin. Jules Vernes se sert des connaissances scientifiques de l’époque, mais il les dépasse en anticipant des visites au plus profond des océans. Il fut adapté plusieurs fois au cinéma : le ‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ - de George Méliès en 1907 - de Stuart Paton en 1916 - de Richard Fleischer en 1954
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Gravures représentant le fond marin. Illustrations d’Alphonse de Neuville et Edouard Riou dans ‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ édition illustrée parue en 1871
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‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ Jules Verne,1871 vue grossie
‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ Jules Verne,1871
Dans le roman de Jules Verne, apparaît pour la première fois le mot paysage pour décrire le monde sous marin dans une illustration d’Alphonse De Neuville, portant le titre de “paysage sous-marin de l’île de Crespo”. C’est surtout la faune et la flore qui vont caractériser le paysage. Devant un horizon “flou” se détachent les personnages. Leur position est verticale, ils se déplacent en scaphandre autonome.
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En 1903, George Méliès réalise le ‘‘Royaume des Fées’’, une partie du film se déroule dans un monde sous-marin. Des épaves de bateaux, et des cavernes sous-marines font office de décor. Les personnages se déplacent horizontalement en nageant.
‘“Le Royaume des Fées” de Georges Méliès, extrait.
“Le Royaume des Fées” de Georges Méliès, extrait.
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En 1944, Hergé fait descendre son personnage de Tintin sous l’eau. Sur cette image on retrouve tous les éléments utilisés pour caractériser un paysage sous-marin : les algues, les poissons, une méduse et une épave de bateau. Le personnage se déplace en marchant sur le fond en utilisant un scaphandre à casque (aussi appelé scaphandre pieds lourds). ‘‘Le trésor de Rackham le rouge’’ ; Hergé,1944
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En 1954, Franquin dessine ses personnages en plongeurs, l’élément principal du paysage sous-marins est toujours une épave. A noter la présence de grandes structures rocheuses évoquant la verticalité des paysages sous-marins. ‘‘Le repaire de la murène’’ ; Franquin,1954 “Spirou et les hommes bulles” ; Franquin, 1958
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Dans ce dessin de Moebius le monde marin est complètement fantasmé, c’est la faune et la flore qui donnent l’idée de milieu marin.
Dessin de Moebius, “Le voyage d’Hermès’’, 2010
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UN PAYSAGE DE L’IMAGINAIRE Dans ces représentations on se rend compte que le paysage sous-marin est fortement lié à l’imaginaire, au fantastique. C’est un milieu que l’on connaît peu, qui provoque le rêve, mais aussi la crainte, la peur de l’inconnu. Le succès du film ‘‘Les dents de la mer’’(Steven Spilberg 1975), s’explique en grande partie par la peur que provoque la méconnaissance de l’espace sous la surface. Les monstres marins ont toujours fais couler beaucoup plus d’encre que de navires.
Le monstre du Loch Ness
Charybde et Scylla
Le Capitaine Némo face à la pieuvre
Le Leviathan
Le Kraken
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UNE VISION SCIENTIFIQUE : A l’opposé de ces représentations romanesques et oniriques, le milieu marin est vu par les scientifiques par la description de la faune et de la flore.
p
L A
M E R
Zoom
A U
C Œ U R
D U
P A R C
N A T I O N A L
Spécial mer
Souvent, et aujourd’hui encore, le “paysage” ou plutôt l’espace sous-marin, est décrit par l’inventaire flauristique et faunistique. On le décrit rarement par “l’espace” ou “le ressenti”, comme dans ces guides des sentiers sous-marins de la Réunion où seuls les animaux et les végétaux sont représentés.
Le coeur marin, un patrimoine exceptionnel
L
e coeur marin du futur Parc national recèle une biodiversité remarquable constituée d’espèces végétales et animales, vivant en surface ou dans les profondeurs des canyons. Dans l’ensemble du périmètre, on dénombre une soixantaine d’espèces marines, rares ou endémiques, telles que les éponges cavernicoles, l’Oursin diadème, la Grande nacre, les deux Hippocampes, le Mérou, le Corb et les coraux profonds d’eau froide. De nombreuses autres espèces ont été décrites pour la première fois dans la zone : plusieurs éponges, c r us t a c é s , amphipodes... L’herbier de Posidonies e s t l’écosystème pivot du littoral méditerranéen. Il se caractérise par une diversité fau-
nistique très riche. Ses fonctions en tant que stabilisateur du rivage, épuration de l’eau, frayère et nurserie en font un habitat prioritaire reconnu par l’Europe au titre de Natura 2000. Alliée à un relief très chahuté, la flore sous-marine génère des paysages particulièrement remarquables. Le littoral rocheux des massifs se poursuit en effet sous le niveau de la mer par des tombants vertigineux, qui constituent le support du plus
spectaculaire habitat de Méditerranée : le coralligène. C’est l’un des principaux réservoirs
www.gipcalanques.fr
de biodiversité, qui procure abri et nourriture à une quarantaine d’espèces de poissons et à plus de 600 espèces d’invertébrés. L’espace marin du futur Parc national est également riche en cétacés remarquables, on recense notamment le Rorqual à museau pointu, le Cachalot, le Dauphin de Risso et le Globicéphale noir. Dans les zones profondes du large, le canyon de la Cassidaigne, qui a fait récemment l’objet d’une campagne scientifique, a révélé une faune très intéressante avec d’importants massifs de « coraux froids », ainsi que plusieurs espèces nouvelles pour la science, y compris dans la vase. Les fonds marins du cœur sont également parsemés de plus d’une centaine d’épaves inventoriées dont une majorité date de l’antiquité ou du moyen-âge. Ces vestiges sont les témoins de l’histoire millénaire de la côte, et outre le fait qu’elles offrent des paysages sous-marins uniques, elles constituent un patrimoine culturel inestimable.
MARS 2010
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Le paysage sous-marin est souvent illustré par ces photos paradisiaques, aux couleurs chatoyantes. Il y regorge toujours des poissons, et des algues multicolores: C’est souvent une vision idéale du paysage sous-marin. En effectuant une recherche d’images sur Internet, on trouve ce type de photos. La faune et la flore sous-marine sont les éléments mis en avant pour illustrer le paysage sous-marin.
Images trouvées sur Internet en utilisant le terme ‘‘paysage sous-marin” dans une recherche d’images google
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CE QUE NOUS APPREND LA GÉOLOGIE Le mot calanque vient du provençal calanco, qui veut dire escarpé. Il désigne une vallée creusée par une rivière puis envahie par la mer. Port-Pin fait partie du massif calcaire des calanques. Le calcaire est la roche prédominante dans le sud de Marseille. C’est dans le calcaire urgonien, roche blanche très épaisse, que se sont creusées les calanques. Ces paysages karstiques1 sont issus de l’érosion du calcaire par dissolution. En bord de mer, sources et grottes sous-marines caractérisent ces paysages. Carte géologique Aubagne-Marseille
Barrémien à faciès urgonien
Sables grossiers, fond d’herbiers
Sables vaseux ou argileux, détritiques côtier
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1 forme géomorphologique résultant de l’érosion des roches par l’eau
1.FORMATION DES CALANQUES
0m
Fig.1
-120 m
Fig.2
Fig.3
Les variations des altitudes relatives du niveau marin ont contribué à la formation des calanques :
Il y a 1.5 Millions d’années le massif a été surélevé, le réseau hydrographique s’est enfoncé (Fig.1). Il y a 20 000 ans, lors de la dernière glaciation du Würm le niveau marin est descendu à -120 mètres, l’érosion a creusée des vallées dans la roche en suivant les axes de fracture déjà présents (Fig. 2). Les glaces ont fondu, le niveau marin est remonté, les vallées ont été envahies par la mer (Fig. 3).
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La remontée relativement1 rapide des eaux a laissé peu de trace de son passage sur la roche. En effet il y a une continuité très marqué entre la roche au dessus et en dessous de l’eau (Fig.1). Il est ainsi facile d’imaginer ces vallées sans la présence de l’eau. A certains endroits la roche ressemble à une formation végétale marécageuse qui aurait développée son système racinaire sous la surface de l’eau,, et viendrait s’ancrer sur le fond sableux, à l’exemple de la mangrove.
La mangrove
Fig.1
1
Quelques milliers d’années tout de même !
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Acrylique sur toile 71x101 cm p.45 ‘‘Là où la pierre prend racine”
45
2.L’ACTION DE L’EAU SUR LA ROCHE Le niveau zéro de la mer est marqué par une encoche littorale. L’eau est venue grignoter la roche, créant ainsi une légère encoche dans la roche sous la surface. C’est sous cette encoche que se développent les trottoirs à lithophyllum (Fig.1). Particulièrement dans les zones exposés aux vents dominants, là où la houle est plus marquée (Fig.2). Ils sont composés d’un empilement d’algues calcaires, leur épaisseur s’est formée au cours du temps d’élévation de la mer jusqu’au niveau actuel. Ils ont une dynamique ascendante car ils suivent la lente montée des eaux.
Encoche littorale
Trottoir
50 cm
Fig.1
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Fig.2
Le ruissellement des eaux de pluies, ainsi que les éclaboussures créées par les vagues, laissent également des traces particulières sur la roche. Il s’agit d’une érosion chimique due à l’eau chargée de gaz carbonique, qui forme des cannelures de dissolution. Elles peuvent devenir, quand elles sont de grande envergure, ce qu’on appelle un “lapiaz”. Les lapiaz présentent diverses formes : - traces de ruissellement, de cannelures de dissolution. - traces d’éclaboussures, de “petits cratères”.
L’eau qui ruisselle
L’eau qui éclabousse
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LE PAYSAGISTE SOUS L’EAU
PLONGER DANS LE PAYSAGE
Que ressent on lorsque l’on est en immersion dans un paysage sous marin ? Comment notre cerveau, habitué aux repères terrestres perçoit ce paysage ? Comment “lit” on ces paysages, pas seulement comme milieux naturels, mais aussi comme espaces perçus ? Le corps en immersion totale dans ce milieu ne se positionne plus de la même façon Pour répondre à ces interrogations, je distinguerai deux approches : - la plongée en bouteille pour laquelle mon inexpérience est certaine. - la plongée en apnée à laquelle je suis plus habitué,
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plongeur en bouteille
plongeur en apnĂŠe
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1.LA PLONGÉE EN BOUTEILLE
Détendeur
Gilet stabilisateur Manomètre et Bathymètre (profondeur).
Combinaison Préparation de l’équipement sur le bateau
La plongée en bouteille requiert un équipement particulier. Une fois la combinaison enfilée, le plongeur endosse le gilet stabilisateur sur lequel est fixé la bouteille. Le détendeur raccordé à la bouteille lui permet de respirer l’air contenu à l’intérieur. Un certain temps de préparation est nécessaire, il faut régler correctement le gilet, ajuster la ceinture de lest, vérifier que tout fonctionne parfaitement.
Couteau
Palmes
L’équipement du plongeur en bouteille
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Vient ensuite le moment de la mise à l’eau. Le poids de l’équipement est amoindri par la poussée de l’eau. Pour descendre, le plongeur libère l’air contenu dans son gilet. Il décompresse. L’attention est focalisé sur soi, sur l’adaptation du corps au milieu sous-marin, sur la respiration qui devient lente. Une plongée en bouteille doit se faire en économisant les efforts, pour préserver l’air contenu dans la(es) bouteille(s).
Le plongeur décompresse en descendant
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Le corps est à l’horizontal.
Les mouvements sont lents, le plongeur économise les efforts, l’air dont il dispose. L’équipement contraint la mobilité du corps, le plongeur adopte une position horizontale, la tête en avant. Le masque réduit le champ de vision, les objets paraissent plus proches, et plus gros. Les couleurs disparaissent avec la profondeur, le bleu est omniprésent. En présence d’un éclairage artificiel les couleurs s’intensifient. La turbidité1 de l’eau trouble l’horizon. 1
teneur d’un liquide en matières qui le troublent. Un éclairage artificiel permet de redonner de la couleur aux éléments
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Le bruit de la respiration rythme la plongée
Les bulles relachées remontent à la surface en colonne
Le regard est captivé par tout ce qui nous entoure. Nous sommes émerveillés. Le goût et l’odeur disparaissent (sauf le goût salé de l’embout). L’ouïe ne perçoit que le son de la respiration lente, bruyante. La respiration devient visible ! les bulles qui sortent du détendeur, pour remonter vers la surface, frôlent le visage. L’inspiration et l’expiration invitent le plongeur à l’introspection, et l’immerge plus encore dans la solitude. La communication réduite au langage des signes amplifie cette sensation.
Le langage des signes, unique moyen de communication
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Représenté ici sur un plan en deux dimensions, le plongeur évolue librement dans les trois dimensions
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Cette coupe schématique représente le déplacement d’un plongeur en bouteille. Le plongeur descend jusqu’à une certaine profondeur, puis remonte lentement à la surface, le temps de sa plongée, évitant ainsi les paliers. Le déplacement du corps se fait à l’aide des palmes, et aussi en gonflant ou vidant les poumons de l’air contenu. lorsque le plongeur gonfle ses poumons il devient plus léger, il remonte. lorsqu’il les vide, il devient plus lourd, il descend. Sans le rapport direct avec l’espace terrestre, il est aisé de perdre ses repères. Puisqu’il dispose d’une réserve d’air, et profite d’un temps de plongée relativement plus long, le plongeur peut s’attarder sur des éléments de détail comme des algues, la surface de la roche, ou bien encore, un poisson caché dans une cavité.
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2.LA PLONGÉE EN APNÉE Masque et tuba
Combinaison néoprène de 5mm Appareil photo
Crayon caché dans la manche
Ceinture de plombs 8 kg
Carnet de croquis
L’équipement tient dans un grand sac de randonnée
Couteau
L’équipement pour l’apnéiste est moins contraignant il lui laisse une grande liberté de mouvements. Néanmoins la ceinture de plomb qui leste le plongeur peut s’avérer lourde à porter sur le trajet jusqu’à l’eau. Lorsque je plonge, seule une petite partie de ma peau est en contact avec l’eau, la combinaison intégrale et le masque protégeant le reste.
Palmes
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La mise à l’eau peut se faire depuis la plage
En apnée la mise à l’eau devient un rituel. On s’assoit au bord de l’eau, (quand c’est possible), on ajuste la ceinture de plomb, on chausse les palmes. On se détend, et on se prépare mentalement à l’effort. La respiration se ralentit. Ce moment de transition est important, l’eau nous enveloppe, le corps flotte aidé par la poussée de l’eau, on change de position.
Le moment précédant l’immersion, les pieds dans l’eau.
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L’apnéiste perçoit le paysage d’abord en plan.
A cet instant le plongeur, encore au dessus de la surface de l’eau, surplombe le fond, le paysage marin lui apparaît en plan. Le sol, de plan horizontal devient plan frontal. Pour se répérer il est encore possible de lever son regard tant nos repères sont habitués au monde terrestre. Une fois sous l’eau, notre sens de l’orientation est perturbé, notamment par la visibilité amoindrie.
Il suffit de lever la tête pour se situer
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Flotter au dessus du vide renvoie à une sensation d’apesanteur. Les paysages verticaux ne sont plus une limite au déplacement. On ‘‘vole’’ au dessus des gouffres, cela peut devenir par moment vertigineux. La gravité est toujours présente mais elle est compensée par la poussée de l’eau, le plongeur évolue librement dans un espace en 3 dimensions. L’épaisseur devient saisissable, pénétrable, on y évolue librement.
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Cette épave s’est avérée plus grande que moi
Sous l’eau, vu de dessus, tout devient petit, les volumes changent. Certes l’élément liquide déforme notre vision, et un objet vu tout petit, peut se révéler beaucoup plus grand que soi. La position horizontale du plongeur, tête en avant, fait perdre la verticalité du corps qui nous permet la mesure des hauteurs. En levant les yeux on perçoit le monde terrestre, comme à travers un miroir sans tain, tel Orphée retrouvant Eurydice, les verticales deviennent écrasantes. Puis la remontée vers l’air en surface, nous fait prendre conscience de l’épaisseur de l’eau que l’on traverse.
le rapport à la surface est omniprésent
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Sous l’eau la vue est captivée par tous les éléments inconnus : la végétation, la faune, les textures des roches et des sols, ainsi que les jeux de lumières.
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Cette coupe schématique présente le trajet d’un plongeur en apnée. L’effort est permanent, chaque descente se ressent physiquement par la pression de l’eau, et le manque d’air. Le corps libéré de la gravité terrestre, se déplaçe horizontalement et verticalement. Le rapport à la surface terrestre reste très présent. Le plongeur doit remonter pour respirer. Il repére alors sa position, et decrypte plus facilement la relation entre le paysage terrestre, et le payage sousmarin. Quand il est en surface, la vision en plan du paysage sous-marin, redevient une vision en volume lors de la plongée. Cette perception alternée, entre paysage terrestre et paysage marin, pemet d’en comprendre la totalité, mieux que ne le peut faire un plongeur en bouteille évoluant sous l’eau. Quand le plongeur en apnée remonte vers l’air en surface, il se rend compte de l’épaisseur à traverser, juste en dirigeant son regard vers le haut. Il y a une dualité forte entre la sensation de vertige que procurent les profondeurs, et la sensation de calme qu’imposent les grandes surfaces horizontales, baignées d’un bleu permanent. La brièveté d’une plongée oblige à mémoriser les images, les sensations, pour pouvoir les communiquer, les échangers, une fois revenu à la surface terrestre, avec les autres plongeurs. S’ajoute à cela les contraintes physiques imposées par un environnement qui ne lui est pas naturel. C’est tout cela qui donne cette intensité si particulière de la plongée en apnée, qui favorise la compréhension du paysage. Sous l’eau, la contemplation muette du paysage permet d’en apprécier, d’en disséquer chaque sensation, mais elle appartient au monde aquatique. Plus tard, revenu dans le monde terrestre, la narration, la communication, l’échange des impressions et des sensations redeviennent possible.
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DESSINER SOUS L’EAU
Comment un paysagiste parle-t-il du paysage sous-marin ? Comment parle-t-il de l’espace perçu ? Le croquis d’ambiance est un des outils du paysagiste pour représenter le paysage comme un espace vécu. J’ai voulu confronter cet outil au paysage sous-marin, utiliser l’instantanéité du trait pour qualifier les différents espaces, capter la structure de ces paysages. La temporalité du regard, et l’état physique, étant également retranscrit dans ces dessins. Pour ces croquis, je découpe des plaques de polypropylène de dimensions variables, (ex : 29x18 cm), que j’assemble en carnet sur un support rigide. Ce carnet est attaché à la ceinture à portée de main sur la cuisse gauche. Les crayons sont glissés dans les manches de la combinaison. Ce sont des crayons gras résistants à l’eau. les croquis me servent de base pour réaliser des toiles. La peinture est un moyen de retranscrire mes impressions, que ce soit pour décrire un lieu ou une ambiance, elle me permet aussi de laisser place à mon imaginaire, renouant peut être ainsi, avec d’illustres prédécessurs : Jules Vernes, Méliès et bien d’autres encore.
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Le carnet de croquis du paysagiste plongeur.
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CARACTÉRISTIQUES DU PAYSAGE SOUS-MARIN
Sur terre l’horizon joue un rôle essentiel dans le paysage, elle lui donne sa limite plus ou moins lointaine. Sous l’eau, le champ visuel est restreint par la turbidité, cf. pXX. Il n’y a pas d’horizons lointains, le paysage se découvre au fil de la nage. L’imaginaire est alors stimulé.(Fig.1) Lorsque l’on se trouve en surface, le sol est perçu en plan, le plan horizontal de référence est perturbé. Une fois sous l’eau, il y a deux surfaces horizontales qui font office de repères, d’une part le sol sous-marin, et la limite entre l’air et l’eau, d’autre part (Fig.2). Ces deux plans horizontaux délimitent l’épaisseur de l’eau. Ils renseignent sur la profondeur, et conférent au paysage une dimension fortement verticale (Fig.3). Le corps évolue dans une épaisseur qui devient perceptible; on la ressent . Sur terre l’épaisseur de l’air, entre la terre et le ciel, nous est presqu’imperceptible.
p.67 Acrylique sur toile 114x46 cm retouchée sur photoshop : ‘‘L’eau, entre terre et air”
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Fig.1
l’horizon flou.
Fig.2
les deux surfaces repères.
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Fig.3
l’épaisseur de l’eau.
Sous l’eau la palette de couleur est restreinte. On est plongé dans une infinité de bleu. Dès cinq mètres de profondeur, le rouge disparait, et le bleu devient de plus en plus sombre à mesure que l’on descend (Fig.1). Seule, une lumière artificielle permet de faire réapparaître les couleurs, comme le rouge flamboyant de certaines algues. La verticalité des formations rocheuses (Fig.2), du paysage vient contraster avec l’horizontalité de la surface de l’eau (Fig.3), ce qui donne lieu a des paysages majestueux. D’une certaine façon cette opposition délimite l’épaisseur de l’eau, la rendant encore plus perceptible. ‘‘Dans ce que est senti comme majestueux, comme splendide [...], le spectateur perçoit aussi le sentiment de sa propre petitesse vis-à-vis de ce qui est surhumain. L’impression que donne l’énormité des grandes surfaces horizontales est très différente. L’effet qu’elles produisent a plutôt le caractère d’une détente, c’est un effet calmant et un peu endormant’’ Dr Willy Hellpach dans ‘‘Géopsyché : l’âme humaine sous l’influence du temps, du climat, du sol et du paysage’’ 1944. p. 69 Acrylique sur toile 103x76 cm retouchée sur photoshop ‘‘Orgue à vagues’’
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Fig.2
Fig.3 Formations rocheuses verticales.
l’horizontale de la surface de l’eau.
Fig.1
Le bleu à l’infini.
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La surface de l’eau devient miroir, en réfléchissant une partie des rayons du soleil. Plus le soleil est haut dans le ciel, moins les rayons sont réfractés, plus les couleurs sous l’eau sont vives. A l’aube, ou au crépuscule, les rayons sont rasants, la majeure partie en est réfléchie, sous l’eau il y a peu de lumière. Sous la surface la lumière devient palpable, c’est comme si en entrant dans l’eau elle prenait consistance. Ce sont en fait toute les particules contenues dans l’eau, et qui réfléchissent la lumière qui lui donne cette consistance (Fig.1). Le contraste plus marqué, entre l’ombre et la lumière a des effets sur le champ visuel. La partie éclairée estompe la zone d’ombre, il devient difficile de percevoir les détails d’une roche par exemple, seule une masse sombre reste perceptible (Fig.2). Dès que l’on sort de la lumière, l’oeil s’adapte, et l’on perçoit alors les détails ignorés. La partie éclairée devient alors trop lumineuse pour percevoir, à son tour, nettement les détails (Fig.3).
p. 71 Acrylique sur toile 70x70 cm retouchée sur photoshop ‘‘Ombre et lumière”
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Fig.1
Ombre et lumière.
Fig.2
la partie éclairée
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Fig.3
la partie à l’ombre
La lumière augmente la perception des mouvements de l’eau dans le paysage marin. Les ondulations de l’eau font danser les rais de lumières, et dessinent sur le sol des tâches lumineuses qui se déplacent sans cesse. Le paysage sous-marin est en perpétuel mouvement. Le corps même de l’observateur reste difficilement stable. L’eau de la mer n’est jamais figée, les éléments mobiles sont entrainés par elle. Les algues se meuvent comme au ralenti avec le mouvement des vagues. L’intensité du mouvement dépendra de l’état dans lequel se trouve la mer. Mais même lorsqu’elle devient mer d’huile, et paraît en surface ne pas bouger, sous l’eau il y a toujours un ballotement.
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TABLEAUX
Pour ce diplôme, j’ai voulu poursuivre mon travail de peinture débuté l’année précédente. Faire du pinceau un outil pour représenter ces paysages sous-marins. Au nombre de six, ces peintures m’ont permi d’exprimer ma vision de ces paysages. Elles sont pour moi un moyen de faire partager mes impressions, mon ressenti. C’est aussi une façon de faire travailler ma mémoire. J’emporte dans mon atelier, la trace que j’aie dessinée sous l’eau pour lui donner vie dans ma peinture. Je leur ai donné un titre, qui parle d’un lieu ou d’une caractéristique. J’ai également noté une idée de la profondeur, et de la température de l’eau, pour marquer l’importance de l’état physique dans lequel j’étais.
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QUELQUES MOTIFS DU PAYSAGE
1: Trottoir a lithophyllum 2: Tombant 3: Roche en ‘‘racines’’ 4: Encoche littorale
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5: Algues asparagopsis (prolifèrent au printemps) 6: Posidonie en touffe 7: Blocs 8: Fond de détritique côtier
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9: Fond sableux
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10: Epave anti-chalut 9
11: Prairie de posidonies 10
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DU DESSUS AU DESSOUS, À LA DÉCOUVERTE D’UN PAYSAGE QUESTIONNEMENT
Dans la première partie, j’ai brièvement montré que le paysage sous-marin existe, souvent encore, en tant que paysage imaginaire, révé ou fantasmé. Mais est-il perçu autrement? Comme un espace vécu ? Définition du paysage de la convention européenne : ‘‘Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations.’’ Lorsque l’on parle de paysage sous-marin la question des populations percevant ce paysage se pose. Une étude datant de 2005 estimerait à 340 000 le nombre de pratiquants annuel de la plongée de loisirs. A partir de quand peut-on parler de population ? Peut on alors parler de paysage sous-marin ? Je pense que oui et l’idée de travailler le projet de paysage dans le millieu marin est une manière d’affirmer l’existence de ce paysage. Amener des populations à percevoir ces paysages, à les reconnaître et les vivre est pour moi un moyen de faire naître ces paysages dans une conscience collective. Comment se projet prend forme ? Qu’est ce qu’un paysagiste peut il proposer comme aménagements mettant en valeur le paysage sous-marin ?
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Lorsque l’on parle de projets dans les paysages sous-marins aujourd’hui, on pense notamment à l’émergence des sentiers sousmarins, utilisés pour faire découvrir et sensibiliser le grand public à cette notion de paysage sous-marins. Ces sentiers proposent des visites ( guidées ou non ) dans des milieux marins et sont accessibles par tous. La calanque de Port-pin est selon moi un endroit idéal pour faire découvrir ce paysage. Cela soulève de nombreuses question concernant un possible projet :
Quelles informations sont données au public et à quel endroit ? Où commence un sentier de découverte du paysage sous-marin ? Sur terre, en mer ? Comment inciter les gens à plonger ? Que vient on voir ? Comment tenir compte de l’expérience de la plongée pour la partager ? Comment aménager l’accès pour le public tout en respectant le lieu ? Que deviennent les zones de mouillage et de visite des bateaux ? Que propose-t-on pour le public qui ne plongera pas ?
Voilà les questions auquelles le projet doit répondre.
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DU DESSUS AU DESSOUS, FIL ROUGE
Pour moi, un projet qui traite du paysage sous-marin ne ce limite pas à un sentier sous l’eau. Nous sommes des terriens, j’entends par là habitués au monde terrestre. C’est la raison pour laquelle mon projet ne se limite pas à ce qui se passe sous la surface. Le but de ce projet est d’inciter les visiteurs à aller découvrir le monde sous-marin, qu’ils puissent le reconnaître comme un ensemble paysager. Le fil rouge de ce projet, est un sentier qui part de l’entrée dans le massif des calanques et qui rejoins la calanque de Port-Pin. Il permet de mettre en condition, de préparer, le visiteur à la découverte du paysage sousmarin. Les aménagements sont simples, inspirés de l’ambiance des lieux traversés. Les ruines des différents bâtiments, au position stratégique, sont réhabilitées.
Ce projet fait le lien entre le paysage terrestre, le dessus, et le paysage sous-marin, le dessous.
Les différentes étapes du sentier sont présentées, de l’arrivée au parking jusqu’à la visite du paysage sous-marin.
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Le sentier dans sa globalitĂŠ
LE SENTIER VERS LA CALANQUE DE L’ENTRÉE À LA MAISON DU PARC
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L’arrivée depuis Cassis peut se faire en voiture, ou à pied. Le parking est aggrandi sur l’ancien espace de la carrière, à l’ombre de la roche 1 . La structure du bâtiment est conservée et sert de halle pour garer les automobiles. En pleine été, l’ombre est grandement apréciée. Le départ du chemin menant aux calanques se fait à l’ombre des pins. Il longe le bord de Port-Miou laissant libre la vue sur les bateaux 2 . Des pins se sont développés ou ont été plantés procurant ainsi un ombrage tout le long du chemin. Le chemin arrive ensuite à la maison du parc, ancien bâtiment réabilité 3 . On trouve là des informations concernant le Parc national et aussi une première approche du paysage sous-marin. C’est à partir de ce point que les gens auraient dans l’idée d’aller visiter les fonds marins.
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La vue sur Port-Miou à l’ombre des pins.
Le stationnement à l’ombre du rocher et le départ du sentier.
La maison du parc avec au fond le front de taile.
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DE LA MAISON DU PARC A LA MER
Le sentier se poursuit vers la mer. Par des plantations de pins on vient masquer la voie d’accès pompier 1 . Les promeneurs préféreront sans hésiter marcher à l’ombre, en longeant la mer, plutôt que d’emprunter la longue côte en plein soleil. Il est toujours possible d’emprunter les différents chemins de randonnées. Le sentier circule le long des anciennes trémies, d’où l’on chargeait les pierres issues de la carrière sur des bateaux 2 . Des fenêtres dans la végétation offrent des vues sur les bateaux amarrés dans la calanque de Port-Miou 3 . A partir de la dernière trémie le chemin vient se placer sur le flanc de la falaise et commence son ascension 4 .
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Les anciennes constructions en pierre datant de l’époque d’exploitation de la carrière.
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LE PREMIER BELVÉDÈRE
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Le chemin est construit en pierre, mais sa réalisation simple, et sans garde corps, permet au promeneur d’oublier ce côté artificiel et de profiter d’une vue sur la mer. Le sentier est suffisament large, pour que des randonneurs puissent se croiser 1 . Il monte progressivement à l’ombre, l’ascension y est facile 2 . Depuis le premier belvédère on peut contempler l’entrée de la calanque de PortMiou et l’horizon sur la mer 3 . La vue est projetée au loin. Sur l’assise en pierre du belvédère, une plaque, en lave émaillée, montre la période où les calanques ne connaissait pas la mer ; il y a 20 000 ans lorsque le niveau de l’eau était 120 mètres plus bas 4 .
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4 Le belvédère installé à flanc de falaise.
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DU BELVÉDÈRE À LA CALANQUE
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L’ascension se poursuit, toujours à l’ombre des pins. Le sol n’est plus glissant. Le chemin sillonne entre les arbres et les pierres, en suivant le terrain naturel et minimise ainsi la trace de l’homme 1 2 . Le marcheur se laisse guider, il ne passe plus son temps à regarder ses pieds pour éviter de tomber. Son regard est captivé par ce qui l’entoure. Il n’y a pas besoin de mettre de panneaux, le sentier utilise la même signalétique que les chemins de randonnées une simple trace de peinture sur une pierre permet d’indiquer le chemin de la calanque 3 . Son tracé se suffit à lui même, la plupart du temps. La descente est aménagée, moins que sur le dessin 4 5 , pour suivre au mieux le terrain naturel, et conserver une marche irrégulière. Il n’est plus nécessaire de délimiter des zones. Il est plus simple de descendre sur un sentier aménagé, que de crapahuter sur les rochers. La dégradation du milieu par le piétinement des nombreux marcheurs sera diminuée.
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DIRECTION LE MONDE SOUS-MARIN
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Au fond de la calanque, on trouve une maison construite sur les anciennes ruines 1 . Elle se divise en 2 parties : Dans la première, on y loue du matériel, (palmes, masque, tuba et combinaison), pour aller plonger. On peut aussi se changer ou bien s’inscrire à une visite guidée. Dans la deuxième partie, une mise en scène permet de découvrir le paysage sous-marin de la calanque. Des peintures représentant les fonds marins, la carte des paysages sous-marin; ou encore une maquette en pierre de la calanque et de ses fonds, permettent aux visiteurs qui n’iront pas plonger de découvrir ces paysages. Ceux qui participent à une visite guidée suivront le chemin qui mène au point de mise à l’eau. Ce chemin suit la pente naturelle de la roche 3 , comme une invitation à la baignade. Il est étroit, et mène jusqu’au point de mise à l’eau 4 5 .
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LA MISE À L’EAU
Le moment de la transition entre, le milieu terrestre et le milieu marin, est important. Le ritualiser fait partie de la préparation à la découverte. Il est dessiné comme une assise taillée dans la roche. Assise qui permet de se préparer, d’enfiler les palmes les pieds déjà dans l’eau. Cette assise peut être moins marquée, plus discrete. Les visites se font par petit nombre, 8 à 10 personnes pour un guide. Une bouée commune permet aux plongeurs de rester groupés, sans se fatiguer 1 . Grâce à cette bouée, on économise ses forces pour se déplacer, les plongées répétées deviennent plus faciles 2 . 1
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L’assise permet de ritualiser le moment de la transition. Le passage du monde terrestre au monde marin, le franchissement de la “surface�.
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CARTOGRAPHIER LE PAYSAGE
Il y a une multitude d’endroits à visiter dans les fonds de cette calanque. Il n’y a pas d’itinéraire fixe, le guide encadrant les plongeurs peut composer un itinéraire en fonction des conditions climatiques, et de l’expérience des plongeurs. Il est également possible de découvrir ces paysages de façon autonome. Cette carte est mise à disposition des plongeurs autonomes. Ils peuvent l’emmener sous l’eau, et annoter dessus comme j’ai pu le faire avec des crayons gras. Pour cartographier ces paysage la question principale est : Comment représenter, un paysage vertical, en plan ? Ma réponse : Une carte inspirée des anciennes cartes militaires. Elle mélange, représentation en plan et en élévation,et permet ainsi d’aprécier la dimension verticale des paysages sous-marins. Seule une partie du paysage terrestre est représentée : - la partie perçue par un observateur à la surface de l’eau. Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui il n’y pas encore de convention pour la représentation de ces paysages.
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Pointe d’en Vau
les hauts fonds La grande prairie L’éboulis Orgue à vagues L’épave La faille
Le petit pré les hauts fonds
Rail
La marche La pierre plate
Vers la pointe Cacau
Les racines de la pierre Le bac à sable Le petit fond Carte des paysages sous-marins.
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CHANGER LES USAGES
Aujourd’hui l’espace maritime de la calanque est majoritairement occupé par les bateaux laissant peu de liberté aux plongeurs. Dans le projet, la calanque devient un vrai lieu de découverte des paysages sous-marins. La limite de circulation des bateaux est repoussée. La zone de mouillage est déplacée, et munie de bouées écologiques (bouée avec un ancrage qui permet de ne pas détruire les herbiers de posidonies). Cette zone de mouillage est placée au dessus d’un banc de sable à un endroit où les fonds sont profonds et difficiles d’accès pour des plongeurs non aguerris 4 . Il y a plusieurs niveaux de ‘‘difficultés’’ dans ce nouvel espace : 1 -la zone de baignade 2 -l’espace du sentier sous-marin 3 -une zone pour les plongeurs aguerris qui se poursuit sur les bords de la calanque afin d’accéder aux hauts fonds et aux pointes.
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La calanque aujourd’hui.
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Les nouvelles restrictions du projet.
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LA POINTE D’EN VAU Les plongeurs aguerris irront s’aventurer dans les hauts fonds, et découvriront les deux pointes de la calanque. La pointe d’En Vau qui est située à l’entrée ouest de la calanque de Port-pin, est une fine langue rocheuse qui marque la limite entre la calanque d’En Vau et celle de Port-pin. Les tombants y font plus de 20 mètres de haut. Lorsqu’on longe le bord, on a l’impression que la pointe de la calanque se trouve derrière l’épéron rocheux que l’on apperçoit, dès qu’on le dépasse on se rend compte qu’il reste encore de la distance à parcourir 1 . Arrivé à la pointe, deux énormes blocs rocheux gisent à une quinzaine de mètres sous la surface 2 . La vallée formée par le plus gros bloc et la pointe de la calanque regorge de poissons 3 .
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20 m
La pointe d’en Vau à l’ouest
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LA POINTE CACAU La pointe Cacau est située à l’entrée ouest de la calanque. Cette pointe à deux visages, sur le côté Est, on voit les traces de l’exploitation de la pierre 1 , le côté Ouest est beaucoup plus naturel 2 . Le plus grand des tombants est à pic sur plus de 25 mètres, le regard se perd dans le bleu du fond 3 . Les clubs de plongée viennent souvent effectuer des excursions autour de la pointe. On peut notamment voir deux canons, datant de l’époque napoléonienne, qui se situaient sans doute sur le haut de la pointe, occupant une position stratégique sur la mer. Le premier se trouve dans la vallée entre la pointe et l’éperon rocheux 4 , le deuxième se trouve un peu plus loin vers l’Est 5 .
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20 m
La pointe Cacau à l’Est.
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LE BELVÉDÈRE SUR LES FONDS
Plusieurs circuits de randonnée mènent à la calanque. Il en est un qui part de la plage située au fond de celle-ci, et rejoint la calanque d’En Vau en passant près de la pointe. Sur ce sentier, il existe un endroit idéal pour installer un belvédère 1 . Depuis ce belvédère, installé sur un éperon rocheux naturel 2 , on surplombe toute la calanque de Port-Pin. Par beau temps, on entrevoit les fonds marins 3 . Un dessin de ces fonds 4 placé sur l’assise du belvédère permet aux randonneurs d’imaginer les paysages sous-marins à portée de vue.
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POSITION VERTICALE
1.3 m
Au fil de mes plongées, je me suis rendu compte que les moments où je percevais le mieux le paysage, où je le comprenais plus facilement, correspondaient à mes remontées. Lorsque mon corps se trouvait en position verticale, lorsque je retrouvais une partie de mes repères habituels du monde terrestre. Une bouée immergée permet aux plongeurs du sentier sous-marin, de se mettre plus facilement dans cette position verticale. C’est aussi une invitation à plonger, rendre la descente plus accessible. Cette bouée au fonctionnement simple peut être disposée à certains endroits pour mettre en valeur un point de vue sur le paysage.
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Un plongeur en position verticale grâce à la bouée. Placée à certains endroits, la bouée constitue une invitation à découvrir le paysage sous un autre angle.
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LA BULLE DE PLONGÉE En parcourant les paysages sousmarins de la calanque, j’ai pu croiser des plongeurs en bouteille. Au dessus d’eux, je voyais passer ces grosses bulles d’air (1,2). Comme tant d’autres avant moi (3) je me suis dit qu’il serait génial de pouvoir me placer à l’intérieur. Disposer d’une réserve d’air pour pouvoir admirer le paysage environnant. Le fonctionnement de cette bulle de plongée est simple. On vient installer le socle à un endroit choisi. La bulle est mise à l’eau puis tractée vers le fond. Le plongeur en apnée peut ainsi accéder à cette réserve d’air. Il peut apprécier le paysage en restant au contact de l’eau, dans la position verticale.
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2
‘‘Dans l’eau, l’heure des poètes précède même celle des savants. Nous avons besoin d’écrivains et de poètes dans les profondeurs de la mer, tout autant que de biologistes et de géologues : pour nous aider à débrouiller la complexité de ce que nous voyons, pour nous fournir des instruments intellectuels commodes.’’ Philippe Diolé
3 cloche de Halley, 1690
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Un fonctionnement simple. La bulle arrive par bateau.
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier :
Avec les membres du jury après la soutenance du 4 juillet 2012.
mon encadrant, Alain Freytet, pour son aide précieuse tout au long de ce travail. Les membres du jury : Stéphanie Buttier, Jacques Collina-Girard, Olivier Musard et Luc Talassinos pour leurs critiques, et apports lors de ma soutenance. Les camarades de promotion pour leurs conseils, Jean-Pierre pour son accueil chaleureux à l’auberge de la Fontasse, Jacques pour ma première plongée en bouteille, Fabienne et Cri-cri, pour ma seconde plongée en bouteille, Mon père pour son soutien littéraire, Mon grand-père pour toutes les couleurs qu’il m’a léguées, et pour la passion picturale, et toutes les autres personnes que j’ai pu rencontrer pendant ce travail, et qui m’ont soutenues.
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages : ‘‘Court traité du paysage’’ Alain Roger 1997 ‘‘L’invention du paysage’’ Anne Cauquelin 1989 ‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ Jules Verne 1871 ‘‘Du delta du Rhône à la rade de Toulon. Guide Géonautique’’ Georges Bronner 2006 ‘‘Géopsyché. L’âme humaine sous l’influence du temps, du climat, du sol et du paysage’’ Dr Willy Hellpach 1944 Article : ‘‘Le proche espace sous-marin : essai sur la notion de paysage’’ Olivier Musard dans ‘‘L’Espace Géographique’’ tome 36, 2007 Films : ‘‘Le Grand Bleu’’ Jean Luc Besson 1988 ‘‘Abyss” James Cameron 1989 ‘‘Les Dents de la mer’’ Steven Spielberg 1975 ‘‘Vingt mille lieues sous les mers’’ Richard Fleischer 1954 ‘‘Le Royaumes des fées” Georges Méliès 1903 Je ne pourrais détailler les nombreuses bandes-dessinées que j’ai lues pendant ce travail, juste citer quelques auteurs : Moebius, Maurice Sendak, Guardino, Sebastien Maurice, Frank Miller
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SOURCES ET DROIT D’AUTEURS
P 11 “Chartre de bonne conduite de l’espace naturel des calanques”, tract papier P 40 Document d’information, Gip des Calanques Guide faunistique et floristique, sentiers sous-marins de la Réunion P 42 Carte Géologique Aubagne-Marseille P 43 Illustrations inspirées du guide géonautique de Georges Bronner (cf Bibliographie) P 7,8, 9, 12, 14, 18 Images aériennes : Géoportail P 10, 32 à 39, 41, 44, 53, 110 Illustrations complémentaires Internet Tous les autres documents (photos, dessins, cartes) ont été réalisés par l’étudiant.
L’étudiant qui rédige un mémoire ou une thèse en est considéré comme l’auteur unique par la jurisprudence et par la loi (Code de propriété intellectuelle, article L112-2). Il est donc totalement protégé par le droit d’auteur. La diffusion sur Internet est soumise à l’autorisation de l’auteur.
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