Architecture & Frugalité - Mémoire étudiant - ENSA Normandie 2017-2018

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Concevoir, Produire, Transmettre

Ferrand Maxime – Master 2 – 2017 / 2018 École Nationale Supérieure d'Architecture de Normandie Pôle Architecture, Environnement et Cultures Constructives Sous la direction de : Laurent Mouly et François Fleury



Introduction

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I. Une approche étymologique et littéraires

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1. Étymologie

p.10

2. Quelques définitions supplémentaires

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3. Lorsque l'on parle de frugalité

p.20

II. Une approche par la pratique

p.55

1. L'éco-quartier BedZED

p.58

2. Le groupe scolaire des Boutours

p.74

3. Le Lieu Unique

p.94

III. Concevoir, Produire, Transmettre

p.111

1. Concevoir : De la pensée à la démarche

p.112

2. Produire : Méthodes, ressources et matériaux

p.119

3. Transmettre : Sensibilisation, usages et normes

p.128

Conclusion

p.135

Bibliographie

p.140

Iconographie

p.149

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L'architecture est, et a toujours été, un domaine déterminant dans l'appréciation et la compréhension de notre époque. L'environnement dans lequel nous vivons induit explicitement et implicitement notre regard sur le monde. L'architecture civile, l'abri, ou l’art de clore et de couvrir les lieux1, détermine les espaces dans lesquels nous déambulons chaque jour, les espaces dans lesquels chaque individu doit s'épanouir et grandir, mais aussi comprendre et apprendre de l'environnement dans lequel il évolue. « L'architecture est au service de la construction réfléchie des espaces où les gens vivent »2. L'Homme n'a de cesse d'évoluer, de changer et il peut normalement se fier aux espaces qu'il parcourt, comme d'une valeur sûre et implicite qui l'inspire au fil du temps. L'architecture est comme une chronologie des expériences et des (r)évolutions de l'Homme au cours des siècles. Les problématiques d'aujourd'hui sur un développement plus durable doivent passer par l'architecture, qui doit être le socle à partir duquel naît chaque nouveau projet. Il parait donc évident que la production architecturale à une valeur très forte sur notre avenir et sur la façon dont nous devons l'appréhender car c'est un domaine qui nous touche tous individuellement. Notre rapport aux espaces influence nos modes de vie et est déterminant pour notre façon de penser et de vivre, les endroits sain et confortable sont inspirants. Si le phénomène n’est pas nouveau, la prise de conscience de la responsabilité humaine dans la perturbation de l’environnement a gagné toutes les strates de la société. Le concept de l’écologie et du développement durable a pénétré toutes les sphères sociétale (politique, sociale, économique, technique …) au point de devenir un véritable enjeu pour les territoires. La période actuelle voit une conscientisation croissante de l’importance de nos ressources planétaire. L’exploitation à outrance au profit du développement économique ne peut plus se faire qu’au détriment de l’équilibre social et environnemental. Le secteur du bâtiment est responsable d'environ 45 % de la consommation mondiale d'énergies, donc une grande partie de l'émission de CO2. L'architecture doit se tourner vers une attitude plus éthique et s’interroger sur les potentialités de la construction alternative. Cette architecture

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Définition donnée par Diderot et d’Alembert, L'Encyclopédie Diderot et d'Alembert : Architecture, Tome 1, 1751, p. 617-618

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Alejandro Aravena, architecte, Pritzker 2016, pour Le Monde Diplomatique, n°744, mars 2016, propos recueilli par Oliver Namias

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ne doit pas se borner aux aspects purement techniques, avec comme ambition l'obtention d'un quelconque « éco-label ». Il faut aujourd’hui questionner l'individu, la matière et l’environnement par-delà la qualité formelle et s’intéresser à la façon de matérialiser la frugalité dans l'architecture. Il faut alors s’intéresser à trouver un outil pédagogique, une démarche simple dans laquelle manipuler ces notions : une démarche frugale est une démarche de sobriété, qui tend à réinterroger les questions éthiques, environnementales et sociétales et y répondre avec empathie et pragmatisme. La démarche frugale est une posture qui influence le discours architectural, le processus mais aussi la pédagogie autour de la transmission de valeurs contemporaines. C'est dans la forme, dans la matière et dans l'usage que l'architecture doit questionner ces notions de développement durable et de sobriété architecturale. L'architecture doit voir l’avènement de projet plus en phase avec nos problématiques actuelles dont l'usage prime sur la forme et dont la méthode est aussi importante que le résultat. Des initiatives dont l'utilité sociale est évidente et immédiate ; les architectes au service du plus grand nombre plutôt que du « marché ». L'architecture frugale se dessine par la recherche de la simplicité constructive, la rationalité, et surtout d'une sincère empathie de la part de l'architecte. La simplicité c'est être « léger ; sobre ; modéré ; réservé ; modeste », autant de synonyme qui se mettent directement en relief avec certaines caractéristiques et attitudes architecturales. Cette démarche n'est pas un modèle type de conception architecturale, c'est plutôt une façon de penser qui intervient en amont, qui influence chacun des choix et des idées du créateur. La question vise à comprendre quelle différence s’opère en comparaison d’un projet plus conventionnel et plus normalisé. À partir de cette idée, on peut dégager une problématique : Comment la démarche frugale peut-elle influencer la conception et la réalisation architecturale pour générer une architecture responsable et pédagogique ?

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Par quels processus s’opère ou s’opérera ce changement pragmatique ? Quelles nouvelles pratiques, usages, processus d’élaboration sont pensés par les architectes afin de se projeter vers de nouveaux enjeux environnementaux ? Quelles nouvelles relations impliquent-t-il entre l’architecte et l’individu ?

Ce mémoire interroge la possibilité d’une autre posture écologique au sein de la pratique architecturale à travers la démarche frugale. Pour comprendre cette démarche, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'une technique type de construction écologique mais bien d’une idéologie concrète qui influence l’architecte et son architecture, visant à la rendre plus en phase avec son environnement physique et naturelle. Nous allons essayer de comprendre l’intérêt d’une posture frugale dans l’architecture en construisant trois parties : une première qui analyse le discours et la posture par une observation étymologique et littéraire ; suivi de différentes réflexions, chacune dans une thématique différente sous-tendu par un fond connivant qu'est le retour aux valeurs éthiques et l'importance de l'individu dans le cycle de la conception. La seconde partie analyse trois cas pratiques, avec trois approches différentes : - Le BedZED de Bill Dunster emprunte à la nature une approche éco-systémique qui lui permet de considérer l’entité « quartier » comme un tout : murs, matériaux, flux d’énergie et d’eau, habitants, transports… pour être en adéquation avec l’individu et son environnement. Bill Dunster décide d’orienter sa réponse par une architecture plutôt Hightech qui préconise des systèmes mécaniques performants. - Le groupe scolaire des Boutours de la ville de Rosny-sous-Bois emprunte un discours pédagogique pour apporter une médiation entre l’individu et le bâtiment, le but est d’interpeller et de transmettre des valeurs et des savoir-faire aux citoyens. Il développe une architecture régénérative autour de matériaux bio-sourcés, de systèmes naturels simples et d'une participation citoyenne active.

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- Le lieu Unique de Patrick Bouchain s’oriente vers démarche de simplification et de conservation, en se servant au maximum de l’existant, requalifiant chacun des éléments réhabilités par des matériaux recyclé ou de réemploi. Le discours politique sous-tendu contraste avec une simplicité autant dans la programmation que dans la matérialité pour persuader de la nécessité de construire autrement. La troisième partie interprète les deux premières pour comprendre les réels tenants et aboutissants d’une telle démarche au sein du marché de la construction en comprenant que la frugalité peut être interpréter dans le discours, dans les usages et/ou dans la matérialité et dans sa faisabilité dès l'approche de conception, confronté aux techniques et aux réglementations en vigueur. Ce travail de recherche est à la fois exploratoire et descriptif et a pour objectif d’arriver à schématiser la démarche frugale, pour faciliter son application dans l’architecture. Ce mémoire n’est pas un recueil exhaustif de toutes les techniques utiles pour prétendre à une démarche frugale, il s’agit plutôt ici de formaliser quelque notions et valeurs propres à cette démarche alternative et ambitieuse pour en comprendre la logique et les méthodes. Bien évidemment chaque projet est à considérer au prisme de ses spécificités culturelles et environnementales.

« Les plus grands produits de l'architecture sont moins des œuvres individuelles que des œuvres sociales ; plutôt l'enfantement des peuples en travail que le jet des hommes de génie » Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831

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« Utilitas, Firmitas, Venusta »

(1) Vitruve, parlant de l’architecture, De architectura, 1er siècle avant J.-C, traduction du latin : « Utile, Solide, Belle »

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1. Étymologie Définition CNRTL : FRUGAL, ALE, AUX, adj. [En parlant d'une pers.] Qui se contente d'une nourriture simple. « Un homme frugal. Deux sauvages (...) frugaux comme leurs parents, et qui préféraient aux viandes le pain, le fromage dur, la salade, l'œuf frais » (Colette, Sido, 1929, p. 130) 1. « La salle à manger, au premier étage, recevait, vers midi, quantité de vieilles demoiselles frugales ou peu fortunées, qui prenaient leur maigre repas en face d'une énorme pancarte où l'on pouvait lire (...) : L'Éternel est mon berger ; je n'aurai point de disette. » (Gide, Si le grain, 1924, p. 576) Qui est simple, sobre dans sa façon de vivre. « Il n'hésite pas à nommer le dissipateur un fléau public, et tout homme frugal et rangé, un bienfaiteur de la société » (Say, Écon.pol.,1832, p.115) 2. « Que l'Allemagne, par exemple, laisse seulement pendant quatre ans dans les mains de la classe laborieuse et frugale, les revenus qui servent au faste de toutes ses petites cours et de ses riches abbayes ; et vous verrez si elle sera une nation forte et redoutable. » Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 94. [En parlant d'une chose] Qui est empreint de simplicité, de sobriété. Vie frugale ; habitudes frugales. Qui consiste en mets simples et peu abondants. Repas, nourriture frugal(e). Le frugal réveillon, où l'on mangeait des châtaignes (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 108)

« Ce n'est pas à bord de cette barque que j'allais prendre une once de graisse ! Un oignon cru, une gousse d'ail, six olives noires. À ce menu plus que frugal venait s'ajouter le poisson (...), du fromage, du ravitaillement en pain ou en biscuits de mer, des flopées de sardines fraîches... » (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 178)

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Définition du dictionnaire Littré : FRUGAL, ALE, AUX, adj. Prononciation : fru-gal, ga-l’adj. Qui se contente d'une nourriture simple, d'aliments peu recherchés. Il est très frugal. Il se dit des choses au même sens. Mener une vie frugale. Repas frugal, table frugale, repas, table où l'on ne sert que des mets simples et sans apprêt. Remarque : Le pluriel frugaux n'est pas usité. Cependant il faut approuver Legoarant qui écrit : « Je ne vois aucune raison pour ne pas dire des repas frugaux, des hommes frugaux ». C'est en effet une lacune regrettable que l'absence de ce pluriel ; et frugaux n'a rien qui doive choquer. Synonyme : Frugal, Sobre. L'homme frugal se nourrit de mets simples ; l'homme sobre ne mange que ce qui est nécessaire à ses besoins ; on peut être sobre à une table somptueuse. Frugal a rapport à la qualité des mets, sobre à la quantité. Historique : XVIe s. Étymologie : Lat. Frugalis, de frux, fruit, moisson : qui est propre aux moissons, qui vit des fruits de la terre et, de là, frugal.

Définition de L'académie française : FRUGAL, ALE, AUX, adj. Qui se contente de mets simples. Un homme frugal. Par extension, Vie frugale. Qui consiste en mets simples. Repas frugal. Table frugale.

L'ensemble de ces définitions apportent une première compréhension et ouvrent la frugalité à différentes interprétations. Le rapport matériel est celui qui renvoi à la possession, à la notion du besoin de posséder telle ou telle chose, différenciant ce qui est nécessaire de ce qui est superflu. Le rapport spirituel renvoi quant à lui à des notions de mode de vie, en adéquation avec une simplicité dans le rapport au monde environnement.

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L'homme dans son esprit se construit ses propres besoins, la frugalité renvoi à ce sentiment de dégagement vis-à-vis de ces besoins en se recentrant sur des besoins plus naturels. L'Homme frugal se nourrit de mets simples ; l'Homme sobre ne mange que ce qui est nécessaire à ses besoins. La frugalité a rapport à la qualité des choses, sobre à la quantité. On dira par exemple, une politique frugale, un contexte de frugalité, une ville frugale, un bâtiment frugal … En rapport avec l'individu on pourra lire aujourd'hui « qui se nourrit de peu, qui vit d'une manière simple » ou encore « qui est empreint de simplicité, de sobriété ». L’approche frugale va aujourd’hui plus loin et ne se restreint pas à un nivellement vers le moins-disant : elle est intimement liée à la volonté de transition et d’une approche moins consommatrice de ressources. Il est important de comprendre que dans l’architecture, la frugalité ne déconstruit pas le système actuel de conception architecturale mais est utilisée pour indiquer que l’innovation est sous l’influence de plusieurs contraintes à degrés variables, selon le pays, l’organisation, les ressources, etc. Elle sera négative si elle est implémentée afin d’exiger plus des intervenants sans respecter un équilibre dans les échanges. « Eco-Construire équivaut aujourd’hui à atteindre une haute performance sur plusieurs cibles touchant à l'environnement, au confort et à la santé des occupants d'un bâtiment, en particulier la préservation des ressources énergétiques (matières premières, eau), la lutte contre le changement climatique, la réduction des déchets et de la pollution, la qualité de l'air intérieur, le confort des occupants (acoustique, visuel, la qualité environnementale et sanitaire des produits de construction. Les acteurs de la construction disposent aujourd'hui de référentiels, normes ou certifications pour les aider dans leurs projets et garantir l'atteinte de ces performances »3 Voici la définition donnée par le ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l'énergie. L'objectif soumis par le gouvernement à travers cette définition officielle est assez clair : la construction doit répondre aux normes de confort de notre société tout en essayant d'économiser de l'énergie. On remarque aujourd’hui que les solutions écologiques sont

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Définition donnée par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie [en ligne], https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr

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notées a posteriori sur leurs performances énergétiques et basées sur l'amélioration des outils techniques dans le projet. Les architectes font aujourd'hui appel à des bureaux d'études composés d'ingénieurs, d'urbanistes, et de techniciens qui traitent la question comme un problème scientifique auquel ils apportent des solutions par le bais de calculs, liant économie financière et énergétique. Mais cette approche néglige tout ce qui tourne autour de l’individu et de la pédagogie en amont du projet et pendant celui-ci (choix constructifs, choix des matériaux, du lieu, du mode de production ou encore de leur mise en œuvre …). Cette définition, bien que juste, tend vers une normalisation de l'écologie et du développement durable avec un modèle type de réussite, mettant de côté le contexte, les rapports humains et de société. Dès lors, cette définition devient insuffisante. Il faut lier la thématique environnementale avec la thématique sociétale pour tendre vers la frugalité, dépassant le simple geste d’une écoconstruction. Le bâtiment frugal s'inscrit dans une vraie stratégie au sein de son territoire, il doit aussi s'adapter au contexte des années à venir dû au changement climatique et doit rester flexible et adaptable. L'architecture du dialogue et la prise en compte de l'expérience des utilisateurs doivent nous ramener vers une architecture plus sensorielle.

L'architecte a toujours été un bâtisseur, devenu créateur et artiste. Il est aujourd'hui un homme d'affaires qui doit prendre en compte l'économie des marchés et s'interroger sur la faisabilité de postures différentes, plus en adéquation avec l'Homme qu'avec l'argent, plus en adéquation avec les sens qu'avec l'image, et surtout plus respectueux de notre premier collaborateur, la Terre et ses ressources.

Synonymes : Frugal : sobre ; modéré ; tempérant ; économe ; abstinent ; austère ; concis ; mesuré ; continent ; réservé ; simple ; discret ; dépouillé ; retenue.

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2. Quelques définitions supplémentaires

Les définitions suivantes : apport solaire passif, bilan carbone, énergie fossile, énergie renouvelable, inertie thermique, et eaux usées proviennent du Petit manuel de la conception durable, écrit par Françoise-Hélène Jourda. Les autres ont été écrites par Mr Melquiot dans le dictionnaire des 1001 mots et abréviations de l’environnement et développement durable.

Architecture bio-climatique : L'architecture bioclimatique est une discipline de l'architecture, c’est l'art et le savoir-faire de tirer le meilleur parti des conditions d'un site et de son environnement, pour une architecture naturellement plus confortable pour ses utilisateurs. Dans la conception d'une architecture dite bioclimatique, les conditions du site et de l'environnement (le climat et le microclimat, la géographie et la géomorphologie) ont une place prépondérante dans l'étude et la réalisation du projet. Une étude approfondie du site et de son environnement permet d'adapter le projet d'architecture aux caractéristiques et particularités propres au lieu d'implantation, et permet d'en tirer le bénéfice des avantages et se prémunir des désavantages et contraintes.

Apport solaire passif : L’apport solaire passif désigne la quantité d’énergie apportée par le rayonnement solaire à une construction ou un espace par son orientation, ses ouvertures ou ses dispositions géométriques sans adjonction de technologies spécifiques productrices d’énergie (panneaux solaires, cellules photovoltaïques).

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Architecture régénérative : C'est une approche de conservation, ou de haute performance, qui se concentre sur la réduction de l’impact humain sur l’environnement ainsi que sur la compréhension du système vivant à partir duquel nous pouvons tirer des enseignements sur la façon d’intégrer la nature comme une partenaire à part entière. Les bâtiments régénératifs sont conçus pour être en symbiose avec leur environnement et contribuer à la restauration et à l’enrichissement des milieux dans lesquels ils s’insèrent, tant au niveau des éco-systèmes, des communautés humaines que de l’économie.

Architecture résiliente : La résilience concerne la capacité d’un système à s’ajuster face à des événements perturbateurs, à s’adapter face à des situations sans précédent, lorsque les perturbations rencontrées sont en dehors du périmètre des mécanismes d’adaptation spécifiés. Le terme a été emprunté aux sciences physiques. A l’origine, la résilience est la capacité d’un métal à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale après avoir été déformé. En psychologie, on appelle « résilience » la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.

Architecture vernaculaire : L’architecture vernaculaire reflète les caractères physiques des pays auxquels elle appartient. Bien souvent, elle traduit l’adaptation de l’architecture à son environnement et caractérise ainsi les spécificités locales de l’habitat généralement induites par l’utilisation contraintes des matériaux locaux. C’est une architecture de milieux qui ne se construit qu’avec son environnement. Elle se caractérise par des choix constructifs simple et intimement lié aux milieux et aux ressources locales.

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Bilan carbone : Le bilan carbone est un outil de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre développé par l’ADEME, dont l’auteur est Jean-Marc Janvici. Son objectif est de permettre, à partir de données facilement disponibles, une évaluation des émissions de carbone (essentiellement CO2) directes ou induites par une activité ou un territoire.

Bio-centrisme : Le biocentrisme est une théorie morale qui affirme que tout être vivant mérite le même respect. Concept proposé en 2007 par le docteur américain Robert Lanza, Le biocentrisme stipule que la vie et la biologie sont au cœur de l'être, de la réalité et du cosmos et que la conscience créerait l'univers plutôt que l’inverse. Le bio-centrisme s’oppose à l’anthropocentrisme qui place l’homme au centre de l’univers et fait du bien de l’humanité, la cause finale des autres êtres.

Biodiversité : La biodiversité est un terme qui désigne la diversité du monde vivant à tous les niveaux : diversité des milieux (écosystèmes), diversité des espèces, diversité génétique au sein d'une même espèce. Synonyme de diversité biologique. Le terme Biodiversité provient de la contraction de l’expression anglaise Biological diversity '' diversité biologique ''. Issue du Sommet de Rio en 1992, la Convention sur la biodiversité a comme objectif la conservation de la diversité biologique.

Boucle éco-systémique : C'est une approche intégrée de la gestion, dont l’objectif est de maintenir un éco-système dans un état durable, sain, productif et résilient, de sorte qu’il puisse fournir les services dont les êtres humains ont besoin. Cela nécessite la mise en place d’approches transdisciplinaires qui englobent à la fois la dimension naturelle des éco-systèmes, les aspects sociaux des usagers et la réglementation.

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Empreinte écologique : L'empreinte écologique est une mesure de la pression exercée par l’homme sur la nature. Elle évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins en absorption de déchets. Il s'agit de l'impact sur l'environnement déterminé par la quantité de matières brutes et de ressources non renouvelables consommées pour fabriquer ses produits, ainsi que par la quantité d'émissions, d'effluents et de déchets générés au cours du processus de fabrication.

Énergie fossile : Le terme d’énergie fossile désigne une énergie obtenue à partir de combustibles fossiles. Un combustible fossile désigne un combustible produit à partir de la fossilisation des végétaux vivants : pétrole, gaz naturel et charbon. Ces combustibles sont présents en quantité limitée et non renouvelable à l’échelle de temps humain. Ils représentent un stock de carbone à l’état solide enfoui dans la croûte terrestre.

Énergie grise : L’énergie grise c’est la somme totale de l’énergie nécessaire à assurer l’élaboration d’un produit, et ceci de l’extraction du/des matériaux brut(s), le traitement, la transformation, la mise en œuvre du produit, ainsi que les transports successifs qu’aura nécessité la mise en œuvre. Sont également incluses les dépenses énergétiques des matériels et engins ayant contribué à son élaboration.

Énergie renouvelable : Une énergie renouvelable est une énergie renouvelée ou régénérée naturellement à l’échelle d’une vie humaine. Les énergies renouvelables sont issues de phénomènes naturels réguliers ou constants.

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Inertie thermique : L’inertie thermique est la capacité d’un bâtiment à absorber, puis à restituer la chaleur de manière diffuse. Elle va de couple avec la masse thermique. Plus l’inertie est importante, plus le bâtiment stockera d’énergie. Il s’agit d’un véritable avantage énergétique, puisqu’elle permet par exemple en hiver de diffuser la nuit la chaleur accumulée la journée et en été de restituer la fraîcheur accumulée la nuit pendant la journée.

Matériaux Bio-sourcés (ou éco-matériau) : Sans réel définitions, on admet que ces éco-matériau sont des matériaux issus de la biomasse d’origine végétal ou animal. Dans le bâtiment, les matériaux biosourcés les plus utilisés sont le bois, la paille, la chènevotte (chanvre), la ouate de cellulose, le liège, le lin et la laine de mouton. Ces matériaux doivent répondre aux critères et principes du développement durable :

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Performances techniques dans de nombreux domaines : isolation thermique, isolation phonique, déphasage, inertie thermique, régulation hygrothermique, etc…,

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Performances environnementales : « renouvelabilité » de la matière, besoins en énergie grise et, surtout, substitution et stockage de carbone permettant des constructions bas carbones,

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Qualité sanitaire - en évitant le recours aux matières toxiques.

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Développement des filières locales et des territoires.


« Ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid : celui qui dispose de cela et à l'espoir d'en disposer à l'avenir, peut lutter pour le bonheur » Épicure

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3. Lorsqu'on parle de frugalité

Après avoir définie la frugalité et plusieurs définitions complémentaires, nous allons maintenant analyser plusieurs écrits, livres, textes, articles et interviews. Ce corpus rassemble de nombreux auteurs, d'époques différentes, qui font tous lien avec une démarche qui diffère des normes actuelles. L’ensemble des définitions données par ces ouvrages permet d’avoir un regard critique sur la démarche frugale dans différents champs d’applications. On y parle de philosophie, avec une approche théorique et spirituelle qui renvoi à la pensée et aux modes de vies. Il y a aussi une approche plus technique, par un rapport au « comment faire » avec des exemples efficaces mais encore aujourd'hui boudés car méconnus. Ce corpus permet de comprendre les enjeux, les objectifs prioritaires mais aussi la démarche pour prétendre devenir frugal dans sa façon de penser. Parmi les enjeux, on observe un ensemble de besoins identifiés regroupant des notions qui jalonnent la démarche frugale. Les grandes thématiques sous-jacentes à chaque analyse révèlent plusieurs priorités pour aboutir à cette démarche. Ce sont des notions et des valeurs communes aux différents champs d’applications, en rapport avec la société, le travail, l’individu, l’environnement, la conception ou la réalisation architecturale. Parmi ces notions on retrouve principalement la sobriété, la modération, l’empathie, et le respect de son environnement et c’est à partir de ces notions que l’on peut construire une pensée frugale, qui va influencer la démarche de conception et de réalisation. Ce corpus met aussi en avant le processus, c’est à dire les outils pratique qui vont permettre de répondre aux thématiques de la simplicité, de la pédagogie, de l’économie et de l’écologie. Les leviers de la démarche frugale pourraient être : les opportunités dans l’adversité, tenter de faire plus avec moins, ne pas agir de façon binaire et borner mais s’ouvrir avec flexibilité, faire simplement, réinterpréter les problèmes en opportunités, et faire preuve de sincérité

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et d’empathie4. L’objectif non-équivoque est donc la sobriété, aussi bien énergétique que matérielle avec des projets qui priorise l’individu au sein de bâtiment, excluant les artifices, où l’efficacité prime sur la démonstration5. Ce concept du « presque rien » valorise le dispositif mis en place pour assurer l’indispensable de l’architecture6. Cette démarche de la sobriété doit combler à minima les besoins vitaux et existentiels de chaque individu7. La démarche frugale agit sur différents leviers : le discours promulgue un désir, une envie, c’est une théorie du bon sens et du bien commun qui doit influencer notre façon de penser. Le processus défini les actions et matérialise la frugalité par des actions concrètes qui adapte le discours à la réalité. La pédagogie est la façon de partager et de communiquer autour des méthodes alternatives, c’est la façon de transmettre ces valeurs aux plus grands nombres. La démarche frugale s’articule autour de ces trois thématiques, cela revient à influencer chaque étape du projet, la conception, la réalisation et la transmission. L’intérêt de ces analyses est de comprendre comme la frugalité se disperse dans les esprits pour nous aider à comprendre que l’enjeu est important d'un point de vue technique mais aussi sociétal et que l'écologie n'est plus aujourd'hui une affaire seulement politique mais une affaire qui nous touche tous individuellement et à bien des égards. Ce corpus rassemble donc toute sorte d'auteurs : philosophe, économiste, urbaniste, inventeurs, conférencier, associations et architectes autour de la thématique de la sobriété éthique. Tous font lien avec l'écologique, l'environnement, la société, l'économie ou l'architecture et se complète dans la volonté de « faire mieux avec moins » et de « faire plus moins chère ». Il y a une volonté forte d'apporter à chacun une égalité et une transparence pour permettre de favoriser et valoriser l'échange de connaissance et de savoir-faire.

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Navi Radjou & Jaideep Prabu, L’innovation Jugaad : Redevenons ingénieux, édition Diateino, 2013, 378 pages.

5

Catherine Saint-Pierre, Sobriété, légèreté, frugalité : pour une architecture durable, AMC, n°223, Le Moniteur Architecture, 2013, p. 63 à 71.

6

Éric Lapierre, Architecture du réel, éditions du Moniteur, 2003

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Jean-Baptiste Foucauld, L’Abondance Frugale : pour une nouvelle solidarité, édition Odile Jacob, 2010, 276 pages.

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Ce corpus de lecture donne différentes définitions de la démarche frugale et de la frugalité dans des thématiques différentes, l’architecture doit piocher dans ces concepts simples pour évoluer, et s’adapter. La genèse du projet doit se confronter à cette démarche pour répondre aux problématiques économiques, écologiques et sociale de notre époque. Ainsi, nous pouvons observer que cette démarche n’est pas nouvelle, et encore moins une solution définie : elle intervient en connivence avec les leviers actuels, les adaptes et les réorientent pour tendre vers des idées plus proches de l’individu et de son environnement. La démarche frugale n’est donc pas une solution finie. Elle est l’interprétation que chacun se fait d’un mode de vie simple et sobre. La frugalité est subjective, sa compréhension et son interprétation peuvent varier en fonction des individus, mais certaines notions restent intrinsèques comme l’intérêt porté à l’autre et à l’environnement, le rapport à l’équité et à l’égalité ou le rapport aux ressources et à leur répartition. C’est-à-dire qu’il existe des notions quantifiables et applicables à la démarche de conception architecturale.

Il est désormais nécessaire d’avoir des projets qui maitrise les technologies et l’énergie verte, qui prennent conscience des ressources environnantes et qui favorisent l’économie locale, tout en satisfaisant les besoins des consommateurs. Le développement frugal et durable répond aux besoins des individus sans compromettre les capacités des générations futures à satisfaire aux leurs.8

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Rapport de Brundtland, Notre avenir à tous, Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies, présidée par Gro Harlem Brundtland, 1987.


(2) Les trois principes du rapport de Brundtland, 1987

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L'Abondance frugale : Pour une nouvelle solidarité Par Jean-Baptiste Foucault Édition Odile Jacob, Paris 16 avril 2010, 276 pages

Jean-Baptiste Foucault, né en 1943 est un haut fonctionnaire français, qui fut commissaire au Plan (qui a pour but de définir à titre indicatif la planification économique du pays). Il est fondateur

et

président

d'associations,

spécialiste notamment des questions d'emploi, de lutte contre le chômage et pour la solidarité. Il a écrit de nombreux ouvrages comme : Une société en quête de sens, Les trois cultures du développement humain, ou encore Le chômage, à qui la faute ? … Jean-Baptiste de Foucault, attaché à la lutte contre le chômage de longue durée, pense qu'on peut sortir du chômage « par le haut » (innovation, compétitivité, exportation) et par « le bas » (suppression des normes contraignantes, facilitation des embauches), le tout dans le cadre d'un renouveau du dialogue social, peu efficace en France. Il crée le Pacte Civique en mai 2012 et entend mobiliser le plus grand nombre et interpeller sur les enjeux de société. Une plate-forme qui appelle citoyens et organismes publics, associatifs, économiques et sociaux, ainsi que les responsables politiques, à œuvrer pour une société désirable pour tous à partir de quatre impératifs fondamentaux : la créativité, la sobriété, la justice et la fraternité. Ce livre parle de société et d'économie, affaiblies pas les inégalités. Jean-Baptiste Foucauld ne veut pas remettre en cause l'économie du marché, mais contrebalancer ses excès par un peu de frugalité. Il ne faut pas prendre aux riches pour donner aux pauvres mais faire en sorte que chacun ait ce qui lui est vital et essentiel sans pour autant priver l'autre de ce qui

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lui serait nécessaire. L'auteur précise dès être début que le terme « Abondance Frugale » n'est pas une clé permettant de résoudre les problèmes économiques de notre pays, mais qu'il s'agit d'une réflexion sur l'équité et l'égalité. Il identifie cinq crises passées qui ont eu un impact significatif sur notre pays : Une crise de sens, une crise morale, une crise écologique, une crise financière, qui mène à une crise économique. L'ensemble de ces événements nous a conduit à la situation où nous sommes aujourd'hui. Et Jean-Baptiste Foucauld propose des méthodes alternatives centrées sur les besoins fondamentaux. Il nous expose quels sont celui lui ces besoins : - Le besoin matériel, qui correspond à nos interactions avec le monde qui nous entoure, notre maison, notre travail ... - Le besoin relationnel, qui correspond au temps que nous accordons à nos échanges avec les autres. - Le besoin spirituel, qui correspond à notre temps personnel, celui pour penser et réfléchir. Il faut voir cela comme un triangle équilatéral, où chaque côté équilibre les autres. Se détacher du « toujours plus » actuel qui se défini par une sur-consommation qui n'est ni équitable, ni écologique. Les notions d’abondance et de frugalité sont indiqué comme : « Convergeant nécessairement l’une vers l’autre ; elles s’appellent et se complètent. Cette coopération ne débouche pas sur un modèle, un système tout fait. C’est une coexistence qui doit être déclinée à tous les niveaux, avec des objectifs différents, selon des modalités variables : au niveau mondial, […] au niveau européen […], au niveau de chaque pays ; au niveau des différentes collectivités locales, et enfin des familles et des individus. » L'abondance frugale, cet oxymore révélateur, nous indique que l'abondance peut être atteinte par une simplification de nos modes de vie et de pensées. Par la suite il distingue quartes notions importantes qui doivent être remises au centre de l'attention : le vital, l'essentiel, le nécessaire et le superflu. Il y a aujourd'hui une création permanente de besoin artificiels, qui nous paraissent essentiel, nécessaire, et même parfois vital alors que certains sont inutiles, seulement des plaisirs superflus créés pour et par l'homme pour combler nos besoins artificiels en écartant les besoins existentiels.

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« Il s’agit de modifier l’équilibre entre stoïcisme et épicurisme, tel qu’il est organisé, de manière étriquée, par la société : la peine dans le travail pour le plaisir dans la consommation… ».

Il nous explique la nécessité de réfléchir en collectivité avec cinq actions prioritaires :

- Donner plus de chance à l'échange humain qu'à l'argent - Rééquilibrer la place respective du travail et du social - Favoriser le développement de temps d'activité relationnel par rapport au temps de travail. - Favoriser une moindre tension entre technique et nature - Reconstituer le dialogue entre l'individu, les corps intermédiaires et la collectivité

Il s'agit donc de reconstituer un tissu social dense et intense par le dialogue et l'échange. Bien évidemment, le présent ouvrage ne prétend pas mettre un terme ni aux malentendus, ni aux objections et encore moins provoquer la révolution des esprits et des comportements nécessaires pour réaliser l'utopie concrète d'une société d'abondance frugale, car à mesure que les questions abordées gagnent en visibilité et en crédibilité, surgissent de nouvelles questions et de nouveaux problèmes. Ce que l'on peut espérer c'est une clarification de la position des partisans et des adversaires au profit de discussions plus technique et sur la faisabilité d'un tel projet. Jean-Baptiste Foucauld tente de nous convaincre avec une foi quasi religieuse du bien fait de ces changements volontaires. Mais le pari de l'abondance frugale n'est pas de prendre à contre-pied la société dans son ensemble, mais d'y intégrer au fur et à mesure des notions et des valeurs humanistes qui vont changer la vision des choses petit à petit. L'empathie comme aspiration au vivre ensemble.

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La ville frugale. Un modèle pour préparer l'aprèspétrole Par Jean Haëntjens FYP éditions, Limoges 28 octobre 2011, 142 pages

Jean Haëntjens est un économiste et urbaniste français, diplômé de HEC et de Sciences Po Urbanisme. Il est aujourd'hui conseil en stratégies urbaines (Urbatopie) auprès des collectivités locales et des administrations. Il a dirigé jusqu'en 2009 l'Agence d'urbanisme pour le développement durable de la région nazairienne (ADDRN), organisme qui a joué un rôle important dans le renouveau de la ville industrielle. L'auteur s’intéresse depuis longtemps aux stratégies des villes européennes et a publié de nombreux livres et articles sur ce sujet. Avec la ville frugale, Jean Haëntjens propose nouvelle ville qui offre plus de satisfaction à ses habitants tout en consommant moins de ressources. La frugalité à l'échelle de la ville à une importance particulière, elle se veut plus en phase avec les identités locales et moins dominé par l'économie mondialisée. Les valeurs de simplicité, de santé, et de retour au naturel sont les valeurs qui prédominent.

« Pour réduire leur dépendance au pétrole, les villes ne peuvent pas se borner à contraindre ou rationner. Elles doivent proposer un nouveau menu urbain : plus diététique mais aussi plus savoureux et joyeux que le modèle aujourd'hui dominant que l'on pourrait surnommer fastcity par analogie au fast-food ».

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Ce livre met en lumière plusieurs problèmes relatifs à la métropole d’aujourd’hui : Les problème de transports, les problèmes de sur-densité et/ou de sous-densité, les problèmes de coût énergétique important dans les métropoles et la satisfaction des usagers. Les villes qui ont fait du principe de frugalité le fil directeur de leur stratégie ont montré qu'il était possible d'inventer un autre mode de vie à la fois plus économe, plus convivial et plus écologique. Pour atteindre cet objectif, il ne faut pas se contenter de réglementer ou d'investir, il faut créer un désir collectif en s'appuyant sur les désirs des populations, multiplier les innovations dans le champ de l'habitat, de la mobilité, de l'espace public, de l'économie, de la culture, de l'éducation et de l’environnement et agir simultanément sur les plans de la technique, de la composition urbaine, de la réglementation, de la tarification, et de la gouvernance9. L'auteur souligne bien ici qu'il ne faut pas révolutionner en rasant l’existant pour bâtir quelque chose de nouveau et meilleur mais qu'il faut agir avec cohérence sur les multiples leviers actuels. Il n'est pas question de formes urbaines révolutionnaires, mais de combinaisons nouvelles entre des technologies existantes et des pratiques urbaines en plein mutation. Ce livre propose donc des repères, en se fondant sur l'observation des succès et des échecs rencontrés depuis vingt ans par les villes les plus audacieuses. Cet ouvrage nous parle de sobriété énergétique, une notion qui ne s’oppose pas au développement économique et à la qualité de vies des citoyens mais s'adapte plus rigoureusement à celle-ci. Le modèle de la ville industrielle, de la ville charbon, de l'acier, des premiers gratte-ciels, des luttes sociales, et de la confiance dans le progrès qui a jalonnée le XXe siècle doit aujourd'hui tenter une nouvelle approche de la construction, plus en adéquation avec les nouveaux besoin et envies du XXIe siècle. Cette ville industrielle asservie au pétrole bon marché, aux autoroutes, à l’expansion horizontale, aux pavillons et au plaisir de consommer doit se tourner vers des alternatives plus durable et économiques. Cette nouvelle ville doit prendre en compte des énergies chères, une économie fondée sur la connaissance, une mobilité multiple et les

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François Bellanger, ça pourrait ressembler à quoi une ville frugale ? blog Transit City / Urban & Mobile Think Tank, 2012, [en ligne] http://www.transit-city.com/ateliers/precedentes/villefrugale/


aspirations plus qualitatives d'une population au moyen plus aisés, mais aussi plus éduquée et âgées. La ville frugale à l'avantage de ne pas observer qu'un progrès linéaire mais offre bien un éventail de techniques diversifiées. Le progrès n'est plus simplement pluriel, mais relatif. Le scénario de la ville frugale n'est qu'un exemple. Il existe une multitude de façons de transformer notre mode de vie, et l'Europe à quelques bonnes raisons de s’intéresse à ce modèle de frugalité urbaine : elle est dépourvue de pétrole, et plus généralement d'énergie onéreuse. Elle a tout intérêt à préconiser les nouvelles énergies moins chères, et plus accessibles.

(3) Transit-City / Urban & Mobile Think Tank

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Liberté, égalité, frugalité Entretien avec Françoise-Hélène Jourda Recueilli par Jean-François Pousse Techniques & Architecture, n°434 Octobre/novembre 1997, p. 40 à 44

Françoise-Hélène Jourda est une architecte française née en 1955. Militante précoce pour l'écologie, elle prend rapidement conscience de l'importance de construire des bâtiments responsables et de qualité. Après ses études d'architecture, elle s'associe à Gilles Perraudin, l'architecte de la pierre, et tous deux s'engagent dans une architecture économe en matière et en énergie, attentifs aux nouvelles aspirations sociales et aux nouveaux modes de vie et de travail. Ils consacrent une grande partie de leurs recherches à la « nature des matériaux », influencés par les œuvres de Jean Prouvé, Peter Rice, ou encore Norman Foster. Françoise-Hélène Jourda consacre une grande part de ses travaux aux logiques constructives. Cette volonté s'exprime à travers la réalisation d'équipements publics. Pour Françoise-Hélène Jourda, il n'est pas seulement question de créer mais aussi d'être acteur du développement à part entière. Elle crée également « EO.CITE » une société de conseil en architecture et urbanisme qui a pour vocation d'accompagner tous les acteurs du projet (maîtres d'ouvrage, élus, citoyens) sur la voie du développement durable. Il faut comprendre ici la volonté engagée de Françoise-Hélène Jourda à être une architecte active au sein du projet, et à enseigner de façon pédagogique les valeurs du développement durable.

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Cette interview accordée par Françoise-Hélène Jourda au magazine Techniques & Architecture analyse l'importance des aspirations de l'humain et des paramètres environnementaux dans la conception du projet et évoque leurs utilités pour éviter les excès technologiques pour réinventer une architecture d'adaptation aux besoins.

Elle dénonce l'incompréhension commune autour du développement durable, qui se résume, selon elle, à chasser le gaspillage et à se réduire à la question énergétique uniquement. Une des limites de l'architecture écologique sont les normes et la normalisation du bâtiment avec une dépendance terrible à la technologie et une négation totale des paramètres sociaux. L’architecture frugale doit se moquer des diktats de l'architecture qui, si elle n'est pas légère, transparente, high-tech, est mauvaise.

François-Hélène Jourda se battait contre les exigences de construction : cela ne doit pas être un débat technique, mais un combat théorique, voir philosophie, car nous savons construire des choses complexes et nous avons les moyens et les connaissances de faire tendre les constructions vers des modèles plus écologique et économique et il faut faire preuve de bon sens avec des notions simples comme l'orientation, le vent, la chaleur, le froid, ou la pluie, qui sont des thématiques naturelles. Elle est contre l'institution de l'architecture comme une réponse finie à un problème mouvant et même si nous trouvons l'habitat type écologique, il faut l'inscrire dans son contexte, et transformer ses solutions, les adapter et les rendre efficaces en fonction de l'endroit où on les implante. Une démarche environnementale entraine à une démarche de sobriété et la restriction des matériaux ne doit pas se faire en dépit du bon sens et dresser un rempart contre l'architecture institutionnelle et normalisée, c’est en comprenant les normes et en les adaptant que l’on peut répondre plus efficacement aux nouveaux problèmes émergeants. Pour François-Hélène Jourda l’important est aussi la réintroduction de l'habitant au cœur de la conception architecturale, problème lié à la mondialisation du marché de la construction qui tend à formater l'architecture pour des questions économiques et à exclure l'usager de la réflexion lors de la conception. L'architecture doit en permanence être observée comme

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un laboratoire de recherche et d'expérimentation pour acquérir l'expérience nécessaire à la démocratisation des procédés utilisés. Cette interview décrit la frugalité comme démarche qui priorise l'humain et rejette la normalisation du concept de la construction écologique ainsi que la surconsommation technologique au sein du bâtiment. L’adaptabilité et la modularité sont donc les vecteurs théoriques qui tendent vers une architecture plus populaire10.

« Si la conception intègre l'écologie, elle doit accepter la réalité, cesser de normaliser et de produire un pseudo modèle européen, si possible high-tech, où l'on remplacerait nos centrales nucléaires par des centrales solaire, avec au bout du compte la même idéologie : une dépendance terrible à la technique et surtout une négation totale des paramètres environnementaux »

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Roberto Freddi pour le centre de documentation UNESCO – ICOMOS, Monumentum, vol. 15-16, numéro spécial consacré au Colloque sur l'Architecture Vernaculaire. Plovdiv, 24 sept. - 2 oct. 1975, [en ligne] https://www.icomos.org/monumentum/vol15-16/vol15-16_12.pdf


Construire autrement : Comment faire ? Patrick Bouchain Collection L'impensé, Éditions Actes Sud, 4 octobre 2006, 190 pages

Patrick Bouchain, né en 1945 à Paris. Il est maître d’œuvre et scénographe français. Après

plus

d'une

d'enseignement

du

dizaine

d'années

dessin

et

de

l'architecture, Patrick Bouchain a associé un souci politique à son travail. Il considère que : « que l'architecture est politique et qu'elle doit répondre au souci de l’intérêt général »11. Il est pionnier du réaménagement de lieux industriels en espaces culturels. Il s'est spécialisé dans la construction de structures éphémères au service d'une architecture à Haute Qualité Humaine (HQH). Il tire de son expérience un certain nombre de convictions sur la valeur de la participation, de l'initiative, de la nécessité de partir du besoin exprimé par ceux qui habitent ou fréquentent les lieux qu'il aménage. Patrick Bouchain exprime une volonté affirmée de confrontation aux règles et aux réglementations qu'il se plaît à contourner, pour éviter la standardisation. Pour cet ouvrage, Patrick Bouchain, s'entoure d'artistes, de paysagistes, d'architectes, de cinéastes et de philosophes. C'est sa méthode, s'entourer, pour enrichir son œuvre, car écrire seul, comme construire seul, est impossible, et l'architecture n'est pas qu’une affaire de spécialités et de techniques, l'acte de construire doit interroger une multitude de corps

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Patrick Bouchain, Pour faire avancer l’architecture, il faut de l’audace, L’Express, propos recueilli par Michèle Leloup, juin 2005, [en ligne] https://www.lexpress.fr/culture/art/pour-faire-avancer-larchitecture-il-faut-de-l-audace_485597.html

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de métier pour être efficace, et entraîner tout le monde, interpréter et ne jamais faire pareil. L’intérêt serait d'en faire le moins possible pour donner le plus possible, la résilience architecturale se satisfait de la sobriété. L'auteur ici nous parle d'une architecture chargée de sens, et non de normes. Et c'est en accordant plus d’intérêt à l'individu que l'on peut comprendre et agir sur l'ensemble, sur la collectivité.

Transformer c'est construire. Patrick Bouchain veut transmettre un message : redonner une vraie valeur sociale à l'architecture. Il pense qu'il faut arrêter de déconstruire tous ce que nous avons construit ces vingt dernières années sous prétexte de construire par-dessus, en mieux. Il faudrait simplement se servir de ce qui existe et le transformer, plutôt que de faire table rase du passé. Il veut en faire moins, non pas par paresse, mais pour ne plus gâcher. Si l'on a par exemple un trou dans son pull-over, est-ce qu'il vaut mieux le repriser ou le jeter ? Le repriser, c'est se l'approprier, agir sur ce produit pour le transformer, et ainsi éviter le gaspillage. Réparer plutôt que détruire, transformer plutôt que de démolir. L'auteur insiste aussi sur l'importance de ne pas séparer le travail de l'esprit du travail de la main, c'est-àdire ne pas nier ce lien entre la main et la pensée, le travail manuel ne doit pas séparer du travail intellectuel, car malgré l'impulsion de la pensée, c'est la main qui matérialise l’expression de celle-ci.

Ne jamais faire pareil. Une des autres thématiques de Patrick Bouchain, est le polymorphisme de ses réalisations. Il ne faut pas faire des choses différentes par principe, mais parce que rien n'est réellement pareil. Simplement du fait qu'on ne peut suivre un système normatif sans laisser s'exprimer tous les acteurs d'un projet : le temps, le lieu, les acteurs, l'équipe qui constituent l'endroit dans lequel on va construire ne sont jamais les mêmes. Se satisfaire d'une réussite et la répéter fait perdre son sens à l'architecture.

L'appropriation. Patrick Bouchain n'est pas grand partisan du droit de suite, c'est-à-dire qu'au contraire d'autres architectes qui revendiquent le fait de tenir l’œuvre le plus longtemps possible conformément à l'idée originale, Patrick Bouchain préfère

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l'appropriation, c'est-à-dire qu'une fois le chantier terminer, il se retire et laisse l'usager prendre place et transformer l'endroit pour y vivre, et se l'approprier. Il y a aujourd'hui l’appauvrissement des métier manuels, la formation rattachée est considérée comme inférieure et on y envoie les individus les moins adaptés. Patrick Bouchain déplore ce système qui méprise les métiers manuels dans une époque où l'on en a le plus besoin. Et c'est par son approche sociale des chantiers qu'il tente une réaffirmation de ces métiers comme part entière, indispensable et indissociable du projet. Patrick Bouchain est reconnu pour ouvrir ses chantiers à tous les acteurs du projet, en instaurant par exemple une cantine collective, lieu allouer à l'échange et aux discussions. Mais le chantier est aussi un lieu de recherche et d'observation scientifique. Pour éviter de figer l'architecture dans le temps, il crée une médiation au sein du groupe des acteurs du projets pour tenter et expérimenter de nouvelles choses directement in situ. L'architecture se construit aussi par les échecs : pour comprendre qu'une technique est bonne ou mauvaise il faut l'essayer la tester, et analyser les résultats. Car l'architecture n'est pas une science absolue et on ne peut pas simplement juger le résultat, mais il faut aussi juger la méthode.

L'auteur parle du 1% scientifique, en parallèle au 1% culturel instauré par Jean Zay en 1936 (alors ministre socialiste de la culture), ces 1% culturel, c'est 1% du budget d'un édifice public qui doit être accordé à l'art, par une sculpture ou une fresque par exemple. Le 1% scientifique reprend ce principe mais en accordant 1% du budget à une expérimentation in situ et de la durée du chantier. Cela peut être sur divers domaine, comme une solution pour récupérer l'eau de pluie, ou la construction de murs d'une matière particulière … cela offre donc la possibilité d'une recherche appliquée, sans obligation de résultat mais avec une obligation de moyens. Cette recherche peut donner, ou non, des systèmes ingénieux à des problèmes parfois complexes qui serait résolu par des méthodes plus traditionnelles et plus coûteuses. Cette démarche fait travailler tous les acteurs du projet ensemble, dans une confiance réciproque et une liberté mutuelle à l'innovation.

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La deuxième partie de ce livre est consacré aux écrits de connaissances de Patrick Bouchain sur cette question du « Construire autrement ».

Michel Onfray, philosophe et essayiste français, nous parle d'histoire de l'architecture et du monumentalisme de celle-ci dans les temps jadis, l’architecture comme signe de pouvoir et de domination construit pour la grandeur de l'éternité, détaché en tout point de l’individu. A contrario de l'architecte de souveraineté communautaire qui œuvre au service de l'humain, insoucieux de la pétrification du temps et des espaces, soucieux des gens, de leurs désirs et de leurs projets. Ce genre d'architecture s'active non pas au-dessus des hommes, mais parmi eux. Il pose donc en comparaison l'architecture pour l'image et l'architecture pour l'Homme, la première étant dédié à montrer un bel objet quand le seconde se consacre à l'individu. Ce philosophe voit l'architecture comme éco-sophique, contractant l'éco d'écologie et sophia de philosophie au profit d'un néologisme définissant une écologie plus profonde et antianthropocentrisme, qui verrait une finalité non pas dans la satisfaction des besoins humains, mais dans l'intégration de l'humain dans l'écosystème global (bio-centrisme) et ainsi prendre en compte les besoins de l'ensemble de la biosphère. Il s'agit ici d'une vision utopique qui induirait une remise en question globale sur notre façon de consommer, et de ne plus voir le monde qui nous entoure comme une ressource, mais bel et bien comme un environnement vivant et indépendant.

« A la photo statique préférons donc le cinéma dynamique qui joue avec la dialectique des flux, des forces et des durées. Le bâtiment n'est pas une image à regarder ou à contempler, pas plus que l'écrin de la lumière et du vide, de l'espace et des simulacres, mais une sculpture habitable à même de ravir toutes les énergies sensuelles d'un être et de ceux qui vivent avec lui » Michel Onfray, extrait de Principes de contre-renardie

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Lucien Kroll est un architecte qui a basé son travail sur deux fondamentaux : la participation des habitants et l'écologie. Il nous parle ici de l'architecture organique, l'architecture sensuelle qui suit les sens du corps, contre l'architecture inorganique qui ne connaît les habitants et leur vie que par leurs besoins mécaniques. L'architecte est tellement exercé à ne jamais entendre les laïcs, qu'il a besoin d'un sociologue à l'ouïe fine pour encourager les habitant à déballer les richesses souvent masquées de leurs intentions. Il y a aujourd’hui une lutte entre d'un côté la « modernité » avec sa technique et le pouvoir de son capital, de l'autre la « pensée » et l'action des hommes. Et c'est dans cette lutte que la frugalité doit prendre sa place et invoqué sa nécessité, aussi bien pour la planète que pour ses occupants.

« Lorsque nous parvenons à nous sentir multiples, envers le présent et le futur, nous arrivons à répondre à cette culture contemporaine en train de se faire. Si l'architecture se persuade de ces complexités-là, elle échappera aussitôt au simplissime lugubre des modernistes ... »12

Lucien Kroll, extrait d’Architecture organiques ?

Patrick Degeorges, philosophe de l'écologie, travaille au ministère de l'environnement, de l’Énergie et de la Mer, et Antoine Nochy, philosophe et écologue nous parlent ici de l'espace impensé de la ville. Il faut comprendre ici tous les restes d'une division qui ne tombe pas juste, les chutes du découpage fonctionnel de l'espace. Ils pointent du doigts ces zones « sensibles » où se fixent une crise sociale : l'état tente une appropriation de ces espaces et fait pousser des îlots, rendus inhabitables, propageant une urgence que l'état ne cesse de codifier, d'instituer, voire de développer, en multipliant les définitions nominales de la discrimination (ZUP, ZAC, ZEP, « zones urbain sensible... ». Ces zones sont délaissées, presque sous perfusion, perde leur crédit, l'ordre du quotidien est rompu, l'ordre civil suspendu, les droits à la sécurité et à la liberté de circulation n'ont plus lieu d'être, les services et les transports réduisent leur activité. La sociabilité s’effrite à mesure que ces

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Ateliers Lucien Kroll, extrait de Bio, socio/schizo, Schizophrénies urbaines

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quartiers grandissent et s’appauvrissent, et avec elle la participation à la vie civique et l'exercice de la démocratie. Il faut reconquérir la liberté d'expérimenter sur la ville et opérer en marge des programmes et des règlements, et à une échelle réduite, en intervenant là où les changements sont possibles.

« Les terrains délaissés sont des espaces résiduels rendus structurellement inutilisables par l'aménagement du territoire. Leur production n'est ni accidentelle, ni fortuite. Désaffectés et dépréciés, déclassés parce qu’inclassable, mis en faillite au nom d’un impératif rationnel d’efficacité, ils sont les déchets de l’aménagement. Ce sont les restes d’une division qui ne tombe pas juste, les chutes du découpage fonctionnel de l’espace. »

Patrick Degeorges & Antoine Nochy, extrait de L’impensé de la ville

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L'innovation Jugaad : Redevenons ingénieux L'innovation frugale, comment faire mieux avec moins Par Navi Radjou & Jaideep Prabhu Édition Diateino, Paris 12 avril 2013 & 26 mars 2015, 378 pages

Navi Radjou est un inventeur, un consultant et un écrivain franco-américain. Il est né le 14 août 1970 à Pondichéry. Diplômé de l'école centrale de Paris et de la Yale School of Management. Il fonde par la suite une entité dédiée à l'innovation, au sein de Cambridge Judge Business School, puis devient membre du forum économique mondial. Il anime régulièrement des conférences sur le thème de l'innovation. Jaideep Prabhu est professeur de marketing, Jawaharlal Nehru Professeur de l’Indian Business & Enterprise, et Directeur du Centre India & Global Business à la Judge Business School, Université de Cambridge. Il a un diplôme BTech de IIT Delhi et un doctorat de l’Université de Californie du Sud, et a occupé des postes à Cambridge, Imperial College London, Tilburg University (Pays-Bas), et UCLA.

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a. L'innovation Jugaad : Redevenons Ingénieux

Ce premier livre analyse le modèle d'innovation frugale en place en Inde, en Chine et au Brésil depuis plusieurs années. Jugaad : ce mot hindi populaire signifie savoir se débrouiller, trouver des solutions dans des conditions hostiles (ou adverses). C’est un état d’esprit qui s’applique aux méthodes d’innovation utilisées en Inde et dans les économies émergentes telles que la Chine et le Brésil. Inspirée par le « système D » des entrepreneurs des pays en développement, l'innovation frugale cherche à créer des biens durables, en phase avec les attentes des consommateurs. Ce concept qui était présent en France au XVIIIe siècles, s'est perdu dans la seconde partie du XXe siècles par la volonté de croissance rapide. De ce fait, les sociétés occidentales ont commencé à institutionnaliser le processus d'innovation et de création. Mais cette démarche d'innovation structurée, qui a fait le succès des entreprises occidentales dans la seconde moitié du XXe siècles, comporte trois limites claires face à l'accélération de l'innovation et de sa volatilité au XXIe siècles : elle est trop coûteuse, elle consomme beaucoup trop de ressources et elle manque de souplesse. Navi Radjou célèbre ici l'ingéniosité des petits entrepreneurs du Sud, capable de créer des solutions abordables avec peu de ressources. La théorie de Navi Radjou s'étend de plus en plus aux entreprises occidentales. Les six principes de l'innovation Jugaad :

1. Rechercher les opportunités dans l'adversité « Le manque d’infrastructures dans les pays émergents oblige les entrepreneurs à innover en permanence et à rechercher des opportunités : se servant de son vélo pour aller au travail en Inde, sur des routes défoncées, Kanak Das a l’idée de le moderniser pour utiliser l’énergie dégagée lorsqu’il heurte une bosse. En bricolant un simple amortisseur récupérant et libérant l’énergie, il a transformé la contrainte en une opportunité. Le MIT s’est inspiré de ses travaux pour convertir l’énergie des amortisseurs de voiture en force d’accélération ».

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2. Faire plus avec moins « En remettant en question le « plus pour plus » du modèle occidental, Louis Schweitzer, PDG de Renault dans les années 90, a lancé l’idée de la Logan après avoir constaté que des Lada à bas prix se vendaient mieux que ses modèles d’entrée de gamme. La Logan, voiture sans fioriture, a été entièrement conçue à partir de composants existants ».

3. Penser et agir de manière flexible « Il s’agit de penser et agir de manière flexible, sans être prisonnier d’un modèle ultra rationnel. Dans un environnement mouvant, quatre critères permettent de rester agile et flexible : - Adopter une pensée non conventionnelle pour trouver des solutions adaptées - Planifier, mais s'adapter - Trouver plusieurs voies pour atteindre l’objectif - Agir avec rapidité ».

Navi Radjou reproche aux sociétés occidentales un manque de flexibilité, qui étouffe la créativité. La pensée « binaire » serait à l’origine de ce défaut majeur, qui les empêches d’improviser et de s’adapter aux besoins réels des consommateurs. Il préconise de ménager du temps aux employés pour leur permettre d’innover, sortir de leur zone de confort et trouver de nouvelles perspectives. Il faut également apprendre à admettre l’échec (difficile dans la culture française), en investissant peu au départ, pour changer de cap si nécessaire.

4. Viser la simplicité « Ce quatrième point nous parait couler de source, mais a du mal à s'admettre dans les sociétés occidentales. Il s'agit ici de simplifier le produit pour le recentrer sur les besoins élémentaires.

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Il est question ici de stoppé l'hyper-sophistication jusqu'à élaborer des produits dont on ne se sert que d'une petite partie des fonctionnalités, Il faut donc requestionner l'utilisateur pour cibler la fonctionnalité et laisser de côté le superficiel ».

5. Intégrer les exclus « Il est question ici d'intégrer les problèmes et les choses qu'on exclut habituellement dans le processus de réflexion. C'est par exemple prendre une variable qui pourrait être un problème, et essayer d'en faire un élément à part entière dans la conception ».

6. Suivre son cœur, ou son intuition « Big Bazaar, chaîne indienne de supermarchés, s’inspire de cette philosophie en reproduisant l’ambiance bruyante et colorée des bazars indiens. Le fondateur, Kishore Biyani, n’a pas suivi les conseils des consultants lui demandant de copier le modèle d’organisation de WalMart et s’est fier à son intuition. L’empathie permet de comprendre les besoins réels des consommateurs et une expérimentation rapide permet de valider l’innovation. Ce principe suppose d’accepter que tout le monde soit potentiellement concepteur. Selon Tim Brown, PDG d’IDEO, « la conception a le plus d’impact quand elle est retirée des mains des concepteurs et mise entre les mains de tout le monde » ».

Il est clair que l'occident doit construire un nouveau moteur d'innovation qui lui permettre d'innover plus vite, mieux et moins cher. Les entreprises se tournent donc vers des nouvelles sources d’inspiration. En opposition au modèle occidental actuel qui consiste à faire « plus avec plus », Jugaad consiste à faire « plus avec moins », c'est-à-dire de créer des solutions simples et efficaces, à moindres cout. Ces solutions ingénieuses offrent plus de valeur aux communautés locales tout en minimisant les ressources qui sont souvent rares dans les marchés émergents.

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b. L'innovation Frugale : Comment faire mieux avec moins.

L'innovation frugale permet de percevoir de nouvelles perspectives, d'additionner, de superposer, et de soustraire des solutions. L’industrialisation des processus de création a conduit les économies occidentales à penser qu’il faut toujours plus de ressources pour produire plus d’innovations. La rareté est donc trop souvent vécue comme une privation. Et si au contraire, la rareté était le gisement propre à l’innovation ? La notion de frugalité a également fait son chemin parmi la jeune génération. Contrairement à leurs aînés dont la devise peut se résumer à « je consomme, donc je suis », la génération Y se définirait, par sa capacité à s’affranchir du désir de propriété. Plus enclin à partager une voiture qu’à l’acheter, la génération Y a fait le choix volontaire d’un mode de consommation plus sobre. Autant de mutations de valeurs socioculturelles favorables à la pensée Jugaad. Ainsi libérés de la crainte du manque de ressources, les individus deviennent plus audacieux, plus ambitieux. Derrière l’économie de la frugalité se cachent 3 objectifs : - Le partage : Si les entreprises parviennent à partager entre elles leurs ressources, leurs actifs, leurs employés, leurs clients et leurs brevets, la donne sera profondément redistribuée. Le système pyramidal sera remplacé par une économie horizontale. - Le faire soi-même : L’industrie de la consommation est profondément impactée par le phénomène des « makers ». Grâce aux imprimantes 3D, aux fablab et aux composants électroniques disponibles en open source, le coût de l'innovation chute considérablement rendant les technologies accessibles à tous. C’est toute la chaîne de valeur qui est alors repensée, aujourd’hui le client final se retrouve au cœur du dispositif, et participe même à la création. - La circularité : La finalité de cette économie n’est pas seulement le recyclage et la réutilisation des ressources. Elle va au-delà en proposant la création de biens pensés pour être à la fois durables, accessibles et renouvelables.

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(4) Organigramme de la pensée Jugaad

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Sobriété, légèreté, frugalité Pour une architecture durable Dossier réalisé par Catherine Saint-pierre AMC, n°223, Le Moniteur Architecture, Avril 2013, pages 63 à 71

Catherine Séron-Pierre est titulaire d'un master d'histoire de l'architecture. Elle a été journaliste pour AMC pendant de longues années dont quatre ans en tant que rédactrice en chef adjointe. Elle fut également journaliste, en freelance depuis 2014, elle écrit des articles, des livres et participe à des workshops et est jury pour les diplômes d'architectures. Elle concentre ses activités autour de l'architecture, l'urbanisme, le paysage et le design.

Ce dossier traite l’intérêt que l'on peut porter aujourd'hui pour l'architecture low-tech, c'està-dire une architecture plus écologique, moins énergivores, moins polluantes et plus sobre en quantité, ce qui entraîne le développement de projets dans lesquels la sobriété prime sur l'artifice, et l’efficacité sur la démonstration. Catherine Saint-Pierre différencie dans on article plusieurs sens à la démarche frugale. Patrick Bouchain, d’abord, avec une architecture qui profite du « concours de circonstance » qui tire parti de ce qui existe et le transforme : c’est une démarche de conservation qui a pour objectif l’économie de moyen et de matière. Lacaton & Vassal, ensuite, qui produise une architecture en quête de plus de surface, avec peu de moyen c’est-à-dire offrir des espaces généreux en économisant sur la matérialité et la mise en œuvre.

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En s’appuyant sur le livre de Nicolas Michelin, Architecture du réel13, qui développait la notion du « presque rien », Catherine Saint-Pierre tend vers une démarche qui priorise « le dispositif mis en place pour assurer l’indispensable de l’architecture », c’est-à-dire réussir à combler les besoins vitaux et essentiels par une analyse minutieuse du site pour en définir les forces et ensuite en dégager les parties principales du projet : la structure et l’enveloppe qui doivent être élaborées sans a priori du fonctionnement immédiat.

Catherine Saint-Pierre parle aussi de matérialité. L’architecture est produite aujourd’hui par des matériaux venant de catalogues, prédisposés à être pré-employés. Elle analyse l’écrit de Jacques Ferrier, Stratégies du disponible14, celui-ci met en avant un rapprochement entre l’homme et son environnement immédiat. La sobriété est donc synonyme ici d’un assemblage d’un nombre minimum de matériaux disponible qui, une fois assemblé, crée la nouveauté. L’innovation ne prend pas sa place dans la construction brute, mais réinterprète ce qui est disponible, et l’adapte dans un but économique et écologique.

Inaki Abbalos et Juan Herreros se positionnent quant à eux sur une analogie entre légèreté et frugalité dans un article paru dans a+t15, et recueilli par Catherine Saint-Pierre. Ils préconisent l’addition des produits manufacturé à bas cout pour concevoir de nouvelle réponse aux problème lié à l’architecture de notre époque. « La légèreté […] tend à être physique aussi bien que conceptuelle, étroitement lié au projet, aux travaux, aux relations qui naissent de l’usage et des qualités spatiales de l’architecture »15. Chaque élément qui n’est pas essentiel au projet est éliminer, ainsi chacun des éléments supprimés permet de franchir une étape vers une rentabilité économique et programmatique.

13

Nicolas Michelin, Architecture du réel, sous la direction d’Éric Lapierre, éditions du Moniteur, 2003.

14

Jacques Ferrier, Stratégies du disponible, édition Passage Piéton, 2000.

15

Abalos et Herreros, Some concerns about technology, article pour a+t, baja technologica/low-tech, n°9, 1997

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Laurent Lehmann, architecte ingénieur, propose une nouvelle notion : le « light-tech », par analogie au high-tech et au low-tech qui serait finalement une démarche d’architecture raisonnée et modérée : la conception commence par l’utilisation de procédés simples (lowtech) et est ensuite optimisée par des techniques plus poussées (high-tech) permettant d’obtenir de meilleurs résultats. Cet équilibre ne renie pas notre évolution, mais la modère, par éthique mais aussi par intérêt pour l’individu et ses ressources. L’ensembles de ces textes nous permettent de comprendre l’importance de ne pas renier notre technologie. C’est avec du bon sens et du discernement que l’architectes doit modérer son approche. La technologie est relativement pratique pour les calculs sophistiqués, l’important est de modéré son utilisation par une matérialité éthique et écologique. On observe aujourd’hui de plus en plus de bâtiment high-tech utilisant des systèmes technologiques très développés pour limiter la consommation d’énergie se voulant écoresponsable et durable et paradoxalement nous savons pertinemment que la construction et la fabrication de tous ses équipements produisent une énergie grise16 considérable, aux antipodes de leur destination finale … On peut donc se demander si ces architectures réputées environnementales ont une vraie valeur ou s’il ne s’agit pas finalement de réponses complexes à des problème relativement simples ?

« L’ingénierie a de plus en plus de capacités à optimiser la matière et à alléger le résultat, c’est une technologie de conception et non de réalisation »

Hugh Dutton, ingénieur structure travaillant avec Peter Rice

16

Voir définition dans la partie I – Une approche Étymologique & littéraires, 2. Quelques définitions supplémentaires.

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Le bâtiment frugal : les guides ICEB, lanceurs d'avenir Alain Bornarel & Sophie Brindel-Beth ICEB, Décembre 2015, 92 pages.

L'ICEB (Institut pour la Conception Écoresponsable du Bâti) est une association rassemblant près de 70 professionnels de terrains de plusieurs corps

de

métiers

comme

des

architectes, des ingénieurs, des urbanistes, des économistes et des programmistes. Depuis 20 ans, l'ICEB élabore des solutions innovantes en matière de développement durable et fait évoluer les pratiques des acteurs par le partage de son expertise, de ses recherches et de ses expérimentations. « Nous voulons radicalement repenser les pratiques et les méthodes en matière d’architecture, d’urbanisme et, plus généralement, d’aménagement du territoire, agir à l’aune d’une démarche raisonnée de développement durable. En tant que précurseurs de la démarche environnementale, nous avons participé à l’élaboration du référentiel de la démarche (ATEQUE) dans un esprit d’innovation »17 Les missions de l’ICEB : - Promouvoir une démarche écoresponsable dans les domaines de la conception, de la réalisation et de l’usage des bâtiments et des territoires afin d’assurer, dans ces secteurs, une réelle transition écologique et sociétale

17

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Site de l’ICEB, présentation de l’association, [en ligne] http://www.asso-iceb.org/presentation/


- Recueillir, étudier et diffuser les pratiques de terrain qui contribuent à cette transition écologique. Constituer un lieu d’échanges et d’enrichissement autour de ces expériences. - Organiser la réflexion et les travaux permettant d’adapter les connaissances, les savoirfaire et les pratiques professionnelles. Assurer la réalisation et la diffusion de ces travaux, monter les actions de sensibilisation et de formation. - Définir, faire connaître et veiller au respect du principe d’éthique professionnelle.

A l’occasion de la COP 21 et sans attendre ses conclusions, un groupe de travail de l’ICEB a étudié une réponse à la nécessaire adaptation des standards de bâtiment aux enjeux climatiques, énergétiques et sociétaux de demain. Le guide « Le bâtiment frugal » réinterroge, à l’aulne de ces enjeux, les problématiques du passif, du choix des matériaux, de l’insertion dans le territoire… L'ICEB veut trouver des réponses aux changements qui s'invitent malgré nous dans notre quotidien. Dans ce contexte, leur but est de trouver des réponses quant à la conception de bâtiments adaptés. Le terme « Bâtiment Frugal » est un néologisme, induit par cette volonté d'apporter aux constructions actuelles une simplicité et une sobriété à la fois au niveau éthique qu'au niveau énergétique en partant du postulat que le bâtiment passif à une définition trop simpliste pour être fructueuse. Il faut développer les notions fondamentales que sont l'équilibrage des ressources pour donner à chacun un droit à la dignité, un rapprochement avec la nature, avoir un comportement résonné avec soi-même et dans sa vie en général, c'est-à-dire balayer le superflu au profit du nécessaire, et enfin, cette volonté d'une transition vers un monde meilleur et plus juste. Construction passive, approche bioclimatique, choix des matériaux, confort et usage, prise en compte de l’environnement du bâtiment, l’ouvrage questionne ces notions et offre une visibilité à des projets pionniers en marge des standards actuels.

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Alain Bornarel, ingénieur cogérant de Tribu, bureau d’études spécialisé dans le développement durable, il est aux manettes du groupe de travail de l’ICEB chargé du guide « Le Bâtiment Frugal ». Il s'inspire des recherches sur l'innovation frugale, du « mieux avec moins », inspirée du concept Jugaad. Les projets ici ont cette volonté d'identification du contexte. Un bâtiment frugal est avant tout un bâtiment lié à son territoire, inscrit dans un contexte climatique particulier, de ressources, d'énergies et de modes de vie. L'énergie est d'ailleurs un des facteurs clé de la construction de ce guide. Le groupe de travail à chercher à définir ce qu'on appelle le « bâtiment passif » : c'est un bâtiment qui a de faibles besoins en énergie. Alors le bâtiment passif est-il frugal ? Pas vraiment, car dans sa pratique le bâtiment passif néglige énormément de facteurs comme le confort, ou ce qui se passe en amont du chantier ou pendant celui-ci (choix constructifs, choix des matériaux, choix de leur mise en œuvre). Dès lors, le concept du bâtiment passif devient insuffisant pour être qualifié de frugal. C'est ainsi que l'ICEB introduit la notion de bâtiment frugal, celui qu'il faudra construire à l’avenir pour répondre aux évolutions du climat, à la diminution des ressources, à la préservation de l'environnement. Ce guide a une vocation pédagogique, il participe à la transmission et à la démocratisation de la démarche frugale. Notre époque change et il faut féliciter toutes les initiatives qui participe au renouvellement de notre façon de voir et de penser l’architecture, car c’est avec une transmission et une pédagogie juste que chaque architecte pourra évaluer et comprendre l’intérêt d’un tel modèle. « Il existe aujourd’hui en France une production de bâtiments performants qui sortent des sentiers battus et dont on ne parle pas. Aujourd’hui, la production est très normalisée. Or, nous pensons qu’à l’heure du changement climatique, les solutions actuelles ne sont plus valables et qu’il y a une nécessité à faire évoluer les standards. Une révolution dans ce domaine est nécessaire si l’on veut répondre aux enjeux climatiques d’aujourd’hui et de demain. Cette approche correspond très bien à l’esprit low-tech et à une démarche qui minimise aussi bien l’énergie que les ressources »18

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Alain Bornarel, directeur de recherche du Bâtiment Frugal : les guides de l’ICEB, lanceurs d’avenir, décembre 2015, 92 pages.


L'habitat bio-économique Pierre-Gilles Bellin Collection Pour habiter autrement Éditions Eyrolles Paris 2008, 176 pages

Pierre-Gilles Bellin est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, d'un troisième cycle Banque-finance à Paris-Dauphine et d'une école d'ingénieur, il est aussi essayiste. Il est le président de l'association Arca Minore, dont l'objectif principal est de contribuer à la transition environnementale dans ses aspects écologiques, économiques, sanitaires, voire démocratiques. Il a écrit de nombreux livres comme Autoconstruction en bois : Ossature bois – Chevrons porteurs – Poteaux-poutres – Paille, bois cordé, Se chauffer au bois, ou encore Les éco-solutions de la crise immobilière et économique... Pierre-Gilles Bellin est aussi un citoyen engagé et lobbyiste environnemental. Il a notamment réussi à empêcher la construction d'un stade olympique d'athlétisme en lisière de forêt de Brocéliande. Son principal objectif est de contribuer activement à une généralisation rapide des habitats respectueux de l'environnement et de partager son savoir-faire d’autoconstructeur à travers ses ouvrages. Ce livre traduit la frugalité par le terme bio-économique en nous parlant de trois thématiques

distinctes

mais

complémentaires : « Chauffer/rafraîchir/ventiler »,

« l’électricité » et « l'eau/les déchets ». Comme un annuaire de techniques, cet ouvrage fait référence aux éco-technologies et particulièrement au développement durable. Il évoque la difficulté rencontrée en France pour imposer ce modèle architectural et économique, en effet, la France est en retard par rapport à ses voisins européen sur les normes et les réglementations en vigueur dans la construction. Cela peut s'expliquer par la difficulté qu'a rencontrée l'écologie politique à convaincre de la nécessité d'entrer dans une révolution

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économique, car nous sommes ancrés dans nos valeurs et dans un système fonctionnel mais vieillissant. L'écologie est perçue aujourd'hui comme un modèle de contestation de notre système plutôt que comme une nécessité. Les porteurs de l'écologie non pas réussi à convaincre l'ensemble des décideurs publics de prendre en considération l'ampleur de la menace écologique. Le système jacobin daté freine l'évolution et les démocratisations des variantes architecturales et celui-ci nous a orienté vers des normes et des systèmes complexe, peu durables et peu écologiques.

Comprendre aujourd'hui la philosophie du développement durable et de la frugalité, c'est comprendre l'interdépendance, la complexité et la globalité, et comprendre qu'aucun sujet ne peut être traité indépendamment de son contexte. On cherche aujourd’hui la réduction des coûts, et le secteur du bâtiment est le premier probablement à être en capacité de le faire. Les nega watts19, autrement dit les watts non-produits, trouveraient dans le bâtiment un gisement immense. Il faut non seulement qu'il y est une offre, mais également une demande. Pour l'offre, il y a ce qu'il faut, on connaît aujourd’hui une multitude d'alternatives, efficaces et économiques, les techniques ne manquent pas, les matériaux de construction, le chauffage, électricité, l'eau, les déchets, sans oublier la nature elle-même, sont capable de résoudre une partie des problèmes environnementaux. Le principal blocage vient de la demande. En effet, la carence en matière de formation de tous les corps du BTP, ainsi qu'à tous les acteurs du secteur de la construction est trop faible. Faute de marché intérieur, l'habitat écologique a été boudé au moment où celui-ci se développait dans nos pays voisins. L'effort à fournir est donc multiple, d'abord, il faut informer, expliquer, sensibiliser, convaincre. Audelà de la persuasion écologique, il y a un problème de financement. Construire d'une façon écologique aujourd'hui peut sembler chère, car en dehors des manufactures industrielles qui produisent en masse et à moindre coût.

19

52

https://negawatt.org/


Et c'est sur ce point qu'il faut convaincre que le bénéfice est important sur le moyen terme. Avec une croissance estimée à 9,8 milliards d'habitants en 2050, l'habitat à une responsabilité première : Il est en effet responsable de 45 % des gaz à effet de serre et les millions de bâtiments implantés stérilisent le sol, limitant encore plus la part réservée au végétal, à l'animal et à l'agriculture. Outre les principes de construction « écologique », « environnementaux », « altermondialistes », ce livre milite aussi sur les bienfaits de ces systèmes sur le confort et le bien-être des habitants. Les principes mis en valeur dans ce livre concordent avec le principe de frugalité : Par la simplicité, donner son vrai prix à la construction, réviser la gestion de l'eau et de la chaleur. Pour la simplicité, ce livre montre à titre d’exemple un prototype de chalet de loisirs en Illeet-Vilaine, une sorte de maquette à l'échelle 1 d'une trentaine de mètres carrés.

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L'ensemble de ce corpus rassemble différentes idées qui jalonnent le concept de la démarche frugale. Les thématiques abordés permettent de comprendre la philosophie de ce modèle de pensée, de sa genèse jusqu'à sa concrétisation. La connivence des interprétations laisse à penser que le modèle frugal n'a pas de définition propre en architecture, mais qu'il est l'interprétation, et la matérialisation de l'idée d'une alternative à la normes actuelle, plus en phase avec l’individu, les économies locales et l’environnement. La démarche frugale n'est pas une valeur ajoutée au projet, mais une notion intrinsèque à la pensée qui dessine la conception selon certaines valeurs, en amont (conception), pendant (réalisation) et après le projet (usages et transmission). Trois cas sont étudiés ici, chacun se démarquent par une démarche différente des standards habituels pour répondre aux problèmes environnementaux et sociaux de notre époque. Trois démarches donc, qui soulignent toutes un intérêt commun : La place de l'Homme et de la Nature dans l'architecture, et l’articulation de l’un avec l’autre. Dans un marché frileux qui laisse peu de place à l’innovation et aux alternatives, ces projets ont réussi à se démarquer par une démarche différente, brisant les idéologies à propos de l’architecture écologique et sociale. C’est la volonté et l’implication des architectes qui permet de voir l’émergence de projets remarquables comme ceux présenté ci-dessous. La réponse des formes est différente, mais le fond suit une analogie dans la façon de penser le projet, plus en phase avec les identités locales et moins formaté aux modèles standards mondialisés. Le BedZed répond en appliquant une méthode basée sur les besoins théorique de l’individu dans son environnement. Bill Dunster tente une approche éco-systémique qui considère le quartier comme une entité complète et concrète. Chaque élément du programme fonctionne avec les autres, ils se répondent et se complètent pour simplifier et économiser les usages. Cela se fait par une architecture orienté High-Tech : concrète et calculée mais souvent plus chère à construire et à entretenir. Le groupe scolaire des Boutours à une réponse plus pédagogique : le discours prédomine, et la volonté des architectes et de promulguer des valeurs et des savoir-faire différentes des standards de la construction. La démarche tend à sensibiliser à l'architecture écoresponsable et vers une économie de moyen et de matériaux en faisant participer le citoyen

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à la conception et à la réalisation du projet. Cela produit une architecture orientée low-tech grâce à des systèmes naturels simples comme l’orientation, la ventilation naturelle et des matériaux locaux, bio-sourcés et responsables. Le Lieu Unique répond par la conservation et l’appropriation du lieu : la démarche vise à s’approprier un lieu, puis, à force de volonté et d’engagement, le transformer en bâtiment réel et identifiable. L’acte de conservation vient transformer le lieu en y ajoutant le minimum comme une forme d'économie de matière mais aussi de moyen. La transformation est un acte de construction qui valorise le lieu et l'usage et priorise l'acte de vivre le lieu plutôt que le bâtiment pour sa forme. La modularité est au cœur du projet, et Patrick Bouchain nargue les limites de la normalité pour concevoir un projet durable, politique et lourd de sens.

L’étude de ces trois projets permet de cerner la démarche frugale selon trois axes différents. Malgré une intention similaire, la forme du développement est différente. On peut donc observer dans ces études une démarche frugale dans le discours, dans les usages et la programmation et dans la matérialité. Chaque projet développe sa propre idéologie frugale par une méthodologie opérationnelle et une pédagogie particulière. Nous allons comparer ces trois projets pour comprendre l’intérêt de la démarche frugale dans le projet architecturale aussi bien au niveau du discours, de la réalisation que de la pédagogie et ainsi repérer les outils et techniques utiles pour une application plus systématique de cette démarche dans l’architecture. Il faut bien comprendre ici que chaque projet apporte une réponse contextuelle et que la démarche suivie découle de la volonté des architectes d’agir sur l’environnement dans lequel il construit, tentant une réponse adaptée et minutieuse aux problèmes géopolitiques de la région. La démarche frugale ne retrouve son analogie que dans l’interprétation de la sobriété architecturale de chacun des architectes et du processus alternatif mis en place pour répondre avec pédagogie.

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1. BedZED - Beddington Zero Energy Development

(5) Photo aérienne du projet

(6) Bill Dunster

Fait par Zedfactory Pour la ville de Sutton, Royaume-Uni Avec BioRegional et Fondation Peabody

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a. Enjeux et Objectifs

Le Royaume-Uni dans les années 1950 se confronte aux problèmes physiques et sociaux des quartiers périphériques en déclin. Il se développe par la suite une politique « Urban Regeneration » et « Green Belt » visant à répondre à cette problématique grandissante. Les friches deviennent potentiellement des terrains à bâtir et l'enjeu est de gérer cette croissance et de faire d'une ville super-dense un modèle de « Sustainability Development » (Développement Durable). C'est dans cette optique que la ville de Sutton, ville moyenne de 175 000 habitants en 1996, ville engagée dans une politique verte, veut construire pour répondre à cet étalement dans les périphéries. Le but ici est que les habitants ne consomment aucune énergie fossile20 pour réduire l'impact sur l'environnement de moitié. Le concepteur du BedZed, le BioRegional Development Group est une organisation non gouvernementale (ONG) et entreprenante créé en 1992 puis renommé Charity en 1994, consacrée à la protection de l'environnement. Cet organisme s'est installé au cœur même du quartier qu'ils ont bâti pour en étudier les performances écologiques et la satisfaction des habitants. BioRegional démontre alors qu'il est possible de réduire significativement la pression que nous exerçons sur la planète et propose de mettre en œuvre leurs connaissances dans le développement durable au sein d'un programme d'habitat nouveau et innovant en rendant l'utilisation de la ville plus simple et plus efficace. En partant du principe que pour qu'une solution soit efficace, elle doit être facile à mettre en œuvre, peu onéreuse, et dégager des économies de fonctionnement. Le projet pilote est à l'initiative de Bill Dunster, architecte renommé pour son intérêt pour les maisons solaires, a pour mission d'amener l’architecture vers une transition écologique. Il œuvre encore beaucoup aujourd'hui pour la transition vers un monde sans émission de carbone. Il a écrit ZEDbook (Zero (Fossil) Energy Development), un livre qui montre son état d'esprit et son engagement. Au-delà de l'architecture, c'est un modèle de vie qu'il

20

Energies, principalement du charbon, du pétrole et des gaz naturels

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préconise : ZEDlife21, intégrant un ensemble de principes comme ZED frabic, ZED food, ZED waste, ZED transport … Le modèle BedZED se veut éco-systémique, c’est-à-dire qu’il prend en compte l'ensemble des usages des habitants, et met à leur disposition des équipements favorisant l'utilisation plus raisonnée des ressources de la planète, et rendant leur quotidien plus facile et plus économique car interdépendant. Le principe de ce prototype ne s'arrête pas à la conception d'un bâtiment mais englobe également les besoins en déplacement, en alimentation, en consommation de biens et de services, etc. Le BedZed, quelque peu utopique, mais pas irréaliste, consiste donc à démontrer qu'un changement d'approche peut permettre de proposer aux individus des modes de vie compatibles avec les enjeux du développement durable. La particularité de la démarche ici est d'avoir conçu sur la base d'objectifs quantifiables et représentatifs de leur action. Les principaux enjeux tournent autour de : L’énergie : -

Un bilan carbone de zéro, et sans l'utilisation d'énergies fossiles

-

Une consommation d’énergie réduite de 60 % par rapport à la demande domestique moyenne

-

Une réduction de 50 % de la consommation énergétique liée aux transports

-

Une réduction de la demande en chauffage de 90 %

L'environnement : -

Une consommation d'eau réduite de 30 %

-

Un volume de déchet réduit et un recyclage accru

-

Une valorisation des matériaux locaux venant au moins pour 50 % d'une distance inférieure à 60 km

-

21

60

Une extension du rapport au végétal, y compris en toiture

Site de Zedfactory, [en ligne] https://www.zedfactory.com/zedlife


Le Social : -

Une mixité renforcée

-

Des commerces et activités socioculturelles

-

Un réseau de transport en commun efficace pour favoriser le contact extérieur

Les objectifs chiffrés calculé par BioRégional :

Objectif de réduction BedZed Par rapport à la moyenne nationale Consommation d'électricité

-60,00%

Besoin en chauffage

-90,00%

Consommation en eau

-33,00%

Consommation en eau chaude sanitaire

-33,00%

Consommation en carburants pour

-50,00%

véhicules

« Les réserves de pétrole du Royaume-Uni seront épuisées dans dix ans, aussi devons-nous préparer notre société à mieux gérer les ressources de la planète. » Bill Dunster

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b. Processus

Cette œuvre originale met en œuvre les principes d'un urbanisme durable, et non plus seulement ceux dictés par la HQE ou d'autre labels architecturaux. L'objectif ambitieux est de réduire l'empreinte écologique de 50% dans l'usage du quartier. Sur un terrain de 1.7 hectares, c'est un véritable laboratoire architectural au service de l'environnement idéel qui se crée. L'architecture de cet ensemble est surprenante, de larges édifices imposants, en contraste avec les zones pavillonnaires des alentours. L'architecture a été pensée dans le but d'offrir un cadre de vie attractif et un environnement agréable à la population. Il aura fallu trois ans pour que le cahier des charges atteigne la cible de la réduction de 50 % de l'empreinte écologique. En contraste avec les approches traditionnelles qui traitent chaque service de manière séquentielle, les éléments constitutifs du projet urbain du BedZED (bâti, transports, choix des énergies, traitement des déchets...) ont une approche éco-systémique et sont modélisé comme l’ensemble des besoins des individus. Le but ici est de proposer des alternatives économiques, faciles à vivre et respectant les principes du développement durable. En prenant en compte un maximum d'usages des habitants dans la conception, Bill Dunster appuie son approche sur les principes suivants : -

Utiliser des ressources renouvelables locales : Revaloriser les terrains agricoles et boisés, les gisements d'énergie renouvelables locales (Le soleil, le vent, l'eau, le sol …) et les déchets produits qui peuvent donc être recyclés.

-

Fermer les boucles de consommation locales : Il s'agit ici de recycler et/ou réemployer les matériaux. De plus, utiliser la chaleur produite par certaines industries pour chauffer les habitations et donc perdre un minimum d'énergie localement.

-

Développer l'économie locale : Utiliser les productions des industries locales, de manière à réduire les transports (déplacement et approvisionnement) et à dynamiser l’économie locale.

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-

Fonctionner en réseaux : Centraliser les besoins logistiques et réfléchir localement.

-

Consommer mieux : Se détacher du commerce international à faible valeur sociale pas forcément sain pour l'environnement dû aux coûts de transports.

Le choix de la localisation du BedZED s’est fait en fonction des besoins de la ville de Londres, dont le centre est saturé et non accessible par les personnes ayant un revenu moyen, et de manière à préserver l'espace vierge péri-urbain. Le projet est donc situé en périphérie de Londres, sur une ancienne friche urbaine et à proximité des moyens de transport en commun. Cahier des charges : 1,7 millions d'euros, 1,7 hectare, 82 logements (1, 2, 3 & 4 chambres) ; 271 chambres habitables, 2500 m2 de bureaux et de commerces, un espace communautaire, une salle de spectacles, des espaces verts publics et privés, un centre médico-social, un complexe sportif, une crèche, un café et un restaurant. C’est le premier ensemble de cette taille et à ce niveau d’efficacité énergétique à avoir été construit au Royaume-Uni, avec les principes de l’Habitat écologique et avec un objectif social. Le projet s’applique à trouver des solutions différentes et alternatives. Bill Dunster fait le choix d’une architecture plutôt high-tech pour répondre aux problèmes environnementaux.

« Le modèle a (...) consisté à simplifier tous les usages (réduction des besoins de transports, tri des déchets facilité …) et à les rendre plus efficaces et plus écologiques localement (efficacité énergétique des bâtiments, recyclage des eaux en interne, …). BedZED dépasse les solutions classiques en ce qu’il englobe l’ensemble des usages de manière transversale, et se situe du point de vue fi al de l’utilisateur en cherchant toujours à simplifier et utiliser plus efficacement les ressources »22

22

WWF & BioRégional Development Group, BedZed, un exemple d’urbanisme durable, sept. 2004

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c. Étude sur les techniques utilisées

Ce prototype de quartier met en place une planification rigoureuse. Les zones de travail sont placées au nord, dans les zones ombragées et les nombreuses ouvertures sur l'extérieur permette de faire entrer la lumière sans poser de problème vis-à-vis la surchauffe. Chaque logement dispose d'une serre, exposée au sud, pour capter la lumière du soleil, et d'un jardinet d'une quinzaine de mètres carrés habituellement situé face à la serre. La conception du quartier se base sur le principe de réduction thermiques, des besoins électriques et de l’utilisation des énergies renouvelables.

- Gains solaires : Les logements sont orientés au sud avec des serres de trois étages afin de capter la chaleur et la lumière du soleil. Des cellules photovoltaïques sont installées en toiture pour convertir l'énergie solaire en électricité.

(7) Schéma de principe du rayonnement solaire sur l’ensemble du complexe BedZED.

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- Une Ventilation passive avec récupération de chaleur en double flux. Un système de cheminées fonctionne avec l'énergie cinétique du vent pour assurer la ventilation des logements et garantir le renouvellement de l'air intérieur. L'air qui sort chauffe celui qui entre avec une récupération de 70 % de la chaleur provenant de l'air vicié évacué grâce à un échangeur intégré. Même dans une région avec un climat de type océanique, c'est-à-dire où l'humidité est constante et les températures ne sont quasiment jamais élevées ou basses, ce type de dispositif peut fonctionner parfaitement.

(8) & (9) Tours à vent en toiture du BedZED & schéma de principe de la ventilation passive.

- La Masse Thermique fournie par des blocs denses, des dalles de béton et des surfaces exposées à la radiation solaire, pour absorber la chaleur. Ce système constructif a une masse thermique élevée et une transmission thermique réduite, qui limitent la déperdition de chaleur en hiver et la surchauffe des locaux en été. Les murs internes ne sont pas isolés pour permettre de dissiper la chaleur provenant du soleil et de l'éclairage, de l'eau chaude et de la cuisine, ce qui maintient les espaces à une température confortable. - L’isolation est constituée d'une jaquette d'isolation de 300 mm autour de chaque terrasse. - Une double peau de doubles vitrages, au sud, et triples vitrages pour les autres façades. - Les logements équipés d'appareils à faible consommation énergétique : Ampoules électriques fluorescentes compactes de 20W, des réfrigérateurs et machines à laver à basse consommation d'énergie et d'eau, compteurs électriques visibles, pour permettre aux

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résidents de suivre l'évolution de leur consommation en direct, le bon accès de la lumière du jour à toutes les habitations et tous les postes de travail diminue les besoins d'électricité pour l'éclairage pendant la journée. Une réduction de 21 % est attribuée à la bonne conception de la lumière et à la conscience énergétique des usagers, ventilation passive qui élimine les besoins de ventilation électriques. - 777m² de Panneaux photovoltaïques sont montés sur les façades et toitures pour produire de l'électricité. Une partie de cette électricité était destinée à recharger les batteries de 40 véhicules électriques d'une société de location installée sur le site. Les panneaux produisent 108 000 kWh d'électricité solaire chaque année, évitant ainsi 46 tonnes d'émissions de CO2. - Un système de chauffage de cogénération devait assurer le chauffage du BedZED. Cette unité fonctionnait par combustion de copeaux de bois. L'unité de cogénération produisait également la chaleur pour l'eau chaude sanitaire et la distribuait à travers des canalisations bien isolées. L'eau arrivait dans des ballons positionnés au centre des habitations et des bureaux pour les faire bénéficier d'un apport de chaleur. La capacité de l'unité était de 726 000 kWh d'électricité par an et cela faisait économiser 326 tonnes de CO2 à la production électrique nationale. Malheureusement, ce système ne fonctionne plus car il est tombé en panne et l'entreprise qui s'en occupait à fait faillite. On peut donc observer ici la limite des systèmes prototypes, plus couteux et difficile à entretenir. - Des solutions alternatives à l'utilisation du véhicule personnel sont mis en place : de nombreux parking à vélo et des pistes cyclables sont prévu jusqu'à Sutton, les chemins et allées sont bien éclairés et surveillés et les rues dotées de ralentisseurs, il y a un club de location de voiture pour favoriser le covoiturage - Les matériaux locaux sont privilégiés. Dans la mesure du possible, ce sont des matériaux naturels, recyclés, récupérés et réutilisés :

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-Les matériaux naturels : choix des bois provenant de forêts locales, durablement gérées et/ou certifiées Forest Stewardship Council (FSC). Aucun matériau employé ne contient de formaldéhyde, pour éviter les risques d’allergie des occupants.

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-

Les matériaux récupérés : portes, menuiseries intérieures, poutres métalliques, mâts d’échafaudage (pour faire des rampes et de balustrades), bordures de trottoir, dalles de pierre.

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Les matériaux recyclés utilisés : plastique pour les portes des meubles de cuisine et les plans de travail, granulat concassé pour la sous-couche des routes, sable provenant de verre vert trituré.

L'objectif principal est l'approvisionnement, dans le but de réduire les émissions de CO2 pour leurs transports. Le but est de trouver des matériaux dans un rayon de 60 km autour du projet. Cela permet aussi de valoriser l'économie locale. La plupart des matériaux lourds (briques, parpaings, 50 % du béton, 80 % du bois, et toutes les plaques de plâtres) proviennent de fabrication locale. Les vitrages ont été importés du Danemark, car il n'existait pas de société capable de produire le volume des vitrages demandés et les spécificités techniques recherché. Un des enjeux du quartier BedZED est aussi la densité. En effet, le modèle architectural et urbanistique a permis d'obtenir une densité de 100 logements et de 200 bureaux par hectare, tout en respectant la hauteur de construction de 3 étages maximum. Cette densité, où 500 personnes habitent et travaillent par hectare, a été obtenue grâce à l'intégration architecturale des espaces d'habitations (façade Sud) et des espaces de travail (façade nord). L'espace de vie est aménagé selon les goûts des habitants. Un judicieux système de passerelles, jetées au-dessus des allées, permet aux résidents des étages supérieurs d’accéder plus facilement à leur logement et à leur mini jardin privatif.

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d. Synthèse

Ce quartier tente de répondre à la demande éco-responsable réclamé par le pays dans sa politique d'étalement dans les périphéries. Le BedZed innove dans l'architecture durable en appliquant des techniques et des systèmes efficaces et écologiques à l'échelle d'un quartier. Ce paradigme de la construction écologique à mener l'architecte à penser ce projet comme une alternative nouvelle et démonstrative pour l'époque. Bien que les résultats des dix dernières années soient concluants, certains équipement complexes connaissent un ralentissement voire un arrêt. Les coûts des réparations sont exorbitants. Malgré tout, l'empreinte écologique de BedZED demeure deux fois moindre que n'importe quel autre quartier traditionnel. Malgré un surcoût de 30 % du budget initial, celui-ci a été accepté par le maître d'ouvrage car ce projet se veut comme un prototype qui doit ensuite permettre de développer d'autres sites en adaptant le modèle. « Pour nous, c'est step one » explique Jennie Organ23, c’est-à-dire que ce projet veut servir d’exemple pour le futur, et si le BedZED était réalisé aujourd’hui, les valeurs seraient les mêmes, mais les moyens différents. Le projet prototype a eu des impacts sociaux positif par le mélange des catégories sociales des habitants : professions libérales, « key workers » (infirmières, policiers, pompiers …) et logements sociaux se partagent le quartier. Le prix du logement à BedZed est d'à peu près 20 % plus élevé que le prix moyen de l'immobilier dans cette banlieue, mais bénéficie de services locaux améliorés et d'une baisse drastique des charges d'exploitation. Le concept BedZED s'est développé comme un produit « témoin » de logement-bureau intégré, disposant de ses propres fournisseurs et techniques environnementales chiffrées et d'une performance a pu être planifiée et testée. Il a permis des conclusions sur ses points forts comme : une orientation optimisée pour le rayonnement solaire, une très bonne isolation,

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Jennie Organ, du groupe BioRegional, à l'origine de BedZED et d'une douzaine de projets « One Planet Communities » dans le monde.


une récupération de la chaleur par les larges façades Sud et un système de ventilation mécanique naturelle, un traitement particulier de l'eau et des déchets, et enfin une combinaison de modalités d’accès au logement qui favorise la mixité sociale. Le BedZED a réussi à comprendre et à analyser certaines faiblesses : les technologies trop innovantes coûtent cher et peuvent souffrir de problèmes d'application, les voitures ont encore une place trop importante dans l'urbanisation et le véhicule électrique pas encore suffisamment démocratisé pour réduire radicalement la circulation automobile dans les quartiers et le succès médiatique du quartier fait monter les prix des logements. De plus, les promoteurs du BedZED estiment que l’objectif écologique n’a pas été suffisamment valorisé auprès des résidents. Ainsi, il aurait fallu faire davantage d'éducation et de sensibilisation.

Ce projet apporte une réflexion sur les ressources à utiliser, sur l'énergie et la matière dépensées, par une volonté de faire renouer l'architecture avec la nature en faisant preuve de pédagogie dans l'usage quotidien, mais aussi dans le rapport de l'architecture avec le matériau et le rapport de l'habitant avec son éco-système. Le pari n’est que moyennement réussi sur ce point par un manque de communication autour des objectifs écologique du quartier. De plus, le parti prix de la sur-technologie peut être défavorable comparé à une approche plus low-tech.

L'urbanisation frugale doit s'étendre et appliquer ses méthodes sur l'ensemble des territoires. Il faut confronter l'éco-quartier avec le développement urbain durable : un urbanisme sobre, à moindre coût, qui porte une ambition politique pour des villes durables. L'objectif maintenant n'est pas de trouver « comment faire », mais plutôt transmettre, convaincre et apprendre que l'on « peut faire mieux, avec moins ».

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Les évolutions de la croissance et la recherche de la durabilité dans les projets permet de se demander si l’ingérence des habitants dans l’urbanisme durable n’est pas la condition sine qua non d’une ambition politique pour la ville durable. La résurgence d’un urbanisme civique pourrait-elle enrayer la réduction de la durabilité à une question environnementale en grande partie vidée de ses dimensions culturelles, sociales, identitaires, esthétiques et politique ? L’urbanisme de la sobriété doit tenir tête à l’urbanisme de la croissance verte24, vecteur d’exclusions et d’externalités multiples.

« Pour les villes qui se lancent, il existe sommes toutes trois bonnes raisons d’agir à l’échelle d’un quartier. En premier lieu, un quartier durable permet d’incarner une politique de développement durable marquée par un déficit de visibilité. Il correspond en quelque sorte à la partie émergée de l’iceberg, puisqu’il est tangible, se fait visiter, photographier, commenter à l’infini… contrairement à un plan climat, un PLU ou un agenda 21. Le quartier confère un visage, une matérialité, des traits singuliers et circonscrits au « développement durable urbain ».

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La croissance verte est anthropocentrique alors que la démarche frugale est biocentrique


(12) d’Emma Kelly, Coupe illustrée du BedZED.

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2. École maternelle les Boutours

(13) Photo de la façade

(14) Emmanuel Pezrez

Fait par Emmanuel Pezres, Fanny Mathieu et Pierre-Jean Poulliard Pour la ville de Rosny-sous-Bois (93), France Avec l'ADEME et la région Île-de-France

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a. Enjeux et objectifs

Emmanuel Pezres est un architecte de longue date de la ville de Rosny-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. La ville lance un projet de groupe « d'éco-écoles » en réalisant dans un premier temps une école en 2014, puis, par la suite, en 2016, en lieu et place d'un marché couvert adjacent à la première école, une nouvelle école maternelle de 2200m². L'école des Boutours est un exemple de construction passive, en utilisant très largement des matériaux naturels : bois, caissons de paille en remplissage des murs extérieurs en ossature bois, terre, etc. Elle a été réalisée en 2014 et a reçu un retour très élogieux des parents et des enfants ainsi que des résultats énergétiques spectaculaires.

Avant-gardiste, ce groupe scolaire unique en Europe a pour objectif de respecter les notions de développement durable tant dans sa construction que dans son fonctionnement. Une réussite dans la synthèse de l'éco-construction, dépassement le champ lexical du développement durable pour tendre vers l'architecture régénérative25. Cette architecture a une approche de conservation et de haute performance qui se concentre sur la réduction de l'impact humain sur l'environnement ainsi que la compréhension du système vivant à partir duquel nous pouvons tirer des enseignements sur la façon d'intégrer la nature non plus comme ressources mais comme partenaire à part entière. L'architecture régénérative appelle à un autre mode de construction et à un autre mode de fonctionnement ainsi qu’a une intégration mesurée du citoyen dans le développement du projet. La ville a construit cette école pour répondre à l'arrivée de nouvelles habitations tout en répondant aux besoins primaires que sont l'alimentation, l'abri et la sociabilisation. L'idée était de créer une boucle éco-systémique23 vertueuse et donc appliquer dès le démarrage du projet des objectifs passifs, éco-citoyens et de construire en matériaux bio-sourcés en intégrant de l'agriculture urbaine et de la pédagogie.

25

Voir définition dans la partie I – Une approche Étymologique & littéraires, 2. Quelques définitions supplémentaires.

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La volonté de la ville est de faire participer la communauté pour lui enseigner cette pédagogie frugale, et faire comprendre l’intérêt de cette transition vers un nouveau modèle architectural, plus proche de l'habitant et plus écologique. Cette pédagogie permet d’amener chacun à une réflexion sur nos modes de vie, sur notre façon de consommer et de construire. La construction de l'école des Boutours est le résultat d'une tentative de doter l'architecture d'une capacité à rester neutre vis-à-vis de son environnement, en bénéficiant des atouts qu'il dégage. Ainsi, ce projet est un exemple dans le domaine du développement durable, à contrario des a priori, cette architecture n’utilise pas de technologies complexe pour répondre aux problèmes environnementaux, mais s'appuie sur l'engagement et la détermination des architectes, de l'équipe pédagogique et d'une grande partie de la population. Les approches partielles, et exclusivement techniques comme réponses ne suffisent pas si on néglige le rôle essentiel joué par les usagés. Ce projet réunit donc quatre grands axes :

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Une approche bio-climatique de l'architecture

-

Un usage détourné de matériaux pour les (ré)adapter à l’architecture

-

Une intégration du vivant au cœur du projet

-

Une participation citoyenne

L’enjeu pour la ville de Rosny-sous-Bois, à la fois maître d’œuvre et maîtres d’ouvrage, est d'être une ville exemple, pionnière dans la transition écologique. Claude Capillon, maire de la ville présente non pas ici un enjeu politique mais un enjeu d’intérêt général. La symbolique dans la construction de l'école est la métaphore du patrimoine que nous allons laisser aux générations futures et ce bâtiment doit servir d’exemple. L'objectif de la ville est d'anticiper les évolutions de la commune.

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La ville a d'ailleurs des objectifs ciblés pour accompagner la transition écologique comme :

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L'adoption d'un agenda 21

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La mise en place de façades bioclimatiques pour les écoles

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Un Plan Local d'Urbanisme responsable et équilibré

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Un accompagnement au développement des transports en commun

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- Le développement de son propre parc de voitures électriques pour les agents de la ville

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Un Conseil Local du Développement Durable (CLDD)

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Une centrale géothermique26

(15) Illustration de Damien Roudeau

26

Ville de Rosny-sous-Bois, Les Boutours, Dossier de presse, [en ligne] http://www.rosny93.fr/IMG/pdf/dossier_presse_boutours.pdf

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(16) & (17) Illustrations de Damien Roudeau

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b. Processus

Le projet de l'école des Boutours de Rosny-sous-Bois s’appuie sur la démarche de création d'un groupe « d'éco-écoles » maternelle et primaire. La notion essentielle est d’intégrer l'écologie comme un élément qui rend réel la mission d’intérêt général et convaincre de son intérêt pour un avenir durable. La mission des architectes est de rendre la participation citoyenne plus active dans la conception architecturale. Les architectes désirent former les jeunes, mais aussi les entreprises à des techniques différentes et alternatives mais tout aussi efficaces et par conséquent engrangé un savoir-faire différent de la norme actuelle de la construction. Ce projet est énergétiquement très efficace, et l'objectif est d'aller toujours plus loin dans les principes écologiques et tendre vers une architecture régénérative et résiliente aux changements énergétiques, climatiques et environnementaux du XXIe siècles. La réflexion suit donc ces principes :

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Une philosophie « bâtiment passif, usagers actifs ».

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Innovation, low-tech : « Double flux naturel », système de ventilation naturelle toute l'année avec récupérateur de chaleur.

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Procédés constructifs et des matériaux bas carbone : ossature et charpente bois, remplissage paille, paille porteuse, cloisons en terre crue et sols en linoléum.

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Appropriation du bâtiment par ses occupants : pédagogie, simplicité d'interaction bâtiment/usager.

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Participation citoyenne : chantier de fabrication d'adobe27, création de mosaïques avec des classes élémentaires.

27

L’adobe est une brique d’argile et de paille séchée au soleil, utilisée comme matériau de construction », définition donnée par le dictionnaire Le Nouveau Littré (2007), Paris, Editions Garnier, p42.

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Une approche bio-climatique sous-entend une étude approfondie du site en amont. Elle a pour objectif de déterminer soigneusement les opportunités macro-physique offerte par le territoire. Elle génère à terme une analyse du relief, des orientations, des types de sol et de végétation ; de l'ensoleillement ainsi que les agressions qu'il faudra gérer comme la pluie, le vent, et les détourner pour les utiliser au profit du bâtiment. Cette analyse est donc une des étapes les plus importantes car elle va identifier sur le terrain les avantages et inconvénient du site et permettra d'effectuer des choix énergétiques renouvelables aux niveaux thermiques, photovoltaïques, géothermique, etc. Cette étude dessine les grands axes du projet en privilégiant les apports solaires passifs, la gestion du confort d'été, des vents froids, des pluies dominantes ; la lumière, l'éclairage naturel, une isolation performante, la compacité du bâtiment, l'orientation de la construction, la ventilation intelligente, la valorisation des eaux pluviales, les énergies renouvelables et le confort hygrothermique. On effectue donc des simulations thermiques dynamiques afin d'évaluer le confort thermique comme dans les salles de classe par exemple.

La parcelle est allongée (20m x 150m) et son orientation est sud-ouest/nord-est. Les règles d'urbanisme imposent une emprise au sol ne dépassant pas 40 % de la surface de la parcelle, soit 1253 m² et la hauteur de la construction à 9m maximum. L'orientation du bâtiment, déterminé par les apports solaires, et sa morphologie en lanière, ont permis de doter les classes et salles de repos des mêmes caractères bio-climatique : ces pièces, toutes orientées au sud-est et largement ouvertes par des baies vitrées et sont protégées au nord-ouest par des espaces tampons que constituent les circulations, dont les ouvertures judicieusement réparties, apportent par les impostes vitrées un second jour indispensable pour un éclairement naturel optimisé. Ces espaces tampon sont aussi éclairés par de petites ouvertures en façade nord-ouest.

Le choix de matériau bio-sourcés a été influencé par la volonté de créer un éco-système au sein du bâtiment. Les principaux matériaux sont le bois, d'origine géographique proche, la paille, issu des déchets et résidus des agricultures encore une fois géographiquement

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proche. L'assemblage de l'ossature mélange bois et aluminium, plus coûteux qu’une ossature 100 % bois, ce principe permet cependant un entretien plus simple et moins coûteux. La balance budgétaire s'équilibre par le choix de la paille comme matériau d'isolation qui permet ainsi de réduire la valeur de l'énergie grise total du bâtiment. La paille est un matériau historique, renouvelable et un vecteur social au service des bâtiments performants. La bio-dégradation et la bio-compatibilité de ce matériau sont des atouts que les architectes n'ont pas manqué de prendre en considération.

L’intérêt ici est de penser directement à la fin de vie du bâtiment, en effet, les matériaux biodégradables permettent de laisser à nos générations futures autre chose que des déchets ingérables. Un des autres matériaux noble et bio-sourcé est la terre crue, volonté des architectes de l’intégrer au projet pour la réalisation des cloisons intérieures. Alors que l'on sait qu'il faut « 300 fois plus d’énergie sur factures pour fabriquer un bloc de béton qu’une brique de terre séchée au soleil »28, on continue à être craintif quant à l'utilisation de ces technique écologique et économique.

Il n'existe en effet encore que peu de projet et de textes de références dans le domaine, ce qui peut effrayer et freiner les démarches administratives. De plus, il y a un manque d'information et de formation autour de ce procédé qui freine les différents acteurs du projet. La prise de risque, tremplin de l'innovation, est aujourd'hui freiné par la normalisation de l'architecture autour de règles strictes. La terre dans l'architecture est aujourd'hui l'affaire d'acteurs locaux à travers la mise en place de filière spécialisé et cela freine son adaptabilité à une plus grande échelle. Il s'agit aujourd'hui de valoriser les expériences avec ce matériau pour populariser cette démarche qui est à la fois économiquement très intéressante mais aussi écologique et renouvelable.

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Wright David, Manuel d’architecture naturelle, 2005, Marseille, Ed parenthèses p.26

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« Le choix des matériaux a été guidé de manière systématique par la recherche du plus faible impact environnemental et sanitaire possible : énergie grise, bilan carbone, qualité de l’air intérieur, consommation énergétique. Ils sont issus de l’énergie solaire via la photosynthèse se détournant ainsi du pétrole et des énergies fossiles »29.

Ce projet est aussi un exemple d’architecture régénérative. Au-delà de parler d'économie, on parle ici plutôt de restauration et d'enrichissement des milieux. Et la construction d'une école se prête volontiers à ce jeu. L’école est l’endroit le plus pratique pour apprendre à l'Enfant le monde des êtres vivants. Les bâtiments régénératifs sont conçus pour être en symbiose avec leur environnement et contribuer à la restauration et à l'enrichissement des milieux dans lesquels ils s'insèrent, tant au niveau des communautés humaine que de l'économie.

La pédagogie est le maître mot de cette architecture : en plus de créer un bâtiment écologique, on instruit pour convaincre des bienfaits de ces méthodes. Emmanuel Pezres exprime ici son intention de transmettre le savoir-faire aux générations futures, qui le transmettrons eux aussi. Dans ce projet, l'enfant, l'usager, est au cœur du projet, et toute la pédagogie s'articule autour de sa compréhension et de son apprentissage. On laisse quelques détails constructifs apparent comme pour montrer les techniques utilisées, on peut apercevoir dans le hall l'isolation paille à travers des « fenêtres de vérité », ainsi que l'ossature bois qui est apparente sur 1/5ème du plancher supérieur. Dès la conception, les architectes ont pensé au parcours pédagogique des enfants en intégrant par exemple un toit végétalisé alloué à l'agriculture urbaine. Un des derniers principes de l'architecture régénérative est l'application d'un chantier participatif. Il était important pour les architectes de laissé certains actes aux bénévoles du voisinage, ainsi qu'aux enfants et aux parents d'élèves.

29

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Emmanuel Pezres ibid.


Il est important, par cette démarche, de partager les techniques au travers de la conception et de la réalisation citoyenne. Au-delà du lien social, il a semblé incontournable aux architectes d'amener la notion originelle de la citoyenneté à s'emparer de ce qui fonde l'humain en amont du citoyen, à savoir la relation entre le vivant et la matière.

« Il faut inscrire cette démarche de régénération, de revitalisation dans la durée. Particulièrement pour ce projet d’école, il nous a semblé important de partager et d’ouvrir les possibilités futures. Une telle démarche a paru pertinente dans une école maternelle parce qu’après le cercle familial, l’école maternelle est le premier lieu physique et intellectuel de la constitution d’un mode de socialisation qui a le projet de faire naître des citoyens »30.

(18) Photo de l'école pendant le chantier

30

Emmanuel Pezres, ibid.

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c. Étude sur les techniques utilisées

Ce projet a, par ses techniques constructive, expérimenté des méthodes non pas nouvelles, mais méconnu, et donc parfois plus compliqué à mettre en place. Nous avons vu que le processus entendait valoriser l’architecture bio-climatique, les matériau bio-sourcés et l'architecture participative par le biais de concertation citoyenne et chantier participatif.

- Une structure de bois et de paille :

Matériaux principaux de la structure, la première école s'était servie de la paille comme isolation. L'école maternelle a poussé le processus plus loin en utilisant des briques de paille compressée pour faire la structure porteuse basée sur la technique dite Nebraska : une structure porteuse constituée uniquement de bottes de paille enduite. La paille utilisée est issue d’une culture céréalière certifiée agriculture biologique située en Seine-et-Marne. L'ossature des murs, le plancher intermédiaire et la toiture sont conçus par assemblage en bois résineux d'essence naturelle et durable issu de forêts gérés durablement et labellisées par le « Program for the Endorsement of Forest Certification » (PEFC), à savoir le Programme de reconnaissance des certifications forestières 31. Ce label donne une garantie sur les produits issus de sources responsables. Les bardages de façade, les platelages de la toiture accessible et les aménagements extérieurs sont en bois durable dans leur classe d'emploi : douglas, pins, mélèze, robinier, chêne. La toiture terrasse est également en bois, les éléments ont été réfléchis pour supporter le toit végétalisé et préassemblés en atelier.

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https://www.pefc-france.org


(19) Photos des murs en paille durant la construction de l'école des Boutours

(20) La « fenêtre de vérité » du couloir avec vue sur la paille de construction

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- La terre crue Pas moins de 150 bénévoles ont réalisé plus de 4000 briques en terre cuite pour les cloisons intérieures en utilisant une standardisation du modèle qu'on appelle Brique de Terre Comprimées (BTC). C'est « cloison d'inertie thermique » sont généralement placées à proximité des ouvertures sud afin de capter et stocker la chaleur les journées d'hiver pour la restituer la nuit. Inversement, le système capte la fraîcheur les soirs d'été et la restitue au bâtiment en journée. La terre utilisée provient de la briqueterie de l’Allonne située à quatrevingt-cinq kilomètres, affirmant la volonté de se fournir en matériaux locaux

(21) Exemple de cadre servant à mouler deux adobes

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- Toiture-terrasse cultivée Le complexe de toiture comprend 70cm de terre. Les architectes ont voulu montrer que l'on peut réaliser une toiture terrasse végétalisé sur une structure naturelle en bois et en paille et excluant le béton. Presque tout se mange ici, il y a un jardin potager pour les enfants et une partie sauvage. Les architectes voient le toit végétalisé sur une école comme une nouvelle manière de penser la ville. Au-delà de l'image que renvoie ce système, cette spécificité répond également au souhait de transmettre des bonnes pratiques et des méthodes respectueuses de l'environnement. Le simple apprentissage par l'action de « faire » à une portée plus grande aux yeux des enfants et permet d'acquérir des savoir-faire écologiques de base : comment planter, comment nourrir, la terre, qu'est-ce le lombricompostage, quels sont les bienfaits de la production locale ...

(22) Vue de l’école maternelle des Boutours 2 depuis le jardin partagé situé sur le toit de l’école élémentaire Boutours 1

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- La ventilation et le chauffage L'objectif des architectes était de rendre le bâtiment le plus efficient en termes de ventilation. Ce projet est doté d'une ventilation naturelle contrôlée à haute performance énergétique, qui diffère de la ventilation classique (c'est-à-dire la ventilation naturelle « incontrôlée » ou ventilation mécanique contrôlée). Il faut évaluer la climatologie sur le site pour valider l'orientation des ouvrants par rapport aux vents et de caractériser les champs de pression selon la vitesse, la direction et la fréquence afin d'optimiser l'implantation des fenêtres. L'étude du site de l'école a permis de déterminer cinq types de ventilation dans l'école, dont 2 ont été abandonnées car le plan local d’urbanisme du site oblige de respecter une hauteur maximale de 9 mètres et le dernier fut abandonné car les calculs ont démontré que cela ne fonctionné pas dans ce projet. Parmi les systèmes mis en place il y a : - La ventilation naturelle, L'ouverture des fenêtres est une des solutions les plus simples. Dans le projet, cela est possible par l'ouverture des fenêtres en façade Est et grâce aux grilles perforées situées en partie basse et haute de chaque ouvrant. - Une ventilation naturelle contrôlée grâce aux ouïes placées sur la traverse en partie basse des fenêtres laissant passer l'air tout en protégeant de la pluie, ce système est contrôlé électriquement. - Les puits canadiens, au nombre de huit, récupèrent l'air extérieur, l'échange par le biais d'une centrale double flux pour finalement la réinjecter dans les parties courantes du bâtiment. Le puits canadien est un système de plus en plus utilisé en France pour ses nombreux avantages lors de la construction de bâtiment très performant et ayant pour objectif de limiter au maximum les pertes énergétiques et de renouveler l'air intérieur. Le principe est d'utiliser de manière passive les principes de la géothermie. La terre en profondeur a une température constante tout au long de l'année. Cela varie entre 10°C et 18°C selon les saisons alors que la température extérieure peut varier entre 1°C et 25°C. Le projet utilise 8 puits canadien reliés chacun à une centrale de traitement d'air dans le but de préchauffer l'air neuf en hiver et de le rafraîchir en été. La ventilation est partout asservie à des détecteurs de présence. Le principe est basé sur la récupération de l’air extérieur afin de le rediriger dans le sol, puis dans le bâtiment. La borne de prise d’air est l’élément par

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lequel l’air rentre dans le bâtiment. Elle se situe au départ du circuit. La prise d’air se fait à environ 1m du sol. Cela évite que le ventilateur n’aspire les polluants concentrés sur les premiers trente centimètres de hauteur. Les récupérateurs d’air sont situés en partie haute à l’arrière du bâtiment. La réglementation exige un débit d’air de 15m3/h par enfant, alors qu’habituellement les besoins des enfants sont sous-estimés, le bâtiment offre un débit d’air de 25m3/h par enfant. Avant d’être redistribué dans toutes les pièces, l’air est en contact avec un système double flux croisé qui va échanger l’énergie négative entrante avec l’énergie positive sortante. Les machines sont programmées et assistées par des capteurs qui permettent d’assurer le bon fonctionnement des équipements. Ainsi, en été, malgré de très fortes chaleurs, l'école affiche 23° sans utiliser de système de ventilation supplémentaire. En hiver toutefois une aide mécanique peut être requis pour maintenir une température entre 20 et 21°.

(23) Vue depuis l’arrière du bâtiment, rue Brossolette, Rosny-sous-Bois

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d. Synthèse

Le groupe scolaire des Boutours, projet à l’initiative de la ville de Rosny-sous-Bois, veut répondre à la demande croissante d’architecture éco-responsable et pédagogique. Le talent des deux architectes de la ville a permis de concevoir un projet soutenu et conçu avec les habitants. L’architecture répond ici avec justesse au programme en apportant une simplicité architecturale en raccord avec les principes environnementaux et sociétale. Nous avons vu que ce projet est conçu sur le principe de l’habitat passif (et/ou bioclimatique) et se base sur sept grands principes : Isolation thermique renforcée, fenêtres de grande qualité, suppression des ponts thermiques, excellente étanchéité à l’air, ventilation double flux (avec récupération de chaleur), captation optimale, mais passive de l’énergie solaire et des calories du sol, et limitation des consommations d’énergie des appareils ménagers. Cette démarche écologique vise à concevoir des cultures et des lieux de vie autosuffisants, respectueux de l’environnement et des êtres vivants en s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes et des savoir-faire traditionnels. La frugalité tire parti de son environnement naturel, transforme des contraintes en opportunités positives, fait participer les citoyens à chaque étape du projet : le jalon social prend ici une part importante dans la conception. On peut définir ici le caractère frugal par la combinaison d’une approche environnementale et d’une approche pédagogique. Le projet s’articule autour de trois principaux axes qui bornes la démarche frugale : - Le bio-sourcé, Ce projet fait appel pour sa structure, son isolation et son aménagement intérieur à des matériaux se détournant du pétrole et des énergies fossiles, en favorisant les matériaux issus de l’énergie solaire via la photosynthèse (paille, bois, ouate de cellulose, huile de colza bio, lin…) - Le bio-climatique, conçu en rapport avec son environnement pour notamment tirer le meilleur parti du soleil (apports directs en énergie solaire, éclairage naturel) du vent et de la pluie. Par ailleurs elle met en œuvre le génie végétal pour créer des masques solaires

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(arbres, végétaux caduques…) en été, dont les feuilles disparaissent pour laisser passer le soleil bas en hiver. - La ventilation naturelle contrôlée, grâce notamment à un puits canadien et à des façades respirantes, elle amorce un éloignement du recours au « tout-machine ». Elle très performante énergiquement puisqu’elle est de niveau passif, visant l’objectif « passivhaus». Elle est très largement ouverte à l’agriculture urbaine sur sa terrasse et dans sa cour favorisant ainsi l’apprentissage d’une production de nourriture saine, locale, peu chère, tout en soutenant la biodiversité et l’ancrage d’un lien social dans une activité collective suivant le rythme biologique des saisons32.

L’avantage de tels procédés dans un bâtiment public, qui plus est une école, permet d’amener une visibilité et une pédagogie sur des processus de construction innovant et alternatifs, qui répondent parfaitement au programme d’une école en apportant des solutions qui sont à la fois nouvelles et pédagogique pour chacun d’entre nous. La ville de Rosny-sous-Bois montre sa volonté incontestable de se positionner comme pionnière dans une architecture durable et éco-citoyenne. Dernier point, l’école sert de pilote pour le réglage du référentiel du nouveau Label volontaire Bâtiments Durables Franciliens33. Ce projet sert donc d’exemple pour qui voudrait tenter l’expérience d’une architecture réinventée, en adéquation avec les problèmes de notre époque, tout en restant sobre dans son budget, en effet, l’école revient à environ 1781 € HT/m² quand le prix moyen est de 2500 € HT/m² à Rosny-sous-Bois. La démarche des architectes est donc complète et engagé. L’empathie et la pédagogie réussissent à construire un projet nouveau et fonctionnel. Ainsi, le groupe scolaire des Boutours réussi à être à la fois rentable et écologique, grâce à la volonté sincère des architectes d’apporter des valeurs différentes. L’idée des architectes et de la ville est ici d’utiliser le prétexte de l’école pour apporter une visibilité et une compréhension des valeurs écologique, durable et participative de l’architecture.

32

Emmanuel Pezres, ibid.

33

BDF, Bâtiments Durables Franciliens, http://www.ekopolis.fr/construire/batiments-durablesfranciliens

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2. Le Lieu Unique

(26) Photo de la façade Avenue Carnot

(27) Patrick Bouchain

Fait par Patrick Bouchain, Pour la ville de Nantes, France Avec Jean Blaise et la ville de Nantes

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a. Enjeux et Objectifs

La réhabilitation de l'ancienne usine de biscuit petit beurre Lefèvre-Utile (LU) a pris position dès sa conception vers une architecture simple et sociale. Mené par l'architecte Patrick Bouchain, ce projet est un savoureux mélange entre un projet d'institution inaccoutumé et d'une démarche architecturale inhabituelle : la fusion de ces deux agents ne vient pas, comme c'est souvent le cas, a posteriori, comme résultante, mais définie la volonté des architectes de l’assemblage des fonctions en amont du projet, c'est la raison même du projet. La démarche de frugalité s’interprète ici par une simplicité programmatique et de conception. Le projet se situe à l'une des entrées de la ville de Nantes, au bord du canal Saint-Félix. L'ancienne usine à cesser de fonctionner en 1986 et a ensuite été reconstruite en 1998, avant l'intervention de Patrick Bouchain. Le quartier du Lieu Unique ressemble à beaucoup de quartier en France : neuf, rectiligne et précis, ignorant ostensiblement tant l'histoire que la topologie du site. La réhabilitation à ici pour objectif de conserver au maximum l'existant, dans une forme d'économie de matière et d'argent en préservant ce qui peut l'être et en ajoutant seulement ce qui est nécessaire pour tirer le meilleur parti du site. Seulement un nouveau volume a été ajouté, le reste ne sont que des retouches et des ajouts minimums sur la structure existante. Patrick Bouchain recherche une architecture plus juste, plus sobre, plus joyeuse et plus en adéquation avec les problématiques de notre époque, à savoir l'économie de matière et la place des édifices voué à la démolition dans notre patrimoine culturel. L’intérêt est de se servir du passif du lieu pour en déduire ses espaces et sa matérialité. Il faut interroger les enjeux de la modularité dans le contexte de l'art et de l'architecture pour réussir à « faire ». L'initiative de la réhabilitation revient à Jean Blaise, directeur artistique de spectacle qui crée en 1990 le festival « Les Allumés » qui rassemble successivement à Nantes des artistes en provenance de six grands ports étrangers durant six jours, de six heure du soir à six heure du matin. Jean Blaise recherche des lieux différents et alternatifs, mis à l’écart et délaissé.

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En 1994, il investit l'ancienne usine LU en tant que squatteur artistique pour son festival et c'est suite à cette occupation réussie que le directeur artistique décide de rester, de se sédentariser et d'installer le Centre de Recherche du Développement Culturel (CRDC) pour agir de façon pluridisciplinaire sur la ville de Nantes. Il présente le projet au ministère de la culture et choisis Patrick Bouchain comme architecte, spécialiste de la réhabilitation de friches industrielle et pédagogue exemplaire et engagé.

Patrick Bouchain a donc pour objectif la convergence d'un programme culturel atypique et d'une réponse architecturale adapté au site, et aux personnes qui le parcours. Le développement de cette rencontre esquisse une nouvelle façon de concevoir l'acte d'aménager un équipement culturel. Le Lieu Unique est une sorte de manifeste pour Patrick Bouchain34 par la clarté dans le choix, la signification de ses choix et la finalité de ses détournements. Ce projet se démarque par la réécriture du programme par ceux qui sont censés y répondre. Les architectes du projet se positionnent non plus comme des architectes passifs réduit à travailler dans le cadre d'une programme contraignant et consensuel.

Le projet à, au début, effrayé pas ses initiatives car Patrick Bouchain proposé de faire le double avec la moitié. C'est-à-dire réhabiliter intégralement le site, au lieu de le faire en deux tranches, et cela avec la somme prévue pour la seule première.

34

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Patrick Bouchain, Construire Autrement, collection l'impensé, éditions Actes Sud, 2006, 190 pages.


(28) Le café du lieu de vie du Lieu Unique presque gardé en son état d’origine.

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b. Processus Le Lieu Unique est un projet singulier dans sa réalisation, la proposition aux allures de défi reposait sur des principes et des bases très cohérentes : calculé en fonction des prix de référence en vigueur dans l'aménagement d'équipements industriels, elle s'énonçait comme la simple mis aux normes du bâtiment existant, avec en plus la création d'un grand volume simple. L'architecte voulait faire le minimum pour permettre au site de continuer à fonctionner comme il le faisait déjà. On peut donc comprendre que l'orientation du bâtiment et son entré ont été au centre d'un débat : faut-il laisser l'entrée face au Champsde-Mars, emblème culturel, centre d'affaires et instances administratives qui se partage le pavé, ou réorienté le bâtiment vers le quai Favre au nord ? Le choix de Patrick Bouchain se porte sur le canal Saint-Félix, avec le quai Favre qu'il transforme en voit piétonne pour donner au Lieu Unique une large terrasse qui fait office d'entrée. Une des autres démarches des architectes est la conservation du cœur du bâtiment : la halle centrale, espace sous verrière, parsemée de piliers métalliques. Ils y ajoutent seulement une couverture pour l'étanchéité sans altérer sa transparence et son apport de lumière. L'intervalle entre les deux toits permet la dissimulation des gaines techniques. Ce procédé répond à l'impératif d'utilité et d’économie argumenté. La dernière étape de la proposition constitue le Grand Atelier, nouveau volume aux formes simples qui longe la rue de la Biscuiterie au Sud et qui fonctionne comme salle principale pour les représentations du centre culturel. Patrick Bouchain prend à contre-pied la volonté première qui était d'honoré cette façade de façon ostentatoire car situé en face du palais des Congrès. La façade est imposante et exceptionnelle, mais tourne le dos au Champs-de-Mars. L'opposition évidente, comme un pied-de-nez, entre le prestige, le pouvoir et la loi d'un côté et l'esprit de bricolage et la transgression de l'autre. Le Lieu Unique est composé d'une cour de 1200m² surplombé de la verrière d'origine de l'usine, cet espace est modulable en fonction de l’événement qu'il accueille. Une cloison amovible le sépare du Grand Atelier, salle de spectacle équipé d'un plateau démontable et de gradins télescopiques (530 places assises ou 1200 places debout, 3500 si les deux espaces sont ouverts).

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(29) Le seul volume ajouté : Le Grand Atelier qui se transforme en salle de spectacle

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Il y'a également 1000m² d'ateliers, modulables au gré des artistes, un salon de musique pour les conférences ou petit concert et un atelier d'artiste prêter chaque année à deux plasticiens. Une des volontés reconnues de Patrick Bouchain, est de « Faire du chantier un acte culturel »35. Il ne s'agit pas ici d'une affirmation rhétorique, ni d'une métaphore qualifiant vaguement les travaux : ce principe s'énonce littéralement et conditionne tant la mise en place du chantier que sa progression. L'habitude de Patrick Bouchain et d'ouvrir le chantier, pas continuellement, mais ponctuellement, de façon pédagogique. La hiérarchie est troublée par une valorisation du « faire » et l'implication des intervenants autrement que dans un rapport didactique au chantier. Chaque détail du chantier est modulable en fonction des expérimentations et des avis de chacun. Les entreprises sont ici appelées à proposer des solution alternatives et innovantes, moins chère et plus durable : l'expérimentation prend donc une valeur architecturale très forte et permet parfois de répondre à des problèmes par des solutions inaccoutumées. Dans certains cas, le goût de faire surpasse le devoir de remplir un cahier des charges. L'interpellation du futur directeur du Lieu Unique, Jean Blaise, a permis des ajustements, ainsi, celui qui va parcourir l'édifice au fil du temps apporte son lot de conseil quasi idéale à l'aménagement de sa future fonction. Le positionnement sur un chantier évolutif peut paraître comme un aveu de faiblesse, ne pas tout prévoir et anticiper qualifierait une architecture indéterminée. Le tâtonnement n'est pas vu ici comme une défaillance mais comme un acte d’expérimentation, et c'est dans ce processus qu'intervient la pédagogie de l'architecte sur le chantier. On ne voit plus l'architecture comme un objet finie, mais comme le processus complet de la conception jusqu'à la livraison. Ce rapport situationniste36 à l'architecture rompt avec les codes et les diktats de la « Grande Architecture », celle qui présente l’œuvre finie comme seul acte architectural.

35

Christophe Catsaros, Le Lieu Unique : Le chantier, un acte culturel, éditions Actes Sud, 2006, 96 pages.

36

Éric Brun, Les situationnistes. Une avant-garde totale, édition CNRS, 2014, 454 pages.

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(30) Croquis et élévations du nouveau volume du Grand Atelier

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Le processus est voué à façonner le projet. Il est appelé à rester, pour témoigner dans le bâtiment fini l'acte de réaménager. Le rejet des finitions, au-delà d'une question économique, ne découle pas d'une paresse des architectes, mais sert de chronologie et agit comme le désir de rendre visibles les étapes de la construction de l'édifice.

Le projet se crée donc par la modularité, par le choix de tenir compte de l'occupant du site. En accompagnant Jean Blaise dans ses idées, Patrick Bouchain transforme le programme, l'adapte, le réinterroge à chaque instant, pour marquer les choix non-linéaires des transformations. Il faut réhabiliter le lieu sans lui ôter sa souplesse. A l'instar du Centre Pompidou, qui se voulait être une machine évolutive en marge des grands édifices parisiens qui s'est progressivement transformé en monument, Le Lieu Unique veut rester comme une figure de bâtiment qui suit les usages et s'adapte en fonction de ce qu'il accueille. L'insertion réussi du nouveau dans l'ancien sous-entend trois conditions :

-

Une prédisposition de l'ancien à muter facilement (le site industriel à un potentiel structurel)

-

Un maître d’œuvre capable d'effectuer la transition

-

Un usager disposé à trouver sa place sur un site utilisé.

Cela prescrit une valorisation du « faire », une mise en avant de la production, c'est-à-dire de la création, contre le raisonnement qui s’intéresse au seul résultat, celui du produit culturel fini, devenu monument, comme objet de collection.

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c. Étude sur les techniques utilisées Pour la réalisation du Lieu Unique, Patrick Bouchain prône l'ajout minimum, l'existant étant déjà une source de matérialité extraordinaire. Les ajouts viennent ici et là ponctuer le bâtiment existant. Le bon sens prédomine et l'on réutilise ce qui peut l'être et préserver ce qui sert déjà. L’histoire du lieu reste présente par la superposition des différentes étapes du bâtiment : l'usine, la friche puis le centre d'art. Les ajouts ont une valeur sociale, chaque élément constitue un engagement politique durable. Patrick Bouchain manifeste ici une réelle volonté sociale et politique par l'utilisation des matériaux. La démarche frugale ne s'articule pas ici autour d’un plan technologique ou matériel, la volonté est de créer des espaces, parmi ceux qui existent déjà, pour redonner une vie au bâtiment, à sa structure et à ses matériaux.

- L'existant comme ressource Une grande partie du bâtiment a gardé son histoire. Patrick Bouchain n'a touché qu'à certaines parties du bâtiment, qu'il fallait simplement rénover, sécuriser, et remettre aux normes. Un des intérêts principaux ici est d'en faire le moins possible et éviter au maximum la déconstruction pour réduire les coûts au maximum. Il y a aujourd'hui de nombreux espaces impensés, des friches et bâtiments abandonnés qui ne demandent qu'à être remis au goût du jour. La déconstruction et la reconstruction consomment plus d'énergie que d'utiliser l'existant et de le réparer, le transformer et donner une nouvelle vie à tous les matériaux déjà en place. Le rejet de la finition est une réponse à l’exigence obstinée d’étanchéité entre le lieu qui contient et l'œuvre contenue. Le manque de finition et l'absence de lissage concrétisent l'épaisseur architecturale du site. La cour existante a été conservée, un simple plénum a été ajouté au-dessus pour protéger la verrière existante, facilitant également l’entretien technique. Le volume de la cour existante se prêtait parfaitement à la création d’un espace de création artistique, baigné de lumière zénithale et modulable très facilement.

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(31) Croquis de la verrière, son plénum et le grand atelier à droite

(32) La cour couverte avant la réhabilitation, 1200m² d’espace de création

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- Matériau social et de réemploi Lorsqu’il est nécessaire d’ajouter des matériaux, Patrick Bouchain priorise les matériaux de réemploi à caractère social, comme pour mêler l’utile à l’agréable. Il s’agit ici d’un engagement à la fois politique et éthique. Une partie du revêtement du Lieu Unique est fait de bois récupérés sur des vieux chalutiers de la région. Cela questionne sur la réduction de la pêche dans la région et ses implications sociales dans les milieux qui en vivaient. Ce revêtement dénonce une pratique de régulation dévastatrice sur le plan régional. Contre l'idée reçu que la manufacture africaine est jugée hors normes et inaptes à répondre à nos besoins, Patrick Bouchain répond en important de Bamako non pas des matières premières mais des produits finis : Il utilise des barils de pétrole découpé pour faire l'acoustique de la salle de spectacle. Il se plaît à jouer avec les code et diktats occidentale : ces barils que l'occident envoie en Afrique comme déchet deviennent un gisement d'inventivité. Patrick Bouchain les ramène et les fait pendre au-dessus de nos têtes comme pour marquer l'injustice. L'ironie du geste, léger en apparence, est lourd de sens. Le détournement et la réappropriation des matériaux est utilisé par Patrick Bouchain pour leurs intérêt économique mais aussi pour leur implication politique. Au-delà de veillé au développement durable, cette démarche conduit à une réflexion sur notre mode de consommation et nos rapports aux déchets. Cette architecture à pour vertu pédagogique de faire réfléchir et de poser les bonnes questions vis-à-vis de notre rapport à notre consommation démesurée. Il voit dans l’architecture une façon pédagogique de faire passer des messages et des valeurs.

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(33) & (34) Bois de chalutiers est utilisé pour la création des passerelle en hauteur dans le Grand Atlelier

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(35) & (36) Barils découpé et suspendu au plafond du Grand Atelier, servant à l’acoustique

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d. Synthèse

Patrick Bouchain priorise ici l’existant comme valeur ajouté au projet. Au-delà de l’intérêt économique, garder l’existant comme ressource permet aussi de garder son histoire. Au-delà d’une réhabilitation classique, ce projet ne superpose pas les couches et gardes les finitions d’époque. Une simple mise aux normes est effectuée, sans plus ni moins, avec quelque ajout définis et ponctuels. Le Lieu Unique de Patrick Bouchain est un projet avec de multiples particularité. La démarche architecturale ne se plie pas aux conformités des standards de la construction. La démarche qu’il expérimente sur ses chantiers permet de voir l’architecture autrement, plus social et politique : construire la ville avec ses habitants. Patrick Bouchain et son équipe cherchent une architecture simple qui utilise les ressources existantes comme un gisement pour concevoir un bâtiment. Appréciant particulièrement les endroits délaissés il nargue les normes et adapte le programme pour tirer le meilleur parti du contexte. Patrick Bouchain est un architecte actif qui pratique la permanence architecturale : il s’installe sur le chantier et participe activement à l’élaboration du moindre détail du chantier. Ces moments pédagogiques sont parfois ouverts aux citoyens qui peuvent emmètre des idées ou soumettre des hypothèses autour du projet. Cela permet à l’architecte de se questionner sur certains points auquel il n’aurait pas forcément pensé et réadapter certaines choses en fonction des discussions. Patrick Bouchain dans ses réalisations ne défend pas un modèle particulier mais un processus alternatif, c’est donc dans l’idéologie qui cette architecture tire son efficacité. C’est bien par une volonté forte et engagé de l’architecte qu’une transition peut subvenir. On peut donc se demander pourquoi cette démarche met autant de temps à se concrétiser d’une façon plus générale ? L’effort est plus important, mais nécessaire, car c’est en sortant de sa zone de confort que l’on peut faire évoluer les concepts et trouver des alternatives. Il faut donc se confronter aux normes, les détourner et les adapter pour concrétiser des projets futurs plus sobres et plus attentifs à l’individu.

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(37) Sérigraphie pour la communication du Lieu Unique réalisée pour l’année 2012/2013

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1. Concevoir : De la pensée à la démarche

a. Une architecture éthique et écologique

Les parties d'analyses précédentes ont permis d’identifier plusieurs facteurs qui nous informent de l'importance d'une transition vers un nouveau concept architectural. Les intérêts sont multiples et les enjeux importants pour renouveler les principes et les modèles architecturaux : notre époque change plus vite que nos modèles, l'adaptation de ceux-ci doit être évoqués et la conception architecturale doit se transformer. Cette mutation s'effectue par le changement des démarches et le renouveau de la pensée des architectes. Pour se faire, il faut comprendre comment interpréter cette pensée en architecture et comment raccrocher les idées fondatrices du concept aux valeurs et au concept architectural : la démarche frugale exige une symbiose entre approche intuitive et démarche analytique. La démarche frugale n’est pas nouvelle et trouve son inspiration dans l’architecture vernaculaire, celle-ci était contrainte par son environnement à utiliser les ressources proches et les savoir-faire locaux. Les éléments théoriques et constitutifs de ce mémoire ne cherchent qu’à réapprendre des valeurs et des notions qui existent depuis bien longtemps, mais qui ont été soufflées par l’ère du capital, de la mondialisation et de la permanente interconnexion. Il semble évident que le monde change, s’accélère, et l’on veut aujourd’hui construire toujours plus vite, quitte à ne pas prendre en considération les dommages collatéraux. Paradoxalement, c’est dans le réapprentissage des notions, des valeurs, et des techniques simples que la démarche frugale est efficiente : le bon sens en architecture s’est perdu de vue par la volonté de croissance rapide lié à l’accélération de nos modes de vie37.

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Jean Haëntjens, La ville frugale : un modèle pour préparer l'après-pétrole, Édition FYP éditions, Limoges, octobre 2011, 142 pages.


Ce mémoire ainsi que la démarche frugale ne cherchent qu’à réintroduire dans notre société des valeurs humaines, sincères, sobres et éthiques en lien avec l’individu et son environnement. Cette démarche n’est pas une solution sine qua none à la réussite de la transition écologique et sociétale qui nous guette, mais un outil qui informe, recueille, étudie, diffuse, projette, transmet, organise38 et permet de redécouvrir l’architecture de souveraineté communautaire39 qui priorise dans son sens et dans sa forme l’interconnexion de l’Homme avec la Nature, tel un éco-système unifié. C’est avec des valeurs simples que chacun pourra prétendre à une sobriété dans sa façon de consommer, de vivre et de penser. Et Il en va du devoir de l’architecte d’investir son temps et son énergie à promulguer ses valeurs à travers ses projets.

Pour réussir à comprendre les priorités de la démarche frugale, on réinterroge les valeurs de nos vies et de notre société. On identifie trois types de besoins, évoquer par Jean-Baptiste Foucauld40 : Le besoin matériel, qui définit nos interactions avec le monde qui nous entoure (maison, travail …), le besoin relationnel, qui correspond au temps accorder à nos échanges avec les autres et le besoin personnel, qui correspond au temps de réflexion personnel. Cet ensemble doit s’équilibrer pour être juste et apporter à chacun une satisfaction. Ainsi, en complément de ces trois besoins, on identifie quatre notions qui permettent de hiérarchiser ces besoins : Le vital, l’essentiel, le nécessaire et le superflu. La démarche frugale priorise les besoins vitaux et essentiels pour permettre à chacun d’avoir droit au minimum, sans lorgner sur les besoins d’autrui. - Ce qui est vital pour survivre (manger, se vêtir, se loger, se soigner) est à peu près commun à chacun, et l’on sait qu’il n’est pas assuré à tous, à ceux notamment qui n’ont pas un dollar

38

Alain Bornarel, directeur de recherche du Bâtiment Frugal : les guides de l’ICEB, lanceurs d’avenir, décembre 2015, 92 pages.

39

Michel Onfray, Le magnétisme des solstices, éditions Flammarion, octobre 2013, 338 pages

40

Jean-Baptiste Foucauld, L’Abondance Frugale : Pour une nouvelle solidarité, Éditions Odile Jacob, Paris, avril 2010, 276 pages

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par jour pour vivre, ou chez nous à ceux qui, pour cause de chômage et d’insuffisante rémunération, rognent sur leur nourriture ou leur santé pour joindre les deux bouts. - Le nécessaire dépend davantage des conditions de temps et de lieu, du niveau de développement atteint, du climat, des droits fondamentaux devant être assurés à chacun, du « panier » de biens et services que chacun doit en principe pouvoir se procurer grâce au salaire minimum ; il fait l’objet d’une sorte de description sociale objective, plus ou moins explicite. - Ce nécessaire ne recouvre que partiellement l’essentiel : en effet, ce qui est jugé socialement nécessaire n’est pas essentiel pour chacun et, en revanche, la plupart d’entre nous ont des besoins essentiels, extrêmement variés, et qui n’entrent pas dans la définition usuelle du nécessaire ; ce quelque chose de plus qui donne sel et sens à la vie ; une habitude, une esthétique, un environnement, tel ou tel bien ou objet, ou un simple besoin de compensation dû à une tension. La vraie forme d’abondance serait que chacun puisse accéder à ce qui, pour lui, est essentiel. - Cela n’a rien à voir avec le superflu, qui peut se définir comme ce qui n’est ni nécessaire ni essentiel et auquel on assimile, trop souvent, et à tort, l’abondance.41

La démarche frugale puise donc son énergie dans la volonté de donner, ou de rendre, à chacun son minimum vital. Cette valeur se complète par l’accès à chacun à ce qui lui est nécessaire, c’est-à-dire avoir accès au minimum social objectif. Il faut aujourd’hui revaloriser les notions fondamentales que sont l'équilibrage des ressources pour donner à chacun un droit à la dignité, un rapprochement avec la nature, avoir un comportement résonné avec soi-même et dans sa vie en général42.

41

Extraits de L’Abondance Frugale : Pour une nouvelle solidarité, tirés des pages 76 à 85 et commentés par Christian Sinner, [en ligne] https://fr.linkedin.com/pulse/labondance-frugale-une-apparente-contradiction-christian-sinner

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Alain Bornarel, directeur de recherche du Bâtiment Frugal : les guides de l’ICEB, lanceurs d’avenir, décembre 2015, 92 pages.


Comprendre aujourd'hui la philosophie du développement durable et de la frugalité, c'est comprendre l'interdépendance, la complexité et la globalité, et comprendre qu'aucun sujet ne peut être traité indépendamment de son contexte43 Concrètement, la pratique de la démarche frugale est d’arriver à fournir un produit abordable, accessible, durable et de bonne qualité en misant sur le croisement des connaissances afin d’atteindre les objectifs d’offres et de demandes locales pour chaque individu.

b. Un discours engagé

Un des objectifs du discours est la sensibilisation et la compréhension de ces notions. L’effort est individuel, mais l’intérêt est collectif : chacun doit agir d’une façon simple et sobre pour accéder à ce qui est lui est vital et essentiel, sans empiéter dans la zone d’autrui et le rôle de l’architecte est de promulguer ces valeurs. Les objectifs peuvent être atteints par la création d'un désir collectif qui s'appuie sur les désirs des populations en multipliant les démarches innovantes dans le champ de l'habitat, de la mobilité, de l'espace public, de l'économie, de la culture, de l'éducation et de l'environnement. Le discours engagé autour de la démarche frugale doit être mis en avant par les premiers acteurs de la construction : les architectes. Ils doivent être actifs et participer à toutes les étapes du projet avec force et conviction et d’une façon pédagogique44. Au-delà de son rôle de concepteur, l’architecte doit apporter une clarté et une visibilité pour toutes les étapes du projet et accompagner les acteurs aussi bien dans le concept que dans la réalisation. Il nous est possible aujourd’hui de construire autrement, l’offre est suffisamment abondante pour prétendre à une transition de nos méthodes de construction, le problème vient de la demande, qui souffre d’un manque de compréhension et de visibilité sur la facilité d’accès

43

Pierre-Gilles Bellin, L’habitat Bio-économique, Collection Pour habiter autrement, Éditions Eyrolles, Paris, 2008, 176 pages

44

Patrick Bouchain, Construire Autrement, comment faire ? Collection L'impensé, Éditions Actes Sud, 2006, 190 pages

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à ces modes de vie plus simple qui, par lien de cause à effet, rendrait à chacun une vie plus heureuse. Le discours doit donc évoquer la simplicité et mettre en avant la faisabilité de projets plus responsables auprès des moins initié pour aborder les enjeux écologiques avec le plus de spontanéité. L’écologique est aujourd’hui encore vue comme une privation : le sens commun pense que l’on doit se priver de ses désirs pour suivre une voix écologique alors que les démarches qui tendent vers la sobriété ne prive de rien et redonne justement plus de liberté à la création. L’effort ne doit pas être seulement matériel mais doit aussi personnel et ne doit plus être vue comme un effort redondant mais comme un acte implicite et sousjacent à notre façon de penser. La frugalité est le rapport pertinent entre effort et effet, non comme un objectif mais comme une échelle de mesure45. Les études de cas ont toutes un objectif similaire dans le fond, malgré une forme différente. Le discours du BedZED priorise les systèmes écologiques techniques avec comme objectif un quartier éco-systémique répondant aux calculs des besoin des individus. Le discours du groupe scolaire des Boutours a des vertus plus pédagogiques, en instaurant des systèmes simples et en les partageant avec les individus, l’architecte veut instaurer un parcours pédagogique et promouvoir des systèmes alternatifs. Aussi, le discours du Lieu Unique rassemble des objectifs plus politiques par une démarche qui valorise l'existant, car l'acte de transformer est un acte architectural de construction. En comparant le discours de ces analyses, on s’aperçoit que la démarche frugale puise son énergie dans l’implication et la volonté des architectes à construire différemment en amenant une pédagogie autour du projet. L’architecte doit pouvoir aujourd’hui se sortir de la pensée binaire entre le projet et sa matérialité et adopter une pensée plus large et plus en phase avec son époque. On a pu observer que l’approche frugale ne ferme aucune porte à la conception mais réinterprète l’adversité des problèmes pour tenter d’y répondre avec

45

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Boris Bouchet Architectes, Pour une architecture des milieux, Collectif Milieux, [en ligne] http://borisbouchet.com/?textes=pour-une-architecture-des-milieux


une empathie sincère. La démarche frugale trouve dans l’adversité un gisement d’innovation énorme46. On peut donc se demander comment la conception est influencée par cette pensée. Il faut pour cela d’abord reconsidérer les questions que l’on se pose en amont du projet et identifier précisément les objectifs à atteindre : des matériaux simples, peu nombreux et bien organisés, une optimisation des propriétés naturelles et locales et une pédagogie citoyenne active. L’architecte doit, lors de ses réflexions, suivre ces notions simples pour rester le plus sobre possible vis-à-vis de son environnement par une architecture régénérative et résiliente et ainsi se servir de tout ce qui est à sa disposition pour prétendre au maximum être écologique et économique : les opportunités dans l’adversité, tenter de faire plus avec moins, ne pas agir de façon binaire et borner mais s’ouvrir avec flexibilité, faire simplement, réinterpréter les problèmes en opportunités, et faire preuve de sincérité et d’empathie47. Au-delà d’un concept, c’est réellement une prise de position qui nourrit la démarche frugale et l’architecte doit agir à son niveau pour convaincre. L’intérêt est de profité de l’architecture pour promouvoir un discours engagé vis-à-vis de notre façon de penser et de consommer.

c. L’idée de partage et d’interdépendance

L’idéologie frugale c’est aussi l’interactivité entre l’architecte et les usagers dès la conception et jusqu’à la livraison, et même au-delà. Cette démarche accorde une grande importance à la concertation citoyenne et laisse de la place pour les nouvelles idées et hypothèses que peuvent apporter les individus en amont, pendant le chantier et même après la réalisation. Le groupe scolaire des Boutours a par exemple regrouper les élèves, parents d’élèves, voisins, et population du quartier pour réfléchir ensemble à des idées à

46

Navi Radjou, L’innovation Frugale : Comment faire mieux avec moins, édition Diateino, Paris, mars 2015, 378 pages

47

Navi Radjou & Jaideep Prabu, L’innovation Jugaad : Redevenons ingénieux, édition Diateino, 2013, 378 pages.

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intégrer dans le projet : les avis et idées des populations ont été écoutées pour la réalisation de la deuxième partie de l’école en 2016. Le travail de l’architecte est aussi d’être à l’écoute des désirs et des rêves des futurs usagers pour ne pas rester borné sur des idées trop manichéenne en décalage avec la réalité du contexte. Le Lieu Unique a quant à lui travailler avec les individus qui avait déjà investi le site avant la réhabilitation (Jean Blaize notamment, directeur artistique) pour prendre en considération leurs recommandations vis-à-vis des espaces attendues dans un bâtiment à vocation culturelle. Patrick Bouchain a repensé certaines parties du bâtiment en suivant les conseils des usagers qui avaient l’expérience de ce genre d’endroit. Cette démarche priorise donc la connexion de l’architecte avec son environnement physique et social. La concertation citoyenne ne remet pas en cause la qualité du travail de l’architecte, mais apporte une interactivité avec l’usager qui, par son détachement du côté technique, apporte des hypothèses nouvelles et intéressantes sur le programme et les usages du projet. Une fois ce discours en place, il faut s’interroger sur les outils de la démarche frugale, de sa matérialisation dans le monde réel du marché et de sa faisabilité en parallèle des standards et des normes actuelles, qui peuvent être contraignantes et freiner l’inventivité des architectes les plus audacieux. La mise en place du projet s’articule autour de plusieurs approches qui doivent se tourner elles aussi vers une idéologie plus éthique. De nombreux systèmes différents existent aujourd’hui et l’architecte ne doit pas se restreindre à construire vite, il doit prendre le temps de construire en restant fidèle à ses principes. Il faut interroger l’ensemble de la mise en œuvre et disséminer le concept de la démarche frugale sur tous les acteurs du projet pour réussir à convaincre de s’éloigner des standards de la construction et des matériaux préfabriqués : les ressources, la matérialité et leurs mises en place joue un rôle important dans la concrétisation de l’idéologie frugale. Au-delà du discours, il faut se donner les moyens de « faire » avec conviction et détermination et prendre peut-être plus de temps pour réussir à bâtir une architecture plus en phase avec nos problématiques contemporaines.

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2. Produire : Méthodes, ressources et matériaux

a. Des approches alternatives

Le discours promulgue donc des désirs et des envies et doit se matérialiser dans l’architecture grâce aux nombreux outils disponibles. Certains de ces outils peuvent sembler dispendieux ou peu adaptés au marché actuel car ils manquent clairement de visibilité et se bornent aux limites des normes de la construction. Le rôle de l’architecte est de respecter les valeurs du discours par l’utilisation de techniques et de savoir-faire en adéquation avec les principes de la démarche frugale. Cela passe globalement par une approche différente de la conception et de la réalisation. L’architecte doit s’engager à réorienter ses objectifs vers des notions simples qui connectent le projet avec l’individu, l’environnement et le matériau.

On peut donc évoquer des méthodes et des processus alternatifs qui s’éloignent de la standardisation industrialisée et normalisée de l’architecture. Il faut remettre en avant des systèmes naturels simples, des techniques et des savoir-faire locaux qui mettent plus d’énergie dans une mise en œuvre de qualité plutôt que dans le matériau et qui valorisent les échanges entre concepteurs, main-d’œuvre et usagers.

Les techniques évoquées ne sont pas nouvelles, l’architecture vernaculaire, depuis des siècles, utilise l’environnement pour créer son architecture. Il est question aujourd’hui de revaloriser les systèmes simples, complexifiés par le manque de compréhension et de visibilité. Le rôle de l’architecte est de prendre le temps de rechercher des solutions énergétiquement et économiquement abordable, tout en restant éthiquement bio-centré sur son environnement.

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- une approche bio-climatique : l’objectif principal est d’obtenir le confort d’ambiance recherché de manière la plus naturelle possible en utilisant les moyens architecturaux, les énergies renouvelables disponibles et en utilisant le moins possible les moyens techniques mécanisés et les énergies extérieures au site. Ces stratégies et techniques architecturales cherchent à profiter au maximum du soleil en hiver et de s’en protéger durant l’été. L’objectif est de déterminer soigneusement les opportunités macro-physique offertes par le territoire. Cette approche génère à terme une analyse du relief, des orientations, des types de sol et de végétation ; de l'ensoleillement ainsi que les agressions qu'il faudra gérer comme la pluie, le vent, et les détourner pour les utiliser au profit du bâtiment. Elle priorise l’environnement et les matériaux bio-sourcés et favorise une forte inertie thermique.

- une approche éco-systémique : en contraste avec les approches traditionnelles qui traitent chaque service de manière séquentielle, une approche éco-systémique est modélisée comme l’ensemble des besoins des individus, cette approche prétend rationnaliser l’ensemble des besoins du projet autour de l’interactivité de l’usager avec son environnement. L’intérêt ici est de regrouper plusieurs thématiques sous-jacentes et y répondre par une interconnexion des solutions. Plutôt que de traité l’isolation, l’ensoleillement, les transports, le traitement des eaux et des déchets par des réponses individuelles, l’approche éco-systèmique applique des solutions interdépendantes les unes des autres, qui permet de réaliser un gain de matière, d’énergie et de moyens.

- Une approche résiliente : cette approche voit l’architecture comme étant capable de régler par elle-même les aléas et perturbations relatives au contexte ou au site ou elle est implantée. Cette approche prédispose l’architecture à faire face à une crise et à retrouver un équilibre suite à des perturbations et ainsi donc s’adapter dans le temps, se transformer pour faire face aux changements climatiques.

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- une approche régénérative : Les bâtiments régénératifs sont conçus pour être en symbiose avec leur environnement et contribuer à la restauration et à l'enrichissement des milieux dans lesquels ils s'insèrent, tant au niveau des communautés humaine que de l'économie. A la différence des autres approches, l’architecture ici constitue un élément à part entière de la biodiversité du site : c’est-à-dire que le projet doit (re)créer de la biodiversité. C'est une approche de conservation, et de haute performance, qui se concentre sur la réduction de l’impact humain sur l’environnement ainsi que sur la compréhension du système vivant à partir duquel nous pouvons tirer des enseignements sur la façon d’intégrer la nature comme partenaire à part entière. C’est approche biocentrique, c’est-à-dire qu’elle considère la vie comme élément centrale à toute réflexion, donc l’environnement l’Homme et tout être vivant ou existant, au contraire de l’approche anthropocentrique, qui place l’Homme comme entité centrale de l’Univers et donc l’environnement comme simple ressource d’exploitation.

- Une approche participative : La démarche frugale intègre aussi régulièrement l’individu, l’usager, lors de la réalisation du projet. Cette approche permet le rapprochement entre le concepteur, les constructeurs et les individus. L’architecte peut parfois ne pas voir certaines simplicités que seul le pratiquant régulier qui connait le lieu et le contexte peut transmettre. Cela passe par des chantiers ouverts à certains moments ou encore aux chantiers participatifs, de plus en plus apprécier pour les habitats individuels. Patrick Bouchain construit régulièrement sur ses chantiers des « cabane de chantier », cantine et lieu de vie où les individus échangent autour du chantier.

- Une approche expérimentale : Dans ce contexte, le chantier devient un terrain d’expérimentation pour permettre d’essayer in situ des expériences visant à apporter des réponses ciblées aux problèmes rencontrés. Cela peut être sur divers domaines, comme une solution pour récupérer l'eau de pluie, ou la construction de murs d'une matière particulière… cela offre donc la possibilité d'une recherche appliquée, sans obligation de

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résultat mais avec une obligation de moyens48. Cette recherche peut donner, ou non, des systèmes ingénieux à des problèmes parfois complexes qui serait résolu par des méthodes plus traditionnelles et plus coûteuses. C’est le cas notamment dans le groupe scolaire des Boutours. En effet, le bâtiment est capable de recevoir des pluies courantes sans rien rejeter au réseau d’égout. Il n’est donc pas nécessaire de traiter les eaux usées. Ce procédé n’était pas prévu dans le projet initial mais a découlé d’une observation sur le chantier : les architectes se sont aperçus qu’ils avaient beaucoup de surfaces de terre, très perméables, ce qui favorise l’évapotranspiration. Cela a donc réglé le problème des eaux courantes de pluie49. Le tâtonnement n'est pas vu ici comme une défaillance mais comme un acte d’expérimentation50.

Il faut comprendre ici que ces approches ne sont pas systématiques et qu’elles peuvent être appréhender individuellement comme collectivement, c’est-à-dire que ces approches sont complémentaires, mais peuvent fonctionner indépendamment. Elles sont des idées et des outils pour interpréter et comprendre que les démarches de conception et de réalisation doivent aujourd’hui se compléter et se voir comme un tout : la démarche frugale comprend donner autant de valeur à la conception qu’à la réalisation. La concrétisation d’un projet architectural qui suit une démarche de frugalité doit être disposée à prendre en considération l’ensemble des facteurs communiquant avec le projet que ça soit la matérialité, l’environnement proche et lointain, l’usager, le citoyen, les populations voisines mais aussi les évolutions et changements futur lié à la transformation urbaine ou aux changements climatiques.

48

Patrick Bouchain, Construire Autrement, comment faire ? Collection L'impensé, Éditions Actes Sud, 2006, 190 pages

49

Entretien avec Emmanuel Pezres recueilli par Chamsy Bureaud, étudiante à l’ENSAPVS, pour son mémoire : De la démarche Architecturale au lieu d’architecture : à travers la monographie de l’école des Boutours à Rosny-Sous-Bois (93) sous la direction d’Edith Akiki. 2015/2016

50

Christophe Catsaros, Le Lieu Unique : Le chantier, un acte culturel, éditions Actes Sud, 2006, 96 pages.

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b. L’outil technologique

Un bâtiment frugal est un bâtiment presque low-tech qui n’utilise les technologies seulement lorsque cela est nécessaire. Un projet frugal optimise les éléments naturels, comme la lumière, la végétation, les matériaux locaux, pour faire un bâtiment désirable, confortable, qui remettent l’humain au cœur de la conception, et qui, dans son coût aussi, reste frugal51. Pour mériter l’adjectif frugal, le bâtiment doit également être pensé pour l’avenir et ne pas subir de travaux importants avant longtemps. Les outils technologiques de mesures, de calculs ou de contrôle permettent d’anticiper les changements à venir pour penser aujourd’hui aux besoins de demain et anticiper par exemple le réchauffement climatique et la hausse du coût des énergies52. La démarche frugale ne s’oppose donc pas radicalement aux outils de technologies de pointe mais les utilisent avec parcimonie et ainsi minimise leurs utilisations autant que possible pour privilégier les systèmes naturels. Ainsi, les technologies sont tout de même nécessaires, par exemple pour les analyses de site ou les simulations thermiques dynamiques qui calcul l’isolation idéale du projet. Il faut comprendre que la démarche frugale n’est donc pas anti-technologique, mais évite son utilisation à outrance lorsque cela est remplaçable par des systèmes alternatifs plus écologiques et naturels. Bien que la pensée frugale soit intimement liée aux ressources locales et aux individus à proximité de chaque projet, l’architecte ne doit pas être aveugle et doit considérer que les changements technologiques liés à la constante démocratisation de l’accès à internet permettent aux usagers d’accéder à un éventail de choix toujours plus grands et personnalisés. Cela favorise l’entrée de nouvelles techniques provenant de tous les coins de la planète et qui offrent des produits et services équitables, qui impactent indéniablement la stabilité économique et qui influencent la gouvernance des organisations occidentales.

51

Catherine Bonduau-Flament interview par Justine Carnec, [en ligne] http://www.sans-transition-magazine.info/ecologie/catherine-bonduau-flament-un-batiment-frugaloptimise-les-elements-naturels-pour-etre

52

Connaissez-vous le bâtiment « Frugal » ? Article sur Thermibloc, [en ligne] http://www.thermibloc.fr/connaissez-batiment-frugal/

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Ainsi, l’approche low-tech relative à la démarche frugale doit comprendre que ces technologies sont un outil à part entière de notre époque : l’architecte doit comprendre comment articuler la révolution écologique avec la révolution numérique et ne pas considérer cet outil technologique comme une réponse spontanée mais plutôt comme outil ponctuel et modéré.

c. Les techniques

L’architecture aujourd’hui doit redécouvrir la simplicité constructive : il n’est pas question de balayer tout ce que nous avons appris au fil des années et de construire d’une façon radicalement différente, mais il faut aujourd’hui adapter les leviers actuels et essayer de ne pas dépenser plus d’énergies que nécessaire par des systèmes extravagants, couteux et polluants. Il faut se servir au maximum des ressources naturelles disponible et combler le déficit lié au milieu par un peu de technologie. Pour compléter la méthode, l’architecte peut s’appuyer sur de nombreux outils en relation avec les valeurs éthiques promulguer par le discours : ce sont des systèmes qui valorisent les éléments naturels en relation directe avec le contexte et l’environnement du projet. Il est question ici d’assemblages et de bon-sens qui priorisent des systèmes simples et naturelles bien souvent balayer dans les réalisations standardiser actuelles. Cela peut tomber comme une évidence, l’orientation, les ouvertures, le contexte, l’environnement, le paysage, les populations… sont des valeurs architecturales qui nous sont largement enseignés en école d’architecture, mais l’on sait que la réalité du marché de la construction est différente, et la volonté de vitesse de conception et de réalisation pousse l’architecte à rapidement se tourner vers des systèmes connus et maitrisés, mais bien souvent plus polluants et moins éthique. On peut donc espérer qu’avec une revalorisation et une meilleure visibilité sur les valeurs propre à la démarche frugale, l’architecte sera plus enclin à se servir de ces méthodes simples, efficaces et moins couteuses. L’approche frugale est intuitive : elle s’appuie sur l’observation du site et sur l’enseignement tiré des constructions vernaculaires. L’acte peut sembler fastidieux, car la simplicité d’accès

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aux systèmes manufacturé et énergivores apporte des résultats rapides et donc une croissance accrue. L’architecte doit faire preuve d’un engagement durable et ne pas faire plier sa volonté sous prétexte d’une croissance démesurée. En somme, la démarche frugale n’est pas réellement un débat technique, mais plus un combat holistique53 entre la pensée, le concept et la mise en œuvre, car nous avons les moyens et les connaissances de faire tendre les constructions vers des modèles plus écologiques et économiques. Il faut simplement réapprendre les réflexes basiques de l’architecture et faire preuve de bon sens avec des notions simples comme l'orientation, le vent, la chaleur, le froid, ou la pluie, qui sont des thématiques naturelles 54.

d. La matérialité

La matérialité joue un rôle prépondèrent dans la démarche frugale. En effet, l’approche relativement low-tech comprend une utilisation rigoureuse de matériaux naturels et un apport minimal de la technologie55. Ces matériaux « écologiques » doivent répondre à des critères environnementaux mais aussi éthiques. Ces matériaux doivent être en adéquation avec les valeurs qui définissent la frugalité avec notamment des matériaux locaux, de provenance proche du projet, bio-sourcés, ou encore des matériaux à faible énergie grise, de réemploi ou de recyclage.

53

Lorsque l’architecture, la planification et la construction sont conçues de manière holistique, cela signifie que les aspects sociaux, économiques et environnementaux sont pris en considération. L’accent n’est donc pas mis uniquement sur la technique, mais également sur les hommes : la technique se met au service des utilisateurs. Définition donnée par Bauart Architectes, [en ligne] https://bauart.ch/competences/architecture-et-durabilite/

54

Françoise-Hélène Jourda, Liberté, égalité, frugalité, entretien Recueilli par Jean-François Pousse pour Techniques & Architecture, n°434, octobre/novembre 1997, p. 40 à 44.

55

Alessandro Rocca, Architecture Low cost, Low Tech, éditions Actes Sud, octobre 2010, 210 pages.

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- Matériau bio-sourcés : parmi ces matériaux, on retrouve de nombreux matériaux naturels à faible empreinte écologique comme la paille, pour l’isolation et la structure, la terre crue, le bois de provenance locale, le liège, la ouate de cellulose ou encore le chanvre par exemple. En somme tous les matériaux issus du vivant, d’origine animal (ex : laine de mouton) ou végétale (ex bois, paille). On peut même observer du béton bio-sourcés pour les adeptes du tout-béton56.

- Recyclage, réutilisation et réemploi : on retrouve aussi tout un panel de matériaux recyclé sou réemployés, gain de moyens considérable et/ou engagement politique, ces techniques permettent d’apporter une valeur éthique au projet en requalifiant des matériaux voués à la destruction auquel on donne une nouvelle vie57. Ce procédé est de plus en plus valorisé et l’on peut se féliciter que la démarche du réemploi prenne une place réellement importante dans l’architecture aujourd’hui.

- L’existant comme ressource : on peut valoriser l’existant comme un gisement de ressources immense. Avec une simple vérification et mise aux normes si nécessaire, on peut considérer que l’existant n’a pas besoin d’être déconstruit pour laisser exister un nouveau projet. Cet acte de conservation permet de garder la richesse d’un lieu et permet aussi une économie de matière et de moyen important. Ce procédé est intéressant lorsque l’on sait qu’il y a un nombre considérable de bâtiment à l’abandon aujourd’hui, qui sont bien souvent détruit pour laisser place à des projets totalement neuf.

La démarche frugale dépense très peu d’énergie dans la fabrication et le transport des matériaux souvent issu de ressourceries localement proches du projet. Du coup, cette

56

Batirama, Un bloc porteur biosourcé… en béton de miscanthus, [en ligne] https://www.batirama.com/article/14753-un-bloc-porteur-biosource-en-beton-de-miscanthus.html

57

Emma Burini, Réemploi de matériaux et processus de production de projet en architecture, mémoire étudiant à l’ENSAN, sous la direction Jean-Baptiste Marie, Roberta Morelli et Laurent Mouly, 81 pages, 2015/2016

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énergie qui n’est pas inclue dans le matériau et son transport peut être remplacé par de l’énergie de qualité de mise en œuvre58, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, on pourrait accorder plus de moyen à la mise en œuvre et à l’assemblages de matériaux que l’on paiera moins chère : cette démarche puise dans l’inventivité et limites les réponses systématiques et mécaniques aux questions environnementales.

La course à l’industrie à provoquer une normalisation des processus qui a poussé l’architecture à se standardiser et à garder comme système fonctionnel un modèle unique de construction type qui a fait perdre toute sa valeur aux savoir-faire traditionnels. Cette normalisation à fait perdre à l’architecture l’intérêt pour son environnement proche : on construit avec la même technique peu importe où l’on se trouve, on priorise des systèmes mécaniques simples car rodés qui offrent une sureté de résultat. Ce système vieillissant à certes fonctionner pendant des années, mais notre époque à changer et les enjeux ont eux aussi évolués. Le manque de savoir-faire ainsi que la simplicité et la rapidité de mise en œuvre des produits manufacturés nous a dirigé vers des produits industrialisés, éthiquement et écologiquement moins vertueux pour notre planète. La démarche frugale ne cherche qu’à revaloriser les systèmes simples qui ont fait l’essor de l’architecture vernaculaire : construire avec son temps, son lieu et sa population.

« L’urbanisation lié à la révolution industrielles du XIXème a amené au développement de l’architecture urbaine subissant alors les pressions de la première grande crise du logement, notamment la densification à grande échelle de l’habitat provoquant une dégradation du rapport entre l’habitant et son habitat »59.

58

Jean-Pierre Olivia, interview par Le Hameau-des-Buis, [en ligne] http://hameaudesbuis.com/chantier/architecture/

59

Article Wikipédia Architecture écologique, [en ligne] https://fr.wikipedia.org/wiki/Architecture_%C3%A9cologique

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3. Transmettre : Sensibilisation, usages et normes

a. Un travail de sensibilisation

Le retard de la France vis-à-vis de l’importance d’un nouveau modèle économique et social sur certains de ses voisins s’explique par de nombreuses raisons liées à sa culture, à son histoire et aux choix politiques des dirigeants : le pays souffre de sa centralisation et de sa technocratie. Au moment de la prise de conscience de certains voisins européen, la France a continué à se borner à son système jacobin dans l’espoir d’une croissance démesurée. L’objectif est atteint, mais la pensée collective en a souffert : l’implication des populations dans les thématiques du développement durable et de l’écologie en France sont relativement faible. L’intérêt de transmettre une culture architecturale et urbaine n’est plus à démontrer aujourd’hui : donner les clés pour regarder et comprendre son environnement, c’est fournir à tout citoyen, dès le plus jeune âge, les outils nécessaires pour qu’il devienne acteur et responsable de son cadre de vie. La crise écologique à laquelle nous sommes désormais sensibilisés, et contre laquelle la lutte s’organise progressivement à différents échelons de la société et du pouvoir remet à l’ordre du jour la grande question de l’harmonie entre l’Homme et la Nature. L’effort doit être continue et l’intérêt est de redonner à chacun un « désir d’architecture »60. On voit aujourd’hui l’avènement de l’ère associatif, de plus en plus de collectivité et d’association tente de convaincre par des actions concrète et solidaire les populations à se tourner vers un comportement plus raisonné sur leur façon de vivre et de consommer.

60

128

Ordre des Architectes, 36 propositions pour « créer un désir d’architecture » et de « libérer la création architecturale », [en ligne] http://www.architectes.org/actualites/36-propositions-pourcreer-un-desir-d-architecture-et-liberer-la-creation-architecturale


Ainsi animé par un désir d’une société plus équilibrée, c’est une démarche qui cherche à renouveler les usages domestiques, à placer l’habitant au cœur de son fonctionnement en trouvant un nouvel équilibre entre les espaces et les êtres vivants. Les actions doivent se tourner aujourd’hui vers : une valorisation des éco-matériaux, des actions de formation à la technique, une valorisation des éco-construction auprès des particuliers et des professionnels, une plus forte médiatisation de l’accès aux énergies renouvelables et un dialogue accru avec les individus. L’école est encore le terrain le plus stable pour inculquer les valeurs du « vivre ensemble ». Au-delà de du champ architectural complexe, la démarche frugale puise aussi son inspiration dans ses actes quotidiens. Et quoi de mieux que l’endroit où l’on enseigne pour transmettre des valeurs de simplicité et de sobriété de consommation ? La conscience de ce destin collectif permettra aux jeunes, à terme, de devenir acteur de leur cadre bâti. Il est d’intérêt publique de recalibrer la formation dès l’enfance pour combler le manque d’intérêt et de connaissance sur l’enjeu de vivre en adéquation avec son environnement dans le but pur et simple de ne pas créer l’effet inverse comme on le voit aujourd’hui : une négation et un désintéressement complet des individus pour leur environnement et la façon dont ils y vivent. On peut donc espérer une réconciliation des populations avec l’acte de bâtir. L’enjeux des architectes qui pratiquent cette idéologie doit réussir à concentrer ses efforts sur la sensibilisation pour créer de la demande. Au-delà de la construction architecturale, l’architecte doit donc aujourd’hui multiplier ses efforts pour partager sa passion avec le plus grand nombre. Ce n’est que par l’effort de cette sensibilisation que l’architecte pourra renouer un contact vertueux avec les individus et ainsi créer ensemble un avenir meilleur, plus éthique et responsable. L’exemple du BedZED montre qu’avec une mauvaise sensibilisation l’outil écologique ne peut être complètement efficient : par un manque de communication autour des objectifs écologique, les usagers peuvent ne pas saisir tous les enjeux et simplement ne pas saisir l’essence même de l’intérêt de ce genre de démarche d’éco-quartier.

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b. Une transmission par les usages et le vécu

La déambulation et la contemplation architecturale sont des outils de transmission. Même pour les moins initiés, le parcours architectural, lorsqu’il est bien orchestré, enrichi la pensée et fait évoluer les points de vue. C’est dans ce sens que la programmation architecturale et l’évolution des usages associés doivent aussi évoluer dans le bon sens. La démarche frugale s’appuie aussi sur une transformation des usages et des façons de vivre pour transmettre ses valeurs et ses ambitions. La réinterprétation programmatique de l’architecte en corrélation avec les valeurs de la sobriété doit permettre à ceux qui parcours les espaces de comprendre les changements inhérents à l’évolution. Il faut savoir que 65% du bâti actuel a été construit avant 1975, à une époque où les problématiques n’étaient pas les mêmes, les usages actuels doivent donc être en phase avec l’essor du développement durable et de l’éco-responsabilité.

Notre époque actuelle voit l’avènement de nouveaux enjeux et de nouvelles problématiques. Il faut aujourd’hui comprendre les changements et adapter les usages à nos problématiques contemporaines : l’interdépendance de l’homme avec son environnement, la mobilité ou les nouveaux moyens de communication. Le but ici est de viser l'émergence de nouvelles réponses architecturales, techniques et organisationnelles sur des grandes thématiques : performance énergétique et environnementale, évolutivité et adaptabilité des logements, transformation d'usage et évolution des bâtiments, lien socio-culturel entre le bâti et son occupant et utilisation intelligente de la technologie.

Malgré son manque de communication, le BedZED a réussi à transmettre à ses occupants certaines valeurs concrète lié au mode de vie éco-responsable par la volonté des architectes d’orienter le programme et d’utiliser les usages quotidiens comme moyens de transmission par exemple avoir les compteurs directement dans les appartements ou le peu de place de parking disponible pour réduire l’usage du tout-automobile.

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Le groupe scolaire des Boutours se prête volontiers à ce jeu. Les architectes ont voulu instaurer un parcours pédagogique pour les enfants, pour leur faire comprendre le cycle du vivant à travers le prisme de l’architecture. Ainsi, des éléments structurels sont laissé apparents, le toit végétalisé permet une culture qui enseigne le cycle de la vie aux enfants. C’est par la pratique d’usages concret que la conscience peut s’éveiller.

Le Lieu Unique pratique également une pédagogie autour de l’usage et du vécu au sein du bâtiment. L’engagement politique des architectes vise à enseigner que l’acte de bâtir doit se faire avec parcimonie et délicatesse : ici, la transformation d’une friche en bâtiment culturel à pour vertu de faire comprendre que l’acte de bâtir ne doit pas se faire au dépend du bon-sens. C’est-à-dire que l’acte de conserver et aussi un acte de construction. Evaluer l’existant et en tirer profit pour construire permet une économie de matière et de moyen. L’ajout subtil d’élément recyclés ou de réemploi permet d’assoir l’argumentation politique et socio-culturel.

On peut parler ici de conditionnement positif, c’est-à-dire qu’à force de répétition l’individu va pouvoir comprendre l’intérêt des démarches alternatives. Il faut aujourd’hui de plus en plus de bâti en corrélation avec une démarche de sobriété pour que, dans la pratique, les usagers comprennent les tenants et les aboutissants d’un tel concept. Car c’est dans la pensée autant que dans le concret que la transition vers un nouveau modèle de consommation doit s’opérer. Dans le même ordre d’idée, il ne s’agit pas de définir un processus-type applicable à tous en toutes circonstances. Néanmoins, à la lumière de l’expérience, certains réflexes (conception) et certains points d’étape (réalisation) sont indispensables. La prise en compte du développement durable ne remet pas en cause ces principes mais élargit les préoccupations et conduit à une démarche plus holistique61.

61

Groupe de travail commandé par le ministère de la Culture et de la Communication, Qualité architecturale et transition écologique : principes pour une architecture au temps du développement durable, [en ligne] http://www.culturecommunication.gouv.fr/content/download/87539/657180/version/2/file/Qualit %C3%A9%20architecturale%20et%20transition%20%C3%A9cologique.pdf.

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c. L’évolution des normes

Les citoyens perçoivent désormais l’impact du changement climatique (inondations, fonte des glaces, etc.). Les impacts environnementaux des excès de nos modes de vie et de production, à commencer par nos déchets, commencent à soulever l’indignation. On commence à comprendre que la question écologique est avant tout culturelle62. La politique française évolue également, malgré des normes encore très strictes, on peut voir l’avènement de nouvelles lois qui valorisent et favorisent la construction éco-responsable63. Les actions concrètes proposées vont permettent aux architectes engagés plus de liberté pour construire d’une façon différente et plus en phase avec l’environnement immédiat. Ce bâti aux vertus pédagogique pourra sensibiliser et transmettre ces nouvelles valeurs. La prise de conscience global qui s’applique va donc permettre aux architectes de promouvoir un modèle de construction plus responsable. On peut noter ces dernières années :

-

Plus de flexibilité sur les normes de construction

-

Plus de facilité de financement pour les bâtiments à valeur écologique

-

Plus de valorisation du savoir-faire et donc plus de facilité à assurer un bâtiment écologique

-

Une prise de conscience global des vertus d’un mode de vie plus raisonné.

L’actuel Réglementation Thermique 2012 (RT 2012) permet de connaitre les attentes actuelles de la politique au regard de la construction durable et écologique. Celle-ci est efficiente mais doit être interpréter avec bon sens et interroger également le facteur social lié à la construction. La RT 2012 met en avant la construction « passive », qui doit rester neutre avec son environnement. La prochaine Réglementation Thermique (RT 2020) va

62

Carine Dartiguepeyrou, « Où en sommes-nous de notre conscience écologique ? », Vraiment durable, vol. 4, no. 2, 2013, pages 15-28.

63

Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, publiée au Journal Officiel du 18 août 2015

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tenter d’aller plus loin en instaurant la construction « positive », c’est-à-dire un bâtiment qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.

On peut donc observer qu’un changement est en cours. Ce changement de valeur à l’avantage de profité de la permanente médiatisation et de l’interconnexion global lié à internet pour rendre compte de l’état dans lequel se trouve notre planète. Cela permet à chacun de comprendre les enjeux et donc de changer son mode de vie. On observe aujourd’hui chez les jeunes des désirs moins matérialiste et un regard plus critique sur la façon de consommer. La sensibilisation est omniprésente, et l’architecture change, petit à petit, pour tendre vers des valeurs plus éthiques vis-à-vis de l’Homme et de son environnement.

L’architecte engagé doit donc perpétuer ses efforts et continué à promulguer une parole saine et équilibré. Avec l’évolution des réglementations et des normes de la construction, les architectes vont pouvoir recalibrer leur façon de voir le projet, de concevoir et de réaliser. Car, bien évidemment, le changement de paradigme n’est pas instantané, et notre rôle aujourd’hui est d’éduquer les générations futures en ne leur laissant pas une planète en ruine. Les innovations d’aujourd’hui sont l’histoire de demain, et plus nous tardons à changer notre façon de penser, plus notre planète aura du mal à se relever.

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134


135


Ce mémoire n’a pas l’ambition d’élaborer une méthode précise sur la façon de penser le projet et de construire aujourd’hui. Ces recherches n’ont pas la prétention de recalibrer le concept architectural mais tentent une prise de conscience et de position sur la façon de (re)penser et de réfléchir le projet. Il semble en effet impossible de définir des recettes universelles tant l’architecture est un domaine riche et complexe qui ne peut s’enfermer dans quelconque dogmes. C’est pourquoi on s’intéresse ici à la question idéologique : une démarche de recherche des bonnes pratiques et des bons réflexes qui s’inspirent des réussites et des échecs existants, sans chercher à les dupliquer, mais à comprendre la démarche de leur réussite autant sur le plan écologique, économique que social. L’architecte doit être l’un des premiers acteurs de la transition éco-responsable de notre société. Il est alors de son devoir d’architecte, mais aussi de citoyen, de promulguer la bonne parole. L’habitat et le bâtiment public sont les meilleurs espaces de sensibilisation : on les pratique chaque jour et les bons réflexes viennent avec une pédagogie et un apprentissage simple mais quotidien. Les valeurs autour de la démarche frugale sont fondatrices d’une nouvelle façon de consommer et par conséquent, de construire. L’architecte doit donc faire preuve d’honnêteté et de sincérité et refuser l’appart du gain. C’est l’homme avant l’architecte qui doit réinterroger ses propre désirs et envies et ainsi définir ses actions sur le marché. Si l’architecte accorde ses valeurs avec ce qu’il produit, alors, il amène de façon inhérente la pédagogie autour de la sobriété heureuse64 : ce n’est pas utopique, car cet argument d’utopie ne sert qu’à décrédibiliser toute alternative.

L’architecte ne construit pas exclusivement pour des connaisseurs, la démarche frugale a pour but d’offrir un outil pertinent et une visibilité sur des pratiques architecturales différentes dans le but de promouvoir des valeurs de vie simple au plus grand nombre.

64

136

Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, éditions Actes Sud, avril 2010, 144 pages.


Cette démarche n’est donc pas une démarche de l’élite scientifique, elle cherche à simplexifier65 certaines notions clé qui permettent de toucher plus d’individu. Car l’architecture est un domaine complexe qui ne peut émouvoir les individus si elle est trop complexifiée. La démarche frugale peut donc être vue comme un outil pédagogique et pratique qui permet à l’architecture de devenir didactique et pour ainsi se servir de cet outil pour promulguer les valeurs de l’éco-responsabilité. L’architecture est partout, et chacun la pratique chaque jour, c’est probablement un des outils les plus efficace pour (ré)enseigner à chacun la valeur de la simplicité dans la façon de consommer, de penser, et de vivre car elle apporte un conditionnement pédagogique positif qui enseigne et instruit par les usages et le vécu.

La démarche frugale est holistique, elle s’intéresse à toutes les étapes du projet et rend l’architecte et les individus acteurs à part entière de leur territoire. La démarche frugale démontre une approche globale de l’architecture, un « tout » composé de tout ce qui englobe le projet. La démarche s’appuie sur l’acceptation au changement, la prise de recul face aux modèles actuels et, surtout, l’acception du droit à l’erreur et à l’expérimentation.

Les étapes du projet qui suivent une démarche frugale sont assez intuitive : En amont, il faut bien comprendre le site et son contexte, réfléchir intelligemment à toute les propriété macro-physique offerte par l’environnement immédiat et converser avec les individus et les populations pour affiner la programmation et les usages. Ne pas céder à la pression de la réglementation, du budget et de la temporalité. Le temps de réflexion de la conception doit être valoriser et les échanges préconisés. La concertation citoyenne est un excellent moyen de cerner les attentes de populations sur les projets public. La pensée collective est le meilleur moyen de ne pas rester cloisonné dans ses propres pensées. L’échange avec l’usager et avec la main d’œuvre dans un projet privé doit être aussi valoriser

65

Une vision plus simple et plus pragmatique du sujet ; c'est un processus de simplification d’une notion complexe, c’est en quelque sorte « vulgariser » pour rendre le sujet plus accessible.

137


et

l’architecte

doit

proposer

des

techniques

éthiquement

respectueuses

de

l’environnement car tous les choix justes dès la conception évitent les compensations techniques lors de la réalisation. La réalisation doit suivre les mêmes idéaux, c’est-à-dire prendre le temps de chercher des solutions adaptées au contexte, sans prioriser les réponses rapides et manufacturés. Le matériau aujourd’hui doit dépasser la notion esthétique ou de performance : il doit répondre aux exigences de préservation des ressources, d’impact sur l’environnement et sur la santé mais également avoir des exigences de réutilisation, de réemploi ou de recyclage. Il est question ici d’un ensemble de matériaux écologiques et bio-sourcés, qui, en plus de respecter l’environnement, respecte l’approche locale et artisanale de leur environnement immédiat. La matérialité qui découle d’une démarche frugale doit servir aussi bien le projet que les populations voisines pour ainsi garder une biodiversité dans l’écosystème locale. Les chantiers de bâtiments publics peuvent ouvrirent leurs portes aux citoyens pour travailler ensemble et donc promulguer un savoir-faire et des valeurs. L’habitat individuelle peut quant à lui profiter de la nouvelle mode des chantiers participatifs qui convient des volontaires à donner un « coup de main » à la réalisation du chantier. Valeur pédagogique mais aussi social, le but est de rapprocher les individus les uns avec les autres autour de la thématique architecturale.

La vie du projet doit ensuite suivre ces mêmes principes. La démarche frugale admet des réalisations qui vont, par leurs programmes et leurs usages, sensibiliser aux valeurs d’écoresponsabilité citoyenne. Cela fait aussi partie du rôle du bâti que d’offrir une intention pédagogique dans la promenade architecturale. Avec une conception juste et une réalisation équilibrée, la déambulation architecturale portera les nouvelles valeurs de responsabilité citoyenne et de l’engagement de chacun vers un monde plus juste.

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Pour conclure, on admet donc que la démarche frugale n’est pas une recette méthodologique fini mais organise sous sa bannière l’ensemble des mouvements qui allient l’écologie, le social, le partage, la communication, l’empathie et l’envie de faire mieux. Il s’agit d’un outil pour requestionner les trois étapes importantes du projet : une conception réfléchie, une réalisation pragmatique intelligente et une transmission pédagogique, par les usages et le programme. Il existe aujourd’hui de nombreux mouvements qui valorisent le vivre ensemble, cette démarche suit ces mouvements et tente de rassembler autour du champ lexical de la simplicité, des méthodes, des techniques, des matériaux, des valeurs et des envies. Le but est de chercher une clarté et une visibilité sur des termes qui peuvent parfois paraitres complexes pour les non-initiés. La démarche frugale est donc un outil qui regroupe l’ensemble des valeurs humanistes et tente de générer une architecture pédagogique dont le rôle est d’apporter un regard critique sur nos usages et nos consommations et, globalement, sur notre rapport à la société. On pourrait alors se demander : Comment pourrait-on aujourd’hui d’avantage valoriser les alternatives constructives ? Comment ne pas tomber dans un discours utopique qui desservirait la cause de la construction éco-responsable ? Comment réussir à générer une architecture aux vertus pédagogique qui poussent à une réflexion sur nos modes de vie ?

« Les acteurs de l’acte de bâtir, les concepteurs de la ville et de l’aménagement des territoires, les architectes ont une grande responsabilité dans ce changement majeur de paradigme de la ville qui va transformer les usages et les modes de vie »66.

66

Catherine Jacquot, Concevoir une ville résiliente et durable, introduction de la table ronde internationale à la Cité de l'architecture et du Patrimoine, décembre 2015, [en ligne] http://www.architectes.org/actualites/concevoir-une-ville-resiliente-et-durable-par-catherinejacquot

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Ouvrages •

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BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement : Comment faire ? Collection L’impensé, édition Actes Sud, Arles, septembre 2016, 192 pages.

BRUN Éric, Les situationnistes. Une avant-garde totale, collection Culture & société, éditions CNRS, Paris, septembre 2014, 454 pages.

CATSAROS Christophe, Le Lieu Unique : Le chantier, acte culturel, Nantes, collection L’impensé, éditions Actes Sud, Arles, octobre 2006, 96 pages.

DIDEROT Denis et D’ALEMBERT Jean le Rond, L'Encyclopédie Diderot et d'Alembert : Architecture, Tome 1, 1751, p. 617-618 de l’encyclopédie.

DUNSTER Bill, ZEDBook: Solutions for a Shrinking World, éditions Taylor & Francis, Royaume-Uni, janvier 2008, 276 pages.

FERRIER Jacques, Stratégies du disponible, éditions Passage Piétons, 2000, 288 pages.

FOUCAULD Jean-Baptiste, L’Abondance Frugale : Pour une nouvelle solidarité, collection Science Hum, éditions Odile Jacob, Paris, avril 2010, 276 pages.

FOUCAULD Jean-Baptiste, 3 cultures du développement humain : résistance, régulation, utopie, collection Science Hum, éditions Odile Jacob, Paris, février 2002, 382 pages.

HAËNTJENS Jean, La ville frugale. Un modèle pour préparer l’après-pétrole, collection Présence, éditions FYP, Limoges, octobre 2011, 278 pages.

LAPIERRE Éric, Architecture du réel : Architecture contemporaine en France, éditions Le Moniteur, janvier 2004, 316 pages.

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ONFRAY Michel, Le Magnétisme des solstices, collection Documents, édition J’ai Lu, Paris, janvier 2015, 411 pages.

RABHI Pierre, Vers la sobriété heureuse, édition Actes Sud, Arles, avril 2010, 144 pages.

RADJOU Navi et PRABHU Jaideep, L'innovation Jugaad : Redevenons ingénieux, éditions Diateino, Paris, avril 2013, 378 pages.

RADJOU Navi et PRABHU Jaideep, L'innovation frugale, comment faire mieux avec moins, éditions Diateino, Paris, mars 2015, 378 pages.

ROCCA Alessandro, Architecture Low-cost / Low-Tech. Inventions & stratégies, collection Architecture, éditions Actes Sud, Arles, octobre 2010, 224 pages.

WRIGHT David, Manuel d’architecture naturelle, collection Habitat-Ressources, éditions Parenthèses, Marseille, septembre 2004, 256 pages.

Articles Internet et PDF en ligne •

Anonyme, L’Abondance Frugale, ligne d’horizon d’une mondialisation réussie, site : La Croix, décembre 2014, [en ligne] https://www.la-croix.com/Articles-duForum/Forum-Thematique/L-abondance-frugale-ligne-d-horizon-d-unemondialisation-reussie-2014-12-12-1252430

Anonyme, Le Dernier Appel : Une civilisation se termine et nous devons en bâtir une nouvelle, site : Reporterre, août 2014, [en ligne] https://reporterre.net/Unecivilisation-se-termine-et-nous-devons-en-batir-une-nouvelle

Anonyme, Connaissez-vous le bâtiment « Frugal » ? site : Thermibloc, [en ligne] http://www.thermibloc.fr/connaissez-batiment-frugal/

ANTOINAT Déborah, Le Bâtiment frugal : une alternative aux normes de construction durables, site : Midionze, la ville vue par écofaubourgs, janvier 2016, [en ligne] http://www.midionze.com/le-batiment-frugal-une-alternative-auxnormes-de-construction-durables/

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BOUCHET Boris, Pour une architecture des milieux, site : Boris Bouchet Architectes, [en ligne] http://borisbouchet.com/?textes=pour-une-architecture-des-milieux

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CARNEC Justine, Catherine Bonduau-Flament : « Un bâtiment Frugal optimise les éléments naturels pour être désirable et confortable », site : Sans Transition ! Juillet 2017, [en ligne] http://www.sans-transition-magazine.info/ecologie/catherinebonduau-flament-un-batiment-frugal-optimise-les-elements-naturels-pour-etre

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GUILLAUD Hubert, Jean Haëntjens, vers la ville frugale : « on n’a pas encore de futur de rechange aussi clair que celui qu’on abandonne », site : Internetactu.net, janvier 2012, [en ligne] http://www.internetactu.net/2012/01/11/jean-haentjens-vers-laville-frugale-on-na-pas-encore-de-futur-de-rechange-aussi-clair-que-celui-quonabandonne/

JACQUOT Catherine, Concevoir une ville résiliente et durable, site : Ordre des Architectes, décembre 2015, [en ligne] https://www.architectes.org/actualites/concevoir-une-ville-resiliente-et-durablepar-catherine-jacquot

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MOREAU Anna, Manuel de projet, site : Stratégies pour la métropole nocturne, 2011, [pdf en ligne] https://metronocstrat.files.wordpress.com/2011/11/manifeste-anna-moreau.pdf

ODDOS Valérie, Lucien et Simone Kroll : construire pour que les gens soient bien, site : Culturebox, juin 2015 et mis à jour en décembre 2016, [en ligne] https://culturebox.francetvinfo.fr/arts/architecture/lucien-et-simone-krollconstruire-pour-que-les-gens-soient-bien-222433

PAINCHAUD Éric, Les trois qualités de l’architecture selon Vitruve, site : Éric Painchaud Architecte et associés inc., [en ligne] http://eparchitecte.com/fr/nouvelles/3qualites_architecture_vitruve.html

RABHI Pierre, Vie simple et frugale : éloge de la frugalité, site : Le Blog vivredebout, mars 2006, [en ligne] http://vivredebout.over-blog.com/article-2135983.html

SABBAH Catherine, Quand les architectes redécouvrent la sobriété, site : Les échos, juin 2016, [en ligne] https://www.lesechos.fr/08/06/2016/LesEchos/22208-035ECH_quand-les-architectes-redecouvrent-la-sobriete.htm#

VIRET Bernard, Qui sera l’architecte de demain ?, site : #Utiles !, mais 2017, [en ligne] http://www.universites-architecture.org/sera-larchitecte-de-demain/

Articles de périodiques •

ABALOS et HERREROS, Some concerns about technology, a+t, baja technologica/low-tech, n°9, 1997.

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JOURDA Françoise-Hélène, « Liberté, Égalité, Frugalité », propos recueilli par François Pousse, Technique et Architecture, n°434, octobre/novembre 1997, pages 40-44.

NAMIAS Olivier, « Alejandro Aravena, Architecte de l’année : Robin des boîtes », Le Monde Diplomatique, n°744, mars 2016, page 28.

SAINT-PIERRE Catherine, « Sobriété, Légèreté, Frugalité : Pour une architecture durable », AMC, n°223, éditions Le Moniteur Architecture, avril 2013, pages 63-71.

Documents Audiovisuels •

BOUCHAIN Patrick et SIMAY Philippe, Construire autrement avec Patrick Bouchain, Les nouvelles politiques du logement, janvier 2011, 4 vidéos : 8min, 6min, 11min et 3min, [en ligne] http://www.metropolitiques.eu/Construire-autrement-avecPatrick.html

OLIVA Jean-Pierre, Architecture, Le Hameau des Buis, 6min., [en ligne] http://hameaudesbuis.com/chantier/architecture/

PEZRES Emmanuel, L’école maternelle des Boutours : un bâtiment organique et une approche globale par Emmanuel PEZRES, Architecte de la ville de Rosny-sous-Bois, 11min., [en ligne] http://www.dailymotion.com/video/x4ww0ge

VIVERET Patrick, La sobriété Heureuse, conférence du cycle Développement durable, la croissance verte : comment ? UTLS – la suite, juin 2009, [en ligne] https://www.canalu.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/la_sobriete_heureuse_patrick_viveret.4 767

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Etudes de cas BedZED •

Anonyme, BedZed, Beddington Zero Energy (fossil) Development, site : Lausanne, [pdf en ligne] http://www.lausanne.ch/lausanne-en-bref/lausanne-demain/projetmetamorphose/le-projet/qu-est-ce-qu-unecoquartier/extrasArea/00/links/0/linkBinary/projet-bedzed.pdf

Anonyme, BedZED, un écoquartier au sud de Londres, 2008, site : Carfree.fr, La vie sans voiture, [en ligne] http://carfree.fr/index.php/2008/02/28/bedzed-unecoquartier-durable-au-sud-de-londres/

EMELIANOFF Cyria, Villes et quartiers durables ; des liens distendus ou à réinventer ? L’encyclopédie du développement durable, n°144, juillet 2011

HOH Sipane, Ces éco-quartiers qui change l’image de nos villes, site : Détails d’Architecture, avril 2013, [en ligne] https://www.detailsdarchitecture.com/tag/billdunster/

LAUGIER Robert, La ville de demain : intelligente, résiliente, frugale, post-carbone ou autre, site : Centre de Ressources Documentaires : Aménagement Logement Nature, mars 2013, [pdf en ligne] http://www.cdu.urbanisme.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/synthese-ville-demain-version_finale_cle12216d.pdf

MARTIN Bénédicte, Les éco-quartiers ne sont pas vraiment écologique, Site : Reporterre, mars 2014, [en ligne] https://reporterre.net/Les-eco-quartiers-ne-sontpas-vraiment-ecologiques

Le groupe scolaire des Boutours •

Anonyme, Construction durable : l’approche révolutionnaire de Rosny-sous-Bois, site : Batirama, mars 2017, [en ligne] https://www.batirama.com/article/14352construction-durable-l-approche-revolutionnaire-de-rosny-sous-bois.html

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CARCASSES Gilles, En visite à Rosny-sous-Bois, site : Nature en Ville à CergyPontoise, avril 2016, [en ligne] https://natureenvilleacergypontoise.wordpress.com/tag/eco-ecole/

GOURDON Jessica, La paille, nouveau champ d’innovation dans les villes, site : Le Monde, octobre 2017, [en ligne] http://www.lemonde.fr/smartcities/article/2017/10/13/la-paille-nouveau-champ-d-innovation-dans-lesvilles_5200461_4811534.html

LANNEAU Tom, Les Boutours : dosser de presse, site : Ville de Rosny-sous-Bois, [pdf en ligne] http://www.rosny93.fr/IMG/pdf/dossier_presse_boutours.pdf

PEZRES Emmanuel, Eco-école maternelle les Boutours : Présentation, site : Le OFF du développement durable, octobre 2014, [pdf en ligne] http://www.leoffdd.fr/fichiersprojets/ecolematernelledesboutours-crecherosny.pdf.pdf

Le Lieu Unique •

CATSAROS Christophe, Le Lieu Unique : Le chantier, acte culturel, Nantes, collection L’impensé, éditions Actes Sud, Arles, octobre 2006, 96 pages.

CONTAL Marie-Hélène, Patrick Bouchain et Loïc Julienne ou le souci, militant, de l’intérêt général, site : CyberArchi, avril 2009, [en ligne] http://www.cyberarchi.com/article/patrick-bouchain-et-loic-julienne-ou-le-soucimilitant-de-l-interet-general-09-04-2009-12275

HALLAUER Edith, Construire Ensemble Le Grand Ensemble, site : Strabic.fr, juillet 2011, [en ligne] http://strabic.fr/Construire-Ensemble-le-grand-ensemble

COLARD Jean-Max et Trelcat Sophie, « Ouvert au public », Ligeia, dossier sur l’art, juillet/décembre 2010, pages 101-104, [pdf en ligne] http://jeanmaxcolard.com/media/portfolio/telechargements/patrickbouchain_7rjo.pdf

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GAUDIN Pierre et CHANTAL Jérôme, Le Lieu Utile, documentaire sur le Lieu Unique (ancienne usine LU) à Nantes, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=L_CnMhgqcA4

Site du Lieu Unique, [en ligne], http://www.lelieuunique.com

Sites Internet

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https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr

https://www.icomos.org

https://negawatt.org/

http://www.asso-iceb.org/

https://www.zedfactory.com

http://www.bioregional.com/

https://www.pefc-france.org


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(1) Léonard de Vinci, Homme de Vitruve, 1490. (2) Smitom-Lombric, Agenda 21, http://www.lombric.com/decouvrir-le-smitom/politiqueenvironnementale-et-demarche-qualite/agenda-21 (3) François Bellanger, Transit-City / Urban & Mobile Think Tank, Blogger, http://www.transit-city.com/ateliers/precedentes/villefrugale/ (4) Navi Radjou, Frugale Flexible Inclusive, Organigramme de l’idéologie Jugaad. (5) Tom Chance, Photo aérienne du BedZed, https://www.flickr.com/photos/tomchance/1008213420/ (6) Gündem Aktüel, photographie de Bill Dunster présentant son livre ZEDBook, http://gundemaktuel.com/haber/18295/turkiyenin-yesil-donusumu-3yesil-binalarzirvesinde-tartisilacak (7) Schéma personnel du principe de rayonnement solaire sur l’ensemble du complexe BedZED. (8) Photographie d’une tour à vent de la ventilation, http://www.building.co.uk/Pictures/web/u/q/q/bedzed2.jpg (9) Schéma du système de ventilation du Jubilee Wharf (2006), Penryn, Cornouailles (10) Coupe sur l’ensemble d’un bâtiment du BedZed, http://nesa1.uni-siegen.de/ (11) Coupes de détails techniques, http://nesa1.uni-siegen.de/ (12) Emma Kelly, coupe illustrée du BedZed, Handsome Franck Illustration Agency, https://handsomefranck.com (13) Photographie de la façade de l’école des Boutours, https://peepboutours.wordpress.com/2017/09/25/inauguration-du-groupe-scolaireboutours/ (14) Capture d’écran de la vidéo L’école maternelle des Boutours : un bâtiment organique et une approche globale par Emmanuel PEZRES, Architecte de la ville de Rosny-sous-Bois, http://www.dailymotion.com/video/x4ww0ge (15) & (16) Damien Roudeau, Illustration des concertations citoyennes de Damien.

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(17) Damien Roudeau, illustration d’une vue aérienne de l’école des Boutours. (18) Ecole pendant le chantier, photographie de la mairie de Rosny-Sous-Bois. (19) Batirama, Photo des murs en paille durant la construction de l'école des Boutours, https://www.batirama.com/article/14352-construction-durable-l-approcherevolutionnaire-de-rosny-sous-bois.html (20) Gilles Carcassès, photographie de la « fenêtre de vérité », https://natureenvilleacergypontoise.wordpress.com/tag/eco-ecole/ (21) Batirama, Schéma d’un cadre en bois servant à faire des briques d’adobe, https://www.batirama.com/article/169-terre-crue-4-techniques-a-redecouvrir.html (22) Le Parisien, A Rosny-sous-Bois, une maternelle écologique a vu le jour, http://www.leparisien.fr/rosny-sous-bois-93110/a-rosny-sous-bois-une-maternelleecologique-a-vu-le-jour-05-10-2017-7310055.php (23) Vue sur les entrées d’air des puits canadien depuis la rue Pierre Brossolette, capture d’écran Google Street View, Août 2015. (24) Schéma personnel du principe du puit canadien avec ventilation à double flux, inspiré du schéma de Fiabitat Concept, https://www.fiabitat.com/etudes-de-cas/ (25) L’Atelier des Alvéoles, Organigramme du groupe scolaire des Boutours, http://atelieralveoles.fr/portefolio-nos-projets/ (26) Cyrille Weiner, photographie depuis l’Avenue Carnot, http://cyrilleweiner.com/fr/portfolio-architecture-2/le-lieu-unique-35/ (27) Julie Balagué, portrait de Patrick Bouchain, https://www.la-croix.com/Journal/PatrickBouchain-constructeur-liberte-2017-12-09-1100898131 (28) Cyrille Weiner, photographie du café du Lieu de vie, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.19. (29) Agence Construire, dessins de Nicole Concordert, représentation du nouveau volume, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.27.

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(30) Agence Construire, dessins de Nicole Concordert, Croquis et élévation du nouveau volume du Grand Atelier, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.36. (31) Agence Construire, croquis de la Cour et du Grand Atelier, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.84. (32) Agence Construire, photographie de l’ancienne usine qui va être réhabilité en espace de création, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.79. (33) & (34) Agence construire, José Caux, photographie du réemploi de planches de chalutiers pour la création de passerelle dans le Grand Atelier, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.42 & p.43. (35) & (36) Cyrille Weiner, photographie du réemploi de barils découpé pour faire l’acoustique du Grand Atelier, Christophe Catsaros, Le Lieu Unique, Le chantier, un acte culturel / Nantes, éditions Actes Sud, 2006, p.43 & p.46. (37) Réalisation du visuel officiel du Lieu Unique de Nantes 2012/2013 à la demande de l’excellent duo de graphistes Helmo et du Lieu Unique de Nantes. Dessin de 120 cm*80 cm/ Impression en sérigraphie 4 couleurs chez Lézard Graphique.

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© Ferrand Maxime – École Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie – 2017/2018


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