Grand Angle #03 - Women Power

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Épisode 3 - Octobre 2016

WOMEN POWER Photo T.C.D / VISUAL Press Agency


L’ ÉDITO Bien le bonjour à tous ! Après des mois d’absence, nous voilà de retour avec le dernier numéro de la promotion 2016. Nos travails étant assez chronophages, sortir ce numéro fut compliqué, mais mieux vaut tard que jamais ! Puis pour finir en beauté, quoi de mieux que de parler de celles sans qui nous ne serons rien ? Les pâtes à la bolognaise ? Non. Les One Direction ? Non. Les femmes ? Exact ! Mais vu le thème de ce webzine, on ne va pas parler de n’importe quelles femmes, mais des femmes dans le monde audiovisuel. Leur représentation au festival de Cannes, leur présence sur Youtube, leur place dans le cinéma, ou encore leur starification à l’aube du cinéma. Autant vous dire que si vous êtes sexistes comme Donald Trump ou Raptor Dissident, vous pouvez passer votre chemin. Parce que nous on espère voir de plus en plus d’égalité homme-femme dans les années à venir au sein du cinéma, de la télévision et du web, que ce soit en France ou dans le monde. Nous espérons que vous allez et que vous avez aimé nous lire. Nous tirons notre révérance et souhaitons bonne chance à l’équipe qui prendra la relève ! La bise bien chaleureuse. P.S. : N’oubliez pas, allez au cinéma et bonne lecture !

Maxime. La Rédac’

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Photos Gamma

Directeur de la publication : Philippe Marcoux Rédacteurs en chef : Maxime Pontois & Aurianne Skybyk Directeur Artistique : Maxime Pontois Rédacteurs : Candice Dugaret, Damien Le Ny, Pascal Lopez, Aurélien Pittavino, Violaine Poulenard, Justine Salles, Hadrien Souweine.


S OMMAIRE 04 04 08 11 14

ARTICLES CINÉ Les femmes à l’ombre du Festival de Cannes L’exploitation de l’image de la star dans l’industrie de l’âge d’or des studios Le deuxième sexe au cinéma La place des femmes dans l’histoire du cinéma

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ARTICLE SÉRIES Bienvenue à Shondaland

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ARTICLE TV Les journalistes sportives à l’antenne : approche-t-on du but ?

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LES PÉPITES DU WEB #03 - Les femmes sur les internet(tes) français Bonus - Les copains du net

Merci à tous les rédacteurs de ces 3 numéros, vous êtes tops ! Et un grand merci à Nathalie Monnet pour son aide.

Grand Angle est une newsletter du MBA de Production Audiovisuelle de l’ESG. Pour toutes suggestions ou commentaires, merci de nous adresser un Email, en cliquant ici. Archives de la Newsletter « Grand Angle » : en cliquant ici MBA ESG - 35 avenue Philippe Auguste 75011 Paris - Tél : 01 55 25 69 18 - www.mba-esg.com

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Par Candice Dugaret Cannes, un festival au masculin

réalisatrice, la néo-zélandaise Jane Campion, primée en 1993 pour La leçon de Piano.

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Festival de Cannes

Sur le tapis rouge défilent la splendeur des robes de grands couturiers et le glamour des talons aiguilles. Ils attirent, séduisent, galvanisent, mais, à ce 69ème Comment peut-on expliquer une si faible représentafestival de Cannes, la prédominance masculine tivité féminine ? Faut-il y voir le machisme du jury, le persiste. En effet, la présence des femmes sur la déséquilibre des choix, le reflet d’un comportement Croisette, si elle est surmédiatisée, ne renforce qu’en apparence leur pouvoir. N’étant, au fond, qu’un habile subterfuge qui voudrait faire oublier que les récompenses les plus prestigieuses et les plus propices à forcer l’admiration sont essentiellement décernées à des hommes et, souvent, par des hommes. Sur les 68 dernières éditions, la récompense suprême du festival de Cannes, celle qui couronne le meilleur film, la Palme d’or, n’a été remise qu’une seule fois à une


AFP

misogyne ? Il est vrai qu’avec onze présidences du jury, en 69 éditions, on atteint un pourcentage très décevant de 16% de femmes à avoir accédé à cette fonction essentielle et emblématique. Ce n’est pourtant pas le seul élément de disparité chronique, puisque, avec ce chiffre, la proportion est quand même dix fois supérieure à celle des Palmes d’Or ! Présider le festival, titre glorieux et déterminant, est une fonction rarement attribuée à des réalisatrices, et ce tellement peu, que sur les éditions précédentes, seules deux d’entre elles ont été désignées. Liv Ullmann en 2001 et Jane Campion en 2014, qui avait été l’exceptionnelle lauréate de la Palme d’Or onze années plus tôt. Les autres rares présidentes du jury sont toutes comédiennes, si l’on excepte l’écrivaine et scénariste, Françoise Sagan, en 1979. Sept comédiennes pour onze présidences féminines : Olivia de Havilland en 1965, Sophia Loren en 1966, Michèle Morgan en 1971, Ingrid Bergman en 1973, Jeanne Moreau, à la fois en 1975 et 1995, Isabelle Adjani en 1997 et Isabelle Huppert en 2009. On peut même observer que leur présence se raréfie depuis les années 80. Si ce choix reconnaît l’exceptionnelle carrière de ces femmes, il reflète surtout le déséquilibre du cinéma.

Kirsten Dunst, l’actrice et chanteuse Vanessa Paradis, la productrice Katayoon Shahabi et la réalisatrice, scénariste, productrice et actrice Valeria Golino d’une part et les acteurs Donald Sutherland et Mads Mikkelsen puis les 2 réalisateurs-scénaristes Laszlo Nemes et Arnaud Desplechin d’une autre part.

La cinéfondation, qui récompense les meilleurs films de la compétition des courts métrages et ceux de sa propre sélection, était présidée par une femme Naomi Kawase, entourée de trois hommes réalisateurs Santiago Loza, Jean-Marie Larvieu et Radu Muntean et l’actrice Marie-Josée Croze : ont été sélectionnées 18 œuvres dont 10 réalisées par des femmes. Cette année, le premier prix a été décerné à Or Sinaï pour Anna. Ce prix revêt une importance C’est peut-être surtout la sélection officielle qui reste particulière puisque, en plus d’une dotation consédécevante et pauvre en réalisatrices puisque son taux quente, il permet au lauréat - et même cette année, de masculinité atteint les 96%. Décidée en amont du à la lauréate - de recevoir l’assurance de présenter festival, elle n’inclut que très peu de films réalisés son premier long métrage au Festival de Cannes. par des femmes au point que, en 2012, les 22 films Voilà qui ouvre une porte pour une réalisatrice. en compétition étaient tous, sans exception, réalisés par des hommes. La pauvreté de l’offre explique donc Les prix de la catégorie « Un certain Regard » ont bien davantage la suprématie flagrante des Palmes honoré 18 films de 20 pays différents dont 7 preattribuées à des hommes que le choix des jurys miers films. C’est l’actrice Marthe Keller qui présidait successifs. Seuls 70 films réalisés par des femmes en compagnie de deux hommes, le réalisateur, proont été recensés sur les 1688 œuvres sélectionnées ducteur, acteur, Diego Luna et le réalisateur Ruben depuis la première édition du festival de Cannes, soit Östlund ainsi que deux femmes, l’actrice Céline 4,15% en incluant 7 films coréalisés par des hommes. Sallette et la réalisatrice productrice Jessica Hausner. Ce sont essentiellement des hommes, (quatre), qui La présence des femmes lors de la 69ème édition ont été récompensés mais 2 femmes Delphine et Le jury Muriel Coulin se sont hissées à la première place pour En 2016, sous la présidence de Georges Miller, réali- le prix du meilleur scénario. sateur, scénariste et producteur australien, les 8 personnalités du cinéma mondial étaient très équitable- Enfin, la Caméra d’or a été remportée par une femme Houda Benyamina et son premier film Divines, prix ment réparties en 4 femmes et 4 hommes. L’actrice remis sous la présidence de la réalisatrice Catherine 5


Corsini dans un jury composé de trois hommes représentant le syndicat français de la critique de cinéma en la personne de Jean-Christophe Berjon, l’association française des directeurs de la photo cinématographique en la personne de Jean-Marie Dreujou, un producteur Alexander Rodnyansky et une femme, Isabelle Frilley pour la Fédération des Industries du cinéma, de l’audiovisuel et du transmedia. Cela a d’ailleurs valu à Cannes un discours réjouissant et féministe de la lauréate. Les réalisatrices Cette année, trois réalisatrices ont été retenues. Elles figurent aux côtés de 17 hommes. Il y a l’Allemande Maren Ade, 39 ans, qui réalise et produit ses films et a déjà été récompensée à Sundance et Berlin. Son film, Toni Erdmann, relate les retrouvailles d’une femme d’affaire qui voit son père débarquer sans prévenir et ne cache pas son exaspération. Sa vie sera bouleversée par la question de son père : « es-tu heureuse ? » qui va finalement l’aider à retrouver un sens à sa vie. On compte aussi parmi elles, Andrea Arnold qui a déjà obtenu deux prix du jury à Cannes en 2006 et 2009 et s’est illustrée aussi par son adaptation des Hauts de Hurlevent. Cette année, son film American Honey raconte l’histoire d’un jeune homme qui rejoint l’équipe commerciale d’un magazine et découvre une vie de beuveries, de morale douteuse et de sexe. Il est interprété par Shia LaBeouf auprès duquel jouent aussi Arielle Holmes et Sasha Lane.

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Pour compléter cette maigre sélection féminine dans la compétition, on peut dresser la liste de 7 films, réalisés par 8 femmes qui figurent en bonne place dans cette édition du Festival. Ces réalisatrices sont diversement mises en lumière. Hors compétition mais très attendue, Jodie Foster présente Money Monster avec Georges Clooney, Julia Roberts et Jack O’Connell. Deux actrices françaises célèbres passent aussi cette année à la réalisation de courts métrages retenus pour la Semaine de la Critique. Il s’agit de Sandrine Kiberlain qui réalise Bonne Figure, et de Laetitia Casta qui présente En moi avec Yvan Attal, Lara Stone, Arthur Igual et Mathilde Bisson, qui s’interroge sur l’inspiration. Mais aussi l’actrice et mannequin américaine Chloé Sevigny trouve son inspiration dans une nouvelle de Paul Bowles racontant l’histoire d’une jeune femme Kitty qui se transforme en chaton au fur et à mesure qu’elle grandit et s’échappe de l’emprise familiale. En ce qui concerne la réalisatrice Justine Triet, déjà présente à Cannes en 2013 dans la programmation de l’Acid, elle revient avec Victoria, film présenté en ouverture de la semaine de la Critique où l’on retrouve Virginie Efira, Vincent Lacoste et Melvil Poupaud. On faut joindre à cette liste, la réalisatrice Stéphanie di Giusto qui réunit Soko et Lily-Rose Depp aux côtés de Gaspard Ulliel et Mélanie Thierry, dans son premier long métrage La Danseuse. Et enfin, n’oublions pas les deux réalisatrices Delphine et Muriel Coulin qui présentent leur deuxième long

Le Figaro

La troisième réalisatrice est la célèbre actrice Nicole Garcia, reconnue pour son excellente direction d’acteurs. Son film est l’adaptation du roman de Milena Agus, relatant l’histoire d’une jeune femme, Gabrielle, incarnée par Marion Cotillard, présente aussi dans le film de Xavier Dolan en compétition à Cannes et qui a remporté le Grand Prix. Dans Mal de Pierres, face à Louis Garell, Marion Cotillard incarne une femme qui a grandi dans la petite bourgeoisie

agricole où son rêve de passion absolue fait scandale. A une époque où les femmes sont d’abord destinées au mariage, elle dérange et ses parents la donnent à un ouvrier saisonnier qui devra en faire une femme respectable. Lors d’une cure thermale destinée à la soigner de son mal de pierres, des calculs rénaux, elle rencontre un lieutenant blessé pendant la guerre d’Indochine et elle décide d’aller avec lui au bout de son rêve.


métrage Voir du pays à « Un certain Regard », où l’on Trop souvent les starlettes et quelques actrices sont retrouve également la chanteuse et actrice Soko. mises plus à l’honneur que le talent des réalisatrices. Essayez de chercher un article sur Cannes et les preLes actrices miers à apparaître sont ceux qui détaillent des tenues, Outre le show de dix jours où les actrices gravissent des traces de nudité, des éléments de la mode plus les marches du Palais des festivals, le podium de que du cinéma. Se faire refouler du tapis rouge tient Cannes accueille 3 femmes, dont le prix d’interpré- surtout aux attributs que l’on prête dans les préjugés tation féminine, incontournable. Cette année, il va à les plus tenaces à la féminité. Des décolletés, des Jaclyn Rose pour Ma’Rosa. Pour les deux autres prix, talons, des bijoux, du paraître et de la superficialité sur la dizaine attribuée, ce sont ceux de la Caméra plus que du talent, du savoir-faire, des techniques. d’or de Houda Benyamina et son film Divines et le prix Kristen Stewart en sourit en associant Chanel et ses du jury d’Andrea Arnold pour American Honey. vans confortables dès qu’elle quitte le prestige et les contraintes du tapis rouge. Dans ce grand défilé, on peut revenir sur quelques rôles féminins qui ont illuminé la compétition Houda Benyamina, Caméra d’or 2016, en fait un disofficielle. Isabelle Huppert, Elle, du film de Paul cours militant où elle s’autorise une certaine vulgarité Verhoven, embarquée par le cinéaste provocateur habituellement réservée aux hommes. Elle y soutient dans une histoire vénéneuse, qui campe le rôle d’une la cause des femmes dans le monde du cinéma. Elle femme déterminée, forte, froide et victime d’un viol. déclare que « pour que les choses changent, il faut Sa réaction surprend. Elle ne change rien à sa vie, ne que beaucoup de décisionnaires soient des femmes porte pas plainte, tente même de renouer avec son ». Ainsi elle nous rappelle le discours d’ouverture de agresseur, au point qu’on se demande si elle n’a pas Lambert Wilson en 2015 qui déjà déclarait « Je veux vécu qu’un fantasme. Ce film coup de poing est porté opposer la femme mise en lumière par le cinéma, par une actrice remarquable, capable de surprendre révélée, à celle qu’on bâillonne, à celle qu’on violente, et de se réinventer à chaque rôle. à celle qu’on vend », et celui de Patricia Arquette aux Oscars dénonçant les inégalités salariales cette fois. Du mythique sulfureux à l’ambiguité, on arrive au Le Festival de Cannes et le cinéma ont encore beaucinéaste danois Nicolas Winding Refn qui avec The coup de chemin à parcourir pour qu’un certain équiNeon Demon, thriller contemplatif, trash, acerbe libre puisse permettre aux femmes, sur leurs talons et violent, suit les débuts d’une jeune fille dans le ou pieds nus, de gravir les marches de l’égalité. monde de la mode. Elle Fanning incarne cette héroïne ambiguë et pas si innocente que ça. Elle éveille par sa beauté, jalousies et convoitises. Cette beauté, on l’évoque dans Aquarius, une beauté qui se fâne, qui passe, éphémère au contraire des maux qui persistent et minent la société brésilienne. C’est une critique acerbe de son pays que livre Kleber Mendonça Filho à travers le regard d’une femme de la soixantaine qu’interprète Sônia Braga.

Andreas Rentz/Getty

Autant de rôles de femmes fortes, belles, ambiguës, déterminées, assumant désirs et envies avec des révélations de talents comme celui de Kristen Stewart, Lily-Rose Depp, de Soko, de Sasha Lane et le prix d’interprétation féminine attribué à Jaclyn Jose pour Ma’Rosa, dans un film qui crie contre la corruption. Combien de marches encore pour un festival féminin, féministe ? Cannes est féminin dans ses paillettes et ses talons que, d’ailleurs, Julia Roberts a quittés afin de fouler le tapis rouge pieds nus, tout un symbole. 7


L’exploitation de l’image de la star dans l’industrie de l’âge d’or des studios Par Violaine Poulenard Avant même l’arrivée du cinéma, le star-system existait, dans le monde de l’opéra notamment. Maria Malibran (1808-1836, célèbre mezzo-soprano espagnole) était reconnue dans le monde entier. Cependant, au début du cinéma muet, les spectateurs ne connaissaient pas le nom des acteurs et ne s’y intéressaient pas car le personnage qu’ils jouaient primait. Par ailleurs, les producteurs ne voulaient pas que le star-system existe pour pouvoir garder leur plein pouvoir sur les productions.

(la Biograph Girl) et Florence Turner (la Vitagraph Girl) vont avoir leur propre campagne de promotion. Le producteur Adolph Zukor va recruter de nombreux acteurs et actrices de théâtre pour sa société la Famous-Players-Lasky-Production (devenu Paramount en 1916). C’est lui qui exploitera alors le plus l’idée du star-system. Les producteurs comprennent rapidement que les stars sont essentielles pour l’évolution de leur studio. C’est ainsi que les acteurs des années 10 et 20 commencent à créer des stéréotypes (William S. Hart est le good-bad man, Mais rapidement, particulièrement grâce aux acteurs Charlie Chaplin est le vagabond). comiques qui revenaient régulièrement sur les écrans, les gens vont s’intéresser à la vie privée des Dès 1919, le star-system est en place et la star fait acteurs. Motion Picture Story Magazine est l’un des vendre et est au cœur de l’industrie cinématographique selon Edgar Morin. Pendant une dizaine premiers magazines sur les vedettes. Il a été créé en d’années (1920-1932), les archétypes masculins et 1911 par James Stuart Blackton. Il y avait un numéro féminins se créent, du héros comique au héros anpar mois, où l’on racontait des films, et la vie réelle ou tique, tragique ou amoureux transi. Dans les débuts entièrement inventée des acteurs et des actrices. Les du cinéma, l’actrice doit être belle, elle représente studios vont profiter de leur notoriété pour diverses des idéaux de beautés. Mais c’est réellement avec activités (vente des films, publicité…) et vont inventer des vies entièrement fausses à leur star pour faire rêver et parler d’elles.

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Florence Lawrence

Florence Turner

Silentology

Bernard Shaw a écrit « Le sauvage adore des idoles de bois et de pierre ; l’homme civilisé des idoles de chair et de sang ». Ainsi, dès 1910, Florence Lawrence


l’arrivée du parlant que le star-system va exploser et donner à la star toute son importance et sa supériorité. La MGM deviendra le chef de file du star-system et tentera d’engager le plus de stars possible pour produire plus de grands films que les autres majors, ainsi Louis B. Mayer dira qu’il possède « plus d’étoiles qu’il n’en brille au firmament ».

Paramount ne construit généralement pas ses stars de toutes pièces. En effet, la major ne prenait pas de risques et employait des stars du muet, des stars étrangères ou des stars de Broadway telles que Maurice Chevalier et Marlene Dietrich.

MGM / Paramount

Mae West est la grande star de Paramount, elle est très populaire au moment de la réorganisation du studio grâce à ses comédies scandaleuses. En 1936, elle Paramount et MGM sont les deux grands studios qui est la femme la mieux payée des Etats-Unis. A cause ont le plus encouragé le star-system. Chacune à leur du code Hays, la passion passagère du public pour manière, ces deux majors ont construit des stars ou Mae West disparaît, et les spectateurs se prennent employé des stars déjà existantes. d’affection pour une enfant-star, Shirley Temple « La star n’est pas seulement une actrice. Ses per- (employée par la Fox mais prêtée à la Paramount). sonnages ne sont pas seulement des personnages. Les personnages de film contaminent les stars. Dès l’âge de trois ans, la petite fille tourne dans des Réciproquement la star elle-même contamine ses court-métrages, elle tournera quelques films avec personnages. ». Dans cette citation d’Edgar Morin, la Paramount, tous seront des succès. En 1934, la on se rend compte à quel point la star est importante Paramount la fait tourner dans Little Miss, film pour l’industrie hollywoodienne, la star fait vendre, le d’Alexander Hall avec Adolphe Menjou qui a connu public ne va plus voir un personnage ou une histoire un énorme succès. Entre 1934 et 1938, elle est la star mais un acteur ou une actrice ; on va voir « le nouveau la plus rentable du box-office et elle a reçu un Oscar film de Clark Gable ». de la Jeunesse en 1935. Le monde se passionne pour Aux Etats-Unis, comme en France, la star est reine, cette jeune fille aux boucles blondes, « J’ai arrêté de mais elle est construite par le star-system qui l’uti- croire au Père Noël quand j’avais six ans. Maman lise : il est leur seule solution pour exister ; pour que m’avait emmenée le voir dans un magasin et il m’a la star puisse tourner, il faut que le public l’aime et demandé un autographe. » a-t-elle expliqué. pour cela, elle doit répondre à ses attentes. En observant toutes les stars de Paramount entre Pour Edgar Morin : « Le star-system n’est pas tant 1934 et 1948, on observe que se sont majoritaireune conséquence qu’un élément spécifique de ces ment des femmes (quelques stars masculines ont développements. (…) Le star-system est d’abord des contrats, Gary Cooper ou Georges Raft) et plutôt fabrication. » des blondes. Aujourd’hui, malgré toutes les icônes Les acteurs et actrices inconnus, jouant dans les que Paramount a starisées peu sont encore reconfilms B, sont transformés par les studios. En effet, nues comme de grandes stars, Marlene Dietrich ou physiquement on les change, en leur teignant les Gary Cooper restent et resteront des vedettes dans cheveux, en les leur coupant… On change également la culture cinématographique mais le public ne se leur look, il faut que les stars vendent du rêve, que souvient plus de la majorité d’entre elles. En effet, la toutes les femmes veuillent être ces actrices et que major construisait un nombre tellement important de tous les hommes veuillent avoir le charisme de ces stars, que la plupart disparaissait aussi rapidement acteurs. Par ailleurs, on leur invente une vie, des liai- qu’elles étaient arrivées sur le devant de la scène. sons, pour vendre des magazines.

Mae West

Gary Cooper

Shirley Temple

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La MGM est la dernière major créée (1924), mais c’est la leader du marché durant les années 30. Le but de la MGM est de produire des films grand public et pour cela elle va engager de nombreuses stars pour produire « plus de film à succès que tout autre studio » selon Douglas Gomery. La MGM possède deux types de stars : les stars sophistiquées telles que Greta Garbo (icône du muet qui a su continuer sa carrière avec l’arrivée du parlant), ou alors les enfants stars. A l’image de la Fox avec Shirley Temple, la MGM va employer des enfantsstars (Judy Garland, Elizabeth Taylor). Mais la star la plus rentable de la major est Marie Dressler, elle est à l’opposé de l’image glamour de la compagnie (elle a 61 ans en 1930), mais pour le public c’est elle le visage de la MGM pendant la Grande Dépression.

« LA STAR ETAIT A LA MERCI DE SA MAJOR, ET CELLE-CI POUVAIT EN FAIRE CE QU’ELLE VOULAIT. » Mais la star ne peut vivre par elle-même, sa vie entière étant mise sous contrat. Ainsi, la major possède entièrement l’acteur ou l’actrice et peut en faire ce qu’elle désire. Les contrats des stars ont des clauses particulières régissant leur vie privée. En effet, elles étaient tenues de faire tout ce que les majors leur demandaient. Les compagnies inventaient leur vie pour la rendre plus attractive et enviable, ou alors pour montrer la réussite de l’American Dream. Quoiqu’il en soit, la star était à la merci de sa major et celle-ci pouvait en faire ce qu’elle voulait, lui inventer des liaisons, lui programmer des repas… Quand on était une star dans l’âge d’or des studios, on n’avait plus le droit à une vie privée, elles avaient une « vie privée-publique » (Edgar Morin). Le public de l’époque était passionné par la vie privée des stars (comme il l’est aujourd’hui encore), donc les majors inventaient des histoires toujours plus improbables et passionnantes pour le public pour qu’il ne l’oublie pas et continue à venir voir ses films. Certaines stars, comme Elizabeth Taylor, jouaient avec le public et la presse sachant qu’ils étaient nécessaires à leurs succès. Shirley Temple, a grandi sous les feux des projecteurs et avec les campagnes publicitaires, et c’est sûrement pour cela qu’elle s’est toujours laissée prendre en photo ! D’autres, comme Fred Astaire, détestaient cette publicité.

comme le couple Fred Astaire/Ginger Rogers alors qu’ils avaient des vies bien séparées ou le couple Clark Gable/Carole Lombard qui fut un couple mythique du Hollywood des années 30. L’Amérique entière se passionna pour celui-ci, la mort tragique de Lombard acheva la création du mythe. Les acteurs et actrices deviennent, avec l’explosion du star-system, les parfaits produits marketing des majors. Les majors transformaient les actrices pour qu’elles deviennent vamps ou aventurières. Après des cours de maintien, les agents de presse tentaient ensuite de faire le plus de publicités possible, en les envoyant dans les boîtes de nuit à la mode, ou encore en écrivant des articles sur leur stars dans les magazines les plus populaires du pays, etc… Life fut l’un des magazines les plus importants des années 40. Sachant que sa publication leurs assureraient l’intérêt du public, toutes les stars tentaient de poser pour ce magazine-photo. La star multiplie ses contrats publicitaires et devient un objet de la société de consommation occidentale. Aujourd’hui, le star-system n’existe plus même si les acteurs et les actrices d’Hollywood ont un grand pouvoir. Cependant, les réalisateurs ont en partie repris leur place, et ont un rôle plus reconnu que dans les années 40. En effet, même s’ils doivent répondre aux exigences (financières entre autres) des producteurs et/ou des studios, ils ont moins l’obligation de tout faire pour mettre en valeur la star alors qu’euxmêmes doivent rester en retrait. Les rôles sont donc plus équilibrés mais il est toujours vrai que les spectateurs retiennent plus les noms des acteurs ou actrices que ceux du réalisateur. Enfin, aujourd’hui encore les stars représentent des produits et sont des « stars-marketing ». Seulement, de nos jours, ce sont surtout des produits de luxe tels que le parfum (Pénelope Cruz, Natalie Portman) ou de la maroquinerie (Isabelle Adjani, Marion Cotillard) qui sont représentés. Par ailleurs, pour les stars internationales, il est plus facile de faire carrière à Hollywood aujourd’hui, que dans les années 40.

De plus, Hollywood créa des couples légendaires 10

Ginger Rogers & Fred Astaire


e m è i x

u e D e L e au x e S éma n i C

Par Hadrien Souweine

Gustave Courbet

Célèbre ouvrage de Simone de Beauvoir, écrivain et philosophe féministe qui montre la place de la femme dans notre société. Elle y décrit la place de celle-ci dans la société du milieu du XXème siècle. Son analyse démontre que les hommes et les femmes naissent égaux mais les coutumes, les mythes, l’inconscient collectif changent et modifient les critères et que l’inégalité arrive à posteriori. Ainsi, devenir femme dans ce monde machiste est un combat. Elle évoque cette phrase choc : « On ne nait pas femme mais on le devient ».

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En France, il a fallu attendre 1944 pour accorder le droit de vote aux femmes. Elles l’exerceront pour la première fois en 1945. C’est le début d’un long processus de désir de parité entre les hommes et les femmes. 1965 voit les femmes ouvrir un compte bancaire en leur nom propre et avoir le droit à la libre gestion de leurs comptes. Mais il faut attendre 1985 pour que s’établisse une égalité complète entre les deux époux. Le cinéma retrace ce phénomène et son évolution. Longtemps, les rôles principaux étaient masculins quel que soit le genre traité : western, espionnage ou drame. Aucun genre ne semblait faire exception à cette règle. Il ne s’agit pas de faire une ode au féminisme mais plutôt de constater l’atmosphère d’inégalité entre l’homme et la femme dans notre société. Ce constat se reflète au cinéma où elles ont longtemps été laissées de côté. Il ne s’agit pas de faire une liste de films sur le sujet, mais plutôt de montrer l’évolution de la pensée traduite au cinéma. Longtemps, la femme a été au second plan. Le cinéma a repris ce schéma. Lorsque le cinéma apparaît à la fin du XIXème siècle, les personnages principaux que l’on voit à l’écran sont masculins (Max Linder, Laurel et Hardy ou encore Charlie Chaplin) et les femmes jouent des rôles secondaires.

A mon sens, il y a plusieurs films qui marquent ce changement. En 1940 « La Dame du Vendredi » réalisé par Howard Hawks est une première pierre à l’édifice. L’histoire d’une journaliste-reporter brillante (Hildy Johnson) qui travaille dans un monde d’hommes où elle subit moqueries et quolibets. Pendant toute la durée du film elle est victime de multiples embûches qui l’entravent pour l’empêcher de couvrir les dernières heures d’Earl Williams, un homme condamné à mort. La jeune journaliste va lutter et éviter les pièges qui lui sont posés. Elle répond à chaque fois de manière noble et réfléchie. Ce qui est représenté à l’écran est un nouveau type de femme : « la femme moderne est née ». Ce film semble être un tournant et ce n’est qu’un commencement. Cependant les personnages féminins sont vus comme superficielles. La beauté plastique prédomine sur l’intelligence, comme le témoigne les rôles interprétés par Marylin Monroe dans « 7 ans de réflexions » de Billy Wilder et le célèbre « Les hommes préfèrent les blondes » réalisé par Howard Hawks. Cette époque voit aussi naître les pin-up. Un terme qui apparaît pour la première fois en 1941 où l’on voit une représentation de femme, dessinée ou photographiée, dans une pose attirante ou « sexy ». De nombreuses actrices vont se prêter au jeu, comme Rita Hayworth, Lauren Bacall ou encore Veronica Lake. Le succès des pin-up commence pendant la seconde guerre mondial, à la fois auprès de la population mais

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aussi du coté des G.I. qui partent au front. Certains pilotes peignaient le nez de leur avion avec l’effigie de ces jeunes femmes dénudées. Elles reprennent des stéréotypes typiquement machiste : l’infirmière, la maîtresse d’école, la vahiné etc. Le succès ne fera qu’augmenter au cours des années 1950 et perdurera jusque dans les années 1970. On peut se rappeler de cette scène dans « Les 400 coups » de François Truffaut où la classe est en chahut car au lieu d’écouter les consignes du professeur, les élèves préfèrent regarder la photo d’une pin-up. La femme est ainsi associée à l’image de poupée ou de sex-symbol.

Ce film met en scène deux amies malheureuses qui vivent une existence monotone, l’une avec son mari et l’autre avec son petit ami. Elles décident de partir en week-end et vont parcourir l’ouest américain en voiture. 
A sa sortie, ce film a suscité une polémique aux Etats-Unis, notamment parce qu’il mettait en scène deux héroïnes répondant par les armes à la violence masculine. Ce road-movie est devenu culte en devenant un symbole de l’émancipation de la femme. Tout au long du film, elles sont confrontées aux hommes et tentent de s’en libérer (le mari, le petit ami, le violeur, les policiers etc). Une expérience qui changera leurs vies à jamais.

On retrouve cette conception dans l’adaptation au cinéma des romans de Ian Fleming (James Bond) où les femmes sont considérées comme de simples conquêtes souvent éphémères du célèbre agent secret.

« La femme moderne » évoquée 50 ans plus tôt voit son combat se concrétiser et devenir réel. Après ce film, on va voir apparaître d’autres femmes fortes à l’écran. Prenons l’exemple de Jackie Brown, Volver et plus récemment de Mia madre. Au delà de la fiction certaines actrices s’engagent pour la cause féministe comme Meryl Streep, Jodie Foster et plus récemment Emma Watson. Leurs engagements se retrouvent également à l’écran car elles interprètent des personnages forts.

Il est important de noter l’existence d’une évolution mais tout n’est pas acquis : reste l’exemple des iné Un autre film va marquer un tournant pour la galités salariales. cause des femmes au cinéma. Il s’agit de « Thelma En octobre 2015, Jennifer Lawrence s’est insurgé et Louise » réalisé par Ridley Scott. Ce film est une en dénonçant les inégalités de salaires entres les « bombe » qui tomba sur l’industrie cinématogra- acteurs et actrices à Hollywood. phique en 1991. Il installe un nouveau climat, met à l’ordre du jour le road-movie et pérennise la place de A travers le cinéma la femme va t-elle trouver une la femme au cinéma tout en marquant les prochaines nouvelle dimension ?
 décennies. Et si le VII° art était l’avenir de la femme ?

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La place des femmes dans l’histoire du cinéma Par Damien Le Ny

1896. Cette date est considérée par tous comme celle de la naissance du cinématographe, devenu aujourd’hui le cinéma. Celui-ci n’apparaît pas simplement, il est le fruit de nombreuses évolutions et inventions. Les recherches sur le mouvement de scientifiques et théoriciens comme Emile Raynaud, Eadweard Muybridge ou encore Etienne-Jules Marey permettent l’apparition du Kinétoscope d’Edison qui lui-même sera donc suppléé par les frères Lumières et leur appareil, le cinématographe. Le premier nom féminin à apparaître dans l’histoire du cinéma est celui d’Alice Guy. L’histoire est célèbre. Alice Guy est au départ simple secrétaire de Léon Gaumont, pionner de l’industrie du cinéma et créateur de ce qui est aujourd’hui la plus ancienne société de cinéma au monde, Gaumont. Elle en deviendra la réalisatrice la plus célèbre. Après avoir assisté à une projection des frères Lumière, Alice Guy essaye de convaincre son directeur de lui laisser l’opportunité de réaliser elle aussi ce qu’on appelait encore des « vues ». Ce dernier accepte, seulement si cela se déroule en dehors de ses heures de travail. Si les historiens aiment débattre sur l’exactitudes des dates ou auteurs, il n’y a que très peu de controverses sur l’importance d’Alice Guy. Celle-ci réalise son premier 14

film, La Fée aux choux, en 1896. Instantanément, Léon Gaumont lui donne les clés d’un des secteurs de production du récent studio. Durant 10 ans, elle tournera pas moins de 200 « vues » pour Gaumont avant d’être envoyée aux USA ou elle passera au long-métrage avec des choix toujours plus osés. Drames, westerns, films sur la guerre ou sur les problèmes sociaux de l’époque, Alice Guy brasse déjà des thèmes qui seront parmi les principaux de l’histoire du cinéma. Elle ne s’arrêtera pas là, fondant sa propre société de production, Solax Film and Co, qui deviendra l’une des plus importantes des Etats-Unis mais qui ne résistera pas à la création et l’arrivée d’Hollywood. Alice Guy est le premier réalisateur de l’histoire du cinéma, et c’est une femme. Alice Guy


Néanmoins, il serait simpliste et tout réducteur de tion, le statut de star. Les acteurs, mais surtout les limiter l’importance des femmes au début du ciné- actrices seront les véritables stars d’Hollywood et matographe à la seule Alice Guy. donc du cinéma mondial. Hollywood va devenir symbole de célébrité, de beauté, de glamour. Les studios A ses débuts, le « métier » cinéma est réalisé en vont alors véritablement mettre en scène l’image de grande partie par des femmes. Des ouvrières spé- leurs actrices, elles deviendront « femmes-objets cialisées peignent les films à même la pellicule, le », objets des désirs de l’homme et du spectateur. récent montage suivra la même voie. Celui-ci est Ingrid Bergman (« l’étrangère »), Rita Hayhworth (« confiée à des ouvrières en laboratoire. Ces métiers, la déesse de l’amour »), Bette Davis (« la garce ») ou à leurs débuts, sont exclusivement féminins. Si les encore Ava Gardner (« le plus bel animal du monde noms de ses « petites mains » ne sont malheureuse- ») ne sont plus seulement des actrices. Leurs perment pas restés dans l’histoire, ce n’est pas le cas de sonnalités se confondent avec celles de leurs rôles, ceux de Loïs Weber, réalisatrice pionnière du cinéma elles incarnent une image bien définie. Une image américain à l’époque du muet mais aussi actrice, scé- façonnée par les studios hollywoodiens. Au sommet nariste ainsi que productrice. Margery Wilson, actrice de leur gloire, ces femmes paraissent dans les magachez D.W Griffth et réalisatrice notamment de The zines du monde entier, leur beauté, leur célébrité, leur Offenders ou encore Frances Marion (crédité de plus talent est exposé aux yeux de tous, les admirateurs de 300 scénarios, 1ére femme à remporter un oscar) se multiplient... et Dorothy Arzner, très longtemps seule femme réalisatrice dans le jeune Hollywood. Marylin Monroe, Audrey Hepburn, Brigitte Bardot ou encore Elizabeth Taylor sont les premières « desHollywood, simple terrain vague puis ferme à ses cendantes » de cette idéologie, qui investira tous les débuts, cet endroit aujourd’hui mythique, deviendra cinémas du monde. L’idée n’est plus de mettre en rapidement le centre du cinéma mondial pour les pro- avant un film, une histoire, mais un acteur ou une ducteurs, réalisateurs ou encore acteurs. Attiré par le actrice, un sex-symbol qui permettra de « vendre » le climat, la possibilité de tournage en extérieur ainsi film avant même sa sortie en salle. Aujourd’hui, les que les tarifs et la main d’œuvres à bas prix, Griffith pratiques n’ont pas véritablement changé. L’acteur, réalisera là-bas ses supers-productions Naissance l’actrice, la star, est toujours au centre du film. La d’une Nation et Intolérance. Dans le même temps, femme est toujours sexualisée à outrance, et garde Max Sennet et Charlie Chaplin populariseront le bur- souvent un rôle de faire-valoir, de « love-interest » lesque mais imposeront surtout Hollywood comme « dans les œuvres dites « grand public ». l’usine à rêves ». Hollywood va durablement marquer Néanmoins, cette période faste des « majors » troule cinéma mondial. Des années 1920 à 1950, on parle vera son terme lorsque de nouveaux courants émerrégulièrement d’âge d’or du cinéma hollywoodien. geront à travers le monde. Le « Nouvel Hollywood », la Durant cet âge d’or, si des réalisateurs comme Franck « nouvelle vague » française, ne vont pas seulement Capra, John Ford ou Hawks sont reconnus, les années changer la manière dont on envisage le cinéma, ils 40 vont changer la manière dont on pense le cinéma. vont contribuer à changer les mentalités. En effet, et même si la notion d’auteur n’était pas véritablement définie à l’époque, les réalisateurs et/ Le cinéma, tout au long de son histoire, a toujours ou producteurs restaient au centre de la création. évolué en même temps que la société. Puritain et « heureux » lors de la 1ère moitié du 20ème siècle, il Les années 40 vont amener avec elles la starifica- deviendra violent et sexuel dans sa seconde partie.

Frances Marion

Ava Gardner

Bette Davis

Elizabeth Taylor

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Pauline Kael

Chantal Akerman

Le « Nouvel Hollywood » n’hésitera pas à mettre en scène de nombreux viols à l’écran ou autres scènes de sexe explicites. Dans cette révolution, de nouveaux auteurs émergeront. Si les mœurs évoluent, les grands noms de cette époque restent encore masculins. Des réalisateurs qui sont encore les puissants d’aujourd’hui (Lucas, Spielberg, Scorcese,...). L’auteur est de nouveau placé au centre de la création, les femmes sont toujours présentes dans le processus mais rarement à des postes clés. Il n’en reste pas moins qu’une femme, à cette époque, détient l’un des pouvoirs les plus importants du cinéma américain. Pauline Kael, critique cinéma au New Yorker. Cette dernière, s’étant forgé une réputation solide depuis le milieu des années 60, n’hésitait jamais à asséner des critiques plus virulentes les unes que les autres à des films qui ne lui plaisaient pas. En plus d’avoir en partie révolutionné la critique cinéma, le tout Hollywood attendait sous tension chacune de ses critiques, car celles-ci, très peu souvent objectives mais très régulièrement brutes et sentimentales, parvenaient à toucher le spectateur et forger son avis sur le film évoqué. Si Faye Dunaway, Jane Fonda, Diane Keaton ou Ellen Burstyn sont les actrices phares du cinéma américain des années 60-70, il est important d’évoquer Barbara Loden. Barbara Loden débute sa carrière en tant qu’actrice dans Le Fleuve Sauvage d’Elia Kazan. S’écartant d’Hollywood dans lequel elle ne se reconnaît plus, Barbara Loeden va parvenir après des années de rebondissements à mettre en scène un projet qu’elle muri depuis très longtemps. Wanda raconte l’histoire d’une femme qui se laisse aller, qui se laisse dépérir, perdant mari et enfants. Barbara Loeden est la fois la productrice, la réalisatrice et l’actrice principale de ce qui restera son unique longmétrage. Wanda est un film-monument. Outre le fait qu’il décrit la réalité sociologique bien réelle de l’époque (1970), il mêle aussi fiction et vie de son auteur. Wanda est l’un des premiers films, si ce n’est le premier de l’histoire du cinéma, qui présente un personnage féminin ayant perdu tous ses repères, sociaux comme affectifs mais surtout qui fuit toutes ses responsabilités. Wanda est une femme qui s’autodétruit, comme on l’habitude de voir les hommes le faire au cinéma. Si le film est parfois jugé 16

Agnès Varda

Barbara Loden

anti-féministe au possible, il est surement l’œuvre la plus véritable, la plus réaliste, la plus « puissante » sur la femme, sur les femmes. Il est le film témoin, le manifeste de la femme au cinéma, justement car il montre ses pulsions, ses faiblesses, ses doutes mais aussi et surtout la force et l’humanité incarnée par les femmes. Marguerite Duras, auteur française essentielle, évoquera le film de Barbara Loden avec ses mots : « Je considère qu’il y a un miracle dans Wanda. D’habitude il y a une distance entre la représentation et le texte, et le sujet et l’action. Ici cette distance est complètement annulée, il y a une coïncidence immédiate et définitive entre Barbara Loden et Wanda. » Duras, justement, outre sa carrière de romancière, sera aussi scénariste (Hiroshima Mon Amour, Moderato Cantabile) mais surtout réalisatrice. Elle passe à la réalisation car elle n’est pas satisfaite de l’adaptation de ses romans. Son œuvre est expérimentale. Si ses premiers films sont encore assez narratifs et donnent une place prépondérante aux femmes, elle s’éloignera de plus en plus d’une structure classique pour dissocier images et sons. Des idées qui font d’elles une des pionnières du cinéma moderne... A la même époque, une autre femme s’impose dans le cinéma mondial, tout en restant toujours en marge des différents courants, Agnès Varda. Elle devient rapidement une cinéaste à part. Une auteure qui place l’être humain au centre de son cinéma. Dans Cléo de 5 à 7, elle raconte l’histoire d’une danseuse qui erre dans Paris. L’une chante, l’autre pas nous montre l’amitié de deux femmes mais permet surtout de faire chronique du féminisme tandis que Varda signe dans le même temps un manifeste pour l’adoption de l’IVG qui mènera à la loi Veil. Varda s’intéressa ensuite au documentaire, tout en restant engagé sur de nombreux sujets et débats. Aujourd’hui, elle reste une cinéaste importante et célébrée par les festivals comme par ses pairs. Comment évoqué les réalisatrices sans discuter de la figure de Chantal Akerman ? Ce qui marque chez Akerman c’est qu’elle a dépassé ce « statut » de femme de cinéma. Lorsqu’on évoque Chantal


Julia Roberts

Brigitte Bardot

Akerman, on ne dit pas d’elle qu’elle est la plus grande réalisatrice de l’histoire, on la place tous simplement comme l’un des plus grands auteurs du cinéma moderne, aux côtés de Godard ou Antonioni. Avec Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman livre une œuvre hyperréaliste, froide, une description méticuleuse de l’aliénation. Jeanne Dielman est un film qui raconte la condition de la femme, mais aussi l’histoire d’une angoisse. L’angoisse d’être vivant et d’être obligé de vivre. L’importance de Chantal Akerman se comprend au regard des auteurs qui s’en revendiquent. Hou Hsiao Hsien, Gus Van Sant, Todd Haynes, Avi Mograbi et beaucoup d’autres lui rendent régulièrement hommage et réaffirme sa place dans l’histoire.

par Uma Thurman dans les deux Kill Bill. Si le cinéma mondial, et surtout hollywoodien, reste masculin dans la majorité de ses métiers et surtout aux postes clés, la représentation des femmes au cinéma a évolué en même que celle de la société. C’est aussi l’un des « pouvoirs » de l’art, celui de pousser à l’évolution, de changer les mœurs, de marquer les esprits et de changer les mentalités. Les œuvres cités précédemment ont marquées les esprits. Il serait trop complexe de prouver l’impact de chacune de ces œuvres ou de ces carrières sur le public, mais il est certain que le cinéma, le 7ème art, a toujours été depuis ses débuts un véritable reflet du monde qui l’entoure. Si les actrices semblent toujours avoir des rôles plus secondaires, si les productrices sont toujours aussi rares aux postes clés, les mentalités ont progressées, aussi grâce au cinéma. Malgré tout, les inégalités sont encore trop importantes, on ne peut s’en contenter. Des réalisatrices comme Sofia Coppola, Céline Sciamma, Katherine Biglow ou encore Lucile Hadzihalilovic, ainsi que des actrices comme Jennifer Lawrence, Maiwenn, Isabelle Hupert et beaucoup d’autres sont aujourd’hui les portes paroles des femmes à travers le cinéma mais surtout le monde entier. Alors que le mouvement féministe a de plus en plus d’impact, début 2016, Juliette Binoche et Jessica Chastain ont créées leur société de production, We do it together. Elles le feront ensemble, entre, réalisatrices, scénaristes, productrices, actrices, monteuses, mais surtout entre femmes.

Variety

Si des réalisatrices ont eu une importance essentielle dans l’histoire du cinéma, c’est le cas aussi de personnages joués par des actrices. Des personnages forts qui ont eux aussi fait évoluer la condition de la femme au cinéma et agit comme marqueurs de leurs époques. On pense Rapidement à All About Eve de Mankiewicz, l’un des premiers films hollywoodiens à mettre en scène deux femmes en personnages principaux, avec une Bette Davis nommée 10 fois aux oscars. Brigitte Bardot dans Dieu Créa la Femme modifie aussi la perception de la femme, comme le duo féminin Thelma et Louise, qui nous raconte l’émancipation de deux femmes face aux hommes. On pourrait citer, plus proche de notre époque, les personnages d’Erin Brokovich dans le film éponyme de Steven Soderbergh ou encore le personnage joué

Uma Turman

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Bienvenue à Shonda Rhimes est une des femmes les influentes et importante de la télévision américaine. De Grey’s Anatomy, à Scandal , en passant par How to Get Away with Murder et The Catch, nous nous envolons pour « Shondaland » et la trilogie du jeudi soir de la ABC, ou plus communément appelée TGIT (Thank God It’s Thursday). Commençons d’abord par un peu d’histoire et partons à la découverte de Shonda Rhimes. Pour commencer, Shonda est une scénariste et productrice américaine née le 13 janvier 1970 (46 ans) à Chicago dans l’Illinois. Elle étudie tout d’abord à la prestigieuse université de Dartmouth College d’où elle obtient un Bachelor pour ses études de cinéma ; puis se lance dans un Master des Beaux Arts à la Southern California University, School of Cinematic Arts. À la fin des années 90, après avoir réalisé un court métrage produit par Will Smith et écrit un téléfilm pour HBO, mettant en scène Halle Berry, elle fait ses premiers pas vers le grand écran en écrivant Crossroads (avec Britney Spears) et Un Mariage de princesse (avec Anne Hathaway). Mais c’est en 2005 que l’ascension de Shonda Rhimes commence réellement. En effet, le 27 mars de cette année-là, Grey’s Anatomy, dont elle est la créatrice et productrice, est diffusé pour la première fois sur ABC aux Etats-Unis. Voyant le succès de la série (18,5 millions de téléspectateurs en moyenne sur la 1ère saison), elle décide de créer un spin-off intitulé Private Practice. Cette nouvelle série n’aura pas le même succès que Grey’s Anatomy, mais elle durera tout de même 6 saisons.

avocate célèbre qui prend sous son aile cinq de ses étudiants en droit. Enfin en 2016, Shonda Rhimes produit la série The Catch, dont l’héroïne Alice Vaughan, est une détective privée à la recherche d’un escroc, jouée par Mireille Enos. Ce n’est pas seulement le succès de ses séries qui fait d’elle, aujourd’hui, un pilier de la télévision américaine, mais c’est ce qu’elles représentent et mettent en valeur. Shonda Rhimes ose faire ce que les autres n’osent pas ou ne veulent tout simplement pas faire. Vous avez probablement déjà regardé une des séries de Shonda, sans jamais vraiment avoir remarqué leur point commun… Vous avez trouvé ? Des femmes ! Des femmes comme personnages principaux : fortes, ambitieuses, sexuées, noires, blanches ou asiatiques ; Shonda Rhimes ose mettre sur le devant de la scène les femmes, qui sont souvent mises au second plan à Hollywood (Ellen Pompeo & Sandra Oh dans Grey’s Anatomy, Kerry Washington dans Scandal, Viola Davis dans HTGAWM, et Mireille Enos dans The Catch).

Dans une interview avec Entertainment Weekly, Shonda raconte qu’avant le début du tournage de la première saison de Grey’s Anatomy, lors d’une réunion majoritairement avec des hommes, on lui demanda de changer le début du premier épisode sous prétexte qu’ « on ne peut pas mettre à l’écran une femme qui a couché avec un mec la veille de son Mais Shonda Rhimes ne se satisfait pas de ces deux premier jour de travail ». En effet, pour eux aucune réussites (et elle a bien raison !). En 2012, elle crée femme ne ferait ça dans la réalité, à part les femmes Scandal, une série de 5 saisons (avec une 6ème en dites « faciles » et que ce genre de personne ne pourpréparation), mettant en scène Kerry Washington rait, en aucun cas, devenir la figure de leur show. dans le rôle d’Olivia Pope une chargée des relations publiques de crises de grands politiques. Deux ans Si vous avez déjà regardé cette série médicale, vous plus tard, continuant sur sa lancée, Shonda produit savez que malgré les protestations de ses confrères How to get Away with Murder (HTGAWM, 2 saisons) masculins, Shonda n’a jamais changé ce premier avec Viola Davis en tant qu’Annalise Keating, une épisode gardant l’histoire telle qu’elle était. Et pour

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Shondaland

James White

Par Pascal Lopez et Justine Salles

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« La seule chose qui sépare les femmes de couleur de n’importe qui d’autre, c’est l’opportunité. Il n’est pas possible de gagner un Emmy pour des rôles qui n’existent simplement pas. » cause, la scénariste américaine a toujours mis un point d’honneur à montrer des femmes, certes, mais de vraies femmes ! Elle veut écrire des rôles féminins réels et vraisemblables. Elle veut s’éloigner des rôles lissés où la femme est belle, parfaite et irréprochable, car c’est ce qu’on veut faire croire à la société. Une femme peut très bien coucher avec son boss la veille de son premier jour de travail, tout en restant une femme correcte et respectable. Une femme peut faire passer son travail avant une vie de famille, tout en restant une femme heureuse, correcte et respectable : c’est le cas de Christina Yang un des personnages principaux de la série. « La seule chose qui sépare les femmes de couleur de n’importe qui d’autre, c’est l’opportunité. Il n’est pas possible de gagner un Emmy [équivalent des Oscars pour la télévision américaine, ndlr] pour des rôles qui n’existent simplement pas. […] Donc merci à tous ceux qui ont su redéfinir ce que cela voulait dire d’être belle, d’être sexy, d’être une actrice dans un premier rôle et d’être noire » - Extrait du discours de Viola Davis durant la cérémonie des Emmy Awards où elle fût récompensée pour son rôle dans HTGAWM. Cette phrase fait évidemment référence à Shonda Rhimes qui est la première productrice américaine à avoir choisi des femmes de couleur en tant que personnages principaux pour ses séries Scandal et HTGAWM.

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Vous l’aurez donc compris Shonda Rhimes est une femme de poigne qui aime par-dessus tout mettre en scène des femmes fortes, des femmes qui lui ressemblent mais également auxquelles ses spectatrices (et même spectateurs) peuvent s’identifier. Pourtant la force de ces séries ne réside pas seulement dans son approche de la femme et sa façon si particulière de mettre ses héroïnes en valeur. En effet, « homo, hétéro, célibataire, divorcé, perdu, en pleine introspection, tout le monde a le droit à une place à la table de Shonda ». Et c’est pour cela qu’on l’aime ! Qu’ils soient des femmes ou des hommes, qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs, elle traite ses personnages de la même façon. En effet, ils sont tous imparfaits, menteurs, égocentriques, solitaires, dépressifs et même parfois complètement timbrés. Et c’est là que réside la réelle force de Shonda Rhimes : elle dépeint les hommes tels qu’elle les voit et on y croit ! On s’identifie à chacun d’eux, leurs problèmes résonnent avec les nôtres et tout le monde y trouve son compte. Mais revenons tout de même à notre sujet de prédilection : Les femmes (girlpower yeah !). Bon, on ne va pas dire que Shonda et Grey’s Anatomy furent les premiers à mettre en scène des personnages principaux féminins forts et complexes. Les séries américaines comptent un bon nombre d’héroïnes que nous ne sommes pas prêts d’oublier.


On se souvient notamment des bastons de Sydney Bristow et de ses innombrables perruques dans Alias ; des parties de jambes en l’air délurées des trentenaires de Sex and the City, des moues boudeuses de Sarah Michell Gellar dans Buffy ou encore des délires cartoonesques d’Ally Mcbeal. Plus récemment encore, les personnages féminins se sont multipliés et l’archétype du personnage dédié à son boulot et menant une vie sexuelle libérée n’est plus réservé uniquement aux hommes. Les femmes s’en sont enfin emparées ! De Carrie Mathison aux héroïnes de Girls en passant par la prison de l’exaltée Piper dans Orange is the New Black, les anti-héroïnes ont envahi nos écrans (et on adore ça). On les retrouve d’ailleurs en grand nombre dans les différentes séries de Shonda. Annalise Keating, l’héroïne de Murder en est l’exemple même. Femme de couleur qui se définit principalement par son travail dans lequel elle excelle, Miss Keating (comme l’appellent ses élèves) est un personnage bien plus complexe qu’il n’en a l’air. Control freak, manipulatrice hors pair avec un lourd penchant pour la vodka , Annalise est une drôle de bonne femme très loin de l’image traditionnelle de la femme américaine. Elle trompe son mari, elle boit, elle fume, a des aventures lesbiennes et cache un grand nombre de squelettes dans son placard. En résumé, elle titube dans la vie et on l’aime pour ça. Une fois de plus Shonda Rhimes dépeint une femme imparfaite avec ses défauts, ses qualités et ses errances. Dans ses séries, la femme n’est plus là pour accompagner l’homme dans ses aventures, non, elle en est devenue l’objet principal. D’ailleurs c’est peut-être ça le truc, les femmes de Shonda auraient très bien pu

être des hommes et inversement ! Tous les rôles et personnalités sont exposés et elle réussit à les traiter de manière égale. Dans Grey’s Anatomy, le contexte est un peu différent, notamment par le nombre très conséquent de personnages (essentiellement féminins par ailleurs). Ici les femmes de Shonda se battent toutes pour la même chose : devenir des chirurgiens et marquer l’histoire de la médecine. Le « cœur » même de la série est une mise à l’honneur de la femme puisque le show porte le nom d’une des héroïnes. Si elles ont toutes le même but, les femmes de la série sont très différentes les unes des autres et une fois encore Shonda nous démontre sa capacité à analyser la gente féminine et l’humanité en général. Sous ses airs de soap médical, Grey’s Anatomy nous délivre une fresque de la société américaine en exposant ses travers et ses préjugés. Grâce aux histoires de ses chirurgiens la série aborde sans complexes des sujets plus ou moins tabous comme l’homosexualité, l’avortement, le port d’armes, la transsexualité, entre autres… mais notamment la place de la femme dans la société. Il est donc impensable de parler de l’évolution de la femme à la télévision et au cinéma sans mentionner Shonda Rhimes. Elle réussit à mettre habilement en valeur ses héroïnes et à les sublimer. On l’aime également car elle a réussi petit à petit à conquérir le monde des séries (et le nôtre), à gagner la confiance d’une des plus grandes chaînes américaines qui diffuse toutes ses créations et à montrer que les femmes ont bien leur place à la télévision comme dans la vraie vie. Merci Shonda ! ABC / Emmy Awards

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Les journalistes sportives à l’antenne : approche-t-on du but ? Longtemps réduite à un rôle de « bimbo », comme un modèle posant aux côtés d’une voiture de sport, la vision de la femme dans les émissions sportives à changer au cours de ces 15 dernières années.

Par Aurélien Pittavino Des exemples à suivre « Vous êtes la secrétaire ? Puis-je avoir un journaliste sportif svp ? », c’est ainsi qu’est reçue Virginie Bachelier, responsable des sports de Ouest-France à SaintBrieuc au téléphone. Cette intervention misogyne montre bien que la place de la journaliste sportive dans les médias n’est pas encore tout à fait rentrée dans les mœurs de tout le monde. Car, en effet, pendant longtemps, les femmes n’occupaient pas une place aussi importante qu’aujourd’hui.

Marie Portolano, Ludivine Sagna… pour parler sport ! Chose impensable jusqu’à il y a peu, où le rôle de la femme se limitait à agiter ses cheveux et à lancer des sujets avec un grand sourire.

Aujourd’hui, les femmes ont pris une toute autre importance. Tout d’abord, on les retrouve à la présentation, Estelle Denis, Céline Géraud, nous l’avons vu ont été des pionnières dans ce domaine (tout comme Nathalie Iannetta sur Canal + également) ; mais désormais, ce ne sont plus des exceptions. Les chaînes sportives n’hésite pas à leur confier des rendez-vous Marianne Mako fut la première à fouler la pelouse, importants de la grille : Sonia Carneiro, Gaëlle Mildans les années 90, elle présente la rubrique « Cram- lon ou encore Perrine Storme sur l’Equipe 21 ; Mary pons aiguilles » dans Téléfoot. Isolée, la pionnière fut Patrux, Claire Arnoux ou Vanessa Le Moigne sur Bein licenciée en 1997 par TF1 qui souhaitait resserrer ses Sports. effectifs en perspective de la Coupe du Monde 1998. Infosport est par exemple devenu un laboratoire pour Drôle d’idée. les jeunes pousses : Canal + utilise la chaine pour forC’est d’ailleurs en 1998 que Céline Géraud, ancienne mer ses plus belles perles avant de les envoyer à la judoka, débarque à la présentation de « Tous le sport présentation de ses rendez-vous (Isabelle Ithurburu, » sur France 3. Elle livre son expertise lors du com- Isabelle Moreau, Astrid Bard…). bat pour la médaille d’or de David Douillet à Sydney La présentation de magazines d’information sporen 2000, preuve qu’elle n’est pas là pour faire la tive par des femmes est donc une pratique de plus plante verte. Elle doit néanmoins passer par la case en plus courante. Elles ont pris le rôle au centre de la « L’île de la tentation » sur TF1 pour relancer sa car- table mais ont-elle leur mot à dire ? rière. Pari réussi, puisqu’elle anime Auto-Moto par la suite, devient une des têtes d’affiche d’Orange Sport en 2008, puis revient à France Télé pour devenir la première présentatrice de Stade 2, l’emblématique magazine en 2013.

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Everest Poker / Pure People

Un parcours exemplaire, comme celui d’Estelle Denis, qui commence chez TPS Star au début du siècle, en 2004, elle passe à Téléfoot, avant de se voir confier la présentation de 100% Foot sur M6 qu’elle anime avec succès. Après un passage plus ou moins réussi dans des émissions de divertissement, elle revient au sport au quotidien avec Touche pas à mon sport ! sur D8 depuis le 23 novembre 2015. Le talk-show réunit d’ailleurs plusieurs femmes autour de sa table : Francesca Antoniotti, Clio Pajczer,


Elles gagnent du terrain

France 2 / Direct 8 / L’Equipe 21

des rédactions sportives tous médias confondus (5% il y a 15 ans). Elles ont donc gagné en visibilité mais Les journalistes sportives ont désormais leur place ne sont pas forcément très présentes dans l’arrièreau bord du terrain, prêtes à surgir pour une interview boutique. ou à livrer une information importante. On reconnaît Pour commenter les compétitions, on trouve très ainsi leurs compétences. Un exemple flagrant est souvent des duo journalistes-commentateurs. Pour celui d’Anne-Laure Bonnet, la journaliste de terrain les compétitions féminines, la tradition est souvent de Bein Sports. Passionnée de Formule 1, la jeune d’associer une ancienne sportive de haut niveau à femme peine à se faire une place à la télévision un journaliste le plus souvent de sexe masculin. En malgré quelques expériences, elle s’exporte alors en revanche, l’inverse est très rare. C’est seulement Italie sur la Sky où elle rencontre vite le succès. Elle en 2007 que Jézabel Lemonier devient la première revient en France en 2013, où grâce à sa maitrise de femme à commenter un match de football masculin, pas moins de 5 langues étrangères (elle se met éga- Angleterre-Allemagne, sur D8. lement au russe en prévision de la coupe du monde 2018), elle devient l’un des visages familiers et recon- Depuis 2015, Candice Rolland commente également le championnat masculin de football russe sur nus de Bein Sports. l’Equipe 21. Les femmes commencent donc tout douFrance Télévisions s’est aussi récemment convertie cement à entrer dans la cabine de commentateurs à la « journaliste de terrain » avec Clémentine Sarlat, pour le sport masculin. qui occupe cette place notamment lors des matchs On peut donc aisément conclure que la place des femmes à la présentation des émissions sportives de rugby et à Roland Garros. Les chaînes n’hésitent plus à placer des femmes un s’est largement développée : de quelques têtes clairpeu plus en avant, elles n’exercent plus uniquement semées dans le PAF (Paysage Audiovisuel Français), le rôle d’ « atout charme » (même si bien entendu on arrive aujourd’hui à une foule de visages connus elles ont encore en partie ce rôle). Leurs compétences et reconnus. sont mises en avant, les interviews d’après-match ou d’avant-match ne sont pas les plus simples à réali- Si leurs places dans le paysage sportif télévisuel ne ser : il faut faire avec le caractère des joueurs parfois choquent pas, on leur propose encore trop rarement énervés par leurs prestations sans tomber dans la d’analyser ou de décrypter dans les émissions de plateau. Les experts sont souvent des hommes. En banalité, en quête d’informations. témoigne, en 2013, cette situation où Laurent Blanc demande à une journaliste qui l’interroge : « Vous Encore des disparités savez ce que ça veut dire un 4-3-3, n’est-ce pas ? » et Malgré une situation nettement meilleure, on peut où celle-ci lui rétorque : « C’est mon travail de savoir déplorer que seulement 15% de femmes font parties ce que c’est ».

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Les Pépites du Web #03 - Les femmes sur les internet(tes) français Les Internettes - Facebook / Twitter Il y a beaucoup (mais pas assez) de vidéastes féminines sur Youtube et je ne pourrai pas parler de toutes dans ces quelques lignes. Donc quoi de mieux que de suivre la page des Internettes qui est dédiée aux femmes qui alimentent YouTube, avec chaque jour, 2 créations vidéo originales mises en avant.

Parlons Peu... Parlons Cul ! - Youtube Les sympathiques Maud et Juliette vous emmène chaque semaine dans un voyage vers... le cul ! Discussions sans tabou sur la chose avec des guests à foison. Sextoys, masturbation, point G... tout y passe, et on adore.

Les Revues du Monde - Youtube Émission culturelle sur l’archéologie, l’Histoire, l’anthropologie, les découvertes et les lieux intrigants présentée par Charlie Danger. Allez définitivement faire un tour sur cette chaine, vous en sortirez moins bête !

Laurine Sassano - Youtube La très cool Laurine Sassano aka Broadcasting Bino nous fait découvrir des séries peu connues en France et c’est garanti 100% sans spoilers.

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Par Maxime Pontois

Lola Dubini - Youtube Lola , que l’on peut retrouver sur les chaines Cover Garden et Rose Carpet est un peu la pote que tout le monde aimerait avoir. Drôle, sympa, talentueuse, sur sa chaine ça parle musique, ça chante, ça vlog et c’est bien sympathique !

Sophie Riche - Youtube Passons cette fois à une chaine feel good, où Sophie Riche y prodigue de bons conseils. Elle sévit également sur le site Madmoizelle.com où vous pouvez l’apercevoir et lire ses articles.

L’Emifion - Site En parlant de Madmoizelle, ces chères Navie et SML y proposent une émission régulière, l’Émifion. Meilleur nom d’émission du monde entier, oui, et vous l’aurez compris, ça parle de cul, sans complexes, en plus il y a du guest, et c’est vraiment cool t’as vu !

Adèle - Youtube Pour les adeptes des Podcasts voici Adèle, 15 ans, et déjà bien plus de followers que toi (plus de 250k sur Youtube !). Et c’est sympatoche comme disent les jeunes (c’est faux aucun jeune n’utilise cette expression, c’est ridicule).

Pour un accès direct aux vidéos et sites, cliquez sur les photos. 25


Les Pépites du Web BONUS - Les copains du net

Qui dit dernier numéro, dit Pépites du Web version XXL ! Je n’allais sûrement pas vous quitter sans vous recommander certaines chaînes ou sites ! Ce sont les chaînes de potes à moi, mais ils sont drôles et ont du talent et méritent donc votre attention. C’est parti, et à bientôt sur les internets.

Le Lab - Site Vous ne connaissez pas encore Le Lab ? Mais alors foncez-y ! Ce laboratoire expérimental de sketchs de Golden Moustache nous livre des vidéos drôles, originales, et bien souvent WTF. Mais c’est ça qu’on aime et on sait déjà que ses auteurs sont le futur du net. Bienvenue sur internet.

BAFPROD - Youtube BAFPROD c’est notamment Fabien Cavalerie et Eloi Pellé, tout deux membres du Lab. Du WTF à la pelle et des concepts innovants vous attendent. Les mecs savent tout faire, c’est rageant, mais c’est beau !

Doux Dingues - Youtube Le nom de leur première émission ? BAGNOLE BAGNOLE. Le thème ? Les BAGNOLES. Mais pas que. Cette nouvelle chaine fraichement sortie des esprits malins de Sam Robbe, Sylvain Szewczyk, Miche et Ando risque de cartonner. A suivre donc.

Pour un accès direct aux vidéos et sites, cliquez sur les photos. 26


Par Maxime Pontois

Cover Garden - Youtube Une chaine consacrée à la musique avec des covers, blindtests et medleys. Lola Dubini présentée dans les pages précédentes fait partie de cette joyeuse troupe, et ça c’est cool.

Luciole - Youtube Elle a commencé sur Vine, puis est passée au Lab et maintenant elle fait des Vlogs. Je vous vois déjà arriver « Oui mais c’est de la merde les vlogs ! ». Ben oui, mais Luciole elle en fait des drôles qui n’ont aucun sens, et ça c’est pas de la merde. D’ailleurs elle fait des snaps dans la même veine : lounoux.

Baborlelefan - Facebook Dois-je vraiment le présenter ? L’éléphant aux 120 000 likes sur Facebook a aussi une chaine Youtube, et il écrit des articles, et il tweete, enfin le gars est partout quoi. Et il manie avec vivacité l’humour corrosif et il a une grande trompe.

NONSÉRIE - Youtube Arthur Laloux, roi du meta nous fait découvrir une série, enfin plutôt une nonsérie, un peu comme une série dans une série. Enfin c’est bien réalisé et écrit, c’est vraiment original, et c’est tout simplement cool, donc n’hésitez pas. Allez matter ça.

P.S.: Tu peux me suivre sur Snap - maximepontois - si t’as envie. 27


Ceci est le dernier numéro de la promo 2015-2016 des MBA Production Audiovisuelle. RDV l’année prochaine avec une nouvelle équipe. Bisous et à bientôt. Maxime et Aurianne


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