MÉMOIRE DE FIN D’étude |EVAN|
ENSA Clermont-Ferrand 28 Janvier 2018
Charles Morant
LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE Exploration d’une marge temporelle clermontoise
Géraldine Texier-Rideau directrice de mémoire
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MÉMOIRE DE FIN D’étude |EVAN|
ENSA Clermont-Ferrand Janvier 2018
Charles Morant
LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE Exploration d’une marge temporelle clermontoise
Géraldine Texier-Rideau
Jean-Dominique Prieur Sabine Thuilier
directrice de mémoire
membres du jury
LA NUIT
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D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
REMERCIEMENTS
Je souhaite, avant tout, remercier le professeur Géraldine Texier-Rideau qui m’a accompagné tout au long de cette année, pour cet exercice du mémoire. Je la remercie pour son aide, sa patience et son engagement pour mener à bien ce sujet qui me tient à cœur. Je remercie l’écoute dont elle a fait preuve pour échanger et construire autour de cette thématique. Je tiens aussi à remercier les personnes m’ayant accompagné et soutenu durant ces études, qui ont confirmé mon envie et ma motivation pour cette discipline.
Je souhaite, enfin, remercier mes parents Sylvain & Sandrine, mes amis Clémence, Caroline et Baptiste d’avoir été présents et rassurants. Toutes ces personnes ont participé, à leur manière, à la réussite d’un rêve que je chéris depuis toujours.
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LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
SOMMAIRE
Introduction | 9
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LA NUIT,
FRONTière
UNE GÉOGRAPHIE PARALLÈLE DE LA MÉTROPOLE
Le territoire obscur, face cachée de nos jours
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L’archipel de la nuit, un territoire temporel
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Les nuits
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La conquête de la nuit, diurnisation & désynchronisation de la nuit
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ordinaires
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LA NUIT,
laboratoire UNE FABRIQUE DE LA Métropole accueillante
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Métropole chronotopique, conscience des temps du territoire
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La mise en tourisme des nuits clermontoise, Perturbation du territoire nocturne
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Les nuits
extra-ordinaires
105 | Conclusion
111 | ANNEXES 117 | Bibliographie & table des matières
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LA NUIT
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D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
INTRODUCTION
La nuit, marge du jour
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La nuit, territoire opportun La nuit clermontoise Protocole & développement
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INTRODUCTION
LA NUIT, MARGE DU JOUR Essence de la nuit 1
ARMENGAUD Marc, Paris métropole … de nuit, ENSA Paris-Malaquais, 2006
La nuit est un état du territoire urbain radicalement original C’est un miroir tendu à l’histoire des cultures et en particulier de l’histoire des idées. Penser l’expérience nocturne, c’est donner un statut à l’inverse, au négatif, à ce qui inquiète ou à ce qui manque. Selon les époques, la nuit c’est pêle-mêle : la mort, la féminité, le temps du destin, la connaissance ou au contraire l’ignorance, la subjectivité critique, le diabolique ou le romantique… Ces strates historiques de la compréhension du paysage d’après la fermeture, nous sont nécessaires pour comprendre l’importance de l’état actuel de la nuit urbaine1
La nuit a longtemps été le temps de la vie privée après la vie publique du jour. Elle était l’après couvre-feu, le temps de la cité fermée et protégée. Un temps de repos. Il s’agit d’un temps longtemps laissé en suspens, comme territoire inconnu, curieux et craint à la fois. Dans l’imaginaire, la nuit urbaine persiste comme une dimension à part, mise à l’écart du jour, cachée. Cette dimension nocturne est souvent fantasmée et assimilée à l’espace-temps de la débauche, des travers ou encore de la fête. Espace de liberté et pratiqué de tous, elle est le miroir de notre société, souvent bien plus sincère que le jour. Ce continent oublié est pourtant un temps majeur de nos vies, représentant entre un quart (en été) et deux-tiers (en hiver) d’une journée. Amputée de la moitié de son existence, la ville est laissée à elle-même, bien qu’il y ait une vie après le jour.
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LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
Frontière du jour, une dimension encore inexploité La nuit urbaine est, depuis toujours, le support aux flâneries des artistes. Souvent représentée à travers la peinture, les récits, elle demeure interprétée et non étudiée. Anne Cauquelin fut l’une des pionnières à porter un regard scientifique sur cette dimension en 1977, parlant de la nuit comme l’illusion de dérive, fausse liberté. Cet objet scientifique que représente la nuit a notamment été étudié à partir des années 2000, sous l’angle géographique. L’ensemble des ouvrages de Luc Gwiazdzinski, géographe, spécialiste des questions de la nuit et sa géographie, a servi de socle et d’état des lieux à la définition du thème principal de ce mémoire et du champ lexical associé. La Nuit, dernière frontière de la ville, présente la figure de la nuit dans nos villes comme un archipel, où cohabitent la ville qui dort, celle qui travaille, celle qui s’amuse et fait la fête. Pour reprendre les mots du géographe, la nuit est assimilée à un territoire frontière, bornée, avec ses limites, ses conflits, comme dimension non usée dans les stratégies territoriales malgré des rythmes changeants à prendre en considération. L’étude des ces nouveaux rythmes urbains influencés par des politiques publiques est le sujet de Sandra Mallet, urbaniste-chercheuse qui perçoit le temps (la nuit) comme « point aveugle » de l’urbanisme. 2 MALLET Sandra, fiche biographique, Université Reims Champagne-Ardenne
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En effet, si l’urbanisme possède une dimension temporelle évidente aux yeux de ses différents acteurs, celle-ci n’a jamais vraiment été interrogée en tant que produit social dans le champ disciplinaire de l’urbanisme2.
Dans ce souci de construire un urbanisme incluant les temps : l’urbanisme temporel, Sandra Mallet avec Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme et Thierry Paquot avec Pour un urbanisme chronotopique apportent une compréhension des nouveaux outils (politiques temporelles) mis en place pour entrevoir cet urbanisme temporel, incluant les manières d’aménager la nuit. Ce mémoire se présente comme un état des lieux des enjeux soulevés et du potentiel d’intégrer la nuit à l’urbanisme et plus largement à la métropolisation. Loin d’être une frontière, un frein ou une barrière, de par sa nature, la nuit se voit comme un outil pour faire la métropole. Les urbanistes, géographes et architectes représentent à mon sens les acteurs pouvant sensibiliser à cet univers. Quand la nuit fait marge
De part son statut de dimension ou état de la ville fermée, la nuit s’apparente clairement à une frontière, un paysage obscur absent de toutes considérations dans l’aménagement de nos villes, comme marginalisé. C’est donc bien de cette observation de la nuit comme marge temporelle, qu’il serait pertinent d’impliquer dans les processus de projet, comme nouveau sujet aux marges métropolitaines. La marge est toujours dans un rapport à quelque chose, renvoie à une situation spatiale (un lieu, des lieux), à une logique territoriale et à une trajectoire (marginalisation/ démarginalisation). Entre des lieux, des espaces, ou des groupes sociaux, ces articulations expriment des jeux d’influences, des rapports de domination, des interactions et des inter-relations
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LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
3 Définition tirés de DEPRAZ Samuel, La France des marges, géographie des espaces «autres», éditionsArmand Colin, 2017
hiérarchisées, plus ou moins asymétriques faisant système.3 La nuit comme marge pousse aussi à réfléchir à la notion de frontière, au cœur de nombreux débats scientifiques actuels. Les marges sont liées à des frontières : certaines fois politiques, souvent économiques, sociales et culturelles. La marge n’existe que par la rupture, une rupture qui induit forcément l’idée de frontière. De même, les frontières actuelles du territoire français ne sont pas que politiques, elles sont aussi urbaines, économiques et sociales ou encore culturelles. Ces frontières sont des lieux et des zones de contact, de séparation, de création et/ou de conflit.
L’archipel nocturne est par définition une figure éclaté, façonnant un système à différentes polarités. Au-delà des situations péri-urbaines existantes, la nuit renforce ces espaces, les soulignant par les mêmes problématiques ou les révélant car invisible de jour.
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LA NUIT, TERRITOIRE OPPORTUN
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ARMENGAUD Marc, Paris métropole … de nuit, ENSA Paris-Malaquais, 2006
Le programme des villes est pourtant massivement conditionné par les impératifs du jour (efficacité, fonctionnalité, productivité), où la nuit n’est qu’une parenthèse incertaine trop souvent réduite à la «nightlife » ou à la réparation des forces du jour. En réalité les grands enjeux stratégiques des métropoles contemporaines (densité/accessibilité, redéfinition des conditions de l’espace public, re-programmation des infrastructwures, ré-enchantement des villes, coexistence des communautés, compétition pour l’attractivité métropolitaine, le rôle des « classes créatives »…) se jouent de plus en plus ouvertement autour du destin nocturne des grandes villes qui commencent à investir ce territoire temporel, au moins au plan symbolique (culturel)4.
Un nouvel outil pour lire le jour
Dans le contexte socio-culturel contemporain où l’on travaille moins (35H depuis 2000, 48H au début du 20ème puis 40H à partir de 1936) et ou différemment, où l’on accorde plus de temps aux loisirs, il me paraît important de comprendre dans quel milieu nous vivons aujourd’hui. Nos modes de vies occidentaux désynchronisés, ne répondant plus à l’ordre du travail le jour et du repos la nuit, posent question sur la place des espaces habités (publics ou privés) longtemps façonnés pour le jour. Il est important donc de pouvoir remettre en question ce statut. La vieille ville édifiée pour le jour s’accommode-t-elle aux nouvelles pratiques d’aujourd’hui ?
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LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
La nuit révèle et confirme les marges métropolitaines du jour. Ce temps “extraordinaire” (la nuit) est le miroir qui reflète, de manière redondante, les mêmes problématiques du temps ordinaire (le jour). Ce lien clair est une preuve du rapport direct entre les enjeux de la métropole nocturne et la métropole la diurne.
Plus qu’un simple outil de perception ou d’analyse de nos villes, la nuit permet de réamorcer le processus de projet urbain comme architectural. Là où l’architecte s’attache à l’élaboration des espaces, leur articulation et ambiance, en soit l’agencement des trois dimensions, il omet souvent la question temporelle. Au-delà d’intégrer la notion de temps dans un souci de pérennité de son œuvre (comme ce fut le cas pour les églises à l’époque de leur construction), il s’agirait d’inscrire cette dimension comme moteur de projet, de transformations urbaines, et même programmatiques. Ce mémoire cherche à mettre en évidence l’intérêt d’intégrer le temps et plus précisément la nuit dans le processus de projet urbain. Vers une métropole chronotopique 5 GWIAZDINSKI Luc, «Eloge de la chronotopie, Pour un urbanisme temporel et temporaire”, dans Revue bimestrielle et bilingue suisse Collage, n°2,Fédération suisse des urbanistes, p.7-10, 2013
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S’intéresser à l’articulation de l’espace et du temps, oblige à repenser le système urbain en termes de flux plus que de stocks, de temps plus que d’espace, de temporaire plus que de définitif. Il faut passer à une approche chronotopique où le « chronotope » est défini comme lieu de confluence de la dimension spatiale et de la dimension temporelle5.
Cette conscience des temps amène à la notion d’urbanisme temporel (incluant la nuit) et celle de la métropole chronotopique, définie comme telle par
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MALLET Sandra, «Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme.», dans EspacesTemps.net, Avril 2013,
Luc Gwiazdzinski. L’application de ce concept passe aujourd’hui par ce que l’on appelle les politiques temporelles qui peuvent agir sur différents plans, les problématiques liées aux rythmes urbains, la nature des espaces publics, les espaces de marges. Ces évolutions temporelles soulèvent de nouveaux enjeux en urbanisme et interrogent ses outils habituels. La reconnaissance du temps comme enjeu d’aménagement s’affirme depuis la fin des années 1980 en Europe. De nouveaux discours se sont formés sur le rôle de l’aménagement dans l’organisation des temporalités urbaines (Ascher 1997, Paquot 2001).6
L’outil institutionnel, que représentent ces politiques du temps ou même de la nuit (déjà menées de front à Nantes, Belfort ou encore Paris), amène à instaurer la nuit comme une figure de l’urbanisme augmenté, des consciences des temps, de l’intégration de dimensions marginales. Enjeux d’une urbanité nocturne
La nuit, souvent perçue comme hostile, se propose aujourd’hui comme notre nouvel espace-temps habité, ouvert et investi pleinement, il est un enjeu majeur du ménagement des métropoles. Ce simple constat fait prendre conscience du rôle primordial de la nuit comme moteur d’aménagements urbains futurs (statut des espaces publics, transports publics en continu, plan-lumière pour combattre l’insécurité). Pourtant, la conquête de la nuit est aujourd’hui le cœur des activités métropolitaines. La nuit des étudiants, la nuit des débats, les nuits debout, les nuits blanches représentent un infime échantillon
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LA NUIT
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de l’effervescence des pratiques nocturnes actuelles. Cette urbanité est retrouvée dans cet état de la ville, nouvel espace-temps où l’événementiel règne comme maître d’orchestre pour atteindre ce dessein. Cette volonté de réappropriation de l’espace public par la société s’installe comme laboratoire d’expérimentations en terme d’éclairage, d’architecture repère. Ce levier qu’est la nuit comme nouvel espace d’urbanité, résonne et constitue un enjeu fort dans le processus de métropolisation.
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LA NUIT CLERMONTOISE Rôle d’une prospective nocturne Cette marge temporelle, qui façonne des marges spatiales et sociales, n’est à l’heure qu’un territoire peu exploité dans la résolution des problématiques ou des dynamiques d’aménagement métropolitaine. Malgré tout, la nuit représente les potentiels d’innovations urbaines (par l’événementiel), de développements urbains (usage de la polyvalence usuelle des espaces) et d’accueille (hospitalité des espaces publics pour tous, accès aux transports). Elle se propose donc comme un outil d’analyse pour questionner le jour.
C’est ainsi que la nuit comme outil, la nuit comme autre perception de la ville, la nuit comme frontière, la nuit comme potentiel d’action pose la problématique :
Perçue comme « frontière », la nuit peut-elle être considérée comme le futur laboratoire pour la fabrique de la métropole ?
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LA NUIT
D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
PROTOCOLE ET DÉVELOPPEMENT L’exploration comme immersion Le corpus d’essais ou d’ouvrages étudié permet d’apporter les pistes, les clés de compréhension pour dégager les enjeux et problématiques liés à ce territoire frontière qu’est la nuit. Cependant, cette marge temporelle, vecteur pour la jeune métropole de Clermont-Ferrand, se doit d’être étudiée comme un objet géographique. Ce mémoire exposera une culture commune des marges nocturnes de la capitale auvergnate. Il doit apporter les preuves de la nuit comme laboratoire à la fabrique d’une jeune métropole. Afin de répondre à la problématique, une immersion dans le paysage nocturne clermontois sera nécessaire. Il s’agira de comprendre, de par son statut de jeune métropole auvergnate, l’intérêt d’une prospective nocturne par l’exploration. 7
GWIAZDINSKI Luc, ARMENGAUD Marc et ARMENGAUD Matthias, Protocole Troll -Présentation URL: < https://www. ville-en-mouvement. com/fr/content/ protocole-trollpresentation>
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Plusieurs apports iconographiques ont nourri cette méthode. Marc Armengaud avec le Troll Protocol7, détaillé et expérimenté lors du Festival sur les Mobilités Nocturnes ou les marches urbaines nocturnes menées à Paris par Florian Guérin, ont permis de saisir les protocoles, méthodologies d’exploration.
Les outils de la photographie commentée, du parcours raconté, seront déployés au travers de plusieurs parcours élaborés sur le territoire de la métropole. Ces parcours sont définis selon différents espaces de marges temporelles qui mettront en exergue leurs caractéristiques, leur ambiance et en quoi elles s’inscrivent dans cet archipel de la nuit.
La cartographie révélatrice de ce paysage Après l’immersion, il sera nécessaire de pouvoir rendre compte de cette géographie singulière. C’est ainsi que j’emploierai l’outil de la carte comme révélateur, comme compte-rendu des explorations. La cartographie sera l’outil de la représentation, de la connaissances de ces marges. Elle est de part sa nature, le moyen qui rend lisibles les espaces, les interactions; elle est le support au discours, aux analyses.
L’Atlas de la Métropole Fantôme dans Paris la nuit, chroniques nocturnes de Marc Armengaud est une référence majeure, cartographiant à la fois des éléments figés de la nuit comme les temps de la nuit, que l’on appellera les chrono-carte. Au-delà d’être un outil de prédilection pour l’urbaniste, le géographe ou l’architecte, elle se doit d’être le socle au discours, elle sera engagée pour illustrer l’archipel nocturne clermontois, les explorations des marges temporelles.
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LA NUIT,
FRONTière
UNE GÉOGRAPHIE PARALLÈLE DE LA MÉTROPOLE
Introduction
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Le territoire obscur, face cachée de nos jours
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La nuit, soeur du jour
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La mythologie de la nuit
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Les temps de la nuit
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Les frontières de la nuit
L’archipel de la nuit, un territoire temporel
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Une marge palpable à explorer
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Une marge spatio-temporelle, l’entre-deux jours
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Le paysage nocturne, géographie parrallèle au jour
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Les forteresses de la nuit
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Les nuits
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ordinaires
La conquête de la nuit, diurnisation & désynchronisation de la nuit Un territore en éveil
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La nuit comme rythme urbain envahi, la diurnisation
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Mise en valeur du paysage nocturne, l’artificialisation
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D’UN TERRITOIRE FRONTIÈRE AU LABORATOIRE DE LA FABRIQUE MÉTROPOLITAINE
LA NUIT, FRONTIÈRE
Introduction Ce chapitre-cadre est une définition de la nuit comme frontière. La nuit sera ici vue sous le filtre d’espacetemps, comme géographie singulière, comme rythme urbain. Cette notion polysémique est bien trop vaste pour qu’on puisse la définir sous toutes ses coutures. J’orienterai le regard sous l’angle de l’architecte, de l’urbaniste ou encore du géographe où la culture artistique et sensible servira malgré tout d’appoint pour en saisir l’essence. Au-delà d’en saisir le sens, il faudra comprendre la figure géographique qu’elle occupe sur le territoire. La représentation de la nuit conceptualisée et défini par Luc Gwiazdzinski comme un archipel devra se confronter au territoire de la métropole de ClermontFerrand. La construction de ce terme et de sa figure se fera conjointement au travers d’ouvrages scientifiques, d’études d’aménagements urbains faisant exemples mêlé à mes expériences propres de ce territoire exploré dans le but d’éclairer et confirmer cette définition.
Outre la compréhension de cette dimension nocturne, ce chapitre vise à définir ce en quoi, cette marge temporelle qu’est la nuit s’apparente à une frontière. Malgré tout, ne pouvons-nous pas poser la question des espaces temporels comme frontière, où la nuit en serait l’égérie ? | 26
Clermont-Ferrand, en tant que capitale culturelle de l’Auvergne et métropole, prendra une place importante en tant que terrain d’étude afin d’illustrer ces enjeux et d’en faire la démonstration à travers l’exploration et la cartographie. De la nuit, dimension cachée à la nuit frontière.
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LA NUIT, FRONTIÈRE
LE TERRITOIRE OBSCUR, FACE CACHÉE DE NOS JOURS La nuit, soeur du jour 8
Bible, Livre de la Genèse au chapitre 1, verset 3 (Gn 1,3).
9 GWIAZDZINSKI Luc, La Nuit, dernière frontière de la ville, Paris, Rhuthmos, 2005. 10
La nuit comme matériau spatiotemporel, notion développée par Alain Guez dans un article nommé Exploration chronotopique d’un territoire parisien, Paris, 2015-2016.
11 LABASSE A., “Préface”, Armengaud M. Paris la nuit, chroniques nocturnes, Pavillon de l’Arsenal, p.5, 2013.
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Que la lumière soit et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Dieu appela la lumière “jour” et les ténèbres “nuit”. Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour8
Dans de nombreuses cultures anciennes comme actuelles, la cosmogonie explique l’existence des ténèbres, du noir, de la nuit avant même celle du jour. Elle est donc l’amorce de beaucoup de civilisations, un temps fondateur et primaire. C’est de la nuit qu’émerge la nouvelle journée, le début d’un nouveau cycle du temps. Certains espaces s’animent, d’autres s’éteignent, certains se vident alors que d’autres s’emplissent, certains ouvrent alors que d’autres fonctionnent en continu. Des populations, des individus se succèdent, définissant des rythmes différents et obéissant à des temporalités diverses, difficiles à articuler. Au-delà des rêves, des peurs, et des fantasmes, que deviennent nos agglomérations, passée l’agitation de la journée9 ?
La nuit fait donc corps avec le jour, comme deux facettes d’une même entité : le temps. L’essence même du jour, la nuit est un matériau “spatio-temporel10”, un espace-temps à considérer comme objet d’études et support à projets. L’état nocturne comme le matériau originel de la cité, par essence un territoire urbain rêvé, surprenant, métissé, libéré et mystérieux.11
La mythologie de la nuit
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ARMENGAUD Marc, Paris métropole … de nuit, ENSA Paris-Malaquais, 2006
Ce territoire obscur, qui envahit nos villes au coucher du soleil, est un espace chargé de mythes, de contes, de légendes, de représentations. La nuit façonne à elle seule, bon nombre d’histoires constituant un imaginaire commun. Cet imaginaire concentre à la fois les possibles et les limites de la nuit. Le territoire nocturne est caractérisé comme espace de liberté, liberté d’être celui ou celle qui l’on n’est pas le jour, liberté de s’aventurer dans l’ombre, liberté de s’échapper des contraintes du jour. Mais à la fois, la nuit symbolise le territoire de l’insécurité, de la peur, la peur du noir, de l’autre qui nous surprend, la peur de se perdre. Entre angoisse et rêverie, peur ou quiétude, vigilance ou repos, insécurité ou liberté, la nuit n’est pas vécue de la même manière par tous.
Selon les époques, la nuit c’est pêle-mêle : la mort, la féminité, le temps du destin, la connaissance ou au contraire l’ignorance, la subjectivité critique, le diabolique ou le romantique… Ces strates historiques de la compréhension du paysage d’après la fermeture, nous sont nécessaires pour comprendre l’importance de l’état actuel de la nuit urbaine12.
Cette ambivalence qui caractérise la nuit, donne à voir un espace-temps complexe et ambigu. En parallèle, il permet de lire différemment, par les constructions paysagères, urbaines ou encore sociales qu’il opère sur la métropole auvergnate. Ce territoire obscur porte, en lui, les marques de la ville du jour, les marques d’un territoire longtemps refoulé, craint et de second plan. Ce portrait ambigu de la nuit constitue la base d’une mythologie, construit sur les mœurs passés.
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Cependant, cette mythologie de la nuit n’a de valeur que si elle permet de dresser un portrait symétrique avec les nuits d’aujourd’hui. La compréhension de cette mythologie permet d’aborder les questions des temps de la ville, de ses usages parfois cachés ou oubliés, de saisir les codes qui régissent cet espacetemps et la figures géographique qu’elle prend une fois le jour passé.
Ces mythes de de la nuit, sont retranscrits dans les enjeux métropolitains actuels. Ces enjeux sont régis par des politiques : des municipalités, des acteurs : les architectes, urbanistes, géographes, techniciens, doivent panser les mœurs et faits de la ville nocturne (les questions de la place des femmes la nuit, de la mobilité diminuée la nuit, de la sociabilité donc d’hospitalité dans les espaces publics). Cette mythologie se retranscrit donc dans les consciences actuelles.
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ESPINASSE Catherine, “Temps de la nuit et âge de la vie”, dans ESPINASSE Catherine, GWIAZDZINSKI Luc, HEURGON Edith dir., La Nuit en question(s), : Colloque de Cerisy, France, Éditions de l’Aube, 2005, p. 76
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Les temps de la nuit La nuit qualifie de manière primaire, un état du temps, celui du non-jour. Cependant afin de pouvoir l’étudier et comprendre ses rythmes et ses limites, il apparaît évident de spécifier cette conception trop simpliste. La nuit fut longtemps appréhendée comme un temps homogène, sans rythme, voir lisse. Cette représentation uniformisée de la nuit a vraisemblablement été induite du simple fait que ce temps fut considéré comme exclusivement celui du
sommeil, le temps de repos, de la fermeture de la ville, ou encore « un temps mort » par rapport au jour13. Expliciter
ces temps de la nuit permettra de se repérer pour mieux cerner les rythmes métropolitains ainsi que les phénomènes nocturnes.
Un modèle temps permettrait de pouvoir se repérer au sein du continent nuit et d’appréhender chaque temps qui la compose. La nuit est un espace-temps rythmé, découpé par des populations, des usages, des appropriations. Bornée, la nuit permet d’introduire ses marges, ses temps forts et calmes et de mieux comprendre les transitions qu’elle opère avec le monde du jour. Ces temps de la nuit viennent se construire autour de plusieurs conceptions des rythmes circadiens (sur 24 heures), comme évoqué par Luc Gwiazdzinski (géographe et chercheur à l’université de Grenoble), Xavier EMMANUELLI (fondateur et président du Samu social) et Alain CHENU (membre du conseil national de l’information statistique). Les bornes de cet espace-temps peuvent être perçues comme les transitions entre le jour et la nuit qui forment généralement les fractures des usages et espaces publics de la ville. Il est important de pouvoir définir les temps de la nuit, avant de les spatialiser afin de saisir ses différents battements. Les frontières de la nuit
Ses battements se découpent en trois temps, rythmes définis selon les diverses conceptions de la nuit vues précédemment. Le cœur de la nuit est au centre de cet espace-temps, moment où la métropole est au ralenti. La soirée et le petit matin représentent les bornes qui cernent ce temps. Celles-ci marquent la nuit comme frontière, la soirée comme marge de la nuit et le petit matin comme marge du jour qui arrive. Dans ce sens, ces bornes sont les “franchissements” possibles de cette frontière qu’est la nuit. Cette métaphore place ce territoire nocturne non plus comme un territoire caché, mais comme un territoire frontière. Il est intéressant d’appliquer ce fond théorique à la réalité
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du territoire d’exploration qu’est Clermont-Ferrand. De cette manière, on parlera ici des temps de la nuit clermontoise.
Début de la nuit, la soirée s’étend du dîner jusqu’à minuit ou 1H00 du matin : cette première phase est celle où existe encore, dans les métropoles et à Clermont-Ferrand, une offre de services et loisirs (cinéma de Jaude ou de la Pardieu, Opéra-Théâtre, bars de la butte, ou after-works de la Pardieu) et de transports collectifs nocturnes (dernier tramway de la T2C jusqu’à 1H00). Elle constitue une sorte de nuit autorisée. La fin de cette phase coïncide avec la fermeture de certains lieux et, en particulier, des transports collectifs (s’ensuit le transport nocturne BEN pour étudiants dans le cœur de la nuit). Ce temps implique aussi un fort flux pédestre notable en centreville, mais très véhiculaire en périphérie. Le cœur de la nuit clermontoise est l’essence originelle de la nuit, temps où les restaurants et bars ferment, les transports sont rares voire inexistants, tout doit se faire à pied ou en voiture. Seules les activités nocturnes demeurent comme boîtes de nuits du centre-ville ou activités de veille de la ville (gare de triage et manutention SNCF, CHU Estaing et GabrielMontpied, ...). Le cœur constitue la nuit en “creux” au regard de l’économie ou des services.
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Fin de la nuit, le petit matin commence vers 4 heures du matin et se poursuit jusqu’au lever du jour avec la réouverture des commerces et des transports collectifs, à la reprise d’activités avec le départ des travailleurs matinaux : par exemple, ceux qui nettoient les lieux publics et privés, qui, dès l’aurore, préparent la ville pour le nouveau jour.
14 GWIAZDZINSKI Luc., “La nuit urbaine, marge temporelle sous pression”, dans Woessner Raymond, La France des marges, Atlande, 2016, p.182
15 ARMENGAUD Marc, Paris la nuit, chroniques nocturnes, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2013.
La nuit est bornée par des marges floues : la soirée, marge de la nuit qui s’avance, envahie par les activités du jour, les temps des sorties culturelles ou amicales et des promenades ; le petit matin de 4 h 30 à 6h00, marge du jour qui arrive, où ceux de la nuit qui rentrent croisent ceux du jour, moment où les activités nocturnes battent en retraite face aux activités diurnes. Avant 20h00 et après 6h00, c’est « l’empire de la ville de jour14
Une conscience de la nuit envisagée comme un véritable rythme métropolitain - hétérogène, amène à la percevoir comme un territoire frontière, cerné par des bornes naturelles, légales ou économiques. Au-delà de pouvoir caractériser chaque temps qui compose nos nuits, on doit saisir au travers d’eux les ruptures d’usages de la ville qui s’opèrent entre monde diurne et nocturne. Ces ruptures sont le moteur du chamboulement total du fonctionnement de la métropole, des transports, du travail, des services, de l’espace public. Ce reversement s’accompagne d’une nouvelle figure, d’une nouvelle carte de la métropole qui ne se dévoile que la nuit, celle que Marc Armengaud appelle la “Métropole fantôme15”.
Frise des temps d’une journée inspirée du modèle-temps de Luc Gwiazdzinski redessin par Charles MORANT
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LA NUIT
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LA NUIT, FRONTIÈRE
L’ARCHIPEL DE LA NUIT, UN TERRITOIRE TEMPOREL Une marge palpable à explorer 16 GWIAZDZINSKI Luc, La Nuit, dernière frontière de la ville, Paris, Rhuthmos, 2005, p. 20
Dans cette conquête du système monde aujourd’hui presque achevée, la nuit urbaine reste un espace-temps peu investi par l’activité humaine, un monde intérieur à explorer, une dernière frontière16.
A l’image des grands explorateurs, ce nouveau continent nocturne reste encore à découvrir. Il est difficile de définir cet espace-temps sous toutes ses dimensions, à la fois spatiales et temporelles. Il est un système exprimant des jeux d’influences entre des populations (peuple du jour et de la nuit) et des espaces (communs de jour, marginalisés de nuit). Entre marge sociale et marge physique, la nuit intègre cette nouvelle marge temporelle Une marge spatio-temporelle, l’entre deux-jour
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Cette marge temporelle dévoile les figures spatiotemporelles de nos villes à travers la nuit. Ces figures, constituant une structure fantôme, sont les points de repère de la métropole. Cette structure est une partition du territoire, de l’espace public, accessible et perceptible ou non qu’à certaines heures. Cette marge qu’est la nuit est définitivement attachée à la définition latine même du terme (margo) signifiant bord, entre-deux. La nuit est l’entre-deux-jours ; elle est le bord, la frange du soir et du petit matin. De ce fait, la nuit est bornée, balisée spatialement et temporellement, donc palpable. La nuit comme marge est une entité multiscalaire, des nuits urbaines, rurales au continent obscure de la Terre. Elle façonne des espaces-temps singuliers, fragmentés, discontinus.
La nuit est une marginalité temporelle créatrice de marges spatialisées.
17 concept exposé lors de la conférence «Des espaces autres» en 1967 par FOUCAULT Michel
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Appel à projets urbains innovant pour le Grand Paris sur la thématique des dessous de paris et leur usages la nuit
Il s’agirait donc de saisir ce que génère ce nouveau facteur sur la figure urbaine et sa composition. Ce serait l’architecture des marges temporelles, structure fantôme de nos villes. Nos villes ne sont pas les mêmes la semaine ou le week-end, en hiver ou en été, le jour ou la nuit. Ces temps influencent l’espace public de nos villes, leurs artères, leurs populations. Le centre-ville commerçant est le coeur de la ville du jour ; il se “déplace” en périphérie la nuit avec les boites de nuits, les stades de foot, ou les salles de spectacles. La nuit comme espace éphémère et cyclique, est une marge un temps seulement, à un lieu précis, c’est ainsi que se définit sa trajectoire. La nuit est une autre réalité que celle du jour, un contre-espace, ce que Foucault désigne comme une « hétérotopie17 ». La nuit est un espace-temps qui s’oppose à tous les autres. Elle efface les repères établis de la journée, et impose temporairement, de nouvelles règles de fonctionnement. Les « hétérotopies », selon Foucault, sont des espaces qui, différents, proposent d’autres règles, ce sont donc des espaces de contradiction. La nuit est en ce sens un espace hétérotopique par excellence, un espace, qui non seulement sort des limites du jour, mais qui les remet en question. Espace vécu, la nuit est aussi une géographie habitée. Lieu d’expérimentation, de flâneries et rêveries, cette marge temporelle interpelle et devient support à projets. Le concours Réinventer Paris II18 laisse libre cours à la redéfinition d’espace à requalifier pour l’usage nocturne. La nuit, territoire en friche excentrique, se dévoile comme le continent oublié
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qui nous redonnera des jours meilleurs. Cette géographie, architecture de la marge temporelle est à explorer à travers la ville et son imaginaire pour en saisir l’essence. Il s’agit simplement d’une nouvelle dimension à intégrer pour ménager nos villes. Le paysage nocturne, géographie parallèle au jour
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GWIAZDZINSKI Luc, La nuit est un laboratoire pour la fabrique de la ville, Société de géographie, 2017
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Une géographie portionnée et différente de celle du jour se met en place la nuit. Cette figure parallèle, hétéroclite met en évidence de nouveaux espaces, réseaux et habitants qui entretiennent un rapport exclusif à la nuit. Le territoire se présente ici sous un autre angle, avec son fonctionnement propre. Sorte de ville dans la ville, un regard sur la nuit permet de démasquer cette géographie. Cette forme urbaine alternative au jour s’assimile, selon Luc Gwiazdzinski, à un archipel, on y distingue plusieurs villes la nuit : une ville qui dort, une ville qui travaille en continu, une ville qui s’amuse, une ville qui s’approvisionne, une ville vide. Cet archipel dessiné par le substrat de la ville façonnée pour le jour, se dévoile par les espaces du jour non-usuels de nuit ou par les pratiques qui émergent une fois le jour tombé.
Des centralités nocturnes se dégagent, souvent différentes des centralités diurnes. À mesure que l’on avance dans la nuit, l’offre urbaine diminue, la ville rétrécit et se blottit autour de son noyau historique. Au cœur de la nuit, pendant quelques heures, la ville se transforme en une forteresse seulement accessible à pied ou grâce à un véhicule privé. C’est entre ces espaces aux fonctions différentes, aux utilisations contrastées qu’apparaissent les tensions et les conflits19.
Cette géographie singulière de la métropole se déploie spécifiquement selon chaque territoire. ClermontFerrand, ancienne capitale auvergnate prend un tout nouveau visage la nuit. Cette figure nocturne se développe depuis plusieurs décennies et est en expansion depuis son ambition de devenir capitale européenne de la culture pour 2028. Cette volonté politique de la métropole (un nouveau statut acquis le 1er janvier 2018.) l’engage dans une dynamique territoriale forte. Se devant de devenir un territoire attractif, la jeune métropole doit s’approprier son territoire sous toutes ses temporalités. Mais quelle est cette géographie parallèle au jour, cet archipel nocturne clermontois ? Quelle figure dessine-t-il ? En quoi sa connaissance va-t-elle nous permettre de mieux saisir le territoire que l’on habite ? Cette compréhension vise à mieux s’approprier les espaces perçus et vécus pour de meilleurs espaces conçus.
Les enjeux que porte la connaissance du territoire nocturne sont forts et portent à être initié. La cartographie est donc un outil indispensable ici-même pour révéler ce qui était jusqu’alors non visible.Le terrain d’étude : la métropole de Clermont-Ferrand est très pertinente sur cette question de par sa structure éclatée à petite échelle (Clermont Centre, Montferrand, périphérie proche) ou plus grande (communauté d’agglomération de 21 communes) qui revêt déjà, de jour, la figure d’archipel. Génératrice de nombreuses marges spatiales, induites par sa structure éclatée, la métropole de nuit va dévoiler, appuyer ou encore effacer certaines de ces dernières. C’est dans ces espaces de marges qu’apparaissent les espaces des pressions, des conflits d’usages. L’exploration de plusieurs forteresses de la nuit a été nécessaire pour appréhender leur
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nature même. À la manière du travail effectué par Marc Armengaud avec ses étudiants à l’ENSA Paris-Malaquais, je propose une immersion dans ce territoire frontière qui dressera un état des lieux non-exhaustif de différents espaces nocturnes lors d’explorations afin de comprendre le système plus global de l’archipel clermontois. Les forteresses de la nuit
Comme l’a évoqué Luc GWIAZDZINSKI, la métropole, la nuit se transforme en une forteresse, un bastion à l’image des cités antiques, fermés, difficilement accessible, autonome. Ces forteresses sont les “phares”, les points de repères pour les habitants de la nuits. Ces dernières fabriquent les “îles” de l’archipel nocturne clermontois, le centre-ville festifs où se concentre les activités principales de la nuit, le campus universitaires des Cézeaux qui en marge de la ville vit en autarcie coupé du reste, ou encore Montferrand, petite relique d’une ville englobé dans la métropole. Ce paysage nocturne bien plus riche, dessine une carte de la nuit clermontoise, ses forteresses, ses entre-deux, ses zones de tensions, ses marges. Cette géographie d’archipel où chacune des “îles”, celle qui dort, celle qui travaille, celle qui fait la fête cohabitent illustre le territoire frontière qu’est la nuit. Territoire en marge, territoire habité, territoire archipel, la nuit n’est qu’une frontière à franchir.
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L’exploration de cet archipel nocturne et de ses îlots devient cruciale afin de pouvoir dresser un état des lieux cartographiés et d’ainsi comprendre les limites, les ambiances de chacun d’eux.
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Les infrastructures de la nuit Forteresse en veille
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Soirée au «Strip» de la Pardieu, Forteresse isolé
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LES INFRASTRUCTURES De la NUIT FORTERESSE EN veille Territoire d’analyse & Objectifs Cette exploration s’est construit autour des infrastructures, programmes qui sommeillent la nuit. Celle en éveil, celle qui ne dort pas et fabrique les phares de la nuit. Il est donc paru évident de construire un parcours reliant ces entités. Quelles sont ces « îles » qui travaillent en continu ? Quels usages regroupent-elles ? Font-ils repère ? Cette exploration récence donc les infrastructures de communication, de liaison grande échelle. La gare et l’aéroport, centre important reliant la métropole au niveau régionale, nationale et internationale sont les portes d’entrée depuis un ailleurs. Elles doivent refléter la capacité d’accueil/d’accessibilité d’une métropole, c’est en cela qu’on les nomme « phares de la nuit ». Assure-t-elle cette fonction ?
Qui travaille la nuit, combien de temps, au service de qui ou de quoi ? Pour le jour ? Qui demeure en éveil ? Les services publics, notamment ceux liés à la santé ou sécurité, font partis de ces travailleurs de la nuit, comment fonctionne t-il ? La nuit comme temporalité privilégiée de la logistique, entre flux et manutention, ce temps est l’envers des usages du jour. Quels éléments invisibles raconte la réalité de la nuit ? La gare de fret ferroviaire est une situation révélatrice de cette situation. Il faudra mettre en évidence l’existence et l’intérêt d’un territoire en veille, un territoire qui fait repère et rend la nuit plus accueillante, moins hostile, qui travaille, surveille, qui crée un cadre propice aux habitant de la nuit.
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Parcours de l’exploration des «infrastructures de la nuit, forteresse en veille». Redessin par Charles MORANT effectué le 28 Octobre 2018, entre 22h00 et 01h00
Cette carte met en avant les differents «phares» de la nuit, ils sont représentait par des services qui font repères dans le paysage nocturne. Le parcours s’est effectué de la «forteresse» du centre-ville en activité permanante jusqu’au marges de la ville, ici l’aérogare. Il semblait important de comprendre en quoi il faisait repère et quels espace d’entre-deux les séparait.
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ANALYSE DE L’EXPLORATION Une capacité d’acceuil restrainte, Du local, pas du global Clermont-Ferrand, capitale auvergnate, ville économique et d’innovations (avec Michelin notamment), se doit de pouvoir être accueillante. Son ambition de devenir capitale européenne de la culture fait d’elle un véritable laboratoire pour tester son accessibilité au sein d’elle-même, mais aussi avec ses visiteurs et travailleur d’ailleurs. Ici l’aéroport veillant jusqu’à 22H30 et la gare qui reste en éveil jusqu’à minuit n’assure que peu les mobilités nocturnes transmétropolitaines. Entité déconnectée de la ville, 15 min de la ville à pied pour la gare et 20 en voiture pour l’aéroport, aucun moyen de transport public n’est mis en œuvre pour assurer ses liaisons. De véritables phares de la nuit dans les grandes villes de France, ces infrastructures ne répondent pas aux diversifications des modes de vie contemporains. Comment peut-on assurer d’être une capitale lorsque l’on est coupé du reste du monde ?
Clermont-Ferrand reste une métropole-forteresse, déconnecté de sa région, du pays, privé d’échange la nuit. Les populations de la gare existent la nuit, ils errent attendant impatiemment le réveil de la ville où la nuit ne leur rend pas service.
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Travailler la nuit au service du jour, Les services publics comme marque hospitalière La nuit est le territoire du sommeil pour certains, territoire du travail pour d’autres. Le temps de la nuit marque la préparation pour les pratiques du lendemain. Véritable face cachée, certains restent en éveil pour permettre au jour de fonctionner. L’exemple de la gare de fret ferroviaire est un exemple qui démontre cela. Il s’agit d’un moment de pause la nuit pour assurer les questions d’accessibilité et des mobilités transmétropolitaines du jour. Les « bastions » du travail nocturne marquent que la métropole ne sommeille vraiment jamais, rythmée par ses travailleurs, ses services publics. Ce dernier assure le droit à la ville en continu, l’hôpital d’Estaing demeure ouvert, comme un service primaire et primordiale ouvrant la nuit qui ne se limite pas à une frontière.
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Photo du haut: 00h00, Gare de fret SNCF, les ateliers sont encore allumés, les mécaniciens font circuler les wagons sur quelques métres et verifient chaques roues. Photo du bas: 23h30, CHU d’Estaing, le parvis éclairé se repère de loin, signe d’hspitalité, un silence de mort règne, ponctué de quelques sirènes des urgences.
Photo du haut: 23h54, un local complètement illuminés surgit dans un quartier entièrement éteint. Comme une curiosité révélant des survivants de la nuit Photo du bas: 23h55, en s’approchant on peut saluer quelques artistes qui trouvent à cette heure-ci l’inspiration nécessaire à leur oeuvre.
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Photo du haut: 00h30, la gare fermé demeure présente. Son illumination de façade la signale comme trace des activités du jour. Un «phare» de la nuit désert. Photo du bas: 00h32, pôle multimodale de jour, la nuit tous les arrêts de bus sont vide, personne n’attend. Ils ne font repère et assure un accueil agréable.
Photo du haut: 22h00, façade remarquable à plusieurs centaines de mètres. Quelques taxis demeurent sur le parking, attendant on ne sait qui. Photo du bas: 22h05, les guichets, restaurants sont vide. On image le spectre de la foule le jour. Quelques hôtesses attendent les derniers arrivants sûrement.
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Soirée au «Strip» de la Pardieu, Forteresse isoléE Territoire d’analyse La zone de La Pardieu, situé au Sud, à 15 min en voiture du centre-ville, constitue une marge de la métropole. Véritable « porte d’entrée » sur la ville, elle est la plus grande zone commerciale de la ville. Sa figure longiligne construite le long de la N89 est forme d’une façade commerçante importante et exclusive. Cette figure, associée à celle du strip (en référence au strip de Las Vegas) préfigure les lieux de loisirs nocturnes en marge. Régis exclusivement par les mouvements individuels en voiture, elle est une île de la ville en continu. Objectifs
L’attention à ce territoire de la nuit est motivée par la prise de conscience des tissus urbains périurbains à forte densité le jour. Qu’en est t-il la nuit ? Conserve t-il toujours un attrait la nuit ? Est-ce une place qui anime la nuit ? La métropole clermontoise met-elle en avant ce potentiel ? Cette marge spatio-temporelle est essentielle à explorer pour comprendre les lieux d’activités nocturnes en entrée de ville qui sont pour l’instant recroquevillés sur eux-mêmes, sans prise en compte du territoire qui l’entoure et des autres activités proches. | 50
Il s’agira d’étudier l’infrastructure viaire (N89) qui, au lieu d’isoler, de séparer, devrait lier, assurer
une continuité et un contact entre ce qui fait la ville et la campagne. Il devrait être un outil, un moyen favorisant les déplacements vers ces lieux de vies nocturnes. Des véritables enjeux économiques et sociaux sont à saisir pour permettre l’urbanité de ces îles de vies, la nuit. Il faudra mettre en évidence l’existence et l’intérêt d’un territoire médian, intermédiaire ignoré par ceux qui le traversent (syndrome du déplacement d’un point à un autre par la voiture, moyen de transport individuel et individualiste). Comment l’espace est vécu ? Quels dispositifs permettent son accessibilité ou non ?
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Parcours de l’exploration des «Soirée au Strip de la Pardieu, forteresse isolée» Redessin par Charles MORANT effectué le 24 Octobre 2018, entre 19h00 et 02h00
Cette carte met en avant les differents pôlarités nocturnes entre centre-ville et périphérie urbaine, ici la zone commerciale de la Pardieu, leur liaison par tram limité jusqu’à 01h00. Elle permet de montrer l’émergence d’un paysage nocturne actif et attractif en marge, cette «forteresse» festif que représente les pratiques d’after-work et de loisirs. Bienvenuue au «Strip» de la Pardieu
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ANALYSE DE L’EXPLORATION Animer la ville depuis le périrubain La Pardieu constitue une entité autiste, une structure isolée, malgré tout elle reste attachée au tissu urbain de la métropole par des tissus de type pavillonaire (changement d’échelle et d’usage important). Elle demeure comme une île périurbaine.
La figure de ce «strip» est marquée par la prédominance de l’infrastructure (parking, 2 fois 2 voies, pont, tramway) vécue quotidiennement de jour et de nuit, mais peu prise en considération pour son essence même. Simple entrée Sud de la ville, elle est un paysage traversé ou d’arrêt ponctuel et non pas de promenade comme pourrait le suggérer sa forte richesse d’activités. Véritable espace animé, ce petit strip clermontois est une des îles qui fait les centralités la nuit. Réelle alternative au centre-ville, ils regroupent les activités « d’after-work», de soirées. Il s’agit de l’entre deux temps, entre le temps du travail et le temps du chezsoi, lieu de battements de l’après-jour. Entre scénographie pour la voiture & signalitique commerçante
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Les dispositifs qui fabriquent ce paysage nocturne sont la signalétique lumineuse. L’avenue/le strip qui est son artère est clairement mis en évidence par un éclairage fort marqué pour l’usage de la voiture sans réelle attention au piéton.
Les nombreuses boîtes aux devantures allumées qui sont les commerces reflètent l’usage diurne, là où les activités de loisirs se prolongent et envahissent la nuit. La place importante de l’image (publicité, signalétique, …) rythme ce paysage pour les usagers du jour, sans aucun sens la nuit, nous rappelant le spectre des activités diurne. Principalement actif de jour, ce pôle prend une orientation complémentaire sur le temps de la nuit à travers des activités de loisirs tels que le cinéma, restaurants, bowling ou activités éphémère tel que le parc forain. Un pôle nocturne isolé & déconnecté
L’accessible, très facile le jour, par un réseau de bus, qu’en est-il réellement la nuit ? Le constat est clair la nuit, seuls les voitures régissent cet espace où les parkings à demi-remplis sont la démonstration des moyens d’accessibilité.
La pratique de ce territoire nocturne s’adresse finalement à celui qui a besoin d’aller sur le lieu précis de ce territoire, et surtout dans un but unique. On constate donc la codification des pratiques nocturnes. Les configurations spatiales périurbain ne peuvent pas laissé place à l’improvisation. Se mouvoir sans voiture dans un territoire prévu à cet effet néccessite une planification de notre mobilité, une anticipation spatiale et temporelle de nos actes quand elle demeure encore possible... Il constitue au sein de l’archipel de la nuit, un isolat, une marge figée dans une temporalité. 55 |
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Photo du haut: 19h30, Luna Parc est installé sur son terrain habituel, elle est repérable par le bruit fort qu’elle produit jusqu’à l’autre bout du quartier. Elle n’est que lumière. Photo du bas: 21h45, en haut du parvis du ciné Dôme, on peut admirer la présence de population aux nombres de voitures et l’illumination continue des enseignes.
Photo du haut: 00h00, arrêt de bus désert qui n’a pas trouvé de présences sûrement depuis la fin des lignes à 22h. L’avenue dessine une trame blanche dans la nuit. Photo du bas: 01h45, rentrer à vélo depuis le «strip» reste périlleux, les «rush» de voitures, les travaux rendent difficile l’accès à cette forteresse autrement que par la voiture
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Photo du haut: 22h30, seuls les enseignes de restauration rapide sont encore ouvertent, ici en drive, la voiture règne sur ce territoire de la nuit comme le seul transport usé. Photo du bas: 22h42, panneau d’affichage des magasins ouverts de jour. La publicité persiste 24h/24.
Photo du haut & du bas: Ensemble d’illumination des activités possibles le soir, visible depuis l’avenue, ils sont les seuls moyens d’intrigue et d’attractivité dans la nuit
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LA CONQUeTE DE LA NUIT, DIURNISATION & DÉSYNCHRONISATION DE LA NUIT Vivre la nuit, tout le monde s’y est déjà confronté sous la contrainte ou avec plaisir. C’est un temps qui fait partie de notre quotidien et qui s’exprime maintenant en dehors de nos foyers. La ville devient le socle de nombreuses manifestations se déroulant de nuit. Ces nouvelles activités et pratiques qui grandissent doivent participer à la construction d’une ville chronotopique, incluant la nuit. La ville doit mettre en oeuvre des outils, faciliter la permission, aménager son territoire pour l’inclusion d’une vie nocturne qui ne peut plus être refoulée. Un territoire en éveil
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La nuit, territoire obscur, a subi au fil des siècles maintes “domestications” par l’Homme pour en faire un espace que l’on parcourt, use et protège. De son illumination du lanternon à feu aux lampadaires électriques, de son contrôle policier aux caméras de surveillance, la nuit a su se rendre plus docile. Aujourd’hui presqu’autant lumineuses et sécurisées que le jour, les nuits urbaines sont en passe d’être le nouveau support d’activités. La nuit n’est jamais silencieuse, elle est le lieu d’activités permettant à la ville du jour de fonctionner, ville en veille mais pas endormie. Elle devient le terrain privilégié pour les transporteurs qui profitent d’infrastructures libérées des encombrements du jour (forts frets nocturnes : aéropostal, ferroviaire et routier). Les services publics ouverts 24H/24 (hôpitaux, commissariats, armée, pompiers) opèrent, les réseaux de la ville tournent (électricité, eaux et déchets).
La nuit comme rythme urbain envahi, la désynchronisation Les travailleurs, les espaces de représentation, les événements culturels, les transports en commun deviennent aujourd’hui nocturnes, répondant à une demande forte des citadins. Les activités autrefois réservées au jour “grignotent ” de plus en plus sur le temps de la nuit, signe d’engagement à investir cet espace-temps. Assistons-nous à l’avènement d’une véritable vie nocturne hospitalière et libre ? Les populations urbaines le réclament, en tout cas. Cette demande devient le marqueur d’une offre urbaine en hausse et d’une population réceptive aux péripéties nocturnes. La métropole nocturne est sujette à une intensification de l’activité humaine qu’elle devra être prête à accueillir.
Dans une société qui laisse plus de temps aux loisirs, les pratiques et usages évoluent et tendent à “envahir” les frontières de la nuit. La nuit, territoire frontières tend aujourd’hui à les ouvrir, l’offre publique investit clairement les temps de la soirée. Comment les activités du jour envahissent progressivement le temps de la nuit ? 20 Effervescences est un projet collectif qui prépare la candidature de Clermont-Ferrand et de sa métropole au titre de Capitale européenne de la Culture 2028.
Clermont-Ferrand s’en est déjà saisi avec l’offre musicale de la Coopérative de Mai, le marché de Noël, l’offre festive nocturne accompagnée par Efferevences20, la fête foraine annuelle Luna Parc à la Pardieu. Tout l’archipel vit et occupe l’espace public sur ces frontières de la nuit. Cette désynchronisation de nos modes de vie marque une première fragilité, fêlure de la nuit comme frontière. La soirée, comme frontière de la nuit est aujourd’hui un espace investi et envahit, même l’offre de transport urbain a su s’adapter à ce dérèglement. Nonobstant, cette
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appropriation d’une frontière “brisée” de la nuit ne l’affranchit pas de sa réalité. Apparaît dans ce contexte contemporain, dans ce rythme de la nuit une nouvelle frontière édifiée sur l’ancienne, celles causées par les nouveaux conflits d’usages. Cette intensification de la vie nocturne accélère et amplifie les zones de frictions, tensions entre les populations de la nuit qui pratiquent cet archipel.
21 GWIAZDZINSKI Luc, “La nuit est un front pionnier” dans BERTIER Marie, Les autres possibles, vie nocturne, 2016, numéro 5.
Sortant des classiques grands temps sociaux du 8H00-1200 / 14H00-18H00, plusieurs temporalités se mettent en place en même temps. Le centre-ville, regroupant l’ensemble des pratiques, concentre finalement 90% des conflits nocturnes21 (conflits entre les habitants qui dorment en centre-ville et ceux qui sortent en boîte de nuit). Il est nécessaire de trouver un équilibre entre la vie nocturne et le droit des riverains au sommeil dans les quartiers dits “festifs ». L’important est aussi de réfléchir à la question du travail de nuit qui se pose forcément afin de permettre les activités ; de façon plus générale, ceci interroge aussi la ville 24H/24.
L’évolution des rythmes de vie rend nécessaire une approche transversale et équilibrée facilitant l’articulation entre le levier de dynamisme pour les territoires et un vivre ensemble respectueux de tous les usages de la nuit.
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La conquête de la nuit existe et est conduite par nos modes de vie changée depuis plusieurs décennies. Celle-ci a fabriqué bons nombres de conflits entre la ville qui dort, travaille ou fait la fête. Ces frictions amènent à requestionner nos politiques urbaines, les espaces publics que l’on pratique, la répartition des usages métropolitains. Non loin de vouloir proposer
une segmentation de ces usages (comme les modernes l’ont fait avec le zoning) afin d’éviter ces conflits, cela permet néanmoins de réfléchir comment mieux penser ce temps pour panser la métropole nocturne. Mise en valeur du paysage nocturne, l’artificialisation
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NARBONI Roger, Les éclairages des villes, vers une urbanisme nocturne, éditions inFolio, 2012 Cet ouvrage présente les enjeux de l’éclairage des villes, d’identité nocturne pour les rendre plus palpable ou plus compréhensible par ses habitants au travers de 23 “cartes postales” nocturnes de villes.
La nuit est un territoire obscur, qui par sa nature amenuise la vision, cache ce qu’on ne saurait voir de jour. La métropole est difficilement visible dans nos nuits, impossible d’en reconnaître les traits, voire impossible de s’y identifier ou repérer lorsqu’on ne la connaît pas. Quelques grands emblèmes architecturaux ou paysagers lointains peuvent fonder nos images, découpent le ciel nocturne. Comme l’énonce Roger Narboni dans un de ses ouvrages22, la découverte de la ville la nuit se fait avant tout par la petite échelle, celle des rues, des places aux devantures qui restent illuminées, grâce aux personnes qui la pratiquent, malgré des cultures différentes ; ils s’approprient cet espace ou s’y confrontent. De nuit, le manque de référentiels lumineux efface la ville connue du jour, il est alors plus difficile de reconnaître les identifiants ou constituants de la ville dans laquelle on se promène. Ce phénomène dessine une autre ville, plus abstraite, plus fantasmée, celle de l’archipel nocturne, ville découpée, éteinte, le territoire frontière. Dès les années 80, la question d’appropriation de l’espace nocturne apparaît, par sa mise en lumière, avec des plans Lumière que chaque ville développe. Passant de l’illumination des grands boulevards, aux espaces dit risqués (pour les contrôler), à l’éclairage marketing mettant en lumière différents monuments
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ou façades de la ville, chaque plan s’accapare un peu plus ce territoire sombre.
23 CHALLEAT Samuel, ”Sauver la nuit” : empreinte lumineuse, urbanisme et gouvernance des territoires, Histoire. Université de Bourgogne, 2010.
Malgré tout cet éclairage stéréotypé de la ville, banalise nos espaces, tout se met à jour, ‘’artificialise’’ nos nuits. Cette conquête du paysage nocturne par l’éclairage est perçue aujourd’hui comme une pollution lumineuse qui aseptise notre expérience dans ce territoire. La crainte d’une artificialisation complète de nos nuits s’installe. Samuel CHALLEAT, évoque dans sa thèse23 l’artificialisation de nos nuits par l’harmonisation de l’éclairage et la perte de l’obscurité pour la sécurité ainsi que la perte de repères dans un paysage homogène à la physionomie diurne.
Cela fait des années que plusieurs événements s’approprient cet espace-temps. Les nuits des arts d’Helsinki, les Nuits blanches européennes, la fête des lumières lyonnaise sont les ambassadeurs de cette pratique urbaine de la nuit. Symbole d’une nouvelle manière de s’approprier l’espace urbain, dessinant une structure fantôme de la ville, ces pratiques posent un regard neuf sur notre environnement nocturne.
L’éclairage de nos nuits amène à un urbanisme lumière réfléchie qui veut rendre nos villes attractives, permettre une singularité des métropoles pour créer le milieu propice à un tourisme nocturne. L’existence de la trame blanche, à l’image de la trame verte, prend place, visant à réguler et planifier certains espaces illuminés et non la globalité du territoire. Cette stratégie vise à instaurer une identité, une hospitalité des espaces publics à cet entre-deux jours. | 64
La métropole clermontoise a su s’approprier ses codes pour amener un territoire frontière vers un territoire
plus ouvert, identifiable, accueillant. Roger Narboni définit deux échelles d’intervention pour appréhender la ville la nuit, le lointain et la proximité. Il a travaillé sur un plan Lumière à Clermont-Ferrand pour la création d’un paysage nocturne identitaire mettant en valeur les repères de grandes échelles comme les volcans, caractère propre au territoire. À l’échelle plus restreinte, ce sont différents “phares” de la nuit qui nous fabriquent des repères, la mise en lumière de la place de Jaude avec ses façades, ou encore des lignes structurantes qui nous guident comme la voie de tramway qui depuis 2006 illumine une artère de la ville. L’éclairage urbain, comme outil pour façonner le paysage nocturne démontre les premières pistes de la nuit comme laboratoire à la fabrique de la métropole.
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LA NUIT,
LABORATOIRE UNE FABRIQUE DE LA Métropole accueillante
Introduction
Métropole chronotopique, consciences des temps du territoire
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Un droit à la ville en continu ?
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L’urbanisme temporel, un outil pour répondre aux enjeux métropolitains
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Les gouvernances de la nuit, un outil institutionnel
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Pour des espaces publics nocturnes hospitaliers & accessibles
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La mise en tourisme des nuits clermontoise, Perturbation du territoire nocturne
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Les temps extra-ordinaires de la nuit, Territoire d’inventions métropolitaines
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Efferevences des nuits clermontoises, le laboratoire des transformations urbaines
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Les nuits
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Nuits en festival, regard internationale sur une jeune métropole
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Nuits en promenade, retour à la marche urbaine
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Nuits étudiantes, habiter en périurbain & profiter de la forteresse festive
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EXTRA-ordinaires
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Introduction Système et géographie parallèle régie par ses propres règles, le territoire nocturne ambigu, habité par les activités se montre comme espace d’appropriation donc d’expérimentations. Vu comme frontière et conquis par le jour, c’est un espace-temps perturbé qui s’accommode à ces bouleversements. À la fois espace à préserver de l’artificialisation par la lumière et investi par des temps extra-ordinaires (culturel, politique), la nuit engage plusieurs dynamiques et enjeux qui permettront demain d’en faire une métropole accueillante et attractive. En quoi le territoire nocturne est un espace de laboratoire pour exprimer ces nouveaux enjeux ? Le mémoire s’inscrit dans cette démarche, celle d’exposer les nouveaux outils, nouvelles consciences et nouvelles expérimentations faites et créées dans cet espace laboratoire. La nuit comme frontière, la frontière comme lieux d’expérimentations, mais pour quoi faire ? À l’image d’un laboratoire, la métropole nocturne initie une nouvelle représentation et de nouvelles pratiques de cette marge temporelle. Ces moyens, ces possibles mis en œuvre, seront des leviers d’aménagements urbains pour une métropole encore jeune qu’est Clermont-Ferrand. Il s’agira dans cette partie de relever les éléments moteurs (institutionnels, politiques, culturels) à cette fabrique et d’analyser leur capacité à faire métropole.
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Cette exaltation, ces expérimentations autour des enjeux de la nuit seront des éléments au corpus qui feront preuve de la nuit comme laboratoire, la nuit comme moteur de transformations urbaines. De la nuit comme frontière à la nuit comme fabrique métropolitaine.
Cette partie mettra en évidence comment les métropoles conscientes des différents rythmes urbains, métropole chronotopique, mettent en place des outils institutionnels tels que les conseils de la nuit ou les maires de la nuit pour (a)ménager ce territoire nocturne. Au travers de l’exemple de Clermont-Ferrand, on comprendra en quoi ces enjeux globaux peuvent s’inscrire dans une dynamique locale de jeune métropole. Il s’agira ensuite de savoir comment cette métropole chronotopique qui se “saisit” de la nuit comme temps moteur à sa fabrique pour installer un attrait touristique et habitant. Cette mise en tourisme de la nuit devrait amener par les temps extra-ordinaires (événementiel notamment) à construire une métropole augmentée pour des nuits ordinaires, répondant à la thématique de la ville accueillante.
Quels moyens de réappropriation permettent de fabriquer cette métropole ? Comment les temps de l’extra-ordinaire peuvent transformer les temps de l’ordinaire ? Quelles nouvelles pratiques émergent et incitent à investir ce temps nocturne ? Et finalement comment la nuit comme laboratoire permet le devenir d’une métropole augmentée par ses marges temporelles ? Il conviendra de dégager les potentiels et insuffisances que cet archipel nocturne met en évidence.
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MÉTROPOLE CHRONOTOPIQUE, CONSCIENCE DES TEMPS DU TERRITOIRE Un droit à la ville en continu? Le droit à la ville est une question fondamentale qui fait partie des droits du citoyen. Celui-ci est un droit atemporel et acquis. Cependant, il est à noter qu’il trouve ses limites si on le confronte au facteur temps. Les temps de citoyenneté sont circadiens et la ville se doit d’y répondre. Malgré tout, le constat est clair, la ville possède de grandes difficultés à demeurer hospitalière et accessible 24H/24. Il émerge donc un intérêt à rééquilibrer ce fait et à penser à une urbanité continue de nos villes. Les initiatives qui portent à se soucier des temps de la ville sont là et permettent déjà de mieux qualifier l’espace-temps où ces droits faiblissent. Dans l’analyse du respect du droit à la ville en continu, il faut prendre en compte les aménagements de nos rythmes de vie. L’urbanisme temporel, un outil pour répondre aux enjeux métropolitains
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Ce droit à la ville en continu, non sans l’envahir, pose la question du comment s’approprier ce territoire de la nuit ? Comment, par des actions politiques, de sensibilisation, événementielles, pourrait-on sortir d’un territoire frontière (marge temporelle) pour mettre à profit son statut de lieu d’expérimentation pour la fabrique de la métropole ? C’est ici même que l’on doit requestionner plus globalement notre pratique d’architecte ou d’urbaniste. Longtemps
24 BONFLIGLIOLI Sandra, Les politiques des temps urbains en Italie, Les annales de la recherches, numéro 77, 1997, p. 22-29
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MALLET Sandra, «Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme.», dans EspacesTemps.net, Avril 2013,
vu comme des disciplines d’aménagement spatial, aujourd’hui sous la pression des rythmes urbains déréglés, nous nous devons de penser l’aménagement du temps. Ce nouveau regard existe néanmoins depuis les années 80 en Italie, initié sous les pressions de l’hospitalité de l’espace public pour les femmes et des conflits d’usages entre les commerçants de la nuit et les habitants, …ainsi l’urbanisme des temps naquit24. Dépensant ces premiers enjeux fondateurs, aujourd’hui, l’urbanisme nocturne s’attache à rendre nos métropoles compétitives et attractives. Depuis, de nombreuses métropoles européennes axent leur développement autour d’un tourisme urbain nocturne. Une ville comme Paris démontre qu’il reste de nombreux défis à relever comme l’extension des horaires des transports en commun la nuit ou encore la diversification de l’offre nocturne (musées, jardins, équipements sportifs, etc.). Il s’agit de stratégies qui ne recouvrent pas seulement les touristes, mais qui doivent répondre aussi aux attentes des citoyens eux-mêmes, dont les rythmes de vie évoluent (désynchronisation) et se multiplient25. L’enjeu est de fabriquer des métropoles ouvertes à tous, exemptes de discrimination et loin des mythes de la nuit. Ainsi, outre l’enjeu de développement économique, le temps de la nuit constitue un enjeu local de politique publique dans le domaine des déplacements, des services aux travailleurs, de l’aide aux personnes vulnérables (les femmes restent les principales victimes de la nuit.) et de la conciliation des usages sur l’espace public. Une notion explicitée par Sandra MALLET peut guider les terrains d’actions pour initier différentes interventions dans la métropole sur l’aménagement du territoire par le temps. Il s’agit de la “polyvalence
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séquentielle”. Derrière ce terme savant, se cache la polyvalence d’usages, pratiques, événements possibles d’un seul et même espace. En tant qu’architecte, urbaniste cela ouvre une conscience sur le devoir d’un espace conçu. Malgré les programmes imposés, il est intéressant de songer comment exploiter certaines architectures, territoires de la ville hors de leur usage prédestiné. Aujourd’hui, les politiques urbaines perçoivent de façon différenciée les espaces urbains et les équipements publics selon ces rythmes. Pourtant, plusieurs équipements sont sous-exploités à certaines heures. Il s’agit finalement de parkings de centres commerciaux, d’espaces d’activités ou d’universités, de salles de classe, de sport, d’exposition, de centres culturels. Ces lieux, sous-employés voire déserts durant certaines heures de la journée ou de la nuit, le week-end ou pendant les vacances, créent des moments de flottement qui pourraient être le terrain d’action de l’urbanisme temporel et donc nocturne. Mais aujourd’hui quels acteurs prennent en charge ou intègrent cette vision dans leurs projets métropolitains ? Sont-ils saisis et exploités pour faire de la nuit un temps pensé dans l’aménagement urbain ? À quelle échelle d’intervention peut-on agir en tant qu’architecte ou urbaniste ? Comment une ville comme Clermont-Ferrand peut l’entreprendre ? Les gouvernances de la nuit, un outil institutionnel
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Les consciences s’animent depuis peu, sensibilisées à ce nouveau continent, riche en potentiels d’aménagement et en expériences. Plusieurs
institutions veulent mettre en avant cet aspect de leur ville dans un souci de concilier population du jour et de la nuit. Leur volonté est de concevoir un urbanisme nocturne afin d’offrir un espace public propice aux différents usages de la nuit. L’originalité et l’intérêt de leurs démarches reposent sur leur volonté d’intégrer la pluralité des rythmes urbains (dont la nuit) dans l’aménagement des territoires. Cela fait maintenant une dizaine d’années que les métropoles européennes ont pris conscience de l’intérêt d’un urbanisme chronotopique dans leur stratégie d’aménagement urbain. Il est un nouveau levier et surtout porteur d’une nouvelle richesse sociale, politique, urbaine et architecturale à prendre en compte. Comment les politiques répondent et se saisissent de ce nouveau continent, longtemps resté caché ?
Différentes stratégies ont pris place au fil des dernières années pour se saisir de cet espace-temps afin de le développer, protéger et partager. Dans un constat global, il n’y a pas de normes instaurées culturellement ou sur l’échelle de la ville où les politiques de la nuit existent. Il n’y pas encore de modèles nationaux pour les métropoles ou petites villes. Nous ne sommes encore qu’aux prémices de ce type de gouvernance.
Malgré tout, ces politiques mettent en œuvre les outils, les moyens humains comme financiers à l’exploration de la nuit, à son épanouissement et à son adaptation à une population qui change constamment ses rythmes de vie (explosion de la demande nocturne). Ce sont donc de nouveaux acteurs de la nuit à prendre en compte dans l’étude des nuits urbaines servant toutes les disciplines de recherches.
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26 Voir fiches Les politiques temporelles en annexe
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BOULIN Jean-Yves, “Les temps de la ville”, dans Projet, rythmes et temps collectifs, dir. BOULIN Jean-Yves, 2003, numéro 273, p. 82
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Gwiazdzinski Luc, « Pour une mise en tourisme des nuits urbaines », Cahier espaces 103, 2009, p. 44-56
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Ces politiques de la nuit prennent donc différentes formes malgré certaines tendances majeures observées. Il existe différentes institutions, aux pouvoirs et actions divers. On y remarque les Bureaux des temps (Lille / Rennes), les Conseils de la nuit (Paris / Nantes), les Maires de la nuit (Amsterdam / Londres / Toulouse / Zürich)26. Qu’apportent les politiques temporelles et les Bureaux des Temps dans les façons de penser l’urbanisme ? Comment les acteurs de la ville (architectes, urbanistes) se saisissent du politique pour mener leur projet dans ce territoire de la nuit ? Des « bureaux des temps » s’ouvrent dans des villes qui prennent conscience de la difficulté pour les habitants de combiner les horaires de travail et ceux des services, des transports, etc. Les exigences nouvelles de mobilité sont facteurs d’inégalités. Comment synchroniser, sous d’autres modes, les temps d’un territoire ?
Ces gouvernances de la nuit, le Conseil de la nuit de Paris, le Bureau du temps à Lille, le Nachtburgemeester (maire de la nuit) à Amsterdam sont les liens entre les dirigeants de la ville et le peuple de la nuit. Leurs actions doivent faire de la nuit un espace tout aussi important que le jour dans l’aménagement urbain. À la fois, il faut savoir protéger cet espace-temps des pollutions (lumineuses) ou de son oubli longtemps vécu et peut-être de sa mise en tourisme28. Avec l’aide des bureaux du temps, il doit se construire les compromis destinés à résoudre les conflits temporels inhérents à nos sociétés individualisées et diversifiées.
On remarque un ancrage territorial de ces politiques, qui tendent alors à se diffuser par connaissance mutuelle, à travers la mise en réseau des villes et territoires (association Tempo Territorial forme un réseau des acteurs de politiques temporelles en France) et la mutualisation des outils et méthodes d’analyse et de représentation (cartes chronotopiques ou chronographiques). Pour des espaces publics nocturnes hospitaliers & accessibles
Les gouvernances de la nuit ont un rôle de médiation, de sensibilisation aux activités et espaces de la nuit. Les États Généraux de la nuit à Paris en 2010 donnaient comme grands thèmes l’emploi nocturne, l’attractivité touristique, la coexistence de la fête avec le sommeil et la prospective métropolitaine. Ces approches ont pour dessein de développer des espaces, usages et déplacements plus libres et possibles. C’est dans ce souci-là que l’urbanisme, l’architecture doivent se munir de ce regard sur la nuit afin de proposer des espaces et une accessibilité à la ville en tout temps. Les politiques temporelles et nocturnes sont des actions pour la disponibilité d’un temps de loisir approprié, une souveraineté temporelle individuelle, qui confèrent un sentiment de sécurité et de prédictibilité de la vie quotidienne et du déroulement des temps de la vie. La nuit, s’incluant dans ces politiques, s’ouvre donc sur un territoire investi et gouverné, véritable laboratoire pour construire une métropole accueillante.
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La mise en oeuvre des consciences des temps de la ville, d’outils institutionnels opérant pour résoudre les conflits d’usage doit être vue comme un révélateur des potentialités du territoire de la nuit et d’éventuelles sources à projets. Là où l’appropriation des espaces publics est rendue difficile et inhospitalière de nuit, là où la ville dresse ses «remparts» et devient impénétrable avec ses lignes de bus inexistantes, il serait agréable d’en faire des scènes propices à la vie nocturne.
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Carte du réseau Tempo Territorial. Elle resence toutes les villes possédant des politiques ou initiatives temporelles et autour de la nuit selon leur type d’institutions mise en place Document issu du site officiel Tempo Territorial URL: <http://tempoterritorial.fr/>
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LA MISE EN TOURISME DES NUITS CLERMONTOISE, PERTURBATION DU TERRITOIRE NOCTURNE Ce paysage nocturne est encore floue, cependant ce qui l’anime le rend aujourd’hui un peu plus palpable. Qu’est la nuit contemporaine ? Métropolitaine? C’est au travers du spectre de la ville de ClermontFerrand, que cette partie se dresse comme le recueil d’explorations sensibles et analytiques des situations nocturnes de cette métropole. Il s’agira de comprendre l’essence même des puissances, conflits et formes de la nuit. Cette partie révèle les pratiques nocturnes au sein de Clermont Auvergne Métropole qui localisera et répondra à la question de l’événementiel nocturne comme laboratoire, qui dérange ou anime la métropole ? Les temps extra-ordinaires de la nuit, Territoire d’inventions métropolitaines
Comment les nuits extra-ordinaires permettent de “bousculer” la métropole pour repenser ses nuits ordinaires ? En quoi l’événementiel, comme temps prévu, joue ce rôle de temps extra-ordinaires pour les nuits ? Est-ce que l’événement nocturne imprévu peut aussi participer à cette transformations des nuits ordinaires? Finalement ces nuits exceptionnelles (au sens du non-commun) sont-elles des “moteurs”, des potentiels pour aménager, transformer la métropole ?
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Après avoir mis en lumière les nuits ordinaires toutes singulières de l’archipel nocturne clermontois, compris leur spatialisation, leurs interactions et leur rôle, il est nécessaire d’entrevoir par le négatif : les nuit de l’extra-ordinaire. Mais comment définir cet extra-ordinaire ?
29 GWIAZDZINSKI Luc, «Paris augmenté, le tourisme nocturne moteur et laboratoire métropolitain», dans Gravari-Barbas Maria, Fragoni Edith, Métropolisation et tourisme, 2013, Belin,p.289-301
L’extra-ordinaire s’oppose de nature à l’ordinaire, le banal, le commun ; il a pour caractère de proposer un “bousculement”, un changement ponctuel, éphémère dans nos rythmes de vie. Ici l’événementiel nocturne jouera ce rôle de temps extra-ordinaire, une sorte de mise en tourisme pour animer ce territoire.
Lieu d’invention, de ressourcement et de réenchantement possible, la nuit est l’un des territoires où se joue une partie de l’avenir métropolitain dans la capacité à assurer la cohabitation des peuples, activités et quartiers de la métropole polychronique, à plusieurs temps. Le tourisme nocturne pose des problèmes spécifiques mais révèle aussi en les exagérant, certains problèmes d’ordre plus général pour la métropole29.
Les nuits debout, le tourisme nocturne, les conférences de nuits, les installations éphémères d’artiste, le souci des transports noctambules, constituent un panel immense de réponses aux enjeux nocturnes de la métropole. Dans le processus de métropolisation, la nuit joue le rôle d’espace d’innovation, d’animation pour la rendre attractive, communicante. C’est avant tout comprendre comment la nuit – considérée comme laboratoire, territoire d’inventions et d’expérimentations - est déjà une réponse pour l’aménagement des villes.
Plusieurs exemples fondateurs ont initié, audelà de l’offre nocturne prévus, une réflexion. En quoi l’événement, l’architecture éphémère, et les installations afférentes peuvent donner à voir, à pratiquer et à se sociabiliser différemment. C’était lors d’un festival sur les mobilités nocturnes en 2004 à Rome entrepris par l’agence AWP de Marc Armengaud que des expérimentations d’aménagements
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de l’espace public furent entreprises. Certains aménagements furent installés pour changer nos pratiques. Une installations sur une aire de station essence peu usitée de nuit visait à créer un “oasis” de la nuit, lieu de pause. Ce premier essai mené dans plusieurs villes européennes (Copenhague, Malmö, Rome et Bruxelles) a permis de percevoir les possibles de la nuit. La nuit - à la fois temps de l’extra-ordinaire et laboratoire “percutant” la métropole - associée à l’événementiel comme outil d’expression, seront présentés dans le territoire clermontois.
Efferevences des nuits clermontoises, le laboratoire des transformations urbaines La métropole clermontoise, qui investit chaque année des millions d’euros dans l’offre culturelle, se place comme un territoire propice à l’épanouissement de temps nocturnes extra-ordinaires. Ce phénomène est la preuve d’une volonté de mener une réflexion sur les marges périurbaines, de construire une ville adaptée aux transformations urbaines et de rendre les ‘’îles’’ de l’archipel plus connectées entre elles. Ces transformations urbaines passent par la multiplicité d’événements qui viennent à chaque fois redonner une identité, une force aux espaces publics. Se crée ainsi un lien avec des territoires oubliés que des transports en commun nouveaux ont su rallier. | 82
Malgré le temps court sur lequel se déploient ces nuits extra-ordinaires, elles suffisent à la création de nouvelles structures ou pratiques pour nos nuits quotidiennes. Leur rôle tient donc à faire “réagir” la métropole pour que ces temps courts profitent au temps long et ordinaire de nos nuits.
Au fil d’exemples non-exhaustifs d’événements nocturnes clermontois, nous allons percevoir en quoi ces événements extra-ordinaires ont apportés une vision, des usages et infrastructures au bien commun qu’est le territoire de la nuit.
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Nuits en promenade, retour à la marche urbaine
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Nuits étudiantes, habiter en périurbain & profiter de la forteresse festive
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30 Source de l’association Sauve qui peut le court métrage
Nuits en festival, regard internationale sur une jeune métropole Festival International du Court-métrage (ISFF) de Clermont-Ferrand Clermont-Ferrand accueille chaque année au début du mois de Février, le festival du court-métrage. Durant cette période, la jeune métropole prend un visage international, amenant lors des dernière éditions jusqu’à 165 000 visiteurs (doublant la population de la municipalité). Cet événement qui se déroule de jour comme de nuit, met en ébullition la ville qui se doit en termes de transport, de logements et d’activités (restauration, bars) de subvenir à cet afflux de populations. Les scènes de visionnage de films sont dispersées dans toute la métropole, sollicitant le touriste à visiter le territoire, bien au-delà du centreville iconique. Lorsque le festival finit le soir, la métropole accueille en un moment précis tous les festivaliers qui habitent temporairement ce territoire de la nuit.
Le festival permet l’ouverture de sites qu’on ne fréquente pas habituellement, de les mettre en lumière pour les dévoiler au public (touristes comme habitants de Clermont-Ferrand). Une signalétique parcourt toute la ville, les illuminations prennent sens pour guider les visiteurs dans une ville nocturne qu’ils ne pratiquent pas habituellement. Les transports en commun doivent rendre possible les déplacements même tardifs, (certaines lignes de bus ont des horaires étendus, même si le tramway suffit). 87 |
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Comme toute métropole d’ampleur internationale, elle se doit d’être en capacité d’accueil. Le caractère piétonnier de Clermont-Ferrand ramène à la pratique de la marche urbaine de nuit, fabriquant des avenues aménagées et illuminées (notamment le projet de l’avenue de Charasse amenant les festivaliers de la gare jusqu’au centre par un axe piéton). Sachant les transports opérants, c’est donc la question de l’hospitalité des espaces publics nocturnes qui est en jeu ; de nombreux pavillons sont déployés dans la ville pour se restaurer, pour s’orienter ou flâner. Ce bousculement de la métropole par ce festival, la fabrique. Il est source de transformations urbaines plus pérennes au service du quotidien. Clermont oeuvre ainsi pour une métropole accueillante.
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Document réalisé par Charles MORANT
Cette carte présente les points d’intérêt lors du festival (salle de visionnage, bars particpants, stand de sensibilisation). Tout ces événements rend principalement place dans la forteresse du centre-ville excluant les périphéries.
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Nuits en promenade, retour à la marche urbaine Effervescences, la Belle escorte (6 octobre 2017)
31 extrait de la présentation de la Belle escorte sur le site du collectif La Folie Kilomètre URL: http:// lafoliekilometre.org/ accueil/2017/10/18/ la-belle-escorte/
Nous avons proposé aux Clermontois de venir choisir la manière dont ils voulaient traverser leur ville et gravir la montagne afin d’y mettre le feu ! Cette fois-ci, pour La Folie Kilomètre, il s’agissait de mettre en scène le paysage humain d’une foule de marcheurs dans la ville31.
Pour l’inauguration du projet Effervescences qui prépare la candidature de Clermont-Ferrand comme future capitale européenne de la culture pour 2028, un événement perturbateur est venu requestionner la marche urbaine de nuit. Cette initiative, menée par le collectif La Folie Kilomètre le 6 Octobre 2017, invitait tous les habitants à parcourir leur métropole depuis la place forte de Jaude jusqu’à sa montagne de Montjuzet en marchant. Cette déambulation collective était fondée plus sur un acte collectif de sensibilisation à ce territoire nocturne que l’on ne pratique habituellement pas de cette façon.
Véritable espace de laboratoire à la marche urbaine nocturne, le collectif s’est donc prêté à l’exercice. Cette expérience a voulu faire preuve des possibles la nuit, casser les mythes nocturnes de l’insécurité et prouver que collectivement la marche nocturne est réelle. Ce travail de sensibilisation fait la démonstration que le paysage nocturne est façonné par nos pratiques. | 90
Document réalisé par Charles MORANT
Cette carte présente a déambulation faite lors de La belle Escorte. Elle s’empare du caractère fort du centre-ville pour réunir et se dirige vers une marge de Clermont : le parc Montjuzet. Sensibilisation du paysage nocturne périphérique par la marche urbaine
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Rue Fontgiève, la foule guidée par le bonhomme en osier géant Chacun porteur d’un lanternon comme des lucioles qui volent
Occupations des rues par la foule, en direction du parc Montjuzet. Près de 3000 personnes était réunis
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Installations lumineuses dans le parc Monjuzet Eclairer un territoire obscur de la nuit, symbole de convivialité et hospitalité
Installations de feu qui font repère depuis la ville basse. Performances artistiques visant à s’approprier un espace qu’on avait pas coutume à explorer de nuit
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Electric Palace 8ème édition (2017)
Un événement majeur du calendrier nocturne clermontois, précédent le Festival du Court-métrage propose une animation au coeur des espaces publics de la métropole. L’association Electric Palace tient ce rôle depuis maintenant 10 ans pour concilier les acteurs de la nuits et accueillir les festivaliers.
La formule spéciale 2017 (8ème édition) tenait une importance au sein de toute la ville. Initialement développée sur la place Gambetta (appelée aussi les Salins), elle occupe musicalement la place jusqu’à minuit et la reconfigure entièrement, prenant le nom de l’ “Electric Palace”. Minuit passé, “l’Electric City” prend, dirigeant les festivaliers à se rendre sur différentes places de la vie nocturne de Clermont pour prolonger l’expérience musicale. Cette invitation à l’itinérance dans la métropole nocturne est un exemple de mise en tourisme de nos nuits. Elle dresse une carte mentale des lieux de la nuit pour ce spectacle ambulant. Cet événements démontre le réenchantement de Clermont-Ferrand pour une attractivité nocturne.
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Malgré tout, cet exemple montre encore une fois que ce territoire est investi par des acteurs privés au service des habitants, et non pas par des institutions publiques (tel que cela pourrait l’être dans le cadre d’une politique nocturne). Cependant, elle met en avant l’existence de perturbations culturelle qui anime et permet au paysage nocturne de s’enrichir. Elle répond toutefois aux enjeux du phénomène de métropolisation, amenant les villes à être innovantes, même si ce phénomène renforce la stature d’une forteresse de la nuit centrée seulement au centre-ville.
Document réalisé par Charles MORANT
Cette carte présente le départ de l’événement nommé «Electric Palace» au Sud du centre, puis les points de dispersion dans la forteresses (points lumineux).
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Nuits étudiantes, habiter dans le périurbain et profiter de la forteresse festive du centre-ville BEN, réseau de transport nocturne
La forteresse festives que représente le centre-ville est indéniable. Malgré plusieurs autres polarités, l’offre nocturne globale s’y concentre. Naturellement, ce sont les habitants locaux qui en profitent et investissent les lieux. Ce territoire de la nuit reste inaccessible – ou presque – à la forte population étudiante (30 000) de Clermont-Ferrand, souvent logée près des campus en périphérie urbaine. Cette problématique d’une offre culturelle quotidienne concentrée en centre-ville amène la question de l’accessibilité, et surtout aussi de la sécurité.
Pourtant, la métropole, consciente de cette géographie discriminatoire vis-à-vis des habitants périurbains, a souhaité mettre en place un système de transport en commun nocturne pour résoudre ces soucis d’accès. Le réseau BEN est né de cette volonté, accompagnant les usagers de la nuit et faisant la liaison entre le Campus des Cézeaux, le CHU G. Monpied, la Résidence Pasteur.
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La métropole a su agir afin de combler les manques d’un réseau inopérant dans cet archipel nocturne. Néanmoins, ce système, efficace pour les étudiants, (puisqu’il dessert principalement des résidences étudiantes), ne répond pas aux besoins à d’autres populations de la nuit telles que les travailleurs, les habitants de la périphérie Nord de Croix-de-Neyrat, et des communes voisines.
Cette initiative voulant rendre possible certaines connexions entre les “îles” de l’archipel de la nuit renforce finalement les inégalités d’accessibilité, favorisant le services pour certains laissant aux autres que peu de chance d’en profiter. Il s’agit là d’une première expérimentation qui vise à terme à étendre et globaliser ce système à d’autres marges urbaines.
Non-loin d’être inefficace, ce système montre les limites logistiques de la mobilité nocturne. La volonté n’étant pas de lier toutes ces marges. C’est de leur isolement qu’elle se fabrique et innove, mais nous sommes encore loin d’une égalité territorial au sein de la nuit.
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Arrêts du réseau BEN
Arrêts du réseau BEN
Résidences étudiantes
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Document réalisé par Charles MORANT
Cette carte présente les échanges possibles entre ces deux forteresses que sont le centre-ville et le campus étudiant en marge de la ville. Le réseau BEN montre la possible mobilité vers ce centre-ville qui tend à s’ouvrir, à «casser» les frontières pour le rendre hospitalié aux territoires voisins.
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CONCLUSION Les consciences s’animent, après la conquête spatiale du territoire par les acteurs et techniciens que représentent les architectes et urbanistes, l’intérêt d’un aménagement - cette fois-ci temporel - apparaît. Malgré cette conscience engagée par des théoriciens tel que Thierry PAQUOT, Sandra Mallet ou encore Luc GWIAZDZINSKI l’aménagements de nos métropoles par le temps peine à s’installer véritablement. Cet urbanisme - dit chronotopique, (associant le temps à une intervention spatiale) - implique la nuit dans ce processus. La nuit, vue précédemment comme frontière, s’exprime aujourd’hui comme un territoire de projet qui se doit de correspondre aux pratiques contemporaines. Ce territoire nocturne que de plus en plus de métropoles tentent de saisir, est le terrain d’études propices pour proposer une ville attractive, innovante, s’inscrivant dans cette dynamique de recherche identitaire.
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Afin de répondre à ces enjeux, plusieurs outils se sont développés au fil des années permettant des actions concrètes sur ce qui avait été jusqu’alors qu’études, analyses ou explorations. Les gouvernances de la nuit représentent les premières initiatives appliquées au territoire de la nuit. Développant aujourd’hui un réseau multiculturel et varié, elles s’installent de part le monde. Du conseil de la nuit de Paris au maire de la nuit d’Amsterdam, elles s’impliquent à résoudre les conflits d’usages, l’hospitalité des espaces publics la nuit, l’accessibilité de services, pour des populations noctambules. Nous n’en sommes certes qu’aux prémices, mais la question résonne et tente d’être appropriée par les architectes au travers de structures ou infrastructures lumineuses ou par les urbanistes qui articulent les différentes “îles” de l’archipel.
La nuit est réactive et vivante, sans attendre les initiatives publiques, elles est habitée et animée; l’offre culturelle et événementielle y joue le rôle principal. La mise en tourisme de nos nuits n’est plus que jamais d’actualité. Dans un premier temps, elle recourt à l’extra-ordinaire.
Clermont-Ferrand, une métropole augmenté par ses marges temporelles? Le terrain d’étude choisi qu’est Clermont-Ferrand prend sens de part son statut de jeune métropole qui a la volonté de s’affirmer comme capitale culturelle. Se saisissant des enjeux contemporains tels que la nuit au travers de différents événements nocturnes, la ville se sert de ce temps pour façonner la métropole qu’elle sera demain. De culture nocturne, Clermont-Ferrand use des nuits extra-ordinaires pour requestionner les nuits ordinaires. L’exploration de ces nuits a permis de faire la démonstration des possibles, des transformations urbaines engagées. La nuit comme marge temporelle permet l’effervescences de pratiques, qui doivent être au service de la construction de la métropole, c’est en cela qu’elle devient “augmentée’’. Intégrer les marges spatiales, temporelles, sociales, économiques au processus de projet urbain est garant d’une réponse durable aux enjeux du territoire.
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32 GWIAZDZINSKI Luc, «Paris augmenté, le tourisme nocturne moteur et laboratoire métropolitain», dans Gravari-Barbas Maria, Fragoni Edith, Métropolisation et tourisme, 2013, Belin,p.289-301
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Alors que la métropole politique peine encore à s’organiser, alors que la face oubliée de la ville s’invite dans l’actualité du jour, la nuit peut effectivement devenir un laboratoire, une plateforme d’innovation ouverte, un chantier de la fabrique métropolitaine. Alors que le jour colonise peu à peu la nuit, il est intéressant d’imaginer que des savoirs de la nuit, des approches plus sensibles et humaines de la société peuvent contribuer en sens inverse à « nocturniser » le jour32.
CONCLUSION
CONCLUSION
La qualité de l’architecture, de l’urbanisme ne peut se restreindre au simple geste spatiale, esthétique ou à sa capacité de répondre à toutes les échelles. Longtemps entrepris et perçu sous l’égide du temps diurne, l’aménagement de nos métropoles se confronte à nos sociétés contemporaines, aux pratiques changées et aux vies désynchronisées. C’est de ce souci, que l’intérêt au pour le temps - et particulièrement le temps de la nuit - s’est imposé comme un nouveau regard pour répondre aux enjeux de la ville de demain, soucieuse de nos usages.
L’urbanisme est un outil pour façonner, fabriquer L’urbanisme est un outil pour façonner, fabriquer et habiter les métropoles de demain. En prenant en compte les conflits sociétaux, les conflits d’usages d’aujourd’hui, il peut apporter plus de lien dans nos milieux de vie. L’urbanisme est un cadre qui construit le contexte propice de l’effervescence de métropole (régies par des lois, des gouvernances spécifiques, des prospectives), là où l’architecture se doit de répondre et mettre en pratique ce contexte pour favoriser le lien entre les Hommes. Ce nouveau cadre contemporain ne doit pas s’affranchir des nouvelles pratiques, mais bien les intégrer pour que les métropoles puissent correspondre aux usages territoriaux et à leur identité. C’est dans un climat de crise, qui s’invite tous les jours dans l’actualité, que l’urbanisme et l’architecture doivent s’adapter à ces changements. La volonté de pratiquer nos villes de tout temps, à toute heure, prend place dans les réflexions actuelles pour une société vivant de plus en plus désynchronisée et plus que jamais friande (ou avide) du temps de la nuit. La ville, construite longtemps pour le jour, s’adonne aujourd’hui à devoir être construite pour ces rythmes
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nouveaux. La nuit constitue un de ces temps “envahi” qui, au-delà des mythes d’insécurité et de liberté, se propose comme un temps d’innovation pour la métropole de demain. L’intégration de ce temps nocturne dans le ménagement et l’aménagement métropolitain est déjà engagée depuis quelques années dans ce souci de préparer le “socle” propice et habitable par nos sociétés changeantes.
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La nuit, “continent” envahi, se caractérise comme le nouvel espace-temps, la nouvelle marge temporelle qui fabriquera la métropole durable. Perçue comme territoire frontière de par sa définition ambiguë et complexe, elle dévoile par sa géographie (l’archipel nocturne) les véritables enjeux spatiaux et sociétaux. Comment “libérer” et promouvoir ces espaces-temps comme terrain d’action à l’urbanisme pour une métropole durable et accueillante ? La compréhension de cet archipel et des conflits qu’il engendre, permettrait d’envisager la résolution du lien entre ces espaces de marges, de diffuser une culture des pratiques nocturnes dans des espaces de la ville que l’on a écartés des politiques d’aménagement ou encore de partir à la reconquête d’espaces délaissés. La mise en tourisme de la nuit a été la première réponse apportée dans les politiques pour diffuser la culture de ce territoire de la nuit. Utilisée comme un laboratoire d’expression, d’expérimentations culturelles, la nuit apportent l’attractivité, l’innovation nécessaire à la métropolisation de Clermont-Ferrand, cette jeune métropole et ambitieuse future capitale européenne de la culture. Ainsi, par le biais d’un nouveau regard sur les rythmes métropolitains, la nuit s’inscrit dans la métamorphose des territoires au croisement des changements de paradigmes : la nuit, comme marge temporelle au service des bouleversements urbains et sociétaux.
La fabrique de la métropole par la nuit, réponse pour l’avenir ? Ce mémoire pose les questions sur l’actualité de l’aménagement des métropoles et recherche une façon d’y améliorer les pratiques quotidiennes. Toutefois, il demeure compliqué d’attester si ces méthodes, ces nouveaux regards répondront aux attentes futures de la métropole. Les potentiels soulevés aujourd’hui seront-ils les mêmes demain ? Quoi qu’il en soit, ils ouvrent les possibles et une capacité à s’adapter aux mieux à notre cadre de vie. Ce dessein que doit porter, à mon sens, l’urbanisme nocturne, soucieux d’un territoire fortement habité et investi, s’inscrit dans une volonté de chercher les facteurs qui fabriquent une ville plus active, accueillante afin de répondre aux problématiques de société désynchronisée. Cette pratique de l’urbanisme et de l’architecture est pour moi un acte motivant dans la recherche de solutions alternatives pour faire les métropoles de demain. Ces disciplines doivent essayer de se nourrir des critiques contemporaines pour véhiculer les valeurs de ces nouvelles marges, ici même la nuit.
Il faut alors se demander si l’observation de cet archipel nocturne, à travers la métropole de Clermont-Ferrand, des nuits ordinaires et extraordinaires, permettra de correspondre aux attentes du quotidien et de changer les politiques en cours. Les expérimentations menées dans le ‘’laboratoire de la nuit’’, ramènent le métier d’architecte à une technique de médiateur, de “préparateur” spatial aux pratiques nocturnes ? Comment cette nouvelle conscience de la nuit, marge temporelle, territoire laboratoire peut s’inscrire dans la pratique architecturale et
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urbanistique ? Quelles conséquences et quelles formes pourraient-elles avoir sur nos métropoles ? Comment l’aménagement de nos villes pour la nuit, aujourd’hui entre les mains de seulement quelques acteurs, peut montrer la voie à d’autres rythmes métropolitains ? Après avoir posé le cadre institutionnel par des gouvernances, devons-nous, nous architectes et urbanistes, prendre le relai pour cette mission ? Ces questions impactent le caractère multidisciplinaire de ce métier et soulignent l’importante mission que nous nous devons de porter dans l’aménagement d’espaces pensés au service de l’Homme.
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CONSEIL NANTAIS DE LA NUIT Nantes, créé en 2015
https://www.nantes.fr/conseil-nuit
Comme de nombreuses villes qui aujourd’hui veulent intégrer la temporalité “nuit” à leur politique d’aménagement urbain, Nantes a pris ce pas-ci dès 2015. C’est sous la forme d’un conseil constitué par les acteurs de la nuit ou ses habitants (allant du citoyen au professionnel de la nuit). Ce conseil fonctionne en ateliers, groupes de travail ou expériences pour débattre, faire des appels à projets autour de ces questions de la nuit urbaine. Il réunit une centaine d’acteurs locaux de la nuit, élu(e)s et services de la Ville de manière annuelle. Ce conseil avait pour thème les vulnérabilités liées à la nuit. Ouvert donc à tous, il a pour ambition de “trouver un bon équilibre pour la ville la nuit”. Ce “bon équilibre” se dirige majoritairement vers des questions de transport ou médiation du milieu nocturne à Nantes. OBJECTIFS > Question des transports (Luciole le bus noctambule)
> Exploration de la nuit (connaissance des acteurs, équipements ou terrain de la nuit nantaise) > Question de la solidarité la nuit (diagnostic des publics vulnérables la nuit)
> Question de sécurité (Cheminement piéton, éclairement ou éclairage ?, les genres et espaces publics de la nuit. > Questions des nuisances sonores (projet des “stations nocturnes” lieux de transitions de fin de nuit afin d’attirer les regroupements nocturnes vers des lieux sécurisants pour les publics et éloignés des habitations) stationsnocturnes
> Proposer une meilleure connaissance et offre nocturne (événementielles comme de service) ACTIONS Un appel d’offre lancé en octobre 2017 a retenu 11 projets nocturnes sur 50 déposés afin d’encourager l’offre nocturne alternative et soutenir des initiatives innovantes. Tous ces projets sont des initiatives d’associations nantaises. La plupart est thématisée par des déambulations nocturnes, des performances artistiques, des visites de lieux oubliés, des projections lumineuses ou cinématographiques. Un budget de 47 400€ a été mis en place par la municipalité prenant vie courant 2018.
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CONSEIL DE LA NUIT DE PARIS Paris, créé en 2014
https://www.paris.fr/nuit
Suite aux États Généraux de la Nuit qui se sont tenus en 2010, le Conseil parisien de la Nuit a été créé en décembre 2014 pour permettre une concertation et une structuration de l’ensemble des acteurs parisiens de la vie nocturne. Le Conseil est animé par Frédéric Hocquard, Adjoint à la Maire de Paris en charge de la Vie Nocturne et de l’Économie Culturelle. La politique de la nuit est animée au niveau local par les Élus Référents Nuit des mairies d’arrondissements.
Cette assemblée rassemble plusieurs des institutions (ville de Paris, préfecture de Police, Conseil régional, office du tourisme), des associations, des syndicats, des organismes spécialisés (transport, urbanisme, culture, santé, droit), des chercheurs, artistes, gérants de clubs et usagers. Elle effectue des réunions une à deux fois par an afin d’évaluer les différents avancements.
OBJECTIFS
> De nouveaux espaces pour les nuits à Paris > Prévention des conduites à risques > Vie nocturne et discriminations > Mobilités nocturnes > Tranquillité publique > Les commerces et le travail la nuit > Information et promotion de la vie nocturne | 114
ACTIONS Il y a eu la création d’un manifeste parisien de la vie nocturne établissant les grands axes directeurs des stratégies à entreprendre dans le futur. Ce sont notamment des espaces publics ouverts et diversifiés, des équipements ouverts plus tard qui répondent à l’offre nocturne et à l’aménagement de la ville. Le concours Réinventer Paris II participe à cela aussi avec plusieurs appels à projets sur des friches à usage nocturne fort.
NACHTBURGEMEESTER (Maire de la nuit)
Amsterdam, créé en 2002 Plus largement le Nachtburgemeeste est un titre très attribué au Pays-Bas mais Amsterdam reste un exemple majeur de part son expérience et l’inspiration qu’il a su suscité dans le monde. Le maire de nuit d’Amsterdam est un partenaire de discussion actif pour tous les participants de la vie nocturne de la ville, tels que l’industrie créative nocturne, le maire, le conseil municipal et les usagers de la nuit. Il est élu pour deux ans avec possibilité de réélection. En 2016, un conseil de nuit a été mis en place avec douze membres dans quatre catégories: clubs, festivals, culture et diversité et sécurité et réglementation. Depuis 2012, le maire du maire fait également partie de l’équipe d’experts du maire d’Amsterdam. Mirik MILAN (2012-2018) Élu en 2012, il a supervisé l’introduction des permis de 24 heures en 2013, permettant à 10 cas, dont 3 clubs , de rester ouverts 24 heures sur 24. Milan a été réélu en 2014 et a organisé en avril 2016 le premier sommet international des maires de nuit.
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BIBLIOGRAPHIE & TABLE DES MATIères
BIBLIOGRAPHIE
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- COLLECTIF CHRONOTOPIE, Chronotopie. Lecture et écriture des mondes en mouvement, Elya Éditions, 2017.
- CAUQUELIN Anne, La ville la nuit, la politique éclatée, Éditions puf, Paris, 1977
- ESPINASSE Catherine, GWIAZDZINSKI Luc, HEURGON Edith, La Nuit en question(s), : Colloque de Cerisy, France, Éditions de l’Aube, 2005. - FOUCAULT Michel, Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales), 1967
- GWIAZDZINSKI Luc, Nuits d’Europe. Pour des villes accessibles et hospitalières, Montbéliard, UTBM, 2007.
- GWIAZDZINSKI Luc, La ville 24 heures sur 24. Regards croisés sur la société en continu, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2002. - GWIAZDZINSKI Luc, La Nuit, dernière frontière de la ville, Paris, Rhuthmos, 2005.
- LEFEBVRE Henri, “Le droit à la ville”, dans L’Homme et la société, numéro 6, 1967, p. 29-35 119 |
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- NARBONI Roger, Les éclairages des villes, vers une urbanisme nocturne, Paris, Editions inFolio, 2012 THESE
- CHALLEAT Samuel, ”Sauver la nuit” : empreinte lumineuse, urbanisme et gouvernance des territoires, Histoire. Université de Bourgogne, 2010.
- CHAUSSON Nicolas, La nuit: émergence d’un nouveau temps de vie, dir. SCHERRER Franck, Institut d’urbanisme de Lyon, 2008 - GUÉRIN Florian , DEFRANCE Adrien, Une nuit à Paris. Une marche urbaine exploratoire de nuit dans Paris, UPE, Université Paris-Est; Université Paris-Ouest-Nanterre-la-Défense, 2015.
- GUÉRIN Florian, HERNÁNDEZ GONZÁLEZ Edna, Les marches urbaines exploratoires de nuit : une critique socio-urbaine en situation, Sciences du Design, Presses Universitaires de France, 2017, Design et santé, 2, 2016 ARTICLES
- BERTIN Sylvain, PAQUETTE Sylvain , “Apprendre à regarder la ville dans l’obscurité : les « entre-deux » du paysage urbain nocturne”, dans Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 9 | 2015, mis en ligne le 19 octobre 2015, consulté le 03 décembre 2018. URL: <http://journals.openedition.org/eue/603> - BONFIGLIOLI Sandra, “Les politiques des temps urbains en Italie” dans Emplois du temps, Les annales de la recherche urbaine, numéro 77, 1997, p. 22-29 - BOULIN Jean-Yves, “Les temps de la ville”, dans Projet, rythmes et temps collectifs, dir. BOULIN Jean-Yves, 2003, numéro 273, p. 82 | 120
- Collectif CANDELA , «Pour une sociologie politique de la nuit ?. Introduction », dans Cultures & Conflits, 2017, numéro 105-106, p. 7-27. URL : https://www.cairn.info/revue-cultures-et-conflits-2017-1.htmpage-7.htm
- CHALLÉAT Samuel & LAPOSTOLLE Dany, « Prendre en compte les usages pour mieux éclairer la nuit », dans Métropolitiques, 14 décembre 2017. URL: <https://www.metropolitiques.eu/Prendre-en-compte-les-usagespour-mieux-eclairer-la-nuit.html>
- GIORDANO Emanuele , NOFRE MATEU Jordi, CROZAT Dominique, “La touristification de la vie nocturne : une nouvelle frontière pour la recherche sur la nuit urbaine”, dans Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 866, mis en ligne le 15 octobre 2018, consulté le 22 novembre 2018. URL : <http://journals.openedition.org/cybergeo/29473> - GWIAZDZINSKI Luc, « Pour une mise en tourisme des nuits urbaines », dans Cahier espaces, numéro 103, 2009, p. 44-56
- GWIAZDZINSKI Luc, 2013, « Paris augmenté. Le tourisme nocturne moteur et laboratoire métropolitain », dans GRAVARI Barbas, FRAGONI E., Métropolisation et tourisme, Belin, p. 289-301 - GWIAZDZINSKI Luc, “La nuit est un front pionnier” dans BERTIER Marie, Les autres possibles, vie nocturne, Nates, 2016, numéro 5
- MALLET Sandra, «Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme.», dans EspacesTemps.net, Avril 2013, URL: <https://www.espacestemps.net/articles/amenager-les-rythmespolitiques-temporelles-et-urbanisme/> - PAQUOT Thierry, “Pour un urbanisme chronotopique”, dans Revue Urbanisme, mars-avril 2009, numéro 365, p. 64-68
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- PERRIN Laurent, “Les architectes créent la nuit urbaine”, dans Hémisphères, Réinviter la nuit, revue suisse de la recherche et de ses applications, décembre 2016, numéro 12, p. 59-63 WEBOGRAPHIE
- ARMENGAUD Marc, Paris métropole … de nuit, ENSA Paris-Malaquais, 2006 URL: < https://parismetropolenuit.wordpress.com/ > - AWP, “Troll Protocol”, dans www.awp.fr, 2003, URL: < http://www.awp.fr/project/awp-troll/ >
- MSV architectes urbanistes, “Genève, la nuit stratégie territorial pour la vie nocturne culturelle et festive”, dans www.ge.ch, Juin 2017, URL: <http://ge.ch/dip/actualites/geneve-nuit-strategie-territorialevie-nocturne-culturelle-festive> CONFÉRENCES
- GWIAZDZINSKI Luc, exposition Les nuits parisiennes, du Palais-Royal au Palace, Hôtel de Ville de Paris, 01h05, 26 janvier 2018. PODCAST
- GWIAZDZINSKI Luc, Jusqu’au bout de la nuit (1/4) : Pour une géographie de la nuit, France Culture, 00h51, 27 mai 2013. URL: <https://www.franceculture.fr/emissions/culturesmonde/ jusquau-bout-de-la-nuit-14-pour-une-geographie-de-la-nuit> FILM
- BAREYRE Matthieu (réalisateur), L’époque, 2018, 94min. | 122
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction | 9 La nuit, marge du jour
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La nuit, territoire opportun La nuit clermontoise Protocole & développement
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LA NUIT,
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FRONTière
UNE GÉOGRAPHIE PARALLÈLE DE LA MÉTROPOLE
Le territoire obscur, face cachée de nos jours
| 28
La nuit, soeur du jour
| 28
La mythologie de la nuit
| 29
Les temps de la nuit
| 30
Les frontières de la nuit
L’archipel de la nuit, un territoire temporel
| 34
Une marge palpable à explorer
| 34
Une marge spatio-temporelle, l’entre-deux jours
| 34
Le paysage nocturne, géographie parrallèle au jour
| 36
Les forteresses de la nuit
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La conquête de la nuit, diurnisation & désynchronisation de la nuit Un territore en éveil
| 124
| 31
| 60 | 60
La nuit comme rythme urbain envahi, la diurnisation
| 61
Mise en valeur du paysage nocturne, l’artificialisation
| 63
67 |
LA NUIT,
laboratoire UNE FABRIQUE DE LA Métropole accueillante
72 |
Métropole chronotopique, conscience des temps du territoire
72 |
Un droit à la ville en continu ?
72 |
L’urbanisme temporel, un outil pour répondre aux enjeux métropolitains Les gouvernances de la nuit, un outil institutionnel
74 | 77 |
80 |
Pour des espaces publics nocturnes hospitaliers & accessibles
La mise en tourisme des nuits clermontoise, Perturbation du territoire nocturne
80 |
Les temps extra-ordinaires de la nuit, Territoire d’inventions métropolitaines
82 |
Efferevences des nuits clermontoises, le laboratoire des transformations urbaines
87 |
Nuits en festival, regard internationale sur une jeune métropole
90 |
Nuits en promenade, retour à la marche urbaine
98 |
Nuits étudiantes, habiter en périurbain & profiter de la forteresse festive
105 | Conclusion 111 |
ANNEXES
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Bibliographie & table des matières
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