Lettre aux Adhérents No5, octobre 2013

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n°5

octobre 2013

lettre adhérents aux

SOMMAIRE

édito

éDITO au fil de l’AG paroles d’acteurs best of blog

/1 /2 /5 / 10

OBJECTIF :

ÉCHANGER POUR DONNER DU SENS ET BÂTIR LA SOLIDARITÉ

L’

assemblée générale s’est déroulée le 25 mai dernier. Nous avons vécu de nombreux échanges, des moments d’expression militante, d’engagement citoyen et d’affirmation politique. Mobilisés, les adhérents ont pris part à cet acte fondamental de la vie démocratique de l’association et comme chaque année, ils ont accordé leur confiance à un nouveau conseil d’administration. Malgré la réalité de la crise économique, la collecte des fonds a été satisfaisante en 2012. La présentation du rapport financier par Christophe Adam, notre trésorier, a mis en évidence le respect des équilibres financiers souhaités par l’association : consolidation des missions sociales, maintien de l’indépendance financière et un compte de résultats légèrement excédentaire. Une situation saine qui permettra à l’association d’engager sereinement de nouvelles missions. J’ai présenté, dans le rapport moral, l’impact des orientations politiques du conseil d’administration sur les programmes de MdM. J’ai mis l’accent sur les missions qui nous ont mobilisés tout au long de l’année, et que l’ensemble des équipes ont mises en œuvre ici et là-bas. Ainsi dans les zones de crises et conflits,

nous avons en permanence ajusté nos actions pour intervenir au plus proche des populations tout en en conservant la spécificité de l’association. En Syrie, nous avons dénoncé à plusieurs reprises le non-respect du droit humanitaire international. Nous avons réaffirmé à l’ensemble des acteurs armés que les principes humanitaires ne sont pas négociables, que la sanctuarisation des lieux de soins et la sécurité des soignants doivent être respectées. Au Mali, nous avons pris nos distances à l’égard de l’intervention militaire de l’armée française. Nous avons réaffirmé ne pas vouloir être le service après-vente de l’armée française au Nord Mali. Nous avons écouté lors du forum du vendredi, des points de vue différents des acteurs maliens. Ainsi, nous continuons notre travail en santé pour répondre au mieux aux demandes de la société civile malienne. Forte de la légitimité des actions des missions France, l’association reste mobilisée pour dénoncer les mesures et les actes qui conduisent aux inégalités, à l’exclusion, à la stigmatisation et à la xénophobie. Dans les mois qui viennent, la levée des restrictions sur le droit au séjour des étrangers malades va nous mobiliser. Par

ailleurs, il faudra maintenir notre indignation à haut niveau pour que les populations roms trop souvent stigmatisées et marginalisées, puissent voir leurs déterminants de santé s’améliorer. En ce qui concerne la gouvernance de l’association, une première motion visant à promouvoir le renouvellement des cadres associatifs a été adoptée de façon très majoritaire par l’assemblée générale. Des balises ont ainsi été proposées pour éviter le cumul et la durée des mandats des différentes fonctions associatives. De même, une deuxième motion a été votée pour ouvrir l’adhésion aux salariés expatriés ce qui facilitera l’émergence d’adhérents issus du secteur international. Désormais les axes thématiques structurent notre plaidoyer. Les groupes qui les portent se sont consolidés, et proposent des stratégies d’influence pluriannuelles : - La promotion de la réduction des risques avec l’ouverture des nouveaux projets en Afrique et en Asie nous permettront de donner de la force à notre plaidoyer concernant la lutte contre le VIH et le VHC. - Les positionnements en santé sexuelle et reproductive se déclineront d’ici la conférence du Caire de 2014 en une campagne sur le « Droit à décider » : en


abordant aussi bien les aspects de planification familiale, que les questions d’accès à l’avortement sûr et légal. - Un espace de réflexion transversale sur les urgences (ERUC), consacré aux interventions en situation de crise, sera également animé périodiquement. Il nous reste à développer l’axe relatif à la santé des migrants, et ce de manière transversale, entre les initiatives du secteur

France, du secteur international et des membres du réseau. Le colloque que nous organisons à Istanbul au mois de novembre prochain, sera l’occasion de préciser les objectifs et la stratégie à venir. À l’automne, un chantier qui structure tous les deux ans notre stratégie en France nous a réunis. Les journées de Missions France en septembre ont été l’occasion de retravailler l’approche populationnelle que privilégie le secteur France et redéfinir les

axes de plaidoyer pour les années à venir. Une vie associative en plein essor mais qui ne sera féconde qu’avec votre participation, pleine et entière. Je compte donc sur vous, dans vos missions en France et à l’international, dans vos délégations, dans vos groupes pour continuer à l’enrichir et préciser les actions de notre association. Amitiés solidaires Dr Thierry Brigaud, Président de Médecins du Monde

« Heuristique de la création en Humanité » Opéra associatif en 4 actes & 2 intermèdes Prolégomènes Comme une histoire mise en musique, les rencontres autour et au cours de l’assemblée générale, temps d’échanges réciproques de savoirs et de création, pourraient être un livret d’opéra. En l’espace de 6 jours, plus de 500 acteurs de l’association ou partenaires ont investi le siège par vagues successives. Des expatriés, des cadres associatifs, des adhérents, des acteurs du réseau international, des représentants de nos partenaires et donateurs, d’anciens salariés ou d’anciens administrateurs toujours fidèles. Tous ont joué leur partition. Mais toujours pas de représentants des staffs nationaux. Les échanges ont eu lieu en plénières ou en ateliers, dans les couloirs ou bureaux, dans le hall ou les coursives, dans la rue ou les cafés restos du coin. Tous les espaces ont été investis. Mais toujours pas de off, de zone autonome temporaire ou de happening underground. Une boîte à idées a circulé, le grand vitrail de la cathédrale (affiche du hall en haut de l’escalier) a été changé, l’agenda a été allégé, le verbatim s’est enrichi et l’AG a été transmise en vidéo. Pour autant, le ballet est resté classique et le logo académique.

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Lundi : une ouverture symphonique aux tempos enchaînés Ouverture matinale par une présentation des missions sociales par le président, présentation prolongée par une analyse de contexte, des tendances et conjonctures par le directeur général. Passée l’ouverture, lever de rideau par les groupes thématiques ici et làbas : « Santé sexuelle & reproductive » (SSR), « Santé environnementale » (SE), « Crises et Conflits » (CC), « Migrations » et « Lois, Sexes & Drogues » (LSD). (Pour suivre l’avancée de nos plaidoyers, rendez-vous sur le blog). Les exposés des animateurs et administrateurs des groupes sont clairs et les questions des coordinateurs bien ciblées et ancrées aux terrains. L’air et la terre se parlent. Les risques ont été à l’honneur : risque de montée des conservatismes et de dispersion pour le groupe SSR, risque lié aux lobbies industriels pour le groupe S&E, risque de standardiser les réponses pour le groupe Crises & Conflits, risque complexe - interne et externe - pour penser le plaidoyer Migrations et enfin, risque de sectorisation du plaidoyer pour le groupe LSD. Les avancées concrètes (documents de

Plaidoyer SSR Promouvoir le droit et l’accès à l’avortement sans risque et légal, promouvoir la levée des barrières financières à l’accès aux soins Plaidoyer LSD Réformer les lois, politiques et réglementations nationales et internationales de criminalisation, répression et contrôle des personnes consommant des drogues ou se prostituant au profit d’approches fondées sur la santé publique et les droits humains ; promouvoir l’accès au dépistage et au traitement de l’hépatite virale C ; promouvoir l’évolution du concept et des pratiques de RdR en Afrique ;promouvoir l’évolution du sens et des pratiques de RdR dans le monde.

référence, ouvrages collectifs, transformations acquises) et les prochains rendez-vous internationaux ont été tout autant exposés. Les risques sont évalués et gérés, les enjeux sont précisés ou en cours de précision, les plaidoyers battent le rythme d’un engagement bien ordonné et en lien avec


les missions et partenaires. Ce jour, il y avait là, tout ce que chacun peut attendre en matière de stratégie. Du mardi au jeudi : les coordinateurs battent le rythme et donnent le la. Le matin, des rencontres en plénière, entre binôme « directeur – administrateur » d’une part et « coordos » d’autre part, viennent poser la symétrie du rapport entre le siège et les terrains. L’après-midi, des ateliers, animés par des acteurs choisis par les coordos, viennent préciser des aspects liés à certains plaidoyers (SSR par exemple), améliorer les pratiques, promouvoir de nouveaux plaidoyers ou résoudre des aspects fonctionnels. (lire dans ces colonnes, les synthèses des ateliers). Autour de ces demi-journées, quelques triptyques se retrouvent, des satellites imprévus s’organisent, des faunes et des ondines habillent les murs d’appels à mobilisation ou d’invitations à partager un appartement, les tables et les chaises dansent dans un ballet incessant.

Les recommandations des coordos à l’adresse du CA • Chantier RM : Poursuivre, dans la concertation, la clarification des rôles et responsabilités des instances et des acteurs ; communiquer à l’ensemble des acteurs les rôles et responsabilités des instances afin que chacun en comprenne bien le fonctionnement ; mobiliser les coordos autour de la mise en œuvre des propositions faites aux JDM 2013 ; solliciter les coordos en matière d’appui/feed-back quant aux adaptations nécessaires, notamment sur le secteur France ; à l’international, les coordos s’interrogent sur la logique qui amène à proposer le principe d’un RM par projet. • Réorganisation de la DOI : Veiller à impliquer les coordinateurs et à tenir compte des besoins des terrains dans la mise en œuvre de la réorganisation ; communiquer de manière claire et pédagogique sur les raisons et modalités de la réorganisation au siège ; impliquer les représentants des coordinateurs au groupe de travail qui accompagnera la réorganisation sur le terrain et la répartition des tâches ; doter les terrains des moyens (RH, soutien, formation) nécessaires pour assumer leurs nouvelles responsabilités.

Vendredi : les chœurs des groupes s’en • Faire vivre la thématique de la santé mentale : donnent à cœur joie ! Organiser un workshop, avec l’appui du siège, pour définir une position, une approche et Le matin les coordos présentent leurs recom- leur déclinaison en termes opérationnels (France et international).: travailler à l’amélioration mandations au Conseil d’Administration. et à l’harmonisation des pratiques, des standards minimums requis, notamment sur les Le CA expose les motions issues des uni- missions ; développer les espaces d’échanges et de concertation concernant l’avanceversités d’automne d’Angoulême 2012 et ment des chantiers RH; promouvoir l’évolution du concept et des pratiques de RdR en à débattre en AG le lendemain. Questions, Afrique ;promouvoir l’évolution du sens et des pratiques de RdR dans le monde. réponses... Duo mis en relief par les chœurs. L’après-midi : les groupes géopolitiques accueillent les coordos. Au groupe France, les débats ont porté sur 1/les articulations et nourrissent chacun. Du groupe France, sous le signe de la coopération sud sud tant entre les groupes (groupe Eufrac, groupe jusqu’aux groupes de plaidoyer, les débats en matière d’action terrain que d’adaptation Europe, groupes de plaidoyer LSD, SSR et de sens et de stratégie gagnent progressi- des plaidoyers au regard des déterminants Migrations…) ; 2/le métissage des compo- vement tous nos espaces. socioculturels et économiques locaux. santes statutaires pour faire vivre les actions Vendredi, le forum a pleinement joué et la stratégie opérationnelle (notamment la Jeudi et vendredi soir : sa fonction d’ouverture et de remise en réactivité face aux périls imminents) ; 3/les intermèdes ! question de nos certitudes. Forum un peu articulations aux réseaux et collectifs en local, Deux forums, le jeudi avec le Groupe Amé- long donnant la parole à une société civile régional et national, c’est-à-dire, et d’évi- rique latine et le vendredi autour de la situation malienne diverse. La question de la négodence : les stratégies d’influence. au Mali. Jeudi, en ce qui concerne le débat sur ciation avec les acteurs arrmés du Nord Mali Les anciens ont transmis aux plus jeunes et les violences liées au genre en Amérique latine faisait débat entre les différents intervenants. reviennent passer une tête pour voir ce qui et en Afrique, il s’agissait plus d’une table C’est de la société malienne que viendront se joue aujourd’hui. Les notes de probléma- ronde que d’un forum. Pour autant, la matière peut-être des solutions, aux humanitaires tisation et synthèses de séminaires circulent était au rendez-vous et elle était clairement de trouver leur place auprès d’eux. lettre aux adhérents_mars 2013 / 3


Quelques chiffres sur la participation : 249 adhérents présents, 90 adhérents représentés par délégation et aucun vote par correspondance soit 339 inscrits pour 1 602 adhérents au 31 décembre 2012. Soit une participation de 21 %.

La composition du nouveau CA : Président : T. Brigaud Vice-présidents : F. Sivignon et L. Jarrige Trésorier : C. Adam Trésorier adjoint : G. Pascal Membres titulaires : A ; Junca – A. Brezovsek – C. Laval - O. Maguet – P. Davis Membres suppléants : J. Jacquet – P. de Botton

embarquées dans une résolution politique Samedi : le silence et plus générale autour de la gouvernance les notes autour. Sous la baguette de Serge Lipski et d’Anne et/ou autour du projet associatif explicité Urtubia, l’assemblée générale était pacifiée a minima. Mais le résultat est là. Nous au point que, pour certains, elle aurait man- sommes prêts à travailler notre composante qué d’enjeux, de frottements ou d’expres- et à ne plus figer l’encadrement associatif. Reste encore, à partager et à faire passion des contre-pouvoirs. Ce constat vient confirmer que les années ser, deux réflexions issues des ateliers des où se déroulent les assemblées régionales, universités d’automne 2012 : la charte du l’assemblée générale mobilise moins que responsable de mission et la structure de d’ordinaire. Par ailleurs, et en lien avec le fort l’assemblée générale. renouvellement des collèges régionaux, il a été observé une recomposition des adhé- Dernier acte : quintette rents présents : beaucoup de nouvelles de candidatures au Conseil figures et, chez les nouveaux venus, une d’Administration connaissance modérée des enjeux internes Présentation des cinq candidats, à chacun à l’association, des cadres associatifs ou son style et ses priorités. Au moment du membres du CA (anciens, en vigueur ou vote, dans l’ombre des coursives, a capela, quelques minois jouent leur partition. 5 cancandidats). Pour autant, s’arrêter à cette analyse des didats pour 4 postes de titulaire et 1 poste causes, viendrait à occulter l’intérêt et la de suppléant à pourvoir… Comment voter ? qualité des interventions autour du rapport Progressivement, après le vote, les acteurs financier ou moral et ayant porté sur : l’évo- se dispersent dans la rue Marcadet écralution de la masse salariale, le rapport aux sée de soleil, dans les rues adjacentes ou donateurs, la place accordée à la santé d’autres quartiers. Ils rejoignent une terrasse, environnementale ou nos changements en une chambre, un lieu pour se retrouver ou un matière de communication externe. Enfin, espace pour prolonger les échanges. deux interventions ont créé le débat autour à l’annonce des résultats, il s’en est suivi un du rapport moral : l’intervention de Chris- silence interrompu d’un Concertato à plusieurs tophe Buffet invitant à une vision stratégique, voix d’anciens présidents avec orchestre prospective, pluriannuelle (lire son interview d’administrateurs au 6e étage, en salle rue du dans nos colonnes) ainsi que l’intervention Jura. Premier conseil d’administration : comde Graciela Robert invitant à plus de combat position d’un nouveau bureau et validation des dans nos stratégies de transformation et de premières dates à l’agenda général. Final sur fond de Sacré-Cœur teinté des couleurs du changement en France et à l’International. Un bémol toutefois, et joué par quelques soleil couchant, crépitement de SMS et chant instruments, le rapport moral n’a pas ouvert discret des bulles de champagne. Au loin, la sur des débats autour des missions interna- Bastille invite tous les acteurs à la fête annuelle tionales – crises et conflits au Mali et en Syrie. de l’assemblée générale… L’après-midi, les motions ont été largement Rendez-vous aux prochaines chorégies approuvées. Certains adhérents ont même associatives, fin Mai 2014 ! exprimé être en attente d’autre chose et ont regretté que les motions n’aient pas été Livret rédigé par Patrick Beauverie

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Le rapport moral a été approuvé par 96 % des électeurs Les motions « cumul et durée des mandats » et « adhésion des expatriés à l’international » ont été approuvées respectivement par 93 % des électeurs et 88 % des électeurs.

Motion « cumul et durée des mandats » : l’assemblée générale a adopté la motion présentée par le CA visant à adopter les principes généraux suivants : • Le mandat de membre du conseil d’administration s’exerce avec impartialité, disponibilité et mobilité. À cet effet, tout administrateur s’engage à limiter à 9 ans consécutifs la durée de l’ensemble de ses mandats et à ne pas accepter d’autres fonctions électives à MdM pendant la durée du mandat. • Le mandat de membre de collège régional implique impartialité, disponibilité et mobilité. à cet effet, tout membre de collège régional s’engage à limiter à neuf ans la durée totale de ses mandats consécutifs à cette fonction. Seul le délégué régional s’engage à ne pas accepter d’autres fonctions électives à MdM pendant la durée de son mandat. • Le mandat de responsable de mission implique impartialité, disponibilité et mobilité. Le mandat de responsable de mission ne se cumule pas avec une seconde responsabilité de mission. Le mandat de responsable de mission pourra se cumuler : soit avec le mandat de membre de collège régional à condition que la mission dont il a la responsabilité dépende du dit collège ; soit avec le mandat de responsable de groupe à condition que la mission dont il a la responsabilité fasse partie du dit groupe. Motion « adhésion des expatriés à l’international » : L’assemblée générale a adopté la motion présentée par le CA visant à encourager l’adhésion de tous les expatriés (volontaires et salariés) qui la demanderaient.


Recommandations

issues des Ateliers

Les déterminants sociaux culturels (DSC) : • Accompagner les équipes France et International dans la mise en œuvre des outils, intégrer la DSC dans les documents de stratégie pays, systématiser les enquêtes DSC lors de l’écriture des projets et capitaliser les expériences DSC pour constituer des sources de documentation. Comment inscrire nos projets dans la durée ? • Développer une stratégie claire en matière de pérennisation de projet et promouvoir les échanges d’expériences dès la phase de diagnostic d’un projet, penser les partenariats comme clefs de la pérennisation et se doter d’outils pour les identifier, les accompagner, documenter et capitaliser sur les réussites et les échecs Actions et plaidoyer dans un contexte de montée de la xénophobie en Europe : • Former les équipes à répondre aux demandes du public précaire, s’assurer du respect de l’éthique humanitaire dans laquelle s’inscrit l’action de MdM (non-jugement, etc.), systématiser l’interprétariat professionnel lors des consultations. • Concevoir et mettre en œuvre un plaidoyer proactif sur l’interaction entre xénophobie et santé, définir un positionnement sur les migrations et mettre en œuvre une campagne, remonter à la communication les initiatives de terrain, engager un travail avec les communautés et élus locaux pour désamorcer les logiques de xénophobie, défendre la médiation sanitaire. S’adapter aux contextes de crises : • Améliorer la gouvernance en fonction de la situation et des capacités de réponses existantes, améliorer la préparation des missions pour une éventuelle réponse aux crises/urgences, améliorer la qualité de la réponse pendant les urgences, renforcer la gestion de la sécurité : • Propositions de sujets pour l’Espace de Réflexion Urgences et Crises : le positionnement, les financements pendant l’urgence; les partenariats, la gestion à distance ou remote control. L’implication de pairs ou de bénéficiaires dans nos équipes : • Avant : évaluer la pertinence du recrutement et bien définir la limite du partage d’expérience d’un travailleur pair. • Pendant : nécessité d’une rémunération de la mise à profit des compétences des pairs. • Après : pérenniser l’action mais aucune réponse « universelle » n’a pu être apportée ; à chaque programme sa solution, ses modalités, selon les objectifs et les moyens. • Développer le travail avec des groupes d’auto-support (GAS).

Paroles

d’acteurs Adhérente depuis 1987, France Arrestat conserve son implication et sa liberté de ton.

I

nfirmière et assistante sociale de formation, France Arrestat, adhérente depuis 1987 a participé à bon nombre d’AG. à l’occasion de la dernière elle nous a retracé son parcours étonnant, du Chili à la Palestine et nous livre sa perception de l’évolution de l’association.

Quand et comment as-tu rejoint Médecins du Monde ?

En fait, bizarrement j’ai été sollicitée ! à l’automne 1985, Christine, une infirmière de Bayonne, copine de mes enfants, revenait d’une mission d’un mois avec MdM au Chili. Elle s’obstinait à me persuader que je devais partir sur cette mission ! Bien sûr, j’avais un peu entendu parler de MdM, mais surtout du Chili car j’étais militante politique. J’étais rentrée depuis 1 an et demi de ma deuxième mission dans les camps palestiniens du Liban, avec une toute petite association, mais sans aucune intention de candidater auprès d’ONG comme MdM ou MSF qui, à mon avis, ne recrutaient que des jeunes ! Et j’avais déjà 50 ans ! Mais tenaces, Christine et d’autres Bayonnais partis nombreux au Chili sous l’influence du Président de l’époque, Pierre Pradier, m’ont organisé en catimini un rendez-vous avec lui au forum d’Agen. De toute façon j’allais au forum, alors pourquoi ne pas voir ces gens de MdM ? Mais je n’y croyais absolument pas. Je vous parle de Pierre Pradier, disparu depuis et je l’entends encore me dire en m’accueillant « j’apprends que tu es infirmière, assistante sociale, en bonne santé, que tu parles espagnol, que tu as du temps, que tu as fait deux missions au Liban et que tu ne veux pas partir ? ». C’était très inattendu pour moi cet accueil et j’ai dû répondre « mais je veux bien partir moi, mais cela dépend de vous, MdM ». Là-dessus il enchaîne que je vais être convoquée assez rapidement pour un entretien à Paris au siège. Difficile à croire et pourtant c’est arrivé sans tarder avec un certain Dr Mamou.

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toujours précieusement). Je fais la connaissance de Jean, infirmier, lui aussi de Bayonne avec qui je vais voyager mais qui ne restera pas à Santiago, étant affecté à San-Antonio sur la Côte. Quant à Javier, mon coéquipier il arrivera directement d’Espagne en décalé. Nous n’avons eu affaire durant ces formalités qu’à une personne et comprenons qu’ils doivent être 3 permanents au Siège : Salariés ? Bénévoles ? C’était en février. 1986. Nous savions déjà que notre seul référent serait le Dr Mamou, membre du CA, responsable Chili qui nous appellerait une fois par semaine à jour et heure fixes au central téléphonique de la ville Santiago. Malgré la dictature, le téléphone (écouté ou pas) ne marchait pas trop mal et c’était un très bon moment pour nous. L’arrivée à Santiago, c’est la fin de l’été, beau, encore chaud. Les deux de l’équipe sortantes et quelques jeunes chiliens nous accueillent. Le tuilage va être très court. Peux-tu nous décrire tes premiers pas à MdM ?

Le Chili, sous la dictature

On sera vite dans la poblacion choisie par le Dr Mamou lors de son premier passage au Chili, en banlieue sud en direction des cordon industrial (nouvelles organisations de base surgies en réaction à C’était en novembre/décembre 1985. L’entretien m’a rassurée. Sur la grande grève patronale d’octobre 1972, soutiens d’Allende, qui ce côté un peu « fashion » de ces nouvelles ONG dont je craignais furent sévèrement réprimés par la suite). Mon premier point fort a été que l’on y fasse beaucoup de bruit et peu d’analyse politique ! Je me la traversée à pied de la poblacion (les bus ne rentraient pas dedans) jusqu’au dispensaire. Ce n’était pas du tout la pauvreté absolue, peu souviens de m’être vite trouvée d’accord sur deux points : - la relativité de l’aide médicale qu’on allait apporter dans ce dispen- de hauteurs, de l’air, des emplacements bien déterminés. Cela ne saire né de la dictature, animé par des bénévoles à défaut de service rassemblait pas aux camps que j’avais connus ailleurs. Mais peu à peu on apprenait la réalité du pays. Deux jeunes de la même famille public proche ; tués là, d’autres enlevés ici, un peu plus loin des disparus, des déte- et l’importance à donner aux prisonniers politiques. nus et de temps en temps un beau mural peint par quelques jeunes C’était clair : solidarité affichée et cela m’allait bien. Partie au Liban locaux courageux et talentueux qui racontait l’histoire des lieux. sans confort, sécurité et moyens financiers, ce que m’offrait MdM La rencontre avec l’équipe chilienne n’était pas un événement pour me convenait : volontaire les deux premiers mois avec seulement eux qui travaillaient déjà sous le logo MdM depuis des mois. Avec le perdiem, indemnisée par la suite, logée chez l’habitant, en Javier, nous nous sommes organisés en fonction de l’équipe et en poblacion proche (un par famille), pas de voiture, pas de téléphone, toute liberté par rapport au référent : Javier aux consultations et en duo avec un médecin sans coordinateur. Seul un café en ville pour moi plus de prévention, de formation, de social, que de soins pour parler ! La mission devait durer six mois après les volonta- médicaux qui étaient assez convenablement assurés. Par ailleurs, il riats successifs d’un mois, donc possibilité d’envisager un autre y avait assez de prisons à Santiago pour que nous allions chacun investissement. C’était attrayant mais en attendant une réponse sur l’une d’elles avec un fort échange entre nous jusqu’à réussir une qu’on m’annonçait assez rapide, je restais toujours dubitative : « Il intervention difficile aboutissant à la libération d’un détenu diabétique m’a trouvée comment ? Qui décide ? Sur quoi ils décident ? Et du de 14 ans. Curieuse dictature où on peut visiter « un ami » mais camoufler MdM ! coéquipier médecin espagnol je ne sais rien etc. » Nous n’avions bien sûr pas demandé d’autorisation officielle et la visibilité de MdM n’était pas évidente à Santiago. Cependant, beaucoup de réseaux nous connaissaient, aussi bien dans le domaine de la santé que dans celui des détenus-disparus et de leurs familles. Nous étions accueillis dans leurs locaux faute d’en avoir un nousmême. Aussi, vers le quatrième mois, Jacky Mamou nous a appris qu’un coordinateur a été engagé pour la mission. à charge pour lui de trouver un appartement où l’équipe de MdM sera logée, ainsi qu’une salle de réunion très bien venue. Nous disposions depuis peu d’une voiture, rassurez-vous pas un 4x4, mais une superbe deux chevaux orange que Javier avait beaucoup maltraitée au début !

‘‘

J’ai une sorte de reconnaissance pour le bonheur que m’ont procuré les missions et les moments de grand partage, chargés de nostalgie et presque de regrets »

Assez vite la réponse attendue est arrivée : départ le 18 février. La joie ! Et juste le temps de s’organiser avec ma famille. Avant le départ, passage obligé au siège avenue de la République pour retirer quelque argent, mon billet, mon ordre de mission (que je conserve 6 / lettre aux adhérents_mars 2013

François, le coordinateur français marié à une Chilienne ex-détenue, a trouvé rapidement en plein centre de Santiago, l’appartement qui convenait en particulier pour les contacts qui se multipliaient. Ce changement de moyens ne nous empêchait pas de continuer notre travail à la poblacion. Mais la mission s’orientait vers une participation à la restructuration clandestine des services de Santé pour des temps meilleurs qu’on souhaitait proches. Finalement, sur ce point MdM allait dans le sens de l’histoire du Chili ! Pour MdM, travailler à Santiago c’était aussi pouvoir aller à Concepcion, aider une équipe de médecins ex-détenus à créer un dispensaire de type mutualiste, assez peu répandu dans les poblaciones.


Mais où sont passés les médecins disent les médecins quand ils parlent des missions ? Parce que là aussi j’ai assisté à l’arrivée des techniciens de programme, de gestion, de méthode avec des outils et un vocabulaire nouveaux dont raffolent les bailleurs. Le pouvoir va-t-il changer de camp ? Et la liberté de créer avec la population soutenue sera-t-elle entravée ? Quant à mon parcours, c’est une longue et merveilleuse histoire à laquelle je ne m’attendais pas. Je pense avoir pu traduire en action les sentiments qui m’animaient en politique quoique j’ai toujours gardé assez de lucidité sur la relativité de l’humanitaire, avec MdM aussi. La rigueur d’aujourd’hui bride-t-elle la créativité ?

Appelée par Jacky Mamou en 1987 je suis revenue d’urgence dans ce dispensaire remplacer trois mois le coordo obligé de s’absenter. Ma première mission au Chili m’avait vraiment ouvert les portes de MdM dont le fonctionnement interne me restait quand même peu connu. à ce sujet, la création rapide, au siège, d’un groupe Chili fut une réussite et finalement l’amorce des futurs groupes géopolitiques. Le groupe Chili sera alors fondu dans le groupe Amérique Latine.

Je pense que oui. Je crois l’avoir déjà exprimé. Les bailleurs sont intraitables, OK. Mais MdM ne reste-t-il pas trop dans le moule ? Peut‑être dans la mission-France y a-t-il plus d’inventivité ? Je l’ignore.Une meilleure écoute des groupes géopolitiques pourrait être un aiguillon pour la créativité, dans tous les cas un barrage à trop de « conventionnel ».

Afrique et Moyen-Orient Les portes ouvertes, je suis repartie en 1988 en Amérique du Sud, Argentine et Paraguay, comme RM cette fois, à la demande du délégué régional de Toulouse, membre du CA. La période des Balkans a été suivie depuis Toulouse. Et pourquoi pas tenter, en première expérience, une mission d’urgence à Djibouti : camps de transit pour déplacés éthiopiens, montés par l’UNHCR où MdM allait assurer le volet médical. Grâce à la confiance du RM, Patrick Hirtz, également membre du CA, j’ai pu partir un mois. Heureusement c’était dans le désert, où l’air était plus sec qu’à Djibouti ! Et voilà que le virus du Moyen Orient me reprend et qu’avec Jean Luc, médecin à Toulouse nous proposons un pays dont MdM parlait peu (et s’est bien rattrapé depuis) la Palestine, Gaza. Ce sera la réhabilitation d’un laboratoire dans le petit hôpital d’Al-Ahli, avec le recrutement d’un technicien expatrié pour un an. Le Sud Liban était tout proche (mais il faut faire un grand tour) et la réhabilitation sera cette fois pour des hommes et des femmes avec projet d’un centre médico-psychologique à Khiam, pour les ex-détenu(e)s de la prison de … Khiam. La zone occupée par Israël propos de l’AG. depuis 23 ans vient d’être libéré en mai 2000 le centre peut s’ou- Je n’ai pas de souvenir marquant de ma première AG, en revanche, vrir avec notre partenaire libanais, le Dr Mohanna. Il assure encore oui certaines ont été agitées à propos de la Palestine, à propos du aujourd’hui la direction de ce centre devenu multifonctionnel. caractère non politique de MdM revendiqué par les caritatifs de Et pour ne pas les oublier, j’ai de nouveau repris, avec émotion, le service. Agitée aussi sur la question du Darfour qui relayait un peu chemin des camps palestiniens au Nord et au Sud Liban entre 2005 la question palestinienne. et 2010 et c’est là que se termine mon parcours (terrain ?) à MdM. Pourquoi être toujours adhérente ?

Je reste adhérente parce que je m’intéresse toujours à MdM, que Pendant l’AG de cette année quelqu’un a dit « ce qui me plaît à MdM je fréquente encore le groupe Moyen Orient et que j’ai une sorte c’est la possible créativité qu’on y trouve. » J’ai partagé pendant de reconnaissance pour le bonheur que m’ont procuré les mislongtemps ce point de vue, me sentant tellement libre de prendre sions et les moments de grand partage, chargés de nostalgie et des initiatives sur le terrain, comme la déléguée, ou dans mon presque de regrets. Il est loin ce temps, mais comment l’oublier ? Où de passage par groupe. Libre de proposer, libre de m’opposer. Mais je sais que tourner à 3 au Siège en 1985 et maintenant à 200 hasard au Siège à République s’il y avait un CA ce soir-là, on s’assalariés, ça ne peut pas être tout à fait la même Maison. Le change- seyait par terre (par manque de chaises !) avec même un peu de ment s’est fait plus ou moins visible mais de plus en plus profond. 10 « bouffe » et on participait. C’est comme ça qu’est sorti un soir le nom directions gérant 30 services comment ne pas dériver si les contre- de « collège » pour qualifier le « pseudo CA » de délégation ! feux sont insuffisants, ça vous rend quelque fois un peu inquiet et Mais je ne suis pas triste, je sens bien lorsque je passe à Marcadet, nostalgique. Avant on disait « il y a le CA », « c’est la faute du CA » que je suis toujours « de la maison ». (on le dit toujours d’ailleurs !) – au passage tu peux remarquer que tous mes premiers interlocuteurs étaient médecins, membres du CA. Propos recueillis par Dominique Dumand et Charline Ferrand. Quel regard portes-tu sur ton parcours à MdM ?

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Strategy or not stratégy ?

I

nterview de Christophe Buffet, dit Kiko, adhérent depuis 2004, qui s’interroge et a fait part de ses interrogations à l’AG …

Merci de te présenter

Après avoir été volontaire et salarié, je suis membre du groupe Santé et Environnement de MdM. Je termine actuellement ma thèse de sociologie des sciences au Centre Alexandre Koyré (EHESS/ CNRS). J’étudie le rôle des ONG dans l’adaptation au changement climatique - à la fois dans les négociations internationales et les pratiques de terrain. Quand as-tu adhéré à MdM ?

Je suis adhérent depuis mon retour de ma première mission en Afghanistan, en 2004, où j’ai été administrateur, puis coordinateur. J’ai souhaité faire une pause après ces deux missions. J’ai retrouvé MdM, en tant que webmaster (!), le temps du congé de formation d’Alain Forgeot. Je suis ensuite reparti au Pakistan. à mon retour, j’ai eu un poste de webmaster au sein d’ACF, avant de reprendre mes études en 2008 pour un master 2 de relations internationales à l’IRIS. Une session était consacrée aux problématiques géopolitiques du changement climatique, ce qui m’a permis de comprendre les enjeux immenses que cela représente. Dans la foulée, j’ai réalisé mon Mémoire à MdM sur ce nouveau contexte pour les ONG et j’ai rejoint le groupe Santé et Environnement en 2009. J’ai aussi réalisé deux missions comme consultant pour MdM en 2010 et 2011 : une capitalisation du programme Madagascar, et une évaluation de ce même programme et des trois autres ONG financées par DIPECHO. Justement, parlons un peu de la réduction des risques de catastrophes. Quelle est la politique à MdM ? Comment MdM les prend-elle en compte ?

Depuis 2009, je n’ai pas encore vu une politique en ce sens. En revanche, un programme de réduction des risques de catas-

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trophes (RRC) à Madagascar a démarré en 2008. La démarche est intéressante car elle vise à sauver des vies au travers de mesures de prévention, tant auprès les bénéficiaires qu’auprès du système de santé lui-même. Aujourd’hui il reste à étendre cette thématique à l’ensemble des pays qui souffrent de catastrophes naturelles de manière récurrente. Par exemple, est-ce que nos partenaires à Haïti sont aujourd’hui plus à même de faire face à une catastrophe naturelle ? Les autres ONG (ACF, Croix-Rouge, Solidarités…) ont entre cinq et dix programmes de ce type. Elles disposent aussi d’au moins un référent salarié, de modules de formation interne, etc. Ensuite il restera à intégrer l’adaptation au changement climatique, ce que CARE a commencé dès 2003. Cela conduira à la notion de « résilience », qui est déjà un critère des bailleurs. Au sein du groupe Santé et Environnement, nous travaillons actuellement sur une stratégie à proposer à l’association, tant sur la prise en compte des risques environnementaux dans les programmes que sur la réduction de l’impact de MdM (par ex : bilan carbone). Ton intervention lors de l’AG, traduisait une interrogation spécifique à cette thématique ou un questionnement plus global ?

Le fait d’oser prendre le micro ne m’est pas naturel, c’était à la fois l’aboutissement d’une longue réflexion, et d’une certaine inquiétude. Au travers de ma thèse et des rencontres que j’ai pu réaliser avec d’autres ONG, j’ai observé que la plupart ont intégré l’environnement dans leur stratégie. L’absence de stratégie sur le plan environnemental est donc pour moi le reflet d’une absence de stratégie plus globale. Contrairement à ce que j’ai entendu, une stratégie n’est pas une norme. Les normes viennent d’ailleurs, et notamment des arènes internationales. Même si on installe une certaine distance par rapport à ces discussions et leur jargon onusien, elles deviennent ensuite des contraintes qui pèsent sur nos programmes (par ex. les questions de genre, la résilience, etc.). Nous les découvrons « en


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les ONG françaises se veulent indépendantes mais se retrouvent à devoir appliquer des normes édictées par d’autres »

bout de chaîne », dans les cadres logiques des bailleurs, mais souvent ce sont d’autres ONG qui ont contribué à forger ces normes et à les promouvoir car elles les estiment bénéfiques sur le terrain ! C’était récemment le constat d’alarme du CESE : les ONG françaises se veulent indépendantes mais se retrouvent à devoir appliquer des normes édictées par d’autres – ou pire, elles ne sont pas en mesure d’y répondre et risquent de se couper des fonds disponibles. Une posture « on est contre les normes » n’est donc pas réaliste… Pas plus que la posture « tout vient du terrain ». Je suis aussi en désaccord avec une autre réponse qui m’a été donnée : une stratégie pluriannuelle figerait l’action. Bien au contraire, elle la libérerait ! Une fois que nous aurons fixé des objectifs à nos priorités actuelles, avec un plan d’actions et les moyens pour les réaliser, cela nous permettra de nous concentrer sur l’action au lieu de nous perdre en de continuelles tractations internes, très énergivores ! Ce serait donc un outil de pilotage utile, encore plus au vu de la crise actuelle. Bien sûr, compte tenu de la diversité de MdM, c’est un chantier énorme ! D’autant plus qu’il reste à inventer comment nous pouvons construire cette stratégie, pour intégrer à la fois les perceptions indispensables du terrain, la vision du siège, et les évolutions du monde. Justement, la créativité a été évoquée lors de l’AG, comme étant l’une des spécificités fortes de MdM. Une méthodologie trop rigide, affirmée, ne brideraitelle pas alors cette créativité ?

Ce risque de rigidité avait aussi été évoqué lorsque le CD-ROM missions avait été lancé ! C’est pareil pour une stratégie : elle fournit une boîte à outils, un cadre général qui donne des repères. Libre à

chacun ensuite d’adapter ce cadre, ou de le faire évoluer. D’ailleurs, j’ai cru comprendre que les premiers concernés par cette question de « rigidité », les coordinateurs, étaient en demande de stratégies pays. D’une manière plus générale, on peut tout à fait déterminer une stratégie tournée vers l’innovation, avec encore une fois les moyens et un plan d’action pour capitaliser, diffuser et surtout intégrer ce qui est inventé sur le terrain. Actuellement cette « spécificité » créative de MdM n’est pas forcément reconnue à l’extérieur - aussi parce que nous avons du mal à la valoriser. En interne, il reste à s’assurer que l’on parvient à adapter les aspects innovants d’une mission à l’autre au lieu de constamment réinventer la roue ! Pourquoi as-tu choisi d’intervenir cette année à l’AG ?

En tant que simple adhérent, en dehors du groupe environnement, cela me semblait le lieu. Je suis inquiet pour l’association. Dans un travail précédent, on disait : « Quand je me regarde, je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure ». Pour MdM, je m’inquiète encore plus quand je me compare ! Dans le cadre de ma thèse, je suis amené à analyser les ONG environnementales et humanitaires qui se sont emparées de la problématique du climat. Par exemple, certaines ont des partenariats forts avec des universités et des centres de recherche qui leur permettent de constamment renouveler leurs méthodologies et leur vision du monde. Chez MdM, j’ai remarqué régulièrement des postures « contre », avec des mots repoussoirs (normes, prestataires de services, etc.). Nos critiques du système humanitaire peuvent être légitimes mais elles ont peu d’effet à l’extérieur. Surtout, elles conduisent à s’acharner à rester les mêmes qu’avant dans un monde qui a déjà changé. Pourquoi demeurer adhérent ?

La première raison est d’ordre affectif : j’ai rencontré beaucoup de gens formidables ! C’est quelque chose qui retient (étrange d’ailleurs d’utiliser ce terme, « retenir » !). Mon histoire personnelle avec MdM explique aussi mon attachement : j’ai croisé MdM au moment où j’étais en recherche de sens, quand je travaillais dans une entreprise. Aujourd’hui, j’y trouve un équilibre avec les travaux plus théoriques de ma thèse. Propos recueillis par Charline Ferrand

lettre aux adhérents_mars 2013 / 9


best of BLOG Certains papiers publiés sur le blog nous ont touchés, émus, intéressés et nous avons souhaité les partager avec vous. Si le clavier vous en dit…. la parole est à vous.

Il y a bien un début à cette affaire Paris, Roberto Bianco, Christophe Adam

Se retrouver quelque part dehors, avec mes « non frères, inégaux coups d’éclats en bourse. Je respire votre propreté et avec vous je suis « vigilant ensemble ». Je ne crois pas à la bienveillance, à la et en conditionnelle ». Un squat c’est l’affaire de quelques minutes, de quelques per- générosité, à l’amour. Chaque jour, je les vois bien les dommages sonnes, de quelques degrés de plus sur le thermomètre de l’indif- collatéraux de cette guerre mondiale économique. Ce matin, avant l’arrivée des flics, je pars, je me fais la belle, je franchis le seuil de férence. Un lieu de pause, de répit, là où l’on ne vit plus depuis longtemps. ma pauvreté, pour laquelle il n’y a pas d’issue. Une faille, un interstice inoccupé, silencieux, inanimé. Le besoin de Un squat c’est toujours comme çà. Il y a un début et une fin. Dans réinventer la vie, d’être ensemble avec les gens, de rire, de parler, la vraie vie, on ignore ce qu’il y a entre la fin et le début. Moi, je sais de poser mon sac un instant et de dormir un peu. Cette société qu’il n’y a rien. Qu’entre deux maisons il y a le vide. Chaque matin se verticalise, se fracture. Elle se lave au « karcher », nous menace l’hiver arrive. Le jour ne se lève pas. Je marche. Quelque part un ange me parle d’amour inconditionnel. d’extrême droiture et de tolérance zéro. Je marche en silence. Je me parle tout bas. Je me cache dans vos …/… craintes de ne pas être conforme, de ne pas produire, de ne pas ➜ Pour lire la suite, connectez-vous sur le blog de MdM : https:// mdm1.sharepoint.com/blog/Lists/Billets/ViewPost.aspx?ID=869 consommer, de ne pas exister. Ma demeure est mon corps. Mes yeux se brûlent aux soleils de vos Identifiant : adherent@medecinsdumonde.net | MDP : Adhe.mdm

Idées reçues : la misère au soleil,

Toulouse, 2012, Marie Pierre Buttigieg

Il paraît que la misère serait moins pénible au soleil ? Bien sûr ! En été, tous les SDF se baladent avec une serviette de plage sur l’épaule, des tongs et sirotent des boissons fraîches, les doigts de pied en éventail sur Toulouse Plage ! Petite provoc’... pour refroidir quelques idées reçues qui mènent la vie dure aux personnes à la rue, qui aimeraient bien trouver autre chose que du sable sous les pavés toulousains et son cagnasse estival. Pour Sylvain, 23 ans, la question paraît un peu bizarre. En 2 ans de rue, pas de doute, c’est quand même mieux en été. « On se tracasse moins pour chercher un endroit où dormir. On peut rester dehors à la belle étoile. En hiver, on se déplace plus souvent

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d’une structure à l’autre. Et puis, le sac à dos est plus lourd entre le duvet et les vêtements chauds, c’est la galère. Fatigué ou pas, il faut toujours bouger, chercher un endroit où se mettre à l’abri. Et on tombe malade, comme tout le monde, la grippe, les angines». Ce qui est certain, confirme Brice, 40 ans, c’est que les gens sont plus généreux : « en hiver, ils ont pitié de nous voir dehors, ils nous donnent plus d’argent quand on fait la manche. En été, non. On perd la moitié de notre recette». …/… ➜ Pour la suite, connectez-vous sur le blog de MdM : https://mdm1. sharepoint.com/blog/Lists/Billets/Posts.aspx?ID=986 Identifiant : adherent@medecinsdumonde.net | MDP : Adhe.mdm


Rencontre avec Abdur Raheem Rezaï,

rescapé de la drogue, travailleur pair et « honnête homme », Paris, 2012

Né à Kaboul en 1962, Raheem a fui l’Afghanistan en 1978 pour rejoindre l’Iran à la suite de la guerre civile qui se déroulait dans son pays. Durant 3 ans il y a travaillé pour une petite entreprise privée. Souhaitant regagner son pays, il a tout naturellement demandé à son patron iranien de lui verser les salaires qu’il lui devait. Refus de celui-ci, conflit et arrestation de Raheem, emprisonnement pour 2 ans. Deux années très difficiles : sans nouvelles de sa famille, dans un isolement total, il fait l’apprentissage de l’opium. Au sortir de prison il apprend le décès de ses parents et sombre dans le désespoir. Il a « le sentiment que mon avenir s’est écroulé devant moi ». La consommation d’opium se transforme alors en consommation d’héroïne. 30 ans et consommateur à part entière. Sa volonté de regagner l’Afghanistan est toujours aussi forte. À l’époque l’héroïne y était inconnue et il pensait pouvoir se débarrasser de son accoutumance, en regagnant Kaboul. À son retour il s’aperçoit que l’héroïne est maintenant disponible à Kaboul. Les années qui vont suivre sont celles de l’addiction et de la dégradation de sa santé : 7 ans à fumer l’héroïne puis sa situation économique se dégradant 10 ans d’injection. Sans logement il vit dans la rue. 7 hospitalisations vont se succéder qui ne serviront à rien car les centres de désintoxication afghans ressemblent plus à des prisons qu’à des centres de soins : souvent la police embarque les consommateurs et les enferme dans ces centres où le seul traitement connu est la douche froide ! Aucun traitement de substitution donc aucun effet curatif. À la sortie c’est la rechute. …/… ➜ Pour la suite, blog de MdM : https://mdm1.sharepoint.com/blog/Lists/Billets/ViewPost. aspx?ID=900 Identifiant : adherent@medecinsdumonde.net | MDP : Adhe.mdm

Back on track

Tanzanie, 2012, Coordo Harm Reduction Raufu is the son of a half Indian father and a Tanzanian mother. His father died in 1993 and his mother in 1998. Hence Raufu is used to taking care of himself. Not that this is necessarily a good thing. Soon after my mother died I took off to South Africa with some friends. I was only 13 years old, but my aunt didn’t like taking care of me because I smoked marihuana. I stayed four years, but it wasn’t a success.’ It’s nine in the morning and Raufu is waiting in line for his methadone. Six hundred people come every day to this one of two distribution points in Dar es Salaam. Everyone gets their number on sequence of arrival. Raufu has number 209 today. It means he probably has to wait another hour since the last one up is 150. ‘I got up at six today, took a bus at seven to be here in time, but you need some luck. With the bus as well, because it can be so busy; people trying to get in through the windows, and then the traffic jams.’ His friend Asanath adds: ‘People sometimes come here at four at night, just to wait until they open at six. Today Raufu decides not to wait, and spend 1000 Tsh (50 cents) to get a lower number. Ten minutes later he’s ready to go. Dent in the head In the bus back he starts telling how MdM came to change his life, after he started shooting four years ago. He shows the scars on his arms and in his neck that are proof of his history. ‘The first time I came to the drop in was a year ago. You could get free syringes here. Then I heard about safe injection, HIV. And saw you could also take a shower, wash your clothes and get some tea in the morning. So I started to first get my dope in the morning, use it, and then go to MdM to get some tea and food. I never had money for that. At MdM he first heard about methadone. ‘ …/… ➜ Pour la suite, connectez-vous sur le blog de MdM : https://mdm1.sharepoint.com/blog/Lists/Billets/ ViewPost.aspx?ID=990 Identifiant : adherent@medecinsdumonde.net | MDP : Adhe.mdm

lettre aux adhérents_mars 2013 / 11


agenda 18 au 22 novembre Commissions paritaires stratégiques novembre/décembre Exposition MdM des photographies Francesco Santini : Des mots pour refuge, histoires de réfugiés syriens en Jordanie et au Liban 16 novembre Réunion du groupe France

25 novembre Journée mondiale contre les violences faites aux femmes 1er décembre Journée mondiale de lutte contre le sida 11 janvier 2014 Réunion du groupe France

23 & 24 novembre Séminaire RDR

intranet http : //intranet.medecinsdumonde.net

Nom d’utilisateur : adherent@medecinsdumonde.net Mot de passe : Adhe.mdm

Rédacteur en chef_Patrick Beauverie Coordination_Dominique Dumand avec la collaboration de Charline Ferrand Maquette_Aurore Voet

Médecins du Monde 62 rue marcadet 75018 Paris 01 44 92 15 15


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