Plaquette MdM sur la réduction des risques

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réduction des

risques Une approche médicale et politique fondée sur la santé publique et les droits humains

© Serbie, Benoit Guénot


RÉDUCTION DES RISQUES (RdR) MÉDECINS DU MONDE

RÉDUCTION DES RISQUES (RdR) MÉDECINS DU MONDE

POURQUOI MÉDECINS DU MONDE ET LA RÉDUCTION DES RISQUES :

AGIR?

A

ssociation de solidarité internationale, Médecins du Monde (MdM) soigne les populations les plus vulnérables, les victimes de conflits armés, de catastrophes naturelles, ceux et celles que le monde oublie peu à peu. Association indépendante, elle agit au-delà du soin. Elle dénonce les atteintes à la dignité et aux droits humains et se bat pour améliorer la situation de ces populations. Longtemps engagé dans des programmes de prévention et de prise en charge du VIH/sida s’adressant à tous, MdM a progressivement constaté que certaines des personnes infectées ou affectées par le sida n’avaient pas accès à ces programmes : personnes utilisant des

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drogues (PUD), personnes se prostituant (PSP), personnes homosexuelles… Ce sont autant de personnes qui sont exclues en raison de ce qu’elles sont ou de ce qu’elles font. C’est en ce sens qu’elles sont plus vulnérables et à risque que d’autres : non pas parce que le virus est différent ou se transmet de façon différente, mais parce que leur statut social et légal les éloigne des programmes de prévention et de prise en charge. C’est ce qui les expose plus que d’autres à un risque d’infection par les virus du sida et des hépatites virales. Parfois, la relégation dont elles font l’objet va jusqu’à l’enfermement, la torture, voire la mort. MdM a donc décidé de réorienter ses actions de lutte contre le sida et les hépatites virales vers ces personnes. Il s’agit d’intervenir avec elles et auprès d’elles, dans le but de leur proposer des services de santé adaptés à leurs besoins, tout en travaillant à faire évoluer leur statut social et légal. Cette action porte un nom : la Réduction des Risques (RdR). b

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Tanzanie, © Agnès Varraine-Leca

DE QUOI PARLE-T-ON ? 5

Afghanistan, © Sandra Calligaro b

QUEL CADRE D’INTERVENTION ? 7

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QUELS COMBATS ? 8

Marseille, © Christina Modolo b

DE LA FRANCE À L’INTERNATIONAL 9

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LES PROGRAMMES EN FRANCE 12

Birmanie, © Sophie Brändström b

LES PROGRAMMES À L’INTERNATIONAL 16

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DE QUOI

PARLET-ON ? b

En Tanzanie, une unité mobile arpente quotidiennement les rues de Dar es-Salaam pour sensibiliser les usagers de drogues aux risques liés à l’injection. Tanzanie, © Agnès Varraine-Leca

UNE APPROCHE GLOBALE FONDÉE SUR DES RISQUES… Les risques ne sont pas limités à une exposition accrue à des virus tels que le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), le VHC ou le VHB. Ils s’envisagent globalement en termes de répercussions sanitaires, sociales et économiques, et incluent l’impact de la maladie sur les individus ainsi que dans les communautés et dans l’ensemble de la société1. La prise en compte des diverses dimensions du risque implique non seulement des interventions en matière de santé publique, mais également des actions de plaidoyer permettant de modifier l’environnement politique et légal dans lequel vivent ces personnes.

… ET DES PRINCIPES La réduction des risques se veut pragmatique et humaine. Elle repose sur le non-jugement de l’autre et l’acceptation des différents « modes de vie » et pratiques des personnes rencontrées. À MdM, la RdR intègre le principe du bas seuil (ou seuil inconditionnel) 2, le seul permettant d’établir un lien avec les personnes les plus éloignées.

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UNE RÉPONSE DE SANTÉ PUBLIQUE En tant qu’association humanitaire médicale, MdM utilise son expertise en matière de santé en créant des programmes d’accès à des soins préventifs et curatifs adaptés aux besoins des personnes. L’approche de RdR est aujourd’hui reconnue au niveau mondial comme étant la méthode la plus efficace pour réduire la transmission du VIH dans ces groupes les plus à risques. MdM promeut une approche de RdR fondée sur des éléments scientifiques qui ont également démontré leur plus-value en termes de coût et d’efficacité. Les actions de RdR permettent d’offrir aux personnes bénéficiaires des outils techniques (moyens de prévention, dépistage, traitements) et des connaissances pour renforcer leur capacité à se protéger et à protéger les autres.

UNE APPROCHE COMMUNAUTAIRE POUR UN CHANGEMENT SOCIAL Au-delà de leur pertinence en termes de santé publique, les programmes de RdR à MdM ont pour objectif de contribuer au développement d’une réponse communautaire. C’est-à-dire qu’ils visent l’empowerment (autonomisation et renforcement des capacités) via une participation active des groupes bénéficiaires, à la fois pour définir les réponses de santé et pour lutter contre la stigmatisation et l’exclusion dont ils sont l’objet. MdM soutient la création de groupes d’auto-support pour renforcer la société civile et la reconnaissance d’expertises issues de l’expérience. C’est en ce sens que les actions de RdR permettent un changement social. b

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Depuis 2006, les acteurs locaux impliqués dans la lutte contre le VIH/sida vont à la rencontre des usagers de drogues de Kaboul pour leur délivrer des messages de prévention. Afghanistan, © Sandra Calligaro

QUEL

CADRE D’INTERVENTION ? En référence aux 9 axes d’intervention des agences des Nations unies3 dans le champ de la prévention et du traitement du VIH ciblant les PUD, MdM propose un cadre d’intervention pluridisciplinaire et plus large. Ce cadre, qui repose aujourd’hui sur 12 axes, est également valable pour les interventions en direction des PSP et des LGBT4. Ce cadre est amené à s’élargir dans l’avenir, pour améliorer la prise en charge. Les salles de consommation supervisées et les traitements avec héroïne médicalisée en constituent les prochaines étapes. w Traitement ARV et prise en charge du VIH/sida w Dépistage et conseils VIH/sida et hépatites virales w Information, éducation et communication ciblées* w Programmes d’échange de seringues/ distribution de préservatifs w Prévention, diagnostic et traitement des infections sexuellement transmissibles w Prévention, diagnostic et traitement des hépatites virales w Prévention, diagnostic et traitement de la tuberculose w Réintégration socio-économique w Promotion des droits humains, lutte contre la criminalisation et prévention des violences w Interventions en santé mentale w Thérapie de substitution aux opiacés w Prévention et gestion des overdoses * par « ciblées », nous entendons des actions telles que l’éducation aux risques liés à l’injection, le maintien et la promotion de modes de consommation par voie non injectable (chasing), ou encore l’analyse de drogues ou la prévention des violences via des ateliers d’autodéfense par exemple (notamment au sein des programmes auprès des personnes se prostituant.) b

1. Voir aussi la définition de la RdR proposée par l’ONG mondiale International Harm Reduction (IHR), www.ihra.net. 2. Un programme de bas seuil ou de seuil inconditionnel repose sur la logique selon laquelle moins il y a de conditions préalables à l’accès aux services proposés par un programme, plus celui-ci sera accessible aux plus vulnérables.

3. OMS, ONUDC, Onusida, 2009. Guide technique. Destiné aux pays pour la définition des objectifs nationaux pour l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien en matière de VIH/sida. 4. Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels.

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CARTE DES PROJETS

QUELS COMBATS ?

au 1er juin 2012

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Réforme des lois et réglementations nationales ainsi que des politiques internationales de criminalisation, de répression ou de contrôle sanctionnant les pratiques et les modes de vie de ces personnes au profit d’approches fondées sur la santé publique et les droits humains.

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Promotion du concept et des pratiques de RdR en Afrique où la prise en charge de ces populations à risque est quasi inexistante. Ainsi, moins de 1 % des usagers de drogues du continent bénéficient de services de santé.

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Évolution du sens et des pratiques de RdR dans le monde. La RdR est encore beaucoup trop centrée sur la prévention du VIH et l’injection. Il est nécessaire de l’envisager de façon plus globale en allant au-delà du cadre de référence technique des agences internationales. b

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Au-delà d’une réponse de santé, MdM inscrit ses combats autour de 4 axes politiques.

Plaidoyer pour un accès au dépistage et au traitement des hépatites virales. On compte 180 millions de porteurs du VHC et 70 % des nouvelles infections se font chez les usagers de drogues par voie intraveineuse. L’accès à des traitements abordables est aujourd’hui un impératif.

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PROJETS EN COURS

DE LA FRANCE À L’INTERNATIONAL Les programmes de RdR de MdM se sont d’abord développés en France auprès des usagers de drogues dès 1989, puis auprès des travailleuses du sexe à Nantes. Aujourd’hui, MdM reste un acteur essentiel de la RdR en France. L’association a récemment mis en place un programme de recherche-action sur l’éducation aux risques liés à l’injection (Erli) et poursuit ses actions de RdR auprès de travailleur(se)s du sexe. MdM a par ailleurs développé des programmes de RdR dans d’autres pays, avec une première expérience en Fédération de Russie en 1997. MdM est aujourd’hui présent en Asie, en Amérique latine, dans l’est de l’Europe et en Afrique, proposant une approche globale de RdR, principalement auprès des usagers de drogues, mais également auprès des personnes se prostituant et des LGBT. Association humanitaire médicale, MdM a la capacité de concevoir et d’animer des programmes de RdR dans des contextes différents incluant des pays avec des fortes contraintes. MdM a notamment introduit ces dernières années les principes de RdR en Afghanistan, et a fortement contribué à l’introduction des thérapies de substitution dans ce pays, comme en Birmanie. De même, MdM contribue aujourd’hui, de façon innovante, à l’introduction de la RdR avec et auprès des usagers de drogues en Afrique subsaharienne, notamment par le développement d’un programme pilote en Tanzanie. MdM est ainsi un acteur clé de la RdR dans le monde, mettant à profit son expertise pour développer des réponses concrètes et de qualité, mais aussi pour renforcer les capacités des acteurs nationaux. b

Mexique 1 État du Chiapas, 2010 Espagne (MdM Espagne) 2 14 projets de RdR auprès des usagers de drogues et personnes se prostituant dans 13 villes espagnoles France 3 9 projets de RdR auprès des usagers de drogues et 5 auprès de personnes se prostituant Géorgie 4 Tbilissi, 2011 Afghanistan 5 Kaboul, 2006 Birmanie/Myanmar 6 État du Kachin, 1996 7 Rangoon, 1999 République démocratique du Congo 8 Kinshasa, 2009 Tanzanie 9 Dar es-Salaam, 2010 Kenya 10 Nairobi, 2012

PERSPECTIVES FUTURES

Égypte 11 République de Côte d’Ivoire 12 Mozambique Sénégal (MdM Espagne) 15 Angola (MdM Espagne) 16

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Vietnam

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PROJETS DE RdR PASSÉS 11

w Vietnam : Hanoi, 2005-2010, Ho Chi Minh-Ville, 2005-2010 w Chine : Chengdu, 1999-2010 w Serbie : Belgrade, 2002-2011 w Russie : Saint-Pétersbourg, 1997-2003

FRANCE 1987 b

1994 b

2000 b

Ouverture du premier centre MdM de dépistage du VIH (volontaire, anonyme et gratuit)

Ouverture du premier centre « bas seuil » de distribution de méthadone

Début de l’analyse des drogues à MdM

1989 b Premier programme d’échange de seringues à Paris, dans l’illégalité

1992 b Création du « Kit Accès Prévention » (2 seringues, de l’eau stérile, 1 préservatif et 1 message de prévention)

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Ouverture de nombreux programmes d’échange de seringues à Lyon, Bordeaux, Nice, Strasbourg…

Création du premier programme à destination des personnes se prostituant à Nantes (le Funambus)

2007 b

Ouverture du projet 1997 b RdR Méditerranée Création de programmes (intervention en milieu festif dans le grand Sud) de prévention en rave parties à Paris, Lyon 2010 b et Montpellier Projet pilote d’éducation 1998 b aux risques liés à Création du premier bus l’injection (Erli) à Paris méthadone en France, à Paris


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Afghanistan, © Maxime Couturier b b Birmanie, © Sophie Brändström

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Serbie, © Benoit Guénot

Afghanistan, © Maxime Couturier

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LES PROGRAMMES EN

FRANCE PROGRAMME ERLI (ÉDUCATION— AUX RISQUES LIÉS À L’INJECTION)— w Concevoir une réponse adaptée à la prévention de la transmission de l’hépatite C

Les dispositifs de RdR actuellement en place en France sont inadaptés face aux risques de transmission du virus de l’hépatite C, car ils tiennent peu compte des déterminants spécifiques à l’exposition au VHC dans les modes et les contextes de consommation des usagers de drogues. Dans de nombreux domaines, l’éducation thérapeutique des patients a montré depuis longtemps l’intérêt de privilégier une éducation pratique pour pallier les manques d’une éducation uniquement théorique. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi dans le domaine de l’usage de drogues lorsque les usagers ne sont pas en capacité d’arrêter leur consommation par voie intraveineuse, ou ne le souhaitent pas ? C’est dans cette perspective de santé et afin de répondre aux besoins exprimés par les usagers que MdM a mis en place un programme innovant, celui de l’éducation aux risques liés à l’injection (Erli) en Îlede-France, qui propose aux usagers de drogues par voie intraveineuse des séances éducatives à la fois théoriques et pratiques centrées sur

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Le projet RdR de Marseille permet aux jeunes fréquentant les milieux festifs alternatifs et les squats d’accéder aux soins et aux droits. Marseille, © Christina Modolo


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Lotus Bus © Diane Grimonet

la santé. Au cours de ces séances organisées dans un espace spécifique, l’usager consomme son produit en présence des intervenants de MdM, ce qui permet d’instaurer un échange sur les risques associés aux pratiques propres à l’usager. D’autres programmes de MdM proposent un accompagnement à l’injection dans une perspective de RdR.

LE LOTUS BUS (PARIS)— ET LE FUNAMBUS (NANTES)— w Intervenir en RdR auprès des travailleur(se)s du sexe

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Depuis la fin des années 1990, des centaines de femmes d’origine chinoise à Paris sont amenées à vendre des services sexuels. La majorité d’entre elles étant sans autorisation de travail, la prostitution est donc avant tout une stratégie de survie, constituant de fait un de leurs seuls moyens de subsistance. En raison de l’insuffisance des réponses proposées – l’absence de prise en charge de cette population par le dispositif sociosanitaire et la complexité de ses besoins en termes de réduction des risques et d’accès aux soins –, le Lotus Bus intervient à Paris depuis plus de dix ans auprès de ces femmes. À Nantes, le Funambus est issu d’un programme d’échange de seringues que fréquentaient les personnes se prostituant. Dans les deux cas, les interventions de proximité reposent sur une unité mobile qui va à la rencontre des personnes sur leur lieu de travail et sur un accueil fixe. Les 5 projets de MdM en France auprès des travailleur(se)s du sexe (Paris, Nantes, Montpellier, Rouen, Poitiers) mettent à disposition des services de réduction des risques, sans aucun jugement sur leur activité. MdM accompagne ainsi les personnes se prostituant dans une démarche d’empowerment. Ce travail de proximité permet à MdM de témoigner de la situation de ces personnes qui vivent dans l’ombre, en marge de la société, qui les stigmatise, et de la loi, qui les pénalise. Porter la parole de ces personnes et relayer leurs revendications pour améliorer leur accès aux soins et aux droits permet de souligner le conflit entre des enjeux sécuritaires et des enjeux de santé publique.

MISSIONS SQUATS— w Innover dans nos modalités d’intervention L’intervention de MdM dans le milieu des raves et des free parties à la fin des années 1990 à conduit l’ONG à entrer en contact avec des personnes utilisant des drogues et ayant par ailleurs des choix de vie alternatifs en rupture avec les modes de vie habituels reposant, entre autres, sur un emploi et un logement fixes. Vivre en squat est l’un d’entre eux. Des équipes de MdM ont alors tissé des liens avec des groupes d’usagers et des communautés habitant ces lieux. Les squatteurs impliqués dans ces actions ont exprimé des besoins sanitaires et sociaux, qu’ils consomment ou non des produits psychoactifs. C’est ainsi qu’ont été définies des interventions dans les squats, à la demande des personnes et en partenariat avec des associations d’auto-support. L’objectif de ces interventions est de mettre en place des actions de RdR qui s’inscrivent

dans des stratégies de soins et d’accès aux droits adaptées aux pratiques et aux conditions de vie de ces personnes. À l’instar de la mission parisienne, l’équipe de Marseille a investi les squats, en 2011, en intégrant une approche d’auto-support à son projet.

MISSIONS XBT— w Développer de nouveaux outils de RdR « Quelle est la qualité des produits psychoactifs illicites que je consomme ? » est une question fréquente des consommateurs. Répondre à cette préoccupation s’inscrit dans une logique de RdR, fondée sur une information ciblant les besoins des usagers de drogues. C’est ainsi que MdM a développé son action d’analyse des drogues. Cette démarche est la même que celle des consultations de dépistage du VIH, qui repose sur le counselling : discuter librement et sans

À Paris, le Lotus Bus se rend sur les lieux de prostitution des femmes chinoises pour mettre à leur disposition du matériel de prévention et leur offrir un espace d’écoute. © Damien Roudeau

jugement de ses pratiques permet à une personne d’améliorer son niveau de conscience des risques pris et de leur gestion. Introduire un échange sur les pratiques et les niveaux de consommation de drogues, à partir d’une information sur la qualité des produits, permet de mettre en œuvre ce counselling avec les usagers de drogues. Techniquement, les intervenants de MdM utilisent la chromatographie sur couche mince (CCM), qui donne des indications colorimétriques après séparation des composants de l’échantillon et offre un résultat qualitatif. L’analyse par CCM nécessite une heure, ce temps étant mis à profit pour discuter avec l’usager. La mission XBT (Xénobiotrope), créée en mai 2000, apporte un soutien technique aux missions rave (intervention en milieu festif), squats et Erli de MdM ainsi qu’à des lieux d’accueil pour usagers de drogues. b

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Devise d’International Network of People who Use Drugs (Inpud), affiche réalisée dans le cadre du projet Afghanistan.

Dans le cadre du projet de réduction des risques, les équipes procèdent au ramassage des seringues usagées. Tanzanie, © Marie Lussier

L’INTERNATIONAL AFGHANISTAN — w Introduire la RdR dans un pays

Depuis une vingtaine d’années, l’Afghanistan enregistre des records de production d’opium et d’héroïne (90 % de la production mondiale d’opium), mais aussi de consommation domestique, avec 1,5 million d’usagers de drogues recensés en 2009 – soit 8 % de la population adulte. Parmi eux, le nombre d’injecteurs d’héroïne augmente très rapidement, ce qui constitue une voie majeure de transmission pour le VIH/sida et les hépatites virales. Cet enjeu de santé publique se double d’un enjeu en matière de droits humains, dans un contexte d’intense répression et de très forte discrimination des usagers de drogues. Depuis 2006, MdM met en œuvre à Kaboul un programme offrant aux usagers de drogues une prise en charge globale reposant sur les douze composantes de la RdR que MdM souhaite promouvoir. Cette prise en charge inclut la délivrance de méthadone depuis 2010. Les usagers de drogues et les patients sous méthadone sont intégrés à la conception des services et des outils et occupent des postes clés dans l’équipe ; ils participent, entre autres, au plaidoyer national et international pour le passage à l’échelle de la méthadone dans le pays. Outre les bénéficiaires directs, ce programme a vocation à servir de modèle d’intervention en RdR pour l’Afghanistan. C’est pourquoi un centre de ressources et de formation conçoit et anime des formations

en RdR pour les professionnels afghans et les partenaires (enseignements théorique et pratique délivrés dans le centre de soins). Les bonnes pratiques forgées dans le cadre du programme modèle de Kaboul sont modélisées et diffusées.

BIRMANIE/MYANMAR — w Agir auprès des personnes les plus vulnérables MdM intervient dans le pays depuis 1996 auprès des populations les plus exposées à un risque infectieux : personnes se prostituant ; hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (Rangoon) et personnes utilisant des drogues (État du Kachin). Les actions sont construites sur la même logique : une prise en charge psycho-médico-sociale globale en dispensaire et à l’« extérieur » grâce à des équipes mobiles. Cette prise en charge inclut les activités de RdR recommandées par MdM. Comme en Afghanistan, la dimension communautaire est très présente et MdM a introduit dans le Kachin le traitement de substitution à la méthadone en 2006. À Rangoon, le programme propose en particulier une hot line et un site web dédiés aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

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LES PROGRAMMES À

Au-delà de l’indispensable outil de prévention qu’est l’échange de seringues, les usagers de drogues reçoivent des conseils pour s’injecter sans risques. Birmanie, © Sophie Brändström

De nombreux liens ont été tissés avec les acteurs de la société civile, à travers des sessions d’information sur le VIH/sida et la promotion d’activités dans les communautés, les universités, les postes de police et les prisons. Le projet intègre également un plaidoyer pour les droits de ces populations stigmatisées.

GÉORGIE— w Soutenir la RdR dans un contexte très répressif Le programme de RdR ouvert en 2011 en Géorgie à Tbilissi cible principalement les usagers de drogues injectables, avec une attention particulière au virus de l’hépatite C, dont 70 % des usagers de drogues sont porteurs. La loi et les pratiques des forces de l’ordre dans ce pays sont très répressives et se traduisent, par exemple, par l’interpellation des bénéficiaires des programmes de mise à disposition de seringues ou bien l’obligation de signalement des situations d’overdose à la police par les médecins et services d’urgence. Ce contexte ne permet pas la mise en place des bonnes pratiques de RdR et a pour conséquence immédiate d’éloigner les personnes utilisant des drogues des services sanitaires et sociaux. La très forte pénalisation

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du simple usage contraint également les usagers à se tourner vers de dangereuses drogues artisanales telles que le « krokodil » (désomorphine), aux effets dévastateurs. Dans ce pays, MdM a choisi de renforcer les capacités de deux ONG locales d’auto-support. Le premier partenariat vise la promotion des bonnes pratiques de RdR et a vocation à favoriser un accès amélioré aux services de base par la mise en place d’un centre modèle ; il forge aussi les éléments pour un plaidoyer en faveur d’une réforme de la loi. Le second partenariat s’appuie sur l’auto-support de malades atteints de l’hépatite C pour un plaidoyer en faveur d’un accès facilité à la prévention, au diagnostic et au traitement de cette maladie.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE— DU CONGO— w Intégrer le concept de RdR aux programmes de santé sexuelle La réduction des risques sexuels (RdR-S) est intégrée dans le programme de promotion de la santé des adolescentes vivant dans la rue à Kinshasa, population marginalisée et vulnérable de par leur genre et en raison du milieu dans lequel elles vivent. Comme dans l’éducation pour la santé, cette approche repose sur une analyse des déterminants sociaux et légaux de l’état de santé de ces personnes. Dans ce programme, la RdR-S signifie la mise à disposition de services psycho-médico-sociaux et éducatifs visant à réduire d’une part les risques infectieux (VIH/sida, hépatites virales) associés aux comportements sexuels à risques des jeunes filles avec leur partenaire régulier ou leurs clients, et d’autre part la transmission de l’infection du VIH de la mère à l’enfant. Le programme inclut aussi des actions de plaidoyer en faveur de l’accès à la contraception pour les mineurs. Une attention particulière est portée sur la situation des jeunes adolescentes enceintes ou victimes de viol. Ce programme repose sur une forte implication des bénéficiaires. Les jeunes adolescentes participent aux activités de prévention, aux débats et aux actions de plaidoyer. La problématique de la prostitution chez les mineurs (filles et garçons) est réfléchie au sein du programme avec les partenaires et les adolescentes, en vue de construire une prise en charge adaptée à la culture locale et aux besoins spécifiques des adolescentes. Des groupes d’auto-support sont également impliqués dans l’accompagnement psychosocial.

Slogan porté par Raheem, membre de l’équipe de MdM et fondateur d’un groupe d’auto-support à Kaboul, en Afghanistan. © Maxime Couturier

TANZANIE— w Démarrer la RdR dans une région La situation relative au VIH/sida en Tanzanie est caractéristique des évolutions en cours sur le continent : alors que l’épidémie de VIH/ sida était stabilisée en population générale, les équipes de MdM ont constaté que la prévalence chez les usagers de drogues injectables était alarmante : 30 % chez les hommes et 67 % chez les femmes. MdM a alors proposé un projet pilote à Dar es-Salam en 2010 dans le but de montrer que les programmes VIH s’adressant aux populations à risque permettaient de proposer des stratégies de prévention efficaces. Il s’agit du premier programme de mise à disposition de seringues stériles en Afrique de l’Est, et plus largement ayant vocation à développer l’ensemble des services proposés dans le cadre d’intervention de RdR de MdM. Une attention toute particulière est accordée aux femmes usagères de drogues, qui sont plus exposées et vulnérables à la transmission du VIH, d’autant que la plupart d’entre elles sont travailleuses du sexe. Une fois par semaine, elles sont accueillies, avec leurs enfants, au centre de MdM sur un temps qui leur est dédié. Ce programme de RdR a vocation à faire sortir de l’ombre une population totalement dénigrée et souvent brutalisée, mais aussi oubliée des programmes de lutte contre le sida sur le continent. Il devrait proposer une plateforme de formation pour des acteurs tanzaniens et issus d’autres pays de la région, pour contribuer à la promotion du concept de RdR en Afrique. b Les femmes usagères de drogues sont très touchées par l’épidémie de sida : 67 % d’entre elles sont séropositives. MdM va à leur rencontre sur leurs lieux de vie. Tanzanie, © Chien Chi Chang/Magnum

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HARM REDUCTION IS COLORFUL! Information, éducation & communication ciblées

Dépistage et conseils VIH/sida & hépatites virales

Programmes d’échange de seringues & distribution de préservatifs

Prévention, diagnostic & traitement des infections sexuellement transmissibles

Prévention, diagnostic & traitement des hépatites virales

Prévention, diagnostic & traitement de la tuberculose

Traitements ARV & prise en charge du VIH/sida

Thérapie de substitution aux opiacés

Promotion des droits humains, lutte contre la criminalisation et prévention des violences

Interventions en santé mentale

Réintégration socio-économique

Prévention & gestion des overdoses

Médecins du Monde 62 rue Marcadet 75018 Paris, France Tél. : +33 (0)1 44 92 15 15 www.medecinsdumonde.org

Cette brochure a été réalisée avec le soutien financier de l’Agence Française de Développement. Les idées et opinions présentées sont celles de Médecins du Monde et ne représentent pas nécessairement celles de l’AFD.


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