anté s sexuelle & reproductive Une approche médicale et politique fondée sur la santé publique et les droits humains
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Médecins du Monde et la santé sexuelle et reproductive
pourquoi agir ? ;
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De quoi parle-t-on ?
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Quel cadre d’intervention ?
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Quels combats ?
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Tchad © Raphaël Blasselle
Tchad © Raphaël Blasselle
Mexique © Michel Redondo
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
A
ssociation de solidarité internationale, Médecins du Monde (MdM) soigne les populations les plus vulnérables ainsi que les victimes de conflits armés et de catastrophes naturelles ; ceux et celles que le monde oublie peu à peu. Association indépendante, elle agit au-delà du soin. Elle dénonce les atteintes à la dignité et aux droits humains et se bat aux côtés des populations pour améliorer leur situation. MdM est engagée depuis plus de trente ans dans des projets de santé sexuelle et reproductive (SSR). Par SSR, MdM entend « le bien-être général, tant physique que mental et social, de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités […]1 » . Au cours des vingt dernières années, les gouvernements et institutions internationales ont pris conscience de la nécessité d’inscrire la santé sexuelle et reproductive dans leurs priorités d’action. Plusieurs textes adoptés par de nombreux pays témoignent de cet engagement et fournissent un cadre stratégique pour la mise en place de projets en SSR. MdM utilise ce cadre pour faire valoir les droits sexuels et reproductifs dans ses zones d’intervention.
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Chaque jour, dans le monde, environ 800 femmes
meurent du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement
(OMS, 2012). La quasi-totalité des décès pourrait pourtant être évitée par des moyens simples.
des avortements réalisés dans de mauvaises conditions sont la cause de 13 % de ces décès.
Les complications liées à
215 millions de femmes qui préféreraient différer ou éviter une grossesse n’ont toujours pas accès à une contraception sûre et efficace. En 2012, plus de 200 millions de femmes dans le monde ont un besoin de planification familiale non satisfait.
1. Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire, 1994 ; programme d’action signé par 179 pays.
; carte des projets p. 14
; focus / en France
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focus / à l’international
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Lyon © Elisabeth Rull
Népal © Stéphane Lehr
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
; Au Tchad, MdM réalise des sessions de sensibilisation sur la nécessité des soins de santé sexuelle et reproductive. Tchad © Raphaël Blasselle
De quoi parle-t-on ? Une approche de santé publique fondée sur les droits humains
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Dans un contexte international où les droits des femmes sont de plus en plus menacés, certains fondamentaux, notamment issus de la Déclaration et du Programme d’action de Pékin, semblent remis en cause. Une grande majorité de femmes n’a pas accès à des soins de qualité (non disponibles, non accessibles voire illégaux), ce qui a des conséquences dramatiques en termes de santé publique. MdM plaide pour une application des textes fondateurs sur les droits humains et en particulier de ceux relatifs aux droits sexuels et reproductifs. En ce sens, MdM soutient activement le droit des femmes à disposer de leur corps, à avoir ou non des enfants, à choisir le nombre de leurs enfants et l’espacement entre les naissances. La SSR ne se limite pas à la santé maternelle, « [elle] suppose qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le désire1 ».
Quelques acquis de la Conférence de Pékin* en matière de droits sexuels et reproductifs : • décider librement et de manière responsable de tous les aspects de la sexualité ; • ne subir aucune discrimination, coercition ou violence dans la vie sexuelle ; • décider librement du nombre d’enfants souhaité, de l’espacement et du moment de ces naissances et de disposer de l’information, de l’éducation et des moyens nécessaires pour le faire.
Les engagements de MdM en SSR s’articulent autour de deux axes : une offre de soins globale, équitable, accessible et de qualité ainsi qu’un plaidoyer en faveur des droits sexuels et reproductifs. Ils s’inscrivent dans le 5e Objectif du millénaire pour le développement (OMD), qui vise à réduire la mortalité maternelle de 75 % et à assurer un accès universel à la santé reproductive d’ici à 2015. L’action de MdM contribue également en partie à l’Initiative de Muskoka (Sommet du G8, 2010), qui a pour but de réduire le nombre de décès de mères, de nouveau-nés et d’enfants de moins de 5 ans dans les pays en développement en favorisant le renforcement des systèmes de santé nationaux et en permettant la disponibilité de soins de qualité.
* Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, 1995
1. Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire, 1994 ; programme d’action signé par 179 pays.
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Une approche fondée sur la réduction des inégalités de genre
L’approche genre selon trois niveaux :
« Le genre […], élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, […] est une façon première de signifier des rapports de pouvoir. »
• un concept : l’approche genre analyse les rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes fondés sur l’assignation des rôles socialement construits en fonction du sexe ;
Joan W. Scott, 1988
Les inégalités de genre s’expriment par des disparités d’accès à l’éducation, aux soins, au travail, à un salaire décent, à des responsabilités et à des mandats politiques. Lutter contre ces inégalités, c’est questionner la répartition des rôles et des activités des femmes et des hommes pour tendre vers un équilibre des rapports de pouvoir entre les sexes. Les interventions de MdM visent à réduire les inégalités de genre, notamment en ce qui concerne l’accès aux services de santé, mais aussi en favorisant la liberté de décision des femmes pour leur santé et celle de leur famille. « … le développement complet d’un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix demandent la participation maximale des femmes à égalité avec les hommes, dans tous les domaines. » Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979, Assemblée générale des Nations unies)
Les inégalités de genre sont un obstacle majeur au respect des droits sexuels et reproductifs et à l’accès aux soins. Reconnaître ces droits implique une équité de genre, la reconnaissance des diverses orientations sexuelles, et la participation à la lutte contre les violences liées au genre, contre le trafic des personnes et l’exploitation sexuelle. Au sein des projets de MdM, les offres de services en santé sexuelle et reproductive sont considérées comme une porte d’entrée privilégiée afin d’identifier, orienter et prendre en charge les problématiques de violences liées au genre (VLG).
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• un objectif : elle promeut l’égalité des droits, ainsi qu’un partage équitable des ressources et responsabilités entre les femmes et les hommes ; • une méthodologie : elle produit une analyse comparée de la situation des femmes et des hommes tant d’un point de vue économique que d’un point de vue social, culturel et politique. Elle est transversale et aborde tous les champs du développement.
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
; MdM promeut l’accès universel aux soins et appuie les politiques d’exemption de paiement, notamment au profit des femmes enceintes et enfants de moins de 5 ans. Côte d’Ivoire © Sébastien Duijndam
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quel cadre d’intervention ?
Tchad © Raphaël Blasselle
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Un continuum de soins dans l’espace et dans le temps MdM soutient une prise en charge globale, autrement appelée continuum de soins, qui doit permettre un suivi allant de la communauté aux services de référence en passant par les structures sanitaires de proximité. Pour cela, un système de référencement efficace est nécessaire. Dans le temps, celui-ci permet d’offrir des soins préventifs et curatifs, de réduire la mortalité et morbidité, d’accompagner la femme et la famille et de promouvoir la santé tout au long de la vie. Pour renforcer ce continuum de soins, il est essentiel de favoriser
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l’accès aux services de santé et le respect du droit à la santé. Pour cela, trois dimensions sont prises en compte : les barrières géographiques (distances des services, absence de moyens de transport), les barrières financières (coût des services) ainsi que les déterminants socioculturels (peu ou pas de pouvoir de décision, de liberté de mouvement ou de gestion des finances par la femme…) qui peuvent entraver l’accès aux services. C’est pourquoi MdM favorise les initiatives permettant la levée de ces barrières.
Continum des soins accouchement • Soins post partum et
néonataux immédiats
Adolescence (avant la grossesse) • éducation sexuelle
post partum et néonatal • Soins post partum et du nouveau-né • Fistules obstétricales
santé des femmes
Enfance
Grossesse • Suivi prénatal • Dépistage du cancer du col de l’utérus
Adolescence ...
avortement spontané ou provoqué • Post avortement
< IST >
< Planning familial >
< PTME >
< Violences liées au genre >
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La mise en place de partenariats et la participation communautaire Les différents services de SSR doivent être intégrés entre eux et avec les services de soins de santé primaires. MdM intervient ainsi pour soutenir et renforcer les systèmes publics de santé en tant que garants de l’accessibilité du droit à la santé. Pour assurer l’ensemble du continuum de soins, la mobilisation et la mise en relation de l’ensemble des acteurs de santé sont nécessaires, MdM travaille donc en partenariat avec des associations locales – associations de femmes, de professionnels… –, des organisations communautaires et les autorités sanitaires.
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Par ailleurs, la participation active des communautés est un élément essentiel pour garantir des projets acceptés, accessibles et de qualité. La mobilisation communautaire dans l’accès à des soins de SSR permet de promouvoir un changement durable. Des actions conjointes garantissent une réponse adaptée aux besoins des populations ciblées, un travail sur la levée des différentes barrières à l’accès aux soins ainsi que la pérennité des actions, mais aussi le renforcement des compétences de la population, en particulier des femmes, pour un plus grand contrôle sur leur propre santé.
Modèle de réponse en SSR incluant la prise en compte des barrières à l’accès aux soins qualité des soins
hôpital de référence • Barrières socio-culturelles • Barrières économiques • Barrières géographiques
structures sanitaires de premier niveau
qualité des soins • Barrières socio-culturelles • Barrières économiques • Barrières géographiques
communauté / famille
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qualité des soins
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
; Au Népal, de nombreux groupes de discussions sont organisés pour échanger sur la santé sexuelle et reproductive. Népal © Stéphane Lehr
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
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• On estime qu’en 2008, 47 000 décès maternels étaient dus à des avortements à risque. • Du fait de l’illégalité de l’interruption volontaire de grossesse dans de nombreux pays, une femme meurt toutes les 12 minutes des suites d’un avortement à risque.
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Au Mexique, MdM travaille auprès des femmes migrantes travailleuses du sexe sur la prévention des grossesses non désirées. Mexique © Michel Redondo
quels combats ?
Au-delà d’une réponse de santé, MdM inscrit ses combats autour de deux axes de plaidoyer politiques.
Prévention et prise en charge des grossesses non désirées En 2008, on estimait que 40 % des grossesses étaient non désirées. Environ 42 millions d’avortements sont pratiqués dans le monde chaque année, dont 22 millions illégalement, dans des conditions dangereuses, la plupart dans les pays en développement. Médecins du Monde soutient activement le droit de toute femme à choisir d’avoir ou non des enfants, le nombre d’enfants et l’espacement entre les naissances. Toute femme devrait pouvoir recourir à la contraception pour éviter des grossesses non désirées et avoir accès à une interruption volontaire de grossesse (IVG) sans risque et légale, le cas échéant ; ce qui passe par le renforcement des services de santé et un plaidoyer pour le respect de ces droits. En Amérique latine, 97 % des femmes vivent dans un contexte où les lois sur l’avortement sont extrêmement restrictives. MdM s’est associée à différents acteurs (société civile, professionnels de santé) de sept pays de cette région pour partager des expériences et renforcer un plaidoyer en faveur d’un « accès à un avortement sans risque et légal ». MdM souhaite porter ce plaidoyer au-delà de l’Amérique latine et Caraïbes, particulièrement en Afrique et en Asie.
Levée des barrières financières à l’accès aux soins Dans les pays à faible revenu, le paiement des soins de santé représente un obstacle de poids à leur accès, en particulier pour les familles les plus vulnérables. Le coût d’une césarienne ou encore du transport d’urgence vers l’hôpital en cas de complications obstétricales est souvent inabordable pour la majorité des ménages et justifie la mise en place de mécanismes de financement plus équitables et solidaires. Soucieuse d’appuyer des systèmes de santé fonctionnels et accessibles aux plus vulnérables, MdM est favorable à la levée de ces barrières financières et préconise l’adoption de politiques publiques instaurant l’accès gratuit aux soins de santé primaires au point d’utilisation des services. L’association appuie plus particulièrement les politiques d’exemption de paiement au profit des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans. Ces politiques dites de « gratuité ciblée » se sont largement développées au cours des dix dernières années dans les pays en développement et constituent une première étape importante dans l’instauration progressive d’une couverture sanitaire universelle.
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
carte des projets
mai 2013
France Bulgarie Tchétchénie
Palestine Pakistan
Népal
Mexique Inde
Haïti Mali
Niger
Laos
Tchad
Guatemala Burkina Faso
Nicaragua
Côte d'Ivoire
Somalie
Liberia
Colombie
Kenya Rép. dém. du Congo
Pérou
Angola
Uruguay
pays d’intervention_
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» france » BUlgarie » Tchétchénie » palestine (GAZA) » ANGOLA » BURKINA FASO » côte d’ivoire
» KENYA » Liberia » Mali » Niger » RDC » Sahel » Somalie
» Tchad » INDE » LAOS » NéPAL » Pakistan » Colombie » guatemala
» haïti » Mexique » nicaragua » Pérou » uruguay
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
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En France, MdM travaille auprès des femmes migrantes en situation de grande précarité mais également auprès des travailleuses du sexe autour des questions de SSR. Lyon © Elisabeth Rull
Accès aux droits et aux soins des femmes en situation de précarité
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en france En France, les structures de prévention et de prise en charge dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive existent et les soins sont en théorie gratuits et accessibles pour tou-te-s. Pourtant, au sein de ses Centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso), MdM reçoit de nombreuses femmes dont les indicateurs socio-économiques sont particulièrement inquiétants : en 2011, seul un tiers des femmes accueillies dans les 21 Caso vivaient dans un logement stable, 96 % n’avaient pas de couverture maladie, 45 % des femmes enceintes avaient un retard de suivi de grossesse lors de la première consultation et 40 % connaissaient ou avaient connu des problèmes dans le déroulement de leur(s) grossesse(s). Les femmes reçues par Médecins du Monde, déjà fragilisées par leurs conditions de vie, ne connaissent pas les dispositifs de droit commun et s’orientent difficilement dans le système de santé. Des programmes de médiation (Nantes) permettent d’informer les femmes et de les accompagner vers les structures adéquates, qu’il s’agisse de femmes enceintes, pour le suivi de leur grossesse ou leur accouchement, ou de patientes en demande d’une contraception ou d’un avortement… Des consultations en gynécologie ou de sages-femmes se déroulent dans les Caso (Saint-Denis) et/ou sur les lieux de vie (Bordeaux) et intègrent des entretiens individuels ou collectifs de prévention concernant le suivi de grossesse, l’allaitement, l’interruption volontaire de grossesse, la contraception et les IST. La SSR est aussi développée dans les projets auprès des travailleurs/ euses du sexe (comme à Nantes ou Paris) selon une politique de réduction des risques (prévention des IST/sida, hépatites, distribution de préservatifs et information sur la conduite à tenir en cas de rupture de préservatif…) ; de prévention des risques de grossesses non désirées ; d’information sur l’IVG, etc. Au travers de ces projets, MdM plaide pour un système de soins équitable, qui consiste à : • développer le réseau de professionnels (maternités, planification familiale, réseaux de périnatalité…) pour faciliter l’accueil, l’orientation et une prise en charge de qualité, adaptés et accessibles à ces patientes ; • développer des équipes qui puissent aller vers ces femmes, sur les lieux de vie (squats, bidonvilles…) et de travail (pour les travailleurs/ euses du sexe) ; • rendre l’ensemble des soins (information, prévention, dépistages, suivi et traitement) accessible à tous les publics.
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
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à l’international
liberia Assurer la prise en charge des complications obstétricales Considérée comme un facteur clé pour la reconstruction du pays depuis la fin de la guerre civile, en 2003, la santé est l’une des priorités politiques du gouvernement libérien avec notamment la mise en place de la gratuité des soins. MdM est engagée depuis de nombreuses années auprès des autorités sanitaires du comté du Bong afin de soutenir le processus de renforcement du système de santé en appuyant l’accès et la qualité des services de SSR et en participant à la réduction de la mortalité maternelle et infantile. L’association intervient au niveau communautaire, à travers différents acteurs, pour renforcer les connaissances et aptitudes de la population, et au niveau des centres de santé périphériques, via leur équipement et le renforcement des compétences. Pour répondre aux complications obstétricales, MdM a également construit et équipé un hôpital de plus de 55 lits, comprenant deux blocs opératoires pour des interventions gynéco-obstétricales, désormais géré par le ministère de la Santé. Plus de 3 000 accouchements, dont près du tiers nécessitait une césarienne, y ont été réalisés depuis son ouverture en 2011. L’ouverture de l’hôpital a permis aux femmes d’avoir un suivi régulier durant leur grossesse, une prise en charge durant leur accouchement et un suivi néonatal de qualité. En parallèle est développé un appui à l’école de sages-femmes et infirmiers de la région afin de renforcer les compétences de ressources humaines encore peu nombreuses et peu qualifiées dans ce pays. Pour faciliter l’accès aux structures sanitaires au moment de l’accouchement, des maisons d’attente (maternity waiting home) ont été construites. Les femmes se trouvent ainsi à proximité d’un centre de santé durant le dernier mois de leur grossesse et peuvent bénéficier d’une prise en charge immédiate pour leur accouchement, par un personnel de santé formé. L’appui à ces structures a permis une diminution de la mortalité maternelle due à l’éloignement des femmes des structures de santé et une prise en charge adaptée des complications associées à la grossesse, dans un pays où la mortalité maternelle et infantile reste l’une des plus élevées au monde.
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© DR/MdM
©©DR/MdM DR/MdM
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Côte d’Ivoire Mettre en place le continuum de soins dans un contexte de post-conflit Dans un contexte de reconstruction politique et sociale, le système sanitaire de la Côte d’Ivoire doit à présent surmonter de nombreux obstacles pour offrir des services de soins de qualité pour tous. Le gouvernement a décrété la gratuité ciblée pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans en février 2012, après dix mois de gratuité totale. Ces décisions politiques, salutaires afin de lever des barrières financières, n’ont toutefois pas été accompagnées de moyens suffisants pour être opérationnelles. Présente dans le sud-ouest du pays, MdM soutient les autorités sanitaires au niveau régional et du district afin d’améliorer la mise en œuvre de cette gratuité ciblée. Les activités du projet visent à renforcer la qualité de la prise en charge sur l’ensemble du continuum de soins, avec entre autres la mise en place d’un audit des décès maternels au niveau hospitalier et un projet pilote de référencement des complications obstétricales. Des actions de plaidoyer au niveau central sont également menées pour améliorer les mesures d’accompagnement liées à cette politique, et dans le futur élargir le périmètre de la gratuité à d’autres volets de la SSR.
; MdM intervient en Côte d’Ivoire depuis 2011 par un renforcement de la qualité de la prise en charge sur l’ensemble du continuum de soins. Côte d’Ivoire © Sébastien Duijndam
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
sahel Renforcer l’accessibilité financière aux soins Les indicateurs sanitaires des trois pays (Mali, Niger, et Burkina Faso) du programme régional au Sahel progressent peu et l’atteinte des OMD en matière de santé paraît compromise pour 2015. L’accès limité aux soins de santé primaires en est la principale cause, notamment du fait des barrières tarifaires. Le projet de MdM vise à lever les obstacles financiers à l’accès aux soins grâce à l’appui aux partenaires institutionnels et non étatiques dans un cadre sous-régional. Les principaux axes de travail sont l’amélioration de l’accès aux soins, aux niveaux financiers et géographiques ; l’amélioration de la qualité et de l’organisation des services, et enfin la promotion de nouvelles politiques plus équitables en matière de financement de la santé. Au Burkina Faso et au Niger, des projets pilotes en faveur de la gratuité des accouchements, et au Niger, des mécanismes de financements solidaires des évacuations sanitaires (aujourd’hui non couvertes par les politiques nationales de gratuité) ont été développés. Dans une optique de pérennisation, ces projets ont pour aspect innovant le rôle central dévolu aux collectivités locales dans le financement et la mise en œuvre de ces mécanismes solidaires d’accès aux soins. À la suite de ces expériences menées par MdM, les autorités sanitaires tendent à élargir les politiques d’accès aux soins et des progrès sont constatés au Niger et au Burkina Faso. En 2012, les référencements/évacuations ont connu une progression encourageante : de 41 % et 53 % respectivement à Koro et Keïta, deux des districts concernés par l’intervention au Mali et au Niger. L’action reste toutefois fragile en raison de la dégradation sans fin du contexte sécuritaire, qui conduit MdM à une vigilance particulière, impliquant un réajustement de ses activités, sans pour autant compromettre la mise en œuvre de l’action.
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Niger Illéla Renforcer l’accès à la planification familiale en lien avec les leaders religieux Au Niger, une femme a en moyenne plus de 7 enfants et les besoins en planification familiale (PF) ne sont que très peu satisfaits. Si les femmes avaient un accès élargi aux services de PF, la mortalité maternelle, encore très élevée, baisserait considérablement. En 2006, le pays a instauré la gratuité des services de PF. Néanmoins, des efforts restent à fournir au niveau des formations sanitaires pour la mise en œuvre effective des services de PF (renforcement de l’offre) mais également auprès des populations (renforcement de la demande), qui portent encore globalement sur la planification familiale un jugement teinté de méfiance, la percevant entre autres comme contraire aux principes religieux. MdM vient en appui au district sanitaire d’Illéla (région de Tahoua) grâce à un projet innovant visant à réduire la mortalité maternelle et infantile à travers une approche combinée de promotion de la planification familiale et de lutte contre la malnutrition. Après un premier temps de recherche action (plaidoyer en santé communautaire : nutrition et PF), MdM développe un projet avec les leaders religieux : identification et sensibilisation de 275 leaders communautaires, diffusion d’émissions sur l’espacement des naissances et l’accouchement assisté, argumentaire religieux sur les risques des grossesses précoces, caravanes de prêches… Les leaders religieux représentent, dans ce contexte, des acteurs incontournables dans la promotion de messages de planification familiale, de nutrition, mais aussi concernant la santé et les droits de la femme et de l’enfant. Le travail avec ces acteurs permet également d’impliquer les hommes, bien souvent « décideurs », y compris pour les questions de santé de la famille. Cela s’effectue au travers de l’École des maris, une initiative du Fnuap et le l’ONG SongES-Niger, reprise et soutenue par MdM. ©DR/MdM
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
© Raphaël Blasselle
© DR/MdM
Somalie/Bossasso Puntland
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Prévenir et prendre en charge les fistules obstétricales
Assurer une prise en charge de qualité dans un contexte d’urgence
En dépit d’une volonté nationale d’accélérer la réduction de la mortalité maternelle et infantile, le ratio de mortalité maternelle, estimé à 1 100 décès pour 100 000 naissances vivantes, reste parmi les plus élevés au monde. Le système sanitaire du Tchad doit faire face à une importante pénurie de ressources humaines pour la santé, qui, conjuguée à des difficultés économiques et à des facteurs culturels, explique une faible utilisation des services de santé, notamment de santé sexuelle et reproductive. Les femmes tchadiennes ont trop peu accès aux consultations prénatales et aux soins obstétricaux. Une mauvaise prise en charge, voire une absence de prise en charge, des complications de l’accouchement est un facteur important d’apparition de fistules obstétricales généralement associées à des accouchements prolongés. Cette pathologie entraîne une incontinence chronique invalidante qui pourrait être évitée facilement par des accouchements en présence de personnel qualifié mais qui, une fois constituée, nécessite une réparation chirurgicale lourde. Présente dans la région semi-désertique du Kanem depuis 2009, MdM soutient les autorités sanitaires au niveau régional et au niveau des districts. En appui à 15 structures de santé en milieu rural et à l’hôpital de Mao, la capitale régionale, les activités du projet visent à renforcer les connaissances des populations concernant les causes des fistules et l’importance des services de SSR. L’objectif est également d’améliorer la qualité des soins de santé maternelle et néonatale sur l’ensemble du continuum de soins, avec notamment la mise en place de consultations prénatales, le référencement des urgences obstétricales ainsi que la formation de médecins tchadiens à la prise en charge de ces urgences et à la réparation des fistules obstétricales.
Médecins du Monde intervient dans l’état du Puntland, dans le nord-est de la Somalie, dans un contexte instable tant au niveau sécuritaire qu’humanitaire. Du fait de la forte sécheresse dans la Corne de l’Afrique et des combats qui sévissent dans le sud et le centre de la Somalie, de nombreux déplacés se sont retrouvés dans la ville de Bossasso. L’objectif du projet est d’améliorer l’accès aux services de santé materno-infantile et de nutrition pour les populations hôtes vulnérables et les populations déplacées internes. Médecins du Monde appuie cinq centres de santé materno-infantile (rénovation, approvisionnement de médicaments et de matériel médical, formation des équipes médicales) situés à Bossasso et dans les camps de déplacés alentours, en partenariat avec le ministère de la Santé et l’ONG locale Integrated Services for Displaced Population (ISDP). En janvier 2013, MdM a rénové la maternité de l’hôpital général de Bossasso et a construit un 6ème centre de santé. Le grand défi est de mettre en place des activités de SSR de qualité sans subir les contraintes de l’urgence (délais de mise à disposition des médicaments et notamment des contraceptifs ; infrastructures insuffisantes ou absentes ; manque de ressources humaines ; turnover des équipes, etc..).
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
© Lâm Duc Hiên
© Stéphane Lehr
Laos
Népal
Promouvoir un accès gratuit à des services de santé aux femmes enceintes
Promouvoir la SSR via des activités de microfinance
Au Laos, le taux de mortalité maternelle est l’un des plus élevés du Sud-Est asiatique (405/100 000 naissances vivantes). Dans les zones rurales, les femmes font face à de fortes barrières géographiques et financières pour accéder aux soins de santé. Dans ce contexte, MdM a démarré en 2011 un projet pilote en partenariat avec la Croix-Rouge lao (LRC) dans les deux districts les plus pauvres de la province de Champassak, dans le sud du Laos. Le projet vise à répondre de façon concomitante aux déterminants les plus importants qui affectent l’accès des femmes aux services de santé et la mortalité maternelle dans ce pays en : • accompagnant le Bureau provincial de santé dans le renforcement de la disponibilité et de la qualité des services de santé sexuelle et reproductive, maternelle et infantile et ce, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire afin d’assurer un continuum des soins ; • renforçant les connaissances et aptitudes des villageois en faveur de pratiques promouvant la santé ; à travers un réseau de promoteurs de santé villageois que le projet a réactivé ; • réduisant les obstacles financiers à l’accès aux services de santé. Conformément à l’initiative nationale de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans (stratégie de financement de la santé du Laos 2011-2015), MdM a introduit une approche innovante avec un système de chèques santé (vouchers). Le but est non seulement d’assurer un accès gratuit aux services de santé pour les femmes enceintes, mais aussi d’encourager ces femmes dans leur droit à demander cet accès.
Au cours des dernières années, le Népal a connu une évolution politique majeure impliquant des décisions clés en faveur de la santé sexuelle et reproductive. À titre d’exemples, la gratuité des soins de santé primaires, l’augmentation de la couverture des soins prénataux, le développement de programmes de planification familiale et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (2002) ont permis de diminuer de 78 % la mortalité maternelle entre 1990 et 2010. Néanmoins, la géographie du pays reste un obstacle majeur pour accéder aux services de santé. Médecins du Monde intervient depuis 2007 afin d’accompagner ce processus de changement et pour renforcer les capacités des communautés isolées du district du Sindhupalchok à exercer leurs droits en santé. Plus précisément, il s’agit de jouer sur les déterminants de la santé qui favorisent la mortalité maternelle et néonatale et de renforcer l’utilisation des services de SSR pour les femmes en âge de procréer en s’appuyant sur le concept des « trois retards » : retard dans la décision de recourir aux soins, retard pour se rendre jusqu’à une structure sanitaire, retard pour une prise en charge appropriée au niveau de la structure. Le projet de MdM prévoit à la fois d’assurer la disponibilité des services de santé de qualité au niveau communautaire (rénovation et équipement des structures, formation du personnel soignant, référencement) et de renforcer les capacités des femmes afin qu’elles puissent accéder à ces services. L’originalité du projet est d’associer la participation des femmes à des activités de microfinance avec des sessions d’éducation sur la prévention et la prise en charge de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum.
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Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
Haïti Renforcer le lien entre les populations et les structures sanitaires Le système de santé haïtien fait face à de nombreux défis tant par l’ampleur des © Rémi Courgeon problématiques de santé que par ses capacités de réponse. La mortalité maternelle reste la plus élevée du continent, ce qui s’explique en partie par un nombre élevé de grossesses non désirées et le recours fréquent à des avortements clandestins (en cause dans environ 30 % des décès maternels). Pour répondre à ces problématiques, le ministère de la Santé a décidé, avec ses partenaires, de mettre en place la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans dans un certain nombre de structures. Cependant, la mise en œuvre de cette politique est entravée par de nombreuses difficultés (rupture de médicaments, capacités de gestion limitées aux différents niveaux de la pyramide sanitaire…). Afin de contribuer au renforcement de l’accès à des soins de qualité pour les femmes et les nouveau-nés dans le département de la Grand’Anse, MdM appuie, depuis 2009, le ministère de la Santé publique et de la population d’Haïti via la mobilisation continue de réseaux communautaires et le soutien à des structures de santé. Ainsi, des accoucheuses traditionnelles et des agents communautaires ont été formés pour promouvoir l’importance de la planification familiale, des consultations prénatales et des accouchements en milieu hospitalier. Ces réseaux sensibilisent les ménages, accompagnent des femmes enceintes vers les structures de santé lors de leur accouchement, et mobilisent les communautés afin de permettre le transfert des femmes enceintes résidant en milieu isolé. Ce renforcement du continuum de soins a permis une augmentation importante du recours à l’accouchement institutionnel (multiplié par 2.3 de 2011 à 2012) et aux consultations prénatales dans les maternités soutenues, grâce à la formation du personnel, le suivi, l’équipement. D’autre part, MdM accompagne les autorités pour faciliter la mise en œuvre de la politique de gratuité dans les structures de santé et a spécifiquement alerté les acteurs sanitaires pour garantir l’accès aux soins post avortement.
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© Michel Redondo
Depuis 2010, MdM appuie deux organisations uruguayennes pour un accès à l’avortement sans risque et légal en Uruguay et dans la région. Uruguay © AP/SIPA
Mexique Travailler auprès des femmes migrantes, travailleuses du sexe Depuis janvier 2011, MdM développe dans la région du Chiapas au Mexique un projet d’accès à la santé sexuelle et reproductive auprès des femmes migrantes d’Amérique centrale. Les travailleuses du sexe représentent 44 % du public cible du projet. Doublement stigmatisées par leurs statuts migratoires et leurs occupations professionnelles, elles sont particulièrement sujettes aux violences sexuelles, aux grossesses non désirées et aux addictions. Médecins du Monde contribue à améliorer leurs conditions de vie en leur donnant les moyens d’exercer leur droit à la santé. L’équipe médicale intervient sur leurs lieux de travail afin de leur transmettre les connaissances nécessaires en SSR, en termes de planification familiale, de prévention des cancers du sein et du col de l’utérus, mais également de réduction des risques de transmission du VIH. En accord avec les autorités locales, MdM sensibilise les acteurs de la santé pour une meilleure prise en charge des femmes et la diminution des discriminations à leur égard. Celles-ci sont ensuite orientées ou accompagnées vers ces services pour leurs consultations gynécologiques.
Santé sexuelle et reproductive (SSR) Médecins du Monde
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Uruguay Soutenir le plaidoyer en faveur de l’IVG sans risque et légale L’Uruguay est l’un des pays pionniers pour avoir développé une stratégie de réduction des risques liés aux grossesses non désirées dans un contexte restrictif, et pour avoir voté en 2012 une loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse. Présente depuis 2010 en Uruguay, MdM appuie deux associations uruguayennes de défense des droits sexuels et reproductifs. Une association de professionnels de santé, Iniciativas Sanitarias, avec qui MdM renforce la formation et le suivi des prestataires de soins.
MdM soutient également la campagne en faveur de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, menée par l’organisation féministe Mujer y Salud en Uruguay (Mysu). L’obstacle légal est partiellement levé mais de nombreuses barrières persistent pour garantir un accès aux interruptions volontaires de grossesse. Ce projet en Uruguay est aussi l’instigateur d’une dynamique régionale d’échanges entre organisations de femmes, associations de professionnels de santé et projets de MdM autour de la prévention et de la prise en charge des grossesses non désirées, dans une région marquée par des taux élevés d’avortements à risque.
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En 1994, la conférence du Caire marque un tournant décisif en introduisant et définissant le concept de santé sexuelle et reproductive. Il ne s’agit plus seulement de santé maternelle, mais « d’un état de bien-être général, tant physique que mental et social, de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités. Cela suppose donc qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le désire ». Au regard de l’impact en termes de sante publique et de la volonté d’agir en faveur du respect des droits sexuels et reproductifs Médecins du Monde fait de la santé sexuelle et reproductive l’une de ses priorités.
; Médecins du Monde 62 rue Marcadet 75018 Paris, France Tél. : +33 (0)1 44 92 15 15 www.medecinsdumonde.org Rédaction : Catherine Giboin, Sandrine Simon et Marie Lussier Conception : Aurore Voet éditions : Médecins du Monde, mai 2013
Cette brochure a été réalisée avec le soutien financier de l’Agence Française de Développement. Les idées et opinions présentées sont celles de Médecins du Monde et ne représentent pas nécessairement celles de l’AFD.