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DU RÔLE DE L’USAGER

S’interroger sur la place de l’usager au sein de notre association n’est pas nouveau. Depuis les French Doctors sur l’Île de Lumière en 1979 et à travers l’essentiel de nos programmes aujourd’hui, nous continuons d’aller vers et d’être avec des populations vulnérabilisées qui ont un rôle dans la démarche de témoignage et de plaidoyer politico-humanitaire qui est la nôtre.

Cette philosophie volontaire d’intervention est inscrite dans notre projet associatif. Elle ne saurait demeurer un discours bienpensant et inintelligible. Elle ne vaut que si elle est partagée, mutualisée et expérimentée ensemble.

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Médecins du Monde fonde le développement de ses programmes en plaçant les usagers au sein d’actions complexes, avec la volonté de les accompagner dans le développement de leurs capacités d’agir. Si entre 1979 et 1989 nous étions plutôt dans une posture de « dispensation d’une aide, d’un savoir », l’épidémie de VIH nous a fait évoluer vers un modèle participatif. Engagé dans l’assistance aux consommateurs de produits psychoactifs, Médecins du Monde a alors décidé de travailler à leurs côtés, dans une posture de redescente des besoins et des savoirs. Depuis 2000, ce modèle qui était confidentiel, propre à certains programmes, a lentement infusé dans toute l’association. Et aujourd’hui a émergé çà et là un modèle de processus communautaire. Ce nouveau modèle nous invite à nous questionner sur l’évolution réelle de la place de l’usager depuis la création de Médecins du Monde. L’usager est-il passé d’acteur passif à acteur partageant la réflexion et la décision dans les programmes ? PARTAGE ET CONSENTEMENT

Alors que nous désirons placer l’usager au sein même de l’arbre décisionnel, « à part égale » avec notre tissu associatif, peu d’usagers de nos programmes se sont autorisés à passer la porte de Médecins du Monde et à investir une place que pourtant nous leur proposons de prendre. Cette réalité impose de réfléchir à de nouveaux paradigmes associatifs qui permettront une réelle implication des usagers. Car nous le réaffirmons, le partage de la décision et donc du pouvoir, les espaces collaboratifs, les espaces décisionnels communs sont indispensables pour avancer.

Or le partage de la réflexion renvoie à la qualification que l’on reconnaît à l’usager, à son savoir expérientiel, au « faire avec » plutôt qu’au « faire à la place de », à l’apprentissage des codes de l’autre, de ses contraintes, au partage de connaissances. La dimension sociale de nos actions, par exemple, comme facteur et caractéristique de la précarité, peut entraîner des conflits d’intérêt, des approches différenciées et des oppositions non verbalisées. Dans l’intervention médicosociale, le partage et le consentement de l’usager doivent donc se côtoyer. Ainsi le consentement devient un objectif, fruit du partage, et non un moyen qui permettrait en quelque sorte de négliger les principes de consentement initial libre et éclairé ou d’alliance thérapeutique avec le soignant.

APPROPRIATION ET RÉCIPROCITÉ

La mise en œuvre d’une démarche communautaire – qui sous-entend l’appropriation du modèle commun par les usagers et par les associatifs – intègre notamment une fonction de communication et de plaidoyer visant d’une part à faire reconnaître les besoins d’individus ou de groupes d’individus, et d’autre part à être acteur du changement social. Dans ce sens, de nombreux programmes de Médecins du Monde en France et à l’international mettent déjà en œuvre les principes de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé et sa déclinaison opérationnelle.DU RÔLE Alors que nous nous posons de manière récurrente la question de la place de l’usager dans nos dispositifs, ne pourrions-nous pas nous poser la question de la place de Médecins du Monde dans DE L’USAGER

les dispositifs des personnes rencontrées ? Car ces personnes sont organisées en collectifs plus ou moins structurés (bidonvilles, squats, campements, organisations d’usagers de drogues et de travailleuses et travailleurs du sexe, etc.). Il s’agit de questionner les notions de réciprocité, d’acceptation et d’interaction qui favorisent la réinscription des personnes dans leurs trajectoires de vie. Une posture qui permettra de co-construire avec les personnes concernées des politiques socio-sanitaires moins coûteuses et plus efficaces.

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