Garcia Fons

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RENAUD GARCIA FONS

& la contrebasse jazz Avril 2007 Espace musique Médiathèque Simone-de-Beauvoir


Renaud Garcia-Fons, contrebassiste et compositeur français né en 1962, débute la musique à 5 ans par le piano puis la guitare classique, avant de choisir la contrebasse. Il poursuit des études en musique classique au conservatoire et étudie avec François Rabbath qui dirige actuellement le conservatoire national de contrebasse. Contrebassiste depuis l'âge de 16 ans, il possède une maîtrise de l'instrument hors du commun. Le son qui le caractérise vient, d'une part, du fait de jouer aussi bien "arco" (c'est-àdire avec un archet) que "pizzicato" (avec les doigts, ce qui est plus classique en jazz) et, d'autre part, de posséder sur son instrument une cinquième corde plus aiguë que les autres. Cette particularité lui permet d'obtenir des sonorités proches de celles d'un violoncelle, voire d'un violon. Son ouverture d'esprit et son amour pour les musiques appartenant à d'autres cultures apportent à sa musique une touche cosmopolite. Chacun de ses albums est un voyage dans un univers sonore aux confins de la musique classique, du jazz et des musiques extraoccidentales. Membre de l'Orchestre des contrebasses il participe à l’album Les Cargos* en 1991 et collabore sur des albums avec de nombreux musiciens. Il participera sur l’album Est* (1993) de Gérard Marais (guitare) avec Louis Sclavis (clarinette et saxophone soprano) et jouera également sur l’album Bakida* De Nguyên Lê (guitare) en 2000. Comme il est avant tout un musicien audacieux il sort en guise de premier album Légendes en 1993 sur lequel n'est présente que sa contrebasse. Un pari osé et réussi puisque la réédition de ce titre chez Enja permet au CD de connaître le succès qu'il mérite. Il enregistre ensuite Alboréa en 1995 avec Jean-Louis Matinier (accordéoniste), qu'il retrouvera en 1999 sur l'album Fuera*. Leur duo est né à la suite d’une séance d’improvisation où ils ont senti « qu’il fallait que poumon et ventre chantent ensemble (l’accordéon et la contrebasse), d’une manière propre à nos expériences et nos vibrations musicales ». Ils ont souhaité dépasser l’expression traditionnelle de leurs instruments afin d’offrir à leur public un recueil de poèmes musicaux et de petites nouvelles. Le duo est une formation qui lui convient relativement bien ; il s'associe par la suite avec le guitariste Gérard Marais et c’est ainsi qu’Acoustic Songs voit le jour en 2000. S'il est à l'aise en duo, Renaud Garcia-Fons est également capable de composer pour un nombre de musiciens beaucoup plus conséquent. Onze musiciens sont ainsi présents sur Oriental Bass* en 1998. Le contrebassiste parvient à mélanger avec une facilité déconcertante instruments occidentaux et orientaux, aboutissant à une musique qui ne saurait se cantonner à un style bien défini.


C'est notamment dans cette optique qu'a été enregistré son album Navigatore* en 2001. Le compositeur dit d'ailleurs à ce sujet : « Navigatore représente pour moi un livre de bord. Le livre de bord d'un long voyage à travers l'espace et le temps. » Pas moins de vingt-et-un musiciens sont présents sur ce disque, et le nombre d'instruments joués est encore plus impressionnant. Dans cet album d'une extrême richesse, Renaud Garcia-Fons ose de plus en plus et n'hésite pas à marier instruments orientaux et guitare saturée, ce qui peut paraître étrange au premier abord. Il suffit cependant de deux ou trois écoutes pour considérer ces mélanges comme allant de soi, tant les arrangements sont construits avec précision et habileté.

Pour l’album Entremundo* (2004) c'est la musique qu'il explore habituellement sur scène en trio que le contrebassiste nous présente à un détail près : en plus de ses partenaires habituels que sont Antonio Ruiz à la guitare flamenca et Jorge "Negrito" Trasante aux percussions, Renaud Garcia-Fons a demandé à quelques invités de se joindre à eux pour l'enregistrement de cette musique sans frontière, ni limite de style. Parmi eux Henri Tournier (bansuri = flûte) et Claire Antonini (târ = luth) ont pris part à l’aventure. Entremundo est un album à la croisée des chemins, une invitation à la fête célébrant un monde de toutes les couleurs. Entre Occident et Orient, la musique fuse et propose un magnifique voyage où les escales sont nombreuses (l'Espagne bien sûr - origines familiales obligent l'Inde, l'Amérique du Sud ...) et rythmées par des courants musicaux variés au carrefour du jazz, des musiques traditionnelles et contemporaines. Avec des sources d'inspirations musicales aussi multiples, à la fois proches de la tradition du flamenco, des musiques méditerranéennes et orientales et de l'univers jazz, Entremundo nous laisse apprécier de belles compositions racontant chacune une histoire où les mots sont remplacés par de belles envolées improvisées. Enregistré live en juillet 2005 en Allemagne, Arcoluz* nous livre une musique au carrefour des civilisations. Renaud Garcia-Fons reste fidèle à ses orientations, traquant l'inspiration du côté du jazz, des musiques orientales, du flamenco et des rythmes latino. Il est entouré de ses deux fidèles compagnons, le guitariste Antonio « Kiko » Ruiz, furieusement flamenco et du percussionniste uruguayen Jorge « Negrito » Trasante. Si Entremundo était un album qui laissait la part belle aux invités, les trois musiciens sont ici seuls pour se lancer à corps perdu dans la musique. La prise de risque en public ajoute de l'intensité. Renaud GarciaFons démontre quel merveilleux instrumentiste il est, maniant très souvent l'archet, sa contrebasse à cinq cordes lui permettant de jouer dans un registre plus aigu, nous soutirant ainsi des frissons que seuls le violoncelle ou le violon parviendraient à nous arracher.


Dans le cadre du festival Musiques et Voix du Monde, Renaud Garcia Fons se produira mardi 17 avril 2007 à la salle Jean Vilar pour une création qui réunira une vingtaine de musiciens dont le quartet Arcoluz issu de la World music et l’Orchestre de l’école nationale de musique et de danse du Pays de Romans.

Les astérisques * indiquent que les albums sont disponibles à l’espace musique de la Médiathèque Simone de Beauvoir.


La contrebasse dans le jazz 1. Histoire La Nouvelle-Orléans est légitimement considérée comme le berceau du jazz. A la fin du XIXème siècle, les premiers jazz bands rythment la vie louisianaise ; la ligne de basse est alors jouée avec un tuba, ou occasionnellement un saxophone basse. Mais quand on s’est mis à jouer du jazz dans les dancings et les boites de nuit, la contrebasse a rapidement détrôné ces instruments à vent. La contrebasse à quatre cordes (rarement cinq) devient donc la cheville ouvrière du jazz-band, où elle donne tout d’abord la fondamentale de l’accord et surtout le tempo : c’est pour quoi l’archet est vite abandonné pour le pizzicato (en pinçant les cordes), beaucoup plus précis et détaché. C’est vers 1930 que les premières cordes métalliques viennent remplacer les cordes en boyaux : elles permettent une plus grande précision, une plus grande justesse et une meilleure capacité d‘exécution. Le libérateur de l’instrument et son premier improvisateur est Jimmy Blanton (1918-1942) qui joue chez Duke Ellington à la fin des années 30. Avec lui la contrebasse n’est plus un simple outil de soutien rythmique et harmonique pour l’orchestre : elle devient une véritable voix. Elle est plus vive, plus souple, plus rapide, plus modulée. L’œuvre de Blanton influence toute la contrebasse moderne. Les plus illustres de ses disciples sont Oscar Pettiford (1922-1960), grand mélodiste et Ray Brown, fantastique rythmicien, mais aussi Charlie Mingus… A la fin des années 50, Scott Lafaro (1936-1961) « virtuose instinctif » émancipa le rôle de la contrebasse. Ancien partenaire de Chet Baker et de Stan Getz, il opéra une sorte de révolution rythmique au sein d’un fabuleux trio avec Bill Evans et Paul Motian. L’accompagnement prend alors la forme d’une conversation avec le soliste. A sa suite, une nouvelle génération apparaît qui fait des années 60 – et du free jazz – un âge d’or de la contrebasse, soliste à part entière, mais surtout instrument leader. Toute une école de contrebassistes tente d’exploiter davantage la tessiture aiguë en faisant preuve d’une virtuosité souvent impressionnante. Et dans les années 70-80, des virtuoses ne sont plus seulement des accompagnateurs, ni même des solistes, mais des créateurs d’univers sonores comme Stanley Clarke, Charlie Haden, Dave Holland, Jean-François Jenny-Clark, Miroslav Vitous… C’est bien le jazz qui a enfin donné un rôle concertant à cet instrument un peu relégué au fond de l’orchestre classique ; la basse ne marque plus nécessairement le tempo, équilibrant ses accentuations de manière à le suggérer, et privilégiant sa propre autonomie dans un dialogue constant avec les solistes successifs de l’orchestre.


2.

Quelques grands interprètes et leurs albums

Années 1950 Paul Chambers (1935-1969) En réaction au jazz cool, il crée avec ses amis un mouvement devenu par la suite « l’école de Detroit », dont le rôle est primordial pour l’émergence du hard bop. Rapidement remarqué et sollicité pour la solidité de son tempo, il enregistre avec les plus grands musiciens de l’époque, dont Cannonball Adderley, Bud Powell… En 1955, Miles Davis l’engage pour constituer un quintette. Paul Chambers participe ainsi à quelques chefs-d’œuvre dont Miles ahead* et Kind of blue*. De même avec John Coltrane, il enregistre Blue train* et Giant steps*. Il fut l’un des premiers bassistes de jazz à utiliser un archet en plus du pizzicato. Charles Mingus (1922-1979) Il devient bassiste d’Armstrong en 1941, puis entre dans le big band de Lionel Hampton. Il joue occasionnellement avec Art Tatum, Fats Navarro, Charlie Parker, puis Max Roach avec qui il fonde la marque de disques Debut. En 1955, il forme son propre quintette, le Jazz Workshop. Nombreuses sont les innovations techniques qu’il a apportées à l’instrument : trémolos, traits de flamenco, une façon unique de pincer la corde en la malaxant. Ses disques reconstituent la houleuse ambiance de ses concerts, et exaltent le continuum de la culture afro-américaine, du blues au free jazz. Années 1960 Charlie Haden (né en 1937) Autodidacte, il a joué notamment avec Ornette Coleman de 1959 à 1962 en développant un style très libre. Compositeur, il a fondé en 1969 le « Liberation Music Orchestra », orchestre libertaire formé entre autre de Carla Bley, Paul Motian, Don Cherry, Gato Barbieri… Dans un tout autre style, Beyond the Missouri sky* (1997), écrit en collaboration avec Pat Metheny, met en valeur, dans une ambiance paisible, l’aspect velouté de la contrebasse. Années 1970 Dave Holland (né en 1946) Brillant technicien de jazz anglais, il joue pendant 2 ans dans le groupe de Miles Davis, et participe aux albums In a silent way* et Bitches brew*. En 1970, il intègre le groupe d’avant-garde « Circle » composé de Chick Corea, Barry Altschul et Anthony Braxton ; c’est le début d’une longue collaboration avec le label ECM. En 1972, il enregistre son 1er album en tant que leader Conference of the birds* avec Sam Rivers, Altschul et Braxton. L’album s’imposera par la suite comme une référence du jazz d’avant-garde de l’époque. Son quintette actuel a gagné plusieurs nominations et victoires au Grammy awards.


Années 1980 Miroslav Vitous (né en 1947) Au milieu des années 60, il quitte la Tchécoslovaquie pour les Etats-Unis. Suivent les rencontres avec Miles Davis, Chick Corea et Stan Getz. En 1971, il crée Weather Report, groupe-phare du jazz-rock naissant, avec Joe Zawinul et Wayne Shorter. Considéré depuis 1968 comme un des trois meilleurs bassistes au monde, il n’a cessé d’affiner la qualité de son jeu, et la virtuosité ébouriffante de son approche de l’instrument, manifestant une sensibilité « planante ». Jean-François Jenny-Clark (1944-1998) Né à Toulouse, ce fut un des plus importants contrebassistes de jazz en Europe. Avec le batteur Aldo Romano, il a joué dans le quintette de Don Cherry en 1965, avec Keith Jarrett vers 1970. De 1984 à 1987, il a dirigé « L’Ensemble de jazz franco-allemand » avec Albert Mangelsdorff. Dès 1985, il a principalement joué en trio avec le pianiste allemand Joachim Kühn et le batteur suisse Daniel Humair. Années 1990-2000 Ron Carter (né en 1937) Le son unique de sa musique et ses fameux déhanchements ont fait de ce contrebassiste américain une figure légendaire du jazz : sa parfaite technique instrumentale lui permet de varier à l’infini ses lignes de basse. Devenu célèbre en jouant avec Miles Davis, il a contribué à plus de 2500 albums. Il connut ses premiers succès avec Eric Dolphy en 1960, il travaille également avec Randy Weston, Thelonious Monk, Cannonball Adderley. Gary Peacock (né en 1935) Ayant commencé sa carrière aux côtés du pianiste Paul Bley (1962), puis Albert Ayler (1964-1965), et Miles Davis… (ce qui montre la disponibilité de ce disciple de Scott Lafaro à s’investir dans tous les avatars du jazz, de son avant-garde à la relecture des standards), il est surtout connu pour être le bassiste du trio de Keith Jarrett et Jack Dejohnette à partir de 1977. Bruno Chevillon (né en 1959) Inscrit au conservatoire d’Avignon, il intègre ensuite le collectif lyonnais ARFI avant de rencontrer le clarinettiste Louis Sclavis en 1985. Essentiellement sideman, il prolonge l’émancipation de la contrebasse, dans le geste improvisé, de Jean-François Jenny-Clark, dont il reprend les innovations avec élégance et fraîcheur. Outre sa longue collaboration avec Sclavis, il joue avec les acteurs principaux du jazz avant-garde et des musiques improvisées : Marc Ducret, Claude Barthélémy, François Corneloup, Laurent Dehors…


Larry Grenadier (né en 1966) En 1995, le pianiste Brad Mehldau a créé son propre trio avec Larry Grenadier à la contrebasse et Jorge Rossy à la batterie. Leur collaboration a abouti à de nombreux enregistrements. D’origine canadienne, Larry Grenadier privilégie le registre aigu, en démontrant, à l’instar de Vitous, une grande aisance et une technique à toute épreuve. Yves Rousseau (né en 1961) Après quelques années au conservatoire de Marseille, il enregistre avec Sylvain Kassap avant de co-diriger avec Albert Mangelsdorff l’Ensemble franco-allemand (1990-1993) au sein duquel il fait la connaissance de Jean-François Jenny-Clark. Il enregistre en trio avec Bertrand Renaudin et Hervé Sellin. 5 ans après son album Fées et gestes, il persiste et signe sur un terrain qui attire de plus en plus de jazzmen, aux confins de l’improvisation interactive et de la rythmique du jazz : Sarsara* sort en 2005, fidéle à la complicité du même groupe : Régis Huby violoniste, Jean-Marc Larché saxophoniste et Christophe Marguet batteur. Les astérisques * indiquent que les albums sont disponibles à l’espace musique de la Médiathèque Simone de Beauvoir.

Sources bibliographiques Les Grands créateurs de jazz : Gérard ARNAUD et Jacques CHESNEL (Bordas 1990) Dictionnaire du jazz (Robert Laffont Collection Bouquins 1994) www.ambfrance.fr www.jazzzeitung.de www.garcia-fons.com www.jazzaliege.be www.jazzbreak.com www.majazzotheque.over-blog.com www.mediatheque.cite-musique.fr www.wikipedia.org www.zicline.com



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