Tango : une bréve histoire

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UNE BRÈVE HISTOIRE DU TANGO

MEDIATHEQUES DU PAYS DE ROMANS ESPACE MUSIQUE OCTOBRE 2009

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SOMMAIRE

I ) PRESENTATION DE TANGO MADAME

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II ) HISTOIRE DU TANGO 1 ) Le tango, une danse

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2 ) Le tango, une musique qui évolue

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3 ) Le tango, une culture

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III ) LES TROIS GRANDES FIGURES DU TANGO •

Carlos Gardel

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Anibal Troilo

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Astor Piazzolla

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IV ) DISCOGRAPHIE, BIBLIOGRAPHIE, SITES INTERNET

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I ) PRESENTATION DE TANGO MADAME

Guy Marrec et Jenny Faugier découvrent le tango argentin au détour d'un bal auquel ils assistent par hasard. Guy est musicien et danseur, Jenny a suivi une formation Modern Jazz : c'est le coup de foudre. Refusant les partis-pris sur telle ou telle forme de tango, faisant fi des réactions parfois cinglantes des trop-puristes, ils travaillent de manière éclectique et intensive avec une grande variété de maestros : Pablo Veron, Gustavo Naveira, Carlos Gavito, Eduardo Capussi, Cacho Dante... pour n'en citer que quelques uns, en France et en Espagne. Ils entament une série de séjours de travail à Buenos Aires où leur insatiable curiosité et leur désir de connaître leur sujet à fond les amènent à suivre les enseignements de jeunes maestros du tango nuevo (Gabriel Angio, Chicho Mariano Frumboli, El Pulpo) tout en perfectionnant leur style milonguero1, qui reste leur marque de fabrique. Ils sont très vite reconnus en tant que danseurs de bal par la vieille garde, mais conservent ce penchant légèrement iconoclaste pour toutes les formes de tango. Séduits par la culture canyengue (sorte de pré tango joyeux, proche de ses sources africaines), ils se passionnent pour cette danse.

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Milonguero : Le tango milonguero est un des styles les plus populaires du tango argentin. Il se danse dans une étreinte (un abrazo) fermée.

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Tout en poursuivant leurs incessantes recherches en Europe et en Argentine, ils partagent leur passion avec le plus grand bonheur à travers des stages et des cours, alliant le sérieux et la rigueur d'un enseignement de qualité à une immense convivialité. Une solide connaissance du corps acquise par Guy pendant quinze ans de travail avec une thérapeute en ostéopathie et massage vient enrichir leur méthode de travail. Elle contribue à l'élaboration d'une vision analytique du mouvement et la transmission de celui-ci. En tant que danseurs et musiciens, ils se produisent également en Concerts-Spectacles, et ont élaboré deux projets pédagogiques qui s'adressent aux enfants de maternelle et primaire, et aux adolescents des collèges et lycées.

Né du déracinement et du mélange des races et des cultures, le tango est l'incarnation musicale et dansante de l'âme des habitants des bords du Rio de la Plata. Tissée de contradictions aussi passionnelles que celles qui émaillent les relations entre l'homme et la femme, cette musique a trouvé son expression dans la danse de couple d'une brûlante sensualité que tout le monde connaît. Loin d'être une pensée triste, le tango est pour Tango Madame un jeu, un défi sans cesse renouvelé, une quête sans fin, une philosophie, un plaisir ineffable. Ils l'étudient, le pratiquent, le décortiquent, l'analysent sans jamais tomber dans les préjugés ni dans le jugement. Leur répertoire musical est soigneusement choisi pour une interprétation vivante et joyeuse, et leur gaîté est communicative. Les danseurs vous feront passer de l'univers sensuel et coloré, un peu canaille, du quartier de La Bocca aux salons plus sophistiqués de Buenos Aires par un astucieux mélange de musique et de danse : le samedi 10 octobre 2009 à la médiathèque Simone-de-Beauvoir. 6


II ) HISTOIRE DU TANGO Le tango est né à Buenos Aires à la fin du XIXème siècle, au bord du Rio de la Plata, dans les quartiers populaires de la capitale argentine. Cette musique est désignée par Enrique Santos Discépolo (un des plus grands paroliers) comme une pensée triste qui se danse.

1) Le tango, une danse Le tango est d’abord une danse. Comme dans l’histoire de la valse, ce qui détermine l’invention d’une musique, d’une littérature, d’une culture, c’est d’abord une nouvelle manière de danser. La musique et la littérature tango n’existeraient pas sans l’invention populaire d’un nouveau style de pas. Le tango est marqué par le folklore latino-américain (candombé2), par l’influence des danses des Caraïbes, par des influences européennes (le tango espagnol – figure de flamenco), et également par une influence africaine. Le tango est la preuve musicale de la diversité de l’immigration qui a peuplé l’Argentine.

• Le Tango et la France L'étymologie du mot tango suscite un débat sans fin : pour notre part nous préférons la filiation avec le verbe tanguer (qui désigne le mouvement d'un bateau d'avant en arrière), mouvement évocateur de la danse tanguée. Dans la première moitié du XIXème siècle, les marins antillais répandaient à Buenos Aires la habanera grandie à Cuba ; de même rythme originel que le tango, elle plongeait ses racines dans la contredanse de la bourgeoisie parisienne, transportée par les courtisans français dans leurs colonies d'Amérique. Dès 1900, un film sur le tango a circulé en Europe, et en 1905, le musicien urugayen Enrique Saborido le danse dans les salons Rothschild. Les premiers tangos sont arrivés en Europe par le port de Marseille en 1906 : ce sont les marins de la frégate argentine « Sarmiento » qui, au cours de leur voyage de promotion, semèrent des partitions de tango. En 1907, les premiers musiciens viennent à Paris pour graver leur musique. La Garde républicaine enregistre le tango de Manuel Campoamor « Sargento Cabral » pour une compagnie phonographique de Buenos Aires. Et Paris tombe immédiatement amoureux du tango, cette danse où les couples sont étroitement enlacés. 2

Candombé : c’est un rythme dérivé africain. Il est arrivé d'Afrique en Uruguay avec les esclaves noirs, et reste toujours très présent dans les rues, les salles de concert et les carnavals.

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En 1908, le tango est dansé dans des revues musicales ; en 1910, Mistinguett danse le tango avec le directeur de l’Académie de danse et de maintien. Le tango va passer alors dans les soirées parisiennes, modifier les conventions, bouleverser les usages... L'apogée de la tangomanie à Paris est l’année 1913 : on invente les conférences-tango ; on donne le nom de tango à un train Paris-Deauville, à un cocktail bière-grenadine ; les cartes postales avec couples dansant dans des poses osées prolifèrent. L’académicien et poète Jean Richepin prononce un discours « A propos du tango » où il excuse l’origine populacière du tango puisque nos danses ont toutes commencé par être des danses populaires, de plus la France est comme la Grèce antique, un pays où la danse est nécessaire à la vie. En 1928, Paris cède à la magie Gardel : les orchestres argentins y accomplissent un voyage rituel et font les beaux jours de « La Coupole ». Dans les années 40, une école de tango française naît avec « Tendresse » d’André Verchuren, Tino Rossi chante « Tango de Marilou », l’accordéoniste Marcel Azzola se convertit au bandonéon. Au « Tango des fauvettes » de Berthe Silva, et à l’inévitable « Plus beau tango du monde » d’Henri Alibert, succèdent les tangos de Boris Vian et de Léo Ferré. Lorsque Astor Piazzolla vient à Paris en 1954, le tango n’est plus qu’une musique de bal accompagnant la danse ; il reviendra jouer à Paris en 1971, et participera au grand regain du tango dansé des années 80. En 1976, la dictature argentine provoque un afflux de musiciens : le Cuarteto Cedron, le bandonéiste Juan José Mosalini (qui forme en 1982 un trio avec 2 musiciens de jazz Gustavo Beytelmann, piano et Patrice Mosalini, contrebasse), ainsi que Susana Rinaldi qui a mis sa double formation d’actrice et de chanteuse classique au service des textes des grands poètes du tango... En novembre 1981, Edgar Canton, le poète Julio Cortazar, Susana Rinaldi et d’autres créérent la première tangueria parisienne « Les Trottoirs de Buenos Aires » aux Halles qui, accueille jusqu’en 1994 l’élite tanguera.

Et le spectacle « Tango argentino », créé au Châtelet en 1983, conquiert la planète et permet de renouer avec le nouveau tango d’Argentine. Aujourd’hui, on danse argentin dans un millier de cours de tango en France, et des musiciens français participent à ce renouveau comme le bandonéiste Olivier Manoury, le duo Artango, l’accordéoniste Richard Galliano… Editée par l'Association Le Temps du Tango, la revue « La Salida » est née en octobre 1996. Ce magazine contient des articles en français concernant le tango argentin, et un agenda des activités tango en France. On peut s' y abonner ou l'acheter auprès des nombreuses associations et lieux où elles sont en dépôt, et la plupart des milongas parisiennes. (http://www.lasalida.info)

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2) Le tango, une musique qui évolue • Dans la forme Les orchestres Avant 1900, les premiers orchestres de tango sont composés d'un violon, d'une flûte et d’une harpe. Puis, la harpe est peu à peu remplacée par la guitare. Vers 1900, lorsque le tango commença à conquérir ses lettres de noblesse, le piano prit place dans l'orchestre. A partir de 1914, Firpo donne place dans son orchestre au violon, à la flûte, à la contrebasse. En 1917, le sextuor devient l'orchestre habituel. Dans les années 40, l'orchestre montera à onze, voire douze musiciens. Le violoniste Canaro, le pianiste Pugliese, le bandonéiste Troilo ont dirigé les trois plus grands orchestres de tango, inventant des sonorités, des cadences, et signant des chefs d’œuvres.

L'introduction du bandonéon Cet instrument à vent, d’origine allemande, possède un dispositif sonore (anche) qui produit un son quand les soufflets poussent l’air vers l’intérieur et l’extérieur. Il a parfois été appelé « cousin de l’accordéon » mais il diffère de lui d’abord par le son qu’il produit (chaque bouton peut produire deux sons très différents, selon que le soufflet s’ouvre ou se ferme). Il s’en distingue également par sa forme (plutôt carrée ou octogonale) et par la manière dont on en joue (posé sur les genoux). En 1908, le bandonéon (qui était apparu la première fois en 1898 dans un orchestre de tango) s'impose. C'est un événement important, car, en remplaçant la flûte dont les fioritures disparurent, et avec elle un style badin et tapageur, l'orchestre de tango trouva son identité plaintive et sentimentale. Par ses possibilités d’articulation, il est proche de la voix humaine et, comme elle, peut gémir, crier, être rageur, frémir et en même temps exprimer une douceur extrême ou une plainte lancinante. Le son peut être neutre et doux, âpre et agressif en tirant comme en poussant. Quelques bandonéistes jalonnent l’histoire du tango : Angel Villoldo, Anibal Troilo, Astor Piazzolla ou plus récemment Juan Jose Mosalini.

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Les trois genres Le tango-milonga est strictement instrumental et il a un caractère rythmique très marqué. L'exemple le plus classique en est le tango « Buedo » (1928) de Julio de Caro. Le tango-romanza est plus lyrique et mélodique (il peut être soit instrumental, soit vocal) et il comporte un texte fortement romantique. L'un des plus connus est « Flora negras » (1928) de Francisco De Caro. Le tango-cancion est toujours vocal avec accompagnement instrumental. Il a un fort caractère sentimental. On peut citer quelques exemples connus tels que « Mi noche triste » de Julio Cesar Sanders (1928), « Milonguita » de Enrique Delfino (1920) et « Sur » d'Anibal Troilo (1948).

• Dans le temps La vieille garde ou « guardia vieja » La guardia vieja ce sont ces compositeurs de la première génération tanguera. Musiciens pour la plupart intuitifs, très liés à la tradition orale, apprenant d’oreille à partir des cylindres ou des disques en cire. Angel Gregorio Villoldo est le principal compositeur de la guardia vieja. Il a écrit « El Choclo », le premier grand tango. Autour de lui, un grand nombre de personnages ont marqué cette époque et ont formé cette vieille garde, notamment Francisco Canaro.

La transition se fera avec Roberto Firpo, qui contribue à structurer l’orchestre typique (orquesta tipica3). Il est le créateur du sextet (2 bandonéons, 2 violons, 1 piano et 1 contrebasse). Il a écrit « La Cumparsita » (petite fanfare) qui deviendra le tango le plus connu au monde.

La nouvelle garde ou « guardia nueva » Cette rénovation du tango aura lieu grâce à Julio de Caro. Avec lui disparaît toute référence aux maisons closes, la musique s’adapte aux salons chics. Il crée un rythme plus calme, un style qui sera repris par Anibal Troilo ou Osvaldo Pugliese.

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Orquesta tipica : formation classique du tango

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L’âge d’or (1940-1955) Le tango redevient ce qu’il était dans les années 20 : un phénomène de masse, mais sur une échelle jamais égalée. Il est partout, dans les clubs, salons, cafés, dans les films et dans les salles de cinéma… A la fin des années 40, on ne dénombre pas moins de six cents orchestres et plusieurs milliers de musiciens. La danse tango bénéficie elle aussi de cet engouement populaire. Dans les tangos chantés, le texte acquiert une importance primordiale. Le tango a d’abord eu son propre langage, le lunfardo, une sorte d’argot né dans les quartiers populaires de Buenos Aires. Puis, naît toute une littérature, une poésie du tango, qui retracent les peines et les désillusions d’un monde. Parallèlement, le tango instrumental atteint peut-être son apogée avec Osvaldo Pugliese.

Osvaldo Pugliese

Les musiciens commencent à s’intéresser aux concerts, enregistrements et programmes radio, délaissant peu à peu le tango pour danser au profit du tango à écouter. Les chanteurs sont las aussi des contraintes rythmiques imposées pour le tango dansé.

Le déclin et l’avant garde (1955-1980) La chute de Peron et la nouvelle politique mise en place touche durement le tango. Le gouvernement ne limite plus la diffusion des musiques étrangères, il importe entre autres le rock and roll. L’ouverture des dancings devient impossible et certains grands artistes sont emprisonnés pour leurs liens avec les péronistes. Dans les années 60, Piazzolla devient le chef de file d’un nouveau genre de tango : il mélange tango, jazz et musique classique pour créer ce qu’il appelle le tango nuevo.

Le tango moderne (1980 à nos jours) Dès la chute da la junte militaire en 1983, Buenos Aires retrouve ses racines musicales que la jeunesse se réapproprie. En effet, même si la musique américaine exerce sa domination planétaire, les rockers argentins se convertissent au culte du tango : un sondage de 1996 révèle que 79% des Portègnes déclarent aimer le tango. En 1990, la première radio FM dédiée entièrement au Tango voit le jour. Dans les années 90, Jorge Manganelli crée la première Milonga (salle de bal tango) où de jeunes danseurs partagent le parquet avec les vieux milongueros qui s’étaient exilés dans les quartiers périphériques de Buenos Aires. Depuis 1996, le 11 décembre est déclaré « Journée nationale du tango » par le gouvernement argentin : c’est le jour de la naissance de Carlos Gardel (1890), et de Julio de Caro (1899) l’homme qui a révolutionné le tango. Chaque année débute alors un festival qui dure une semaine où le tango resurgit avec vigueur. Julio de Caro

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Aujourd'hui, presque toutes les formes de tango peuvent être entendues, grâce aux différents orchestres et groupes qui se produisent à Buenos Aires et ailleurs. Les nouvelles vagues Le bandonéoniste Dino Saluzzi est devenu un des musiciens majeurs du label allemand ECM avec ses travaux qui fusionnent le tango aux éléments du jazz et du folklore argentin. De même, le pianiste Pablo Ziegler, qui pendant douze ans travailla avec Piazzolla, élabore sa musique avec des éléments du jazz. Le groupe La Chicana fusionne son tango aux éléments du rock, de la chanson et du candombé, et incorpore ainsi un esprit plus festif. Dino Saluzzi

Un autre bandonéiste, Marcelo Nisinman, combine les éléments traditionnels colorés du tango avec des distorsions fondées sur l’atonalité et la musique contemporaine. Il applique ce style particulier notamment avec le groupe danois Tango Orkestret. Enfin, le tango électro se subdivise en 2 catégories : le tango fusion qui utilise les instruments et les rythmes modernes autour d'un rythme tango traditionnel (Gotan Project, Otros Aires) et le tango alternatif qui est sans aucun rapport avec le rythme traditionnel mais sur lequel certains danseurs aiment apposer les pas du tango argentin (Bajofondo Tango club). Gotan Project

Juan Carlos Caceres a créé un nouveau mouvement du tango argentin en lui redonnant des éléments oubliés de son passé, comme l’influence noire dans la création des bases du tango argentin avec la célèbre chanson « Tango Negro » : De toutes les musiques du XXème siècle, le tango est celle qui intègre le plus large spectre de cultures. Le jazz naît dans les fanfares issues de la guerre de sécession qui interprètent simplement des rythmes africains sur des instruments européens. Dans le tango, on trouve le candombé noir, la habanera créole, le mélodisme et la nostalgie des italiens, la tradition populaire espagnole, les influences d'Europe centrale apportées par l'immigration juive, le bandonéon allemand… C'est pratiquement la première « world music » avant la lettre. Il est devenu universel à partir du moment où il est sorti du contexte d'origine du Rio de la Plata, et a été joué dans le monde entier : par exemple en Finlande, où il est devenu une musique nationale ; en Turquie, où « La Cumparsita » est traditionnellement jouée lors des mariages… Tout le monde s'approprie le tango, parce que tous peuvent s'identifier à son pathos universel qui nous parle de nostalgie, de souffrance, d'amour. De plus, c'est une superbe danse de couple. Interview dans « La Salida » n°18 (avril-mai 2000).

Juan Carlos Caceres

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3) Le tango, une culture Théâtre : Dès le début du XXème, le tango est mis en scène, dans des saynètes, courtes pièces reflétant la vie quotidienne. En 1913, « El tango en Paris » parle du succès de cette danse en France, en écho à une pièce de Jean Richepin « Le tango ». Peu à peu, la saynète est évincée par le théâtre tout court. En 1952, le bandonéiste Anibal Troilo et le poète Catulo Castillo mettent en scène « Le Patio de la brunette » couronné d’un succès historique qui consacre le tango du même nom. Aux abords des années 60, le tango persiste au théâtre : la musique de Piazzolla accompagne « Le tango de l’ange » d’Alberto Rodriguez Munoz, et l’opéra-tango « Maria de Buenos Aires » du poète Horacio Ferrer.

A Paris, Jérôme Savary fait entrer dans son Grand Magic Circus le chanteur Ernesto Rondo vêtu en gaucho. Poésie : Les paroles de tango peuvent être un moment de haute poésie qui reflète tous les aspects de l’aventure humaine. Esteban Celedonio Flores (1896-1942), boxeur et poète, a apporté l’argot de Buenos Aires, le lunfardo avec un vocabulaire riche, imagé. Venu de la pampa, Enrique Cadicamo (1900-1999) a travaillé avec Gardel, Troilo, … Manipulant avec virtuosité le lunfardo, il le transcende en un style européanisé ; il parle de la solitude des grandes villes, des cités de perdition que sont Paris ou Buenos Aires, de l’étreinte amoureuse. Enrique Santos Discépolo (1901-1951), poète existentialiste, exprime le désarroi du Portègne dont la seule issue est l’ironie. Phrases courtes, tranchantes, ses tangos ont marqué une révolution esthétique. Sceptique, il fait du tango une littérature de la tristesse. Fils d’un anarchiste, Catulo Castillo (1906-1975) a consolidé le folklore de Buenos Aires : exaltation du passé, évocations littéraires raffinées, empreinte hispanique.

Enrique Santos Discépolo

Catulo Castillo

Influencé par le poète français Verlaine, Homero Manzi (1907-1951) manie octosyllabes et alexandrins, et mêle intimisme, nostalgie du faubourg et de la jeunesse. Son chef d’œuvre est « Sur » (« Sud ») écrit en 1948.

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Littérature : En 1955, l’écrivain-bibliothécaire Jorge Luis Borges ajoute un chapitre dédié à l’histoire du tango dans son livre « Evaristo Carriego » ; il signera également tangos et milongas avec Piazzolla.

Ernesto Sabato est l’auteur de l’essai « Tango, discussions et clés » ; il écrit avec Piazzolla « Introduction à Alejandra », ouverture d’une pièce lyrique, puis le tango « Alejandra » sur une musique de Troilo. Dans « Le plus beau tango du monde » le romancier Manuel Puig utilise des vers du parolier de Carlos Gardel. Julio Cortazar écrit un tango « Trottoirs de Buenos Aires » : Finalement, à ma façon, j’ai passé ma vie à écrire des tangos… Qu’il soit encyclopédique comme Borges, folklorisant comme Güiraldes, ou expérimentateur comme Sabato, l’écrivain argentin ne manque pas de mêler sa voix à celle du tango. Cinéma : Charlie Chaplin découvre le tango dans « Tango tangles » (1914). En 1921, le monde s’émerveille devant Rudolf Valentino dansant un tango peu orthodoxe en gaucho… dans un film muet. Le premier film parlant argentin « Tango » en 1932 est un succès : l’âge d’or du tango collera à l’âge d’or du cinéma argentin. L’Argentine devient, avec les Etats-Unis, le plus grand exportateur de films vers l’Amérique Latine, faisant traverser les frontières à sa musique. En 1972, « Le dernier tango à Paris » met en scène une danse d’amour et de mort sur une musique du saxophoniste d’origine argentine Gato Barbieri. Dans « Le conformiste » (1970) Bernardo Bertolucci fait tanguer Dominique Sanda et Stefania Sandrelli ; en 1992, dans « Indochine » de Régis Warnier, ce sera le tour de Catherine Deneuve. Le cinéaste engagé Fernando Solanas rend hommage à son pays avec « Tangos, l’exil de Gardel » (1985), puis « Sur » (1988) avec les superbes musiques de Piazzolla.

Carlos Saura a déjà consacré plusieurs films à la danse et à la musique quand il réalise « Tango » en 1998. Il demande à l’argentin Lalo Schifrin (qui fut pianiste dans l’orchestre de Dizzy Gillespie et pour Astor Piazzolla) de lui écrire la musique. Grand pourvoyeur de scénarios, le tango a inspiré également Dino Risi (« Parfum de femme » en 1993), Francis Ford Coppola (« Cotton Club » en 1994)…

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CONCLUSION En un siècle, le tango a créé de nombreux styles différents, a rejoint la musique savante la plus avant-gardiste et la danse contemporaine, connaît des festivals et des milliers d’adeptes dans le monde entier. Bien plus qu’un genre musical et chorégraphique, le tango est devenu un univers à lui tout seul, intégrant littérature, poésie, peinture, musique et danse. Nébuleuse complexe, capable de digérer d’autres univers esthétiques ou de s’intégrer à eux, le tango aura marqué le siècle d’une empreinte indélébile, à l’instar des autres musiques d’origine afro-américaine, telles que le jazz et les musiques brésiliennes et cubaines dont il est un des rameaux.

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III) TROIS GRANDES FIGURES DU TANGO Les Argentins chérissent particulièrement ceux d’entre eux qui ont réussi à l’étranger, critère qui peut s’entendre comme une forme de célébration des origines, autant que de revanche sur celles-ci. Le tango, à cet égard, est assez démonstratif. Seul un chanteur, Carlos Gardel, allait devenir une véritable icône argentine, encore aujourd’hui seulement comparable à Eva Perón ou Maradona.

CARLOS GARDEL (1890 – 1935) Cheveux gominés, œillades de velours, « Carlito Querido » le chéri argentin de ces dames se pavanait avec des airs canailles, goguenard et romantique : sa voix suave aux trémolos plaintifs et roucouleurs cultivait le pathétique, s'appuyant sur la dramatisation. Etait-il le fils d'une blanchisseuse toulousaine et d'un voyageur de commerce, ou celui d'un couple uruguayen ? Le doute subsiste... Carlos Gardel a toujours entretenu le mystère sur ses origines. Même sa mort, lors d'un accident d'avion, laisse des questions sans réponses...

Né de père inconnu, à Toulouse, en 1890, Charles Romuald Gardes, dit Carlos Gardel arrive à Buenos Aires avec sa mère Berthe, à l'âge de deux ans et demi. Il grandit dans le quartier de l’Abasto, parmi les débardeurs, les lupanars et les bistrots. Pour ses copains d'école, il est le Francesito (le petit français). Pour les Argentins d'aujourd'hui, Carlos Gardel est le plus authentique Porteno (habitant de Buenos Aires) d'entre eux. Sa carrière commence vers 1913, à Montevideo, par un duo avec l'uruguayen José Razzano. En 1917, Gardel crée le premier tango chanté en interprétant « Mi noche triste » de Samuel Castriota et Pascual Contursi. En 1923 il entreprend une première tournée en Espagne, et devient célèbre dans le monde entier. Fils du peuple, chanteur doué, doté d’un charisme exceptionnel, il a su se composer au fil du temps un répertoire de grande qualité auprès de paroliers de talent comme Cadícamo ou Le Pera. Désormais en solo, il triomphe pendant tout l’automne 1928 à Paris, après avoir conquis Madrid et Barcelone. En 1930, à Nice, il partage l’affiche avec Mistinguett et devient l’ami de Charlie Chaplin. Il débute pour la Paramount une carrière cinématographique qui se poursuivra aux Etats-Unis, où il croise à New York, quelques mois avant sa mort, un gamin nommé Piazzolla, le second tanguero qui triomphera en Europe comme aux USA. Sa carrière internationale ne s’interrompt qu’avec l’accident d’avion dans lequel il trouve la mort, le 24 juin 1935 à Medellin (Colombie).

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ANIBAL TROILO (1914 – 1975) Anibal Troilo incarne avec Osvaldo Pugliese l'épanouissement dans les années 1940, de la révolution artistique initiée par Julio De Caro qui avait pour ambition d'améliorer la qualité musicale du tango. Il enrichit cet héritage par deux apports spécifiques : d'une part, ses qualités de bandonéoniste ; et d'autre part un intérêt particulier pour les textes chantés, qui en fera l'un des propagateurs majeurs de la poésie tanguera du milieu du XXème siècle.

Anibal Troilo est né à Buenos Aires dans le quartier de Almagro. Surnommé Pichuco par son père, il découvre sa vocation pour le bandonéon à l'âge de 10 ans. Il joue en public dès l'âge de 11 ans. En 1930 il intègre le sexteto de Elvino Vardano & Osvaldo Pugliese, puis la Orquesta Tipica Victor... Il écrit son premier tango en 1933 « Medianoche » et crée sa propre formation « Tipica Pichuco » avec Fransisco Fiorentino comme chanteur. En 1940 il fait ses début à la radio El Mundo. Chef d'orchestre et compositeur prolifique, il s'est entouré des plus grands chanteurs en réalisant une difficile synthèse entre le texte chanté, la musique et la danse. Depuis la mort de Gardel en 1935, les chanteurs étaient cantonnés aux refrains, Troilo leur redonne une place importante dans l'orchestre. Pour accompagner sa musique, il fait appel aux paroliers les plus connus de son époque. Pichuco considérait que la qualité littéraire des textes était très importante. Troilo a toujours joué à l'intention des danseurs, alternant la ligne mélodique et la ligne rythmique. Son répertoire est très riche, il a composé plus de 40 tangos dont : « Barrio de tango », « Sur », « Che bandoneon »... Le 11 juillet a été officiellement décrété « Jour National du bandonéon » en son hommage. J'ai d'abord aimé le tango comme poésie chantée, avec la voix de Gardel. J'ai été ensuite fasciné par le plaisir sensuel de sa danse, sur des airs entraînants de Canaro. Enfin j'ai appris à l'apprécier comme musique instrumentale, en écoutant Pugliese et Piazzolla. Et, un jour, j'ai découvert qu'un orchestre avait intimement uni ces trois composantes fondamentales, trop souvent séparées : celui d'Anibal Troilo. Fabrice Hatem (rédacteur de « La Salida », magazine sur le tango argentin) No hay tango viejo ni tango nuevo. El tango es uno solo : Il n’y a pas de vieux tango ou de tango nouveau, le tango est un tout. Anibal Troilo

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ASTOR PIAZZOLLA (1921 - 1992)

Musicien avant-gardiste, immense bandonéoniste et compositeur de génie, Astor Piazzolla révolutionne le tango auquel il donne une gloire universelle et une nouvelle jeunesse. Ce gaucher extrêmement doué écrit ses pièces avec précision, mais laisse la place à l'improvisation. Il influencera profondément tous les musiciens de tango.

Astor Piazzolla est né à Mar del Plata en Argentine. Il vécut son enfance avec ses parents à New York où il étudia le bandonéon et le piano. De retour en Argentine en 1939, il intègre l'orchestre de Anibal Troilo à Buenos Aires comme bandonéoniste et arrangeur. Très (ou trop) audacieux au goût de Troilo, il quittera l'orchestre en 1944, et dirigera sa propre formation à partir de 1946. En 1948 il aura enregistré 30 titres dont quelques-uns figureront comme des tangos d'anthologie : « Taconeando », « Inspiracion », « Tiera querida », « La Rayuela » ou « El recodo ». Elève du compositeur Ginastera, Piazzolla obtient en 1953, pour sa « Sinfonía Buenos Aires », un prix qui lui permet de venir étudier à Paris avec Nadia Boulanger. Celle-ci aura une influence déterminante sur sa carrière en l’incitant à ne jamais s’éloigner des racines de la musique populaire de Buenos Aires et de son instrument, le bandonéon.

Astor Piazzolla et Nadia Boulanger

Sa révolution musicale démarre véritablement à son retour en Argentine, après qu’il eut enregistré avec l'Orchestre à cordes de l’Opéra, Martial Solal et Lalo Schifrin, des tangos témoignant à la fois de son amour de Paris (Río Sena, Tzigane tango, Sens unique…), de sa volonté novatrice et de l’émergence d’une structure rythmique en 3-3-2 qui sera une des marques de son tango nuevo. Piazzolla ne cessera plus de repousser les limites de la confrontation du tango avec la musique savante d’une part, et le jazz, d’autre part. Un retour à New York et la création d’ « Adiós Nonino » (1959) précèdent la formation de nouveaux ensembles dont le quintetto Nuevo tango (bandonéon, piano, violon, guitare électrique et contrebasse).

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En 1965 il enregistre à Buenos Aires une série de compositions sur des textes et poèmes de Jorge Luis Borges. Cette même année sort « Verano porteno », premier des superbes tangos qui forment « Les quatre saisons portègnes » en référence aux Quatre saisons de Vivaldi. Au-delà des harmonies empruntées à des compositeurs comme Bartok ou Stravinski, on retrouve dans nombre d’œuvres d'Astor Piazzolla des références directes au style baroque. Il travaille ensuite avec le poète Horacio Ferrer avec qui il crée le petit opéra « Maria de Buenos Aires » en 1968. A partir de là, la carrière d’Astor Piazzolla est internationale et très largement européenne. Paris devient un point cardinal entre ses pérégrinations : un port d’attache, la rampe de lancement de ses grands succès des années 1970-80 (concerts à l’Olympia, aux Bouffes du Nord). C'est aussi le lieu de rencontres déterminantes : Georges Moustaki, Jeanne Moreau, le cinéaste argentin Solanas à qui il offre les bandes originales pour « Tangos, l’Exil de Gardel », « Sur », et Richard Galliano, sur qui il exerce une influence décisive dans sa démarche de création du New Musette… Astor Piazzolla espérait que sa musique lui survivrait encore en 2020. Il est aujourd’hui un des compositeurs les plus joués dans le monde, aussi bien par les classiques que les jazzmen ou les musiciens de l’electro sans parler des tangueros…

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IV ) DISCOGRAPHIE, BIBLIOGRAPHIE, SITES INTERNET Sélection de cd disponibles à l’espace musique 20 anos / Color tango (2009) 38 chefs d’œuvre / Carlos Gardel (1996) Adios nonino / Astor Piazzolla ; Astor Piazzolla Quintet (1989) Argentine tango / Carlos Rodrigo (2002) Astor Piazzolla, musiques de films / Astor Piazzolla (1984) Ballet tango / Astor Piazzolla ; Richard Galliano (1992) Bucharest tango / Oana Catalina Chitu ; Anton Slavic (2008) Dans l’entre-deux-guerres, Bucarest, comme d’autres capitales européennes, se délecta des saveurs corsées du tango. Ce dernier fut accommodé à la sauce rom par des vedettes à la glotte de velours comme Jean Moscopol ou Cristian Vasile. Ces chansons « d’un autre temps » renaissent aujourd’hui par la magie du chant d’Oana Catalina Chitu. Un disque qui s’adresse aux amoureux du tango mais pas seulement. Une agréable découverte !

La Dama del tango / Mercedes Simone (1993) El Desbande : Astor Piazzolla y su Orquesta Tipica 1947 / Astor Piazzolla ; Aldo Campoamor ; Astor Piazzolla Orquesta Tipica (1989) Inspiracion. Espiracion / Gotan Project (2004) Intimo / Juan Carlos Caceres (1997) The Lausanne Concert / Astor Piazzolla. - Milan, (1989) Live tango / Juan José Mosalini orchestra, Juan Jose Mosalini (2008) Juan José Mosalini est l'un des maîtres du tango moderne. Dans ses mains, l’historique bandonéon argentin continue de chanter avec la fougue et la certitude d’une jeunesse retrouvée. Français d’adoption depuis 1977, il nous fait partager ses sentiments musicaux au sein d’un orchestre. « Mosa » et ses musiciens magnifient avec une simple virtuosité des standards du répertoire tango. Ce double album vous enveloppera de son énergie captivante, de ces subtilités du langage tanguero, de l'allégresse au spleen...

Maldito tango / Melingo (2007) Daniel Melingo a une voix qui, au premier abord, nous rappelle celle de Paolo Conte, éraillée, grave. Il nous livre ici des tangos « maudits » à la limite du parlé, écrits par des poètes argentins ou des paroliers de tangos. Pas besoin de comprendre l’espagnol pour être forcément touché par la beauté de ces morceaux. Un disque qui mérite le détour autant pour sa musique que pour sa pochette.

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Moi, je suis du temps du tango / Valeria Munarriz (1993) Nocturno / La Tipica Orquesta de Tango ; Cuarteto Cedron (2002) Orquesta Tipica Victor / Orquesta Tipica Victor (2000) Para que vos y yo / Cuarteto Cedron (1997) Passion du tango / (2003) La Reina del tango / Libertad Lamarque (1993) La Revancha del tango / Gotan Project (2001) The Rough dancer and the cyclical night : tango apasionado / Astor Piazzolla (1988) Sur : bande originale du film / Astor Piazzolla (1988) Tangamente, vol 1 / Astor Piazzolla (1993) Compositeur et maître argentin du bandonéon, Piazzolla n'a cessé de repousser les limites de la confrontation du tango avec la musique savante d’une part, et le jazz, d’autre part. Ce disque est une compilation où l'on retrouve la pièce emblématique de son répertoire « Adios Nonino » et « L'operita Maria de Buenos Aires » du poète Horacio Ferrer. Bouleversant et enchanteur.

Tangueando / Osvaldo Pugliese (2005) Tango Argentin / Haydée Alba (1990) Tango contemporain / Artango (1993) Depuis 1991, ce duo français joue du contraste entre la lascivité du bandonéon et les martèlements du piano. Loin des clichés et des facilités du tango classique, Fabrice Ravel-Chapuis et Jacques Trupin composent et interprètent une musique joyeuse et dense, sensuelle et violente. Un tango moderne et flamboyant qui déborde d’énergie, un son résolument contemporain, à découvrir !

Tango del sur / Castillo Alberto (2003) Tango primeur / Cuarteto Cedron (1990) Tango & tangueros : hoje & ayer (2003) Tangos carcelarios : 34 punaladas / (2004) Troileana / Liliana Barrios (2007) La chanteuse argentine rend hommage à Anibal Troilo. Admirateur de Gardel, ce bandonéiste fut un compositeur de génie. «Le répertoire de Troilo est magnétique, exigeant. Le chanteur s’embarque sur une vertigineuse montagne russe d’aigus et de graves, de mouvements de fureur et de silences, de dureté et de tendresse». « La ultima curda » (présentée en 2 versions) est devenue l’hymne national du tango.

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Viento sur / Sandra Rumolino, Gerardo Jerez Le Cam (2007) Vivo en otros aires / Otros Aires (2009) Yo soy el tango / Miguel Calo, Miguel Calo Orquesta Tipica (1993)

Bibliographie Petit atlas des musiques du monde / Cité de la musique, 2006 Musiques du monde / Eliane Azoulay (Bayard 1997) Les Musiques du monde / François Bensignor (Larousse, 2002) Tango : du noir au blanc / Michel Plisson (Cité de la musique, 2001) Le tango : passion du corps et de l’esprit / Nardo Zalko (Milan, 2001) Le tango / Remi Hess (PUF, 1996) Les lieux du tango dansé : dans le Buenos Aires d’aujourd’hui

Sites internet www.musicargentina.com blog.tangomadame.com www.lasalida.info www.bailando-tango.com fabrice.hatem.free.fr www.americas-fr.com www.issy.com/index.php/fr/culture/mediatheques

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