éditions pat.H
Aujourd’hui à la retraite, Constant Kox, ancien policier à la brigade judiciaire de Polbru, prend le temps de se livrer, de se libérer et tente d’expliquer un métier dangereux et méconnu. Souvenirs, événements historiques ou anecdotiques de sa vie professionnelle.
ISBN 978-2-930639-19-2 D/2014/12.782/1
PAROLES ET CONFIDENCES DE FLIC | Constant KOX
Paroles et confidences de Flic revient sur le démantèlement en 1996 d’un réseau important de pédophilie en Belgique, sur le drame du Heizel, ... Passionnant
PAROLES ET CONFIDENCES DE FLIC Constant KOX
PAROLES ET CONFIDENCES DE FLIC Constant KOX éditions pat.H©
30, Rue de l’enseignement 1000 Bruxelles ISBN 978-2-930639-24-6
Écrit à quatre mains avec la complicité de Jean Gervy
On peut parfois se demander ce qui fait la qualité d’un corps de Police. Le commandement, certes… mais, sans son personnel, l’ensemble de ces individualités qui donne sa consistance au corps, rien n’est possible. Alors bien sûr, il y a les singularités de tout un chacun, toutes les singularités : taille, couleur de cheveux, des yeux, embonpoint ou muscles aguerris, volonté ou réticence. Et pourtant, certains émergent du peloton, soit par leur courage, soit par leur raisonnement, ou les deux. Constant a tout pour sortir du lot : la taille sans nul doute, les qualités physiques, la volonté et la persévérance, sans oublier le « nez », ce fameux nez qui faisait de Maigret un « commissaire-nez ». Ancien sportif, il a « fait les Paras » comme on dit. En béret vert il a notamment participé à la fameuse intervention humanitaire au Katanga. Déjà son courage le portait à intervenir en faveur de son prochain… une attitude qui ne cessera de le guider par la suite. Mais alors qu’il aurait pu faire carrière au sein de ce corps d’élite, Constant choisit plutôt d’entrer à la Police (à mes yeux un autre corps d’élite), où ses qualités humaines lui permettent rapidement de briller. Son choix correspond très clairement à la devise américaine « We serve », ce qu’il démontrera à suffisance. Que ce soit dans sa lutte contre un réseau pédophile ou dans ses combats menés contre la drogue, à chaque fois son caractère le pousse à aller jusqu’au bout de l’action. Lors du drame du Heysel, il fut l’un des plus disponibles pour sauver, aider, protéger. Sa condition physique le force à encourager le sport au sein du corps de Police. Ainsi organise-t-il différentes compétitions avec grand succès ; ainsi au cours de l’été 2014, devient-il l’organisateur naturel des « European Police and Fire Games » qui se déroulent à Bruxelles. Il ne manque pas de faire montre de son caractère trempé, de son sens de l’opportunité et de ses capacités d’organisation… sans oublier ses talents de rassembleur et de propagateur d’enthousiasme. Au fond, son départ à la retraite a littéralement été le début d’une nouvelle jeunesse. Ceux qui l’approchent se rendent compte de sa vitalité, de sa volonté et, surtout, de sa joie de vivre. Constant est un battant, un flic comme on ne les fait plus. On ne peut qu’espérer pour lui une forme de vie éternelle… mais ce sera sans doute le rôle que devra jouer son livre. Vous l’aurez compris, l’avenir s’annonce fécond ! Freddy Thielemans
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CHAPITRE 1
LE RÉSEAU DE PÉDOPHILIE
Préambule Ceci sera l’affaire la plus poignante de toute ma carrière policière. Ce sera aussi celle dont je resterai le plus fier puisqu’elle m’a permis d’arrêter et de débusquer tout un réseau six mois avant la sinistre mais si célèbre affaire Dutroux. Nous sommes en septembre 1995, le gardien du parking Agora, situé près de la Grand-Place, nous invite à visionner très attentivement un enregistrement vidéo filmé par la caméra de surveillance au huitième sous-sol (étage -8). Nous connaissons bien le gars qui est un mec sérieux. S’il nous sollicite, c’est qu’il détient des documents dignes d’intérêt. C’est donc sans tarder que nous le rejoignons dans ses locaux. Dès les premières minutes de projection, je commence à avoir des bouffées de chaleur, mes poils se dressent et une sorte de haut-le-cœur me fait saliver sans arrêt : un homme d’une trentaine d’années photographie de jeunes garçons prépubères et nus en les obligeant à prendre des poses obscènes que je ne détaillerai pas dans ces lignes… Les faits sont récents, huit jours, tout au plus. Nous convoquons le responsable du parking pour qu’il invite ses gardiens d’étages à suivre de très près les allées et venues de ce trentenaire et d’en informer immédiatement nos services. Je lui transmets mon numéro direct (semadigit) pour être à même de réagir au plus vite, même si je suis en patrouille. De retour au commissariat, nous visionnons plusieurs fois les images en présence de notre officier pour préparer notre stratégie et coincer ce crapuleux photographe malsain… très malsain. Durant les patrouilles qui suivent, je reçois plusieurs appels, aussi, dès que nous en avons l’occasion, nous retournons auprès du poste de gardiennagedu parking pour progresser dans cette affaire qui me tient de plus en plus à cœur.
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As-tu revu le gars ? Possède-t-il une voiture ? Et si oui, laquelle ? Sa plaque ? Sa couleur ? Mes questions fusent en rafale et le gardien tempère ma furieuse impatience en faisant, avec ses mains à plat, un mouvement d’apaisement, tout en articulant ceci : Mercedes, couleur bordeaux, + le numéro de plaque… L’individu descend toujours au huitième sous-sol et disparait avec trois ou quatre jeunes en direction des ascenseurs. Nous lui demandons d’orienter dorénavant les caméras de cet étage en fonction de nos recherches : cap sur le couloir des ascenseurs. L’avenir nous en dira plus. De retour au commissariat, j’entreprends la recherche de l’identité du conducteur de la Mercedes : je n’en crois pas mes yeux et je vérifie plusieurs fois tous les paramètres avant d’appeler l’officier pour l’informer de nos recherches et lui révéler l’identité du conducteur. Il s’agit d’un gendarme ! … Merde alors ! Reste à vérifier s’il utilise lui-même cette voiture lorsque le vigile du parking aura, à nouveau, ce triste privilège de le repérer… De mon côté, je contacte le soir même, à son domicile, une de mes relations dans la gendarmerie. Il est étonné car la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était en 1978 en Espagne, il était encore à l’école de gendarmerie et moi, je revenais de Kolwezi. Je lui confie le nom de mon suspect et il me confirme que celui-ci travaille dans une brigade du Brabant flamand où il est domicilié. Motus et bouche cousue, je ne t’ai rien dit. OK Stan, à bientôt. Je transmets ces renseignements à André ainsi qu’à Christian, notre officier. Pendant les mois qui suivent, plus rien ne bouge dans ce dossier à peine entr’ouvert… Aucun appel des services de gardiennage, ni dans ce parking, ni ailleurs. Merde, on a perdu beaucoup de temps ou alors notre homme a flairé l’oignon et il se méfie… La fin de l’année approche, notre officier rédige un procès-verbal d’information que nous remettons à la juriste procureur du roi responsable des mœurs, tout en insistant auprès d’elle pour retarder l’interpellation du
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suspect et nous laisser encore du temps pour prolonger notre enquête sur le terrain. Cette juriste me connaît et m’apprécie particulièrement depuis la fin de ses études de droit (elle était la stagiaire qui m’avait accompagné lors de la filature de l’Ommegang décrite en fin de chapitre 9 pages 70 et 71). Elle nous accorde un délai : nous avons jusque fin janvier. Le 24 janvier 1996, un collègue de la Police Judiciaire auprès du Parquet (PJP), que je connais personnellement, me signale qu’un membre de la BSR (Brigade de Surveillance et de Recherche) a pris rendez-vous avec le procureur du roi, section mœurs, pour traiter le même dossier que nous ! Oups, merde, c’est quoi ce binz ? Je mets André et l’officier au courant et nous rejoignons le procureur du roi qui désire entendre tous les intervenants. Le collègue de la BSR explique qu’il a reçu des renseignements de l’officier de liaison des Pays-Bas concernant un certain Albert (prénom fictif). Celui-ci propose, via un magazine apprécié dans le milieu pédophile, de développer des négatifs compromettants, mettant en scène des jeunes dans des positions plus que scabreuses. La faille de ce système, c’est que notre Albert se contente de déposer ses films à développer dans le premier studio photo venu d’une grande surface hollandaise. C’était sans compter sur la curiosité du préposé qui visionne les agrandissements avant de les sceller dans l’enveloppe. Celui-ci s’est aussitôt adressé aux autorités néerlandaises qui ont remonté la filière pour aboutir à une Poste restante, place Flagey à Ixelles. Nous sommes donc invités à la surveiller de près, ainsi qu’un magasin de location de vidéocassettes où un local, à l’étage, servirait à projeter du porno devant des enfants et de les filmer… Christian, notre officier, expose les éléments que nous possédons et le procureur tient à ce que nous progressions de concert : Police, PJP et BSR. Au niveau de la Police de Bruxelles, nous sommes limités : nous ne pouvons pas mener d’enquêtes hors du périmètre de la capitale. Nous allons donc surveiller la poste de la place Flagey et inspecter l’établissement suspect. La BSR prendra le gendarme en filature depuis son domicile. Nous peaufinons tout cela autour d’un verre dans un bistrot voisin du Palais de Justice et nous rentrons au commissariat vers 16h30. J’ai à peine le temps de déposer ma veste que le téléphone sonne : Il est là ! C’est le gardien du parking qui m’appelle.
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Christian, André, il est là ! Hurlé-je en descendant quatre à quatre les escaliers vers la Grand-Place pour filer vers le parking Agora. Je suis déjà sur les lieux lorsqu’ils me rejoignent avec une voiture de patrouille. Le vigile nous précise qu’il a arrêté le balayage de la caméra pour qu’elle reste en permanence focalisée sur le sujet. Nous établissons notre stratégie : André surveille l’écran depuis le bureau du gardien, Christian et le vigile prennent l’ascenseur du côté de l’Hôtel Méridien et moi, l’ascenseur du côté de la rue des Bouchers. Niveau -8 : j’ouvre délicatement la porte, il y a peu de véhicules stationnés mais je vérifie derrière chacun d’eux : RÀS (rien à signaler). Je vois Christian qui sort du couloir avec trois enfants et le vigile. Notre homme s’est enfui par l’escalier avec un quatrième gosse, me crie-t-il. Il avait calé la porte avec un bout de bois pour empêcher toute intrusion. Je râle mais, puisque sa voiture est ici, il viendra certainement la reprendre tôt ou tard. J’essaie de contacter André par radio… pas de connexion dans le parking, alors je me poste dans le champ de la caméra pour lui signifier, par gestes, la situation. Comme il est futé, il comprendra qu’il doit suivre, sur les écrans des autres étages, la progression de notre fuyard et appeler du renfort. Les enfants sont sécurisés. Hors de vue de la porte de l’ascenseur, je surveille les deux portes d’accès ainsi que la Mercedes bordeaux. Silence pendant une vingtaine de minutes… La porte s’ouvre, une tête se risque, je bondis, il fonce en grimpant les escaliers, je suis à ses trousses. Arrivé au niveau -4, j’entends claquer une porte, les bruits de pas ont cessé dans les escaliers, il doit donc être caché dans un des deux coins derrière la porte… Je chambre mon arme (cartouche dans le canon, prête à tirer), je cale la porte avec le pied gauche, il y a un angle vers la droite, regard furtif : personne, donc il doit être à gauche, l’endroit est plus dangereux, impossible de vérifier la présence de quelqu’un sans se mettre en danger…
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Je décide de faire une ouverture d’angle (se placer face au mur et reculer lentement en examinant le coin). Bingo ! Décharge maximale d’adrénaline… Je suis extrêmement tendu… C’est lui ou moi… Je le mets en joue. Les mains en l’air ! Ne fais pas le malin ! Je sais qui tu es et pourquoi tu t’es enfui ! À genoux, mains en l’air, doigts croisés ! Pas de geste brusque ou je tire. Je m’approche lentement, remets mon pistolet dans son holster et lui mets les menottes en « technique », comme je l’explique chaque semaine à l’ERIP (Ecole Régionale et Intercommunale de Police) où je suis instructeur. Je le fouille sommairement pour écarter tout objet suspect et pour m’assurer qu’il n’est pas armé. Il ne me reste plus qu’à l’escorter jusqu’au huitième sous-sol. Il prend conscience que sa belle vie est terminée et il essaie de se débattre, mais il me suffit de serrer la chaîne de ses menottes, je le soulève, ses pieds touchent à peine le sol et je le pousse dans cette position vers Christian à qui je lance : Occupe-toi de ça et retire-le de ma vue, il me donne envie de gerber ! Deux collègues en uniforme viennent l’appréhender pour le mettre dans le bureau des gardiens, sous la surveillance d’André. De mon côté, j’essaie de mettre la Mercedes en route, Christian m’accompagne ainsi que trois enfants. L’un d’eux m’indique la marche à suivre pour débloquer l’antivol et enclencher le démarreur et nous regagnons le commissariat où l’individu est menotté au bras d’André. Les enfants sont accueillis au secrétariat et je rejoins André dans un bureau pendant que Christian rend compte de notre arrestation au Commissaire de division. L’individu demande qu’on lui retire les pinces en promettant de rester calme puisqu’il a compris que tout était fini pour lui. Je fais mine de ne pas comprendre, dépose mon arme dans le tiroir et ressors pour envisager la suite des opérations chez Christian.
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Je quitte à peine le bureau que j’entends un remue-ménage derrière moi, je me retourne et vois l’individu couché sur mon bureau, essayant d’en ouvrir le tiroir… Le pauvre André, qui a encore une menotte au bras, essaye de le retenir, je viens l’aider tout en agitant mon porte-clefs devant les yeux furieux de notre homme. Celle-ci ouvre mon tiroir… lui dis-je en ricanant. Maintenant tu vas gentiment t’asseoir… et je lui remets les menottes… dans le dos. André m’explique qu’il avait déjà fait diversion pour tenter de se suicider lorsqu’il était dans le bureau des gardiens. J’appelle Christian pour la suite, je ne laisse plus André seul avec lui. Je descends fouiller la Mercedes et reviens dans le bureau avec un attachécase qui se trouvait dans le coffre. Le code pour libérer les serrures ? Il transpire, devient blême et reste muet. File-moi le code, sinon… Et je sors un pied-de-biche. André m’arrache la mallette des mains et s’applique patiemment à déverrouiller les serrures. Voilà, me dit-il, tout fier, après deux ou trois minutes, patience et longueur de temps valent mieux que force et rage… T’as raison et tu me connais bien, j’ai du mal à maitriser mes nerfs, surtout devant une crapule pareille… La mallette accouche d’un agenda avec tout son répertoire maléfique, mais aussi de deux albums très explicites : plus de six cents photos de gamins en postures équivoques dans une minable chambre d’hôtel. Nous disposons donc de preuves irréfutables, il ne nous reste plus qu’à commencer les auditions. Le gendarme accuse le coup, il a senti le sol s’effondrer. Christian le met sous la surveillance de deux agents du BTS non armés pour éviter toute tentative de suicide. Je rends compte de l’affaire à l’officier de garde qui commence à rédiger le procès-verbal en français. Ah non, lui dis-je, notre prévenu est néerlandophone, le PV doit être écrit dans sa langue… Grimace de l’officier, mais André m’appuie : On ne va pas foutre une si belle affaire à l’huche1 pour un problème linguistique. Christian, avec l’aide du Commissaire adjoint de la division, prend l’audition du gendarme en néerlandais. 1
De passer et huche, «porte» dans les régions de parler ardennais, picard, wallon... à rapprocher de huis, huisserie. (Régionalisme) transitif (Familier). Oublier volontairement ou non, supprimer. On trouve aussi «mettre (foutre) à l'huche» → voir passer à l’as, passer à la trappe et sucrer. «Tu m'excuseras, j'ai passé ton message à l'huche sans le vouloir, tu peux me le renvoyer?» intransitif. Être victime d’un oubli, disparaître, être supprimé. → voir passer aux oubliettes. «Faut pas s'faire d'illusions, toutes ces belles promesses, ça va passer à l'huche !»
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Les enfants sont pris en charge par le service de la jeunesse de notre Brigade Judiciaire. Durant leur audition, un homme se présente à l’accueil comme responsable d’un centre de jeunesse ouvert le mercredi après-midi. Il demande à parler à l’officier en charge de notre affaire ; Christian le reçoit et il nous prie, André et moi-même, d’assister à l’entretien. Il demande pourquoi « ses » enfants sont là et Christian justifie leur présence comme celle de témoins dans un dossier. Il nous explique que les enfants qui vivent dans les environs de la place Flagey côtoient régulièrement son centre et il nous donne leurs noms, ce qui nous aidera beaucoup pour la suite. L’homme quitte nos locaux sans avoir vu les enfants. Nous apprendrons, par la suite, que cet individu n’était autre que le pourvoyeur – proxénète – de toute l’affaire et que c’était grâce à lui que le gendarme pouvait emmener les enfants. Quand je pense que cette crapule était en face de moi… Parmi les photos des albums, nous retrouvons les trois jeunes que nous hébergeons alors. Avant de commencer leurs auditions, le service de la jeunesse est tenu d’en avertir les parents. Ils expliquent que le gendarme est venu les chercher place Flagey pour les conduire, en voiture, au parking où il leur a fait des attouchements, avant d’être interrompu parce qu’il avait entendu du bruit, provoqué par… notre arrivée sur les lieux. À ce moment, l’un d’eux s’est enfui. Malgré nos insistances, les jeunes refusent de l’identifier et reprennent leur chronologie des faits : depuis plus de deux mois, les « séances » avec le gendarme ne s’étaient plus déroulées dans le parking, mais dans une chambre d’hôtel dont ils ignorent le nom et l’adresse, puisqu’ils étaient confinés dans le coffre de la voiture depuis une aire d’autoroute jusque dans le garage de l’hôtel. Nous apprendrons plus tard que c’est dans les environs de Landen qu’avaient lieu ces « séances », dans un hôtel de passe avec un accès direct et discret sans témoin, puisque tout était réservé et honoré par carte de crédit. Notre particulier louait des enfants sur catalogue… Un petit blond ? Un grand brun ? Un peu de tout ? ... C’est par manque de temps que notre gendarme est revenu au parking pour effectuer ses jeux vicieux et tomber ainsi dans les mailles du filet que nous commencions à lui tendre. L’audition des victimes se termine, leurs parents les récupèrent et tous rentrent chez eux.
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Sur les photos, nous dénombrons onze enfants, il nous reste à retrouver les huit autres. L’audition du gendarme s’achève vers 3h du matin, alors que nous l’avions intercepté vers 16h30. Nous devons maintenant effectuer une visite domiciliaire, ce qui nous est interdit puisque son domicile ne fait pas partie de notre juridiction. Sachant cela, l’individu menace de boycotter cette étape si, moi, je ne puis y assister !!! Faut croire qu’il m’appréciait, je me suis toujours interrogé sur cet égard qu’il m’accordait. Il aurait pu m’en vouloir puisque, sans moi, il courrait encore, j’étais celui qui l’avait cassé mais, en quelque sorte, j’étais aussi celui qui avait mis fin à son nauséeux parcours… Peut-être s’est-il senti soulagé de rompre ce cercle vicieux (c’est le moins que l’on puisse dire) ? Christian se charge d’en aviser la procureure du roi et celle-ci nous rassure : elle convoque la 23ème brigade de la PJP, qui a pouvoir de juridiction dans tout le royaume, et m’invite à les accompagner. Nous rejoignons son domicile avec deux voitures et déposons, en chemin, notre officier de garde pour lui épargner trop d’heures supplémentaires ! Une fois sur place, je suis tenu de me taire et de garder mes distances, ce sont exclusivement les collègues de la 23ème brigade qui sont autorisés à agir… et à effectuer la visite domiciliaire. J’ai déjà vécu des moments plus agréables : je me retrouve face à la mère du prévenu, elle est handicapée et se déplace en fauteuil roulant, et à son père, qui n’a pas vraiment l’air de respirer la santé… Notre homme, leur fils, ne dispose, en tout et pour tout, que d’une chambre avec une petite garde-robe… aucune personnalité, cette chambre s’apparente à celle d’un gamin de fin de primaire… C’est pitoyable ! De retour au centre-ville, les collègues rendent compte à Christian de ce qu’ils ont trouvé : rien, en somme ! Celui-ci ordonne de mettre l’individu en cellule à l’Amigo2 avant de le déférer au parquet. Il prend également ses responsabilités et décide que c’est nous, André, moi et lui, qui le déférerons au parquet. Il est 5h30, le jour se lève, du haut de l’Hôtel de Ville, Saint-Michel terrasse son dragon dans les brumes, nous rentrons à domicile pour prendre une bonne douche, un petit-déjeuner et changer de tenue… À 7h30, retour au commissariat pour conduire notre homme chez la procureure du roi. Nous ne voulons pas le laisser avec tous les prévenus qui doivent être reçus par la procureure mais, comme celle-ci n’est pas dans son bureau, nous y sommes contraints. 2
Le terme ‘Amigo’ est employé couramment par les policiers (et même le détenu) car le commissariat de police du 30 rue marché au charbon est situé dans l’ancien hôtel Amigo et les cellules sont appelées dans le jargon «Amigo»
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Le chef de service m’interpelle : Ton homme, là, c’est un gendarme ? J’opine du bonnet. Je l’ai eu sous mes ordres ! Nous nous rendons chez la procureure du roi en charge du dossier. Celle-ci nous informe que le dossier est repris par le procureur national et sera traité par la Gendarmerie. Je vois rouge, voilà des semaines que nous sommes sur la brèche, filatures, poursuites, interrogatoires, nuits blanches, etc. Tout cela pour se voir dessaisir de l’affaire… Si vous n’avez pas plus d’éléments, je confie ce dossier au procureur national, nous précise-t-elle. Mais nous avons des pièces à conviction, albums, témoignages d’enfants… rétorqué-je sous le regard médusé de Christian. Ce n’est pas possible, Constant, comment comptes-tu faire ? T’occupe, je refuse de laisser tomber cette affaire, de plus, André me soutient. Laissez-nous 24h, le temps d’identifier les autres victimes et de prendre leurs auditions, lui lancé-je. Elle nous laisse jusqu’à 17h ! Pas de temps à perdre, nous rentrons au commissariat, Christian est aux abois. C’est alors que nous lui sortons notre joker : une photo dans l’album des jeunes, j’en épingle un et signifie à notre officier que nous le connaissons, lui et ses deux sœurs qui travaillent chez un fleuriste. Bande de salopards, vous le saviez depuis le début et vous ne me dites rien ! Allez, Christian, action, si tu veux que nous gardions l’affaire… Nous sortons des bureaux et patrouillons, chacun dans une voiture, à la recherche des frangines. J’appréhende l’une d’elles et lui demande où son petit frère va à l’école. J’en avise André et lui demande de m’y rejoindre. Nous sommes reçus par le directeur et lui demandons de nous confier un certain Alexandre sans lui donner d’explication. Devant les photos que nous lui présentons au bureau, l’enfant nous décline les noms et donne les adresses des autres victimes. Nous envoyons plusieurs patrouilles qui nous en ramènent sept. Les auditions sont faites par plusieurs équipes du service de jeunesse, elles sont enregistrées. Il est 16h30, l’officier rédige son PV à l’attention de la procureure du roi, nous le lui remettons à 16h55 !!! Elle n’en revient pas : comment avez-vous fait ?
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Christian me regarde et m’invite à mettre nos cartes sur table. Et, ce matin, vous le saviez déjà ? Oui, je lui réponds, mais je ne voulais pas que la BSR reçoive ces informations. Pourquoi ?????... grimace-t-elle. Si l’affaire était dans les mains de la BSR, elle n’irait pas jusqu’au bout, et notre homme aurait le temps de démissionner avant d’être arrêté. Mais d’où tenez-vous cela, monsieur Kox ? J’en suis convaincu, Madame la Procureure, j’en suis convaincu, pas vous ? Un ange passe … … … Elle décroche son téléphone pour aviser le procureur national de l’évolution de l’enquête et conclut en ces termes : Je vous informe, au passage, que celle-ci sera investiguée par la Police. Yes, nous gardons l’affaire ! Au boulot ! En examinant de plus près l’agenda du gendarme, nous reconstituons tout le répertoire de ses clients ainsi que leurs coordonnées. Fort de ces nouveaux renseignements, ô combien précieux, Christian rédige un nouveau PV dans lequel il insère également les auditions des victimes. Nous sommes mercredi, voilà quarante-huit heures que la presse est muselée, et ce, pour une semaine, afin d’éviter la moindre fuite. Ce dossier prend une envergure nationale, ce qui nous contrarie, puisqu’il déborde de notre juridiction bruxelloise. Notre procureur le remet à la 23ème brigade de la Police Judiciaire et nous sommes, bien sûr, en deuxième ligne. Jeudi, nous avons notre première réunion avec le Commissaire de la 23ème, tous nos renseignements lui sont transmis. Notre mission s’arrête donc là ! C’est avec un (mauvais) arrière-goût dans la gorge que nous reprenons nos fonctions habituelles dans la capitale… Vendredi, les dix premiers clients sont mis à la disposition du procureur du roi. Le lendemain, la presse reprend ses droits et s’épanche sur l’affaire. Le vendredi suivant, rebelote, encore dix arrestations, toutefois, un élément supplémentaire vient pimenter l’affaire : la presse a communiqué certaines initiales des prévenus avant qu’ils ne soient reçus au Palais de Justice.
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Le Commissaire de la 23ème brigade nous convoque pour éclaircir cet élément, craignant que cette fuite ne provienne de notre bureau… Nous nions en bloc. C’est au niveau de la presse que le bât blesse, tous les journalistes rivalisent pour stigmatiser l’opinion publique et ils attisent, dans la foulée, la guerre entre nos forces de l’ordre : la Police de Bruxelles et la Gendarmerie. Tous les journaux se gargarisent. Cela énerve le chef de la Police de Bruxelles, qui nous donne l’ordre de retirer les plaques d’immatriculation de la Mercedes qui est toujours stationnée devant nos bureaux. Pourquoi, Chef ? lancé-je avec étonnement. T’occupe, tu verras, exécution ! Une petite heure s’écoule, nous voyons arriver un photographe de presse que je reconnais, il mitraille la voiture avec son appareil pour être imité, ensuite, par d’autres confrères. Ensuite, je suis tenu de conduire le véhicule à la fourrière communale. J’attends un ordre écrit pour me couvrir en cas d’accident et je gare la « Mercé » à côté d’autres voitures volées ou saisies. Les « clients » défilent à la 23ème brigade où se poursuivent les auditions, cela se passe bien même si certains s’énervent et poussent nos collègues à bout. Un soir où nous étions de service jusqu’à 23h, nous recevons un appel téléphonique de France : Jacques Pradel, le producteur de l’émission « Perdu de vue », veut nous entendre à propos de notre affaire de pédophilie, pour émailler OU étoffer un appel à témoins dans le cadre des disparitions de Julie et Mélissa, toujours recherchées à l’époque (nous sommes au début de l’année 1996, six mois plus tard, Marc Dutroux est arrêté). Je vous passe les détails des procédures longues et successives pour obtenir l’autorisation d’accueillir une équipe de TF1. Le rendez-vous est pris un vendredi ; l’équipe nous retrouve au commissariat et nous expose son projet : filmer dans le parking les scènes d’observation et d’arrestation, et terminer par un tour en ville dans nos véhicules avec sirènes et feux bleus. Nous revoilà donc au niveau -8 du parking Agora. L’équipe de tournage est en place, mais les acteurs ont beau s’appliquer, cela manque de punch. Jacques Pradel me demande de jouer mon propre rôle au moment de l’arrestation !
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Christian prend immédiatement contact avec l’État-Major, qui donne son accord, et voilà que je deviens acteur pour un petit moment. J’insiste pour que mon visage soit flouté et je refais toute la scène jusqu’à la fouille du coffre. Le soir même, Jacques Pradel nous invite dans un restaurant du Marché aux Poissons et, ensuite, ils filment comme prévu le tour en véhicules avec sirènes et feux bleus. L’émission passera deux semaines plus tard. Voilà qui clôtura en beauté, si l’on peut dire, cette affaire qui n’a jamais cessé de me hanter. Pendant la semaine qui suivit l’arrestation, je me suis torturé l’esprit puisque j’avais, de toute évidence, renversé la carrière et la vie d’un gendarme – d’un confrère, en quelque sorte. J’ai eu beaucoup de mal à surpasser ce sentiment, jusqu’à ce que la presse rende l’affaire publique. Je pus, alors, en parler en famille et avec mes amis et raconter comment notre trio, André, Christian et moi-même, avait brillamment géré cette arrestation qui a enclenché le démantèlement de tout un réseau. Jugez plutôt : • Le gendarme également pédophile de son état semble avoir organisé un réseau structuré permettant aux pédophiles belges et étrangers de recevoir à domicile de jeunes garçons. Parallèlement, il procédait à la vente par correspondance voilée (par le biais de boîtes postales) de photos à caractère pornographique représentant des enfants. • Ce réseau était en fonction depuis septembre 1995 et probablement en cours d’organisation depuis juillet 1995. • Le gendarme «racolait» les jeunes slaves à la sortie de l’école et/ou à proximité de la place F. à Ixelles. Pour ce faire, il payait les services des victimes moyennant finances et/ou présents divers. • Un proxénète yougoslave (mis en examen) dirigeait les enfants tout en prélevant une partie de leurs «gains». • Au stade actuel 17 mineurs «victimes» de 9 à 14 ans furent identifiés et entendus par nos services. • Ce faisant, la PJP put procéder à l’arrestation avant mise en examen de 19 clients pédophiles à travers le pays (Brugge – Ostende – Anvers …)
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Le réseau de pédophilie
• Une cinquantaine d’acheteurs de photos précitées furent identifiés. • Une liste d’une trentaine de noms, dont 10 pédophiles, fut transmise aux autorités néerlandaises en vue de poursuites pénales sur leur territoire. Les clients « photo » ont été jugés dans leurs arrondissements respectifs. Les clients hollandais seront traités par la Cour de justice des Pays-Bas. Les vingt clients de « chair fraîche » ont été jugés le 3 mars 1999 au Palais de Justice de Bruxelles. Parmi ceux-ci, figuraient des personnalités importantes comme : un pédophile connu de Woluwe St-Pierre, ex-ingénieur au chômage, qui, sous couvert d’une association destinée à protéger les jeunes, abusait d’eux ; le Vice-Président du Delphinarium de Bruges (décédé de mort naturelle au cours de l’enquête) ; un pédopsychiatre d’Anvers, qui fut condamné à 2 ans dont 1 an ferme ; le responsable des relations publiques de l’aéroport d’Ostende, condamné à 15 mois dont 6 ferme ; un sous-officier de carrière de la base aérienne de Kleine-Brogel, condamné à 18 mois dont 6 ferme ; un employé aux Chemins de fer d’Anvers ; un directeur de société à Bruxelles ; un ressortissant allemand, domicilié en Belgique, naguère traducteur à la Police de la Jeunesse outre Rhin, condamné à 4 ans de prison dont 3 ferme, avec arrestation immédiate pour éviter qu’il ne prenne la fuite vers l’Allemagne ; un agent immobilier ; un enseignant à Ixelles ; un jeune louvaniste de 20 ans, modèle pour des photos pornographiques ; etc. Le gendarme était secondé par un proxénète macédonien, dont il était devenu l’amant. C’est lui qui était son pourvoyeur en jeunes, il a pris 4 ans de prison ferme mais il a fait défaut à l’audience puisqu’il s’était enfui vers son pays d’origine avant le procès. Et dire qu’il était venu nous narguer jusque dans nos bureaux… Quant au gendarme, considéré comme «irréprochable» par ses supérieurs, il n’a été condamné qu’à 5 ans de prison avec sursis probatoire pour ce qui excède la détention préventive. Il n’aura donc passé que 5 mois à la prison de Forest où il fut sodomisé (« pointé », dans le langage des détenus) à trois reprises dans les douches. Par la suite, certaines langues se délièrent lors d’auditions pour raconter certaines pratiques perverses du gendarme, comme des fouilles ultra-complètes – jusque dans l’anus des jeunes garçons – sous couvert de recherche de stupéfiants… Qu’est-il devenu par après ? Je n’en ai aucune idée et je préfère l’ignorer.
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La Presse de l’époque n’a pas ménagé le Barreau de Bruxelles en intitulant ses colonnes « Incroyable sursis », « Justice à deux vitesses » ou « Réquisitoire scandaleux ». Pendant toute cette affaire, il y eut une « guerre des Polices » entre la Police de Bruxelles et la Gendarmerie, celle-ci reprochant à la Police d’être intervenue trop tôt. « On peut se demander combien de gosses auraient dû passer à la casserole pour se décider à mettre fin à ce scandale répugnant » pouvait-on lire dans la presse. Je vous assure que lorsque vous vivez cela de l’intérieur, il y a de quoi se torturer. Des copains gendarmes me soutenaient en disant que j’avais bien fait et que cette guerre était surtout menée par leurs chefs, car ce n’était pas leur corporation qui avait réalisé l’arrestation. Il y a de quoi étayer une certaine fierté et j’ai, d’ailleurs, précieusement conservé tous les documents de l’affaire : rapports de police, journal de bord, échanges de courriers entre les autorités et, surtout, tous les commentaires que les journalistes de la presse écrite ont publiés à chaud durant la première semaine de février 1996 et lors du procès trois ans plus tard. Il m’arrive de les relire et je suis à chaque fois rattrapé par le temps… Souvenez-vous de la Marche Blanche du 20 octobre 1996 qui a rassemblé à Bruxelles plus de 300.000 citoyens venus soutenir les parents des victimes de Marc Dutroux et de ses comparses. Cette manifestation aboutit, notamment, à la création d’une Fondation pour les enfants disparus, « Child Focus ». Mais cette mobilisation exceptionnelle en attendait plus de l’État belge dirigé alors par le Premier ministre Jean-Luc Dehaene, qui avait promis une sévérité exemplaire à l’égard des coupables de tous ces «dysfonctionnements» (combien de fois n’a-t-on pas entendu ce mot à l’époque ?). Si la réforme de la Police et de la Gendarmerie a bien eu lieu suite à l’évasion rocambolesque et chimérique de Dutroux le 23 avril 1998, seuls quelques timides dépoussiérages de la Justice auront suivi, laissant la Belgique citoyenne sur sa faim.
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CHAPITRE 2
LE DRAME DU HEYSEL
Préambule Ce n’est pas mon rôle, dans ces lignes, de rappeler et/ou de justifier les éléments de ce drame, j’y exprime uniquement mes vécu et ressenti par rapport à l’événement. Mercredi 29 mai 1985, Bruxelles est en liesse : les deux plus prestigieux clubs européens de football s’y affrontent ce soir en finale de la Coupe des Champions. Depuis la veille, déjà, notre capitale résonne aux sons et aux couleurs des supporters des deux camps : les « Reds » (rouges) de Liverpool avec ses « hooligans », supporters anglais très… exubérants (déjà à l’époque), et les « Tifosis » de la Juve, Juventus de Turin. Les nombreux italiens de Belgique se sont mobilisés pour accueillir leurs familles, les hôtels affichent complet. La finale que tous attendent avec fébrilité s’annonce exceptionnelle… Branle-bas dans les médias : la presse écrite, la radio, la télévision installent leurs relais aux abords du Stade du Heysel. Branle-bas également dans les transports : SNCB, STIB et taxis affûtent leurs véhicules. Les restaurateurs se frottent les mains tout en astiquant leurs tables et les patrons de bistrots recrutent les renforts nécessaires (boissons et personnel) pour ce jour J. Branle-bas de combat, bien sûr, dans nos services de police où plusieurs agents sont désignés. À la BAA (Brigade Anti-Agression), il faut une vingtaine d’hommes de fonction en 15h-23h et j’en suis mais mon plus jeune collègue, Guy, est désigné pour se rendre au stade. Comme il sait que j’aime le foot, il m’invite à permuter nos fonctions. J’apprécie son geste d’autant plus qu’au lieu de prester 15-23, je ne ferai que 16-22 ! Content le Constant !
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Il est 13h, je me rends en flânant vers la brigade rue Marché au Charbon. Il fait magnifique, beau soleil, nous portons l’uniforme de circonstance : pantalon à poches, chemise à courtes manches sans cravate mais avec képi et ceinturon. Pour rejoindre la Division Centrale, je dois traverser la Grand-Place qui est, non pas noire, mais rouge de monde. Les supporters des Reds de Liverpool y tiennent leur quartier général. Je rebrousse chemin et rejoins la DC via quelques rues parallèles. Vers 15h30, je prends une camionnette pour nous conduire au poste Houba où je retrouve la nostalgie de mes débuts. Briefing à 17h, je suis désigné avec un collègue d’un autre service pour surveiller le guichet de vente des tickets à la Porte de Wemmel, côté bloc Z. Nous sommes sur les lieux en 5 minutes et vérifions si tout est en ordre. Le guichetier confirme d’un généreux clin d’oeil tout en installant son box en sifflotant. Nous observons le monde qui s’amasse pour pénétrer dans les tribunes du stade et nous faisons régner l’ordre dans la file devant le guichet. Il est 19h, il y a déjà une ambiance du feu de dieu dans les tribunes alors que les échanges de fanions et le coup d’envoi sont fixés à 20h30. J’ai l’impression que les soixante mille supporters des deux camps sont déjà dans l’arène et, malgré tout, les files devant les guichets ne cessent de s’allonger. Vingt minutes plus tard, nous commençons à entendre des cris inquiétants provenant du bloc Z. Ceux-ci couvrent les harangues des supporters, ce sont des cris d’angoisse et de terreur. Mais comme la porte de Wemmel est fermée, il nous est impossible de voir et de comprendre ce qui s’y passe. Nous n’avons même pas de radio portative pour écouter les nouvelles. En levant les yeux j’aperçois une femme qui longe le sommet du mur du bloc Z et qui menace de sauter un hurlant en italien. Elle est affolée, j’essaie de l’en dissuader car il y a bien quatre à cinq mètres de haut. Elle bondit malgré tout car elle est acculée et ne peut faire demi-tour. J’ai juste le temps de la retenir par les aisselles pour amortir sa chute mais ses jambes s’écrasent lourdement sur le sol. J’entends un craquement qui me glace le sang. Elle doit avoir les deux jambes brisées. Les premières ambulances arrivent et je confie ma blessée aux secouristes. La porte de Wemmel, restée close (nous comprendrons plus tard la raison de cette fermeture obstinée), est enfin libérée et nous pénétrons dans le stade et… dans l’horreur : le spectacle est effroyable, un mur s’est effondré, des corps jonchent le sol dans le bloc Z et des milliers de supporters envahissent
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Le drame du Heysel
le terrain sous les huées du public occupant les tribunes à l’autre bout du stade, ignorant le drame qui se passe sous nos yeux. Les secouristes de la Croix Rouge, médecins, ambulanciers, infirmiers et collègues font de la réanimation à même le sol, sur le tarmac de la piste d’athlétisme. Nous soutenons les blessés légers pour les diriger à l’extérieur du stade, et les plus atteints sont transportés en civière. Ensuite, nous évacuons les morts en les couchant délicatement sur… des barrières Nadar, puisque tous les brancards ont été affectés aux blessés. Nous les déposons, dans l’urgence, à l’entrée de la porte de Wemmel, le temps de monter, avec les tentes de la Croix Rouge, une chapelle ardente devant l’entrée principale du stade. C’est la panique, les gens, affolés, courent dans tous les sens, nous sommes interpellés en permanence par des personnes qui cherchent un proche, mais nous ne savons rien leur préciser puisque nous ignorons quels sont les hôpitaux qui ont pris en charge les premiers blessés. Les bagarres continuent de plus belle entre les supporters anglais, italiens et les forces de l’ordre. Je me retrouve nez à nez avec un supporter anglais poursuivi par plusieurs agents de police, je me mets en position pour l’intercepter mais celui-ci se prend pour un des joueurs de Liverpool, il esquive et feinte pour me contourner. On ne me la fait pas, celle-là, il ignore que, moi aussi, j’ai quelques années de pratique sur le terrain comme libéro. Je le crochète sans ménagement (j’aurais mérité la carte rouge avec ce genre de tacle). On s’écroule tous les deux car le choc a été très rude. Mes collègues fondent sur lui pour le maîtriser. Je constate mes blessures : un fameux hématome au tibia, mais qui ne m’empêchera pas de poursuivre ma mission ce soir, aussi pénible soit-elle. C’est aussi le flou complet pour la suite des événements : le match va-t-il finalement avoir lieu ? La décision est prise par les instances supérieures (UEFA, Union Belge de football, Police, Gendarmerie et Ville de Bruxelles). Le match sera joué. Les autorités craignent, en effet, que son report risque d’envenimer les hostilités, étant donné qu’une majeure partie du public n’a pas pris conscience de la gravité de la situation. La police doit occuper la piste d’athlétisme face aux Tifosis italiens et la gendarmerie, face aux hooligans anglais de l’autre côté du stade. Les brigades des dix-neuf communes renforcent nos effectifs en allant jusqu’à réquisitionner du personnel en congé et en descente de garde.
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Peu importe le résultat de ce match qui s’achève, sur le terrain, aux environs de minuit. Pour moi, cette soirée maudite ne se terminera jamais. Les trente-neuf morts étendus devant le stade font la une de tous les journaux du lendemain. Tous les Belges sont en état de choc, les plus âgés ont encore en mémoire les principaux drames qui ont endeuillé le pays : en 1956, 262 victimes au Bois du Casier à Marcinelle et, le 22 mai 1967, l’incendie de l’Inno à Bruxelles avec ses 320 morts. La presse profita de l’événement pour épingler certains dysfonctionnements (tiens, tiens, ce terme resurgira, oh combien de fois, dix années plus tard lors de l’affaire Dutroux) ! L’évidente levée de boucliers qui s’ensuivit devait mettre à mal nos politiques en quête du ou des coupables. La corporation dont j’étais (et reste malgré tout) fier de porter l’uniforme en a pris pour son grade. Depuis lors, je n’ai plus jamais suivi, comme spectateur, un match national ou international. En 1996, j’ai été désigné, avec André et Jean-Jacques, comme sport ERS (policier en civil de concert avec leurs homologues français et autrichiens) pour la finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions entre l’Austria de Vienne et le Paris Saint-Germain. Je n’en ai pas dormi durant les nuits précédant cette confrontation, toujours hanté par le souvenir funeste de l’événement vécu onze années plus tôt.
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CHAPITRE 3
INCENDIE RUE HAUTE
Nous sauvons six personnes avant l’arrivée des pompiers. C’est le quatorze février (1987), jour de Saint-Valentin, il est cinq heures du mat’, je roule à nouveau avec Guy, nous sommes dans la rue Blaes, dans le quartier des Marolles. Virage dans la rue Pierremans pour rejoindre la rue Haute et la place de la Chapelle. Il y a le feu dans l’immeuble de l’angle avec la rue de l’Abricotier : des flammes de plus d’un mètre sortent des fenêtres du premier étage. Nous garons la voiture à la hauteur du bâtiment : un café. Une personne en sort et m’interpelle : Il y a le feu au premier, il faut évacuer le plus vite possible. Je transmets : Guy, appelle les renforts ainsi que les pompiers et les ambulanciers. Nous évacuons cinq personnes : la patronne du café et quatre clients dans l’état qu’on peut avoir au petit matin dans un bistrot des Marolles. Dois-je vous faire un dessin ? Je monte l’escalier vers le premier et Guy me suit de l’extérieur pour m’orienter et pour chercher une autre issue. Je constate que le feu se propage déjà dans le couloir, je fais demi-tour et j’apprends par Guy qu’il y a encore quelqu’un au deuxième étage près d’une fenêtre surplombant l’entrée de l’immeuble rue de l’Abricotier. Comme elle est éloignée du brasier, il y a peu de danger pour cette personne qui attendra l’arrivée des pompiers avec leur camion échelle. Par contre, la patronne me signale que sa fille dort au premier. J’y remonte mais ne trouve pas la porte de la chambre. Je redescends pour en aviser Guy et la dame. Nous remontons tous les trois et celle-ci nous montre l’endroit où se trouve la porte.
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Je ne vois rien devant moi tellement la fumée nauséabonde et noire masque les lieux. Finalement, je me trouve devant cette porte mais n’ose pas l’enfoncer de peur que la fille ne soit juste derrière. Nathalie …! Nathalie …! Je crie son prénom à plusieurs reprises mais ne reçois aucun écho… J’avale beaucoup de fumée et avance à tâtons en écartant les bras au maximum… ouf, je sens quelque chose de doux que j’agrippe. C’est un bras, puis deux, qui se laissent aller, elle est inanimée, mais légère à porter, je la prends dans mes bras et rejoins Guy qui m’aide à descendre. La mère se sent mal. Nous la rassurons car sa fille respire… Nous les installons provisoirement dans notre voiture de service (Peugeot 504). Nous appelons les secours au moins cinq à six fois via le CIO (Centre d’Informations Opérationnelles). Le temps d’attente nous semble une éternité alors qu’ils n’ont mis que dix minutes depuis la caserne de l’Héliport. Les pompiers commencent à éteindre l’incendie, les médecins et brancardiers transfèrent les victimes dans leurs ambulances, nos collègues assurent la circulation, etc. Constant et Guy peuvent reprendre leurs esprits… et souffler… au propre comme au figuré ! Je me sens mal, avec la tête qui tourne et des difficultés respiratoires, je rejoins une ambulance et me voilà transformé en Buck Dany : masque à oxygène sur le visage. Je me retrouve à l’hôpital Saint-Pierre pour y être examiné et recevoir de l’oxygène jusqu’à ce que mon taux de CO2 redevienne normal. Paul, mon chef de section, vient récupérer mon ceinturon avec mon arme pour éviter qu’on les subtilise. Je suis libéré de l’hôpital vers dix heures, rejoins Guy à la Division Centrale pour notre rapport à l’officier de service et rentre chez moi vers midi. Le lundi, je suis convoqué dans le bureau du Commissaire adjoint qui était de service de la nuit de la Saint-Valentin. Il me présente le père de la fille que j’ai sauvée qui me congratule à grands renforts de superlatifs en me montrant le journal relatant notre sauvetage à la Une… Je lui réponds que je n’ai fait que mon devoir de policier. Cet article de presse nous vaut, à Guy et moi-même, les honneurs. Nous sommes décorés par le Prince Philippe (devenu roi le 21 juillet 2013) au Palais des Beaux-Arts, lors d’une cérémonie rassemblant les familles de tous ceux qui se sont distingués par des faits de bravoure et d’héroïsme les derniers mois.
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Chaque médaillé défile pour être décoré, pendant que deux narratrices détaillent brièvement l’objet de leur distinction. Des photos sont prises par une photographe officielle. Il y en a une qui est ratée, c’est évidemment la mienne ! … Je reçois, ensuite, un courrier du Palais Royal de Laeken pour y recevoir, à nouveau, ma médaille, que je ne dois pas oublier puisque je l’ai à domicile ! Donc, le jour fixé, je me rends au Palais Royal pour y recevoir une seconde fois ma médaille, dans la Salle ronde, et, surtout, refaire une photo (la photographe m’a mitraillé). J’ai l’occasion d’échanger quelques mots avec le Prince sur les risques du métier et de lui détailler l’incendie du café de l’Abricotier.
Si les trois premiers chapitres ont constitué, par leur conjoncture, les sommets de ma carrière au sein de la Police bruxelloise, mon parcours dans ce milieu fut émaillé de nombreuses responsabilités et missions au cours desquelles j’ai eu l’occasion d’arborer l’uniforme du bon flic de la capitale, même si c’est en « civil » que se sont opérées les meilleures embuscades… Voici donc la narration quasi chronologique de cette profession. Et c’est ainsi que tout a commencé…
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CHAPITRE 4
DE LA CHARPENTE À LA GUERRE
Je sors de l’ICETS (Institut Communal de l’Enseignement Technique de Schaerbeek) et de l’ETSE (École Technique Supérieure de l’État) avec deux diplômes de menuisier qualifié et de maçon qualifié. « Je m’voyais déjà… », non pas en haut de l’affiche comme le chante Aznavour, mais en haut de la charpente, à slalomer entre les chevrons, voliges, faîtières et arbalétrier en fixant les solins… Mais nous sommes en 1974 et je suis appelé comme recrue à la caserne du Petit Château pour y faire mes trois jours. Comme je suis un ardent sportif, bon nageur, bon footballeur et excellent athlète (cross), je désire entretenir à la fois mes muscles et cette passion en servant chez les plus physiques : les para-commandos. Mon choix est retenu. Viennent ensuite les épreuves de sélection médicale et sportive, que je franchis les doigts dans le nez, et me voilà enrôlé le 1er septembre 1975 au 2ème bataillon Commando caserné à Flawinne – bataillon faisant partie du Régiment Para-Commando, composé du 1er Para (Diest), 3ème Para (Lombardzijde), 2ème Commando (Flawinne), Compagnie Batterie (Brasschaat), Cie Recce (Stokem), Centre d’entraînement Para (Schaffen) et Commando (Marche-les-Dames). Les para-commandos ont toujours été recrutés sur une base volontaire, y compris les miliciens, qui devaient alors y effectuer un service militaire plus long mais… plus exaltant ! Cette vie de terrain, de contact et de sport, mais aussi de discipline, cumulée à la fierté de faire partie de l’élite des pelotons de l’Armée belge, me va bien puisqu’elle flatte aussi mon ego ! Notre quotidien est très varié : formations aux combats, aux armes, exercices de tirs, parachutages, escalade, manœuvres en Belgique mais également
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De la charpente à la guerre
au fin fond de l’Allemagne, jusqu’au service de garde devant le Palais Royal ; la vie militaire me plaît et je le lui rends bien, au point de rempiler à la fin du service obligatoire. En 1976, je m’inscris comme volontaire de carrière (VC) au régiment de para-commandos. J’ignore alors que cette décision allait me permettre, quatre années plus tard, de rentrer dans l’histoire. En effet, à la fin d’un cross remporté à Eupen en mai 1978, notre régiment reçoit le mot d’ordre, signé par Paul Vanden Boeynants, alors ministre de la défense nationale, d’intervenir à Kolwezi au Shaba (ex Katanga). Cette opération, baptisée RED BEAN, sera le sommet de ma carrière militaire et m’accordera le statut de vétéran de l’Armée Belge, puisque cette intervention à haut risque fut considérée comme un « fait de guerre ».
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CHAPITRE 5
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La vie de para, tout exaltante qu’elle soit, finit tout de même par user les muscles, mais aussi, et surtout, les nerfs et l’esprit. Passer six mois sur douze en exercices et missions externes finit par vous isoler, aussi ai-je décidé d’abandonner l’uniforme kaki et son légendaire béret vert pour postuler à la Police de Bruxelles où j’effectue ma joyeuse entrée le 18 décembre 1978. C’est le 1er février 1979 que je débute effectivement au Centre d’Instruction de Police (CIP), avenue de Madrid à Bruxelles. Cette formation ne dure que quatre mois (en 2001, elle est passée à douze) de cours théoriques, d’exercices de tir au stand de la Défense, rue des Six Jetons (Club de la Police de Bruxelles), et de sport, sur différents sites : le stade du Heysel (baptisé ensuite Stade Roi Baudouin), le stade Victor Boin (complexe sportif de Laeken pour la natation, la self-défense et la boxe) et la salle de sport rue de la Roue (pour la self-défense). Même si nous ne sommes plus au temps où Bruxelles brussellait, toutes les infrastructures immobilières et, surtout, routières, mises en œuvre pour l’Expo 58, mettent du temps à se renouveler. Le viaduc à trois voies, dont la centrale change le sens de circulation en fonction des heures de flux et de reflux de la marée automobile du boulevard Léopold II, est encore sur ses piliers, le métro vient à peine de s’ouvrir, il y a des chantiers partout et la circulation se densifie de plus en plus. J’intègre ensuite de « peloton école » (Pelec, avenue de Madrid), sollicité comme réserve, durant les manifestations, et comme complément de brigade à Police Secours, les nuits et week-ends. T’es dans le coup, papa C’est dans ce contexte de renfort que le Commissariat de la rue Masui nous appelle pour constater une collision au Square Jules Detrooz.
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Fort de mes diplômes du civil (dont celui de dessinateur) et un peu dikkenek (je dois bien le reconnaître…), je ne laisse aucune initiative aux collègues, néanmoins plus aguerris, et je m’impose : Je fais le plan… Mes collègues ne se font pas prier et me lancent en souriant : Vas-y seulement Stan, vas-y… Ouïe ! Ce square est d’une complexité extrême puisqu’il ne compte pas moins de six voies convergentes, dont un pont sur le canal, plus les voies du tram ! Mon honneur est en jeu et je tire mon plan (au propre comme au figuré) avec une certaine dextérité. La place est évacuée, les véhicules embarqués, nous pouvons rejoindre la division de garde de nuit (place Émile Bocstael, 8ème division) pour y rendre compte de notre constat à l’officier de service, qui prend note de mon audition. Cet homme était précédé d’une réputation d’une grande sévérité et il ne tolérait aucune familiarité. Tout en me toisant avec la raideur d’un passe-lacet, il rédige son procès-verbal… - Vous vous appelez Kox ? J’acquiesce. Vous avez vécu au Congo ? - Oui, lui réponds-je avec stupéfaction. - Vous avez vécu à Bujumbura (l’actuelle capitale du Burundi) ? Mes collègues n’osent pas croiser son regard et affichent une mine éloquente : cet austère officier ne déborde jamais du cadre du service ! - Votre père se prénomme Pierre ? poursuit-il. Je confirme en le priant de délabyrinther cet échange. Devant mes collègues médusés, il précise qu’il était le chef de la Police de Bujumbura et qu’il fut l’examinateur du permis de conduire de mon père en 1958 ! T’as raté, t’as qu’à r(é)attaquer ! La Grand-Place, notre mythique et majestueuse Grand-Place de Bruxelles, toujours noire de touristes, est, cette fois, le lieu de rassemblement de manifestants tout aussi sombres : un groupe de Punks, déjà bien éméchés et aussi agressifs que peuvent l’être leurs coiffures et accoutrements, occupe les lieux. Nous sommes rassemblés dans la salle de Police Secours au 30 rue Marché au Charbon, en attendant l’ordre d’intervenir…
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Après plusieurs heures d’attente, nous rejoignons notre prestigieux champ de bataille où nous chargeons à plusieurs reprises, mais nous sommes chaque fois repoussés et obligés de battre en retraite ! Nous ne sommes pas très fiers, je me demande ce que je suis venu faire à la police qui semble impuissante devant ces illuminés… Le sport nous servira une fois de plus, puisqu’un de mes collègues, karatéka bien confirmé (3ème dan), a l’idée de génie de nouer nos matraques Gumy deux à deux et de les transformer ainsi en Nunchaku… La charge suivante, avec l’improvisation lumineuse de notre Bruce Lee à la tête du peloton, libère la place en 30 minutes. Nous n’avions plus qu’à ramasser les Punks et à les enfourner dans les combis pour les conduire à l’Amigo. L’officier de peloton et le chef du service d’ordre en sont restés comme deux ronds de flan.
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CHAPITRE 6.
POLICE SECOURS (PS) JUILLET 79 - JANVIER 85
Après deux mois de peloton école, je suis muté vers Police Secours, PS3, poste Houba (avenue Houba de Strooper), où nous fonctionnons en « volante » sur la base de trois horaires répartis comme suit : 11h45 – 20h / 6h45 – 12h / 19h45 – 7h, suivis de descente de garde et de deux jours de repos. Je suis dans la deuxième brigade, le plus jeune du service avec deux collègues issus, comme moi, du Pelec. Durant la première année, j’ai essentiellement presté mes journées aux Palais des Expositions, à la permanence et au service d’ordre durant les salons (auto, alimentation, vacances, bâtiment, etc.) qui drainaient, déjà à l’époque, un énorme public, justifiant la présence des « forces de l’ordre » que j’avais le privilège de représenter. Ordre, sûrement, forces… soyons modeste, la foule des curieux qui arpentait les stands et couloirs des salons était plutôt disciplinée. En revanche, les patrouilles nocturnes m’ont réservé quelques épisodes mouvementés ! Notre première patrouille était toujours placée sous la houlette d’un agent brigadier principal (ABP), « Le Bach », en l’occurrence, qui compte au moins douze années d’ancienneté. C’est lui qui vous apprend le métier : les réflexes, les positions, les choses à faire, à éviter voire à exclure, la vie de terrain – un métier complexe et déroutant puisque nous devions, cette fois, exiger et maintenir la rigueur avec des gens qui n’en n’ont aucune. Notre territoire d’intervention s’étendait depuis le Viaduc (voir plus haut) jusque Haren (dépôt de la STIB), vaste champ d’action pour une seule patrouille. 3
PS a été remplacé par BTI = Brigade Territoriale d’Intervention. Les missions à PS peuvent aller du sauvetage d’un chat perché à l’intervention lors de braquages dans les commerces ou banques, en passant par les incendies, suicides, accidents routiers et autres.
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Bach … stage Nous sommes appelés pour un différend familial au-dessus de la poste rue du Stuyvenberg. Je monte quatre à quatre les escaliers, arrive le premier et tambourine sur la porte de l’appartement en criant « Police » (ce que j’éviterai par la suite). Après plusieurs semonces, la porte s’ouvre et je suis accueilli par une… hache au-dessus de ma tête ! Quand on a servi dans les paracommandos, on se croit coriace à force de se l’entendre répéter tout au long de l’instruction. Mais, en cet instant, la position du guillotiné me coupait déjà, au figuré, les bras et jambes ! Celui qui est au bout du manche me demande pourquoi la police vient interrompre une simple discussion entre conjoints ! Toujours sous le tranchant de son arme blanche, je lui rétorque que les voisins s’inquiètent du bruit et des pleurs, ce qui n’apaise nullement mon interlocuteur. Sur ces entrefaites, arrive en renfort une deuxième patrouille plus avertie des pratiques de l’individu et de ses violences coutumières. L’intérieur du logement est éloquent – un champ de bataille : téléviseur et meubles cassés, la femme est en pleurs dans le divan et persiste, pour se protéger, à tempérer la situation. Tout en parlementant avec mon homme, je parviens à lui soustraire la hache des mains et la confie au Bach. Une ambulance transfert la dame à l’hôpital Brugmann pendant que nous ramenons son homme, menottes aux poings vers la 8ème division. Chemin faisant, nous échangeons, Bach et moi, nos impressions : qu’allons-nous faire avec ce pei ? Lui dresser un PV pour coups et blessures sur sa femme et les revoir bras dessus, bras dessous, le lendemain ? L’interpeller pour menace à l’arme blanche envers un agent ? Finalement, nous l’hébergeons simplement une nuit à l’Amigo. La suite nous donnera raison : je l’ai plusieurs fois croisé lorsque j’étais en mission, il m’a toujours respecté et proposé son aide, comme quoi, la répression réfléchie a du bon. Gyné-Kox-logue Les policiers circulent toujours à deux, celui qui m’accompagne, cette fois, se prénomme André.
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Par une belle nuit d’automne, alors que nous patrouillons sur notre territoire, nous sommes appelés pour une collision au, je vous le donne en mille, mythique Square Jules de Trooz que j’ai déjà décrit plus haut. Ce carrefour, réputé pour être le plus complexe de la région de Bruxelles Capitale, nous en a déjà fait voir de toutes les couleurs, celle qui s’annonce aura une saveur particulière… Après avoir sécurisé les lieux pour éviter le sur-accident, nous prenons contact avec les intervenants : un conducteur venant de l’avenue de la Reine est entré en collision avec un véhicule venant de la rue de Wautier, au volant duquel s’appliquait une charmante dame, enceinte jusqu’au cou. Aucun des deux ne requiert de soins médicaux, nous prenons leurs dépositions : je m’occupe des paperasses et André s’emploie à dessiner le plan des lieux. Dans notre véhicule de patrouille, une Ford Transit, j’interroge l’homme, qui m’explique les circonstances de la collision, et ensuite la dame qui, pendant qu’elle relate les faits, se met à grimacer tout en caressant son ventre. - Tout va bien, madame ? - Oui, pas de problème, c’est le petit qui se manifeste, répond-elle en m’adressant son plus beau sourire… crispé, mais… superbe ! - Vous êtes sûre ? Vous ne voulez pas qu’on interrompe ? - Non, non, finissons-en, j’ai hâte de rentrer chez moi. Puisque tout semble calmé, je poursuis l’entretien. Mais, un quart d’heure plus tard, ses peines abdominales ressemblent de plus en plus à des contractions, elle transpire de plus en plus, cherche son souffle et commence à respirer par petits coups saccadés tout en ouvrant des grands yeux… Oh là, calme-toi, Constant, nom de Dieu, calme-toi… Pendant que je sollicite un secours médical, la dame perd ses eaux et entreprend le travail préparatoire à l’accouchement… J’essaie d’installer ma parturiente au mieux dans notre véhicule de patrouille. André me rejoint et, au milieu des cris et, surtout, des jambes de la dame, nous sortons l’enfant sous le bruit assourdissant, mais néanmoins rassurant, des sirènes ambulancières. Les blouses blanches prennent le relais et conduisent, illico, la mère et l’enfant à l’hôpital Brugmann. La lueur bleue des gyrophares s’estompe au loin, les badauds s’en retournent gentiment à leurs domiciles en abandonnant à leur tâche les Dupont et Dupond que nous symbolisons sans doute : un banal constat pour un banal accident. Ben voyons. Ce n’est ni sans émotion ni sans une certaine fierté que nous bouclons notre mission : conclusion de constats, dessin de plan, dépannage du
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véhicule, remise en état des lieux, compte-rendu à l’officier de service de la 8ème division. Nous pouvons alors foncer jusqu’à Brugmann pour nous enquérir de l’état de santé de nos protégés. Nous y sommes accueillis par le père et mari qui nous remercie très chaleureusement, nous échangeons quelques mots avec la maman, encore sous le choc (tout comme son binôme de sages-hommes de fortune), et nous reprenons notre boulot : la patrouille de police. Moules frites Il est 23h30, la nuit est calme, voilà plusieurs semaines que nous attendons un moment propice pour casser la graine tous ensemble. La deuxième brigade mobilise tout le personnel autour d’un plat typiquement belge : moules et frites. Quelques collègues ont déjà enfilé un tablier pour protéger leur bel uniforme en plongeant nos chers mollusques bivalves dans le courtbouillon qui taquine mes narines depuis déjà une bonne demi-heure. D’autres reviennent les bras chargés de cornets à trente balles, maintenus au chaud près des fourneaux en attendant le retour au bercail de toutes les patrouilles. La fête bat son plein et les coquilles vides commencent à peine à emplir les poubelles de table, il est minuit trente lorsque nos ripailles sont suspendues : Appel général – voleurs à l’œuvre – avenue du Forum sur le parking du bloc 3. Tout le monde sur le pont ! Y compris le chef de brigade et l’agent de service au matériel. En dix minutes, nous arrivons discrètement sur le parking en question. Discrètement, cela sous-entend sans gyrophares ni bétonnants (sirène), pour ne pas effaroucher les voleurs. Nous progressons en silence et à pas feutrés, j’aperçois trois individus qui tournent autour des véhicules en stationnement. J’avise mes collègues par gestes et radio. Nous les encerclons. - Police, les mains en l’air. Surprise des interpelés qui s’appliquent à jouer les innocents. - On nous a signalé des voleurs sur ce parking. - Rien vu, m’sieur l’agent, rien vu, rien entendu… Renseignements pris par radio auprès du CIO, le témoin confirme qu’il voit, depuis un moment, nos trois lascars s’appliquer bizarrement autour des véhicules stationnés. Un va-et-vient suspect !
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Premier constat : l’un des trois est une fille. À l’époque, nous ne disposions d’aucune « féminité » pour palper les prévenues ; à la brigade, d’ailleurs, ce privilège était confié à la femme de ménage ! Je fouille son copain et débusque une arme dans sa ceinture. Une arme, sur un individu, en bande, la nuit, dans un lieu public = DANGER. En conséquence, nous devons appliquer la consigne et fouiller complètement notre trio, y compris la demoiselle. Il s’avéra, par la suite, qu’il s’agissait d’un pistolet d’alarme, mais cela ne change rien à la procédure. Nos angelots sont fouillés, menottés et interrogés séparément dans nos véhicules : dialogues de sourds ou plutôt monologues... Nous avons affaire à des muets qui tombent des nues (normal pour des angelots) ! Nous les laissons sous surveillance et reprenons le chemin du parking : aucune voiture fracturée, aucune vitre brisée ou serrure abimée. C’est mon odorat qui me donne, si je puis dire, la puce à… l’oreille. Ça sent l’essence !!! De sous la voiture autour de laquelle s’affairait notre trio, je sors deux jerricans vides et un tuyau à siphonner qu’il suffira de présenter à nos chérubins pour les confondre. Ils nous désignent une camionnette contenant trois grands bidons remplis du carburant qu’ils venaient de dérober. C.Q.F.D. Procédure complète : audition et rapport du témoin et des prévenus pour le procès-verbal à la division de garde, fouille complète, y compris la fille par une préposée officielle détachée du centre-ville. Deux des jeunes sont mineurs, nous sommes tenus de les accompagner à leur domicile pour informer les parents et explorer leurs chambres… Je vous passe les détails. Le jour se lève, les premiers rayons du soleil illuminent déjà la verte coupole de la Basilique de Koekelberg. Si à 5 heures, Paris s’éveille, Jacques, Bruxelles n’est pas en reste, nous rentrons au poste vers 8h après avoir slalomé entre les camionnettes, scooters et bicyclettes des facteurs, le flux des camions livreurs de fleurs et primeurs, les maraîchers qui déploient leurs étals, ainsi que les camions poubelles de Bruxelles Propreté qui auront certainement déjà avalé, eux, nos moules et nos frites précipitamment abandonnées au milieu de la nuit. Nous croisons nos collègues du jour, ils ont pris soin de ranger les reliefs de nos agapes avortées et nous rentrons savourer un repos bien mérité. Le surlendemain, nous sommes avisés que notre trio d’enfer (un comble pour des angelots !) a été mis à la disposition du parquet de Bruxelles
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pour la suite de l’affaire. Nocturne mission accomplie avec, toutefois, un mauvais arrière-goût dans la gorge ! En cours d’intervention, je suis focalisé à 100% sur la mission : concentration extrême, à l’affût du moindre indice en maintenant tous ses sens en éveil optimal, maîtrise de ses nerfs et de ses sentiments. Après coup, je me suis dit que j’avais eu beaucoup de chance : le jeune homme armé aurait pu, le doigt sur la gâchette, braquer son révolver sur moi. Et alors, que faire, tirer ou parlementer ? … La suite dans un prochain chapitre. Contrôle Cafés Parmi nos nombreuses missions, nous devons débusquer les jeux clandestins qui se déroulent dans les bars, cafés ou bistrots. Nous voilà avenue de la Reine dans un établissement tenu et fréquenté exclusivement par des ressortissants étrangers. Avant d’y pénétrer, nous repérons un attroupement anormal autour d’une table. Lorsque nous faisons irruption à l’intérieur, j’ai juste le temps d’apercevoir un individu qui s’enfuit vers le premier étage. Un fuyard est automatiquement suspect et nous déclenchons un plan de sécurité : une patrouille est appelée en renfort. Nous grimpons au premier étage et visons une porte entr’ouverte derrière laquelle on distingue clairement le bruit d’une personne qui s’enfuit par la fenêtre. Nous avisons nos collègues de surveiller le jardin et pénétrons dans la pièce en s’assurant qu’elle est vide. De la fenêtre, effectivement béante, nous apercevons un corps allongé sur un toit plat 5 mètres plus bas. L’individu est interpelé sans ménagement. Il n’a ni papiers, ni objet suspect. C’est à la division de garde que, via ses empreintes, nous obtenons son identité : ce particulier est illégalement en Belgique et recherché, de surcroît, pour plusieurs vols ! Un autre fait similaire nous amène à forcer la porte d’un café du lieu-dit Allée Verte. Il y avait au moins cinq personnes autour du billard et, surtout, une centaine de milliers de francs belges (2500 €). C’est louche, d’autant plus que personne ne boit, très louche dans un bistrot. Les jeux d’argent sont interdits, nous embarquons le quintet au commissariat (8ème division) et sortons encore quarante mille francs (1000 €) de la poche d’un des individus. L’argent est confisqué et déposé au greffe du tribunal correctionnel de Bruxelles. Durant l’interrogatoire, l’un des prévenus nous explique le fonctionnement de ces nuits de jeux.
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Pour jouer (au barbout = jeu de dés Turc), chaque participant paie 60 FB/heure (1,5€). Les jeux se déroulent de 23h à 6h du matin. Faites le compte : 7 heures fois 60 = 420 FB (10,5€) par participant. Pour peu que le café soit confortablement occupé, la recette frise les 10.000FB (250€) sans vendre une seule boisson… Fins de mois plutôt arrondies. Suicides En patrouille du matin (7/12) le CIO nous signale un véhicule suspect en stationnement le long de l’allée des Moutons avec, au volant, son conducteur à l’immobilisme inquiétant. Je patrouille avec Tony (N.D.L.R. il s’est donné la mort en 2012). Nous stationnons à distance, je longe le trottoir, arme au poing, et Tony privilégie le côté rue. J’approche de la voiture et adopte la précaution de survie : je sors mon arme pour braquer l’individu. Aucune réaction de l’homme que je reconnais : c’est un collège du poste Houba, agent de quartier de l’allée des Moutons. J’avise Tony et nous rangeons nos armes. Notre homme s’est suicidé, son arme est dans sa main droite, la balle a traversé son crâne de droite à gauche pour aller se perdre dans une propriété jouxtant la voiture. On ne la retrouvera jamais. Nous sommes atterrés et nous appliquons la procédure : convocation de l’officier de service de la division ainsi que de plusieurs Commissaires de notre État Major. Cette découverte macabre nous a hantés, Tony et moi-même, pendant plusieurs semaines. En ce temps-là, il n’y avait pas de cellule psychologique (Stress Team), notre seul exutoire était le dialogue entre collègues au poste. Autre suicide, quelques semaines plus tard, en patrouille de nuit. Je suis accompagné par René, un chevronné avec trois lattes de plus de douze années de service. Le CIO nous signale un suicide dans l’avenue des Croix de Guerre au domicile d’un collègue : Paul. Une dame nous y attend devant la porte, elle est en pleurs et au bord de l’hystérie. Son ami vient de se tirer une balle dans la tête. Nous essayons de la calmer, la confions aux voisins et découvrons, ensuite, le corps de notre Paul, allongé sur le sol avec l’arme à la main. Les officiers rappliquent ainsi que d’autres collègues qui prennent le relais. J’étais mal, d’autant plus que Paul était un ami intime avec qui j’avais partagé d’excellents moments. Cet ancien équipier de basket à Neder-Over-Heembeek était un fameux boute-en-train, il avait plusieurs
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fois mis le feu lors de nos sorties mouvementées d’adolescents. Alors, le revoir dans ces circonstances, ça la fout mal ! Mais le plus dur reste à faire : informer son père, lui-même policier et ami de René, ce qui justifiait notre pénible mission. Il est 23h, les parents sont effondrés et nous accompagnent ensuite au domicile de leur fils où son amie a relaté les faits. Paul est rentré du boulot vers 20h30, il a déposé son sac et embrassé sa femme qui préparait le souper. Celle-ci lui a reproché de sentir l’alcool, il l’a mal pris, s’est retiré et s’est suicidé… Voilà deux faits divers qui me poursuivent encore aujourd’hui. Combien de fois n’ai-je pas été contraint d’annoncer la pire des vérités durant nos missions ? Même auprès d’inconnus, notre carapace de policier nous préserve peut-être mais laisse, néanmoins, une brèche bien ouverte. Une fois que cette pénible mission concerne un proche, la douleur ressentie est indicible. Une nuit des plus calmes mais… Fin de semaine, le week-end approche, notre permanence de nuit s’achève lentement, le jour se lève timidement sur un samedi prometteur : la météo s’annonce propice pour un petit week-end ensoleillé. Après avoir récupéré cette nuit blanche à tous points de vue, puisqu’il ne s’est rien passé, j’irais bien me ressourcer le corps et l’esprit dans la forêt de Soignes. Il est 6h30, nous recevons un appel du CIO pour un accident de roulage avenue de Madrid. L’équipe de jour commence à sept heures, c’est avec des pieds de plomb que nous appliquons la consigne et que nous rejoignons à toute allure les lieux de l’accident. Les lumières de nos gyrophares illuminent un véhicule encastré dans un arbre… L’image est forte, c’est plutôt le tronc d’un diamètre respectable, plus d’un mètre, qui s’est incrusté dans le véhicule. Il y a trois personnes à l’intérieur, nous appelons ambulances et pompiers car il y a de la fumée qui sort du capot. Nous extrayons le chauffeur complètement groggy et le couchons délicatement sur l’herbe à quelques mètres de la voiture. Nous essayons de sortir le passager assis à l’avant, mais il hurle sa douleur en indiquant sa hanche droite. Et pour cause : l’arbre s’est encastré jusqu’à la moitié du
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siège passager ! À l’arrière, il y a une fille consciente mais que nous ne pouvons sortir parce que le véhicule est un cabriolet (deux portières). Les ambulanciers rassurent et soignent le chauffeur pendant que les pompiers maîtrisent rapidement la fumée qui s’échappait du capot. Ils s’affairent ensuite autour du passager avec d’énormes précautions puisqu’il a la hanche brisée et qu’il risque une hémorragie interne. Pour atténuer ses douleurs, ils le perfusent et lui donnent un antidouleur par intraveineuse. Je fais office de potence pour maintenir la perfusion audessus du blessé. Il leur faut une bonne heure pour le dégager et l’installer dans l’ambulance dans laquelle je peux accrocher, enfin, le Baxter que j’avais du mal à maintenir à bout de bras. Reste la passagère à l’arrière qu’on avait déjà perfusé à son tour ! J’ignore comment ils ont procédé et je me retrouve sur le toit de la voiture avec un nouveau flacon en main ! « Il n’y a plus qu’à » sortir la fille via le pare-brise arrière. Les pompiers la recouvrent d’une épaisse couverture pour la protéger des débris de verre et percutent la vitre qui éclate en mille morceaux. Ils veulent soulever la demoiselle qui crie de douleur : son mollet gauche est entièrement transpercé par une tige métallique provenant d’un des sièges. Un pompier parvient à sectionner l’entrave et guide alors ses collègues dans leur mission délicate d’extraction de la malheureuse. Je tiens toujours la perfusion jusqu’au transfert dans l’ambulance. Ma montre indique 9h, les occupants sont hors de danger, il nous reste à établir les constats puisque nous étions les premiers sur place. La consigne, c’est la consigne ! L’absence de témoins nous pose problème, les intervenants (blessés) seront entendus plus tard par une autre patrouille, nous rentrons au commissariat de la 8ème division et, après un passage à l’hôpital Brugmann pour y déposer un formulaire de non-disposition de corps pour les deux blessés graves, je rentre à 10h30 au poste Houba et, ensuite, vers la maison pour un bon dodo bien mérité. Manifestation Toujours dans les compétences de Police Secours, je me suis retrouvé dans une manifestation de métallurgistes qui a vite tourné au combat de rue. Nous étions dispersés tout au long du parcours qui allait de la gare du Midi à la gare du Nord. Avant le début de la formation du cortège, nous avions compris qu’avec les métallos, il y allait avoir du grabuge puisque plusieurs manifestants s’étaient retrouvés devant le bâtiment de la FGTB, placeRouppe, armés de
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barres de fer dignes de… métallos ! Mais nos supérieurs refusent que nous intervenions déjà ! Et pourtant… Les premiers rangs du cortège progressent dans le calme et s’acheminent doucement vers la place Rogier. C’est alors que les choses s’enveniment : le cortège bifurque et tente de remonter le boulevard du Botanique avec l’intention de se rendre chez le premier ministre. Ce faisant, ils contournent l’ordre établi et nous avons comme consigne de les en empêcher. Un barrage s’installe sur le boulevard à hauteur du Passage 44, avec les gendarmes en première ligne. Nous sommes canardés par des billes de métal projetées à la catapulte, plusieurs collègues s’écroulent, surtout les gendarmes, qui ne disposent que d’un bouclier pour deux ! Certains manifestants essaient de nous contourner en passant par le parc du Botanique, ils se retrouvent face aux policiers de St Josse ten Noode qui, faute de moyens – pas de bouclier, une petite matraque et un casque blanc de patrouilleur –, doivent battre en retraite jusqu’à ce que notre chef nous signifie d’intervenir. Nous parvenons alors à les repousser vers la place Rogier. Deux motards (policières) émergent du tunnel venant de la place Madou pour aller vers Koekelberg. À la hauteur de la sortie Rogier, un des manifestants attrape les cheveux d’une des motocyclistes, la déséquilibre et celle-ci glisse sur plusieurs mètres avant de tomber. Heureusement, sa complice à deux roues lui vient en aide et elles détalent sans demander leur reste sous les cris et ricanements furieux des métallos. Nos chefs, aussi bien GD que Pol, décident de dégager la place Rogier : combat rude et difficile car les manifestants, en nombre, bloquent toute la place ainsi que les rues avoisinantes. Une barricade était installée à l’angle de la rue St Lazare, au niveau de l’Hôtel Albert où ils avaient bouté le feu. Je suis désigné, avec mon peloton, pour dégager la rue et détruire le barrage. Nous chargeons plusieurs fois, précédés des chevaux de la gendarmerie et des AMX, mais en vain : à chaque fois nous devons faire demi-tour en repérant les encoignures de portes pour se laisser dépasser par les chevaux sans se faire piétiner. Impossible de détruire ce barrage. Nos chefs décident alors de charger en force par le boulevard du Botanique vers la place Rogier. Nous poursuivons une partie des manifestants dans la rue Neuve, puis dans la rue de Malines et ensuite sur le boulevard Anspach où je rattrape un des manifestants. Je m’apprête à lui donner un coup de matraque, mais celui-ci se faufile dans un hôtel et mon arme s’écrase sur
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la vitre du lobby de l’hôtel, qui éclate en mille morceaux sous les regards médusés et apeurés des occupants qui, tous, pointent du doigt le quidam que je poursuis. Il faut préciser que la matraque que j’avais encore à bout de bras en imposait ! Finalement, nous avons réussi à repousser tous les manifestants vers leurs bus, mais je reste persuadé que nous aurions pu calmer les esprits en convainquant les plus durs de nous confier leurs armes de fortune dès le départ !
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CHAPITRE 7
BRIGADE ANTI-AGRESSION (BAA) JANVIER 1985 – SEPTEMBRE 1990
J’ai le sentiment d’avoir fait le tour des interventions au commissariat du Poste Houba et au sein de Police Secours. Ma soif de bouger et de découvrir de nouveaux horizons me reprend et, après plusieurs demandes de mutation, je suis affecté à la troisième section de la BAA sous les ordres du chef de section : Christian, le spécialiste des filatures de voleurs de voitures en stationnement. La Brigade Anti-Agression dépend de la Brigade Judiciaire de la Police de Bruxelles. Le travail se concentre sur la recherche d’individus, de voitures volées et sur des missions plus périlleuses qu’à Police Secours, puisque nous gérons aussi les braquages de commerces et de banques (hold-up). C’est la place de la Monnaie qui est le cadre de notre première mission. Christian, en civil, marche vers la cathédrale St Michel, nous le suivons discrètement en voiture sans perdre des yeux le manège des deux lascars examinant soigneusement l’intérieur des nombreuses voitures stationnées aux abord de Ste Gudule… puis de la rue Royale en direction du Palais de Justice… deux heures avec les nerfs à fleur de peau, deux heures de patience jusqu’à ce que Christian s’exprime par radio : T’is Kas ! Ils sont rue Royale et prennent la fuite par une impasse qui donne entre la rue Royale et la rue Marché au Bois. Le temps d’y arriver et nos malfrats prennent la fuite. Je poursuis, seul, un des fuyards qui descend dans le tunnel entre la gare et le métro. Je suis à une dizaine de mètres et hurle « au voleur… au voleur ! », jusqu’à ce que mon homme soit appréhendé par trois ouvriers du chemin de fer qui me le confient. Mes collègues n’ont pas pu intercepter son complice, nous remontons rue Royale pour y faire les constatations d’usage, dépanner le véhicule, et, ensuite, nous allons à la Division Centrale, rue Marché au Charbon pour y rendre compte.
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Tir Gare Centrale « Mesdames et messieurs, le train international en provenance d’Amsterdam est annoncé voie 3… Dames en heren, … ». Ambiance à la gare Centrale : nous patrouillons pour y faire un contrôle. Notre chef de section, en civil, fait un tour pour y repérer les drogués. Le chef de gare lui signale la présence d’un individu armé dans le couloir à gauche en descendant de l’escalier principal. Les ordres fusent et nous arrivons en courant. Le chef et mon collègue s’arrêtent au premier coin, mais moi, je cours plus vite et, dans mon élan, je me retrouve en plein milieu du couloir sans aucune protection. J’avais déjà sorti mon arme comme mes collègues, avec une cartouche dans la chambre. Police, les mains en l’air ! Le suspect fait volte-face et me vise avec son arme. Lâche ton arme et mets-toi à plat ventre. Je reconnais, à ses côtés, un autre individu que nous avions harponné jadis. À ma droite, un quidam assoiffé, décharge le distributeur d’une canette. Je bisse mes injonctions : lâche ton arme et mets-toi à plat ventre. Au lieu d’obtempérer, l’homme me vise avec son arme. Je tire deux coups Il s’écroule, l’arme à la main. Je m’approche lentement avec la peur au ventre, je le désarme d’un coup de pied et remets la mienne dans son étui. Le chef appelle les ambulanciers du Samu. Pour ma part, je vérifie son arme : un modèle d’alarme/gaz avec une cartouche dans le canon qui a été percutée sans libérer son gaz. L’arme est une relique d’un Colt45 mais à gaz 8mm. Mon collègue interpelle le quidam assoiffé, tétanisé devant le distributeur de boissons. Il décapsule enfin sa canette et lampe une bonne gorgée. Nous l’invitons à reprendre ses esprits et à avertir son entourage qu’il sera retardé puisque nous devons l’auditionner comme témoin. Quant au troisième larron, connu de nos services, nous comptons sur nos collègues de la générale pour l’intercepter. Il nous reste à retrouver les balles que j’ai tirées. L’une d’elles a ricoché sur plusieurs murs avant de s’enfoncer dans un escalier… Plusieurs navetteurs en sortent et se dirigent vers nous. C’est cela que vous cherchez ? Me lance l’un d’eux en même temps que la balle qu’il avait ramassée sur la dernière marche. Ouf, pas d’autre blessé.
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Le médecin du Samu retrouve la deuxième balle dans la veste du malfrat, elle est entrée par le bas ventre, sortie par l’aine droite, a traversé le bras pour se caler dans la manche. Bref, elle a parcouru l’individu de gauche à droite sans atteindre d’organe vital. Puisque les renforts viennent nous relayer pour maintenir les lieux en état jusqu’à l’arrivée du magistrat de service, du juge d’instruction ainsi que d’un expert en balistique, nous sommes autorisés à rentrer à la Division Centrale pour récupérer avant de retourner sur les lieux pour exposer notre version des faits. Nous y sommes accueillis par les trois officiels précités auxquels s’ajoutent le Commissaire de police de garde de l’État Major, ainsi que l’officier de garde de la division concernée. L’expert, à qui nous relatons les faits, examine également nos armes. Il me blanchit entièrement puisque le scénario de légitime défense s’impose. Retour vers minuit trente à la DC où nous apprenons que le complice fuyard a été interpellé et que plusieurs témoignages ont été entendus pas l’officier de service. Ils plaident tous en notre faveur. Il est deux heures du mat’, je savoure un bon whisky et m’écroule sur mon lit. Le lundi suivant, le Commissaire recevait une lettre de menace à notre encontre… Poursuite Appel du réseau Interpolice pour toute la région de Bruxelles Poursuite à Anderlecht depuis la place de la Vaillance vers Molenbeek le long du canal. Je patrouille avec André, mon ancien collègue de PSII (voir chapitre Gyné KOX logue), nous filons vers la station de métro des Étangs Noirs. La voiture prise en chasse nous fonce dessus dans la chaussée de Gand. Nos rétroviseurs s’entrechoquent, André sort et tire à plusieurs reprises sans parvenir à la stopper. Je prends le volant, demi-tour, nous reprenons la poursuite à toute allure, épaulés par plusieurs voitures. Olé …… Je suis Steve Mac Queen dans « Bullit ». Pas pour longtemps, puisque le fuyard s’arrête sans raison dans la rue d’Ostende. Vu l’armada de sirènes et gyrophares qui lui filent le train, il comprend qu’il n’a aucune chance de s’en sortir et se laisse embarquer sans difficulté.
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Tentative de suicide Nous reprenons la direction du centre-ville et sommes immédiatement appelés pour intervenir avenue Louise au rond-point à l’entrée du Bois de la Cambre. Objectif : tentative de suicide. Une fois sur les lieux, un employé de l’ambassade X nous informe qu’un de ses collègues veut se suicider. Il habite au deuxième étage. L’ascenseur nous dépose dans un hall étroit. Je n’actionne pas la sonnerie, pour éviter une étincelle si l’individu a choisi le gaz comme moyen radical. Je frappe à la porte, elle s’entr’ouvre et me permet de distinguer un homme entièrement nu tenant une arme de chasse très performante à double canon superposé. Il referme immédiatement la porte. Briefing au rez-de-chaussée, nous demandons le renfort d’usage : ambulance, ainsi que la camionnette bleue de la BAA avec gilets, fusils d’assaut – FAL m2 –, casques et boucliers. J’enfile le seul gilet pare-balles de notre véhicule, le concierge me remet une clé en nous mettant en garde : Faites gaffe : il possède plein d’armes et peut tenir un Fort Chabrol. Nous remontons au deuxième étage. J’ouvre la porte en silence et m’engage dans l’appartement. Devant moi : un couloir en « L ». J’avance prudemment puisque l’individu est armé – et pas de n’importe quelle arme. J’arrive à l’angle du « L », je m’engage dans le salon, un coup de feu retentit, je me cabre et entends une masse qui s’écroule. Je me précipite et braque le corps couché sur le sol. Il bouge encore mais la moitié de son visage est arrachée et sa cervelle est projetée à plusieurs mètres… Je remets mon arme dans son holster et avise mon collègue que tout est safe. Les ambulanciers peuvent intervenir, ils essaient, en vain, de le ranimer. Le Commissaire de garde arrive, ainsi que des renforts et d’autres ambulances. Je me sens mal et je profite du balcon pour respirer, je ferme les yeux, le tableau du drame inonde l’écran noir de mes paupières : ce visage déchiqueté, la cervelle sanguinolente à même le sol, les soubresauts du corps, le sang partout sur les meubles… C’est la première fois que j’endure cela et je mets le coeur sur le carreau. Quelques jours plus tard, c’est la PJP qui nous auditionne puisque la victime n’est autre que le premier secrétaire d’une ambassade.
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Pickpockets Il est 18h, mon chef de section, Pol, me désigne avec Marc pour patrouiller, en civil, dans l’Îlot sacré à la recherche de pickpockets. C’est vendredi, les touristes en sont au dessert, voire au digestif, rue des Bouchers, en revanche, le personnel s’applique déjà à dresser les tables en terrasse, profitant de l’accalmie avant le rush du soir. Les étalages de fruits de mer se garnissent pour le grand plaisir des yeux et des pellicules 24x36 (le numérique n’existait pas encore) des touristes japonais ! Je toise l’une d’entre elles au charme ravageur et lis dans ses yeux : 私たちの写真を撮っていただけますか ? Traduction : Voulez-vous me prendre en photo, s’il vous plaît ? Je ne demande que cela ma belle et je m’exécute en pensant : « Si jeune et déjà… ponaise » ! Petite rue des Bouchers, rue Marché aux Herbes, Galeries de la Reine, il y a plus sinistre comme endroit pour travailler ! Eh, tu l’as reconnu ?, me lance Marc devant la Taverne du Passage. Ben oui évidemment, c’est Madame Chapeau. Ce sont les crapuleux de sa strotje qui l’appellent ainsi. poursuit-il suffisamment fort pour que le comédien du théâtre des Galeries, Jean Hayet, nous adresse un clin d’œil de connivence. Eh Marc, je te rappelle qu’on est ici pour bosser, t’as vu la nana à gauche là, son sac est largement ouvert, tout comme son corsage d’ailleurs, y’en a, je te jure. J’ai à peine le temps d’alerter mon collègue que deux jeunes ados me bousculent et se plantent juste derrière la fille en pleine conversation avec son petit ami et d’autres personnes. Je ne quitte pas le sac des yeux, un des deux gars y puise un portefeuille et le glisse à l’arrière de son pantalon. Le deuxième le récupère et le dissimule subrepticement dans ses vêtements. KAS ! J’attrape les deux individus, Marc me rejoint et nous les collons, sans difficulté, contre un mur. La fille se retourne. Votre sac à main, lui dis-je. Mon portefeuille, on a volé mon portefeuille !
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Elle ne m’apprend rien, bien sûr. Nous effectuons une fouille rapide. Je m’occupe de celui qui détenait l’objet du larcin et je râle parce que je n’arrive pas à mettre la main dessus. Le gars porte un pantalon de training, sans poches ; en le fouillant plus sérieusement, je récupère le portefeuille dans la pipe gauche de son pantalon, à hauteur du mollet. Je le restitue à sa propriétaire en lui expliquant tout le scénario, c’est alors que je me rends compte qu’elle habite dans mon immeuble. Un policier à domicile, c’est toujours bon à savoir, me confie-t-elle en m’embrassant très… ardemment pour me remercier… Marc va surement épingler ce détail à la brigade demain, j’imagine déjà les collègues qui vont me chambrer. Comme quoi, il n’y a pas que des crapuleux dans sa strotje … puisque j’y réside. Speed Un jour, ou plutôt une nuit puisque nous sommes en 23/7 (23h jusque 7h), l’officier de garde intercepte une info : il y aurait un vendeur de speed dans la Galerie Agora, réputée au centre-ville pour ses nombreux petits magasins, commerces assez disparates, essentiellement tenus par des pakistanais. La BAA s’organise, un portrait du suspect nous est brossé, j’appelle les deux autres équipes BAA. Nous sommes sous les ordres du chef de section qui est en civil. Je roule avec Guy, nous postons notre voiture dans la rue de la Montagne avec l’entrée de la Galerie en point de mire. Le chef de section, Paul, s’installe avec Désiré rue de la Colline, à l’autre entrée de la Galerie. Le troisième binôme, composé de Jérôme et Thierry, se poste rue des Éperonniers où débouchent les deux dernières entrées ou sorties, c’est selon, de la Galerie. J’observe la présence de trois individus dans la galerie. J’en avise le chef qui s’y rend – je le rappelle, en civil – pour vérifier les données de l’officier de service (le portrait-robot). Après un quart d’heure de ronde, il rejoint Désiré. R.A.S, rien à signaler. Je suis sceptique et nous nous approchons des trois individus à l’entrée : Bonjour messieurs, vos cartes d’identité s’il vous plaît. L’un des trois me semble correspondre au profil. Nous les fouillons et BINGO, je trouve une vingtaine de pacsons de speed. Nous menottons les individus, Paul arrive en courant en affichant une grimace d’étonnement puisque, d’après ses renseignements, le vendeur était absent. Nous lui confirmons, Guy et moi-même, qu’ils étaient bien à l’intérieur de la galerie et nous les ramenons tous les trois à la Division Centrale chez l’officier de service. Une fouille plus approfondie est faite, Paul me
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demande les cartes d’identité et les pacsons. Je lui remets le tout sans lui préciser, à dessein, où et sur qui j’ai récupéré le speed. Paul essaie, tant bien que mal, de rendre compte des faits, mais l’officier perd patience et hurle : C’est qui, en fin de compte, qui a arrêté ces lascars ? Paul est obligé de reconnaître la vérité. Du coup, l’officier recommence son PV. C’est donc vous qui avez contrôlé et arrêté les prévenus ?, me lance-t-il. Je ne peux que confirmer. Pourquoi votre chef de section s’est-il interposé ? Parce qu’il est le chef. Et j’explique alors, dans les moindres détails, comment nous avons récupéré la drogue, le nombre de pacsons, dans quelles poches, etc. sans mentionner pour autant que le chef avait effectué sa ronde cinq minutes avant nous. L’officier est satisfait mais il me reproche de l’avoir retardé ! Suite à cela, j’ai eu une altercation avec le chef de section à qui je reprochais de vouloir toujours s’octroyer les interventions glorieuses. Cet incident a, d’ailleurs, retardé mon avancement plus tard. Alarmes Ce sont toujours les patrouilles de la BAA qui sont sollicitées lorsqu’une alarme se déclenche quelque part. Nous effectuons de nombreux déplacements inutiles pour de fausses alertes, lorsque le système trop sensible se met à hurler au moindre courant d’air. Toutefois, certaines de nos missions « alarme » nous permettent d’interpeller les cambrioleurs. Rue de Laeken, alarme au magasin ESDERS près de la Tour Noire. L’enseigne ESDERS était bien connue des bonnes ménagères des années d’après-guerre, c’était un magasin de vêtements très couru jusque dans les années septante. Le bâtiment périt dans un incendie en 1990, j’y étais. Vu l’ampleur de ce bâtiment, plusieurs équipes, aussi bien de BAA que de PS, sont appelées sur place et réparties dans les divers étages : étalages avec penderies et exposition de mannequins, étage d’entrepôt, il y avait même encore moyen d’accéder à un étage anciennement occupé par une clinique dont une partie du mobilier médical subsistait. Voilà plus d’une demi-heure que l’alarme réveille les habitants de la place Sainte Catherine, le responsable nous ouvre, enfin, les portes, pour nous permettre de commencer les fouilles. Ce bâtiment est gigantesque, les équipes fouillent partout, même au niveau de l’ancienne clinique, mais font chou blanc : R.A.S.
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Les patrouilles ont à peine repris leurs missions respectives qu’un nouvel appel leur est adressé pour filer à Sainte-Catherine, où l’alarme ESDERS fait à nouveau des siennes ! Refouille et re… belotte ! Nous sommes rappelés plusieurs fois sans succès. La cinquième fois, je décide de faire la fouille du magasin, entre les vêtements, les bureaux et même les cabines d’essayage, en y ouvrant carrément les rideaux… Bingo, un individu est installé sur le siège. Il est surpris car, lors des fouilles précédentes, mes collègues s’étaient contentés d’observer par-dessous le rideau et, forcément, ils n’ont rien vu puisque mon lascar était juché sur le siège. Je braque mon arme sur lui et le force à se coucher sur le ventre. Pendant qu’un collègue lui met les pinces, j’en profite pour l’interroger. - Tu es seul ? - Oui, me dit-il. - Tu es sûr, parce que si nous devons encore rappliquer ici, tu vas déguster et tu ne vivras pas ton meilleur jour de l’année. Il lève les yeux et nous montre le plafond des cabines d’essayage. Mes collègues grimpent et, sous les piles de vêtements entassés sur les cabines, ils débusquent son complice. Cette mission a duré en tout trois heures et s’est terminée au commissariat avec les deux individus, pour audition et rédaction du procès-verbal : nos lascars s’étaient, tout simplement, laissés enfermer et avaient attendu la nuit pour opérer, espéraient-ils, à leur aise. Dans ce cas-ci, l’intervention s’est achevée sans dommages, si ce n’est l’énervement. L’expérience m’a appris à être particulièrement vigilant lorsque nous sommes appelés pour une intervention suite au déclenchement d’une alarme, car l’auteur est sur ses gardes. Je me souviens d’une alarme chez Wolfers, une bijouterie de l’avenue Louise à hauteur de la place Stéphanie. Notre patrouille de nuit se rend sur place, ce n’est pas la première fois que je viens ici et il ne s’y passe jamais rien. Un convoyeur se dirige vers l’entrée du magasin et veut pousser la porte lorsque je lui crie de ne pas rester dans l’axe de celle-ci. Il obtempère. Grand bien lui fit, car il aurait été transpercé et étendu par une rafale de Kalachnikov… Conséquence : ne jamais garer sa voiture devant l’immeuble suspect et ne jamais rester dans l’entrebâillement d’une porte pour frapper. (voir chapitre Bach stage).
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Incendies Lors de mon service à la BAA, j’ai été confronté à plusieurs incendies sur le territoire de Bruxelles. Le plus poignant fut celui que j’ai développé au début de mon livre (chap 3), en voici deux autres qui m’ont forgé des souvenirs. Incendie rue des Fabriques au-dessus de l’Aldi où le CIO nous envoie pour seconder les pompiers puisqu’il y a des personnes dans l’immeuble. Je me rends sur place avec Guy. Je grimpe les escaliers quatre à quatre et, au troisième étage, je croise une vieille dame plutôt corpulente qui sort de son appartement en hurlant : Qu’est-ce que c’est que ce raffut ? Que se passe-t-il ? Tout en continuant mon escalade, je lui lance : Il y a le feu chez le voisin, il faut évacuer l’immeuble, descendez par les escaliers. Je ne pourrais pas, répond-elle en écartant les bras au niveau de sa ceinture. Le grand écart, si je puis me permettre ! Je grimpe jusqu’au cinquième pour constater qu’il n’y a plus personne et je retrouve ma « brève rencontre » au retour. Elle est tétanisée. Je la mets sur mon dos et descends les trois étages non sans mal car elle pèse une tonne et elle panique. Je la dépose au bas de l’immeuble dans un magasin que nous avions réquisitionné pour l’occasion. Les pompiers font le reste et le feu est rapidement circonscrit. Les pompiers font route pour un incendie à l’angle de l’avenue Houba de Strooper avec le boulevard de Smet de Naeyer, à l’hôtel Tivoli. Voilà l’appel qui retentit dans les hauts parleurs de la Division Centrale où nous nous trouvons, rue Marché au Charbon. Toutes les équipes en temps de repos et… repas abandonnent leur collation pour rejoindre cet immeuble réputé pour être un hôtel de passe durant la journée et de logement de touristes pendant la nuit. Nous dépassons les pompiers dans l’avenue Bonnivard, près de la gare du Nord. Sur place, le toit est en feu et plusieurs personnes, repliées au premier étage, menacent de sauter. Notre présence les rassure, nous leur crions de se calmer car les secours arrivent. Comme j’ai, jadis, longtemps patrouillé sur le territoire de Laeken, je connais bien les lieux et je me souviens qu’il y a, dans la rue P. Strauwen, un marchand d’échelles. Je me rends sur place et réquisitionne plusieurs échelles qui nous permettront, une fois de retour à l’Hôtel Tivoli, de sauver 11 personnes qui seront hébergées dans une taverne en face en attendant les secours.
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Les pompiers prennent la relève et éteignent l’incendie, mais ils doivent déplorer deux décès. Le feu aurait été bouté par un suicidaire logé au troisième étage, et a bloqué le passage par les escaliers. Suite à cette intervention, tous les collègues de BAA et PS ont été reçus à la Maison communale pour recevoir les félicitations du bourgmestre.
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« Un évén ement que j’étais très dur mais qui m ’a montré bien dans ma peau de flic » Constant
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CHAPITRE 8
RECHERCHE LOCALE (RL) EN DIVISION SEPTEMBRE 1990 – OCTOBRE 2001 STAGE À LA JUDICIAIRE
J’ai l’impression d’avoir fait le tour de la BAA et décide de postuler pour d’autres horizons : en l’occurrence, à la Recherche Locale (Brigade Judiciaire en division) où il y avait une place à prendre aux 5ème et 6ème divisions de police (Quartier CEE et avenue Louise). L’expérience m’a appris, notamment lorsque j’ai quitté Police Secours pour rejoindre la BAA, qu’il ne suffit pas de postuler pour évoluer au sein de la police. Toutefois, la chance m’a souri puisqu’en deux semaines, j’ai été informé par un collègue que j’étais pressenti pour passer comme rechercheur local à la 5ème et 6ème. Il n’y avait plus qu’à suivre un stage à la Judiciaire… Quel bonheur ! Le principal objectif de nos missions à la Recherche est de récolter des renseignements à partir de procès-verbaux et de mettre la main sur les auteurs des délits. Nous sommes en septembre 1990, je me retrouve donc à la Police Judiciaire et je commence mon premier stage à la section des stupéfiants. La Brigade des Stups, comme on dit à la TV. Je fais patrouille avec les collègues Gust, Thierry, un ancien de la BAA, Jacques et Patrick, des Trekkers4 (voir définition en fin de chapitre). J’apprends comment faire des filatures de toxicomanes, tenir un poste d’observation (PO) et comment bien fouiller des drogués. Coups et blessures envers un Agent de quartier Une affaire qui me tient à cœur, survenue lors de ce stage, est celle d’un Agent de quartier battu par deux punks. Jeudi, 18h, je suis dans le bureau des stups.Gilbert, CA, entre dans le bureau et demande qui est de garde (à la Judiciaire, il y a toujours une équipe de garde pendant 24h en semaine et du vendredi 18h au lundi à 8h). 4
Les Trekkers de la section de Police de Bruxelles-Ixelles constituent une unité spéciale d’intervention contre les vols à la tire.
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Présent, répond Jacques. Je suis de garde avec Patrick mais il est déjà parti. Eh bien voilà Constant, me lance le CA, tu fais équipe avec Jacques et je veux des résultats. Nous rejoignons la division qui a acté la plainte pour prendre connaissance du PV. Nous demandons aux patrouilles pédestres de contrôler tous les punks et d’essayer de les faire parler. Vers 21h, une patrouille rentre, accompagnée d’un punk que nous auditionnons. Celui-ci nous raconte qu’il a entendu une conversation au cours de laquelle deux de ses pairs (punks) se vantaient d’avoir tabassé un flic, l’un des deux étant désigné par un surnom, disons « Tryphon ». Bingo ! Le moteur de recherche reconnaît Tryphon et me donne, en prime, une photo. Je délègue une patrouille à son adresse et, à 22h30, notre punk fait son entrée dans le commissariat. Je commence l’interrogatoire mais il nie avoir tabassé notre collègue. L’heure passe et nous sommes face à un mur. Si Tryphon Tournesol est sourd, celui-ci est muet. Impossible d’en tirer quelque chose, même pas une allusion à son complice. Je fais venir sa petite amie et l’invite à le convaincre de se mettre à table. Dans le même temps, je convoque notre collègue (AIQ) tabassé pour voir s’il reconnaît son agresseur assis dans le bureau. Il confirme mais précise que son complice était le plus violent des deux. Je suis déjà rassuré que nous tenions le bon bout. Fort de ces éléments, je reprends l’audition de notre lascar qui sent la corde se serrer autour de son cou, il commence à suffoquer. Il est 1h30 du matin quand il crache le morceau : Le deuxième punk, monsieur « A », est chez son amie à Ixelles. Il est très dangereux car il tape facilement, surtout les policiers (sic). Nous voilà prévenus ! ... Je me rends sur place avec deux équipes de la BAA. Je monte au troisième étage et tambourine à la porte du domicile de l’amie. C’est une jeune femme en très petite tenue qui ouvre. Bonjour mademoiselle, c’est la brigade de Police Judiciaire, est-ce que monsieur « A » est là ? Non, me répond-elle. Mais je suis certain qu’elle ment et j’en avise par radio l’officier de garde de la Judiciaire. Tu peux forcer l’accès, quitte à enfoncer la porte, me répond-il. Prise de panique en écoutant notre dialogue, la jeune femme confirme par gestes qu’il est bien dans la chambre à coucher.
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Nous interceptons l’individu qui ne résiste pas. Je pense qu’il a compris que nous étions déterminés et suffisamment énervés pour museler toute velléité de résistance de sa part. Nous le ramenons au commissariat où je commence son audition. Il faut croire que nos locaux affectent les cordes vocales des punks car, tout comme son complice Tryphon, monsieur « A » reste muet. Il est 4h du mat’ quand je décide de les confronter. Je tire un portrait polaroïd de chacun et les soumets à notre collègue qui les reconnaît avec certitude. Déjà, je suis soulagé. Petit à petit le PV prend forme. Ils n’arrêtent pas de se contredire, mais en insistant, parfois fermement, je parviens à obtenir la vérité et, surtout, leurs aveux ! OUF. Il est 6h du matin quand nous clôturons l’affaire : PV bouclé, le substitut du procureur du roi est avisé, les deux punks coffrés à l’Amigo avant d’être transférés au Palais de Justice chez le procureur de garde. Je rentre chez moi pour récupérer et je me retrouve au commissariat à 14h pour parachever ce dossier. J’y apprends que mes deux punks sont mis à la disposition du parquet (en prison). Une belle affaire qui se termine comme il faut alors que nous n’avions aucun élément au départ. Voilà pourquoi il est intéressant de travailler à la Judiciaire. Après cela, je me sens heureux, fier de mon travail et fier d’être flic. Filature C’est lors de mon passage chez les Trekkers3 que j’effectue ma première filature. Je suis de patrouille à la recherche de voleurs à la tire dans les rues de notre capitale. Lorsque nous arpentons les trottoirs, je reste toujours à plus de dix mètres derrière notre groupe. Nous sommes à la hauteur du magasin C&A de la rue Neuve quand un vieux monsieur vient saluer l’équipe des Trekkers. Le chef me fait comprendre, par signes, de rester en arrière. L’individu s’éloigne et je comprends vite que je dois me pendre à ses basques. Il me promène dans plusieurs rues de la ville : place de la Monnaie, rue de l’Écuyer, rue de la Fourche, Grétry, Fripiers, retour vers la Monnaie. Il tourne en rond et regarde toujours derrière lui s’il n’est pas suivi, mais je ne suis pas encore repéré. Il prend la rue Fossé aux Loups, rue d’Argent vers la place des Martyrs et, au coin de la rue des Œillets et de la rue aux Choux, il pénètre dans un immeuble en construction. Je me mets en embuscade sur l’autre coin, à l’arrière du parking de l’Innovation où je suis rejoint par mes collègues. Suis-le quand il sort, nous irons prospecter les lieux, m’indique l’un d’eux.
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Il ressort de l’immeuble et prend la rue du Damier. Je me cache derrière une voiture et reprends la filature. Place Rogier, il s’engouffre dans la station du métro direction Midi. Je m’installe dans le wagon voisin et je le tiens à l’œil à travers les portes de jonction. Il descend à la porte de Namur et remonte par l’escalator dans la chaussée d’Ixelles. MERDE, je le vois plus….. Shit, toute cette filature pour le perdre de vue… Yop, je le vois qui entre dans les Galeries de la Toison d’Or. Je suis toujours à l’affût, sans être repéré. À la rotonde de la galerie, il rentre dans un magasin d’argenterie. Il s’y promène. Comme je ne tiens pas à être remarqué, je rentre dans la vitrine d’un commerce en face et me retrouve au milieu de… petites culottes et soutiens de toutes les couleurs et… dimensions... Me voilà dans la lingerie fine, j’avais l’air… fin, évidemment. Qu’à cela ne tienne, ma mission n’est pas finie. Tout en caressant les étoffes soyeuses des bonnets « D », mon regard n’a qu’un objectif : la vitrine d’en face. Une vendeuse, intriguée à juste titre par mon comportement, s’avance vers moi, mais la patronne la retient dans son élan. Elle a compris mon manège. J’aperçois mon homme qui dissimule deux cafetières thermos en argent dans les poches de son imper. Il sort du magasin et se retrouve dans la chaussée d’Ixelles. Je lui emboîte le pas, à distance bien sûr, toujours pas repéré. Il prend l’avenue Marnix où mon collègue des Trekkers me rejoint. Je décide d’intercepter mon voleur de thermos, et lui lance : Bonjour, Police, en lui montrant mon brassard. Mon collègue le maintient, je le fouille et lui extirpe les deux thermos. D’autres collègues le prennent en charge. Je repars avec le butin vers le magasin du délit. Ces deux thermos proviennent bien de chez vous, Madame ? La patronne, surprise, me toise, hésite et constate qu’en effet, les deux thermos en argent qu’elle avait disposés sur le meuble ont disparu. Je lui expose les faits, prends note de son audition et garde provisoirement les deux objets volés puisqu’ils constituent des pièces à conviction. En sortant, je fais le détour par la lingerie, non pas pour me replonger dans les dessous affriolants, mais pour justifier tout mon cinéma à l’égard de la propriétaire en la remerciant pour sa pertinente complicité, sous le regard coquin de sa vendeuse qui s’est employée, entretemps, à remettre de l’ordre dans l’étalage que je dois avoir copieusement froissé ! Je retourne en métro vers le centre-ville pour y rendre compte de cette filature. Mes collègues Trekkers me signalent qu’ils ont trouvé plusieurs objets volés
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dans l’immeuble en construction ainsi que d’autres caches que l’individu leur a indiquées en passant aux aveux. Le chef m’a justifié le pourquoi de cette filature : l’individu était connu pour intervenir sur commande ; le matin, il faisait le tour des boxons de la gare du Nord et, ensuite, il faisait son tour en ville pour satisfaire les commandes des prostituées. Après cette belle poursuite, je ne regrette pas mon choix et je suis plus que déterminé à prolonger ma carrière dans la Judiciaire.
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CHAPITRE 9
RECHERCHE LOCALE 5ÈME ET 6ÈME DIVISION QUARTIER EUROPÉEN ET QUARTIER LOUISE
En janvier 1991, nous prenons possession de notre bureau à la 5ème division au Boulevard Clovis. Nous nous présentons au CP patron de la division mais, comme nous sommes affectés également à la 6ème division, nous pressentons quelques frictions avec un certain CA de garde. Stup La première mission qui me fut confiée est une affaire de stupéfiants et de fausses ordonnances médicales. Un jeune du quartier se présentait dans les pharmacies avec de fausses ordonnances (bien souvent de simples photocopies) pour y recevoir un sirop à base de codéine. Pendant plusieurs semaines, je parcours les officines du quartier et des communes limitrophes pour y récupérer les éléments falsifiés qui sont tous prescrits à la même personne : une femme domiciliée à Ixelles. Je fais des recherches dans le registre national : vit-elle seule ou en couple, a-t-elle de la famille, des enfants, petits-enfants ? Elle a un petit-fils. Marc m’accompagne au domicile de notre grand-mère qu’elle partage avec son fils et petit-fils. Nous faisons connaissance avec elle et je lui explique les raisons de notre visite et l’auditionne. Elle reste très perplexe et n’apporte aucun élément susceptible de nous aider. Néanmoins, je l’invite à nous confier une photo du gamin pour la soumettre aux pharmaciens de l’entité. En effet, j’ai, sur la base des témoignages des apothicaires, le sentiment que le profil du faussaire correspond à celui du gamin. Je fais, à nouveau, le tour des pharmacies et, bingo, 70% des personnes sollicitées reconnaissent notre fraudeur au sirop sur le montage de photos que je leur présente.
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Nous l’arrêtons, devant ses parents et sa grand-mère qui sont médusés. Nous l’auditionnons mais il nie en bloc toute implication. Je prends contact avec le procureur du roi qui demande qu’on le mette à sa disposition. Du fait que le dossier est mis à l’instruction, le suspect est mis en prison par le juge d’instruction (= prise en charge par le juge d’instruction). Nous recevons des devoirs supplémentaires dans ce dossier : l’enquête se prolonge avec de nouvelles auditions de pharmaciens. L’un d’entre eux nous précise qu’il a, à nouveau, reçu une fausse ordonnance pour le même sirop mais que, cette fois, il a pu obtenir le nom de la personne. OUPS, aurions-nous commis une erreur ? Je reprends mes recherches dans le registre national : l’individu suspect habite notre secteur. Marc m’accompagne pour l’interpeler, nous le ramenons au bureau où il nie toute implication dans les faits. Nous lui tirons le portrait pour le soumettre, comme précédemment, au milieu d’autres individus, au personnel des officines, qui, à l’unanimité, cette fois, décrivent notre deuxième suspect comme l’auteur des faits. Après plusieurs heures d’interrogatoire, nous le mettons à bout et il avoue son implication, nous explique sa façon de procéder et pourquoi il est accro à la codéine. OUI, nous nous sommes trompés. J’en avise immédiatement le juge d’instruction qui libère aussitôt notre gamin, à qui nous allons, la queue entre les pattes, présenter nos excuses ainsi qu’à sa famille. Pour calmer les esprits, nous leur montrons la photo du prévenu pour justifier la ressemblance et la confusion possible. Nous sommes pardonnés. Cette première affaire se termine bien, finalement. J’en retiens qu’il ne faut pas foncer tête baissée sans s’assurer d’un maximum de certitudes. Je n’étais pas fier d’avoir mis un innocent en prison, mais j’apprendrai, plus tard, que cela arrive aux meilleurs. Escroquerie avec vol de carte Visa En patrouillant dans le quartier européen autour du rond-point Schuman, je suis intrigué par deux jeunes qui déboulent à vive allure vers la rue Ambiorix. Ils pénètrent dans un magasin de téléviseurs et appareils hi-fi haut de gamme. J’invite Marc à rester sur le trottoir et je garde un œil sur eux, tout en faisant mine de m’intéresser aux prestigieux écrans et installations de home cinéma de tous poils. Mes deux lascars discutent avec le gérant.
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Celui-ci se retire en coulisses et revient avec une chaîne hi-fi complète et un téléviseur. Il prépare la facture ainsi que le voucher dans lequel il introduit une carte Visa. Après avoir signé la facture, les jeunes se voient refuser de récupérer « leur » carte, le vendeur leur explique que cette carte a été volée !5 Bingo, non seulement j’ai deux jeunes délinquants qui ont volé une carte bancaire, mais je tiens, en plus, un vendeur véreux qui va toucher son pourcentage sur la vente des appareils et récupérer une prime de récupération de carte volée (5000FB à l’époque, soit 125€). Marc bloque la porte de sortie et interpelle les deux jeunes avec leur butin : Oups, des flics ! Ils avouent le vol dans le sac à main d’une femme. Nous auditionnons également le vendeur et récupérons la carte volée ainsi que le matériel acheté comme pièce à conviction. Nous demandons un véhicule de patrouille pour conduire nos jeunes voleurs au commissariat de la 5ème division, boulevard Clovis, que nous rejoignons à pied. J’auditionne l’un des deux. Il m’explique qu’ils avaient repéré la dame dans le métro, dont le sac en bandoulière n’était pas fermé, ils l’ont suivie et l’ont bousculée sur l’escalator pour lui piquer son portefeuille, qu’ils ont balancé dans une poubelle après en avoir soustrait l’argent (600FB = 15€) et la carte Visa. J’arrête mon audition et oriente une patrouille vers la poubelle. Le voleur m’explique ensuite que son copain a insisté pour utiliser le plus vite possible la carte dans un magasin des environs avant que le vol ne soit déclaré… Marc auditionne son complice, qui confirme les déclarations. La patrouille revient de sa fouille et me remet le portefeuille qui me permet de remonter jusqu’à sa propriétaire : j’y trouve, en effet, une carte d’identité européenne ainsi qu’un agenda. Je l’appelle au bureau pour la rassurer en lui expliquant que nous avons récupéré son portefeuille et arrêté ceux qui le lui avaient subtilisé, elle est sidérée de la vitesse avec laquelle nous avons réussi cette opération et nous rejoint immédiatement au commissariat. Nous l’auditionnons : elle confirme la bousculade dans l’escalator de la station Schumann. Lorsqu’elle a constaté, au bureau, que son portefeuille avait disparu, elle a aussitôt bloqué ses cartes et elle s’apprêtait à déposer plainte le soir même. Je lui explique comment nous avons observé et interpellé ses voleurs mais lui tais volontairement l’épisode du gérant véreux. À l’époque, les cartes de crédit ne disposaient pas de puce électronique, on les introduisait dans un appareil communément appelé sabot, le vendeur déposait alors le « voucher » sur la carte et faisait rouler un cylindre sur l’ensemble, cette étape imprimait les chiffres en relief de la carte sur le document qu’il suffisait de signer. N’importe qui pouvait imiter la signature du titulaire du compte. Le vendeur s’était enquis par téléphone auprès de la banque pour s’assurer que la provision était suffisante et s’était vu répondre que cette carte était bloquée…
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Les jeunes sont mis à la disposition du parquet le lendemain matin. Le substitut du procureur du roi les met à la disposition du juge d’instruction. L’après-midi, nous recevons une notice de celui-ci pour suite d’enquête : en l’occurrence, une nouvelle audition du vendeur et de l’employé de chez Visa qui a géré l’avis de vol de la carte. Les différentes auditions du vendeur, de son patron et de l’employée disculpent ces deux derniers, le vendeur reconnaît son erreur et m’explique que c’est la première fois qu’il se risque à agir de la sorte. Je pense que ce sera la dernière, car le juge d’instruction l’a condamné pour escroquerie. Encore une banale affaire de vol qui prend de l’ampleur en cours d’instruction. Vol de 72 encyclopédies universelles L’officier de garde me confie un dossier de vol de 72 Encyclopédies Universelles, commis à l’Athénée Adolphe Max. Nous nous rendons sur les lieux et interrogeons le directeur sur les circonstances du vol : il ne comprend pas comment les voleurs sont entrés et surtout par où ils sont parvenus à sortir les 72 volumes qui représentent un certain poids. Nous faisons une ronde avec lui dans l’établissement et inspectons particulièrement les sous-sols où je remarque une petite fenêtre (vasistas) mal fermée qui aura, sans doute, permis le passage des volumes, un à un, et la récupération, à l’extérieur, par un complice. Le directeur ne peut pas croire à la culpabilité d’un de ses élèves… À notre retour au commissariat, nous remarquons, à la permanence, un monsieur accompagné de son fils qui détient un exemplaire de l’encyclopédie que nous recherchons ! Je prends l’affaire, criai-je, en invitant le père et l’enfant dans mon bureau. Le monsieur nous explique que son fils est rentré hier soir avec une encyclopédie dans son cartable, il lui a déclaré l’avoir reçue d’un garçon de sa classe qui se vantait de les avoir volées avec un copain de la même classe. Marc auditionne le garçon qui lui révèle l’identité des voleurs et moi, je prends note du témoignage du père. Notre officier de garde est informé de la situation. Le lendemain, nous prions le directeur de convoquer trois élèves d’une certaine classe ; nous sommes tenus de convoquer notre témoin pour éviter qu’il soit considéré comme une balance. Nous lui expliquons que nous avons les noms des voleurs mais le directeur nous demande de les recevoir lui-même, individuellement, dans son bureau, pour leur permettre d’avouer le vol, ce que nous acceptons.
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La secrétaire introduit un par un les jeunes dans le bureau et ceux-ci ressortent immédiatement pour être conduits au commissariat par nos collègues en tenue. Le directeur nous déclare que les jeunes n’ont rien à se reprocher et qu’il faut chercher ailleurs les auteurs de ce vol. Il protège ainsi la réputation de son établissement. De retour au poste, Marc et moi commençons l’audition des garçons, chacun individuellement. Aucun des deux n’avoue le vol, mais ils ne comprennent pas pourquoi nous leur faisons subir le même interrogatoire alors que nous connaissons les réponses qu’ils ont données à l’autre. Nous appliquons une technique éprouvée pour interroger deux complices. Les jeunes ne lâchent rien pendant plusieurs heures. Après cinq heures d’audition, l’un des deux finit par craquer et comprend qu’il n’a plus d’issue, il m’explique comment ils se sont emparés des livres et qu’il a remis un exemplaire au troisième qui les accompagne, mais que celui-ci n’a rien à voir avec le vol (j’en suis soulagé car je me doutais bien de son honnêteté). Il nous révèle qu’il a pris 36 tomes et en a caché 35 dans les vestiaires de la salle de sports de la rue Bonneels. Les 36 autres sont chez son complice. J’en avise Marc et me rends à la salle, avec deux agents et le jeune voleur, pour récupérer les encyclopédies. Je prends, au passage, une pince pour sectionner le cadenas au cas où ! Pendant ce temps, Marc poursuit l’audition du complice. Après avoir forcé le cadenas, nous récupérons les 35 exemplaires dans le vestiaire du garçon. Je remonte dans nos bureaux en montrant notre butin au deuxième gaillard pour lui mettre la pression. Marc, très calme, m’explique qu’il n’a toujours pas pipé mot… L’officier de garde décide de perquisitionner au domicile pour récupérer les 36 volumes. Nous contactons les parents qui doivent donner leur accord puisque notre gamin n’a pas 16 ans, et nous fouillons partout mais restons bredouilles… Je râle, m’excuse auprès des parents et ramène le jeune au poste où je m’isole avec lui dans le bureau de l’officier de garde. Il est déjà trois heures du matin. Je lui explique qu’il ne doit pas espérer prolonger ses études à l’athénée s’il persiste à nier, je commence à m’énerver devant le regard mauvais qu’il adresse à son complice et je lui flanque une gifle sur la joue… Je regarde l’officier et prends conscience qu’il peut m’infliger un blâme si le jeune porte plainte ! Je remets le gaillard en cellule avec son complice. Marc a repris sa rédaction du PV et je reprends mon calme tout en progressant dans notre travail.
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La permanence m’appelle, le jeune veut me parler en tête à tête… Je ne tiens pas à me retrouver seul devant lui, surtout après la baffe qu’il a reçue, et je convie un collègue à assister à notre entretien qui, je l’espère, aboutira à ses aveux. Il m’avoue d’abord qu’il n’a jamais reçu une ramelling comme celle que je lui ai donnée et il reconnaît ensuite les faits. Les encyclopédies sont chez son voisin. 18 heures d’audition pour boucler cette affaire, je rentre chez moi au petit matin. Heureusement que la nuit s’achève sur un jour férié, cela me permettra de décompresser. Le lendemain, je restitue les 72 volumes au directeur en lui narrant les faits. Tout est bien qui finit bien, mais je n’aurais pas dû perdre mon sang froid. J’ai eu de la chance que mon gaillard n’ait pas déposée de plainte contre moi pour coups et blessures. Vols dans des bureaux Nous réceptionnons, Marc et moi-même, plusieurs procès-verbaux de plaintes répétées pour vol dans des bureaux sur notre territoire : avenue Louise, rue Belliard, avenue des Arts et rue de la Loi… En les épluchant, je constate que ces vols pourraient provenir d’une seule personne. En effet, les portraits-robots des suspects, décrits par les victimes auditionnées, présentent des profils identiques… que je place, en évidence, sur le tableau de bord de la voiture et de ma… mémoire. La chance me sourit : pendant que nous patrouillons en véhicule banalisé (et en civil, évidemment), on nous signale un nouveau vol identique dans l’un des bureaux de l’avenue des Arts. Le suspect aurait pris la direction de la rue de la Loi. Amène-toi, Marc, c’coup-là, c’est pour nous, je sens qu’on va le coffrer ! Il ne nous faut pas longtemps pour repérer un individu d’une vingtaine d’années, correspondant plus ou moins au portrait brossé. Nous le prenons discrètement en filature. Il se dirige vers la rue Belliard et pénètre dans un immeuble. Nous restons à l’extérieur, en surveillance. Après une quinzaine de minutes, il en ressort, d’un pas pressé. Nous l’interceptons, je lui montre ma carte de police. Il est étonné de notre présence. Que me voulez-vous, qu’est-ce que j’ai fait ? me crie-t-il. Carte d’identité s’il vous plait monsieur, que faisiez-vous dans cet immeuble ? Je suis allé saluer un membre de ma famille. Quel étage, et comment s’appelle-t-il ?
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Le troisième, précise-t-il après une valse-hésitation, c’est ma cousine Marie. Dans l’ascenseur vers le troisième, le particulier n’est pas à son aise, il n’arrête pas de bouger. Pourquoi voulez-vous la déranger ? Tout simplement pour vérifier ce que vous venez de nous dire. Il devient blême. Nous sommes arrivés à la réception des bureaux du troisième étage. Bonjour, c’est la police, dis-je en montrant ma carte, connaissez-vous ce monsieur et une certaine Marie qui travailleraient dans vos locaux ? Devant le « non » unanime des personnes présentes, j’insiste pour me rendre aux toilettes avec Marc pour fouiller notre homme. Je le fais se déshabiller complètement et fouille, un à un, chaque vêtement. Lorsqu’il ne lui reste que son slip, …… c’est Rocco Siffredi !!!!! Ou bien tu es particulièrement bien membré, ou bien tu nous caches quelque chose. Bingo, avec son slip Kangourou, l’affaire est dans le sac ! Et l’affaire en question est un portefeuille rempli de billets. Il prétend que cet argent lui appartient, je me permets d’en douter. Pendant qu’il se rhabille sous la surveillance de Marc, j’invite l’hôtesse d’accueil à prier une certaine dame Y de nous rejoindre, munie de son sac à main. Bonjour madame, je suis de la police, voulez-vous ouvrir votre sac ? Mon portefeuille, clame-t-elle, les larmes aux yeux, j’ai perdu mon portefeuille et je suis justement passée à la banque ce matin. Sans plus attendre, je la rassure en lui montrant ce que j’avais trouvé sur l’individu (sans toutefois lui préciser le lieu exact… l’argent n’a pas d’odeur)… Elle en vérifie le contenu, il ne manque rien. Nous l’auditionnons : elle a quitté son bureau pendant quelques minutes pour se rendre dans un bureau voisin. Elle ajoute qu’elle a croisé l’individu dans le couloir, il cherchait une certaine Marie… Nous quittons les lieux pour rejoindre l’avenue des Arts où l’autre vol s’était produit. La réceptionniste de l’accueil nous confirme que c’est bien notre suspect qu’elle a vu rôder dans les locaux cambriolés de son entreprise. Deux vols où il est reconnu, l’étau se resserre. Nous ramenons notre Rocco Siffredi pour une audition plus approfondie, je ressors pas moins de sept vols qu’il aurait commis, mais il s’obstine à ne reconnaître que ceux d’aujourd’hui.
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Après trois heures d’audition (il est deux heures du matin), il avoue, enfin, avoir commis les autres vols repris dans nos PV. Il est cinq heures lorsque nous l’amenons à l’Amigo pour le mettre à la disposition du substitut du procureur du roi. Cinq jours plus tard, nous le sortons de la prison de Forest pour le réentendre. Il nous avoue une quarantaine de vols différents, tous repris dans différents PV de plaintes, et il nous file, dans la foulée, une affaire de stupéfiants : un vendeur de la place Flagey. Comme quoi une affaire peut en amener une autre : les révélations de notre particulier ont été transmises à la Brigade Judiciaire de la Police d’Ixelles, qui s’est concentrée sur les renseignements que nous avions reçus. Quelques mois plus tard, ce vendeur était arrêté. C’était un sanspapiers et… sans travail qui nourrissait toute sa famille avec l’argent de la vente de stups. Tout ce petit monde a été renvoyé vite fait dans leur pays et leurs biens, maison et voitures, confisqués par jugement. Ommegang Lors de mon passage aux 5ème et 6ème division, je patrouillais souvent avec les Trekkers durant le weekend (magasins ouverts pendant les fêtes de fin d’année) ou lors de festivités comme l’Ommegang. Marc, Patrick et une juriste substitut du procureur du roi, stagiaire et enceinte, nous trouvons rue au Beurre sur le parvis de l’église SaintNicolas. Sébastien me désigne un individu : Stan, tu vas suivre ce pei, on l’a déjà repéré plusieurs fois, il risque de nous reconnaître, mais pas toi. Tu lui colles le cul mais… sois discret ! Pour passer inaperçu, je demande à la stagiaire de m’accompagner, c’est donc bras dessus, bras dessous que nous prenons notre homme en filature. Il remonte la rue au Beurre, prend à droite au « Roy d’Espagne », se ravise, rebrousse chemin, je me colle contre ma partenaire pour éviter d’être dévisagé, je le suis des yeux dans la vitrine de la taverne, il repasse derrière nous et va se fondre dans la foule des spectateurs qui se pressent pour ne rien perdre du prestigieux cortège bruxellois. Pendant que Charles Quint se régale des lanceurs de drapeaux et autres échasseurs, j’observe un autre manège : notre individu ne reste pas en place, il va et vient sans arrêt, sans se soucier du spectacle jusqu’à ce qu’il repère une proie. Il se colle alors derrière elle. Je me colle également contre
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notre homme en abandonnant provisoirement ma partenaire pour qu’elle puisse respirer, … au propre comme au figuré ! J’observe ses mains, il ouvre délicatement le sac de sa voisine, celle-ci ne bronche pas. Qu’est-ce que vous me voulez ? Me dit-il en se retournant violemment. Arrêtez de me pousser. Eh, moi aussi j’essaie de voir le roi, et ici, tout le monde pousse tout le monde, lui rétorquai-je. Il m’adresse un visage grimaçant et s’en retourne à son occupation… manuelle. Ouf, je ne suis pas brûlé. Mes collègues ont rejoint ma « fiancée » d’un soir, je peux intervenir. Une fois qu’il a subtilisé un portefeuille, je l’agrippe par les épaules, récupère in extremis le portefeuille qu’il venait d’abandonner et appelle mes Trekkers en renfort. Tout cela sous les yeux médusés mais, au demeurant, très beaux et, surtout, … admiratifs, de ma partenaire juriste stagiaire. T’as de beaux yeux, tu sais, ai-je murmuré entre mes dents. Pendant que mes collègues escortent notre voleur à la tire, je reste sur place avec notre stagiaire pour expliquer les faits à la victime. Je lui montre ma carte de police et l’invite à nous accompagner au commissariat pour y être auditionnée. Les personnes qui l’entourent oublient Charles Quint pendant quelques minutes et témoignent leur admiration, due à la présence de policiers en civil au milieu de la foule. Pendant que nous rejoignons les bureaux, la dame se confie, c’est une touriste américaine qui vient pour la première fois en Belgique. Je vais avoir une bonne histoire belge à raconntéiii, clame-t-elle avec son plus bel accent, quand j’atterriréiii aux States. Yes my dear and good luck for you !
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CHAPITRE 10
RECHERCHE LOCALE 1ÈRE ET 3ÈME DIVISION.
Première affaire Christian, notre CA, nous confie un dossier relatif à un jeune, mort d’une overdose de stup. Je rejoins son logement avec André où nous attendons nos collègues de la PJP qui viennent faire des photos et relever des empreintes. Pendant ce temps nous attendons gentiment pour ne pas trop les déranger, mais comme cela nous démange de pouvoir commencer notre boulot, nous commençons à fouiller à nouveau l’appartement même si nos collègues de patrouille s’en sont déjà chargés au moment de la découverte du corps. Je retrouve un agenda de l’année précédente et l’emporte pour le compulser au bureau. J’y retrouve, entre autres, le téléphone d’une amie du défunt. Je prends contact avec cette fille pour un petit entretien afin de mieux connaître le défunt ainsi que ses habitudes. Nous nous rendons à son domicile car elle n’aime pas venir dans un bureau de police. Nous parlons pendant un certain moment avec la fille de la vie du défunt : comment elle l’a connu, qui elle était pour lui et plein d’autre choses. Maintenant nous commençons à lui poser des questions plus précises : prenait-il souvent des stups, lesquels, et où se les procurait-il ? Elle nous répond qu’il était toxicomane depuis quelques temps mais, ces derniers temps, il était sous méthadone, qu’il allait chercher tous les jours à la pharmacie au coin de sa rue. Elle reste évasive sur l’origine de ses stups (surtout de la brune, de l’héroïne) mais elle commet une erreur en disant « J’AI » au lieu de dire « il a » été chercher l’héroïne à tel endroit (un café dans le centre-ville). Je la reprends et lui dis : Tu viens de dire « j’ai ». Non, non, répond-elle. Si, si, lui rétorqué-je et André confirme.
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Elle ne désire pas en dire plus, nous lui demandons avec insistance de bien vouloir nous suivre au commissariat. Elle n’est pas en arrestation, mais nous avons plus de poids dans notre bureau qu’à son domicile. Nous commençons l’audition de la fille. Elle nous raconte sa vie ainsi que celle du défunt, les questions deviennent de plus en plus précises concernant la prise de stupéfiants et, surtout, sa provenance : qui lui a vendu sa dose létale d’héroïne ? La fille craque et nous raconte que c’est elle qui a acheté le pacson d’héroïne avec lequel son copain a fait son overdose… Elle précise qu’elle a acheté le pacson dans un café du centre-ville (le Atchoum). Enfin, on progresse, à petits pas, mais on progresse. Nous appelons notre officier pour lui communiquer les dernières nouvelles que nous avons, il est étonné que, pour notre première enquête, nous arrivions déjà à un résultat. La fille est mise à la disposition du substitut du procureur du roi pour avoir acheté un pacson qui a entraîné la mort de son ami. Suite aux révélations de la fille, l’officier nous demande de surveiller et de coincer les revendeurs d’héroïne. Comme il est plus jeune que moi, André va faire une reconnaissance dans le café. Il nous brosse un tableau des lieux et de sa clientèle. Nous louons une chambre d’hôtel juste en face du café pour nous mettre en embuscade. Nous plaçons une caméra (cachée derrière les rideaux) raccordée au téléviseur. Le film est enregistré et André photographie le bistrot et ses environs. Non loin du café il y a un petit parc avec un banc où des jeunes se retrouvent après leurs incursions dans ce café. Cette surveillance, depuis le poste d’observation, nous ouvre les yeux sur le trafic de stupéfiants qui gravite autour de cet « Atchoum » de bistrot. Première arrestation Nous surveillons à deux dans notre chambre d’hôtel. Nos deux officiers, Christian et Christiane, et Wim, le sous-chef de la recherche locale sont dans un véhicule banalisé, rue Antoine Dansaert. Le café est noir de monde ainsi que le petit parc voisin. Un manège nous semble suspect : un jeune fait, sans cesse, des allers et retours entre le bistrot et le banc du parc. À chacune de ses navettes, nous remarquons qu’il remet quelque chose à son interlocuteur. Nous pensons qu’il s’agit de la drogue, mais nous sommes surpris de constater que l’objet en question est immédiatement avalé ou, du moins, mis en bouche ! Trois gaillards
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disparaissent, nous les suivons du regard, ils quittent le parc en direction de la rue A. Dansaert. Nous informons immédiatement notre officier de faction dans la voiture stationnée. Il décide de les interpeller et les ramène au commissariat où d’autres collègues s’appliquent à les fouiller. Notre officier reprend son poste et se remet à notre écoute. Notre « navetteur » quitte les lieux. Nous apprenons, par radio, via l’officier, qu’il suit le même parcours que le trio précédent en direction de la Bourse. Nos collègues l’interceptent et tout le monde se retrouve au commissariat pour visionner le film et poursuivre nos investigations. Nous apprenons que, lors de la fouille du premier trio de jeunes, trois minuscules pilules ont été retrouvées dans un sachet en plastique ! Ils déclarent les avoir achetées dans le parc à un individu dont la description correspond à celle de notre « navetteur ». La fouille de celui-ci est positive : 25 petits morceaux de LSD appelés couramment têtes d’épingle6. L’audition commence et le jeune explique qu’il vient de les acheter à un inconnu dans un parc de la ville… Nous le laissons s’enliser dans ses déclarations, c’est une technique courante qui nous permet, ensuite, de confondre l’interrogé plus facilement. Mensonges après mensonges, pendant une heure d’audition, nous lui projetons le film de ses exploits. Il devient blême, transpire de plus en plus et demande à changer sa déclaration. Il comprend que tout est fini pour lui et s’effondre en mettant cartes sur table. Il déclare qu’il vend des stupéfiants depuis plusieurs semaines. Les clients le sollicitent dans le café et l’attendent à l’extérieur pour recevoir leur commande. Il a vendu une quinzaine de « têtes d’épingle » à 300FB l’unité (7,5€). Il sera mis à la disposition du procureur du roi de la jeunesse puisqu’il n’a que 17 ans. Deuxième arrestation au même café Atchoum Nous reprenons la surveillance depuis notre chambre « avec vue », mais demandons, cette fois, le renfort de la BAA où je servais il y a peu. L’attitude d’un individu d’une trentaine d’années nous interpelle : il passe son temps, assis sur un banc du parc et reçoit, sans arrêt, les visites de jeunes qui entrent et sortent du café, rapidement, manifestement sans avoir eu le temps de boire un verre. Notre trentenaire discute très peu avec eux, ils empochent quelque chose et se dispersent immédiatement dans toutes les directions, ce qui ne nous facilite évidemment pas la tâche. Après deux heures de surveillance, nous parvenons à faire intercepter, par la BAA, quelques jeunes. Ils sont fouillés et s’avèrent être, évidemment, en possession de drogue. Celle-ci se présente sous la forme d’un minuscule 6
Une boulette de un millimètre de diamètre à mettre sur la langue et à sucer. Voir http://snoopbob77.skyrock.com/393569164-le-lsd.html
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timbre de cinq millimètres de côté, imprégné de LSD. Il suffit de le mettre en bouche et de le sucer pour obtenir la sensation de planer7. Après la fouille, les aveux : c’est par l’entremise d’un individu à l’intérieur du café que leur petit commerce s’opère, celui-ci leur précise le dealer à joindre en fonction de leurs besoins. La conclusion nous parvient : d’autres « marchands » sévissent dans le quartier, mais, vu d’ici (notre chambre d’hôtel), aucun autre individu ne nous semble suspect. Notre officier décide d’interpeller le dealer du banc : les jeunes repèrent assez vite les équipes de la BAA et parviennent à avertir le gars, mais ce sont des policiers d’élite qui connaissent leur métier, ils arrêtent assez rapidement notre vendeur de confettis au LSD. Le parc et le café se vident, nous éteignons la caméra jusqu’à nouvel ordre et rentrons au bercail avec le film. Malgré la découverte de 96 timbres sur lui, le vendeur se défend d’être un dealer et prétend, comme ils le font tous dans ce cas d’espèce, qu’il s’agit de sa propre consommation… Mon œil ! On va voir ce que tu penses de ceci, lui dis-je en introduisant une cassette dans le lecteur. Effet immédiat : il devient tout pâle et transpire des gouttes comme des boules de naphtaline, imitant en cela, son alter ego du chapitre précédent. Il comprend qu’il est inutile de résister et il passe aux aveux en confirmant nos impressions : il y a un rabatteur dans le café qui oriente les demandeurs en fonction de leurs besoins – LSD, cocaïne et autre – vers les dealers concernés. Notre mission n’est pas finie. L’individu est mis à la disposition du procureur du roi. Troisième arrestation chez Atchoum Malgré le confort plutôt spartiate de notre chambre d’hôtel, nous reprenons, toujours avec André, notre petite surveillance pour vérifier si, malgré nos interventions, ce trafic de drogues continue. Le scénario habituel reprend de plus belle avec de nouveaux acteurs, assez facilement repérés, mais, cette fois, notre caméra s’attarde sur les faits et gestes d’un nouveau genre (c’est le cas de le dire), puisqu’il s’agit d’une actrice ! Distribution des rôles : Un quidam qui s’attarde sur un des bancs du parc (s’ils pouvaient parler, ceux-là…) et une nana qui fait la navette entre le café et le banc public. Je fredonne à l’oreille d’André : 7
(www.hc-sc.gc.ca/hc-ps/drugs-drogues/learn-renseigne/lsd-fra.php)
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Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics, Bancs publics, bancs publics, En s’foutant pas mal des r’gards obliques …. Ont des p’tites gueules bien sympathiques… Pas ceux-ci, me répond-il, eh Stan, la fille a disparu ! Merde, où est-elle passée ? Ouf… La voilà qui ressort du café avec un ballotin de pralines et un stif (marqueur) à la main qu’elle agite à l’oreille de notre quidam sur son banc. Ils retournent tous les deux dans le café, il en ressort, reprend possession de son banc où défilent plusieurs jeunes qui échangent de longues poignées de mains. Les jours se suivent et se ressemblent, nous maintenons nos regards… obliques sur notre banc public, qui en inspire plus d’un au traficotage plutôt qu’au bécotage… Nous en avisons notre officier, Christian, qui décide d’intervenir. Plusieurs acheteurs sont arrêtés mais les principaux acteurs prennent la fuite en voiture en direction de la rue des Chartreux. Ils sont interceptés, non sans mal, un peu plus loin et ramenés au commissariat où nos collègues commencent la fouille et trouvent une quinzaine de « tête d’épingle » sur la fille, ainsi que le stif, qu’ils rangent avec ses objets personnels. Lorsque nous rentrons, je demande à voir les objets et plonge sur ce marqueur que je secoue à l’oreille de la fille. Il fait le bruit d’un hochet de bébé, je l’ouvre et, BINGO, il est truffé de « têtes d’épingle ». Comme d’habitude, le dealer se dit innocent : les hallucinogènes qu’il possède sont pour son propre « envol » et sa copine est une oie blanche qui n’a rien à voir avec cela… Il n’a pas vu le coup du marqueur gavé de billes. Pire, il porte plainte pour coups et blessures contre les policiers qui l’ont maîtrisé – il a un cocard à droite. Mais, comme d’habitude, toute sa version s’effondre lorsqu’il est confondu par nos films et photos de la semaine écoulée, notre reportage d’actualité le laisse pantois. Il avoue la vente des stups mais il persiste à innocenter la fille. Et ça, qu’est-ce que tu en dis ? Lui dis-je en secouant le stif à son oreille.Il était dans ma poche, dit-il en gigotant, il est tombé quand vous m’avez tabassé ! C’est faux, précise notre collègue qui a fouillé la demoiselle, il était dans son sac à main.
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Vous n’avez pas le droit de fouiller un sac à main, poursuit-il avec culot. Il ne faut pas de mandat pour fouiller un sac, précise Christian du haut de son uniforme d’officier, ça te la coupe hein ! Et il passe aux aveux : le coup du stif et de la boîte de pralines camouflait leur trafic qui durait depuis trois semaines, mais ils sont tombés sur deux fins limiers d’inspecteurs… emmerdeurs ! Encore deux mises à disposition. Le Cheval de Troie Décidément, ce café Atchoum bénéficie d’une solide réputation dans les milieux douteux. Il est connu dans tout le pays (et même au-delà !) pour être un carrefour important de vendeurs de drogues, depuis le LSD jusqu’à la cocaïne. Forts de notre réputation pour les filatures précédentes, nous sommes contactés par la Police Judiciaire pour maintenir encore la pression sur cet endroit mal famé. Mais la structure des lieux a, elle aussi, évolué. D’après nos sources, ce bistrot s’apparente maintenant à un club privé, avec porte close et portier pour filtrer les accès, manifestement réservés. L’endroit est toujours aussi couru parce que sa situation très stratégique permet aux dealers de s’esquiver facilement dans le parc et les rues avoisinantes pour disparaître. Plusieurs réunions préparatoires sont nécessaires pour échafauder une intervention d’envergure, mais nous butons chaque fois sur le même écueil : comment déployer des policiers en nombre, et en civil évidemment, sans se faire repérer. Il me vient une idée : je contacte le service des bus de la ville de Bruxelles et reçois leur accord que je soumets à Christian, notre officier, et à son alter ego de la PJ. Ceux-ci sont intrigués et me passent le micro. Un collègue de la PJP accompagne André dans le poste d’observation qu’il connaît par cœur, la chambre de l’hôtel situé en face et, vous deux, les officiers, vous vous installez dans le hall. Et le bus, dans tout ça ? J’y viens : le bus sera stationné devant l’hôtel avec une cinquantaine de supporters exubérants, flanqués de leurs écharpes, bonnets et drapeaux, tambours et trompettes. Je serai avec eux puisque ce sont tous mes collègues camouflés qui doivent jouer leur rôle sans se soucier du bistrot pour ne pas être repérés et tout faire foirer. Ok, mais on y ajoute plusieurs voitures banalisées dans les différentes rues convergentes et la PJP prévoira un bélier pour enfoncer la porte, au cas où !
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Voilà, le décor est planté, il ne reste plus qu’à prendre nos positions. Les deux officiers discutent à l’accueil en ne quittant pas des yeux le cerbère devant la porte close. Dans notre bus où l’ambiance bat son plein, le stress est perceptible. Moi, j’attends le signal de Christian pour donner le coup d’envoi. Le café se remplit, André est à l’affût dans son PO, il attend le bon moment pour aviser les officiers. L’attente est longue, mes hommes sont chauds boulettes dans le bus, ils planchent sur les portraits des vendeurs que le PO nous a confiés. Christian donne le feu vert, imaginez la scène : cinquante policiers qui sortent du bus comme des fous, et partent dans tous les sens pour intercepter un maximum d’individus. Pas besoin du bélier, je pénètre dans le café accompagné d’André et Christian. Les jeunes ne pigent pas ce qui leur tombe dessus ; manifestement, ils n’avaient rien vu venir. Le café est investi par des policiers en furie, tous les occupants du bistrot doivent mettre leurs mains à plat sur les tables pour être fouillés grossièrement. On vide leurs poches et tous ceux qui détiennent de la drogue sont menottés, les mains dans un sac plastique, nouées avec un Colson. Ils sont embarqués avec leur drogue respective en poche pour les identifier au poste. Le café est vide, à l’exception du patron qui reste comme témoin. Le sol est jonché de pièces à conviction : cocaïne, héroïne, LSD, shit, que l’on enfourne dans un sac poubelle. Retour au commissariat pour les fouilles et auditions des intervenants et mises à la disposition du procureur du roi adéquat. Le patron du bistrot prétend ignorer le trafic qui régnait dans ses murs… J’en doute mais il a, néanmoins, été relaxé. Durant les jours qui suivent, notre bus de supporters inspire pas mal de journalistes dans les rubriques de leurs canards. Quelques semaines plus tard, nous intervenons une nouvelle et dernière fois en coffrant, cette fois, le patron, mis à disposition de la Justice avec fermeture définitive du bistrot, au grand soulagement des riverains, heureux de savoir leur quartier moins… stupéfiant ! Voilà comment une simple overdose a mené à une affaire qui nous a tenus en haleine pendant plusieurs mois. Atchoum… À vos souhaits !
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Graffitis – Tags Le parquet demande au Commissaire en chef de la Police de Bruxelles de me nommer responsable d’une cellule anti-graffitis pour le royaume, au sein de la police de Bruxelles. Cette cellule réunirait tous les procèsverbaux pour tags et graffitis pour édifier une base de données. Je prends alors contact avec la SNCB et la STIB, qui disposent déjà d’éléments concrets. Je collationne leurs bases de données respectives et dispose aussitôt de six cent auteurs connus. À la demande du procureur du roi, je prépare un PV succinct sur les tags et graffitis, ainsi qu’un syllabus pour les collègues responsables dans leurs communes. J’y explique ce qu’est un tag, un graffiti, un krassiti, une fresque, un pochoir, un press-book, un plaque-book et j’en passe… Suite aux contacts pris, j’arrive à identifier plusieurs auteurs et ma renommée dans le milieu commence à prendre de l’ampleur. Un jour, le responsable de la surveillance de la STIB me fait part d’un épais dossier qu’il traite en ce moment : les faits ont lieu dans la station métro Pannenhuis à Laeken. Des jeunes ont opéré la nuit, la police est intervenue sans arrestation mais a saisi du matériel : des sweats, des échelles et, surtout, un appareil photo. En me rendant sur les lieux, je reconnais, via un des graffitis, un des auteurs, que j’ai identifié grâce à son dessin « ORME ». Je reprends le dossier avec André et nous parvenons à identifier deux autres auteurs qui viennent s’ajouter au premier. Le film, une fois développé, nous révèle plusieurs individus qui s’amusent à tagguer, dont les trois que nous avions identifiés, ainsi que le propriétaire de l’appareil. Les arrestations commencent, le premier est l’auteur du tag « ORME », cité plus haut : Quoi, qu’est-ce que c’est ? Je n’étais pas sur place. Je n’ai rien à voir avec ça ! Je lui montre quelques photos, il devient blême mais continue de nier. Je prends contact avec le procureur du roi qui convoque mon taggueur dans l’après-midi même et met le dossier à l’instruction chez le juge (d’instruction). Celui-ci l’auditionne et le place sous mandat d’arrêt pour cinq jours et ensuite pour un mois ! Bien qu’il soit mineur (17ans), l’auteur est mis en prison, j’ai donc besoin d’un mandat d’extraction pour pouvoir l’auditionner : nous avons trente jours devant nous, réduits à quinze suite à l’appel de la décision fait par son avocat.
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Nous le sortons de prison pour l’auditionner et, là, coup de théâtre : il nous avoue, en les détaillant, quarante faits similaires sur tout le réseau de la STIB ! Retour en prison pour notre « artiste » et au bureau pour nous : nous devons confirmer ses révélations et retrouver les quarante exploits de notre Ali Baba. Nous apprenons ainsi que les bonbonnes de peinture utilisées et abandonnées proviennent d’un détaillant dans les Galeries Agora ainsi que de chez Brico où elles disparaissent souvent sans être payées. Procès-verbal après procès-verbal, notre dossier commence à s’étoffer. J’intercepte le propriétaire de l’appareil photo et l’auditionne en présence de sa mère, il ne (re)connaît pas cet appareil photographique et nie, comme tous les autres, son implication dans les faits. Et là, qui est-ce ? C’est bien toi ? Lui dis-je en lui montrant un cliché pris lors du raid de la station Pannenhuis. C’est bien toi et c’est avec ton appareil qu’elle a été prise, cette photo. La mère embraie et l’interroge également. Oui, c’est bien moi qui suis sur cette photo et c’est bien mon appareil que vous avez là, mais je n’ai pas taggué, j’ai fait semblant pour la photo… On perquisitionne à son domicile pour y constater que les murs de sa chambre sont taggués du sol au plafond ! Dans sa chambre, il fait ce qu’il veut. Précise sa mère pour le défendre. À la maison, oui, madame. Mais pas sur la voie publique, comme dans une station de métro ! Je reprends mes investigations. Le juge d’instruction nous demande de lancer une opération d’envergure car il veut donner un fameux coup de pied dans la fourmilière des taggueurs et auteurs de graffitis ou autres nuisances visuelles. Au boulot, André ! Nous réunissons plusieurs inspecteurs pour cette opération puisque nous aurons au moins vingt perquisitions à effectuer aux domiciles des suspects et dans certains magasins. L’opération est fixée au mercredi après-midi. Nous devons réunir des collègues d’autres Polices pour être en binôme sur chaque perquisition, soit une quarantaine d’inspecteurs au total. Le lundi après-midi précédant le jour J, un juge de la Jeunesse me demande de prévoir quatre perquisitions supplémentaires pour quatre jeunes qu’il vient
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de remettre en liberté mais dont il est certain qu’ils n’en resteront pas là et qu’ils récidiveront. Il est trop tard pour aller au Palais de Justice, je file donc à Tirlemont, au domicile du juge d’instruction qui m’attend avec les mandats supplémentaires et… un excellent apéritif que je déguste tout en faisant le point avec mon hôte ! Le lendemain je prépare le briefing : chaque équipe reçoit un dossier correspondant au profil des lieux à perquisitionner. Je privilégie pour notre officier Christian et moi-même, la visite chez le propriétaire d’un magasin de musique dont les volets sont joliment décorés par une fresque. Il est cinq heures, mercredi matin, la ville s’éveille et nos équipes sont sur le pied de guerre. Tous se mettent en route pour rejoindre leurs adresses respectives en Brabant Flamand, Wallon et à Bruxelles, où les perquisitions ne peuvent commencer qu’à six heures. Nous sonnons à la porte de notre perquiz à 6h pile : un homme, encore endormi, nous ouvre la porte. Christian justifie notre présence en évoquant la fresque du volet de son magasin signée par un graffeur connu dans notre base de données. Et c’est pour cela que vous me réveillez si tôt ? Fulmine-t-il. Christian, en bon officier, calme notre hôte en justifiant cette visite dans le contexte de l’opération de grande envergure définie par le juge d’instruction. Il nous explique qu’il en avait marre de voir ses volets régulièrement maculés par les exploits des taggueurs et que, lorsqu’un graffeur connu est venu lui acheter dernièrement une guitare, il lui a proposé de décorer ses volets, espérant décourager les autres « artistes » anonymes, par respect pour l’auteur. Cette réponse nous satisfait et Christian l’invite à signer son audition. Nous nous retrouvons dans notre commissariat au numéro 30 de la rue du Marché au Charbon. Vers 10h, toutes les équipes sont rentrées au bercail, les bras chargés de pièces à conviction en tous genres : matériels photos, press-books, plaque book, etc. et, surtout, plusieurs arrestations de taggueurs. Les différents responsables d’équipes auditionnent leurs « vandales de rue ». Nous sommes satisfaits de notre matinée puisque seize individus sont passés aux aveux. À midi, j’invite André et Christian à m’accompagner aux Galeries Agora dans le magasin où sont vendues les bombes de peinture. Le gérant s’étonne et, pour prouver sa bonne foi, nous exhibe son livre de comptes.
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Nous lui expliquons que nous sommes mandatés par le juge d’instruction et, de surcroît, que celui-ci a décidé de confisquer tout son stock, soit 575 bonbonnes ! Vers 14h, je reprends contact avec le juge d’instruction et le procureur de la Jeunesse pour mettre à leur disposition, respectivement, les 10 majeurs et les 4 mineurs arrêtés. Ils seront tous relaxés, pour être jugés (beaucoup) plus tard. Huit jours se passent, le bourgmestre de la Ville de Bruxelles nous convie à une conférence de presse où nous sommes interviewés par les journalistes qui en profitent pour photographier et filmer notre butin et… nous-mêmes. Nous faisons les Unes de toute la presse et recevons des procès-verbaux sur les graffitis en provenance de toute la Belgique. Entre-temps, je passe aux Renseignements Généraux où je prolonge mes recherches sur ce dossier. Lors du jugement des taggueurs, j’assiste à toutes les séances : quatre d’entre eux seront condamnés à un an de prison pour dégradation de bien public. Cette conférence de presse, qui fut la seule de ma carrière, m’a permis de justifier notre travail et d’honorer notre corporation en mettant sur le haut du pavois la Police de Bruxelles. J’en suis assez fier ! Durant toute cette campagne anti-graffitis, j’ai souvent été sollicité par des particuliers qui cherchaient un graffeur pour repeindre un couloir ou mur de jardin ainsi que par des sociétés anti-graffitis pour faire leur publicité auprès des victimes lésées. Inutile de préciser que je laissais ces demandes sans suite. Le foot, encore le foot… En 1998, je suis désigné comme Sporters, avec mes collègues André et Jean-Jacques (CA) pour tenir ce rôle lors de la finale de la Coupe d’Europe qui opposera le Paris-Saint-Germain (PSG) à l’Austria de Vienne (AV), à Bruxelles au Stade Roi Baudouin. Les Sporters sont des policiers désignés dans les différents pays concernés lors d’une compétition. Nous étions préparés avec nos partenaires, en l’occurrence, ici, français et autrichiens, pour évoluer, en civil, au milieu des supporters. J’ai très mal dormi durant les nuits qui précédaient cette finale, en revivant, heure par heure, les funestes souvenirs du 29 mai 1985, que j’ai développés au chapitre 2.
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La matinée est calme, nous patrouillons avec les autrichiens au centreville : boulevard Anspach, Bourse, De Brouckère, Grand-Place et dans l’Îlot sacré. Les parisiens sont nombreux à chanter et à faire les pitres, mais ils restent corrects et sans excès. Cela nous laisse le temps de soigner nos hôtes en les promenant devant les vitrines des Belgians Chocolates, qu’ils désirent offrir à leurs belles en sirotant un chocolat… viennois au bord du Danube ! Durant l’après-midi, les choses se corsent : cette fois, je patrouille avec les collègues parisiens. Nous sommes particulièrement attentifs au « noyau dur » et sommes contraints d’interpeller plusieurs supporters qui passeront douze heures en cellule. Mieux vaut les avoir hors du stade ce soir ; vu leur état, ils auraient fait du grabuge dans les tribunes. Nous patrouillons toujours en civil avec le risque d’être nous-mêmes interpellés par les gendarmes qui n’y vont pas toujours de main morte… Heureusement que nous disposons de notre brassard de policier pour esquiver leurs ardeurs ! Vers 17h30, j’introduis la maréchaussée parisienne dans le stade Roi Baudouin, nous devons tenir à l’œil les occupants de la deuxième tribune qui accueille les supporters du PSG. Je fais un tour du stade, sur la piste d’athlétisme, avec un collègue français pour vérifier que les différents partisans des clubs soient bien séparés. Durant ce tour de piste, je suis constamment interpelé par d’autres policiers, au grand étonnement de mon partenaire : Vous êtes connu comme un vieux sou, me dit-il. J’explique : Ce sont mes fonctions d’instructeur à l’École de Police de Bruxelles qui m’assurent cette notoriété, tous ceux que nous croisons sont mes élèves. Tout en bavardant, nous donnons ordre à nos collègues en uniforme d’évacuer les indésirables et revenons à notre tribune au moment où les premiers supporters sont fouillés avant d’être autorisés à entrer. Voilà qu’arrive un énergumène bien connu des services français et pour cause : il a tabassé à mort un CRS et en a pris pour deux ans avec sursis. Je décide, avec André, de le prendre à part et j’avise mon collègue que je m’occupe de lui. Nous l’emmenons dans les WC et l’invitons à se déshabiller jusqu’au slip… Nous fouillons tous ses vêtements, aucun danger. Pendant qu’il se rhabille, je le préviens : Si tu bouges le petit doigt, tu n’assistes pas au match. Malgré cela, dans la demi-heure qui suit, je le surprends en train de discuter violemment avec un steward pour passer avec des boissons. J’interviens simplement en lui tapant sur l’épaule : Tu veux le voir ce match, oui ou non?
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Il a immédiatement jeté ses provisions de canettes dans une poubelle avant de s’installer dans la tribune. Le steward en reste bouche bée mais le pouce levé qu’il m’adresse me suffit ! Le match se termine sans incident, nous terminons notre nuit, comme d’habitude, dans un bistrot de la Grand-Place où nous éclusons quelques bonnes bières belges avec nos parisiens tout en refaisant le bilan de la journée. Visa Suite à plusieurs débours inexpliqués outre-Manche, Interpol nous demande d’enquêter pour escroquerie à la carte Visa. André et moi prenons ce dossier en main et nos recherches se focalisent sur deux cercles privés du boulevard E. Jacqmain, que nous décidons d’ausculter. Nous sommes surpris d’y croiser une société assez huppée : juristes, PDG, médecins, notaires, etc. Nos échanges avec les filles et les gérants sont stériles. En revanche, en étudiant de plus près les relevés bancaires, je constate que, lors de chaque débours suspect, la permanence de nuit est assurée par une seule et même personne, qui contacte Visa pour vérifier la solvabilité du compte. En route pour le siège de Visa, à la gare du Nord : un employé dénonce clairement une certaine Nathalie avec qui il a eu une aventure. Lui-même n’a, bien entendu, rien à voir avec l’escroquerie ! De retour au cercle concerné, j’interroge cette Nathalie, qui nie toute relation évoquée ci-dessus. J’ai donc un mensonge sous la dent puisque leurs versions sont différentes. L’enquête démarre… Nathalie précise qu’elle est la petite amie du patron, un certain Hassan, qu’elle n’a rien à voir avec Visa et que chaque fois qu’elle s’y enquiert sur les clients, elle reçoit le feu vert pour les paiements au cercle. Ce qu’elle ne précise pas, c’est que son interlocuteur, chez Visa, est toujours le même. Nous l’apprenons par voie détournée et le confirmons à la direction de Visa : Louis, un de leurs employés facilite l’escroquerie. Nous le cuisinons à feu doux, il sent l’étau se resserrer et il nous avoue qu’il entretient une relation avec Nathalie ; chaque fois qu’elle vérifie par téléphone la solvabilité du compte, il répond affirmativement pour assurer une rétrocession à sa copine. La directrice de Visa tombe des nues, d’autant qu’elle avait une confiance totale en lui.
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Nous reprenons les auditions : Nathalie, le patron Hassan, les serveuses, Louis et d’autres employés des cercles et de chez Visa. Le patron donne pleins pouvoirs exclusifs à Nathalie. Pourquoi, si ce n’est par intérêt ? Nous sommes certains de tenir une piste mais, faute de preuves, nous ne pouvons qu’émettre des suspicions. Notre officier, Christian, obtient néanmoins la mise à l’instruction du dossier chez le juge, ce qui nous encourage à continuer nos recherches et à préparer une opération d’envergure. Il obtient le renfort d’une trentaine de policiers pour surveiller les deux cercles. Il est 22h, nous sommes attentifs aux mouvements suspects : nous prenons le patron en filature, il quitte l’un des clubs et nous sème ! Est-ce volontaire ? Difficile à dire parce que nous avons perdu du temps. Je décide de rester pour garder Nathalie en point de mire. Le cercle ferme à 6h du matin, elle embarque une serveuse dans une voiture, nous les suivons jusqu’à la rue Léopold à Laeken où nous repérons, par la même occasion, la Mercedes du patron. Une équipe vient nous relayer, nous pouvons faire le point au bureau. Toutes les équipes sont dispersées pour intervenir simultanément aux différentes adresses mentionnées dans le dossier. Je frappe à la porte : Bonjour madame, Police, voulez-vous ouvrir ? Quoi ? Police ? Pourquoi ? Nous avons un mandat du juge d’instruction, ouvrez. Elle nous laisse entrer, je fouille l’appartement pendant que Christian interroge son occupante, serveuse d’un des deux cercles. Ni la fouille ni l’interrogatoire ne nous aident. J’apprends par radio que Nathalie et Hassan ne sont pas à l’adresse repérée ce matin, toute proche d’ici, alors que les deux voitures sont restées sur place. Je prends la serveuse par le bras, l’installe sur une chaise et m’assieds en face d’elle : Droit dans les yeux, je la fusille du regard : Où sont Hassan et Nathalie ? Je l’ignore. Où sont-ils ? Tu mens, tu es venue avec elle jusqu’ici… Tu veux prolonger ta jeunesse en prison, oui ou non ? Elle crache enfin le morceau : sa copine vit dans l’appartement situé juste au-dessus. Nous devons obtenir un nouveau mandat pour cette adresse, en attendant, je m’installe sur un toit plat pour surveiller l’étage supérieur. Toc toc, Police ! Ouvrez et n’essayez pas de fuir, l’immeuble est cerné.
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La porte s’ouvre, Christian déploie le mandat pendant que je fonce dans la chambre où sommeille le patron. Habillez-vous et suivez-nous ! Mission accomplie : toutes les personnes impliquées dans cette affaire rejoignent notre commissariat du centre où elles sont réparties sous surveillance dans nos différents locaux, sans pouvoir communiquer. Nous embarquons Hassan au bar du boulevard E. Jacqmain pour une perquisition, nous cherchons principalement les sabots utilisés pour enregistrer les coordonnées Visa (vouchers). C’est en descendant au soussol que je débusque un plateau dans lequel se consument des vouchers. J’en sauve quelques-uns. De retour au poste avec notre butin, nous entamons les auditions ; cette magouille ne date pas d’hier, Hassan voulait s’enrichir pendant quelques mois pour retourner au pays y rejoindre sa femme, Nathalie nous avoue qu’à la demande du patron, elle entretenait une relation avec un préposé de Visa pour faciliter la magouille tout en ne lui offrant « que » ses charmes en guise de commission… Nathalie et Hassan seront écroués et condamnés à une amende de 4 millions de FB (100.000€). Rats d’hôtel Christian nous soumet plusieurs plaintes pour vol dans des hôtels du centre-ville. La manœuvre est simple : les voleurs profitent du petitdéjeuner pour dérober des sacs à main et s’éclipser aussitôt pendant que les convives sélectionnent leurs mets au buffet. Les victimes déjeunent à leur aise et constatent le vol lorsqu’elles quittent la table. Nous effectuons une tournée des hôtels concernés pour vérifier si les consignes de sécurité sont respectées, nous visionnons les images enregistrées par les caméras de surveillance, nous allons même jusqu’à occuper l’accueil en lisant la gazette du coin d’un œil, l’autre étant focalisé sur le restaurant, mais nous restons Gros-Jean comme devant. Cela m’énerve d’autant plus que les plaintes continuent de pleuvoir. Un beau matin, trop tôt en route, je profite de cette belle matinée pour m’asseoir sur un banc de la place Agora. J’aime bien observer cette ambiance : les commerçants nettoient leurs trottoirs à grand renfort d’eau de javel, Bruxelles Propreté déploie ses uniformes pour évacuer les sacs et arroser la voirie, les pies et les corneilles s’acharnent en criant sur les reliefs de la nuit, la ville se réveille à grands coups de café/croissant pris sur le pouce, les touristes tôt
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levés sont déjà en quête de la « vue imprenable » et mitraillent à gogo… Je rêve mais le temps passe, je vais devoir rejoindre la brigade. Je me lève et me rassieds aussitôt : il est 7h30, voilà qu’arrive une Opel Kadett blanche avec cinq personnes à bord. Elle tourne autour de la place et s’arrête devant l’hôtel Ibis, trois passagers y rentrent. Je préviens discrètement mes collègues et mémorise la plaque (immatriculation madrilène). Après cinq minutes, le trio embarque et la voiture détale. Je suis seul contre cinq : je ne peux que constater et attendre mes collègues. Je me présente à l’accueil de l’hôtel et j’invite la responsable à lancer un appel. Bingo, un sac a disparu. Merde, j’ai raté, de peu, le voleur… La plaignante n’a rien vu, je suis donc le seul témoin. Je l’accompagne à la brigade pour enregistrer sa plainte et rendre compte de mes observations dans le PV. Vers 15h, le véhicule est repéré près d’un hôtel rue de Merode, nous filons sur place avec plusieurs voitures banalisées. Vers 18h, un individu s’approche de la voiture, Christian attend qu’il s’installe au volant pour donner l’ordre de l’intercepter en silence, pour ne pas éveiller de soupçons à l’intérieur de l’hôtel. C’est un étranger, nous l’escortons jusqu’à la réception où j’apprends que sa chambre est réservée pour un couple, il y a donc une femme dans la bande. Y a-t-il d’autres compatriotes de ce lascar dans l’hôtel ? M’assurai-je à l’accueil. Oui, trois dans la chambre voisine. Me confie la camériste. Nous prenons nos dispositions pour bloquer les issues et confisquer la voiture, je grimpe, seul, à l’étage, je suis face à la chambre n°22, Christian et André restent en embuscade dans le couloir. Toc, toc, room service ! Un instant ! Me répond une voix féminine. La porte s’ouvre, Pssst… André me rejoint, Christian s’assure que rien ne bouge dans la chambre voisine. Puisque nous sommes en flagrant délit, nous sommes dispensés d’exhiber un mandat. Je commence la fouille, vérifie les valises, les armoires, les tables, le lit… Je mets la main sur plusieurs passeports ainsi que sur une carte de banque suspecte dans le tiroir de la table de nuit (après vérification, cette carte de banque avait été subtilisée lors d’un vol commis juste après celui-ci, dans un hôtel situé place du Samedi). L’équipe en place à l’entrée nous avise, par radio, qu’elle a intercepté deux compatriotes occupant la chambre voisine. Nous avons donc mis la main sur
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les trois voleurs que j’ai observés ce matin, voilà du bon travail de collaboration entre la Judiciaire et la BAA. Nous fouillons la deuxième chambre en présence du responsable de l’hôtel sans y trouver d’éléments nouveaux. Notre officier, Christian, est ravi de la tournure des événements, il nous reste à auditionner tout ce petit monde et à faire parler cette carte de banque qui n’appartient à aucune des plaignantes enregistrées jusqu’ici. Je passe les détails des nombreuses recherches qui aboutissent enfin : nouvel hôtel, nouveau vol, nouvelle plaignante… Seule la manière d’opérer est identique : Vol, petit-déjeuner compris ! Nous devons rendre des comptes auprès du juge d’instruction et reprendre nos auditions. La femme vient de Tchécoslovaquie, les hommes sont des péruviens qui l’ont contactée parce qu’elle a un point de chute au Pérou. Ils projettent de venir en Europe et choisissent Prague comme destination, parce que les formalités sont moins contrôlées que dans les pays voisins. De là, ils ont loué une voiture pour réaliser leurs exploits dans les hôtels des grandes capitales, Berlin, Paris et Madrid où ils ont abandonné la Skoda pour louer l’Opel Kadett et remonter vers Bruxelles, viser Amsterdam, etc. Les péruviens crachent également la même version, mais c’est après avoir signé leurs aveux que la triste vérité nous est révélée : les sommes qu’ils dérobent en effectuant leur tour des capitales européennes sont versées sur un compte en banque au Luxembourg pour alimenter une guérilla dénommée « Les Sentiers Lumineux », qui retient leurs familles en otage au Pérou…8 Ce n’est pas seulement la Justice belge qui est saisie de l’affaire, le juge d’instruction prolongera évidemment vers Interpol pour investiguer au niveau mondial. Voilà comment une petite minute d’attention soutenue peut démanteler tout un réseau, je suis fier d’avoir pu saisir cette occasion même si, au final, j’ai eu du mal à digérer ces confessions de nos voleurs, qui furent, euxmêmes, les principales victimes de cette funeste mafia !
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http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/08/18/perou-un-chef-du-sentier-lumineux-tue_3462913_3222.html
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CHAPITRE 11
RENSEIGNEMENTS GENERAUX JUILLET 1998 – SEPTEMBRE 2000
Même si je suis passé au Service Info (renseignements généraux), je suis désigné, durant l’Euro 2000, avec mon collègue Willy et, parfois, André, comme responsable de la Grand-Place de 10h à 2h de la nuit… Lorsque les Diables Rouges disputent un match, je suis responsable de la tribune 3 au Stade du Heysel (Stade Roi Baudouin) à partir de 17h, en passant le témoin à André pour gérer la Grand-Place. Décidément, le football et le stade du Heysel auront été, pour moi, les facteurs de nombreuses nuits d’insomnie, tant sur le terrain que dans les rêves et cauchemars où je revis, années après années, les événements provoqués par tous ces acteurs : supporters éméchés, sportifs agressifs, foules en délire et, hélas, morts ou blessés qui crèvent chaque fois l’écran noir de mes blanches nuits ! Lors d’une surveillance de la Grand-Place, André m’accompagne et nous apprenons, par radio, qu’à l’angle de la rue des Fripiers et de la rue de la Fourche, des supporters anglais mettent à sac un bistrot. Nous arrivons sur place : le bistrot est complètement démoli et la bagarre se prolonge sur la voie publique. Voilà qu’une voiture s’engage sur les lieux, le conducteur s’énerve en klaxonnant à tue-tête, mais sans succès : les anglais restent sur la voirie. Le conducteur force le passage et reçoit, en échange, un panneau en fonte contenant le menu d’un restaurant, qui éclate le pare-brise de sa voiture… Nous intervenons officiellement, en nous identifiant avec nos brassards de policier. Je donne l’ordre au conducteur de dégager et de se rendre à la DC (Division Centrale) pour porter plainte. Au même moment, une patrouille de Gendarmerie s’engage dans la rue, nous lui confions l’auteur des faits que nous venons d’arrêter parmi tous les anglais furieux.
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Renseignements généraux
Nous prenons la fuite car cela devient très chaud pour nous, nous sommes poursuivis par toute une meute d’anglais en rage… heureusement que nos collègues en civil, venus en renfort, parviennent à former un barrage qui retient les anglais pendant que nous détalons vers la DC, où nous retrouvons notre homme menotté par les gendarmes. Il sera condamné à un an, suivant la Loi Football. Ce sera la seule condamnation durant l’Euro 2000. J’ai également participé à la Battle de l’Agora au cours de laquelle des supporters anglais s’étaient réfugiés dans un café. Pour les faire sortir, notre officier responsable a utilisé un jet de gaz lacrymogène (bonbonnes ISTRA). Ce fut radical : tout le monde est sorti. Comme j’étais toujours responsable de la cellule graffitis, tous les procèsverbaux du pays étaient transférés dans mon bureau pour être indexés dans notre base de données. Il m’arrivait encore d’auditionner quelques auteurs de graffitis sur Bruxelles-Ville. Il m’en revient un plus particulièrement : le graffeur n’est pas bruxellois mais, puisque ses « œuvres » ont vandalisé mon territoire, j’ai pu l’auditionner. Il était accompagné de sa mère, furieuse de l’entendre rapidement passer aux aveux au vu des nombreux éléments probants que j’avais pour le confondre. Plusieurs semaines plus tard, je reçois un PV illustré par une photo amusante : le mur était barbouillé de tags « COCKS » ! Sans doute une manière de se venger de façon anonyme, pensait son auteur, mais, quand je lis que cette photo a été prise dans la cité de mon graffeur, je n’ai aucun mal à le désigner comme signataire de ces « dédicaces ». Il fut donc appréhendé comme récidiviste … je ne l’ai plus jamais revu. Ce poste de responsable m’a permis d’assister à plusieurs colloques sur les graffitis dans les milieux universitaires pour témoigner et justifier auprès des jeunes les peines ou amendes prévues. Le département des renseignements généraux ne me plaît plus : je ne suis pas un homme de bureau et, de plus, je ne reçois aucun matériel convenable pour étayer ma base de données des graffitis. Je demande à pouvoir retourner dans un service de recherche et je sais qu’il y a une opportunité à la 7ème division chez mon ami André. Ma mutation est retenue.
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CHAPITRE 12
RECHERCHE LOCALE 7ÈME DIVISION OCTOBRE 2000 – SEPTEMBRE 2001
Je retrouve mon pote André, nous sommes de nouveau réunis comme au bon vieux temps de nos premières recherches locales de la 1ère division. Nous occupons une salle du premier étage de l’ERIP où je donne mes cours de technique et tactique d’intervention depuis 1995. Nous ne disposons pas d’un bureau individuel mais partageons l’espace avec les agents de quartier. Notre territoire d’investigation s’étend du tunnel Léopold II jusqu’au pont du Lion qui surplombe le chemin de fer allant du canal de Willebroek jusqu’à l’axe Nord-Sud. La première affaire qui me revient est un hold-up dans une librairie de l’avenue Houba de Strooper : quatre malfrats ont filé vers Wemmel à bord d’une voiture dont le libraire a déchiffré, in extremis, le numéro d’immatriculation. André m’accompagne chez le propriétaire du véhicule : appelons-le Archibald… Bonjour madame, dis-je à la personne qui m’ouvre en déclinant mon identité policière. Puis-je parler à monsieur Archibald ? Oh, il y a plusieurs jours que je ne l’ai pas vu, répond-elle en refermant sa porte. Nous devons vérifier, voulez-vous nous laisser visiter l’appartement ? Elle se plie à l’injonction de mauvaise grâce et nous ne croisons personne, mais un détail retient mon attention : Pouvez-vous m’expliquer pourquoi la lunette du WC est levée, madame ? Ceci démontre une présence masculine récente. Je pense que vous nous avez menti. Elle blêmit.
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Je vous répète donc ma question : monsieur Archibald est-il ici? Vous feriez mieux de nous dire la vérité sinon je vous emmène au commissariat. Je suis ici, clame notre Archibald qui n’avait rien perdu de toute la scène depuis sa cachette sur le toit du WC situé sur le balcon. Nous l’emmenons au commissariat pour être auditionné. Il prétend qu’au moment du hold-up il était arrêté sur l’autoroute d’Anvers par la Police de Willebroek et qu’il a même passé plusieurs heures au cachot du poste de police, puisqu’il était recherché pour non-paiement d’amende, et il précise que sa voiture est stationnée dans l’allée Verte depuis ce matin. Nous l’enfermons au cachot, chez nous cette fois, et filons allée Verte pour vérifier. Pas de voiture en vue, il nous ment !!! Un fax reçu l’après-midi nous précise que la voiture a été dépannée suite à l’avis de recherche de la 12ème division puisqu’elle avait été reconnue lors du hold-up. Nous avisons le substitut du procureur du roi qui nous ordonne de mettre le particulier à sa disposition, de fouiller le véhicule et de faire le nécessaire pour identifier ses complices. Notre Archibald sera mis sous mandat par le juge d’instruction qui nous donne les mêmes devoirs que le substitut. Nous fouillons la voiture à la fourrière, elle contient deux cagoules noires. Nous rejoignons nos collègues de Willebroek pour vérifier la version d’Archibald. Notre homme a bien passé quelques heures chez eux, mais, lors du contrôle, ils étaient quatre, ce qui confirme le témoignage du libraire. Nous sortons notre homme de la prison de Forest pour le cuisiner. Il confirme la présence de ses amis lors du contrôle sur l’autoroute d’Anvers et dit qu’il s’est bien arrête en double file devant une librairie de l’avenue Houba de Strooper pendant que deux de ses amis s’y sont rendus. Lui est resté au volant, ensuite ils sont partis vers Anvers en prenant le ring et se sont arrêtés sur la bande des pneus crevés pour satisfaire un besoin naturel, ce qui justifie l’intervention des policiers de Willebroek. Il nous balance l’identité de ses amis. Je demande au juge d’instruction des mandats de perquisition et d’arrestation pour les trois sbires en question. Je suis dans une équipe à Schaerbeek avec le CP Philippe, André est dans une autre équipe avec un autre CP de la 7ème division, et dans la troisième, il n’y a ni CP ni inspecteur de notre division, ce qui va nous coûter de perdre des stupéfiants.
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Je donnais toujours mes cours à la zone de Bruxelles Capitale Ixelles en « Graffitis et Drill ». L’État-Major décide de me muter comme instructeur technique d’intervention policière et reçoit mon premier rapport de discipline de la part du CP de la 7ème division. Suite à ce rapport, André et moi exposons nos versions à notre chef direct ainsi qu’au chef de zone et au comité P (contrôle de police). Ces mutations nous plombent car elles s’assimilent à des punitions. Le chef de la 7ème division sera muté quelques années plus tard, comme directeur adjoint à la garde d’Ixelles, cette dégradation est justifiée par son incompétence.
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CHAPITRE 13
FORMATION ZONE POLICE BRUXELLES CAPITALE IXELLES (FOR) OCTOBRE 2001 – SEPTEMBRE 2002
À la demande de l’État-Major, je suis désigné pour la formation de la Police de Bruxelles Capitale Ixelles comme instructeur technique et tactique d’intervention (TTI). Je continue également mes explications sur les tags et graffitis pour les recyclages des inspecteurs, ainsi que le drill. Je fais également part de mon expérience personnelle aux militaires désignés pour le Kosovo et entraîne les collègues (nouvelles recrues) au maintien de l’ordre durant les manifestations. Aucun fait saillant durant cette année passée essentiellement sur l’estrade des salles de cours ; toutefois, j’ai participé, comme capitaine d’équipe, au challenge « DEFENDER », avec dix inspecteurs de la BAA. J’ai, en outre, été repris dans le groupe des tireurs d’élite en poste sur les toits le 21 juillet ou lors des visites de hautes personnalités. Cela m’a permis de découvrir les points culminants de Bruxelles (Cathédrale SaintMichel, Arcade du Cinquantenaire, Musée militaire et Banque nationale).
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CHAPITRE 14
AGENT DE QUARTIER OCTOBRE 2002 – JANVIER 2003
Petite parenthèse… Je me retrouve pendant quatre mois comme agent de quartier à la 4ème division d’Ixelles sur la Chaussée de Boendael. Je n’ai pas vécu facilement ce quadrimestre : passer de la Formation et de la Judiciaire pour occuper un poste d’agent de quartier, de surcroît en territoire inconnu, s’apparente à une descente aux enfers, mais je me suis dit que le public ne devait pas souffrir des décisions de notre hiérarchie et j’ai fait mon boulot aussi bien que je le pouvais. Je pense que cela m’a été profitable puisque je n’y suis pas resté longtemps : en février 2003, je passais à l’ERIP.
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CHAPITRE 15
FIN DE CARRIÈRE ÉCOLE RÉGIONALE INTERFÉDÉRALE DE POLICE (ERIP) FÉVRIER 2003 – FÉVRIER 2012 C’est donc d’estrade en estrade que je termine ma carrière à la Police bruxelloise, comme formateur jusqu’en février 2012. Ma mission était de veiller sur la bonne gestion de la promotion : bonne entente entre les aspirants, discipline, étude et entrainements. Nous effectuons aussi les formations in situ pour encadrer nos aspirants. Tantôt, c’est la Grand-Place lors d’une finale de coupe de Belgique où les noyaux durs de supporters s’affrontent. Les aspirants, mal à l’aise, peuvent apprécier mon expérience de vieux briscard. Tantôt, il s’agit du service d’ordre sur le Ring, lors de la visite du président Bush Junior. Tantôt encore, nous effectuons les contrôles routiers dans le Brabant Wallon et à Charleroi. Je suis devenu formateur après la réforme et après vingt-cinq années de « rue » dans différents services. J’ai constaté que la guéguerre entre la Gendarmerie (police fédérale) et la Police communale (police zonale) était toujours bien présente. Mon cancer de l’estomac provient de là. Lors du drink qui fut donné pour mon départ à la retraite, j’ai dit que j’avais été heureux de travailler à l’ERIP : j’avais commencé à l’école en 1978 et terminé à l’école comme formateur en 2012. La boucle est bouclée.
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CHAPITRE 16.
ÉPILOGUE
Grâce à la Police, j’ai pu participer à des activités sportives et autres. Notamment aux « Jeux sans frontières », comme responsable et capitaine de la 2ème équipe : une belle expérience qui m’a permis de rencontrer des gens d’autres pays ainsi que des Belges qui faisaient partie des deux équipes nationales et que je ne connaissais pas avant. Également à « Paris Olympie », une course à pied où nous étions 10 coureurs belges, chaque coureur devant courir 20 km. J’ai eu de grands moments lors de cette course, surtout l’arrivée sur le premier stade olympique d’où démarre la flamme olympique. Trois équipes de 10 athlètes ont participé à cette course, deux françaises et une belge. Là, j’ai remarqué à quel point la course à pied était vraiment faite pour moi : j’ai couru les 20 km en moins de 1h25. Départ à la Tour Eiffel (Paris), traverser Lausanne, Rome, prendre la bateau à Brindisi pour Patras et, enfin, un marathon de Patras à Olympie (je termine à la 3ème place en un temps de 2h56). Je citerais aussi : le Torch Run du Special Olympics ; les 100 heures de jeu de cartes « belotte » avec cinq collègues de PS II ; et l’organisation de plusieurs compétitions sportives pour l’ARSPB, Sports Police Bruxelles, BAP = Brevet d’Aptitude Physique, cross-country et autres. Voilà la fin de mon expérience en tant que policier (flic) à la Ville de Bruxelles où j’ai connu quatre Commissaires en chef et plusieurs bourgmestres. Celui qui m’a le plus impressionné par son attachement à notre corporation fut, sans conteste, Freddy Thielemans. Je souhaite bonne chance aux futurs policiers dans un métier qui m’a tenu à cœur et pour lequel je me suis engagé à 100 %.
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CHAPITRE 17
ANECDOTES
La routine policière a ses secrets : aucune morosité puisque nous sommes toujours confrontés à du vécu, tantôt calme, tantôt mouvementé. Voici un recueil d’anecdotes de carrière que j’ai épinglées – je pourrais en aligner des centaines, mais me limiterai à celles-ci. 1. Speedy Constant Pendant une permanence de 15-23, nous étions alors stagiaires dans la 6ème brigade de PS 1, nous avions pour mission la recherche d’une dame à l’angle des avenues Louise et Brugmann. Comme nous n’avions aucun véhicule à disposition, le chef nous (Michel et moi) y envoie à pied ! À 19h30, nous quittons la rue Marché au Charbon en direction de Louise. La première personne que nous voyons à l’endroit désigné semble correspondre à notre objectif. Sa carte d’identité nous le confirme et j’en avise, par radio, mon chef de service, surpris par notre célérité : Eh bien, vous la ramenez à la Division Centrale pour rendre compte à l’officier de garde, mandataire de cette mission. Ok, mais je vous rappelle que nous sommes sans véhicule !!!! J’envoie une patrouille pour la cueillir, vous rentrerez ensuite. Une fois de retour (à pied) au poste, nous rendons compte à l’officier de garde et assurons la surveillance de notre prévenue durant son audition jusqu’une heure du matin. 2. Tartes à la crème Nos chefs prennent parfois des décisions foireuses. Lors d’une manifestation de la Sabena dans le quartier du square Ambiorix, notre peloton stationne rue Stévin devant une boulangerie. En attendant les ordres, nous achetons quelques friandises, tartes et viennoiseries…
Anecdotes
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Notre collègue Tony avait choisi une tarte à la crème fraiche. Je peux goûter ? Lui lançai-je. Il refuse et la porte à ses lèvres, je suis déçu et pousse sur sa main… Son visage est couvert de crème, il est furieux, ramasse ce qu’il peut et me vise. Je m’esquive et son envoi atterrit sur la figure de Bach qui lui remet la dose… En quelques minutes, la camionnette est barbouillée, notre chef de section intervient pour nous calmer et nous rappeler notre statut. La manifestation démarre, nous la suivons comme le veut la consigne, en arpentant les rues parallèles. Arrivés à la hauteur de la rue du Commerce, notre CA place deux sections (20 hommes) pour diriger (dans tous les sens du terme) le flux des manifestants. Les premiers suivent gentiment nos injonctions jusqu’à ce qu’un groupe de costauds, en milieu de peloton, nous envoie paître et bifurque, en bravant l’interdit, vers la zone neutre en direction du Parlement. Nous tentons de les contenir, mais que faire avec un effectif de vingt hommes face à une foule de manifestants casqués, vêtus de vestes en cuir et matraques au poing ? Louis, notre chef de brigade, nous crie, depuis la camionnette, de battre en retraite en direction du Parlement. Nous traversons un barrage de la gendarmerie pour rejoindre nos collègues et reprendre, en nombre, les hostilités… avec succès, cette fois. Les ordres de nos chefs ne sont pas toujours pertinents. 3. Starsky et Hutch Je patrouille avec Marc, nous sommes accostés par un homme : Je viens de voir une camionnette de ma société dans la file du tunnel Botanique, or, elle a été volée avant-hier. Comment est-elle ? On y va. Nous approchons du tunnel et repérons l’objectif mais, bien entendu, nous sommes à contresens dans le flux de la circulation. En plein milieu, lorsque nous arrivons à la hauteur de la camionnette, nous sortons de la voiture de police, enfourchons la berme centrale et menaçons le chauffeur avec notre arme. Il fallait voir la tête des occupants des véhicules engagés dans les files de chaque côté. Plus personne n’osait bouger, ils étaient médusés. C’était Starsky et Hutch !
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Anecdotes
L’individu, tout autant stupéfié, s’est vite laissé menotter pour être embarqué dans notre voiture. Il fallait s’occuper de la camionnette. Normalement, nous aurions dû solliciter son propriétaire et la faire dépanner, mais j’ai laissé Marc au volant de notre véhicule avec le prévenu à l’arrière pendant que je sortais la camionnette du tunnel et de la circulation. Nous nous retrouvons place Madou où le propriétaire nous rejoint et nous ramenons notre voleur au commissariat pour les auditions d’usage. Une affaire rondement menée… Comme au cinéma ! 4. Cow-boys Appel : Individu armé dans un café rue de Wand ! Hop, je suis en patrouille avec Marc ainsi qu’un stagiaire PJP (Police Judiciaire auprès du Parquet), nous sommes assez loin au Quai de Willebroek et, malgré nos sirènes et feux bleus, notre progression est entravée par la circulation très dense dans l’allée Verte. Marc, au volant, repère des raccourcis parallèles qui nous rapprochent de l’objectif. Une fois arrivés au rond-point du Gros Tilleul, j’éteins les alarmes pour nous engager dans la rue de Wand. J’examine les cafés du côté droit et j’aperçois un individu qui se lève à la vue de notre vieille Peugeot 504 de patrouille. Nous bloquons la voiture en plein milieu de la rue, je sors en trombe, Marc me suit sans oublier de soustraire les clefs du véhicule. Je place le stagiaire devant la porte du garage et rentre le premier dans le café. Le patron nous indique les toilettes au fond du café. Il y a un seul individu devant les urinoirs, il essaie de prendre quelque chose dans la poche de sa veste. Je crie : Les mains en l’air ! Marc réussit à le maintenir pendant que je lui mets les menottes. Le stagiaire, ameuté par les cris, nous rejoint par la porte du garage. L’individu avait caché l’arme dans sa veste, c’était un déprimé qui voulait braquer un magasin mais avait besoin de boire quelques verres pour se donner le courage d’agir… Son arme provenait d’une rue malfamée de Schaerbeek. Nous le ramenons à la 11ème division pour audition et fouille complète et il est, dès le lendemain, mis à la disposition du parquet. Le jeune stagiaire est fort impressionné par sa journée, je le rassure en précisant que le quotidien de la patrouille est généralement plus calme. Ce qui pimente cette anecdote, c’est la version du CP des 9ème et 11ème divisions, qui rentrait à domicile lorsqu’il a entendu l’appel à la radio de bord. Comme il était à proximité de la rue de Wand, il fait le détour pour constater avec étonnement que nous sommes déjà sur place…
Anecdotes
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On nous prend parfois pour des cow-boys mais nous savons bien conduire et maîtrisons la carte de notre territoire. Lui lancé-je en ricanant. Je crois qu’il était un peu vexé d’être arrivé deuxième mais il aura compris que les arrestations sont du ressort de ceux qui sont sur le terrain et non celui des bureaucrates. 5. Hors service. Un flic reste un flic même s’il est en congé. 1. En léchant les vitrines place De Brouckère, j’entends crier « Au voleur, … au voleur » et vois arriver dans ma direction un jeune poursuivi par une dame plus âgée. Je me prépare à l’intercepter mais il s’engouffre dans la station du métro De Brouckère. Je descends quatre à quatre les marches de l’escalator, il bouscule et renverse, au passage, une petite vieille… Tout va bien, madame ? M’assurai-je avant de reprendre ma filature. Oui, Oui, allez-y, répond-elle en se relevant. Je m’engage dans le couloir. Shit, où est-il ? Je l’ai perdu. Je me concentre (si, si, cela m’arrive)… Je vois l’enseigne d’un cordonnier, m’en rapproche et aperçois un jeune assis sur un tabouret. J’entre, il est essoufflé… comme s’il venait de franchir la ligne des vingt kilomètres de Bruxelles… Bingo ! Je sors ma carte de police, l’interroge et lui passe les menottes (même hors service à la BAA, je ne sortais jamais sans mon arme et mes menottes). Un homme nous rejoint dans l’atelier du cordonnier, toise le jeune et le désigne comme le voleur du portefeuille de sa femme. Lorsque je me retourne pour sortir de la cordonnerie, une vingtaine de jeunes crient au scandale dans le couloir en pointant leur index sur la gorge en guise de menace. Je prends mon arme, la chambre, colle le jeune contre la vitre et ouvre la porte et clame : La première est pour lui, il en reste vingt-trois dans mon barillet pour ceux que cela intéresse ! Les badauds se pressent et, parmi eux, j’adresse un clin d’œil à quelqu’un qui sait que je suis flic, il a tout de suite compris et alerte les secours en formant le 112… Quatre collègues embarquent le voleur dans une voiture et le plaignant et son épouse dans une seconde… je dois rejoindre le commissariat à pied. Je me sens suivi… Les insultes fusent dans mon dos : Nous aurons ta peau, nous baiserons ta femme et ta mère devant toi ! (et j’en passe).
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Anecdotes
Ma main reste rivée sur mon arme dans son holster, mon sang ne fait qu’un tour, je me retourne : Vous allez me suivre comme cela jusqu’au commissariat ? Mes collègues seront en nombre pour vous accueillir et vous réserver la surprise du chef, c’est ça que vous voulez ? Ils battent en retraite et me laissent rejoindre les bureaux pour y suivre la routine administrative au cours de laquelle je perds les pédales en giflant ce sale ket, mais sans conséquence pour moi car l’officier rongeait lui-même son frein devant l’arrogance du prévenu. Il sera mis à la disposition du juge de la jeunesse. 2. Je me promène durant les soldes au Shopping de Woluwe. Face à l’Inno, j’entends crier « Au voleur, au voleur… », sans voir aucun mouvement de foule lorsque, tout à coup, arrive une fille poursuivie par une dame sortant de l’Innovation. Lorsqu’elle me croise, j’ouvre les bras pour cueillir la voleuse, elle me cogne, je referme ma prise. La dame arrive, essoufflée, et me remercie tout en me renvoyant à mes affaires. Je me présente comme policier et les accompagne au bureau de Woluwe. Chemin faisant, je remarque des clefs de voiture dans la poche de la demoiselle. Où êtes-vous stationnée ? Je ferais bien une petite visite de votre voiture. Non, répond-elle en se débattant. J’en déduis qu’elle doit avoir des choses à cacher. En effet, tous les objets contenus dans le coffre constituaient le butin de sa matinée. Fièrement, je rejoins le commissariat de Woluwe avec une plaignante et sa voleuse, ainsi que les aveux de celle-ci pour tous les dépôts de plaintes reçus récemment… Mon ami Guy, Commissaire de la Brigade judiciaire de Woluwe est étonné: Ah non, pas toi, tu travailles à Woluwe maintenant, tu as quitté Bruxelles ? Non, lui souris-je, mais quand je vois quelque chose de suspect, j’interviens ! Quand on est flic, c’est pour la vie ! 3. Nous patrouillons rue Neuve. Le chef de section attire notre attention sur le manège d’une voleuse à la tire, bien connue dans le quartier. Elle est accompagnée de sa petite sœur. Nous ne la quittons pas des yeux. Une fois entrée dans un magasin, elle cherche une proie, va et vient sans même regarder les étalages, j’ai du mal à ne pas être repéré pendant qu’elle nous balade dans tous les rayons de tous les étages et passe régulièrement le témoin à Marc pour éviter toute suspicion. Après l’avoir surprise à tournicoter autour d’une dame, je la perds de vue un instant et la retrouve lorsqu’elle emprunte l’escalator. Marc lui embraye le pas pendant que je me présente et interroge la dame.
Anecdotes
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Mon portefeuille a disparu, il était dans la poche de ma veste ! Crie-t-elle. J’alerte Marc qui intercepte les deux sœurs pour les conduire auprès des Trekkers dans la rue. J’invite la dame à me suivre au commissariat pour une petite audition et la restitution de son bien tout en lui détaillant le déroulement de notre vigilance. Merci, parce que j’avais pas mal d’argent sur moi, me confie-t-elle. Nous sommes là pour cela, chère madame ! 6. Striptease Constant, le CPAS de la Ville de Bruxelles demande une enquête pour vérifier l’adresse d’une de leurs protégées, c’est toi qui t’y colles. Je n’accueillais pas toujours certaines de nos missions avec enthousiasme. Nous étions à la disposition du commissariat pour ce genre de routine alors que le premier plouc venu aurait pu convenir mais bon, « dura lex, sed lex » = La loi, c’est la loi. Je pars avec des pieds de plomb. Par contre, dans les mains, j’ai un dossier quasiment vide puisque l’agent de quartier qui s’est déjà rendu à son domicile en est revenu bredouille. J’arrive à l’adresse, je sonne, une voix suave m’invite, via le parlophone, à gravir les deux étages. Je frappe à la porte… !!! Une jeune africaine me fait entrer !!! Elle est entièrement nue, sortie de sa douche sans avoir pris la précaution de couvrir, ni son… « intimité », ni ses seins qui sont beaux comme des soleils… … Mes pieds ont troqué leurs semelles de plomb pour les espadrilles ailées d’Hermès… Ça surprend, même si mon expérience congolaise m’a appris que les africains sont coutumiers du fait et que la nudité ne les gêne pas… Moi non plus d’ailleurs… je ne ferai pas le faux dévot ; je me suis régalé du spectacle en l’invitant tout de même à se couvrir. Elle enfile un vaporeux peignoir et me rejoint dans la cuisine pour répondre aux questions posées par le CPAS. L’interview s’est prolongée durant… un certain temps !
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Anecdotes
Dans le métro qui me ramène, je ferme les yeux en fredonnant les paroles de Jacques Brel (Le gaz) : Tu as des seins comme des soleils Comme des fruits, comme des r’posoirs Tu as des seins comme des miroirs Comme des fruits, comme du miel Tu les recouvres, tout devient noir Tu les découvres et je deviens Pégase Tu as des seins comme des trottoirs Et moi et moi et moi Je viens pour le gaz… De retour au commissariat en sifflotant, j’ai remercié l’agent de quartier, il doit toujours se demander pourquoi ! 7. Gospel Pour prolonger l’exotisme africain, voici un autre épisode moins croustillant mais révélateur. Le 31 juillet 1993, le Roi Baudouin décède en Espagne. Les belges, endeuillés, se rassemblent devant le Palais Royal pour témoigner leur tristesse. Nous sommes appelés en renfort pour contenir la foule et prévenir le moindre incident. Alors que le public défile dans un silence respectueux, j’entends chanter du côté de la rue Ducale. Je me rapproche et constate que ce sont des africains qui meublent le cortège de chants et danses suscitant l’indignation de la foule. Comme j’ai vécu au Congo belge dans les années cinquante, je connais leur coutume d’accompagnement d’un défunt, ils l’appliquent ici pour notre roi, qui fut aussi le leur. Nous dialoguons en évoquant nos différences et le cortège reprend son cours calmement.
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LEXIQUE DES ABRÉVIATIONS
Avant réforme
Après réforme
CPC
Commissaire de Police en chef
CDP
Commissaire divisionnaire de Police chef de zone
CP
Commissaire de Police
CDP
Commissaire divisionnaire de Police
CAIP
Commissaire adjoint inspecteur principal
CP
Commissaire de Police
CAI
Commissaire adjoint inspecteur
CP
Idem
CA
Commissaire adjoint
CP
Idem
AS
Agent spécial
INPP
Inspecteur principal de Police
IP
Inspecteur de police
INPP
Idem
ABP
Agent Brigadier principal
INP
Inspecteur de Police
AB
Agent Brigadier
INP
Idem
Agent
INP
Idem
Auxiliaire
AP
Agent de Police
A AUX
Grade lorsqu’il rentre à l’ecole Avant réforme A
Agent
Après réforme AAP
Aspirant Agent de Police
AINP
Aspirant Inspecteur de Police
AINPP
Aspirant Inspecteur principal de Police
ACP
Aspirant Commissaire de Police
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TABLE DES MATIERES
1. LE RÉSEAU DE PÉDOPHILIE
6
2. LE DRAME DU HEYSEL
21
3. INCENDIE RUE HAUTE
25
4. DE LA CHARPENTE À LA GUERRE
29
5. MATRICULE 1237
30
T’es dans le coup, papa T’as raté, t’as qu’à r(é)attaquer !
6. POLICE SECOURS JUILLET 79 - JANVIER 85
31
Bach… stage Gyné-Kox-logue Moules frites Contrôle Cafés Suicides Une nuit des plus calmes mais… Manifestation
7. BRIGADE ANTI-AGRESSION Tir Gare Centrale Poursuite Tentative de suicide Pickpockets Speed Alarmes Incendies
45
110
Table des matières
8. RECHERCHE LOCALE SEPTEMBRE 1990 - OCTOBRE 2001
60
Coups et blessures envers un Agent de quartier Filature
9. RECHERCHE LOCALE 5ÈME ET 6ÈME DIVISION
65
Stup Escroquerie à la carte visa Vol de 72 encyclopédies universelles Vols dans des bureaux Ommegang
10. RECHERCHE LOCALE 1ÈRE ET 3ÈME DIVISION
74
Première affaire Première arrestation Deuxième arrestation au café Atchoum Troisième arrestation chez Atchoum Le Cheval de Troie Graffitis – Tags Le foot, encore le foot… Visa Rats d’hôtel
11. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX JUILLET 1998 - SEPTEMBRE 2000
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12. RECHERCHE LOCALE 7ÈME DIVISION OCTOBRE 2000 - SEPTEMBRE 2001
93
13. FORMATION ZONE POLICE BRUXELLES CAPITALE IXELLES (FOR) OCTOBRE 2001 - SEPTEMBRE 2002
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14. AGENT DE QUARTIER OCTOBRE 2002 - JANVIER 2003
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Table des matières
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15. FIN DE CARRIÈRE FÉVRIER 2003 - FÉVRIER 2012
98
16. ÉPILOGUE
99
17. ANECDOTES
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Speedy Constant Tartes à la crème Starsky et Hutch Cow-boys Hors service Striptease Gospel
PAGE DE GARDE : LEXIQUE DES ABRÉVIATIONS
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éditions pat.H
Aujourd’hui à la retraite, Constant Kox, ancien policier à la brigade judiciaire de Polbru, prend le temps de se livrer, de se libérer et tente d’expliquer un métier dangereux et méconnu. Souvenirs, événements historiques ou anecdotiques de sa vie professionnelle.
ISBN 978-2-930639-19-2 D/2014/12.782/1
PAROLES ET CONFIDENCES DE FLIC | Constant KOX
Paroles et confidences de Flic revient sur le démantèlement en 1996 d’un réseau important de pédophilie en Belgique, sur le drame du Heizel, ... Passionnant
PAROLES ET CONFIDENCES DE FLIC Constant KOX