Lecture critique sur le village de Gourna

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LE VILLAGE DE GOURNA OU LE DROMADAIRE ÉCHOUÉ?



SOMMAIRE

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Regard posé sur l’oeuvre

Retour à l’ancestral

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Un projet dans son temps ?

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La réalité a t-elle pris le dessus?

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Près de cinquante ans plus tard…


La communauté du Vieux Gourna au Luxor, vivait audessus des tombes dans l’ancien cimetière de Thèbes et dont le relogement était la solution envisagée pour réduire les dommages subis par les tombes des pharaons. Les caractéristiques principales du village de Nouveau Gourna résident dans la réinterprétation d’un cadre architectural et urbain traditionnel, dans l’utilisation appropriée de matériaux et techniques locaux, ainsi que dans une extrême sensibilité aux problèmes climatiques

Regards l’œuvre

posés

sur

Le village de Gourna nous permet aujourd’hui, d’observer (notamment avec le recul que le temps nous permet d’avoir) l’expérience même d’une architecture dite vernaculaire, inspirée de

certains principes constructifs traditionnels tels que la voûte nubienne, la coupole en brique de terre, ou encore les systèmes de ventilation naturelle très étudiés. Ce qui suivit la longue démarche de recherche, de conception puis d’exécution, fut un grand échec que Hassan Fathy admettra par la suite dans son œuvre « Construire avec le peuple », dût à de nombreux autres paramètres qu’il ne pris pas en considération. Après avoir lu ses récits, on ne peut qu’être emprunt d’un sentiment de compassion face à cet architecte qu’il mis dix années à composer un village, qui ne fut que très tardivement accepté par la critique internationale à défaut de l’être par les propres habitants de Gourna. .


Alors même que le monde occidental (suivit des régions orientales) découvrait l’architecture dite « moderne » et ses nouveaux principes, l’architecte Hassan Fathy préféra s’imprégner d’une démarche plus vernaculaire et surtout sociale. Conscient des carences économiques dont souffrait son pays, notamment le peuple rural, ce dernier tenta tout le long de son Œuvre, d’attribuer à ses habitants, le confort qui leur était nécessaire, et ce pour un coût moindre. Hassan Fathy vint avec l’idée _ atypique_ de vouloir réconcilier les égyptiens avec les méthodes de construction traditionnelles, chose qui ne manqua pas de déplaire à certains. Cependant,

force est de constater que cette œuvre est admirable de par sa dimension sociale et poussa plus d’une génération à se pencher sur le cas de Gourna. Aujourd’hui, le village de Gourna est littéralement devenu une référence pour nous; architectes contemporains, pour la grandeur de ses intentions mais également pour la triste réalité face à laquelle le projet fini par faire face.



Gourna? Ce village qui fit couler beaucoup d’encre. Mais finalement, qu’avons-nous retenu de la leçon de Hassan Fathy et de sa ‘’volonté de construire avec le peuple’’. Il faudrait comprendre la matérialité de l’œuvre, sa typologie et ses pincipes bioclimatiques pour mieux saisir sa spécificité. De plus, tout en sachant que H.F. était résolu à construire à partir de matériaux locaux, quelles furent donc ses réponses face à cette contrainte?


Le retour à l'ancestral Hassan Fathy a valorisé le retour a l'architecture vernaculaire en prônant sa durabilité, sa résistance aux conditions extremes climatiques et à son économie . Il a pris l'initiative de former les résidents locaux à développer des matériaux disponibles localement et à construire leurs propres bâtiments. Les matériaux sont adaptés aux spécificités locales et souvent employés en mixité ( la boue, la pierre et le bois) La boue comme un matériau

de construction majeur qui est le matériau localement et abondamment disponible La boue est utilisée sous la forme de briques moulees et sechees au soleil la propriété des briques de boue c'est de garantir un confort thermique - un mauvais conducteur => assurer une fraîcheur pendant les étés et conserver la chaleur pendant les saisons d'hiver. La couleur simple et monochromatique de la boue unifie l'ensemble du village en une seule unité.


L'ĂŠgyptien Hassan Fathy a utilise des techniques de construction ancestrales: - Les voĂťtes nubiennes en briques de boue, une technique de construction simple et economique. Les chajjas ou jaalis (moucharabieh) filtrent la lumiere en formant des ombres au sol et regulent l'entree de l'air.



Le théâtre

L’école des garçons

La mosquée


Le Malkaf ou le capteur d’air Le malkaf capte le vent en hauteur là où il est fort, pour le refroidir à l’aide d’un dispositif de récipient de céramique, remplis d’eau. L’orientation du bâtiment est un paramètre avec lequel Hassan Fathy travaillera beaucoup, pour résoudre les problèmes d’aération, de lumière et de confort thermique.

Système de chauffage: le kachelofen autrichien


Hassan Fathy a utilisé des murs de briques denses pour construire les bâtiments et a fourni des espaces de cour traditionnels qui agissent comme des espaces tampons et fournissent un refroidissement passif de l'air ''On a dit que la brique de boue n'est pas un materiau de qualite technique [...] La reponse a ceci, c'est que ces architectes qui rejettent si legerement la brique de boue ne sont pas competents pour juger si oui ou non elle est un metriau valable. La seule science qui puisse nous donner un verdict satisfaisant sur la solidite et la fiabilite de la boue, c'est la science des proprietes mécaniques du sol.''

L'utilisation des materiaux locaux et des techniques ancestrales a contribue a l'économie de la construction, mais elle s'établit également comme une belle application de l'architecture vernaculaire et de la durabilité. De plus, elle renforce la connexion entre l'homme et la nature et celle du lien traditionnel. De nombreux debats sont ouverts quant a la durabilite et a l'application de certains materiaux dans l'oeuvre de H.Fathy, cependant ce dernier repondra aux critiques.


L’architecture vernaculaire est par définition contextuelle. Elle se matérialise in-situ; d’abord on construit puis on dessine. Néanmoins, la réalité est bien plus complexe que cela.



Un projet dans son temps ? Le village de Gourna ne fut pas rapidement mis à disposition des gournis. Et pour cause, plusieurs facteurs ont entraîné le retardement de la fin d’exécution dont Hassan Fathy fait le récit dans son livre; Construire avec le peuple,. On apprend donc que la situation pourrait dépasser l’architecte qui ne reçoit plus les fonds suffisants pour poursuivre ses travaux. On suppose que le gouvernement présenta plusieurs contraintes au département des antiquités. En

effet, entre 1945 et 1948, Fathy et son groupe d’ouvriers locaux ont juste fini le tiers du projet. Après le coup d’état de 1952, Jamel Abd Ennaser a mis en place une politique de libéralisation menée par Anouar Sadat engendrant une spéculation fonciére. De plus, la corruption du régime Moubarak a accéléré la détérioration du village qui nécessitait un entretien régulier laissant la priorité au investissements des promoteurs considérés plus rentables.

Photo de l’ancien village de Gourna

« En janvier 1961, relate-t-il, je suis allé à Gourna. Le village était exactement tel que je l’avais laissé. […] Deux choses seulement prospèrent. Ce sont les arbres que j’ai plantés, qui sont maintenant grands et forts, et les quarante-six maçons que nous avons formés et qui travaillent tous dans la région » Hassan Fathy


Outre la dimension politique, les gournis se sont subdivisés en plusieurs clans. Certains vivaient du pillage des anciennes tombes et n’approuvaient pas la question du relogement. Ce projet se trouva alors en marge de leur activité voire de leur moyen de subsistance. Ceci explique bien le retard et

l’inachèvement du chantier. De plus, la technique de construction en boue fut fortement critiquée et pointée du doigt. Hassan Fathy leur concède finalement une part de vérité en admettant que dans ce genre de projet, des choses peuvent nous échapper.

« C’était de construire un village où les fellahs mèneraient le genre de vie que je souhaite pour eux. » Hassan Fathy

« l’expérience de Gourna a échoué. Le village n’a jamais été terminé et n’est pas encore une communauté villageoise prospère » Hassan Fathy


Il a réalisé de nombreux projets, notamment en Irak au Pakistan et bien évidemment dans son pays natal l’Egypte. Son œuvre la plus célèbre est la nouvelle ville de Gourna, ou il a appliqué l’ensemble de ses théories et de son expérience. Il y consacrait un livre

« construire avec le peuple ». Cependant, plusieurs projets antérieurs ont été d’une grande influence lors de sa carrière. Les premières maisons à Mansoura, la société royale de l’agriculture, la reconstruction du village el Basry.

La Société Royale d’Agriculture 1942

Premiers essais, premières erreurs. « l’architecte se trouve soudain libre de modeler l’espace avec sa construction, d’inventer des

volumes nouveaux ramener l’ordre signification à humaine ».

et d’en et la l’échelle


Le village El Basry

Maison modèle en brique de boue et fondation en pierre. « Nous [ H.Fathy et les maçons] avions appris à nous connaître comme les membres d’une même famille et mon respect pour ces hommes augmentait chaque jour que je travaillais avec eux. »



La réalité a-t-elle pris le dessus ? « La tradition, affirme-t-il, n’est pas forcément désuète et synonyme d’immobilisme. De plus, la tradition n’est pas obligatoirement ancienne, mais peut très bien s’être constituée récemment. Chaque fois qu’un ouvrier rencontre une nouvelle difficulté et trouve le moyen de la surmonter, il fait le premier pas vers l’établissement d’une tradition. » Hassan Fathy


Echos et Quiproquos Construire avec ou pour le peuple…..? Lors de la sortie de livre ‘’construire avec le peuple’’, le public ne fut pas entièrement conquis. Bien au contraire, il a fait l’objet de différentes critiques relevant d’un certain scepticisme quant à l’œuvre de l’architecte. Pour cause, et si on se resitue dans le contexte de la production architecturale de l’époque, on se rend compte de la ferveur avec laquelle on a accueilli le style international. «Si quelqu'un doute de la possibilité de laisser le peuple construire ses maisons, qu'il aille voir en Nubie. Il y verra la preuve matérielle que des paysans sans instruction [...] peuvent faire beaucoup mieux qu'aucune politique du logement» Hassan Fathy La sensibilité graphique et architecturale chez Hassan Fathy


Force est de souligner l’attrait et la médiatisation dont ce dernier a joui avec les différentes publications et la prolifération des ouvrages qui en font état. Même si Hassan Fathy a comparé ce genre d’idéologie à ‘’ une chaussure chinoise ‘’ dans laquelle on comprime l’architecture et par conséquent, ses occupants. Il est vrai que la spécificité matérielle et architecturale prête à confusion et l’engouement pour la ‘’ bonne cause ‘’ peut se substituer par

le refus catégorique et radical quant l’architecture de la terre. Elle est jugée en tant que démarche rétrograde en marge avec le dit ‘’ progrès technique et technologique ’’. Cependant, nous tenons à saluer l’engagement de Hassan Fathy et sa doctrine socialiste et humaniste.

Son travail se trouve être finalement reconnu et gratifié auprès des protagonistes du style postmodernes porté sur le régionalisme et le fait de construire et composer d’une manière innovante avec les techniques traditionnelles. Le de Mies Van Der Rohe


Suite à l’achèvement du village, Hassan Fathy gagnera une notoriété à l’échelle internationale. Il inspirera nombreux architectes contemporains, notamment Bernad Rudofsky « L’architecture sans architecte » et André Ravéreau « L’atelier du desert ». Ce dernier lui demande de préfacer son livre, Le M’Zab, une leçon d’architecture D’autres lui consacreront des œuvres cinématographique, tel que le film « Il ne suffit pas que Dieu soit avec les pauvres » de Bohan Alaouie et Lotfi Thabet. Une exposition sur l’architecture de terre se tient à Beaubourg et l’école d’architecture de Grenoble crée en 1979 le laboratoire CRA-Terre, centre international de la construction en terre.


Près de cinquante ans plu tard …

Le manque d’entretien à engendré de nombreux désordres pathologiques dans les constructions. Certains habitants se plaignent des conditions de vie. Pourtant, les Gournis semblent très attachés au village de Hassan Fathy, dont ils parlent des concepts, presque tout aussi bien que le maitre d’œuvre lui-même. La ville va en s’agrandissant cependant, de nouvelles constructions se lient au

anciennes, présentant un large déséquilibre dans le paysage architectural. Des ONG telles que World Monuments Fund (WMF), l’UNESCO et l’association pour la sauvegarde du patrimoine architectural de Hassan Fathy ont lancé plusieurs opérations de sauvegarde du village, qu’elles estiment être un patrimoine architectural d’une très grande valeur.


‘’J’ai certainement plus appris par ma lutte que si mon chemin avait été aplani. Le Coran dit que les choses que nous n’aimons pas sont fécondes. Et une conséquence directe de ma déception à Gourna a été une compréhension bien plus profonde de ma part des problèmes du logement rural. Car le problème dépasse le facteur technique et économique; il est avant tout humain et comprend les gens et les systèmes, les professionnels comme les paysans. IL est bien plus vaste que Gourna et le département des antiquités.’’ Hassan Fathy

Myriame Dachraoui Feriel Ben Dhafer Aziza Marzouki Haifa Taboubi Mehdi Ben Temessek


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