La Terre Crue : Du passé au renouveau de nos techniques constructives

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ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE VERSAILLES

La terre crue : du passé au renouveau de nos techniques constructives.

Quelle est la place de la terre crue dans notre patrimoine et comment ce matériau peut-il répondre aux enjeux actuels ?

MEHDI GROSJEAN Master ENSA-V

Le 03 Octobre 2012

ENSEIGNANTE : Mme NADIA HOYET


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Avant-propos La rédaction de ce mémoire concernant la culture constructive autour de la terre crue s’est faite après une prise de conscience de ma part, je me suis rendu compte que si il y avait un sujet sur les cultures constructives qui m’avait de manière inconsciente influencé c’était bel et bien celui de la terre crue. En effet j’ai depuis toujours effectué des voyages en Afrique du Nord et plus particulièrement au Maroc et je n’avais jamais fait attention à la présence de terre crue dans les constructions dans lesquelles je me trouvais ou que je visitais, que cela soit dans les anciennes médinas des grandes villes ou bien même dans les petits villages de montagne par exemple. Le seul élément qui me frappais étant enfant était le fait

que ces

constructions-là n’avaient rien à voir avec celles que je côtoyais tous les jours en France, ces bâtiments de pierre de taille, de béton, d’acier ou de verre ; elles dégageaient quelque part une sorte de chaleur, une véritable trace d’un façonnage de l’environnement par l’individu, chose que je n’ai jamais ressentis dans les villes françaises où j’ai grandi avec des bâtiments certes beaux, mais très froids et presque tous identiques. J’ai toujours préféré me balader dans les vielles villes marocaines, remplies de chaleur, de vie, de couleurs que d’arpenter les rues de Versailles par exemple où tout semble figé par le poids de l’histoire, la monotonie des façades et l’extrême froideur qui s’en dégage. Puis j’ai fait des études d’architecture, j’ai pu ainsi un peu mieux comprendre dans quel monde je vivais, comment il était fait ou plutôt comment l’homme avait été amené à le transformer. Ainsi il nous a été donné à de très nombreuses occasions d’étudier des bâtiments emblématiques, de grandes villes modernes ou encore l’urbanisme moderne le tout en nous inculquant nous, les nouvelles générations d’architectes, la notion d’écologie, de respect de la Terre et des hommes avec l’utilisation par exemple de matériaux renouvelables, les technologies énergétiques modernes et l’amélioration du cadre de vie de l’habitant. Cela dit, jamais on ne nous a véritablement parlé du plus important patrimoine de l’Humanité que sont les constructions en terre. Un jour j’ai eu l’occasion dans un cours de sociologie d’étudier la vie de peuples à travers le monde ; de l’Asie en passant par l’Afrique ou les Amériques. Etant relativement attaché au continent africain je voulais en étudier les peuples mais le destin a fait que je me suis retrouvé dernier à choisir et qu’il m’était imposé d’étudier les Indiens Hopi du Nord-Est de l’Arizona. A vrai dire je crois bien n’avoir jamais autant pris plaisir à étudier l’histoire d’un peuple, si proche des éléments qui les entouraient à savoir le ciel, la terre et le monde souterrain, jusqu’à l’arrivée de l’homme blanc qui a peu à peu signera leur déclin. C’est en étudiant ces indiens, apparentés aux indiens pueblos, que j’ai eu l’occasion de voir qu’ils habitaient dans des maisons de terre ce qui m’a permis de faire le lien avec les habitations en Afrique et me rendre compte véritablement de la proximité qu’ont les hommes, même à

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plusieurs milliers de kilomètres, quand il s’agit de besoins primaires comme le fait de se loger. Au travers de ce mémoire je vais donc traiter de la culture constructive de la terre et plus particulièrement dans le cadre de la France et essayer de contribuer, modestement, à la promotion d’un sujet qui me semble important surtout vis-à-vis du contexte actuel de crise économique et écologique, parler des techniques anciennes, de leurs applications dans notre pays, de leurs évolutions mais aussi des freins et de l’avenir de ces méthodes ancestrales.

Figure 1 La Grande mosquée de Djenné est le plus grand édifice du monde en terre crue adobe et date de 1280. Source : National Geographic

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Sommaire. Introduction. 1. Historique de la culture constructive en terre crue dans le monde. 2. L’utilisation de la terre crue en France. 3. Les enjeux entre l’Homme et la Terre.

I/ Quelles sont les techniques et leurs applications ? A/ Les caractéristiques des matériaux en terre. 1. Qu’est-ce que la terre ? 2. Les études menées sur la terre.

B/ Les principales techniques présentes en France. 1. La bauge. 2. Le torchis. 3. L’adobe. 4. Le pisé.

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II/ Quelle est la situation actuelle de la filière terre crue et qui en sont les acteurs? A/

Les

améliorations

que

nous

pouvons

apporter. 1. Regain des techniques traditionnelles 2. Les innovations récentes.

B/ Les acteurs de la filière terre. 1. Les usagers. 2. Les entrepreneurs. 3. Les architectes. 4. Les associations importantes et le pouvoir public.

C/ Les freins au développement. 1. La réglementation. 2. Les situations de monopole. 3. Les enjeux économiques.

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Conclusion. -

La volonté de changer nos modes de vie et d’être en accord avec notre planète.

-

La remise en cause des techniques modernes.

-

L’apport pour l’architecture, l’architecte et le monde.

-

Besoin de renverser le cours des choses.

Bibliographie

Annexes -

Chronologie d’un mouvement mondial pour l’écologie et ses limites.

-

Exemples de bâtiments modernes en terre crue dans le monde.

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Introduction 1. Historique de la culture constructive en terre crue dans le monde. Bien avant que l’homme soit l’homme, nous avons toujours eu besoin d’assouvir des besoins au même titre que n’importe quel animal à savoir se nourrir, se reproduire et s’abriter. Mais contrairement aux autres êtres vivants, l’Homme s’est vu offert par l’évolution deux outils formidables avec lesquels il pourra survivre, se développer et se retrouver au sommet de tous les êtres vivants sur Terre : un cerveau complexe permettant de réfléchir, d’apprendre et de transmettre, et d’une main dotée d’un pouce permettant de saisir, maintenir et créer. Ainsi, l’Homme a du faire comme les autres êtres vivants, observer ce qui l’entourait et utiliser ses capacités particulières pour survivre ce qu’il a fait en creusant, en coupant, en construisant avec la nature. Les premiers habitats étaient des grottes, creusées naturellement dans la roche ne permettant aux premiers hommes que de laisser leurs empreintes. Ils voyageaient en fonction des saisons et devaient alors tâcher de façonner leur habitat avec des bouts de bois, des peaux, de la roche et de la terre de façon rudimentaire. Puis l’Homme a commencé à se sédentariser notamment grâce à la culture agricole et l’élevage des bêtes. Il s’est regroupé autour de petites communautés, construit de petits villages qui avec le temps et l’accroissement de la population tendaient à se développer fortement. La terre a toujours été l’un des principaux matériaux de construction et cela à

Figure 2 La tour de Babel vue par Pieter Bruegel l'Ancien au XVIe siècle

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travers le monde, l’homme utilisait ce qu’il trouvait le plus facilement à savoir ce sur quoi il marchait pour commencer. Ainsi dès l’antiquité des villes entières surgirent de terre que ce soit en Mésopotamie avec l’exemple de Jéricho, bâtie il y a presque 10 000 ans ou de la tour de Babel qui était entièrement réalisée en terre, comportant 7 étages et qui aurait culminé jusqu’à 90 mètres de haut. Cette tour désignait le centre de la mythique ville de Babylone, elle aussi entièrement élevée en terre. Cette région du monde a été un point de départ très important dans l’Histoire (comme l’apparition de la domestication des bêtes et des plantes il y a plus de 7 000 ans) concernant l’utilisation de la terre pour la vie des hommes, fabrication de poterie, apparition des premières briques et traces des premières écritures gravées sur des plaques de terre. C’est donc ce lien avec ces hommes et la terre qui a permis les cultures constructives en terre les plus élaborées elle en a été l’une des sources les plus importantes qui ont influencé les plus grandes puissances comme l’Egypte, le bassin méditerranéen, le nord de l’Afrique ou encore l’Asie dont l’une des réalisations les plus emblématiques reste la Grande Muraille de Chine. L’histoire de la terre aura aussi été bien longtemps masquée par d’autres matériaux plus nobles comme le bois ou la pierre puis par les matériaux modernes mais l’utilisation de la terre a servi à construire de tout petits villages isolés, de grandes villes comme la ville de Sanaa au Yémen, l’érection de grands monuments ou de somptueux palais comme le Palais El Badi à Marrakech ou encore pour des systèmes de défense comme en témoigne le mur d’enceinte de la ville de Tiznit au Maroc qui fut le dernier construit en terre de l’ère moderne (1885). Mais il existe bien évidement plusieurs autres foyers concernant l’utilisation de terre pour l’habitat des hommes comme en Asie, en Afrique subsaharienne avec les dogons (pour ne citer que ce peuple), dans la cordillère des Andes avec les Incas ou en Amérique centrale avec les Toltèques et en Amérique nord avec les indiens pueblos. Bien sûr les techniques ont voyagées avec les déplacements de l’homme mais l’on retrouve des techniques similaires entre plusieurs régions sans qu’il y ait eu entre elles de quelconques échanges, preuve que l’Homme a utilisé de la même façon la terre pour vivre. Comme le précisent les

Figure 3 Carte sur la naissance et l'expansion des cultures constructives de la terre crue à travers le monde. D'après les cartes du Traité de Construction en terre, CRAterre, 1989

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auteurs du Traité de construction en Terre (CRAterre) dès les premières pages, plus d’un tiers de la population mondiale vit actuellement dans des constructions faites en terre « soit près de 1 500 000 000 d’êtres humains […] Pour les seuls pays en voie de développement, il s’agit de 50% de la population, majoritairement rurale et au moins 20% de la population urbaine et péri-urbaine.» Il est d’ailleurs précisé qu’il est possible que ces chiffres soient mêmes en deçà de la réalité… Avec le temps, l’utilisation de la terre associée avec des matériaux locaux naturels et minéraux s’est banalisée dans le monde. Les hommes se regroupaient un peu partout sur la terre créant ainsi d’innombrables villages dans les campagnes. Ainsi c’est en Europe que l’on retrouve le plus grand nombre de villages ayants été construits en terre, des pays du Nord comme la Suède ou le Danemark en passant par les pays pluvieux comme l’Angleterre, les côtes France ou l’Allemagne jusqu’aux pays plus secs, le sud de la France, l’Espagne, l’Italie ou la Grèce par exemple. Loin de la France il existe aussi des constructions spectaculaires utilisant la terre comme matériau de construction. Dans le Sud-Ouest de la province du Fujian en Chine du Sud existent de très importants logements collectifs édifiés entre le XIIème et le XXème siècle par le peuple Hakka et inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces bâtiments sont construits en terre battue et en bois et se déclinent en plusieurs formes ; parfois les maisons sont rondes, carrées, rectangulaires, demi-circulaires, ovales, pentagonales, de forme des Huit Trigrammes etc… Mais le principe de ces maisons de terre dites « Tulou » reste le même : une seule entrée principale menant à une grande cour centrale avec un puits commun en son centre ou des bâtiments/marché. Cette organisation spatiale avait pour but premier de se défendre des attaques de bandits et des attaques des armées chinoises qui opprimèrent ce peuple pendant longtemps. Les murs mesurent en général 1.5 mètre d’épaisseur et montent sur trois ou quatre étages (les plus grandes maisons montent jusqu’à 20mètres et ont un diamètre pouvant atteindre 77 mètres !). L’organisation d’une maison type est verticale, au rez-de-chaussée se trouvent l’entrée, la salle à manger et la cuisine, à l’étage se trouvent les chambres à coucher et dans le dernier étage se trouvent les réserves (outils agricoles et récoltes). Ce qui est intéressant à noter est que ces murs de terre battue sont courbes grâces à des techniques très élaborées alors qu’en Europe la technique du pisé ne permettait pas de faire autrement que des angles droits.

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1

Source : http://chine-insolite.blogspot.fr

9


Figure 5 Maisons Hakka. Source: www.chine-informations.com

Figure 4 Coupe d'une maison circulaire Hakka. Source: http://camillenchine.canalblog.com/archives/2006/10/07/2843129.html

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2. L’utilisation de la terre crue en France. La France n’a donc pas échappé à l’utilisation de la terre crue pour la construction des bâtiments, selon Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL on dénombre quatre techniques principales dans notre pays mais avec des localisations différentes selon les conditions climatiques, les influences mais aussi les types de matériaux disponibles, à savoir le torchis, le pisé, l’adobe et la bauge. Ces techniques proviennent d’un brassage culturel important qui s’est produit tout au long de l’histoire et partout en Europe notamment grâce aux guerres, échanges commerciaux et culturels. Ainsi durant la période de la Gaule, les celtes construisaient leurs maisons avec du bois, du torchis et de la bauge tandis que le long des côtes méditerranéennes, influencés par les importantes civilisations présentes alors comme les carthaginois2, les gaulois utilisaient les briques de terre crue et la technique du pisé. C’est jusqu’à la conquête de la Gaule par les Romains que ces techniques de la terres étaient le plus couramment utilisées puis remplacés par l’utilisation de la brique en terre crue et des premiers ciments qu’avaient mis au points les Romains, très en avance dans l’utilisation de matériaux de constructions pour leur époques. C’est durant la longue période du Moyen-Age que les habitants se sont remis peu à peu à utiliser la terre et le bois pour construire (il faut rappeler que les premiers châteaux forts n’étaient pas en pierre mais en bois consolidés par des éléments en terre), ces techniques étant très peu onéreuses, avec des matériaux très disponibles et faciles

d’utilisation.

« C’est

techniques

furent prédominantes jusqu’au bas MoyenAge lorsque l’art achevé de la charpenterie introduisit le colombage à bois court hourdé de torchis ou de briques » Traité de construction en Terre. Mais il est à noter un retour progressif aux techniques de la terre crue à partir du XVIIIème jusqu’au XIXème siècle à travers l’Europe et en France surtout dans les régions rurales. De nombreux acteurs comme, et pour ne citer les plus connus, François Cointreaux ou L’Abbé Rozier, firent la promotion du « bien construire » à l’époque des lumières pour essayer d’améliorer les conditions de vie

misérables

françaises

2

dans

grâce

à

les des

campagnes ouvrages

Figure 6 « Pisai, Terre battue entre deux planches, au moyen de laquelle on construit les murs des maisons » (d’après l’Abbé Rozier 1793 : t. VII p. 659)

Source : http://jeanphilippepernin.net/

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regroupant le savoir technique, notamment du pisé, avec les techniques et améliorations de l’époque. François Cointreaux (1740-1830, professeur à l’école d’architecture rurale) fut tout de même le principal acteur de cette vulgarisation de la technique constructive du pisé qui permettait de concevoir des habitats solides, durables, économiques, gardant la fraicheur l’été, la chaleur l’hiver et donc très sains pour les usagers.

Figures 7 Pages de couverture et illustration extraite de l'ouvrage de François Cointreaux (179091) Lien de téléchargement gratuit en fin de mémoire

François Cointreaux aura réalisé un peu plus de 70 petits fascicules comme celui-ci, furent traduits dans de très nombreuses langues et exportés dans toute l’Europe mais aussi aux Etats Unis ou encore en Australie participant ainsi au partage et à la diffusion des connaissance de façon importante. Ainsi la construction en terre perdure en France pendant très longtemps surtout en province et dans les régions rurales jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale qui occasionnera de très lourdes destructions dans les grandes villes mais aussi dans les campagnes. Il est intéressant de noter qu’après la guerre il y a deux tendances qui apparaissent en Allemagne et en France. En France il est question de reconstruire rapidement et de reloger les personnes, on s’est focalisé sur des procédés de construction modernes avec des matériaux industrialisés ce qui débouchera par la suite à des villes comme le Havre ou à la construction massive de tours et de barres partout sur le territoire (et les problèmes que nous connaissons de nos jours). Outre Rhin la tendance était au départ tout autre. Connaissant elle aussi des destructions importantes voir plus importantes que sa voisine, l’Allemagne se retrouve sans ressources à la sortie de la guerre, sans argent et dans une situation de crise sans précédent dans l’histoire du pays. Les matériaux industriels n’étaient pas disponibles partout, coutaient très chers et la demande de rebâtir et de reloger était cruciale pour bon nombre de populations sinistrées. Les Allemands, du moins ceux ruraux, se sont alors retournées vers les constructions en terre crue du fait qu’elles sont les plus abordables, les plus simple et remplies de qualités et notamment celle du terre paille qui fut 12


légalisée dès 1944 (signe avant-coureur d’un avenir peu glorieux pour l’Allemagne d’Hitler). Cette technique fut alors beaucoup utilisée, étudiée, améliorée et diffusée aux Pays-Bas et en Belgique. Mais alors que la Guerre Froide était d’actualité, L’Allemagne fut autorisée de nouveau à rependre des activités et des techniques consommatrices d’énergie ce qui a eu pour conséquence de remettre en parenthèse la technique du Terre-Paille au profit des 3

matériaux industriels . Mais depuis 1988 les institutions fédérales encouragent l’utilisation du terre-paille ce qui lui a donné une forte impulsion chez ses voisins, hormis la France. La France ne reconnaît toujours pas cette technique constructive alors qu’elle l’est depuis près de 50 ans en Allemagne. Cependant il existe certains acteurs qui tentent de faire connaitre et vulgariser cette technique dans notre pays, mais ils sont très minoritaires et peu supportés. Pourtant, selon les sources de CRAterre, le patrimoine national de la terre crue représente de nos jours 15% des habitations, elles sont toujours utilisées sans pour autant que leurs usagers n’aient de conditions moins bonnes que ceux qui vivent dans des maisons phénix ou des HLM, au contraire.

3. Les enjeux entre l’Homme et la Terre. L’enjeu est donc de remettre en place un certaine concurrence entre des techniques qu’on pourrait qualifier de rudimentaires mais qui ont permis de réaliser tout au long de notre Histoire de nombreux ouvrages dont certains sont toujours présents et en bon état vis-à-vis de techniques modernes certes peu onéreuses car industrialisées mais au combien polluantes, utilisant d’importantes ressources énergétiques et en grande quantité ou encore des matériaux dangereux pour la santé de usagers (laines isolantes causant des cas de cancer, peintures au plomb entrainant des cas de saturnisme ou tout autre contact soit par les ouvriers ou les usagers ayant des conséquences graves sur la santé). Face au monopole qui s’exerce autour de l’industrie du bâtiment il est important de mettre en valeur et de promouvoir des alternatives qui comme la terre crue, ont prouvé leur efficacité : matériaux disponibles et simples, faible impact environnemental, très bonne efficacité thermique et amélioration de la qualité de vie tout en prenant en compte le fait qu’il est possible d’adapter ces techniques facilement avec celles utilisées actuellement. Le fait de réaliser un travail de vulgarisation sur ces techniques participe grandement à la solution du problème majeur, le coût encore parfois élevé de ces ouvrages car trop peu encore utilisés.

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Source : Construire en terre-paille, Alain MARCOM, Editions terre vivante, 2011

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I/ Quelles sont les techniques et leurs applications A/ Les caractéristiques des matériaux en terre. 1. Qu’est-ce que la terre ? Pour permettre l’utilisation de la terre comme matériau de construction brut ou la mise en place d’une procédure d’industrialisation pour les constructions et la fabrication de pièces préformées. En effet on n’utilise pas n’importe quel type de terre avec n’importe quelle technique, il est donc important d’analyser et de classer les types de terre selon leur composition, en effet il n’existe pas un type de terre mais une quantité illimitée avec des compositions très différentes. Cependant les terres possèdent les mêmes composants à savoir de l’air, de l’azote

et

du

gaz

carbonique,

des

composants liquides comme l’eau et autres

Figure 8 image tirée du Manuel pour le développement de la pisciculture à Madagascar

petits corps solubles, des composants organiques comme des végétaux, des animaux, des insectes, des algues, des déjections et autres matières en décomposition mais aussi des constituants minéraux issus de roches terrestres et de sous-sols transportés grâce à l’air, l’eau ou par mouvement de sols… Etant constitués d’éléments divers, la terre se trouve naturellement sous différentes formes qui ont été répertoriées dans 5 catégories : -

La terre Organique : tourbe, terreau

-

La terre Graveleuse : composé de petites roches, cailloux

-

La terre Sableuse : avec une prédominance de sables

-

La terre Silteuse : avec une prédominance de limon

-

La terre argileuse : avec une prédominance d’argile.

La terre est également classée selon ses différents états hydriques, c’est-à-dire visà-vis de sa teneur en eau qui permet de lui donner des particularités très différentes. Ces états sont répertoriés en 12 catégories que voici :

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-

Le conglomérat compact : agglomération monolithique de matériaux grossiers ; terre compacte et lourde difficile à découper.

-

Le conglomérat friable : agglomération de matériaux friables ou décomposés facile à découper incluant la tourbe et les mottes de gazon.

-

La concrétion solide : terre complètement sèche en gros morceaux ou en mottes solides

-

La concrétion friable : terre complètement sèche sous forme pulvérisée.

-

Terre peu humide : terre dont l’humidité naturelle est peu élevée (4-10%), sensation tactile sèche.

-

Terre humide : terre dont le toucher donne une sensation d’humidité réelle (818%) mais qui ne peux pas être façonnée par manque de plasticité.

-

Pâte ferme : une forte pression des doigts est nécessaire pour former une boule de terre (teneur en humidité de 15-25%). La boule formée ne se déforme presque pas lancée depuis 1 mètre de haut

-

Pâte mi-ferme : une légère pression des doigts permet de former une boule de terre (teneur en humidité de 15-30%). lancée depuis 1 mètre de haut la boule n’affaisse légèrement sans se désagréger.

-

Pâte mi-molle : facile de former une boule de terre (teneur en humidité de 1530%), ne sali pas les mains et n’est pas collante. Lancée depuis 1 mètre de haut la boule n’affaisse sans se désagréger.

-

Pâte molle : très difficile voire impossible de former une boule de terre (teneur en humidité de 20-35%), très collante et salissante.

-

Boue : terre détrempée d’eau, masse visqueuse plus ou moins liquide.

-

Barbotine : terre argileuse totalement dispersée dans l’eau

La limite de l’état plastique, modelable à la main se situe entre l’état de pâte ferme et mi-ferme, la limite de l’état liquide se situe entre l’état de pâte molle et de boue.

4

2. Les études menées sur la terre. Par la suite il existe deux méthodes pour tester la terre, celle que l’on pratique sur de terrain avec des méthodes simples mais qui ne permet pas d’avoir des informations très précises et les tests pratiqués en laboratoire, plus

poussés

mais

aussi

plus

coûteux.

L’examen d’une terre se fait dans le premier cas visuellement, à l’odeur, au toucher ou même en Figure 9 image tirée du Manuel pour le développement de la pisciculture à Madagascar 4

Sources : Traité de Construction en terre, CRAterre, 2006

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la plaçant dans la bouche. On peut également tester son adhérence en formant une boule qu’on plante sur un couteau, tester le retrait de la terre grâce au test d’Alcock ou bien en procédant à une sédimentation. Cette dernière méthode est simple à réaliser et permet de connaitre facilement la composition de la terre prélevée. L’illustration précédente permet de comprendre ce procédé, on place de la terre dans un bocal, on y ajoute de l’eau puis on remue bien le tout pour laisser reposer le mélange ; les corps les plus lourds tombent au fond du bocal et les plus légers se déposent les uns sur les autres. Cela permet entre autre de voir si l’échantillon prélevé se compose de nombreux corps lourds et de mettre en évidence la présence d’argile, de limon ou de sable de manière assez précise.

Les analyses et autres tests réalisés en laboratoire permettent de mieux comprendre la constitution du matériau terre et ses réactions mais le principal but est de recueillir assez d’informations pour pouvoir par la suite le comparer avec d’autres matériaux et mettre en avant ses avantages et désavantages notamment concernant l’isolation, la résistance en compression, la résistance hydrique, la résistance au feu ou encore la résistance aux tremblements de terre. Voici un tableau comparatif de différents matériaux de construction vis-à-vis de leur capacité isolante mais aussi de leur énergie grise. Ces documents sont tirés des analyses du site http://solaire2000.pagesperso-orange.fr dont l’auteur est consultant en énergies qui a recueilli diverses informations sur les matériaux pour les comparer.

Epaisseur équivalente en cm pour R* = 2** Energie grise** *en kWh/m³ *R = Résistance thermique globale d'une paroi, se mesure en m²°C/W **en zone H1 (qui représente environ la moitié de la France), l'obtention du label Promotelec pour le chauffage électrique recommande pour les murs des valeurs de R comprises entre 2,15 m².°C/W à 4 m².°C/W. (plus la valeur du R est élevée, meilleure est l'isolation) *** « L’énergie grise est la quantité d'énergie nécessaire au cycle de vie d'un matériau ou d'un produit : la production, l'extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l'utilisation, l'entretien et à la fin le recyclage. Chacune de ces étapes nécessite de l'énergie, qu'elle soit humaine, animale, électrique, thermique ou autre. En cumulant l'ensemble des énergies consommées sur l'ensemble du cycle de vie, on peut prendre la mesure du besoin énergétique d'un matériau ou d'un produit. Cette connaissance peut guider ou renseigner les choix notamment en vue de réduire l'impact environnemental. 5 »

Les cases vertes représentent des matériaux nouveaux ou remis d’actualité. 5

Sources : Wikipédia

16


épaisseur énergie grise en cm

kWh/m³

2,2

++

Polyuréthane

6

1 000

Polystyrène extrudé

7

850

Laine de roche

8

150

Laine de verre

8

250

Laine de mouton

9

55

Polystyrène expansé

9

450

Paille

12

-

Argile expansée

20

250

Torchis léger d=0,3

20

-

Bois léger d=0,5

24

180

Panneau de particules d=0,6

28

2 000

Brique monomur d=0,8 / 0,9

32

675

Neige (non tassée d=0,2)

32

-

Béton cellulaire d=0,4 / 0,5

34

300

Bois lourd d=0,8

46

-

Torchis dense d=1,4

94

30

Brique en terre crue d=1,8

220

110

Vitrage à isolation renforcée (VIR) / triple vitrage

17


Briques pleines d=1,9

220

1 200

Parpaings creux 20x20x50 d=1,0

220

410

Béton 350 kg/m³ d=2,2

360

900

Granite d=2,7

700

-

A noter que la valeur de l'énergie grise est absente pour quelques matériaux, ce qui ne signifie pas qu'elle soit nulle. Elle doit même vraisemblablement être importante pour l'isolant sous vide, le triple vitrage, l'isolant mince, et le béton de pouzzolane. La lecture de ce tableau nous permet de dégager certaines informations

importantes

concernant les matériaux. Tout d’abord il faut noter que le tableau s’organise selon l’épaisse de plus en plus grande du matériau utilisé afin

d’obtenir

une

résistance

thermique de 2. Nous pouvons constater

que

figurent

nombreux

matériaux

de

naturels

ayant de très bonnes qualités thermiques comme par exemple les torchis léger et dense, l’argile expansée ou encore la brique en terre

crue.

d’isolations

Ces sont

résultats liés

avec

l’énergie grise qui démontre que ces matériaux consomment moins d’énergie

dans

leur

vie

que

d’autres matériaux peut-être plus isolants comme le Polyuréthane et son score de 1000 kWh/m³. Il est

Figure 10 Graphique sur la résistance à la compression des matériaux, Traité de Construction en terre, intéressant CRAterre, 1989

de réaliser un petit

classement entre les matériaux. On

trouve en haut des matériaux industriels très isolants dans un premier temps, puis des matériaux organiques dans un second temps avec des caractéristiques très équilibrées et 18


dans un troisième temps des matériaux principalement minéraux et/ou produits de façon industrielle qui obtiennent des résultats plus mitigés en raison de l’épaisseur nécessaire pour atteindre R=2 ou encore leur énergie grise propre. La résistance à la compression est un facteur très important dans le domaine de la construction. On pourrait supposer que la terre résiste moins que d’autres matériaux comme le béton par exemple mais pourtant les études réalisées par CRAterre sont assez édifiantes. Dans le graphique ci-contre, on impose un coefficient de sécurité exprimé en bar de 24 minimums pour construire plusieurs étages. Des constructions en terre-paille sont idéales pour monter en R/R+1, les autres techniques utilisant la terre comme la terre crue, la terre extrudée ou les blocs comprimés sont compris entre 24 et un peu plus de 100 bar ce qui reviens à dire qu’elles peuvent être utilisées pour construire plusieurs niveaux. Les blocs comprimés en argile ou à la chaux étuvée démontrent des propriétés vraiment exceptionnelles et comparables aux matériaux modernes. D’après l’ouvrage de CRAterre, « La terre est capable de très hautes performances. Des études de l’I.C.A.M. de Lille montrent que des produits de terre stabilisée à la chaux traités à l’autoclave (250°) résistent à 900 bars à la compression. Avec un traitement à l’étuve sèche (350°) la résistance bondit jusqu’à 2 000 bars. » Une autre qualité très importante vis-à-vis de la terre et qui en est le principal ennemi est sa résistance à l’eau. En effet un mur en terre doit résister au phénomène d’érosion du aux intempéries mais aussi au gel/dégel ou encore aux remontées provenant du sol. Toujours selon l’ouvrage de CRAterre « les résultats obtenus en laboratoire ne concordent pas toujours avec ceux obtenus dans des conditions d’exploitation réelles. Ces résultats concernent des échantillons isolés et non des murs ou des constructions en grandeur réelle. » Par conséquent on peut dire que la résistance à l’eau est surtout un problème qui peut être résolu tout d’abord par la maitrise des techniques adéquates et aussi à l’entretien. Ainsi pour protéger un mur de l’eau et le faire durer longtemps dans le temps avec n’importe quelle condition climatique il faut trois protections : un soubassement qui permet de protéger la terre des remontées capillaires naturelles, une couverture pour prévenir le mur d’éventuels écoulements sur sa hauteur qui pourrait attaquer le matériau et enfin un enduit extérieur poreux, comme la chaux par exemple, permettant de laisser transpirer le mur tout en bloquant l’eau extérieure. Concernant sa résistance au feu, la terre possède des propriétés excellentes qui lui permettent de ne pas brûler voir même se solidifier quand les températures sont importantes.

19


B/ Les principales techniques présentes en France. Il existe de très nombreuses techniques constructives utilisant la terre crue comme matériau à travers le monde. Ces techniques ont été répertoriées et classées par catégories par les chercheurs de CRAterre dans l’illustration ci-après.

Figure 11 Panel des techniques de la terre crue d'après : Traité de Construction en terre, CRAterre, 1989

La France a connu, de par son histoire guerrière et marchande avec ses voisins, de nombreux échanges culturels dont certains concernent des techniques constructives. Ainsi nous pouvons retrouver selon les régions des influences, des méthodes et des réinterprétations très différentes même si elles sont basées sur des principes similaires connus et répandus. Il existe quatre techniques principales et historiques en France utilisant la terre crue comme matériaux de construction qui sont représentées en vert foncé sur le dessin précédent à savoir la bauge qui est représentée par la bauge sur poteaux, le torchis qui est représenté par la terre garnissante, l’adobe qui est représentée par l’adobe manuel et le pisé représenté par la terre comprimée . Ces techniques sont très localisées, on ne les 20


trouve pas dans toutes les régions françaises et ne sont pas mises en œuvre de la même façon par les artisans. L’utilisation de la terre crue dans les zones rurales est restée très courante jusqu’à la seconde guerre mondiale, ainsi la France possède un patrimoine très intéressant qui va être détaillé ci-après.

1. La bauge.

La technique de la bauge est la méthode de construction en terre crue présente en France la plus rudimentaire (et la moins modernisée) dans la mesure où elle ne nécessite que très peu d’outils pour être mise en œuvre. On la retrouve dans plusieurs régions

françaises

(voir

carte

ci-

contre) mais reste très majoritaire dans les régions situées à proximité de la Manche, là où la pierre était rare et chère. Un certain nombre de ces Figure 12 Régions majoritaires dans l'utilisation de la bauge, d'après : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

constructions ont été détruites lors des bombardements alliés mais il subsiste toujours quelques fermes ou maisons,

transformées en écomusée comme en Bretagne ou réhabilitées. On distingue également plusieurs types de maisons en bauge, les Bourrines qui sont typiques de la Vendée et qui se composent d’une toiture faite de roseaux des marais locaux ou encore les fermes dites acadiennes issues de familles originaires du Canada présentes en nombre dans le Haut Poitou et toujours habitées. C’est la méthode constructive la plus longue dans la mesure où l’on commence à construire au début du printemps jusqu’au début de l’hiver avec la pose de la toiture. De plus la maison n’est habitable que plusieurs mois après l’achèvement. La bauge permet

de

montrer

des

murs

monolithiques composés de boules de terres-fibres empilée les unes sur les autres à la main. Selon les hauteurs des murs leur largeur varie : pour une

Figure 13 Schéma sur la découpe de la bauge. Source : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

21


maison de plein pied il faut une épaisseur entre 50 et 60cm mais pour une maison à deux niveaux il faut des murs entre 70 et 80cm. La terre est directement prélevée sur le site, puis elle est étalée sur environs 20cm de haut et sur laquelle on dispose des fibres et de l’eau pour être ensuite malaxée énergiquement avec les pieds ou grâce à des animaux (cette technique nécessite de répéter de nombreuses fois ce procédé). La construction du mur se fait sur un soubassement en pierre, pour éviter les remontées capillaires, sur lequel on dépose la terre par levées de 60 à 90cm de hauteur, les débords sont tassés énergiquement à grand coup de trique. D’une manière générale 4 ouvriers peuvent réaliser en 6 jours une levée de 24 mètres de long qu’il faut laisser reposer plusieurs semaines avant de continuer avec la seconde levée. Entre chaque levée les débords sont coupés à l’aide d’un paroir (sorte de longue pelle aux bords affutés) afin d’avoir un mur droit. L’étape finale de la pose d’un enduit ne se fait qu’après une ou deux années après la fin des travaux.

2. Le torchis.

La technique du torchis est la plus rependue en France car elle est extrêmement

ancienne,

on

la

retrouve massivement présente en Alsace et en Lorraine mais aussi du Nord jusqu’à la région Lyonnaise et même

dans

les

pays

aquitains.

Contrairement aux autres méthodes constructives utilisant de la terre crue, le torchis est une technique qui consiste à remplir les vides autour d’une structure en bois avec des Figure 14 Régions majoritaires dans l'utilisation du torchis, d'après : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

mélanges de terre. Cette technique ne sert pas à réaliser de véritables murs porteurs mais qui a plus un rôle

de protection contre les intempéries, d’isolant thermique et phonique. Seule la structure en bois sert à monter l’édifice sur plusieurs étages et porter la toiture. Traditionnellement le torchis est réalisé à l’aide de seulement 3 outils, une fourche pour faire le mélange de la terre, les mains pour déposer le mélange aux endroits prévus et une truelle pour égaliser et lisser le tout. Le torchis fait partie des tout premiers matériaux composites de l’Histoire car il se compose d’une matrice (la terre) et de renforts (fibres naturelles et/animales). En effet le mélange idéal doit être relativement argileux auquel on ajoute des fibres afin de solidariser le tout lors de la phase de retrait et ainsi réduire et équilibrer la présence des fissures. Les colombes sont les pièces de bois qui forment la structure principale, leur épaisseur varie entre 10 et 15cm ce qui représente l’épaisseur 22


réelle du mur final. De plus fines pièces appelées écharpes sont placées en biais entre les colombes afin de servir de contreventements. Pour procéder au remplissage il existe 3 façons différentes qui sont décrites cidessous.

Figure 15 Les trois méthodes du torchis présentes en France. Source : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

La région Alsace, où l’on retrouve un nombre très important de maisons en torchis, a vu se développer une technique unique qui consiste à enrouler autour de barreaux verticaux nommés « torches » le mélange de terre. Une autre technique consiste à disposer les barreaux de façon horizontale et de remplir les vides directement. Enfin la troisième technique se fait sur un clayonnage en bois (entrecroisement de pièces en bois verticaux et horizontaux) sur lequel on dispose le mélange de terre. D’une manière générale le mélange de terre est appliqué sur l’une des faces pour obtenir une épaisseur d’un peu moins de 4cm, on attend une journée pour que le retrait se fasse et l’on répète l’opération sur l’autre face. Lorsque le mélange terre est posé, on égalise le tout à la truelle pour avoir une surface lisse et on procède à des stries à 45° sur la surface extérieure afin de permettre à l’enduit qui sera posé un ou deux mois après de bien s’accrocher.

23


3. L’adobe. La technique de l’adobe est majoritaire en France dans la mesure où elle est utilisée dans une grande majorité des cas en complément avec d’autres

techniques.

« adobe » toube »

Le

terme

viens

de

l’arabe

« al

(‫)ال طوب ى‬

qui

signifie

« la

terre » et qui représente des blocs de terre crue moulés et séchés qui une fois calpinés permettent de réaliser des murs porteurs de 30cm voir plus suivant les hauteurs souhaitées. La différence entre une brique d’adobe et Figure 16 Régions majoritaires dans l'utilisation de l’adobe, d'après : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

une brique de terre cuite réside dans le

fait

chauffée

que

cette

permet

dernière

étant

d’acquérir

des

caractéristiques de dureté et de longévité. C’est la production de plus en plus importante des briques de terre crue qui explique un certain délaissement pour les briques d’adobe. Hormis l’utilisation d’outils basiques comme des pelles, fourches ou brouettes, les maçons utilisent pour façonner leurs blocs de terre crue de simples cadres de bois, cette technique étant très facilement accessible même aux maçons les plus pauvres, permettant de réalisé un ou plusieurs blocs à la fois. La terre servant à la confection des blocs devaient être issue de sol argilo-sableux, la qualité du produit fini étant en lien direct avec la terre utilisée il n’était

pas

rare

que

les

meilleurs

sites

d’extraction se transmettaient de génération en génération.

Figure 17 Cadre en bois servant à créer des briques. Source : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

La terre extraite du sol est débarrassée de ses éléments végétaux puis hydratée jusqu’à obtenir une pâte proche de la boue puis laissée au repos 48h pour permettre une bonne homogénéisation du produit, ce procédé est répété plusieurs fois. Il est possible d’armer les blocs de terre en y ajoutant des fibres mais cela n’est pas toujours nécessaire si le sable et le gravier sont suffisamment présents car ils font également office de squelette (liant). Lorsque le mélange est prêt, on le lance avec force dans le moule afin d’en faire échapper les bulles d’air, on lisse la surface et on passe au bloc suivant. Les blocs sont posés sur chaque côtés deux fois par jour pendant trois jours et 24


seront utilisables au bout d’un mois, le temps que la structure soit complète et que l’eau se soit bien retirée. Il faut veiller cependant pendant cette période d’affinage que les blocs ne soient pas soumis à l’humidité, au gel, au vent (qui pourrait dessécher le bloc trop rapidement) ni trop au soleil (qui pourrait déformer le bloc). La mise en place des blocs de terre crue se fait sur un soubassement en pierre mais l’épaisseur du mur dépend du format du bloc et de son agencement (il existe une certaine variété de formes, de mises en place selon les régions). Pour lier les blocs entre eux, on utilise un mortier de terre ayant des grains plus fins ou un mélange sable/mortier de chaux. Les endroits les plus sollicités sont en règle générale composés de matériaux plus résistants tels que le bois, la brique de terre cuite ou la pierre (angles, jambages…).

4. Le pisé. Enfin la technique du pisé est l’une des techniques les plus connues en France et il n’est pas rare de trouver des maisons avec des murs à nus laissant apparaitre les traces des techniques utilisées. « Le pisé est un procédé d’après lequel on construit des maisons avec de la terre, sans la soutenir par aucune pièce de bois et sans la mélanger ni de paille ni de bourre. Il consiste à battre, lit par lit, entre des planches […]. Figure 18 Régions majoritaires dans l'utilisation du pisé, d'après : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

Ainsi battue elle se lie, prend de la consistance, et forme une matière homogène qui peut être élevée à

toutes les hauteurs données pour les habitations. » François Cointreaux, Ecole d’architecture rurale et économique, 1790. Les

murs

en

pisé

mesurent

généralement 50cm ce qui en fait de véritables murs porteurs permettant de réaliser des maisons a deux niveaux et dans certains cas en ville d’aller jusqu’à 4 étages. Les techniques les plus connues, répandues et toujours utilisées sont le pisé du Lyonnais ou celle du Bugey (toujours utilisé en Chine par exemple). Figure 19 Principe constructif du pisé traditionnel. Source : Terre crue, techniques de construction et de restauration de Bruno PIGNAL 2005

25


La fabrication d’un mur en pisé est relativement simple, il faut faire un coffrage composé de 2 planches de 4 mètres de long, y mettre de la terre et la tasser lit par lit et au maximum au moyen d’une dame (sorte de masse qui sert à frapper le sol), on trouve des dames de différentes tailles et formes selon les quantités de terre à damer ou les détails à réaliser. La constitution d’un mur se fait levée par levée (une levée est composée par plusieurs niveaux de l’ordre de quelques centimètres) en prenant soins de partir de la porte pour faire le tour de l’habitation tout en prenant en compte l’installation de coffrages pour les différentes ouvertures. Une fois une banchée (un morceau de mur pisé) réalisé on démonte le coffrage pour passer à la banchée suivante et continuer l’opération.

En France on distingue deux techniques qui ne sont jamais mixées, l’une dite « Lyonnaise » avec des raccords obliques entre chaque banchée et la seconde, dite « de Bugey », avec des raccords verticaux. Le fait de retirer à chaque opération le coffrage laisse des trous de boulins et permettent à vue d’œil d’identifier la technique utilisée pour le pisé. Ces trous de boulins, toujours en décalés, peuvent être laissés à nu pour permettre la circulation de l’air dans des bâtiments de stockage agricole par exemple sans pour autant

être

facteur

d’un

quelconque

affaiblissement structurel. Dans le cadre d’une habitation ils seront rebouchés par un mélange terre-paille ou par un mortier de chaux par exemple. La terre, contenant de l’argile, oblige le maçon à attendre un délai de quelques jours afin que la présence d’eau lors du pisage s’évapore lors du temps de séchage et que le mur puisse ainsi dégonfler. La pose d’une levée sur une qui n’aurait pas eu le temps de faire son retrait pourrait mener à un affaiblissement structurel. On applique

Figure 20 Rejet d'un enduit au ciment par un mur de pisé. Source : www.infoenergie69.org

au niveau des joints entre chaque banchée, levée ou tout autre raccord un cordon de mortier de chaux sur la face extérieure du mur qui permet de protéger les points sensibles de l’eau et de l’effet de l’érosion. La pose d’un enduit n’est pas toujours nécessaire mais reste une bonne protection pour le mur de pisé pour des raisons esthétiques, combler les trous, fissures et procéder à une isolation extérieure efficace. L’enduit doit être appliqué en deux ou trois couches en prenant soins de respecter le temps de séchage entre chaque couche; aussi, l’enduit ne doit ni être trop épais ni trop lourd au risque de se décoller du mur. Enfin il est capital que cet enduit soit perméable à la vapeur pour permettre l’évacuation naturelle de l’eau du mur, un enduit à la chaux est donc idéal. Parfois il arrive que des maçons n’ayant 26


aucunes connaissances des techniques constructives anciennes appliquent en enduit en ciment imperméable ; de l’eau stagne entre le mur et l’enduit, la terre se gonfle et fait éclater l’enduit pouvant ainsi remettre fortement en cause la structure du bâtiment. Enfin d’une manière générale, toutes les techniques citées précédemment ont donc pour principal ennemi l’eau. Dans tous les cas il est nécessaire pour le mur d’avoir de « bonnes bottes et un bon chapeau », de poser le mur en terre sur un soubassement minéral sur une certaine hauteur afin d’éviter toute remonté capillaire venant du sol qui pourrait endommager le mur mais aussi de protéger le mur de l’écoulement de la pluie pour éviter tout ruissèlement qui avec l’érosion creuserais la terre et causerais des dégâts structurels. Enfin le choix du type d’enduit est très important, il faut un enduit qui empêche la pluie de pénétrer mais qui laisse l’eau s’évaporer naturellement. Dans la grande majorité de cas de restauration de murs en terre crue, l’une de ses trois conditions n’a pas été respecté où alors leur rôle de protection a fait son temps et nécessite d’être refait.

27


II/ Quelle est la situation actuelle de la filière terre crue et qui en sont les acteurs? « Comment pouvons-nous aller du système de l'architecteconstructeur vers le système d’architecte autoconstructeur ? Un homme ne peut pas construire une maison, mais dix hommes peuvent construire dix maisons très facilement, même une centaine de maisons. Nous devons soumettre la technologie et la science à l'économie des pauvres et des sans argent. Nous devons ajouter le facteur esthétique. » — Hassan Fathy, Discours d'acceptation du prix Nobel alternatif, le 9 décembre 1982

A/ Les améliorations que nous pouvons apporter. Avec l’apparition de techniques industrielles, un très large panel d’outils mécaniques existent et sont disponibles pour travailler la terre tout au long de son processus de mise en forme. Il est ainsi possible d’utiliser des machines qui malaxent le sol, qui tamisent la terre ou qui la broient ce qui permet de préparer la terre de façon optimale avant de l’utiliser selon les techniques employées. Cela permet surtout d’économiser du temps, de la main d’œuvre, d’éviter un travail pénible physiquement et donc de faire des économies d’argent même si l’utilisation de telles machines a un coût variable et utilise bien souvent des énergies non renouvelables et polluantes. Il est important de noter que la plupart des constructions actuelles n’utilisent plus de pierres pour les soubassements mais des parpaings en béton car faciles à poser, très disponibles et ne coutant pas extrêmement cher. Ici on ne cherche pas forcément d’utiliser un matériau pour ses qualités écologiques ou autres, on cherche juste à faire un soubassement efficace afin de protéger le mur des remontées capillaires. Comme une construction en terre coute relativement cher de nos jours, l’utilisation de parpaings permet de faire des économies sur le cout total des travaux.

1. Regain des techniques traditionnelles. De nos jours la bauge n’a pas encore eu l’occasion d’être véritablement améliorée par des procédés modernes pouvant en particulier permettre de réaliser des constructions plus rapidement. Seules quelques initiatives de production artisanales de gros blocs de bauge qui sont ensuite posés à l’aide d’une grue ont permis de construire quelques édifices 28


notamment en Bretagne. Ces blocs sont composés d’un mélange de terre et de fibres végétales. Les blocs, doivent être appareillés comme des briques en terre crue et sont hourdés avec un mortier à base de terre crue. Le torchis n’a pas eu de véritable amélioration hormis le fait qu’il est possible de projeter de la terre sur la surface au moyen d’une pompe à forte pression pneumatique mais pour éviter toute obturation des tuyaux et un résultat satisfaisant il est nécessaire d’obtenir une terre qui ne soit pas trop boueuse. On se demande également si le torchis pourrait être utilisé d’une autre façon dans le bâtiment. En effet le torchis ne permet pas de réaliser de murs porteurs, c’est un élément relativement fin qui possède d’excellentes propriétés parasismiques et acoustiques, meilleures que le béton qui est transmetteur de bruit et de vibrations ce qui pourrait pousser à réaliser des panneaux de cloisons en torchis plutôt qu’autre chose. De plus un élément en torchis possède des qualités thermiques intéressantes qui, contrairement à des panneaux en polystyrène ou de la laine minérale qui ne sont pas recyclables, arrive à avoir des propriétés similaires voir meilleures et ne risquent pas de poser de problème de santé aux usagers. Des recherches sont en cours afin de démontrer scientifiquement les qualités à tout point de vue du torchis pour des cloisons ou des éléments isolants mais les grands fabricants ne semblent pas intéressés par le développement de cette filière au niveau de l’industrie. Cependant il est possible de réaliser de nos jours des panneaux préfabriqués en torchis pouvant être mis en place par de très petites entreprises ce qui bien sûr attire l’attention de plus en plus des filières écologiques.

6

2. Les innovations récentes. L’adobe est l’une des techniques qui a connu les plus importantes évolutions grâce à la mécanique mais aussi aux machines modernes. Elle a été grandement optimisée depuis 40 ans grâce au BTC (blocs de terre comprimés) qui est une approche quasi industrielle voir industrielle de l’adobe dans la mesure où grâce à ces machines il y a une standardisation des objets finis, une grande variété de type de briques mais surtout un accroissement de la productivité de l’ouvrier. Il existe un grand nombre de ces machines, certaines pouvant être utilisées manuellement par quelques opérateurs, d’autre de très grandes tailles permettant de réaliser à la chaine et grâce aux énergies modernes un nombre très élevé de briques en une journée. Sur les petits chantiers il est possible qu’une entreprise loue une presse manuelle comme, par exemple et n’en citer qu’une, une Presse Altech Geo 50 qui permet de réaliser au moins 300 briques par jour (soit près de 2 100 briques pendant 7 jours) avec des dimensions de 29,5 x 14 x 9 cm et d’un poids d’environ 8 kg.

6

Source : article Journal DNA Région Alsace Dimanche 19 Février 2012, page 17

29


Figure 21 Mode d'emploi d'une presse manuelle Altech Geo 50. Source empreinte.asso.fr

Il existe aussi d’autres types de machines, plus grandes, avec un rendement d’usine, mécaniques ou hydrauliques dont certaines intègrent des systèmes de dosage et autre dispositifs de traitement de la terre. Cependant contrairement aux presses manuelles elles nécessitent de grosses ressources énergétiques (finalement l’impact écologique n’est pas nul) et sont nettement moins abordables pour les entreprises. La technique du BTC est donc la seule véritable technique industrielle permettant de créer des objets soumis à des contrôles de qualités, répondre à des critères bien spécifiques selon les normes en vigueur tout en permettant d’offrir un choix très varié de briques, de formes et de types d’assemblage. Cela dit le BTC n’est pas abordable encore à tous et essaye toujours de trouver sa place sur le marché très concurrentiel des matériaux de construction. Enfin concernant la technique du pisé elle a été grandement améliorée également grâce à des machines modernes ce qui permet surtout de faire des économies étant donné que la main d’œuvre coûte plus cher de nos jours que les machines. Si on considère qu’il est possible d’utiliser tout moyen mécanique pour réaliser un mur en pisé on peut utiliser dans un premier temps des machines pour extraire, malaxer ou tamiser la terre ce qui permet de manière efficace d’obtenir une qualité de terre homogène, très important pour le pisé. Ainsi un simple motoculteur ordinaire permet de gagner du temps et ne nécessite qu’une personne à la manœuvre. Ensuite il existe de nos jours un large panel de techniques de coffrage comme par exemple des coffrages avec de grands panneaux en aggloméré ou contreplaqué (qui permettent même de faire apparaitre une « fleur de pisé » (petite couche extérieure) de très bonne qualité ou en utilisant des coffrages à béton qui permettent de 30


réaliser des murs réellement monolithiques

(sans

plusieurs couches) avec des levée de 2m50. La bauge était la seule technique qui permettait de réaliser des murs courbes car elle ne nécessitait pas de coffrages, de nos jours il est possible de réaliser des coffrages courbes pour la technique du

pisé

grâce

à

des

systèmes articulés. Enfin la technique de damage de la terre à également évolué grâce à deux principes, la

Figure 22 Illustration montrant l'utilisation d'un coffrage moderne et d'un fouloir pneumatique. Source: http://pise-livradoisforez.org

compression par impact et la compression par vibration. Il est ainsi possible d’utiliser un fouloir pneumatique qui va impacter la terre et donc la compacter de façon optimale donnant des pisés d’excellente qualité. Sinon il existe aussi des plaques vibrantes, automatiques qui ne nécessitent pas d’action humaine directe dans la mesure où elles avancent dans le coffrage seules, ou des dames vibrantes mais qui sont par contre très lourdes et encombrantes. Cependant les techniques de vibrations sont déconseillées par les professionnels et ainsi les dames à impacts sont préconisées pour leur rapport poids/encombrement/résultat. Enfin il ne faut pas oublier de parler de la technique du terrepaille qui tend à se faire connaitre en France au fil du temps. Originaire de

l’Allemagne

et

grandement développée durant la période de la guerre technique

froide, allie

cette les

propriétés de la terre avec les qualités de la paille et la solidité d’une structure en bois. Cette

Figure 23 Schéma sur la terre-paille 1:on utilise la paille (il n'est pas nécessaire de la couper) 2:on fabrique de la barbotine 3:on ajoute la barbotine à la paille (séchage nécessaire) 4: on place le mélange dans le coffrage 5:on tasse 6:on continue ! Source : http://habiterre.free.fr

technique est la digne 31


héritière du torchis et du pisé (utilisation de coffrages et compactage du mélange). L’utilisation de terre est minoritaire comparée à l’utilisation de paille mais la terre, utilisée sous forme de barbotine lors du mélange avec la paille, sert de liant extrêmement efficace et naturel. Voici quelques données comparatives entre une maison réalisée en terre paille, une avec des techniques conventionnelles modernes et une autre avec des techniques industrielles dites vertes. Où R est la résistance thermique, plus R est élevé plus l’isolation est la meilleure :

7

Mur T-P de 30cm (masse volumique 260Kg/m²)

R=3,7

Mur Parpaing 20cm + laine de verre + placo-plâtre

R=3,3

Monomur brique de 37cm

R=2,9

Il existe également d’autres innovations plus techniques, faisant le lien entre la terre et les matériaux ou techniques modernes comme par exemple des bétons mis au point il y a très peu de temps composés en terre. Dans Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°295, un tableau comparatif a été établi entre la terre crue sèche (type béton en terre crue), le béton commun et le bois concernant leurs propriétés thermiques.

Matériau

Conductivité W/m.K

Densité Kg/m

3

Capacité thermique 3

Effusivité

Kj/m .K

En/Vs.m².K

Terre sèche

0.75

1500

1350

1,000

Béton Plein

1.6-2.1

2200-2400

2400-2640

1.960-2.350

Bois

0.13-0.2

400-800

960-2160

0.353-0.657

7

Données tirée de Construire en terre-paille, Alain MARCOM, Editions terre vivante, 2011

32


B/ Les acteurs de la filière terre. 1. Les usagers Les techniques constructives de la terre ont depuis toujours été valorisées par les personnes qui les pratiquaient ainsi que celles qui vivaient de ces constructions. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale ces techniques constructives en France ont été peu à peu mises de côté et le matériau terre a été connoté comme étant populaire et rural, un peu en contresens avec les prouesses modernes et leurs qualités qui ont été très largement vendues. Seules les personnes ayant vécu dans ce genre de constructions pouvaient en

connaitre

leurs

bénéfices

non

négligeables. La grande majorité des individus vivants de nos jours dans des maisons en terre crue connaissent les particularités de leurs maisons et comment les entretenir, soit elles les entretiennent elle-même soit elles font appel à des maçon professionnels. Une

maison

construite

en

terre

possède une durée de vie relativement longue

compte

tenu

du

matériau

Figure 24 maison en terre-paille tirée de l’ouvrage Construire en terre-paille, Alain MARCOM, Editions terre vivante, 2011

naturel qui la compose et nécessite un soin bien particulier afin de répondre aux désordres naturels auxquels elle est exposée s’il elle est légèrement endommagée notamment concernant sa certaine vulnérabilité à l’eau (infiltrations provoquées par un affaiblissement de l’enduit –s’il est présent- ou à cause de l’érosion) mais aussi face au temps (usure des matériaux, sollicitations diverses) ou aux animaux et autres insectes (termines, galeries creusées, nids). Bien souvent les propriétaires de ce genre de maisons sont donc très exigeants face aux interventions faites par des personnes extérieures qui ne connaissent pas forcément les réponses adéquates aux problèmes et appliquent les mauvais traitements pouvant causer dans le pire des cas à l’effondrement d’un mur voir de la maison. La conservation et la promotion de ces techniques pour éviter qu’elles ne tombent dans l’oubli sont surtout d’origine individuelle comme l’ont fait, pour ne citer qu’eux, François Cointreaux (1740-1850) ou Hassan Fathy (1900-1989) permettant ainsi de participer à la vulgarisation sur le sujet qui amènera de nos jours à la création de très nombreux ouvrages, articles ou travaux. Mais ce travail de préservation vient aussi d’individus sensibles à la préservation d’un certain savoir-faire ou ayant la volonté de vivre de manière alternative face 33


aux méthodes constructives modernes souhaitent d’elles même construire leurs maisons car en effet, les techniques constructives en terre crue, sont dans la plupart des cas des méthodes d’auto-construction, participatives dans la mesure où elles permettent de réunir plusieurs individus à réaliser un projet. Ce type de constructions bénéficie donc d’un regain d’intérêt non négligeable de la part d’une part de la population. Dans l’ouvrage Construire en terre-paille de Alain MARCOM nous pouvons retrouver quelques témoignages de personnes ayant fait le choix de vivre dans des maisons en matériaux naturels. En voici quelques extraits révélateurs. Chantal & Jean-Pierre Serres : « Après l’achat en 2005 d’une magnifique parcelle plein Sud, sur une colline à l’entrée de l’Ariège […] et nous optons rapidement pour une ossature bois avec remplissage terrepaille.[…] Cela fait maintenant deux ans que nous expérimentons cette maison et le résultat correspond tout à fait à l’idée d’une maison écologique que nous avions imaginée depuis tant d’années. C’est une maison ou il fait absolument bon vivre ! En hiver, la sensation d’être vraiment isolé du froid est évidente. Apres absence, sans chauffage, la maison n’a jamais été en dessous de 15°C, et pour gagner les quelques degrés de confort le poêle de masse répond aux besoins en 2 à 3 heures. […] Les pièces ç l’étage sont stables en température, aux alentours de 18 à 19° pendant tout l’hiver. L’isolation de la toiture est constituée de 25cm de paille en vrac tassée entre deux planchers jointifs. Quand il neige, celle-ci reste bien uniformément sur les tuiles pendant plusieurs jours. […] Pour conclure sur le terrepaille, c’est un bilan très positif que nous exprimons sans retenue… » A.Beaudéant et C.Levilain : « Vivre dans une maison en terre-paille, c’est retrouver le lien avec les éléments. Les murs sont respirants tout en faisant office de « tampon », ils temporisent les contrastes entre rudesse et douceur du temps. Les quatre saisons défilent et les variations de température extérieures n’ébranlent pas le confort des 80m² intérieurs. Solaire passif agrémenté de 2 stères de bois, et l’hiver prend un ai de demi-saison. […] L’été n’ébranle pas plus cette drôle de maison ! Les ouvertures étant protégées des rayons de soleil plein sud, entrez encore à l’intérieur et de nouveau une sensation agréable vous enveloppe, mais de fraicheur cette fois-ci… […] Tout ceci n’est pas une promotion pour ce type d’habitat bioclimatique mais bien notre vécu au quotidien… […] La terre, la paille, le bois sont des matériaux naturels locaux connus depuis si longtemps… […] Je rajouterais que le cout de cet ouvrage est essentiellement destiné à payer la main-d’œuvre, les matériaux locaux représentant une faible part du budget total. Maçons, maçonnes, charpentiers travaillants avec leurs mains, rarement prises par des outils gourmands en énergie […] comme au bon vieux temps. Quel plaisir de choisir d’utiliser son argent pour le l’humain, pour des artisans, du savoir-faire si vivant et ayant su nous associer à l’élaboration du projet, interpellant notre regarde, notre intégrité, et nous permettant ainsi de nous investir concrètement et consciemment dans ce beau projet de construction. » 34


Sur un forum dédié à l’habitat eco-responsable et en particulier sur la terre crue j’ai pu lire un commentaire extrêmement pertinent de la part d’un internaute : « […] Il est évident que l’éco-responsabilité dans l’habitat interdit, c’est mon avis, l’utilisation de matériaux non-régionaux. Pourquoi s’acharner à […] vouloir du Douglas pour son architecture bois dans une région où ne poussent que mélèzes ou châtaigniers. La responsabilité, c’est encore mon avis, n’est pas uniquement limitée à la facture de chauffage. Penser global mais agir local, telle est la devise qui devrait servir de loi à une construction éco-responsable. Si j’évoque ceci, c’est que j’habite en Allemagne, haut-lieu de la construction écologique, mais où, à mon grand désarroi, on voit des produits sains parcourir des distances impressionnantes, avec tous les désagréments que cela comporte, pour se retrouver intégrés dans des habitations qui finalement se comportent en kystes dans leurs régions, en corps étrangers et dont le bilan écologique ne peut être positif que si l’on ignore volontairement l’aspect logistique. Cela dit, la terre est un des meilleurs matériaux de construction que je connaisse, facile dans ma région, il suffit d’utiliser celle qui provient des fondations, pour les enduits il faut bien y rajouter un peu de sable mais pour tout le reste, on peut l’utiliser telle quelle. À noter que c’est un excellent pare-feu, je peux en parler d’expérience. […] Thierry »

8

Il est facile de trouver sur internet des personnes tenant des blogs concernant leur expérience dans l’auto construction de maisons en terre crue avec de nombreuses photos. La plupart du temps ces chantiers font intervenir des professionnels mais également des bénévoles des quatre coins du monde ou des étudiants voulant s’essayer à des pratiques constructives anciennes. Au fil du temps et avec la communication qui est faite autour de ce sujet, de plus en plus de personnes se lancent dans ce genre d’entreprises extrêmement bénéfiques pour la nature, la qualité de vie mais aussi du point de vue social. Comme l’a précisé le dernier témoignage ces chantiers font intervenir beaucoup de personnes passionnées par ce qu’elles font, ces chantiers se déroulent parfaitement bien et les retours qui en ressortent permettent de vulgariser ces méthodes constructives.

2. Les entrepreneurs Le secteur de la construction de la terre crue intéresse donc de plus en plus les particuliers ainsi que les plus gros marchés ce qui est une aubaine pour les entrepreneurs qui cherchent à se démarquer des autres en proposant des produits ou des services répondant à une demande naissante mais grandissante et en pleine expansion. Ainsi un nombre croissant de petites entreprises spécialisées naissent et tendent à s’imposer sur un

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http://www.habitat-eco-responsable.fr/2010/02/construire-en-terre/

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marché qui est encore à exploiter et ne possédant pas de situation de monopoles détenus par de grandes multinationales. On distingue deux types d’entrepreneurs, ceux qui pratiquent des techniques traditionnelles pour les travaux de restauration permettant de conserver et transmettre un savoir faire dans les règles de l’art ; et il y a les entrepreneurs-innovateurs qui investissent dans la recherche de nouvelles techniques, machines ou produits pour s’imposer sur leurs secteurs. Ainsi un entrepreneur Haut-Normand, Alain Lefebvre, a développé grâce à trois années de recherches un béton nouvelle génération nommé Cematerre composé de terre

crue

stabilisée,

compressée

et

renforcée avec des fibres de lin (le lin étant une plante très disponible en France qui est le premier producteur mondial permettant de faire des fibres de plusieurs dizaines de centimètres

rigides,

légères

et

très

résistantes). Cematerre est en quelque sorte un mélange de la technique du pisé allié au procédé de vibration à l’aiguille hérité des techniques du béton. Cette technique étant six fois plus rapide en mise en œuvre au niveau du temps, permet de faire des économies non négligeables

tout

en

utilisant

des

Figure 25 Bâtiment en Cematerre, des fibres optiques sont dans le mur pour analyser des données pendant 10 ans. Source : Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°295

matériaux écologiques. Ces trois années de recherche ont également permis de faire des batteries de tests en laboratoire et ainsi faire en sorte que le produit final résiste à diverses contraintes comme la traction, la dilatation thermique ou encore au gel/dégel. Ce nouveau matériau est en continuel développement pour tenter un jour de s’imposer 9

sur le marché étant « une véritable alternative environnementale au béton traditionnel». Ce produit développe des propriétés isolantes thermiques et acoustiques très intéressantes capable de d’afficher des résultats trois fois supérieurs aux techniques actuelles. Ce matériau est actuellement en cours d’étude pour renforcer sa résistance mécanique qui nécessite certaines épaisseurs selon le nombre de niveaux souhaités. D’autres entreprises françaises comme Akterre proposent d’intégrer sur le mur des tuyaux faisant passer de l’eau chaude afin de servir de radiateur intégré puis recouvert d’un enduit en terre ou de panneaux en terre préfabriqués. Apres la pose du système chauffant

9

Source : Les Cahiers Techniques du Bâtiment, mars 2010, n°295, dossier sur la terre.

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on applique soit l’enduit à la truelle, soit en panneaux ou en projetant directement la terre. D’ailleurs cette entreprise fabrique également du pisé préfabriqué ou divers éléments comme des colonnes en pisé mais l’une de ses spécialités est la fabrication et la pose d’enduits spéciaux en terre ou en chaux. D’autres entreprises étrangères tendent à se développer dans la filière

de

la

terre, citer

notamment

on

Figure 27 Pose des tuyaux chauffants et pose d’un enduit en terre. Source : Claytech.

peut

l’entreprise

Claytech, d’origine Allemande, qui propose de très nombreux produits issus

de

la

terre.

En

effet,

l’Allemagne fait office de précurseur dans l’utilisation de la terre depuis la seconde guerre mondiale et les allemands ont été les premiers à mesurer l’intérêt de ce matériau et à l’adapter aux besoins

modernes

humains mais aussi au secteur de l’industrie. Claytech est connue et reconnue pour ses enduits en terre mais propose aussi l’installation de panneaux préfabriqués pour isoler

Figure 26 Schéma montrant les différents services de Claytech

les maisons, l’installation de murs chauffants ou la pose de pisé préfabriqué.

3. Les architectes Les techniques constructives en terre crue ont un très bon confort hygrothermique et certaines personnes cherchent à y intégrer d’autres techniques notamment chauffantes comme par exemple Martin Rauch, architecte autrichien, qui a mis au point une amélioration aux murs en pisé préfabriqués intégrant des espaces pour permettre la régulation de la ventilation et le passage de gaines. Le chauffage se fait naturellement grâce à un puits canadien qui est transmis pas la structure du mur dans toutes les pièces. Un bâtiment utilisant cette technique a été réalisé intégrant ces plaques de pisé non pas à l’extérieur mais à l’intérieur du bâtiment afin de profiter des bénéfices thermique et de ventilation dans le bâtiment. Martin Rauch fait partie d’ailleurs de ces architectes modernes qui se 37


spécialisent dans la création de bâtiments modernes utilisant de la terre crue. Il fait partie de ces architectes qui, opportunistes, se lancent dans un domaine encore trop peu médiatisé et où il est facile encore de s’imposer comme architecte

de

référence.

C’est

grâce

à

l’émergence de tels architectes et de leurs travaux que les maisons individuelles, bâtiments publics ou autres en terre pourront se faire connaitre par le grand public. Figure 28 Source : Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°295

Mais naturellement Martin

Rauch

n’est

pas le seul architecte dans le domaine de l’architecture en terre. L’architecte

Chilien

Marcelo Cortes s’est également spécialisé dans la construction en terre. Il a réalisé plusieurs

ouvrages

mêlant des matériaux industriels

comme

Figure 29 Casa Peñalolen de Marcelo Cortes Source : http://www.marcelocortes.cl

l’acier et le verre avec des matériaux non industrialisés. Il a notamment construit le Centre de l’Ecologie Appliquée à Santiago, le centre culturel Cité Jofré (en partie dédié à la terre crue) ou encore des habitations comme la Casa Peñalolen, subtil mélange torchis et de matériaux industriels. Anna Heringer, jeune architecte d’origine Allemande, s’est elle aussi spécialisée dans l’architecture de terre crue mais en s’imposant de n’utiliser aucun produit ou matériau issu de l’industrie. Elle a travaillé avec Martin Rauch sur un projet de centre écologique au Maroc mais depuis quelques temps elle s’est attachée à réaliser des projets au Bangladesh ou elle a notamment construit des maisons individuelles et des écoles avec les matériaux locaux et l’aide des habitants. Elle intègre dans ses projets en terre crue d’autres matériaux comme du bambou par exemple ce qui permet de travailler avec un matériau très abordable, très résistant et pouvant être adapté facilement selon les besoins.

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Les habitants sont très pauvres, leur revenu quotidien est inférieur à l’un de nos tickets de métro, ils n’ont pas l’argent pour construire de gros bâtiments mais ils sont nombreux et socialement soudés. C’est en exploitant cette force humaine et ses connaissance en architecture qu’elle est arrivée à faire construire des maisons et des écoles ou des dispensaires ô combien importants pour ces populations. Son travail permet d’instruire la population tout en la sensibilisant sur sa démarche « écologiquo-sociale », montrer que pour vivre (et mieux) il n’est pas nécessaire d’employer des produits chers et polluants.

Figure 30 Ecole construite par les habitants du village de Rudrapur au Bangladesh. (Sens de lecture comme une BD) Source : http://www.anna-heringer.com

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4. Les associations importantes et le pouvoir public Depuis un certain nombre d’année des associations œuvrent pour la conservation et la promotion des techniques constructives en terre crue. L’association CRAterre est la plus importante et la plus reconnue, fondée en 1979 à

l’école d’architecture de Grenoble (

toujours en partenariat avec cette école d’architecture) à l’initiative d’un groupe d’étudiants sensibles aux questions concernant la terre crue. De nos jours cette association connait un rayonnement mondial et permet de réunir des acteurs importants, des ingénieurs, des architectes, des anthropologues, archéologues ou sociologues de toutes les nationalités et tout un tas d’autres professions autour d’un but commun.

Figure 31 Photo de l'équipe de CRAterre Ensa-G

CRAterre s’organise autour de différentes branches dont une branche de recherche qui étudie le patrimoine national mais aussi surtout mondial et cherche à apporter des améliorations aux techniques connues grâce à des innovations. Une autre branche plus dans l’action mène des actions concrètes à travers le monde, participant à des projets de construction, interventions sur des bâtiments en terre existants ou suite à des séismes et autres catastrophes naturelles. CRAterre se concentre également autour de la diffusion, organisant des séminaires, expositions et autres évènements ouvert au public afin de faire connaitre leurs travaux et l’importance de la terre dans la construction mais aussi en publiant des articles et des ouvrages. Enfin la dernière branche et surement la plus importante dans leur démarche de partager leurs connaissances est dans l’éducation, il est possible d’y poursuivre un DSA (Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement) en architecture de Terre, d’être encadré pour y faire un doctorat mais concerne aussi la formation de

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professionnels aux techniques constructives. D’ailleurs la France a été la première à avoir eu une école d’architecture intégrant dans son programme des cours sur l’architecture de terre, une initiative qui mériterait à s’étendre dans d’autres écoles… Mais CRAterre fait également partie de l’UNESCO ce qui lui permet d’être en contact facilement avec des acteurs importants partout à travers le monde. Par exemple, à la rentrée scolaire 2012, le Royaume du Maroc a inauguré l’Ecole Nationale d’architecture de Marrakech qui a pour particularité d’avoir mis un très fort accent sur l’architecture de terre, grandement utilisée dans les pays du Maghreb et en Afrique depuis plusieurs siècles et encore de nos jours grâce à un patrimoine de bâti en terre très important. L’ouverture de cette école a permis d’organiser des conférences dont une invitant Mr Satprem Maïni, architecte français d’origine Algérienne, directeur de l’Institut de la Terre d’Auroville (Inde) et représentant pour l’Asie de la Chaire UNESCO « Architecture de terre, Cultures Constructives et Développement Durable ». L’association Asterre, fondée en 2006, a pour but premier de réunir tous les professionnels de la terre en un répertoire unique comportant des architectes, des artisans, des producteurs/distributeurs mais aussi des formateurs et autres associations. Elle est née du désire et du besoin de collaboration entre les acteurs afin d’établir une communication efficace à travers la France. Mais d’autres institutions publiques œuvrent dans la promotion de ces techniques constructives via des expositions ludiques. La Cité des sciences et de l’industrie est un établissement spécialisé dans la diffusion de la culture scientifique et technique et ayant pour mission de diffuser à un large public, notamment aux enfants et aux adolescents, les connaissances scientifiques et techniques, ainsi que de susciter l'intérêt des citoyens pour les enjeux de société liés à la science, à la recherche et à l'industrie. Du 09 Octobre 2012 au 10 Juin 2013, La cité des sciences et de l'Industrie organise une exposition ayant pour titre « Ma terre première, pour construire demain ». Afin de toucher un public le plus large possible, cette exposition se déplacera de villes en villes en partant de Paris, puis à Strasbourg, en passant par Villeneuve d'Ascq, au pont du Gard et enfin à Lyon en proposant des vidéos, des panneaux ludiques, des expériences sur la terre mais aussi tout un historique sur ces techniques constructives et leur importance dans le futur compte tenu de la crise écologique/économique que nous subissons. L’Etat

s’est

directement

impliqué

pendant une certaine période à utiliser la terre dans deux programmes. Le premier a démarré à Mayotte au début des années 80 et avait pour but d’offrir aux habitants de cette île un nouveau

type

d’habitat

permettant

de

remplacer ceux qui existaient déjà mais qui ne résistaient pas correctement aux multiples

Figure 32 Maison en BTC à Mayotte. Source: Ensa-G

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passages de cyclones ou aux moussons qui faisaient pourrir les matériaux. Les initiateurs du projet sur place ont demandé à CRAterre de faire une prospection sur l’île dans le but d’analyser les matériaux et la possibilité de lancer une filière terre. Très rapidement, 19 briqueteries ont vu le jour dès 1982 et ont activement participées à la création des premiers prototypes. La population mahoraise

s’est

très

rapidement

approprié

le

programme et un véritable tissu d’entreprises s’y est développé permettant ainsi de faire sortir de terre (à l’époque)

5000

logements

sociaux,

300

unités

d’habitations locatives, 500 bâtiments publics ou encore 300 établissements scolaires (école primaires, 10

collèges et lycées) . Ce programme a été mené également dans plusieurs pays africains comme le

Figure 33 Briqueterie à Mayotte

Maroc, le Nigeria ou encore le Burkina Faso. Le plus

Source : SIM

important à retenir avec ce programme est le fait qu’il est possible de répondre à plusieurs besoins importants et d’une manière assez simple : créer des logements viables et résistants permettant une qualité de vie correcte mais surtout permettre à des personnes de travailler ensemble, de créer des petites entreprises, de créer un réseau d’entraide, de renforcer les liens sociaux et de participer activement au développement à l’ échelle locale. Le deuxième opération de construction en terre est plus modeste en taille mais bénéficie d’un statut de référence dans le monde de la construction moderne en terre crue dans le monde. Le Domaine de la Terre est né en 1985 dans le contexte de la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau (à côté de Lyon et plus précisément à Villefontaine), qui se prête particulièrement à l’innovation et à l’expérimentation (Les Grands Ateliers), mais également dans la tradition de la région Dauphinoise, où 80% des maisons construites avant 1950 le furent en pisé, appelé également « terre crue ». Le site a été divisé entre 10 architectes qui chacun ont revisité les techniques et ont travaillé directement avec les membres de CRAterre sur un programme de 65 logements sociaux mêlant architectures traditionnelles et architectures modernes. En effet le domaine de la terre est composé de 45% de maisons en pisé, 45% en blocs de terre compressés et 10% en terre-paille, certaines montrant le matériau à nu ou d’autres avec des enduits. Plus de 20 ans après sa construction, ce site reste unique en Europe, une véritable preuve d’une architecture alternative viable avec un bilan énergétique très positif. Ces logements ont été visités de nombreuses fois par des délégations venues du monde entier et ont motivé un certain nombre de décideurs et maîtres d’ouvrage. Les habitants sont très attachés à leur

10

Source : Les Cahiers de Construction traditionnelle ; le pisé Patrimoine, Restauration, technique d’avenir, Groupe d’auteurs de l’association « Pisé, terre d’avenir »

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cadre de vie assez particulier mais qui reste dans l’esprit de village et les rotations de locataires prouvent un réel engouement pour vivre dans ces logements Les logements les plus célèbres de cette opération sont ceux créés par Jourda & Perraudin Partenaires qui sont des logements avec de larges murs en pisé, très massifs, avec peu d’ouvertures latérales mais une toiture en panneaux de polycarbonate transparents supportés par une charpente en acier léger supportée par deux piliers en béton importants en façade et une structure en blocs de parpaings côté jardin.

Figure 34 Maisons en Terre réalisées par Jourda & Perraudin. Source: Mairie de Villefontaine

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C/ Les freins au développement. Il y a un certain paradoxe en France concernant la construction en terre crue dans la mesure où notre pays a connu grâce à l’impulsion de CRAterre un regain soudain pour ce matériau dans les années 80 qui aurait permis de rattraper notre retard sur les Allemands et devenir véritablement moteur dans le monde entier dans ce domaine mais nous n’avons pas su rebondir. Le Domaine de la Terre est le parfait exemple d’un échec certain, une grosse publicité au début, un exemple de développement durable dans le secteur du bâtiment dans le monde entier mais une perte d’intérêt relativement rapidement de la part des institutions. Alors que nos voisins allemands, italiens ou portugais tendent vers un renouveau architectural en intégrant la terre crue, la France s’est arrêtée après cette opération de logements sociaux et n’a pas continué dans le temps. Mais pourquoi un tel désintérêt pour une solution qui pourrait faire des miracles sur de nombreux plans ?

1. La réglementation. Le domaine du bâtiment est extrêmement complexe, un architecte s’engage lors de la signature d’un contrat à respecter des points importants vis-à-vis des différents acteurs en jeu comme l’élaboration de plan, le suivi du chantier, le respect d’une garantie de parfait achèvement ou d’une garantie décennale. Mais avant toute chose l’architecte doit être assuré pour pouvoir exercer et c’est à ce niveau que commencent les complications car en effet les assurances bloquent au niveau technocratique sur ce sujet. Ainsi il n’y a pas d’études, de cahiers de référence ou de textes normatifs pour assurer entrepreneurs et architectes vis à vis à de l’utilisation de la terre. Les seules réalisations sont celles d’autoconstructeurs qui veulent retrousser leurs manches et prendre le risque (qui en vaut la chandelle) mais mis à part le domaine de la terre il n’y a pas eu de commande publique importante pouvant relancer l’utilisation de la terre. Les principales craintes des assurances réside dans le fait qu’elles ne sont pas sures de pouvoir assurer un bâtiment avec les exigences actuelles sur le long terme et notamment vis-à-vis de la garantie décennale. La terre a beau être un matériau naturel les résultats obtenus sont variables selon la provenance de la terre utilisée, sa qualité et surtout sa mise en forme. Pour faire simple il est plus simple de savoir le comportement d’un bâtiment avec des murs en parpaing sur 10 ans que celui d’un mur en terre qui risque de se détériorer à cause de l’eau… Pourtant les réalisations de Villefontaine, nationales faisant partie du patrimoine ou bien même celles mondiales montrent bien que ces réalisations peuvent résister facilement 10 ans et durer un ou deux siècles ! Pour permettre l’utilisation de la terre il faut la normaliser et pour cela certaines études scientifiques sont menées pour permettre à la terre d’avoir un statut équivalent aux autres matériaux modernes. Des organismes comme le Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction (CTMNC) cherchent à étudier de manière scientifique et poussée des matériaux naturels pour leur permettre de rentrer dans le panel des matériaux de 44


construction. Jadis spécialisée dans les roches, le CTMNC s’est peu à peu intéressé à la terre cuite puis à la terre crue et des études sont actuellement menées à ce sujet. Le CTMNC étudie plus particulièrement la terre crue sous forme de brique et notamment son comportement au séchage de l’argile, des analyses minéralogiques et granulométriques, des mesures de conductivité thermique et des recherches sur le développement de produits composites mêlant terre cuite et terre crue. Grâce à cette mission de collecte d’informations, le CTMNC sera capable de participer par la suite à la normalisation d’un produit. Selon le rapport annuel 2011 du CTMNC : « Certains essais dédiés a la terre cuite ne sont pas directement transposables à la terre crue (notamment l’essai de résistance a la compression). Enfin, il faut interpréter scientifiquement ces résultats afin de comprendre le comportement du produit et de pouvoir l’améliorer par la suite. La dernière étape du projet est de pouvoir établir les conditions d’utilisation de ces briques en fonction des résultats d’essais obtenus (usage extérieur/intérieur, mur porteur/non porteur). Les protocoles d’essais et les conditions d’utilisation des briques doivent se faire en accord avec d’autres laboratoires, avec les professionnels et, en parallèle, avec la rédaction de règles professionnelles. » La Brique de Terre Crue bénéficie depuis 2001 d'une norme AFNOR référencée XP13-901, destinée aux murs et cloisons grâce au Grenelle de l'environnement qui qualifie la BTC de "matériau innovant", il ne sera plus nécessaire d'aboutir aux DTU (Documents techniques unifiés) : un simple avis technique du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) suffira pour obtenir la garantie décennale. Mais la question est de savoir si on peut limiter la normalisation de la terre crue à la BTC ? Non ! Il existe des techniques différentes pour mettre en œuvre la terre crue et qui ont prouvé déjà dans le temps leur viabilité. Ne parler de la terre crue qu’au travers de la BTC est relativement réducteur compte tenu de la diversité de mise en forme de ce matériau. L’idée serait alors de « normaliser » les techniques plus que le matériau en lui-même mais une fois encore le schéma des assurances se divise en deux catégories, les techniques courantes et les techniques non courantes mais les techniques de la terre crue font bien sûr partie de la deuxième catégorie… Tant qu’il n’est pas démontré scientifiquement les bénéfices des constructions en terre crue il y aura toujours un frein important. Mais depuis 2011 les choses ont tendance à s’accélérer, des règles professionnelles ont été adoptées concernant les enduits sur support terre. Des études en cours vont permettre de valider la technique du pisé comme technique novatrice et donc lui permettre de se faire connaitre mieux. Ces mesure sont surtout localisées dans la région Rhône-Alpes mais ont pour but de valoriser la terre sur l’ensemble du territoire.

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2. Les situations de monopole. Le problème majeure et qui freine grandement l’utilisation de la terre crue est qu’il se positionne sur un marché très complexe. Au même titre que l’industrie agro-alimentaire ou même l’industrie de l’armement, le secteur du bâtiment est un domaine qui est vital pour l’homme dans la mesure où tant qu’il y aura des humains sur terre il y aura besoin de les loger. Ce secteur est donc une manne financière pour de nombreux entrepreneurs qui au fil du temps ont développé des produits issus de recherches poussées pour se démarquer des autres concurrents dans le domaine et ainsi espérer se positionner en tant que leader dans tel ou tel domaine. Mais nous sommes dans un système où les grands industriels exercent des pressions financières tellement importantes qu’il est très difficile de faire une percée dans ce milieu. Des multinationales du BTP aux fournisseurs de béton tout est une question d’argent (le cimentier Lafarge est côté en bourse). Un industriel gagne plus à vendre du béton que de vendre sa main d’œuvre alors que par exemple, dans le cadre de la terre crue, un industriel aurait plus à vendre sa main d’œuvre et sa technique que son matériau en lui-même qu’il peut puiser directement sur site… Les matériaux industrialisés permettent de réaliser des économies de masses dans la mesure où plus on en produit plus ils sont rentables et peuvent baisser les prix. Mais pour cela il faut une demande et la demande actuelle désire des matériaux normalisés, répondant à des critères très stricts pour ne pas craindre d’éventuels désagréments dans le temps ou vis-à-vis des assurances. En plus de cela la terre crue est victime de son image de matériau ancien, fragile, obsolète, image sur laquelle les matériaux industrialisés n’hésitent pas à exploiter, ceux qui sont de dernière génération, qui peuvent réussir des exploits techniques grâce à une quantité de produits chimiques et dangereux pour la santé des travailleurs et des habitants (mais peu de personnes en parle). Sur un chantier, le maitre d’ouvrage préfèrera de loin utiliser le bloc de parpaing, la laine de verre ou le placo-plâtre que tous les autres utilisent pour s’assurer de sa durabilité qu’un bloc de terre crue, de la paille ou une cloison en torchis que personne ne veux se risquer à utiliser. Pour sortir de ce monopole il faut donc faire en sorte de former les entreprises à sa mise en œuvre pour qu’ils n’aient plus peur de l’utiliser mais aussi redonner une dignité à la terre crue, la revaloriser aux yeux de tous pour que son image change radicalement. Pour cela il faut l’incorporer dans des projets architecturaux de manière plus rependue voire quasi systématiquement en compétition avec des techniques modernes. Quand il s’agit d’un projet de maison individuelle il est possible que le client ou le maitre d’œuvre choisissent d’utiliser un matériau comme la terre mais cette utilisation ponctuelle n’aura pas un impact très important sur le public. Le plus important est donc l’accès à la commande publique, comme l’opération du Domaine de la Terre, qui pourrait garantir à la terre crue une certaine compétitivité et surtout toucher un large public qui pourrait être sensibilisé aux caractéristiques de la terre. Oui, certains projets publics comme des écoles, de édifices religieux ou des centres de loisir intègrent des éléments en terre crue comme 46


des enduits par exemple mais ce n’est pas cela qui à mon sens permettra d’en faire la promotion. Par exemple l’architecte Paul-Emmanuel Loiret construit actuellement la Maison du Parc Régional du Gâtinais à Milly-la-Forêt. Dans une démarche écologique et peut-être aussi en lien avec la nature du projet, il a intégré un mur en terre crue. Je trouve cela bien que des architectes intègrent de la terre crue mais ce que je déplore pour le moment est le fait qu’à chaque fois cela soit fait de manière ponctuelle, qu’il n’y ait pas d’architectures dépassant le stade des 70% en terre crue. Nous sommes toujours dans le seuil de l’élément décoratif pour donner une image plus écologique ou tendance à l’objet final sans être franc avec le message qui doit être apporté.

3. Les enjeux économiques La filière de la terre crue est un secteur encore trop peu exploité mais pourtant des enjeux économiques importants sont palpables grâce à une demande sociale qui s’affirme de plus en plus en faveur des matériaux environnementaux les choses changent environ depuis 5 ans et l’architecture en terre deviendra un jour incontournable. Beaucoup de pays l’ont compris bien avant nous et la France a véritablement un rôle à jouer dans le domaine. De nos jours les produits industrialisés souffrent de deux problèmes majeurs qui sont dans un premier temps une économie centralisée et dans un second temps le fait que ces matières premières comme par exemple le plâtre puisé dans les carrières va inévitablement tendre vers une pénurie progressive et in fine nous retrouverons des problèmes semblables à ceux liés au pétrole. Il est important de penser dès à présent à la mise en place d’un autre système où la terre pourrait reprendre enfin un rôle important. La terre crue est disponible partout, sans traitement particulier en soit et dans des quantités très importantes (bien plus que les autres matériaux naturels utilisés pour être transformés en matériaux industrialisés). De plus l’utilisation de la terre crue pourrait permettre de concevoir un nouveau modèle économique portée du développement localisé où toute action serait concentrée sur une échelle réduite. Un atout non négligeable qui entre en faveur des entreprises de la terre est que pour construire une maison en terre il n’y a pas besoin de matériaux particuliers mais par contre beaucoup de main d’œuvre. Le travail humain a besoins de deux choses : de nourriture et de temps mais est récompensé par une paye. Cette paye est alors déboursée localement pour subvenir aux besoins de l’individu ce qui participe à un cercle vertueux économiquement parlant. Si on considère être dans une économie « du village » cela aurait pour effet de répondre localement à des demandes d’emplois, de former simplement mais efficacement à ces techniques et créer de nouveaux emplois et donner une impulsion au dynamisme de ce village. Comme l’a dit l’économiste britannique John Maynard Keynes « Les marchandises doivent circuler le moins possible, les hommes et les idées peuvent circuler le plus librement possible, et les capitaux pas du tout. » ce qui pourrait correspondre selon moi à l’idée du village utilisant la terre crue pour construire ses bâtiments. 47


Il existe un frein non négligeable pour les entrepreneurs. Si ces derniers veulent se lancer dans l’utilisation de la terre crue ils auront besoin de beaucoup de salariés pour tenir leurs chantiers et plus il y a d’ouvriers plus il a de responsabilités à assumer, de charges et autres obligations à tenir. Cela reste un facteur à mon sens important

car

il

pourrait

freiner

le

développement de ces entreprises. C’est pourquoi

je

pense

qu’il

ne

faut

pas

seulement intégrer l’usage de la terre crue au même titre que les autres matériaux mais lui donner un statut particulier ainsi qu’aux entreprises qui l’utilisent pour la mettre en réelle compétitivité avec techniques,

les matériaux,

entreprises

ou

normes

modernes. Enfin un dernier frein économique à relever concerne le prix de nos jours qui est élevé. Il

y a un exemple simple du

déséquilibre actuel, si on veut poser 1m² de parpaings en béton cela coute en moyenne entre 15€ à 45€ du m² tandis que la pose du même m² mais cette fois ci avec des briques en terre crue (BTC) couterais entre 120€ et 160€

11

! Du fait que la terre crue n’a pas le

même statut que les autres matériaux qui sont en situation de monopole les prix poussent les particuliers et les entreprises à se

tourner

vers

le

moins

chère

bien

évidement alors que la terre crue possède des caractéristiques bien meilleures que le parpaing ! Tant que la BTC par exemple coutera aussi chère elle ne pourra pas rivaliser et s’imposer sur le marché et dans l’autre sens

si les

particuliers

ou les

entreprises n’utilisent pas la BTC son prix ne descendra jamais…

11

Selon le site internet « Ecocompare »

48


Conclusion. La terre crue est un matériau ayant un lien très fort avec l’histoire de l’Humanité et qui a montré ses nombreux avantages avec le temps. Nous savons que ce sont des habitats économiques et en lien avec l’environnement car directement issu de ce dernier comme la terre, le bois ou la paille et qui ont des prix très abordables voir gratuits. Les techniques utilisant de la terre crue montrent également que ces pratiques ont été éprouvées par le temps et la météo partout dans le monde sans pour autant souffrir de grandes faiblesses ou en étant dangereuses pour les habitants.

-

La volonté de changer nos modes de vie et d’être en accord avec notre planète.

Certaines organisations mondiales ou nationales œuvrent dans la remise en question totale de nos modes de vie. Certains n’hésitent pas à mettre le feu à des plantations privés mais utilisant des OGM, réaliser des opérations ultra médiatiques comme la destruction de fast-food, de grandes manifestations en marge des rassemblements internationaux ou avec l’occupation (plus ou moins pacifique) de terres pour protester contre certaines décisions. Dernière en date, en vue de la construction de l’aéroport du Grand Ouest dans la commune de Notre-Dame-des-Landes des groupes de personnes appartenant a divers mouvements altermondialistes, écologiques ou anarchiques se sont installés dans un petit village provisoire, véritable bastion, pour protester contre ce projet qu’ils estiment contraire aux objectifs du Grenelle de l'Environnement favorisant le développement du transport aérien. Les opposants à ce projet évoquent aussi la destruction de terres agricoles au profit de la création d’importantes infrastructures, l'augmentation des impôts locaux, l'impact du transport aérien sur l'effet de serre et la sous-utilisation des autres aéroports de la région. Depuis un certain nombre d’années il y a également une réelle remise en cause de nos bâtiments conventionnels bien souvent vétustes, ayant été construits selon des procédés « cheaps » et pouvant avoir un effet sur la santé publique. En effet de nombreux matériaux utilisés en masse après la seconde guerre mondiale ont un effet indésirable sur la santé des travailleurs mais aussi du bâtiment. Quand on appliquait une couche de peinture au plomb dans les appartements lors de rénovations ce n’était sans compter les nombreux cas de saturnisme qui se sont déclarés par la suite. L’utilisation en masse dans le secteur du bâtiment entre les années 1960 et 1980 de produits composé d’amiante ont également eu de nombreux effets indésirables menant au développement de nombreuses maladies et de décès chez un grand nombre personnes. S’ajoutent également l’utilisation de solvants, de colles, de résines, de revêtements de sols plastiques et de procédés de traitement des charpentes avec des produits toxiques en grand nombre ou encore de champs électriques et électromagnétiques ayant un impact direct sur la santé. 49


On ne compte plus les cas de personnes développant des maladies graves liées à l’environnement dans lequel elles vivent. Cela pousse de plus en plus le public à s’inquiéter et par conséquent à se renseigner par lui-même des alternatives disponibles. C’est pourquoi que nous retrouvons de nos jours de plus en plus d’ouvrages ou de publications ayant pour but de vulgariser de nouvelles pratiques de vie, méthodes constructives et de sensibiliser la population vis-à-vis de leurs modes de vie. Une minorité de la population ne jure d’ailleurs que par ces principes alternatifs, notamment chez les écologistes. Certains mettent en place de cultures 100% bio dans leurs jardins, récupèrent les eaux de pluie pour cultiver voire se laver, s’éclairent grâce à des panneaux solaires installés sur les toitures ou se chauffent grâce à des puits canadiens. Certains « extrémistes » de l’écologie choisissent même de se couper totalement de toute source d’énergie extérieure pour fabriquer la leur et subvenir à leurs propres besoins ce qui n’est pas si fou que cela finalement car cela leur permet de vivre véritablement en lien avec la nature et de réaliser des économies non négligeables en ces temps de crise.

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La remise en cause des techniques modernes.

Nous sommes rentrés par la grande porte de l’industrialisation qui a permis de manière indéniable de faire évoluer la technologie et le confort de l’Homme. L’industrialisation est un phénomène inévitable car il est strictement lié à l’augmentation de la

population

mondiale

et

des

besoins

financiers que l’homme s’est crée. Cette période de l’histoire aura permis d’exploiter au maximum des énergies comme l’électricité, de la

première

lampe

à

incandescence

au

téléphone et jusqu’à l’ère du tout numérique, les énergies fossiles qui nous ont permis de construire des objets en plastique, nous chauffer ou encore conduire nos véhicules. Le bâtiment à quand à lui dû s’industrialiser très rapidement juste après le contexte de sortie de la seconde guerre mondiale. Il fallait démolir ce qui était considéré comme insalubre ou en ruine, reconstruire vite et trouver une moyen de loger un maximum de personnes. Dans une période qui allait connaitre rapidement le véritable

sens

capitalisme

de

l’industrie

mondialisation du

bâtiment

et

de

a

s’adapter, trouver des moyens de construire

Figure 35 Tableau schématique sur la durabilité des matériaux, Traité de Construction en terre, CRAterre, 1989

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vite, en série et pour un faible coût mais bien souvent quand on choisit de payer moins cher il est fort probable que l’objet final ne convienne pas à l’utilisateur, qu’il soit fragile ou dangereux. Les nombreuses tours et barres construites en France après la guerre et jusque dans les années 70 visaient à l’origine une population large et pas forcément populaire mais très vite quand elles furent habitées les personnes se sont rendu compte par elles-même que la qualité de vie dans ces habitations n’étaient pas forcément idéale. Isolation médiocre aux bruits, isolation durant la période hivernale perfectible, matériaux de faible facture, utilisation de produits toxiques (isolants, colles de papier-peint ou peintures) qui auront pour effet de provoquer l’apparition de maladies. Les mauvaises conditions de vie dans ces constructions auront pour conséquence de faire fuir les populations les plus aisées et participer à une paupérisation des habitants donnant naissance au phénomène de « Sarcellite ». De nos jours les habitants de ces constructions vivent toujours aussi mal, voire pire qu’auparavant, le manque d’entretien et les dégradations liées à la fréquentation de ces bâtiments pousse les divers gouvernements à se poser la question suivante « que faire de ces bâtiments ». Pour des raisons budgétaires évidentes, bon nombre de ces tours ou barres d’habitations sont rénovées avec des matériaux, des produits ou des techniques récentes respectant les normes actuelles mais dans certains cas la destruction du bâtiment est la seule solution possible. Le départ des premiers habitants, les nombreux problèmes liés à la qualité des habitats collectifs modernes et leur destruction montre clairement que ces bâtiments ne correspondaient pas aux besoins des usagers. Les seules personnes qui ont réussi à tirer leur épingle de jeux sont les entreprises ayant été impliquées dans ces constructions produites en grand nombre partout dans le pays ce qui leur a permis pour certains de se retrouver en monopole plus rapidement encore. Mais depuis un certain temps nous remettons en cause nos modes de vie et nous nous demandons si au lieu d’exploiter la nature à outrance pour certains produits il ne serait pas possible d’utiliser d’autres matériaux et peut-être vivre mieux. Abandonner le pétrole pour l’énergie solaire, abandonner les OGM pour l’agriculture biologique…et pourquoi ne pas abandonner le béton pour la terre ou le bois ? Depuis peu nous construisons des maisons en paille, on pourrait croire que ces constructions brûleraient rapidement et facilement, bien au contraire ! De nombreux tests encadrés par des pompiers démontrent qu’elle est très isolante en cas d’incendie et ne brûle qu’en surface. Si la paille était utilisée de façon banale pour la construction neuve ou la restauration énergétiques elle ne constituerait que 10 à 15% de la production annuelle nationale et construire des maisons en paille permettrais également d’aider de manière plus importante les agriculteurs qui de nos jours subissent durement les effets de la crise.

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12

D’après Construire en terre-paille, Alain MARCOM, Editions terre vivante, 2011

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L’apport pour l’architecture, l’architecte et le monde.

Au-delà de l’apport pour l’environnement ou pour les humains, la terre peut se retrouver à l’origine d’un véritable renouveau architectural dans la mesure où il est possible de la mettre en œuvre de toutes sorte de manière : creusées dans la roche comme les habitats troglodytes ou dans le sol comme la maison de la famille Skywalker dans Star Wars (maisons qui existent depuis des siècles en Tunisie d’ailleurs), enterrée ou recouvertes de terre , avec des sacs ou des blocs de pisé préfabriqués, en maisons individuelles ou imposantes tours d’habitations comme on en trouve au Yémen dans la ville de Sanaa ou encore à Shibām (appelée la Manhattan du désert). Les architectes peuvent avoir l’opportunité de travailler avec un matériau qui n’est

Figure 36 Les tours de la ville de Shibām possède des tours hautes de 30 mètres. Ce sont les premiers gratte-ciels de l’Humanité. Source : http://www.interetgeneral.info/spip.php?article10151

plus utilisé, lui rendre une nouvelle vie, l’exploiter dans ses moindres recoins et réaliser de véritables œuvres architecturales écologiques où il y fait bon vivre. C’est aussi le moyen le plus simple de nos jours de pouvoir se démarquer dans un métier et s’imposer comme acteur architectural. Le monde gagnerait à reconsidérer rapidement l’utilisation de ses matières première et se pencher sur ce qui se trouve en quantité illimité ou gratuite. Je ne parle pas de tout construire en terre mais du fait qu’il faut utiliser plus intelligemment nos ressources, mieux les répartir pour éviter le gâchis inutile ou la pollution. Nos bâtiments actuels modernes sont composés de matériaux qui ne peuvent pas forcément se recycler correctement ce qui a pour conséquence d’augmenter la pollution. Comme le montre le schéma suivant, un bâtiment en terre rentre quant à lui dans un cercle vertueux qui est son cycle de vie. La terre crue est extraite et utilisée parfois tel quel, la maison a besoin d’un entretien particulier 52


certes mais en fin de vie il est possible de la restaurer facilement ou de la détruire. C’est cette destruction qui est véritablement écologique car la terre retourne à la terre ou est recyclée pour construire autre chose. Rien ne se perd finalement.

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Besoin de renverser le cours des choses.

Nous sommes dans une période importante dans l’histoire de l’humanité où nous sommes sur le point d’atteindre un seuil de la consommation. Des ressources énergétiques viennent à manquer, les thons victimes de la surpêche de la part des japonais et si l’on continue comme cela il ne nous restera rien pour subvenir aux besoins de plusieurs milliards d’humains. Cette période de crise nous montre que le système est en train d’aller quelque part dans le mur, des faillites de banques, des gouvernements qui sautent, des peuples qui se révoltent mais toujours la quête de la vie agréable, facile, ou tout est à portée de main, connecté à travers le monde. Comme le disait le spot de pub Coca-Cola « le monde est un village ». Il faut donc réfléchir et proposer des alternatives dès maintenant. Peut-être que le destin de l’humanité va être de prendre conscience à un moment donné, et si possible pas 53


trop tard, que nous ne vivons que sur une seule planète avec des ressources limités, que nous serons de plus en plus et que notre survie ne doit pas dépendre strictement du profit de certains qui ne pensent qu’à leur enrichissement. Il est important dans un premier temps d’éviter que les pays du Sud qui recherchent à rattraper les pays du nord en empruntant le même chemin industriel utilisent des matériaux polluants et chers dans le domaine de la construction mais des matériaux naturels, véritablement renouvelables et qui éventuellement permettent de resserrer les liens sociaux entre les individus grâce à l’entraide, l’exemple de l’architecte allemande Anna Heringer est pour moi le meilleure exemple et il faudrait étendre cette pratique à l’ensemble des pays du Sud, enseigner comment bien construire sans se ruiner et en accord avec la planète… Je suis convaincu, au même titre que de nombreuses personnes ayant étudié ce sujet, que la terre crue aura un rôle de plus en plus important avec le temps. Nous sommes en train de prendre des mesures en sa faveur depuis quelques années pour qu’elle se rapproche du niveau technique et scientifique des autres techniques constructives. La terre a cette particularité qu’elle peut s’adapter très facilement à diverses techniques, nous avons développé des briques en terre crue qui équivalent aux parpaings, des bétons en terre sont sur le point d’être homologués et peu à peu nous pourrons retrouver un large panel de produits abordables et d’excellente qualité sur le marché, ce sera à ce moment-là que le renouveau architectural de la terre commencera.

Personnellement j’ai pris beaucoup de plaisir à étudier la terre crue, bien que j’ai dû faire un mémoire en 4 mois, la recherche et la lecture des ouvrages m’ont montré un aspect de l’architecture que trop peu d’entre nous connaissent et qui est malheureusement victime d’une image peu valorisante. En réalisant ce mémoire j’ai pris conscience de l’importance de ce matériau dans un but de retour aux techniques de nos aïeux mais qui est totalement en rapport avec les questions importantes de l’écologie, la protection de l’environnement, l’économie et la sociologie qui touchent notre époque. C’est un sujet qui en peu de temps est devenu extrêmement important pour moi. Je ne savais pas trop quoi faire à la sortie de mes études d’architecture, beaucoup se voient travailler en agence, faire des plans, des photocopies et autres tâches sans grand intérêt et surtout sans être un véritable acteur dans le monde de l’architecture. J’aurais envie d’étudier à Grenoble cette question et surtout de me former pour ainsi partager plus tard mes connaissances et participer à un renouveau architectural en phase avec nos besoins écologiques et économiques. Je tenais à remercier mon enseignante Nadia Hoyet pour son soutien et son aide précieuse tout au long de la rédaction de ce mémoire. 54


Bibliographie. Ouvrages : ● La chaux naturelle : décorer, restaurer et construire, Julien FOUIN, Editions du Rouergue coll. Vivre différemment, 2001

● Traité de construction en terre, CRAterre, Editions Parenthèses, édition de juillet 2006 ● Construire en terre-paille, Alain MARCOM, Editions terre vivante, 2011 ● Terre crue, techniques de construction et de restauration, Bruno PIGNAL, Editions Eyrolles coll. Au pied du mur, 2005

● Des architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire, Auteur/Editeur : Centre George Pompidou, 1981

● Earth architecture, Ronald RAEL, Princeton Architectural Press, 2009 ● Architecture TERRE (earth/terra), Loft publication, Editions L’inédite, 2007 ● Construire en terre, Patrice Doat, Alain Hays, Hugo Houben, Silvia Matuk, François Vitoux , 1979

● Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture, Laetitia Fontaine et Romain Anger, Belin / Cité des sciences et de l’industrie, 2009

● Les Cahiers de Construction traditionnelle ; le pisé Patrimoine, Restauration, technique d’avenir, Groupe d’auteurs de l’association « Pisé, terre d’avenir », Editions Créer, 1997

● L'architecture de terre au Maroc, Selma Zerhouni & Hubert Guillaud, ACR Edition ● Entre paille et terre, Tom Rijven et Julien Peuble, édition Goutte de Sable, 2009 ● Enduits de terre crue, Sylvain Moréteau, Editions terre vivante, Collection Habitat Ecologique-Conseils d’expert, 2012

● Revue "Midi-Pyrénées Patrimoine" terres crues Articles :

● Les Cahiers Techniques du Bâtiment, mars 2010, n°295, dossier sur la terre ● Les Cahiers Techniques du Bâtiment, mai 2012, n°315. ● Ecologik - Spécial Architecture en terre (déc. 2009/Janvier 2010) N°12 ● Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment (Aout 2011) N° 5621 55


● Magazine «La Maison écologique» n°21 juin-juillet 2004 : «Tout autour de la terre crue» Documents PDF : http://cnum.cnam.fr/PDF/cnum_8LA18_2.pdf

(pour

télécharger

l’ouvrage de

François

Cointreaux intégralement) http://craterre.org/diffusion.../presse_domainedela_terre_ecologik12.pdf http://ecobooks.greenharmonyhome.com/wpcontent/uploads/ecobooks/Ecology_of_Building_Materials_Second_Edition.pdf

Vidéos : Reportage en trois parties réalisé par TV5 monde : « Construire et Habiter durable avec la terre crue » : http://www.dailymotion.com/video/x8ty0z_habiter-durable-avec-la-terrecrue_lifestyle#.UNhwBXdFEoM http://www.dailymotion.com/video/x8tlkd_construire-et-habiter-durableavec_lifestyle#.UOSYCHdFEoM http://www.dailymotion.com/video/x8tleh_construire-et-habiter-durableavec_lifestyle#.UNhwJndFEoM « Les nouveaux habits de la terre » Réalisation: François Le Bayon, Production: Lieurac, Nanook, Année d’édition : 2004, Format: 1 DVD (49 min) « Maison isolée en paille-résistance au feu » sur Youtube « Cematerre, une innovation mondiale » sur Youtube « Innovation : Béton de chanvre » sur Youtube

Liens internet : http://craterre.org http://www.pise-livradois-forez.org http://www.terre-crue.fr http://www.cematerre.com/ http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/ma-terre-premiere/ http://www.asterre.org http://www.akterre.com http://www.lehmtonerde.at/en/ 56


http://www.marcelocortes.cl/2012/ http://www.anna-heringer.com http://www.terrevivante.org http://www.eco-caracol.com/ecoconstruction.php http://www.leca-system.fr/32395 http://solaire2000.pagesperso-orange.fr http://jeanphilippepernin.net http://tc.revues.org/57?lang=en http://www.lemoniteur.fr/199-materiaux/article/a-suivre/697943-l-incendie-qui-autorise-aconstruire-en-paille-des-erp-sur-deux-etages#1035595 test incendie maison paille http://www.fao.org/docrep/field/003/AB847F/AB847F01.htm images tirées du manuel pour le développement de la pisciculture à Madagascar http://www.botanic.com/jardinerie/les-conseils/comment-reconnaitre-le-type-de-sol

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Annexes. Chronologie d’un mouvement mondial. Les mouvements écologiques sont nés dans les années 60, période où le monde occidental était confronté de de nombreuses crises sociales et culturelles mais aussi en pleine guerre froide. Un volonté de changement a germé chez certains individus et cela s’est rependu au fil du temps. Différents enjeux étaient confrontés entre eux et cela a permis d’accéléré un processus de remise en cause commune dont les hippies en sont l’emblème, refusant le mode de vie qui leur était imposé, la course à l’armement et au profit immédiat qui délaissent les véritables valeurs de l’homme et surtout son attachement avec la nature. Ainsi depuis plus de 50 ans nous nous interrogeons sur nos pratiques et l’industrie du bâtiment n’est pas épargnée. En voici un rapide aperçu au travers d’une chronologie mondiale des différents évènements majeurs qui se sont déroulés.

● En 1971 le premier choc pétrolier se produit, véritable électrochoc dans un monde ultra capitaliste qui consomme sans dépenser dans cette ressource fossile.

● En 1972 se produit le tout premier Sommet de La Terre organisé par les Nations Unies à Stockholm (qui se tient tous les dix ans) et a permis de placer pour la première fois les enjeux écologiques au rang des préoccupations importantes dans le monde. Les participants ont adopté une déclaration de 26 principes et un vaste plan d'action pour lutter contre la pollution. Ce sommet a donné naissance au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

● La même année, sous la demande du Club de Rome, Le M.I.T (Massachussetts Institute of Technologie) publie un ouvrage dont le titre est relativement explicite : The Limits to Growth (« Les Limites de la Croissance) également connu sous le nom de rapport Meadows. Ce livre aura un succès incroyable à sa sortie car le contexte s’y prêtait, crise mondiale énergétique, hausse importante des prix, rationnement imposé à toutes les sociétés…

● En 1973 Israël (avec l’appui des USA) déclare la guerre à ses voisins arabes ce qui renforce encore plus la crise économique dans le monde.

● En France, durant la campagne présidentielle de 1974, un agronome du nom de René Dumont explique à la télévision devant des millions de personnes que pour sauver la planète de cette folie pétrolière il faudrait augmenter par cinq le prix de l’essence ce qui nous permettrait de mieux gérer nos sociétés. Il a alors insisté sur le fait qu’il existe un décalage non négligeable dans le monde entre les pays du Nord qui exploitent les richesses énergétiques, économiques et vivent dans l’opulence tandis que les pays du Sud peinent à

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se développer car nous les privons de leurs richesses naturelles du fait de leurs vulnérabilités.

● Les années 70 seront marquées par une activité intense sur les questions écologiques dans les milieux scientifiques et politiques (pour certains pays) avec la culture biologique, le création d’énergies alternatives aux énergies fossiles ou le nucléaire comme l’énergie solaire ou encore le développement des transports collectifs.

● En 1979 L’accession au pouvoir de l’Imam Khomeiny et la nationalisation du pétrole de son pays plonge le monde dans une nouvelle crise. Mais durant la décennie 80 le prix du pétrole sera bas pendant une longue période (7$ le baril en1987)

● En 1986 le réacteur n°4 de la centrale nucléaire soviétique de Tchernobyl explose suite à plusieurs erreurs humaines. Pour la première fois dans l'histoire du nucléaire, le monde prenait conscience avec effroi que mal contrôlée, l'énergie nucléaire civile pouvait produire les mêmes effets qu'une bombe atomique et contaminer tout un continent à différents degrés ! De nos jours le traumatisme lié à cet évènement est toujours aussi vif et est régulièrement cité par les associations contre le nucléaire en France et dans le monde.

● En 1996 le mal logement est très fort et l’affaire de la vache folle éclate au visage de notre société de consommation et nous fait prendre conscience de la tournure que nos modes de vie ont sur les êtres vivants et sur la planète, sur les animaux et les humains.

● En 1997 le protocole de Kyoto est signé et affirme de manière formelle que les activités humaines et la pollution ainsi produite ont une relation directe avec les changements climatiques observés dans le monde. Il est question de changements climatiques.

● En 1999 deux tempêtes tropicales, Lothar et Martin, traversent la France et dévastent les forêts provoquant de nombreux accidents.

● En 2003 une canicule sans précédent frappe la France et fait entre 15 et 20 mille morts notamment chez les personnes âgées placées en grande partie dans des bâtiments en béton datant des années 1945 et dépourvues d’isolation.

● En 2006 Nicholas Stern, vice-président sénior de la Banque Internationale et économiste de renom, rédige le rapport Stern sur l’économie du changement climatique dans lequel il démontre que si on investissait 1% du PIB pour adapter l’économie aux bouleversements en cours permettrait de faire des économies entre 5% et 20% de perte du PIB lié aux changements climatiques.

● En 2007 mise en place du Grenelle de l’environnement dont le but est de réunir les principaux acteurs du pays pour les faire évoluer vers un démarche plus vertueuse.

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Même si durant les années suivantes ni la réglementation ni la pratique entre dans cette démarche elle aura tout de même permis une concertation plus crédible entre les acteurs.

● En 2009 se déroule la Négociation de Copenhague où la question est de savoir si les pays du Sud en voie de développement devaient à leur tour passer par le processus de pollution pour arriver à la richesse économique emprunté par les pays du Nord depuis la révolution industrielle ? La réponse fut « OUI et qu’il était hors de questions que nous, pays du Nord y mettions un terme ». Fiasco des plus total. Cette chronologie montre bien un mouvement d’ordre mondial pour l’écologie, prônant l’utilisation avec précaution des ressources énergétiques et un respect de notre impact sur la Terre. Mais certains pays, les plus puissants économiquement, ne souhaitent pas changer leur politique de développement et cela malgré le fait qu’il y ait des désordres climatiques flagrants, des centrales nucléaires qui explosent ou des populations entières touchées par des maladies liées à la pollution. A croire que l’argent fait vite oublier les responsabilités qu’ont les hommes entre eux et la seule planète sur laquelle ils vivent.

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Dans l’ouvrage de Ronald RAEL simplement nommé « Earth Architecture » (Princeton Architectural Press), l’auteur nous fait un tour du monde, de l’Australie aux USA en passant par le Japon, le Venezuela ou encore le Bhoutan de différents projets utilisant de la terre crue. En voici une sélection.

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