Anthropologie urbaine

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LA VILLE EN TANT QU’ESPACE SCENIQUE

Mélissa Meilhac S.M’BOUKOU M1.2 ENSANancy ANTHROPOLOGIE URBAINE 2015-16


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AVANT PROPOS La ville se caractérise par son artificialité. Tout espace dans la ville est issu d’une production de l’homme. Les rues, les places, les bâtiments sont des éléments artificiels donnant corps à la ville. Cependant, la ville ne cesse de se réinventer. Du point de vue formel, elle est en constante mutation. Certains éléments, comme les monuments, traversent l’épreuve du temps mais beaucoup d’autres s’épuisent et sont remplacés. La ville est également le lieu de tous les possibles. Elle est en capacité d’accueillir tous types d’évènements, qu’ils soient programmés ou spontanés. Elle existe grâce à l’activité de l’homme et se nourrit en permanence de cette dynamique pour attirer des futurs habitants. Par son artificialité, son mouvement perpétuel et sa capacité à se transformer, la ville s’apparente à un espace scénique. L’espace scénique correspond à l’espace réservé aux acteurs pour la représentation d’un spectacle. Il est donné à voir à un public (ou spectateurs) mais peut aussi comporter des prolongements non visibles. A travers trois actes, nous étudierons ensemble la ville en tant qu’espace scénique. Ces trois points correspondent aux éléments caractéristiques de la représentation théâtrale : le décor, les personnages et la représentation. L’étude de la ville se fera à travers cinq points de repères : le parc, la place, la rue, l’espace commercial et l’espace intime. Cette étude est non exhaustive et pourrait être complétée par une infinité d’autres lieux dans la ville.

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ACTE I

le decor

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Du latin classique decus, decoris « ce qui convient, ce qui est séant ». Le décor constitue un repère spatio-temporel au théâtre. Il correspond au lieu d’action des personnages. Le décor, initialement considéré comme un élément décoratif d’arrière-plan, tend de plus en plus à se rapprocher des personnages, à interagir avec eux. Dans cette première partie, nous allons étudier le lien entretenu entre la ville et le décor de scène.

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SCENE I

CHAQUE LIEU

DE LA VILLE EST UN DECOR

Pour commencer, chaque lieu de la ville est artificiel. Si l’on prend pour exemple le parc, même lorsque la ville présente des espaces végétalisés, cette nature est construite, organisée et entretenue régulièrement. Comme face à un décor, le lieu tend à nous évoquer une foret dense, une clairière ou un cheminement sinueux spontané mais des dispositifs visibles nous incitent à nous rappeler la situation urbaine du lieu. Ces dispositifs permettent aux décors de devenir support de nos actions. Une grande route boisée sera une promenade parfaite pour les flâneurs, une grotte artificielle suscitera la curiosité des passants, un banc deviendra une zone de lecture et le pied d’une statue un espace de relaxation.

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“La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des mortels.” Charles Baudelaire

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SCENE 2

uN MEME LIEU CHANGE

AU COURS DU TEMPS

Le décor est amené à se transformer au gré des heures et des saisons. Dans le cas de la place, un marché de Noël, un défilé du Carnaval, un festival de musique, une manifestation, un mariage ou des installations éphémères transformeront le lieu un instant en instaurant un décor par-dessus le décor préexistant. Ce cas de « sur-décor » est ce qui permet à la ville d’être dynamique. La fréquentation d’un décor fluctue en fonction du temps. A une échelle plus réduite, un même banc peut être utilisé de différentes manières. Il pourra servir d’espace d’étirement après une longue course à pied et devenir quelques heures après un lieu de conversations.

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SCENE 3

La ville

est scEnographiEe

La nuit, des éclairages animent la ville. La lumière artificielle ponctue les rues pour aider à la circulation. Elle tend également à être utilisée pour révéler des éléments construits. Elle participe à une mise en scène du décor. La place Stanislas devient un théâtre des ombres silencieux, sur lequel des silhouettes évoluent entre des lumières projetées sur le sol. Les bâtiments deviennent sont des points lumineux forts colorant le sol minéral à l’origine très pâle la journée.

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ENTRACTE

Une dame entre dans une boulangerie. La clochette du magasin retentissant, une autre dame sort d’une porte dérobée et se précipite derrière le comptoir.

LA BOULANGERE - Bonjour Madame ! Vous désirez ? LA CLIENTE - Bonjour. Une baguette de pain s’il vous plaît. LA BOULANGERE (elle se saisit d’une baguette) - Avec ceci ? LA CLIENTE - Hmmm … Non, celle-ci est trop cuite. Une bien blanche s’il vous plaît. LA BOULANGERE - Bien. Ce sera tout ? (elle hésite)

LA CLIENTE - Ce sera tout. LA BOULANGERE - Alors ça fera soixante-dix centimes s’il vous plaît. (elle dépose les pièces) Merci. LA CLIENTE - Bonne journée, au revoir. La dame sort de la boulangerie. La clochette du magasin retentit de nouveau, et la femme disparaît dans l’arrière-boutique.

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A première vue, cette scène peut nous paraître banale. Nous sommes tous les jours confrontés à ce type de conversations lorsque nous nous présentons en magasin ou que nous y travaillons. La boulangère joue ici un rôle consistant à servir à la demande de sa clientèle sa production et la cliente celui de récupérer sa commande contre rémunération. Il s’agit d’un texte et de paroles n’ayant lieu que dans cet espace précis. Toutes deux portent à ce moment respectivement un masque, qu’elles quitteront en même temps que le décor de la boulangerie. La dame redeviendra une figurante, une passante, ou même une autre boulangère et la boulangère deviendra sans doute cliente dans un autre espace. Si elles se recroisent dans la rue, cette conversation aura peu de chances d’avoir lieu.

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ACTE II les personnages

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« Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. » William Shakespeare, Comme il vous plaira Le mot personnage vient du latin « persona » désignant le masque de l’acteur. per : préfixe/préposition signifiant “à travers” et sonum : le son. Le masque étant un accessoire qui laisse passer la voix de l’acteur…

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SCENE 1

chaque individu

est acteur

Peu importe le statut initial, chaque individu de la ville en devient acteur. Qu’il soit figurant ou personnage principal, simple passant ou conducteur d’automobile, touriste ou citadin, toute personne de la ville joue un rôle. Ce rôle est à la fois multiple et temporaire. L’activité étant l’une des caractéristiques de la ville, la ville « est » grâce à ses occupants. Elle se construit et s’anime grâce aux activités sociales. Les personnages, par leurs actions et leurs paroles, rendent le décor vivant.

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SCENE 1I

La ville est

le lieu des costumes

De la loge (l’espace privé) à la scène (l’espace public), l’individu change de costume en fonction de sa personnalité et/ou de son rôle dans la ville. Ce costume peut se perdre en fonction des espaces fréquentés par le personnage. Comme vu précédemment, la boulangère pourra devenir à son tour cliente et passante tandis que l’autre dame pourra retourner, par exemple, à son poste de banquière une fois la boulangerie quittée. Le policier redevient un civil chez lui, l’infirmier n’est plus identifiable quand il fait ses courses etc… Nous nous « habillons » pour aller en ville car la ville est le lieu de tous les regards. C’est le lieu de la “ mode “, celui où l’apparence prime. C’est une scène ouverte au public omniprésent dans laquelle nous déambulant en tant que personnage.

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ACTE III la representation

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La représentation correspond au théâtre à l’action de donner un spectacle devant un public. Ce mot peut également désigner le spectacle lui-même. Dans le cadre de notre étude de la ville, puisque l’environnement construit correspondrait au décor et les individus y progressant aux personnages, la représentation serait l’ensemble de nos actions données à voir au public.

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SCENE 1

LA VILLE EST en

mouvement perpetuel

Les voitures circulent au rythme des feux tricolores, une dame promène son chien, les enfants sortent de l’école en criant, des hommes procèdent au ramassage des poubelles, un couple amoureux se promène…. Puis progressivement, les rues se vident et dans un fondu au noir, les lumières s’éclairent et le silence prédomine. Le spectacle est fini, la ville s’endort… ou presque. Quelques survivants sont là pour maintenir la ville en activité. La représentation se fait plus silencieuse mais le spectacle continue.

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SCENE 2

un renouvellement

programmatique

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On n’assiste jamais deux fois à la même représentation. La ville ne connaît pas de routine. Bien que le scénario semble similaire dans les évènements, les déplacements, les conversations, rien ne se répète. La ville accueille en permanence de nouveaux individus venant à sa découverte, de nouveaux personnages pour de nouvelles représentations.

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“ (...) plus qu’une simple scène où les acteurs jouaient des rôles, c’était le microcosme où se reflètait le macrocosme, le miroir varié, où la société se contemplait elle-même (...)” Le monde d’hier - Stefan Zweig, 1942

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EPILOGUE Les specificites dE L’ESPACE

SCENIQUE DANS LA VILLE

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Notre oeil est notre caméra Nous cumulons les fonctions de metteur en scène et de personnage. Nous sommes à la fois du côté de la scène et de la régie. Dans la ville, nous faisons partie du décor et nous l’organisons à travers notre perception. Le changement de décor est créé par notre mouvement à travers la ville et nous pouvons assister à plusieurs représentations dans la même journée.

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Le point de vue sur la ville n’est jamais omniscient L’espace scénique existe dans toute la ville, en permanence. Le public est nul part et partout à la fois, car les fonctions se confondent. Personne ne peut simplement être spectateur d’une scène : il y est forcément rattaché et même passif, il incarnera à ce moment donné un rôle.

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La ville est un espace scénique (gigogne ou multiple) L’espace commercial contient des sous lieux aux scénographies fortes et singulières. Dans l’espace commercial, on retrouve des situations liées à l’espace intime ou à la rue. Un ensemble de fauteuil reconstituera un salon temporaire tandis qu’une table et plusieurs chaises seront à l’image d’une salle à manger classique. L’espace commercial, comme le parc, se constutuent de “rues intérieures” avec des dispositifs communs à la rue comme la devanture vitrée ou un panneau. Le décor n’est jamais unique : un lieu peut en rassembler plusieurs. La ville peut être interprétée en tant qu’espace scénique unique multiple ou un espace scénique gigogne, enfermant des “sous-décors” poreux s’influençant entre eux. Les représentations s’intercroisent, les personnages passant d’une scène à une autre au fil de leur parcours dans la ville.

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TABLE AVANT PROPOS CARTE DES POINTS DE REPERES

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ACTE I : LE DECOR

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SCENE I CHAQUE LIEU DE LA VILLE EST UN DECOR SCENE 2 UN MEME LIEU CHANGE AU COURS DU TEMPS SCENE 3 LA VILLE EST SCENOGRAPHIEE

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ENTRACTE 32 ACTE II 38 SCENE 1 : CHAQUE INDIVIDU EST ACTEUR 40 SCENE 1I : LA VILLE EST LE LIEU DES COSTUMES 44

ACTE III : LA REPRESENTATION 52 SCENE 1 : LA VILLE EST EN MOUVEMENT PERPETUEL SCENE 2 : UN RENOUVELLEMENT PROGRAMMATIQUE

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EPILOGUE 64 NOTRE ŒIL EST NOTRE CAMÉRA LE POINT DE VUE SUR LA VILLE N’EST JAMAIS OMNISCIENT LA VILLE EST UN ESPACE SCÉNIQUE GIGOGNE

ICONOGRAPHIE

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