MPS MEN PORTRAITS SERIES
n°1 version française
La Folie des Grandeurs
menportraits.blogspot.com © Francis Rousseau 2011-2020
MEN PORTRAITS _____________________
INTRODUCTION
Cet outil documentaire, riche en iconographie, est divisé en plusieurs numéros thématiques. Une douzaine de thèmes sont aujourd‘hui disponibles à travers des séries de PDF de 20/30 pages (payant dans leur version haute résolution) et des présentations Powerpoint prêtes à être visionnées ou projetées en français anglais et espagnol : 1.La Folie des Grandeurs, 2. Le Doute, 3. Vains élégants, 4. Le Travail, 5. Dormir, 6. À la Mer, 7. Au Café, 8. Solitudes, 9. Armes et Larmes, 10. Masques et Casques, 11. Animaux et Compagnies… soit déjà plus de 400 pages
Ces Men Portraits Series (MPS) ont pour objet de constituer une Histoire de la représentation masculine à travers les beaux-arts (incluant la photographie) de l’Antiquité à nos jours, avec une approche transversale et multi-civilisationnelle aussi riche que possible. Rédigé par Francis Rousseau sur la base de recherches iconographiques et textuelles menées par lui-même à partir de son propre blog, connu des spécialistes depuis 2011, cet outil peut constituer excellente initiation et un complément de connaissances pour les étudiants et étudiantes en Histoire, Histoire de l’Art, Histoire de la Mode et du Costume, mais aussi en Sociologie et /ou en Littérature.. ou toute démarche documentaire ayant la curiosité pour moteur, recherchant des angles d’approches originaux, des informations peu diffusées, des anecdotes quelquefois inconnues., le tout dûment vérifié.
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Michel ALEXANDROVITCH ROMANOV (1878-1918) GRAND DUC DE RUSSIE déguisé en Tsarévitch (chef des cosaques) du XVIIIe siècle, lors du somptueux grand bal costumé donné au Palais d’Hiver, les 11 et 13 Février 1903 devant 3000 invités sur le thème des Boyards (les anciens nobles russes) pour commémorer le bicentenaire de la fondation de Saint Petersbourg.
Curieuse destinée que celle de cet homme qui fut l'héritier putatif du trône impérial de Russie entre 1899 et 1904, à l’époque où son frère, le tsar Nicolas II, n'avait pas encore d'héritier mâle. Il fut aussi membre du Conseil d'État (1901), membre du Conseil des ministres (1902), inspecteur général da la Cavalerie et général de division de l’Armée impériale de Russie pendant la Première Guerre Mondiale (1914-1918). Après l'abdication de son frère, il fut tsar de toutes les Russies …mais pendant 24 heures seulement du 15 au 16 mars 1917, sous le nom de Michel II avant d’être forcé pas le Soviet de Petrograd à renoncer au trône. A partir du moment de son abdication plusieurs thèses s’affrontent sur sa destinée : - l’une officielle et historique le donne pour le premier membre de la famille impériale exécuté (cinq semaines avant son frère et sa famille) en Juin 1918 par le Soviet de Perm, ville où Lénine l’avait exilé. - l’autre, plus romantique, prétend que voyant sa vie menacée, il se serait fait remplacer au moment de son départ en exil par un sosie et qu’il se serait enfui en Europe. Il aurait fini sa vie dans une abbaye provençale, déguisée en femme, sous l’identité de l’amie saphique d’une artiste peintre, locataire de cette prestigieuse abbaye. Certains vieux habitants du village certifie avoir vu, lorsqu’ils étaient enfants, cette « dame russe qui
avait de la moustache » se promener dans les rues du village avec sa compagne. La dame russe aurait été enterrée dans un lieu gardé secret de l’abbaye….
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SCIPIONE PULZONE DETTO IL GAETANO (1550-1598) Portrait of Jacopo Boncompagni (1574). Frick Collection, New York
Le personnage représenté est Jacopo Boncompagni, qui n’est autre que le fils naturel d’un pape. En l’occurrence : Grégoire XIII. Jacopo Boncompagni s'installa à Rome en 1572 dès que son père fut élu pape et qu'il devint du même coup, gouverneur du Castel Sant'Angelo et chef de l'armée papale. Il était un nouveau venu dans la noble société romaine dont certaines familles se targuaient d’une ascendance impériale antique. Ce portrait en armure était donc destiné à faire connaître clairement son rang et à répandre son apparence auprès de ceux qui ne l’avaient jamais vu. Bien que l'armure ait été déjà de moins en moins utilisée à cette époque sur les champs de bataille, elle continuait d'être considérée comme un symbole de virilité, de valeur militaire, de richesse, de statut social et, surtout, de lignage antique, dont ce fils de Pape se réclamait sans vergogne ! La figure de Saint-Michel gravée sur le pectoral de l'armure n'est pas uniquement une référence au Castel Sant'Angelo mais aussi au rôle de Boncompagni lui-même en tant que protecteur de l'Eglise : « L’archange de l’Eglise c’est moi ! » dit en quelque sorte cette figure gravée… sa place dans la Folie des grandeurs n’est donc pas usurpée ! Ses compétences militaires, quant à elles, sont représentées par le dieu Mars sur le casque et par le gant en acier placé sur la table à côté du casque. Sur les bandeaux dorés qui retiennent le plastron et les protections des épaules et des bras, sont représentés plusieurs trophées attestant des prouesses militaires du modèle. Dans le même esprit de démonstration des prouesses militaires de Boncompagni, on aperçoit le long de la bande centrale du plastron et à la base du casque, des représentations de Turcs captifs, commémorant la récente victoire sur les Ottomans à la bataille de Lépante en 1571. En supplément de ces motifs martiaux, cette prodigieuse armure sculptée (une œuvre d’art à elle toute seule !) comporte aussi des symboles attestant de la richesse, de la prospérité et du statut éminent du personnage, comme des cornes d'abondance et des figures grotesques portant des jarres de fruits. La braghetta (d’où provient le mot français Braguette) devait, elle aussi, signifier au spectateur de la Renaissance, la puissance du personnage. Cette proéminence marquée était destinée à valoriser le membre viril du porteur et, par là-même, sa capacité supposée à gouverner. Jusque dans les années 1580, les braguettes devinrent de plus en plus volumineuses chez les princes et rois, alors que chez les manants, elles étaient moins voyantes voir inexistantes. Pas très confraternel pour les manants… et évidemment honteusement faux ! « Qu'il s 'agisse de Charles Quint, peint par Le
Titien, de François Ier par les Clouet ou de Maximilien II par Antonio Moro… On rembourre la fameuse poche. On l’assortit au pourpoint. On l’orne de rubans, dorures, joyaux. Et on y loge, aux côtés de ses attributs, mouchoir, monnaie, et même fruits que l’on y fait mûrir pour les offrir, bien tièdes à des dames ! » Bon appétit !
MEN PORTRAITS _____________________ La Folie des Grandeurs Délégation d’indiens des tribus Sioux et Arapaho venues rencontrer le Président Hayes en 1877 à Washington. Debouts : Joe Merrivale, Young Spotted Tail, Antoine Janis. Assis (de gauche à droite) : Touch-the-Clouds (Touche-les-Nuages) et les chefs Arapho : Sharp Nose (Nez Pointu), Black Coal (Charbon noir) et Worshinun. The United States Library of Congress's Prints and Photographs division
Touch the Clouds (v.1838-1905) (premier à gauche sur la photo) était un chef de la tribu des Minneconjou Teton Lakota plus connue aujourd‘hui sous le nom de « Sioux ». Touch the Clouds (Touche les Nuages en français) était célèbre à la fois pour sa bravoure, son habileté au combat, sa force physique et ses conseils diplomatiques. Plus jeune fils de Lone Horn (Corne Solitaire), il était frère de Spotted Elk (Élan Tacheté), Frog (Grenouille) et Roman Nose (Nez Romain) ! Il était aussi sans doute un cousin du fameux chef
Crazy Horse (Cheval Fou). En 1875, après la mort de son père, il a assumé la direction de sa tribu pendant toute la première partie de la Grande Guerre des Sioux (1876-1877). Après la bataille du Little Bighorn, il emmena sa tribu vers le nord, puis se rendit à la Spotted Tail Agency, où il fut enrôlé comme Indian Scouts. Peu de temps après la mort de Crazy Horse, Touch the Clouds fut transféré avec toute sa tribu sous l’autorité de la Cheyenne River Agency. Dans sa longue vie de Grand Chef Sioux, il aura réussi à rencontrer le Président américain mais, ni lui ni les autres membres de la délégation, ne se sont fait photographier en sa compagnie…
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CARL LARSSON (1853-1919) Male figure, 1914
Carl Olof Larsson est un artiste suédois, dessinateur, illustrateur, peintre, aquarelliste fresquiste, décorateur d'intérieur. Paradoxalement, les œuvres de styles très variés de ce peintre francophile ont pu aisément faire vivre sa famille et lui permettre de conserver son indépendance de pensée tout en affirmant des valeurs très anticonformistes. Il devint, un peu comme Gaudi en Espagne, le peintre rêvé de la bourgeoisie suédoise.
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CORNEILLE DE LYON (1500-1575) Portrait d'Anne de Montmorency, 1533 Museum of Fine Arts, Boston (Mass.)
Créé duc et pair en 1551, Anne de Montmorency était devenu un des plus puissants seigneurs de France, possédant près de 600 fiefs. Amoureux des arts, il protégea Bernard Palissy, Jean Bullant, l'architecte de ses deux châteaux de Chantilly et d'Écouen. Ce château d'Écouen peut lui-même symboliser l'homme que fut Anne de Montmorency : à la fois forteresse stratégique et imposante, mais aussi palais des arts inspirés des plus grandes œuvres architecturales d'Italie. Sous le règne de Henri II (1547-1559), dont Anne de Montmorency est le mentor, le connétable fait la connaissance de Philibert Delorme qui travaille pour le roi dans les châteaux de SaintMaur, Anet et Meudon. En 1525, Anne est fait prisonnier en compagnie du roi François 1er à Pavie. Libéré contre rançon, il négocie le Traité de Madrid (1526) et met fin à la guerre entre François Ier et Charles Quint. Pour le remercier, la mère du roi François 1er lui offre le château de Fère-en-Tardenois lors de ses noces avec Madeleine de Savoie. De son épouse Madeleine de Savoie, Anne de Montmorency eut 12 enfants. Deux de ses arrière-petits-fils furent d'éminents chefs militaires au service de la France : le maréchal de Turenne (1611-1675) et le Grand Condé (1621-1686). Haut lieu de l’Histoire de France, une place forte sur une motte est indiquée à Fère dès 958, A partir de 1206, Robert de Dreux, le frère du roi et Louis VII. son fils, commencent à élever une forteresse dont la construction s’achève en 1260. Le château passe ensuite à la première maison Valois-Orléans. A partir de 1528, le connétable Anne de Montmorency le fait transformer, ajoutant le grand pont couvert, attribué à l'architecte Jean Bullant. La Couronne le confisque après le supplice d'Henri II de Montmorency avant de le rendre peu après à Charlotte de Montmorency, épouse du Prince de Condé. Il passe ainsi à la branche cadette des Condé, les princes de Conti, puis au duc d'Orléans, père de Philippe Égalité. Sans le moindre scrupule ni remord, ce dernier démolit en partie cette merveille d’architecture Renaissance en 1779 et en vend les matériaux et les meubles à l’encan. Ses créanciers s'emparent du reste et le vendent aux enchères, à Paris en 1793. De nos jours, les ruines sont classées et appartiennent au Conseil départemental alors que les écuries abritent un hôtel de luxe….
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AL CAPONE jouant du banjo lors de sa première incarcération en 1929 Photographe anonyme .
Cette photo aurait été prise dans la cellule du célèbre chef de la mafia américaine, Al Capone (1899-1947) dit aussi Scarface lors de sa toute première incarcération. Mort de sa belle mort quoiqu’un peu rongé par la syphilis - à l’âge de 48 ans, ce gangster américain fit fortune dans le trafic d'alcool de contrebande durant la période de la prohibition mais aussi dans l’organisation de tripots clandestins, dans la prostitution, et le chantage avec rançon…. Ce délicieux personnage qui n’avait pas que des amis, doit régler en 1929 une terrible guerre des gangs qu’il résout de façon définitive au cours d’une expédition punitive connue sous le nom explicite de Massacre de la Saint Valentin. A l’issue de cet épisode, Capone régna en maître absolu sur Chicago… mais contrairement à la plupart des autres chefs de gang, il ne s’estima satisfait qu’après avoir fait tuer tous ceux qui ne lui
avait pas fait allégeance. Ce massacre de la SaintValentin eut un effet pervers dans l’opinion publique : Capone qui, jusque-là, bénéficiait de la bonne image de celui qui luttait au nom du peuple contre la prohibition, une sorte de Robin- des-Bois de la bouteille, apparut tout à coup comme une menace et devint l'ennemi public numéro 1. C’est à ce moment précis que son arrestation, la première, est arrangée. Pour calmer l’opinion publique très remontée à la suite du Massacre de la Saint-Valentin, il est décidé de lui infliger une peine d’au moins… un an de prison ! Al Capone accepta de bonne grâce ce qu’il considérait en réalité comme une « mise à l'abri », car de nombreux « contrats » avaient été passés sur sa vie ! La photo ci-contre fut tout aussi arrangée que son arrestation, pour ne pas dire honteusement trafiquée !!!
Si elle représente bien une cellule du State Penitentiary à Philadelphie, avec ses peintures cloquées, la comparaison avec la cellule que Capone occupa réellement s’arrête là. En effet une autre photo ci-dessous montre la vraie cellule que Capone s’était fait aménagée à grand renfort de pots de vins, une cellule avec moquette, meubles anciens, petites lampes à abats jours coquets et toilettes séparées. Rien à voir avec les toilettes ébréchées de la photo. Y jouait-il du Banjo ou du Youkoulélé ? Le mystère reste entier.
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En 1886, la reine Victoria, Reine d'Angleterre et Impératrice des Indes, commanda à Swoboda une peinture d’un groupe d’artisans indiens qu'elle avait invités à Windsor. La reine apprécia tellement le travail de Swoboda, qu’elle lui paya le voyage en Inde pour qu’il réalise des portraits de ses habitants. La Reine Victoria avait laissé des instructions très directives à Swoboda : « Les croquis que Sa Majesté souhaite représenteront les différents types de nationalités qui composent les Indes. Ils devront être constitués de têtes de même taille que celles déjà réalisées pour La Reine, ainsi que de petits portraits en pieds. Sa Majesté ne souhaite pas que les images soient trop grandes, et vous propose plutôt de rapporter des croquis d'après lesquels vous peindrez vos tableaux après votre retour. " Lorsque la reine Victoria reçut les peintures, elle en fut très satisfaite et les considéra comme "de si belles têtes… de belles choses". Swoboda travailla ensuite pour la reine pendant onze ans, produisant plus de 40 portraits de ses sujets sudasiatiques, qui sont conservés aujourd'hui à Osborne House. et dans les collections du Royal Trust. А son retour des Indes, Swoboda peignit également pour la reine un portrait de Mohammed Abdul Karim dit The Munshi, qui resta célèbre dans l'histoire pour avoir été le favori indien de la reine Victoria. Mohammed Abdul Karim né en 1863 à Lalitpur en Inde britannique et mort en avril 1909 près d'Agra en Inde, connu comme « le Munshi », fut un employé
RUDOLF SWOBODA JR. (1859-1914) Hafiz Mohammed Abdul Karim, surnommé The Munshi Serviteur de la reine Victoria The Royal Trust Collection ,
musulman indien de la reine, qui conquit l'affection de la souveraine au cours des quinze dernières années de son règne. En 1887, année du jubilé d'or de la reine, il fut l'un des deux Indiens choisis pour devenir ses serviteurs. Victoria en vient à lui porter un grand intérêt et lui donna le titre de « Munshi », un mot hindi-ourdou souvent traduit comme « commis » ou « enseignant ». Elle le nomma son secrétaire particulier, le couvrit d'honneurs t obtint pour lui la concession à vie d'un domaine en Inde. L'étroite relation entre Karim et la reine conduisit à des frictions au sein de la Cour, parmi les membres qui se considéraient supérieurs à lui. La reine feignait de rien entendre de tout cela et au contraire insistait pour que Karim soit présent avec elle pendant chacun ses voyages. Le sujet fut même l’objet de discussions houleuses entre la reine et ses ministres à qui elle ne permettait aucune intrusion dans ce domaine. Après la mort de Victoria, en 1901, son successeur, Édouard VII, renvoya Karim en Inde dans son domaine non sans avoir ordonné auparavant la confiscation et la destruction de la correspondance avec sa mère. Karim vécut ensuite tranquillement près d'Agra, sur la propriété que Victoria lui avait fait attribué, jusqu'à sa mort à l'âge de 46 ans. Un film a été tiré récemment de cette histoire d'amour hors norme et sans doute platonique...
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En 1886, le corps deformé par l’alcool et les sucreries qu’il consommait sans modération, Louis II se fait photographier par Joseph Albert
LOUIS II DE BAVIÈRE PAR FERDINAND VON PILOTY (1865) Bayerische Staatsgemaldesammlungen,
Si quelqu’un incarne encore aux yeux de tous la Folie des Grandeurs, c’est bien lui, Ludwig Otto Friedrich Wilhelm von Wittelsbach, plus connu sous son titre Louis II de Bavière (1845-1886). Mort à l’âge de 41 ans, il incarne tous les fantasmes et toutes les démesures du 19e siècle. Personnage excentrique entre tous à tel point qu’il fut considéré et déclaré fou, il laissa un héritage qui fait aujourd’hui les beaux jours du tourisme allemand ! Il commanda notamment la construction de plusieurs châteaux et palais d’envergure comme Herrenchiemsee, réplique du château de Versailles ou encore Linderhof bourré de gadgets extravagants (dont une table escamotable dans le plancher une fois le repas terminé) ou, le plus célèbre de tous, Neuschwanstein, grandiose folie gothique destinée à faire oublier la suppression du SaintEmpire. Louis II fut aussi l’unique mécène du compositeur Richard Wagner pour lequel il fit construire le Festspielhaus (Palais des festivals) de Bayreuth voulu par le compositeur pour y exécuter spécifiquement ses œuvres. Dans sa vision exaltée de la monarchie, Louis II se prenait volontiers pour Parsifal, héros des Sagas, devenu le gardien du Graal en raison de la pureté de son âme. À partir de 1871, le roi affecta l'essentiel des finances bavaroises, puis sa fortune personnelle à ses projets artistiques et architecturaux dispendieux, ce qui le fit tomber en disgrâce auprès du chancelier allemand Otto von Bismarck. Le psychiatre du roi, Bernhard von Gudden, rappela alors l'hérédité chargée de son patient, aussi bien du côté des Wittelsbach que du côté maternel, les Hohenzollern où de nombreux cas de folie étaient publics. Déclaré « aliéné mental », Louis II fut interné le 12 juin 1886 au château de Berg, au sud de Munich. Il mourut le lendemain de son incarcération, en compagnie de son psychiatre d’ailleurs, au cours d'une promenade après dîner sur le lac du parc du château. Bien des hypothèses furent soulevées dont celle du suicide… qui ne parait cependant pas être la bonne. Le roi serait en effet mort terrassé par l’eau glaciale du lac alors qu’il tentait de fuir de la barque après une conversation houleuse avec son psychiatre. On a aussi évoqué l’hypothèse d’un assassinat sans jamais avoir pu la prouver …. De ce roi profondément romantique qui ne savait gouverner qu’à coup d’opéras, de châteaux improbables et d’extravagance, Jacques Bainville écrivit :
« Il conçut la vie comme un spectacle dont il prétendit régler les détails à son gré, devant être l'unique spectateur ». Il fit dire à Paul Verlaine : « Il fut l’unique et le plus grand roi de ce siècle ».
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The Ten Commandments, By Cecil B. de Mille Paramount Pictures, 1956 Yul Brynner dans le rôle du Pharaon Ramses II ,
Avait-il des ascendances mongoles et tziganes ? S'appelait-il réellement Taidje Khan ? Etait-il né en 1915 ou 1920 ? Sur l’île de Sakhaline ou sur le continent, à la pointe orientale de la Russie ? Jusqu’à sa mort Yuli Borissovitch Bryner dit Yul Brynner ne cessa d’alimenter la légende de ses origines, si bien que celles-ci restèrent longtemps nimbées d’un mystère soigneusement entretenu par l’acteur et ses producteurs hollywoodiens. Plus probablement fils d’un ingénieur d’ascendance suisse et d'une mère juive issue de l'intelligentsia russe, petite-fille d'un médecin converti à l’orthodoxie, l’acteur serait né à Vladivostok en 1920. Après que son père eût abandonné le foyer familial, en 1927, le jeune Yuli suit sa mère en Chine, à Harbin (Mandchourie), où sa sœur et lui fréquentent une école de la YMCA. En 1934, la famille émigre en Europe et s’installe à Paris. Pour gagner sa vie, le jeune homme chante et jouede la guitare la nuit dans les cabarets, se liant notamment aux musiciens tziganes qu’il accompagne la nuit, notamment Chez Raspoutine. Le voilà ensuite trapéziste au Cirque d’Hiver, puis - après un grave chute - machiniste et acteur au Théâtre des Mathurins, alors dirigé par George Pitoëff. En 1941, nouveau départ… aux Etats-Unis cette fois, où le futur acteur francophone, travaille dans un premier temps comme speaker auprès du US Office of War Information, lequel diffuse des programmes en français à destination de la France occupée. Il étudie également le théâtre, pose comme modèle et commence à se produire à Broadway sous le pseudonyme de Yul Brynner. En 1949, il fait ses débuts au cinéma mais c’est en 1951 que le succès arrive avec The king and I (Le roi et moi) une comédie musicale dans laquelle il interprète le rôle du roi du Siam. En 1956, Yul Brynner connut un autre succès immense dans une production de la Paramount : Les Dix Commandements réalisés par Cecil B. de Mille, et dans Anastasia avec Ingrid Bergman. Concernant les Dix Commandements, la légende veut que Yul Brynner ait été si préoccupé par sa présence à l'écran face à Charlton Heston qu'il se serait astreint à un programme de musculation intensive ! Après le succès des Dix Commandements où il jouait le rôle du Pharaon Ramsès II (ci-dessus), il continua à collaborer à quelques peplum bibliques et à un grand nombre de films d'aventures exotiques ou même de western. Parmi les plus célèbres : Salomon et la Reine de Saba en 1959, Les Sept Mercenaires en 1960, Taras Boulba en 1962 et Les Rois du soleil en 1963. À partir de 1964, il se rasa les sourcils, ce qui aura pour effet de masquer son âge véritable , alors que certains médias et gens du cinéma affirmaient qu'il avait plus de 60 ans….
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L'ÉLECTEUR MAX EMMANUEL DE BAVIÈRE. Sculpture dorée dans les appartements de l'abbé d'Ottobeuren, circa 1730 .
Fils de l'électeur Ferdinand-Marie et d’Henriette-Adelaïde de Savoie, Max Emmanuel de Bavière (1662-1726) est le petit-fils de l'empereur Ferdinand II d’Autriche et arrière-petit-fils du roi Henri IV de France. Electeur de Bavière, premier Electeur du Saint-Empire et chevalier l'ordre de la Toison d’or, il parait superflu de préciser que la folie des grandeurs est inscrite aussi bien dans son éducation que dans ses gènes ! Il n'a que 17 ans lorsque ses puissants cousins Louis XIV (France) et Léopold Ier (Autriche) rivalisent pour étendre leur influence sur lui. Le 9 octobre 1685 lorsqu'il épouse la fille de l’Empereur d’Autriche, Maria Antonia, elle lui apporte en dot ses droits à la succession espagnole. Pour ces noces fastueuses, une Grande Cantate fut commandée à Marc-Antoine Charpentier, cantate qui porte explicitement le nom des époux dans son titre. Morte en couche à l‘âge de 23 ans, Maria Antonia est vite remplacée par la fille du roi de Pologne, Thérèse-Cunégonde Sobieska, qui lui donna une nombreuse progéniture. Mécène infatigable et épicurien avoué, il passa quelques mois à Suresnes donnant plusieurs fêtes somptueuses dans son château et commandant plusieurs œuvres musicales pour son orchestre personnel dont les instruments venaient des fournisseurs de la cour de France, notamment Pierre Maximilien-Emmanuel de Bavière par Joseph Vivien (1657-1734) Schleißheim State Gallery
Naust à Paris. Collectionneur avide, il acquit une collection de 101 tableaux, dont 12 toiles de Pierre-Paul Rubens, qui constituent aujourd'hui une partie du fonds de l’Alte Pinakothek de Munich. Max Emmanuel employa les dernières années de sa vie à poursuivre l'édification de deux châteaux Schleissheim et Fürstenried. En 1726, il mourut d'une très classique attaque d'apoplexie non sans avoir pris soin de faire enchâsser son cœur dans un reliquaire d'argent déposé dans la Gnadenkapelle d’Altötting où tout un chacun peut désormais non pas le voir mais l’admirer !
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EMILE FRIANT (1863-1932) Autoportrait à l’âge de 15 ans
Émile Friant naît en Moselle dans une famille modeste. Son père est serrurier et sa mère couturière. Doué pour le dessin, à peine adolescent, il demande à ses parents de lui faire suivre des études dans ce domaine. Ils l’en ont pas les moyens. Heureusement une cliente fortunée de la mère d’Emile, madame Parisot, s’intéresse propose de subvenir a ses études aux beaux arts. C’est ainsi qu’entre 1874 à 1879, Émile Friant put fréquenter l’école des Beaux-arts de Nancy. Emil Friant n’a que 15 ans lorsqu’il expose pour la première fois au Salon de Nancy. Cet autoportrait ainsi que d’autres œuvres sont immédiatement remarquées. Un critique du Progrès de l’Est relève la précocité de son talent : « Être déjà soi-même quand on est encore
élève, voir la nature d’une façon originale quand on quitte à peine les bancs est le meilleur des pronostics. ». En 1883, Emile Friant obtient le Second Grand Prix de Rome avec un tableau intitulé Œdipe maudit son fils Polynice. En 1885, il rencontre Constant Coquelin (1841-1909), l’un des plus grands comédiens français de l’époque qui créa en 1897 le rôle du Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Coquelin pris le relais de madame Parisot et devint l’un des principaux mécènes d’Emile Friant. La consécration arriva très vite. En 1889 – il a 26 ans – il présenta La Toussaint au Salon des Beaux-arts. Cet immense tableau de de 3,34 × 2,54 mètres, obtient le prix spécial du Salon puis, la même année, la médaille d’or de l’exposition universelle de Paris. Friant est fait Chevalier de la Légion d’honneur. Son succès ne se démentira plus, bien que l’engouement qu’il suscita se tempère peu à peu au 20e siècle avec le succès de l’Impressionnisme, du Fauvisme et du Cubisme dont il ne suivra jamais les mouvements. Formé a la peinture par Cabanel, Emile Friant lui resta attaché. Son évolution pourrait être caractérisée en deux mots : fidélité et liberté. Fidèle à sa jeunesse d’enfant du peuple, il se consacra en particulier à des scènes de genre où les milieux populaires sont souvent présents. Sportifs accomplis, il fut parmi les premiers à décrire l’univers des lutteurs, des canoteurs ou des nageurs… Les diktats esthétiques des novateurs ne le concernent pas. Il observe et s’inspire mais ne s’aligne pas. Il reste aussi avant tout un peintre d'atelier. Il utilise la photographie pour peindre des portraits exactement comme le font à la fin du 20e siècle les hyperréalistes. Lorsque le monde peinture ne jura que par le fauvisme, il passa à la gravure, mettant ainsi à profit son talent exceptionnel de dessinateur.
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Amenoteph IV (c.-1371/-1365 et mort c. -1338/-1337) ou Aménophis IV en grec ancien, plus connu sous le nom d’ Akhenaton (ou Khounaton) est le 10e pharaon de la XVIIIe dynastie. Figure controversée, encore admiré ou détesté, considéré parfois comme l’un des grands mystiques de l’Histoire, il bouleverse, pendant la période très courte de son règne, l’Histoire de l'Égypte antique en voulant imposer le monothéisme à une civilisation qui compte des centaines de dieux différents ! Ce Dieu unique dont il est à la fois le prophète, le disciple et l’unique incarnation s’appelle RêHorakhty. On ne peut pas être plus clair puisque cela signifie « qui est dans Aton ». L’échec cuisant de sa réforme religieuse autocentrée et la très violente réaction conservatrice qui s’ensuivit de la part de la caste des grands prêtres égyptiens, condamnèrent Akhenaton à un oubli quasi-total jusqu’à la fin du 19e siècle.
1. AMENOTEPH IV - AKHENATON Musée Edes antiquités egyptiennesLouxor Egypte 2. Crâne supposé d’Akhenaton. ,
Considéré comme hérétique dès la génération qui lui succéda, la plupart de ses représentations et celle de son épouse la très belle reine Nefertiti, furent détruites ou défigurées, ses documents gravés furent passés sous le marteau, sa momie dispersée, sa mémoire maudite. Son entrisme sur le plan religieux accompagné par une colossale inertie sur le plan politique précipitèrent un peu plus la chute de la XVIIIe dynastie. Sa très ambitieuse réforme religieuse ratée, s’assortit toutefois d'une nouvelle esthétique, à la fois baroque et naturaliste connu sous le nom d’Art Amarnien, qui tranche avec l’art égyptien figé depuis des millénaires. L'imagerie royale donna l’exemple en représentant pour la première fois le dieupharaon et sa famille dans leur intimité. Du point de vue stylistique, les visages sont émaciés et mystérieux, les codes royaux simplifiés à l’extrême…
En 1910, l'égyptologue Arthur Weigall, dans sa première biographie (très critiquée aujourd’hui), voit dans Akhenaton un précurseur du Christ : « Aucune religion à
travers le monde n'est aussi proche du christianisme que la foi d'Akhenathon ». La liste des interprétations romanesques, hasardeuses, farfelues, voire délirantes (certains voyant même en lui un extraterrestre!) de la personnalité d’Akhenaton n’a cessé de s’allonger au 20e siècle jusqu’à ce que à plusieurs milliers d'ouvrages. lui soient consacrés. En 1939, Sigmund Freud s'y intéressa aussi dans son ouvrage ésotérique controversé « L’homme Moïse et la religion monothéiste » commencer en 1910 mais qu’il ne publiera qu’à sa mort… Ce que l’on peut dire sans risque de se tromper c’est que si la Folie des grandeurs doit avoir une incarnation : Akhenaton est le candidat idéal !...Et qu’il a toutes les chances de l’emporter !!!
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JEAN-ÉTIENNE LIOTARD (1702-1789) Portrait of a Grand Vizir of Ottoman Empire, Hekimoğlu Ali Pasha. National Gallery London
La National Gallery de Londres s'est beaucoup interrogée sur ce tableau : " Le costume correspond bien à celui d'un grand vizir, mais il
se peut que la personne qui le porte ne soit pas le grand vizir mais un turc ordinaire. Par ailleurs ce tableau a déjà aussi été identifié comme étant un portrait d'Edward Wortley Montagu (1713-1776) et aussi comme un autoportrait possible de Liotard en costume exotique. » L’un des deux hommes - le peintre Liotard ou l’ambassadeur Edward Wortley Montagu - aurait voulu être Grand vizir à la place du Grand Vizir ? Ce n’est pas bien, mais c’est très humain et donc très commun… d’ailleurs plus tard dans une célèbre bande dessinée, c’est le Grand Vizir qui voudra être Calife à la place du Calife ! Une histoire d’ambition sans fin !!! Mais pour en revenir à ce tableau. Qui a menti ? Un tableau peint en 1775 par Matthew William Peter et conservé à la National Portrait Gallery de Londres montre (en haut à gauche) Edward Wortley Montagu dans un costume oriental. Rien d’étonnant à cela, son rôle d’ambassadeur auprès de la Sublime Porte (la Turquie pour faire plus simple !) le prédisposait au déguisement oriental et sa carrière de voyageur un peu espion ne pouvait pas se mener avec succès sans un minimum d’effets vestimentaires… Reste que le bonhomme ne ressemble pas tellement au portrait de Liotard ! Quand à Liotard lui-même (en bas à gauche) qui voyagea beaucoup en Europe et au Moyen Orient au point d’être surnommé le « peintre turc », il arriva à Constantinople en 1738 et y vécut pendant 4 années, réalisant sur place nombre de dessins et pastels de sujets orientaux. Un autre portrait du Grand Vizir (à droite en vignette)permet de constater que, si le costume est le même que celui du portrait de Liotard (bien que la coiffure en tulipe y soit plus extravagante encore), le personnage qui est à l’intérieur du costume, par contre, n’est pas du tout le même !!! Alors qui était ce Grand vizir qui ne ressemblait pas à son modèle ? Une sorte de Gand Vizir de propagande, peint avec le visage de l’affable, plus acceptable pour son temps ?
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PIETRO TACCA ET LODOVICO SALVETTI Ménélas portant Patrocl Loggia dei Lanzi, Firenze
La loggia dei Lanzi sur la Piazza della Signoria de Florence possède un célèbre groupe sculpté intitulé Ménélas soutenant le corps de Patrocle. Il s'agit d'une reconstitution artistique du XVIIe siècle menée par Pietro Tacca et Lodovico Salvetti à partir d'un buste antique du IIIe siècle avant l’ère chrétienne découvert à Rome au XVe siècle et appelé le Pasquino, visible sur la Piazza Pasquino à Rome. Sans attendre les représentations sculpturales, on peut, à travers les auteurs antiques comme Homère avoir une idée assez précise de l'apparence physique de Ménélas. Ces témoignages décrivent une allure aussi impressionnante que celle de la plupart des héros grecs. Anténor se souvient de lui quand il vint à Troie avec Ulysse et le décrit en ces termes : « Quand tous deux se mêlaient aux Troyens assemblés, Ménélas était d'une taille plus élevée ; mais, s'ils s'asseyaient, Ulysse semblait être le plus majestueux. » Homère insiste sur la blondeur de ses cheveux, à tel point que dans l'ensemble de l’Iliade et l'Odyssée, c'est l'épithète qui revient le plus couramment. Ses cheveux qu’il portait longs, comme les autres grecs, donnait à sa coiffure l'aspect d'une crinière de lion. Homère évoque aussi les « fortes cuisses » et les « belles chevilles » de Ménélas qu'il compare à de l'ivoire. Homère insiste aussi sur le caractère guerrier de Ménélas : « aimé d'Arès », « bon à lancer le cri de guerre », « célèbre pour sa lance », « le vaillant ». Sa voix est décrite aussi comme possédant une certaine force, son cri de guerre étant décrit comme « fameux ». Il s'exprimait bien et clairement mais sans atteindre l'éloquence d'Ulysse.
Patrocle est un des guerriers grecs les plus célèbres de la Guerre de Troie, décrit dans l’Iliade. Dans le récit d'Homère Patrocle « Ménœtiade » est présenté comme l'ami intime d'Achille et aussi comme son cousin qui l'accompagne à Troie. Lorsque les Troyens menacent d'envahir le camp grec, il parvient, pendant un temps, à mettre en déroute l'ennemi, escaladant les murs et abattant courageusement plusieurs guerriers, dont Sarpédon, un des fils de Zeus... mais par trois fois il rencontre sur son chemin Apollon qui le fait chuter de son char avant d’être mortellement blessé par Euphorbe qui le le livre ainsi mourant aux mains d’Hector, lequel l'achève d'un coup de lance dans le dos et le dépouille de ses armes. Face à un tel carnage et à un tel acharnement, Ménélas et Ajax le Grand tentent de protéger le corps de Patrocle avant de le rendre à Achille. C’est le sujet de la sculpture ci contre. Détruit par la douleur, Achille décide alors de reprendre les armes pour venger son ami Patrocle, sans se soucier du danger. À partir du Ve siècle avant l’ère chrétienne, les deux jeunes gens deviennent un symbole des relations homosexuelles, symbole dont se réclamera par exemple Alexandre le Grand et Héphæstion. Platon loua le courage de Patrocle.
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Gaspard de Gueidan (1688-1767), président à mortier au parlement de Provence, fut un notable connu pour sa ridicule vanité. Après avoir acquis la charge de président à mortier, Gaspard de Gueidan a l'ambition d'accéder à la haute noblesse. En mai 1752, il obtient l’érection de terres qu’il a récemment acquises à prix d’or, en Marquisat de Gueidan. Mais Gaspard de Gueidan ne se contente pas de cette situation, il veut effacer la trace de ses ancêtres marchands de bestiaux et pour cela il s'invente des ancêtres qu'il fait remonter jusqu'à Bertrand, comte de Forcalquier. Il va jusqu'à faire saisir le livre L'histoire
héroïque et universelle de la noblesse provençale édité à Avignon en 1757 et à y faire insérer par un stratagème peu habile sa pseudo ascendance jusqu'au comte de Forcalquier. La mystification ne passe pas inaperçue et dans les années 1760 plusieurs chansons populaires locales tournent en ridicule les prétentions de Gaspard de Gueidan. Cela ne l’émeut pas outre mesure et il voit dans ses moqueries la main de ses ennemis qui manipulent la populace. C’est à ce moment là qu’il acquiert le Couvent des Observantins, une chapelle d'Aix-enProvence dans laquelle il fait installer vers 1757 un mausolée à la mémoire de Guillaume de Gueidan, fondateur mythique (supposé) de sa famille avant 1208. Le gisant du mausolée, sculpté par Jean-Pancrace Chastel, artiste renommé à cette époque, est revêtu d’une
HYACINTHE RIGAUD (1659- 1743) Gaspard de Gueidan (1688-1767) Musée Granet, Aix-en-Provence
armure qui évoque plutôt le XVIe siècle que le Moyen-Age et repose à ses pieds sur un lion couché. À la Révolution, le couvent des Observantins est fermé et le mausolée rendu à la famille qui en fait don en 1836 au Musée Granet. Vaniteux obsessionnel, dirait-on aujourd'hui, beaucoup ont vu dans sa personnalité la véritable incarnation du Bourgeois gentilhomme qu’il aurait inspiré à Molière. Se piquant de philosophie, de musique et de danse, prenant toujours les meilleurs professeurs du moment, ses frasques amusèrent beaucoup la Cour de Louis XIV. Il ambitionna même un moment d’entrer à l’Académie française, nouvellement crée. Cruel, on le laissa faire. Sa candidature fut la risée du Paris de l’époque, plus impitoyable encore que le Paris du XXe siècle. Il n’entra jamais sous la Coupole mais mieux… ne comprit jamais pourquoi ! Le Bourgeois gentilhomme, vous dis-je. Son portrait fut peint deux fois par Hyacinthe Rigaud, en 1719 puis en 1734 (ci contre), pour une commande livrée en 1738. Hyacinthe Rigaud, considéré comme l’un des plus célèbres portraitistes français de la période classique. Dans le portrait ci-dessus, à l'arrière plan duquel apparait une magnifique montagne Sainte-Victoire, le peintre laisse volontiers transparaitre la suffisance et le ridicule du modèle qui semble même étonner son chien !
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GIUSEPPE CASTIGLIONE (1688–1766) Portrait équestre de l'Empereur de Chine Qianlong en armure d'apparat, 1758 The Palace Museum, Beijing
Giuseppe Castiglione, fut un jésuite italien, missionnaire en Chine et peintre à la cour impériale. En 1716, il prit le nom chinois de Lang Shining (郎世宁 / 郎世寧) qui signifie Homme du monde tranquille. Un strict respect de l’étiquette (jamais d’affront, ni de critique directe des conceptions chinoises) lui permit de faire partie de la cohorte des peintres accrédités à la Cour impériale de Chine, un privilège très rare surtout pour un occidental. Il forma d’autres artistes jésuites à adopter la même démarche que lui et il eut également un grand nombre d’ élèves chinois qui devinrent célèbres. Sa faculté de compromis artistique entre le réalisme occidental et le spiritualisme de l’art chinois (éviter les ombres, adopter des motifs secondaires chinois) sont à la source de cette synthèse artistique qui le fit reconnaître par trois empereurs successifs de la dynastie Qing comme le meilleur artiste de leur cour. L'Empereur de Chine Qianlong eut un long règne de plus de 60 ans qu’il interrompit volontairement pour ne pas régner plus que son illustre ancêtre Kangxi. L'empereur Qianlong porta la Chine à son apogée et étendit ses frontières plus loin que personne ne l’avait fait. La Mongolie, le Tibet, le Népal, la Birmanie... se reconnurent tributaires du « Fils du Ciel » (surnom très modeste de l'empereur) et s'astreignirent à lui verser un tribut conséquent et à pratiquer la prosternation rituelle ventre et face contre terre, le kotow, en sa présence. L'empereur, Qialong n’était pas seulement un conquérant, il était aussi et surtout un lettré, un philosophe, un peintre et un poète, manifestant comme son grand-père une grande affection pour les savants et artistes jésuites qui l'entouraient tout en renouvelant formellement l’interdiction de la prédication du catholicisme en Chine. Ce paradoxe qui parait difficilement concevable de nos jours parvint à garantir des rapports fructueux entre l’Occident et la Chine, preuve à la fois de la grande intelligence diplomatique de l’Empereur et de l’ouverture d’esprit des Jésuites. A l'intérieur des frontière Qianlong maintint l'ordre en s'appuyant principalement cette fois ci, sur les lettrés confucéens et les mandarins, de hauts fonctionnaires recrutés sur la base de concours littéraires. Ces mesures, conjuguées à un léger réchauffement climatique et de meilleures récoltes, entraînèrent une hausse rapide de la population, signe évident de prospérité : d'après les recensements officiels, la population chinoise passa de 60 millions en 1578 à 105 millions en 1661, 182 millions en 1766 et 330 millions en 1872. (...) A la fin de son règne, Qianlong s'en remit à un favori, Heshen, ancien soldat dont la beauté l’avait émerveillé. Ministre tout-puissant, il développa dans l'administration le cancer de la corruption. Le nouvel empereur Jiaqing lui imposera de se suicider sitôt après la mort de Qianlong.
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VINCENZO CATENA (1470-1531) Portrait du Doge Andrea Gritti (c. 1523-31) Huile sur toile, 97.2 x 79.4 cm National Gallery, London
Andrea Gritti (1455-1538) a été élu doge c'est à dire chef de la Sérénissime République de Venise en 1523. Cette peinture a probablement été réalisée peu de temps après. Il porte son costume officiel de Doge et sur l'un des doigts de sa main gauche, une bague en or
représentant le doge
agenouillé devant Saint Marc, le saint patron de Venise. Ce portrait de Catena communique très bien le pouvoir l'autorité et la grandeur du Doge Gritti, dont la carrière militaire et diplomatique fut extrêmement brillante. Son visage est représenté presque de profil sur un fond sombre, comme le profil d’un roi sur une médaille. Il semble regarder vers quelqu'un qui se situe en dehors du cadre tout en nous faisant un signe de la main droite dont le doigt pointé pourrait être un geste rhétorique, rappelant ses compétences de politicien. Le Dogat était une charge à vie qui donnait le pouvoir de décider la guerre ou la paix, de commander les armées, de nommer aux fonctions civiles et ecclésiastiques, de présider le sénat … mais le Doge ne pouvait prendre aucune résolution sans l’assentiment du Conseil des Dix. La monnaie était frappée au nom du doge, mais non à ses armes ; il ne pouvait choisir une épouse ailleurs qu’à Venise. En entrant en charge, il se fiançait avec la Mer Adriatique, usage qui rappelait l’empire que Venise avait alors sur les mers du monde. Le premier doge fut Paolo Lucio Anafesto en 697. Le 120e et dernier doge, Ludovico Manin, était en exercice lorsque la République de Venise fut conquise et par les armées françaises en 1797.
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BERNARD BOUTET DE MONVEL (1881-1949) S.A.R. le Maharadjah d'Indore, 1933
Maharajadhiraj Raj Rajeshwar Sawai Shri Yeshwant Rao II Holkar XIV Bahadur 1 (1908-1961)était un maharaja d'Indore appartenant à la dynastie marathe des Holkar. Doté d'une immense fortune constituée notamment de somptueux bijoux, comme les célèbres « poires d'Indore » qu’il porte sur ce tableau attachées à un collier de deux rangs de perles, Yeshwant Rao voyageait beaucoup et séjournait souvent en Europe et en France où il possédait deux propriétés, l’une à Villefranche-sur-Mer et l’autre près de Fontainebleau. Guidé par son Henri-Pierre Roché, avec lequel il faisait partie du Tout Paris de l'entre-deux-guerres, il possédait de luxueuses voitures et vivait toujours entre deux paquebots passant de Cannes à Cuba, Los Angeles, New York ou le Pérou… Il s’intéressa à l'art moderne et fit construire à Indore un palais, Manik Bagh (Jardin des rubis), conçu par l'architecte allemand Eckart Muthesius et meublé par les plus grands designers de l’art moderne européen comme Ruhlmann, Sognot, Eilen Gray, Le Corbusier, Herbst, Da Silva, Bruhns et Puiforcat. Le maharaja achèta également une version en marbre noir de l'Oiseau de Brancusi. En 1928, il acheta le château d'Hennemont à Saint-Germain-en-Laye, où vivait son père, et l'appella le Château Holkar. La dynastie Holkar commença avec Malhar Rao qui rejoignit le service du Peshwa en 1721, dirigea l'Indaur (Indore) en Inde en tant que rajas marathe puis maharaja. Les Holkar furent l'une des dynasties les plus prestigieuses de l’Inde dont le nom a été associé à l'intitulé même du gouvernant, appelé Maharaja Holkar ou Holkar Maharaja, le titre officiel étant « Maharajadhiraj Raj Rajeshwar Sawai Shri (nom) Holkar Bahadur, Maharaja of Indore, with the colonial style of His Highness ». Grand fumeur de cigares et de cigarettes, Yeshwant Rao mourut d'un cancer dans un hôpital de Bombay le 5 décembre 1961. Il laissant un fils, Richard Shivaji Rao Holkar Maharajkumar Shrimant Bahadur né en 1944, mais exclu de la succession du fait du mariage irrégulier de ses parents, et une fille, Rani Maharanidhiraja Rajeshwar Sawai Shrimant Usha Devi Maharaj Sahib Akhand Soubhagyavati Holkar, né le 20 octobre 1933 à Paris, qui hérita de tous ses titres et possessions. Le peintre mondain Bernard Boutet de Monvel jouissait déjà d’une grande notoréité au moment où le Maharadjah fit appel à lui pour réaliser plusieurs portraits, une première fois en 1929 puis en 1933 (ci-contre) ainsi que deux portraits de son épouse. En 1934, il exposa à la galerie Wildenstein de New York les portraits de la Maharani et du Maharadjah d’Indore en costumes de cour.
Les poires d‘Indores sont deux "ès grands diamants blancs de 46,95 et 46,70 carats qui sont, comme leur nom l’indiquent, en forme de poires. Par%e intégran' du "ésor des maharadjas d‘Indore depuis le XVIIIe siècle, e(es ont été portées par le Maharadj Rao II Holkar XIV Bahadur 1 (ci-con"e), puis par sa be(e fi(e la Maharani Shamista Davi Holkar, épouse du Maharaja d‘Indore Tukoji Rao III. Ce dernier, à la sui' de son divorce, abdiqua et se maria avec l‘américaine Nancy Ann Mi(er, à qui ce généreux seigneur les laissa, bonne poire, en cadeau de rupture ! E(es sont aujourd’hui dans un co(ec%on privée américaine.
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