MPS MEN PORTRAITS SERIES n° 12 Juillet-Août-Septembre 2021
SOURIONS ! menportraits.blogspot.com issuu.com/menportraits @menportraitseries © Francis Rousseau 2011-2021
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Dans l’Histoire du portrait, le sourire est une rareté. Quant au rire à pleine de dents et à gorge déployée, auquel on a donné le titre générique de «sourire denté», on ne peut pas dire qu’il encombre les cimaises des musées. Un personnage souriant sur une toile ancienne est aujourd’hui plus apprécié qu’un personnage qui ne sourit pas. Cela a déjà été le cas dans le passé, la représentation du sourire suscitant tour à tour engouement et malédiction, en fonction de régime religieux qui ont pu la considérer comme indécente voire même… diabolique. A partir de la Renaissance et après la tentative (plutôt réussie!) de Leonard de Vinci de faire sourire Mona Lisa, tentative pudique mais pourtant déjà jugée presque indécente, la peinture néerlandaise du siècle d’or est la moins farouche à représenter le sourire et le rire franc, principalement dans des scènes de tavernes. Ces endroits de perditions où l’alcool et la musique aidant, on pouvait rire à pleine dents n’échappèrent pas aux pinceaux des peintres de l’âge d’or qui se plaisaient et se complaisaient dans la représentation du rire des consommateurs. Toute décence y était abandonnée ! Le contrôle de la bouche, siège du plaisir mais aussi du péché originel (c’est par la bouche que la pomme fut croquée) n’était pas dans ses lieux, la préoccupation majeure.
JAN MIENSE MOLENAER (1610-1698) Jeune homme au chapeau de plume, riant Huile sur panneau, 18 x 16.5 cm Dorotheum, Vienna
Le peintre Jan Miense Molenaer et sa femme Judith Leister ,qui était aussi une peintre appréciée en son temps, ont laissé quelques savoureux témoignages de ces souriantes beuveries de tavernes dont on retrouvera des exemples tout au long de ce numéro 12 de MPS. Montrer ses dents en riant, qui était considéré comme un signe absolu de dépravation - en l’occurrence de prostitution chez les femmes et d’ivresse avancée chez les hommes - semble avoir cependant été une posture courante dès le néolithique si l’on en juge par certains masques trouvés en Mésopotamie (cf. p. 2). Le rire denté deviendra une constante dans les tavernes où viendront d’ailleurs s’installer, dès la Renaissance, les arracheurs de dents, ancêtres peu glorieux de nos chirurgiens dentistes modernes. La plupart des dentitions n’étaient plus représentables en peinture, à partir de 25 30 ans, sauf pour susciter le dégoût, et il fallait être jeune pour se faire tirer le portrait avec sourire denté, comme le fait le jeune homme au chapeau de plume, (cicontre). Visiblement ivre, bien qu’il ne soit pas pris en flagrant délit avec un verre dans la main, il désigne une scène que l’on ne voit pas mais qui doit être, à n’en pas douter, assez croquignolette ! En tendant un peu l’oreille, on pourrait même presque entendre son rire !
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2 MASQUES AUX SOURIRES DENTÉS & 2 MASQUES AUX SOURIRES ÉDENTÉS Pierres, période Néolithique précéramique, 7000 av. J.-C. Musée Bible et Terre Sainte, Institut Catholique, Paris
Ces masques du néolithique précéramique datant d’environ 7000 ans avant J.C., semblent être la plus ancienne représentation connue d’un sourire avec dents apparentes et sans dents apparentes. Ces visages sont tous des visages à trois trous : deux pour les yeux, un pour la bouche souriante. Certains veulent y voir l’ancêtre du Smiley (cf. dernière page) L'expression « néolithique précéramique » désigne une phase du néolithique ancien caractérisée par l'adoption de certains traits tels que la sédentarité ou le polissage des outils de pierre mais pas la fabrication de céramique. Cette classification a été introduite par Kathleen Kenyon dans le cadre de l'étude de la séquence de fouilles qu’elle a menées à Jéricho (Palestine) puis a été adoptée pour l'ensemble du néolithique du Proche-Orient datée entre 8800 et 6500 avant J.C. Cette période du néolithique fut une période très riche en innovations pendant laquelle les humains construisirent les premières maisons, inventèrent l'agriculture, l'élevage, la sculpture… Grâce à leurs innovations, pendant les 2300 ans que dura cette période il se produisit aussi une véritable explosion démographique sur la planète, la population passant de 50 millions d'hommes à 500 millions ! De quoi avoir le sourire ?! Apparemment oui pour ces êtres qui pratiquaient les relations intercommunautaires plus ou moins pacifiques, comme le commerce de l'obsidienne sur de longues distances, ou se livraient à de véritables échanges culturels encore visibles dans les similitudes qui existent entre diverses architectures aussi bien que dans l’art de leur temps dont ces masques en pierre sont une belle illustration. Pour l’ethnologue O. Bar-Yosef, ce phénomène s'entend mal sans l'émergence d'une autorité « centrale », de chefs puissants, et d'une forme de coopération entre groupes sociaux, peut-être fondées sur la parenté. La différence de représentation entre le sourire denté et le sourire non denté n’est pas documentée précisément pour l’instant. On en est donc réduit à des suppositions quant à leur interprétation. Le sourire non denté apparait toutefois plus affable que le sourire denté , souvent bizarrement menaçant ou effrayant et quelquefois d’un réalisme très surprenant. Dans les masques cicontre (en haut et au centre), le sculpteur s’est livré à un état des lieu de la dentition qui pourrait laisser songeur un prothésiste dentaire d’aujourd’hui lors d’une prise d’empreintes !
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Cette statuette mésopotamienne très célèbre est passée longtemps pour la plus ancienne représentation de sourire humain. Statue votive datant de la période des dynasties mésopotamiennes archaïques (2500-2334 av. J.C.), elle fut découverte en 1934 sur le site de Mari en Syrie (pays alors sous mandat français) par l'archéologue André Parrot. Elle est conservée au musée du Louvre à Paris sous le numéro d'inventaire AO 175511. Elles représente Ebih-Il, un dignitaire qui porte le titre honorifique de nu-bandà (intendant), une charge attribuée à des personnages de haut rang à Sumer aux alentours de 2100-2000 av. J.-C. La statue, haute de 53 cm, a été sculptée dans un bloc unique d'albâtre à grains très fins. Les yeux en amande sont incrustés en coquille avec iris en lapis-lazuli, des matériaux précieux importés du Golfe Persique et d'Afghanistan. Les yeux et les sourcils sont marqués au bitume, dont on trouve également des traces dans les mèches de la barbe. La statue représente un homme barbu et à la tête rasée, comme c’était la mode pour les dignitaires de Mari. Les sourcils, dits en arête de poisson, sont réunis au milieu pour former un mono-sourcil. Il est assis sur un siège en roseaux cousus ; la statue a été retrouvée avec des jambes qui ont été enlevées dans les années 1950. Le buste est nu et légèrement aminci à la taille. Le personnage porte un kaunakès (jupe) à longues franges, probablement un peau de mouton, retenue à la taille par une ceinture nouée au bas du dos... L'œuvre porte des traces de restauration antique.
STATUE DE EBIH-IL (c. 2400 av JC) Gypse, nacre, lapis lazulis. Hauteur : 52.5 cm Musée du Louvre (Paris)
Ebih-Il n'est pas connu autrement que par cette statuette qui le représente et pour tout dire on n’est même pas n’est pas certain que son nom soit bien celuici, Ebih étant le nom d'une montagne des monts Zagros. Les deux seules choses dont on soit certain sont : le titre élevé qu’il portait, conforté par sa position assise réservée aux grands personnages, et le fait qu’il sourit, fait qui ne sera pas rare dans la statuaire antique avant l’ère chrétienne, mais dont c’est ici – semble-t-il - le tout premier exemple dans l’Histoire ! Car au-delà du regard dont on a dit mille fois qu’il était traité de façon exceptionnelle, c’est l’expression faciale toute entière qui interpelle, révélant une sorte d'émerveillement et de béatitude. C’est bien de cela dont il s’agit d’ailleurs : d’une tentative réussie pour exprimer l'éblouissement d'un être… sans doute face à l’apparition d’une divinité. Trouvée dans les ruines du temple de la déesse Ishtar, maîtresse de l’Amour et de la Guerre, on sait aujourd’hui qu’elle fut apportée en offrande par Ebih-Il pour exprimer à la déesse, sa gratitude et son ravissement. Tout dans son attitude exprime cette dévotion, les mains croisées sur la poitrine, le crâne rituellement rasé, l’habit d’apparat mais, plus que tout et que ses yeux écarquillés d’admiration devant la déesse qu’il semble voir, c’est ce sourire si doux de sa reconnaissance, envers elle qui a traversé tant de millénaires pour rendre intacte aux spectateurs contemporains, son émotion. L’émotion d’un homme qui vécut il y a plus de 4500 ans.
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Le rire eut pour le philosophe grec Démocrite une place à part : en réalité la première ! Le rire était sa façon de résister au monde et il tenait à ce que l’on sache que provoqué par la folie et de la bêtise des hommes, son rire n’avait rien de joyeux. C’était un rire de dépit face au monde, un rire triste, un rire désespéré. Démocrite popularisa en quelque sorte le rire de désespoir. Mais à la même époque, pour son confrère Héraclite, le même monde et les mêmes hommes étaient si tragiques qu’il ne lui venait pas d’autre comportement à l’idée que d’en pleurer sans arrêt ! Ainsi quand l’un riait de tout, l’autre pleurait de tout ! Pour Démocrite l’ordre du monde était impossible à modifier et la seule alternative à la mélancolie était l'hédonisme. Pour Héraclite, tout était prétexte à lamentation et à colère. Plutôt que devoir ce qui pouvait les rapprocher, leur époque préféra les caricaturer dans ce qui les séparait, et l’on opposa dès lors Démocrite le rieur à Héraclite l’irritable taciturne. C’est ainsi que le plus naturellement du monde, dans toutes ses représentations picturales, Démocrite fut peint en train de rire e tque les artistes reconduisirent à travers les siècles cette image du philosophe ! La propension de Démocrite à rire de tout et à fuir la compagnie des hommes en vivant isolé du monde, le fit considérer par beaucoup de ses compatriotes comme un fou . De son vivant, cela prit de telles proportions que l’on appela à son chevet un médecin, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agissait d’Hippocrate en personne! Mais à la place du malade qu’il s‘attendait à trouver, Hippocrate vit un homme absorbé par son travail, assis tranquillement à l'ombre d’un arbre, un livre sur ses
ANTOINE COYPEL (école de) Démocrite, 1692 Musée du Louvre, Paris
genoux occupé, comme à son habitude, à rire des sujets qui l’occupaient. Sa conversation était sensée et Hippocrate l’apprécia tant qu’il en vint même à rire luimême ! Mettant fin à son examen médical, Hippocrate déclara que Démocrite était « sage entre les sages, ettotu
a fait à même de calmer les hommes ». Malgré sa grande popularité Démocrite ne fut jamais sociable ! Au contraire, plus il avait de succès, plus il se refugiait dans l'étude et la solitude.
« Afin de n'être point détourné par les visites importunes et les conversations prétentieuses, il recherchait la solitude et les ténèbres » écrit Cicéron ou encore : « Rarement quittait-il son cabinet : il vivait parmi les hommes, mais comme s'il n'y avait point d'hommes au monde ». Comme il se trouvait toujours un importun pour le dénicher et ne sachant plus où se cacher pour avoir la paix, Démocrite imagina de s’isoler dans les tombeaux des cimetières les plus éloignés qui soient de la ville ! Lucien de Samosate écrit : « Démocrite était de ceux
qui pensaient que l'âme mourait avec le corps, et donc il ne croyaient absolument pas aux fantômes, aux spectres, aux esprits… ». Démocrite passa des mois dans ces tombeaux, certain que personne ne viendrait le déranger dans ces lieux qui faisaient peur au commun des mortels de son temps. On raconte qu’un jour où des jeunes gens tentèrent de lui faire peur en se déguisant en spectres, il ne leva même les yeux pour les regarder et éclata de rire devant les supposés fantômes dépités. De là, une légende naïve naquit selon laquelle Démocrite avait ri devant la mort… qui avait fui ! Quand on la lui raconta, devenez ce qu’il fit ?
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Ce type de masque dit « au bec de lièvre » reproduisant un sourire grotesque était rituellement utilisé lors des fêtes du Solstice d'hiver, au moment du basculement de la permanence de la nuit vers le retour progressif de la lumière. La plupart des grandes célébrations Inuits ont lieu durant l’hiver, ce qui fournit une façon comme une autre de passer l’interminable nuit polaire ! Le moment du solstice d’hiver, autour du 21 décembre, a toujours été l'occasion de grandes fêtes pour les Inuits, la fête catholique de Noël venant se greffer à point nommé sur des célébrations déjà existantes! Cette grande fête du solstice d’hiver est plus communément appelée la Midwinter et célèbre, comme son nom l’indique, le milieu de la saison sans soleil. La Midwinter est également célébrée par les scientifiques des bases situées sur le continent Antarctique, mais elle est fêtée là-bas le 21 Juin, et non le 21 décembre comme en Arctique ! Le Nouvel an est aussi une nouvelle occasion de grand rassemblement !
MASQUE INUIT Bois flotté Alaska, 1950
Le jour de l'équinoxe vernal, le 19 mars, est également l'occasion de grandes et joyeuses festivités, puisqu'il annonce le printemps, mais surtout le grand retour du soleil en Arctique ! Les coutumes Inuit sont très spécifiques et les célébrations sacrées traditionnelles s’expriment toujours plutôt par des jeux collectifs, des joutes et des concours que par des messes ! Les Inuits ont un grand sens de la compétition, et ayant toujours été un peuple pacifique, ils pratiquent surtout des jeux d'adresse et/ou de force dont le comique voir le grotesque est rarement exclu, comme par exemple le jeu qui consiste à souffler une bougie avec une bouche tordue qui fait siffler l’air expulsé. Etant des mangeurs compulsifs au solide appétit, les fêtes sont toujours pour les Inuits l'occasion de grands banquets, suivis ou précédés de courses de traîneaux, de tir à la corde, de jeux de ballons, de concours de grimaces… dont les concours de bouches tordues participent largement.
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TÊTE D’AMENHOTEP III Nouvel Empire - XVIIIe dynastie British Museum
Plusieurs têtes d’Amenhotep III (en réalité Amenophis III) sont parvenues jusqu’à nous et sont conservées au Musée du Caire, au MET de New York ou (comme celle-ci) au British Museum à Londres. Tous ces portraits le représentent portant la couronne bleu ou khepresh et toutes insistent sur ses lèvres charnues et toujours figées dans une demi-sourire très expressif. Aménophis III est le souverain de l'Égypte ancienne qui a laissé à la postérité le plus grand nombre de statues. La comparaison des nombreuses pièces conservées à travers le monde a permis de retracer l’évolution des portraits de ce souverain. On remarque notamment un effort de stylisation, inspiré par la recherche d’un équilibre formel de plus en plus raffiné, qui aboutit à un renouvellement radical de la figuration, s'exprimant en particulier dans les portraits datés des dernières années du règne, représentant le souverain sous les traits… d’un enfant (comme ci-contre). Ces œuvres très stylisées - dont certaines ont des points de similitudes frappant avec la statuaire Khmer (comme la tête ci-contre) - préfigurent les traits expressionnistes proprement « révolutionnaires » et le maniérisme qui caractérisèrent l’art de la période amarnienne, correspondant au règne d’ Akhenaton, le fils d’Aménophis III. Lui-même fils de Moutemouia et de Thoutmosis IV, Amenhotep III ou Aménophis III, neuvième souverain de la XVIIIe dynastie, monta sur le trône alors qu'il était encore adolescent. Il fut à la tête du double Pays de 1391 à 1353 avant J.-C, année à laquelle il mourut, âgé d’une cinquantaine d’années. Pendant son règne l'Egypte fut riche, puissante, prospère et les arts furent on ne peut plus florissants. L'Égypte devint un pays cosmopolite, ouvert non seulement aux modes, mais aussi aux idées venues de l'étranger. L'art se libéra du hiératisme, caractérisant les premiers règnes de la XVIIIe dynastie plutôt tournés vers des valeurs proprement égyptiennes de vigueur et de tradition, pour adopter un « art de cour » témoignant de la douceur de vivre thébaine. Le souci d’être représenté toujours souriant symbolisait cette douceur de vivre typiquement thébaine. Pharaon bâtisseur, ses constructions, notamment aux temples de Soleb, de Louqsor et de Karnak sont très importantes. Sur la rive ouest de Thèbes, il fit élever son Temple de millions d'années, l'Amenophium : « entièrement revêtu d'or, son pavement est orné d'argent, toutes ses portes sont en électrum, construit très large, et très grand et parfait à jamais ». Non loin de là, à Malqatta, il fit construire une luxueuse cité palatiale, agrémentée d'un grand lac, le Birket Habou… Un tel roi, qui avait fait - selon les historiens - le bonheur de son pays et sans doute aussi le sien ne pouvait qu’avoir le sourire !
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Le roi khmer Jayavarman VII (1120/25-1218), est représenté ici à l'âge mûr, méditant en toute humilité, les yeux baissés. Ses lèvres affichent le célèbre "sourire d'Angkor". Sous son règne en effet, la cité d’Angkor atteignit son apogée, et l’on estime que près de 250.000 personnes y vivaient alors, (en comparaison, à la même époque, Paris comptait 80 000 habitants !) Ce roi se lança dans une frénésie de constructions, faisant élever, pendant ses 30 années de règne, plus de bâtiments à lui seul que tous ses successeurs réunis... On lui doit les fortifications qui entourent la ville mais aussi les temples de Ta Prohm, Preah Khan et bien d'autres. Avec la cité d'Angkor Thom et son Bayon, il donne un écrin unique au Mahâyâna, forme du bouddhisme valorisant la compassion. Dès lors même les murs des temples se mettent à sourire, de ce sourire unique qui exprime la joie mais aussi surtout la sérénité ! Ce sourire omniprésent dans la statuaire du Bayon va donner son nom au style architectural du règne de Jayavarman VII, qui s’appellera désormais « Le Sourire d ’Angkor ».
PORTRAIT DU ROI JAYAVARMAN VII Style du Bayon,Fin 12e febut 13 eFace et ¾ - H 42 cm Musée Guimet, Paris
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L’ANGE DE SAINT-NICAISE ou « ANGE AU SOURIRE » Sculpture polychrome, 1240 Flanc gauche du portail gauche Façade ouest - Cathédrale de Reims, France
L'Ange de Saint Nicaise, ainsi appelé parce qu’il encadre, avec un autre ange, L’Ange de L’annonciation , la statue de Saint-Nicaise (cf. vue en transparence) qui se trouve sur le portail nord de la façade occidentale de la cathédrale de Reims, est mondialement célèbre aujourd‘hui sous le nom de L’ange au Sourire ou Sourire de Reims. Cette statue, sculptée entre 1236 et 1245, fait partie d’une ensemble statuaire de 2303 sculptures ornant l’ensemble de l’édifice. Bien qu’il soit le seul à être passé à la postérité de façon spectaculaire, l’Ange de Saint Nicaise n’est pourtant pas le seul ange de la cathédrale à sourire. Dans son Dictionnaire raisonné de l’arcbitecture (1866), Eugène Viollet-le-Duc chargé par l’empereur Napoléon III de répertorier les monuments de France et leurs trésors, relève plusieurs figures angéliques souriantes comme celle de l’Ange de l’Annonciation, pendant jumeau de l’Ange de Saint-Nicaise ou celles des anges des contreforts (dont il fait un très beau dessin) ou encore celles les anges thuriféraires des chapelles absidiales. Certains seraient même antérieurs à l’Ange de Saint-Nicaise,Viollet-le-Duc les datant de1225/1230. Il les décrit ainsi : « L’Antiquité n’exprime pas mieux la jeunesse, l’ingénuité, le bonheur calme et sûr (…) rien de niais ou de mignard. C’est jeune et gracieux mais en même temps puissant et sain » . Il faut préciser que ces anges souriants inauguraient, en leur temps, un nouveau style de représentation du divin, qualifié aujourd'hui de nouveau style parisien, style par lequel on entendait sceller la réconciliation du Dieu des chrétiens et des hommes ,avec la représentation d’une divinité souriante disparue de l’iconographie depuis le Ve siècle. André Malraux n’hésita pas à rapprocher ce retour du sourire bienveillant dans la représentation du divin en occident du sourire du Boudha et du sourire d’Angkor (cf. page précédente). Mais venons en à ce qui va rendre l’Ange de Saint-Nicaise plus célèbre que les autres et lui valoir le nom de Sourire de Reims. Il faut se transporter pour cela pendant la Première guerre mondiale. Dès 1914, la Cathédrale Notre-Dame de Reims, joyau de l’art gothique, lieu sacré des couronnements des rois de France, est bombardée sans ménagement. Prétextant que la terrasse des tours sert de poste d’observation, l’armée allemande canonne les combles sans discontinuer. Tant et si bien que la cathédrale (qui était en restauration à ce moment là) finit par prendre feu… Aucune mesure d’'urgence ni de protection ne pet éviter l'effondrement de toute la partie supérieure du monument. Dans sa chute, une poutre en flammes décapita l’Ange de Saint-Nicaise. Mais, face aux drames humains causés par le pilonnage et le bombardement de la totalité de la ville de Reims, dont la population fut terrorisée, personne ne se soucia du sort de cette statu…, sauf un prêtre, l’abbé Jules Thinot. Dès le lendemain de l’incendie, il rassembla dans un sac les nombreux fragments gisants sur le parvis et courut les cacher dans les caves de l’archevêché. En 1915, alors que le conflit mondial battait son plein, le New York Times évoqua, dans un article sulfureux, « l’achat d’une tête d’ange provenant de la cathédrale de Reims » par un riche américain. On cria « Au vol, au scandale, au sacrilège !» et la statue de l’Ange de Saint Nicaise devint une véritable affaire d’Etat entre les alliés euxmêmes, ce qui ne manqua pas de réjouir un peu plus les allemands ! En réalité personne ne savait où se trouvaient les fragments restants de la statue, et personne ne le saura avant un moment, puisque l’abbé Jules Thinot, seul détenteur du secret, mourut au front ! Ce n’est qu’à la fin de la guerre que l’on découvrit par hasard, une partie de la tête et un fragment du sourire, croupissant dans les caves de l’archevêché. Il n’en fallut pas plus pour que la cathédrale de Reims devienne le symbole de la barbarie prussienne détruisant sans vergogne une partie du patrimoine universel de l’Humanité et que l’ange décapité fournisse un support idéal pour la propagande française. C’est à ce moment là que l’Ange de Saint Nicaise devient officiellement L’Ange au Sourire puis le Sourire de Reims, symbole du martyr de toute la ville. En 1926, à partir des fragments d’origine et d’un moulage conservé au Musée des monuments français, cette célèbre figure fut reconstituée et remise à sa place originelle, telle que l’on peut la voir de nos jours, dépoussiéré par la restauration de 2010 (cf. ci-contre), la douceur énigmatique de son sourire semblant ne jamais devoir s’effacer.
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GUERRIER TROYEN TOMBÉ Figure W-VII du fronton ouest du temple d'Aphaïa (v. 505-500 av. J.-C.) Glyptothè̀que de Munich
On pense que le sourire dit archaïque a été utilisé par les sculpteurs grecs et étrusques, en particulier dans le deuxième quart du vie siècle av. J.-C., pour suggérer au public que les statues qu’ils avaient devant les yeux étaient vivantes ou, en tout cas, avait été conçue pour être bienveillantes et leur communiquer un sentiment de bien-être. La représentation de ce sourire est considérée comme un évolution de la sculpture vers un certain naturalisme. C'est le sourire caractéristique du Kouros et de la Koré. Pour les spectateurs d’aujourd‘hui, ce sourire parait assez plat et peu naturel. Les sculptures « au sourire archaïque » se répandent en Grèce antique entre 600 et 480 avant notre ère). Pendant un siècle et demi, jusqu'au milieu du Ve siècle av. J.-C., le sourire archaïque est sculpté de façon très prononcé, comme un rictus très large, assez horizontal, sans courbures élégantes aux commissures, presque caricatural et traversant le visage de façon figée, comme en témoignent toutes les statues trouvées en Grèce, Asie mineure ou dans les îles de la mer Égée. On ne connait toujours pas vraiment la signification de cette posture figée, si ce n’est que l’on suppose qu’elle était censée refléter un état de santé satisfaisant et un idéal de bien-être… un peu finalement comme les sourires publicitaires de notre époque, très artificiels, très convenus mais adoptés par l’ensemble de la classe politique mondiale qui pense ainsi rassurer ses électeurs ! Seules les dents blanches font la différence avec le sourire archaïque grecque ! On a également suggéré que ce sourire figé et uniforme pouvait aussi être tout simplement dû à l’incapacité technique des artistes de ce temps à sculpter une bouche incurvée dans ces têtes un peu massives, typiques de la sculpture archaïque. L'un des exemples les plus connus de statue arborant ce sourire archaïque est le Kouros de Kroisos. Le guerrier tombé du fronton ouest du temple d'Aphaïa (ci-dessous), à Égine, est un cas d'autant plus intéressant que le personnage souriant est en train de mourir, une flèche plantée dans le cœur ! Mais… et s’il ne souriait pas ? Et si ce sourire archaïque était simplement l’expression de sa douleur ? Le rictus exprimant la douleur aurait alors été le même, dans la Grèce archaïque, que celui exprimant le rire ? Ce personnage figurait à l’extrémité gauche su fronton du temple (cf. schéma
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LEONARD DE VINCI Saint Jean-Baptiste, Huile sur bois, 1513-1516 après restauration en 2021 Musée du Louvre, Paris
C’est, avec le portrait de Mona Lisa, l’un des tableaux les plus célèbres de Leonard de Vinci et l’un des trésors du Musée du Louvre qui s’est récemment livré à une restauration minutieuse (ci-contre) de cette peinture sur panneau de bois de 69 sur 57 cm, dont le vieillissement du vernis avait altéré les détails. Le torse et le visage du saint protecteur de Florence, se dégagent sur un fond sombre ; il tient un fin crucifix en roseau dans la main gauche et tend la main droite vers le ciel. Il est représenté en ermite, vaguement vêtu d'une peau de bête (léopard) ; le mouvement de son célèbre sourire que l’on souvent rapproché du sourire énigmatique du Sphinx, et qui fut réalisé par Léonard de Vinci 10 ans après celui de Mona Lisa, est accentué par le mouvement du bras et de la main tendue vers le ciel. Son visage est celui d’un type d’adolescent aux cheveux bouclés que l’on retrouve très fréquemment dans les œuvres de Léonard et qui est selon tous les spécialistes celui de Salaï, son fils adoptif ou son amant (selon les sources). Salaï (Petit diable en italien) dont la beauté androgyne troublante aurait séduit Leonard alors qu’il n’avait que 15 ans, aurait donc servi, selon toute vraisemblance, de modèle au saint Jean-Baptiste (ci-contre) mais, plus étonnant, son sourire narquois se trouverait également être - selon certaines théories récentes – plaqué aussi bien sur le visage de la Vierge au Rocher (ci-dessous à droite) que sur celui de … Lisa Gheradini, plus connue sous le nom La Joconde (ci-dessous à gauche) sur laquelle on aura à peu près tout dit et son contraire ! Si cette théorie s’avérait exacte, on pourrait en déduire que c’est le sourire de Salaï qui serait donc le sourire le plus célèbre du monde ! De Leonard ou de son disciple-amant, on se demande qui était le plus diabolique des deux !!!
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Ce type de tableau dit « licencieux » qui représente sans aucun doute une prostituée (les seules femmes que l’on pouvait alors peindre avec ce que l’on appelait un sourire denté) et trois de ses clients, était extrêmement en vogue sous la Renaissance. Il était très fréquent que des peintres comme Lomazzo dont l'essentiel de l’œuvre pouvait d’admirer au plafond ou sur les murs des églises, peignent ce genre de toiles qualifiées de " peinturse ridicules " par la Contre-Réforme et son rigoureux mentor Carlo Borromeo. Ces faces presque déformées par le rire et "enlaidies" par la vision des dents, que l’on considéraient alors comme des parties indécentes et non montrables du corps humain, s'inscrivent directement dans l’héritage des "grotesques" de Leonardo da Vinci menant Lomazzo et d'autres artistes à imaginer un groupe de projets caricaturaux avec des faces difformes vues de profil. Bien qu’un peu relégué au second plan de nos jours, Giovanni Paolo Lomazzo fut une importante figure de la Renaissance ; non seulement peintre mais aussi poète, écrivain, auteur de nombreux traités et théoricien du maniérisme milanais.
GIOVANNI PAOLO LOMAZZO (1538-1592) Trois hommes et une femme avec un chat Collection privée
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REMBRANDT VAN RIJN Autoportrait riant (1606-1669) Huile sur cuivre, 1628 Paul Getty Museum, Los Angeles
Les peintres hollandais avec les peintres du XVe siècle italiens furent parmi les premiers à représenter des hommes et femmes avec un sourire denté et non plus seulement avec un sourire bouche fermée. Chez les peintres italiens le sourire est mutin et discret, élégant et énigmatique (cf. le Saint Jean-Baptiste de Leonard de Vinci). Chez les hollandais et chez Rembrandt en particulier, il ne s’agit ni d’un sourire esquissé ni d’un sourire esthétique mais d’un rire franc, gorge déployée, toutes dents dehors, quel qu’en soit l’état. Il ne s’agit pas en réalité d’un sourire mais en réalité… d’une grimace. Le trait jaillit sur le support peint avec la même impulsion et la même soudaineté que cette émotion incontrôlée qui plisse les yeux et déforme la bouche, et que l’on nomme… le rire ! Dans cet autoportrait de jeunesse, très lumineux, le peintre a voulu mémoriser et figurer cette émotion si soudaine, si fugace, si difficile à saisir et si rare en peinture… et présente à ce moment là de sa vie! Généralement peu flatteuse en ce qu’elle dévoile au pire des bouches béantes, au mieux des dentitions très dégradées jusqu’au milieu du XXe siècle (sauf chez les très jeunes sujets), cette émotion – réputée être exclusivement humaine - ne donne à voir aucune beauté ! C’est même tout le contraire ! Il y a une certaine laideur du visage qui rit, un déficit de la représentation idéale qui explique pourquoi on ne la trouve dans aucun portrait officiel ou dans aucun portrait de femme qui ne soit pas une prostituée. Dans certaines civilisations (comme au Japon), rire reste tabou pour les femmes jusque dans les années 1970 et c’est uniquement derrière un éventail soigneusement déployé que cette émotion peut s’exprimer… si elle doit absolument le faire ! Rembrandt utilisa à plusieurs reprises dans son œuvre le rire mais toujours en le liant à une représentation de l’intime, la sienne ou celle de Saskia, sa femme. Ce faisant, il tentait de réaliser un instantané émotionnel. Sans doute le tout premier selfie ouvertement rieur de l’Histoire du portrait (rien à voir avec le sourire figé du « Cavalier souriant » de Franz Halz par exemple). Mais pour Rembrandt, la violence esthétique de cet instantané émotionnel ne saurait être appliqué à quiconque d’autre que lui–même ou son entourage, c’est peut être la raison pour laquelle il l’employa si peu.
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS C’est dans la ville hollandaise de Haarlem, ville natale de Molenaer, que les innovations en matière de thèmes picturaux furent les plus nombreuses au XVIIe siècle. Ces changements vont d’ailleurs de paire avec le développement sur la scène commerciale internationale de la toute jeune République néerlandaise. Le comble de l’avant-garde en matière picturale est alors de prendre le sujet le plus banal de la vie quotidienne et de l’ériger par le biais de la peinture, en sujet aussi noble qu’une bataille ou qu’un tableau religieux. Cette scène chez le dentiste, dont le métier consistait principalement alors à arracher des dents pourries, fournit à Molenaer, formé chez Franz Hals, l’opportunité de présenter des expressions de visages et des situations qui vont amuser le spectateur. A cette époque la peinture devait surtout être attrayante et, éventuellement, informative. Le jeune patient grimaçant de cette toile remplit ce rôle à merveille aux yeux des Hollandais protestants de son temps par la confiance démesurée qu’il met dans le chapelet qu'il tient serré dans sa main et qui est supposé le délivrer de toute douleur! Mais, à en juger par sa grimace horrible ,et le large sourire publicitaire aux dents impeccables de la femme du dentiste qui cherche à minimiser l’intervention, il y a fort à parier que les prières aient eu peu d’effets sur les tortures infligées - sans la moindre anesthésie évidemment - par cet arracheur de dents qui était, comme la plupart de ses confrères, un escroc à la petite semaine. L’expression française « mentir comme un arracheur de dents » vient du fait que ces escrocs assuraient le patient qu’il ne sentirait rien avant d’empocher l’argent du forfait ! Et encore celui-ci n’a-t-il pas attaché son patient à la chaise, comme c’était souvent le cas ! Molenaer qui était un artiste prolifique et imaginatif a pris un évident plaisir à traiter ce sujet très novateur où l’on peut voir deux bouches ouvertes et… avec dents ! Quelques années plus tard, Molenaer épousa la peintre Judith Leyster qui elle aussi se mit à peindre nombre de toiles aux modèles riant à pleine dents, s’en faisant même une sorte de spécialité.
JAN MIENSE MOLENAER (1610-1668) Le dentiste Huile sur toile,1629, 58,7x 80, 2 cm The North Carolina Museum of Art
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FRANZ HALS (1580–1666) Le Mulâtre, 1627 Huile sur toile, 72 x 57, 5cm Staatliche Kunstsammlungen, Kassel
Dans Le Banquet des officiers du corps des archers de Saint-Georges , le grand chef d’œuvre de Franz Hals, peint en 1616, et qui représente le corps des archers et des arbalétriers, des milices civiles jouissant d'un grand prestige, chaque membre appartenant à une grande famille locale, on s'aperçoit que le peintre n’hésite pas à faire sourire quelques personnages, ce qui est absolument inédit dans un tableau officiel !
Le mulâtre Musée de Beaux-Arts de Leipzig
Quand à ce "mulâtre" riant à pleine dents (dans la mesure de celles qui lui restent en tout cas!) et buvant (sur cette version), il semble avoir été un des sujets favoris de Franz Hals pour l’expressivité débridée de son visage, puisqu’on le retrouve dans un autre toile (Musée de Beaux-Arts de Leipzig), affublé du même costume bicolore mais tourné dans l’autre sens et sans bock de bière en main (cf. vignette gauche) et encore une fois de plus, chapeauté cette foisci, dans le Joyeux Buveur, une de ses plus célèbres toiles (cf. vignette droite) conservée au Rijksmuseum d’Amsterdam. Ces trois mulâtres font échos à tous les autres Joyeux buveurs ; Jeune pêcheur ; Fêtards du Mardi gras ; Jeunes musiciens ou Couple de jeunes mariés que Frans Hals fut le premier à peindre tout sourire, dans une Hollande pourtant sous l’influence d’un protestantisme très rigoureux ! Il s’agit simplement là d’autant de personnages que les circonstances de leur vie et le bonheur passager autorisaient à sourire et à rire, et que l'immense génie de ce peintre parvint à capturer en quelques coup de pinceaux légers et aussi fugaces que l'émotion qu'il fixait. Peu d'artistes parvinrent à tant de vérité non seulement à cette époque... mais dans l'Histoire de l'art en général.
Le joyeux buveur Rijksmuseum d’Amsterdam.
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS La récréation et les loisirs étaient pour les peintres de genre hollandais un thème tout aussi important que la célébration du travail. Ces scènes dites de « joyeuses compagnies » furent très populaires pendant les trente premières années du XVIIe siècle, puis l’intérêt cessa brutalement. Les scènes représentaient, comme ci-contre, des groupes d’hommes et de femmes toujours plutôt jeunes voir très jeunes, habillés de façon correcte (quelquefois même élégante), propres, attablés avec ou sans boisson et jouant de la musique. Le sourire s’ouvrait sur une belle dentition pas encore gâtée par les excès de beuveries et de ripailles. Malgré leur innocence apparente, ces scènes étaient théoriquement destinées à illustrer les excès que les commanditaires ne connaissaient que trop bien ! Elles devaient les incliner à la condamnation morale de ce style de vie dissolue puis à la contrition. Ce fut la seule raison pour laquelle la société calviniste laissa passer sans broncher ces scènes de foires, de ripailles, de noces et de diners galants qui foisonnèrent dans la peinture de cette époque. Vêtements voyants, oisiveté, tenus dépenaillées, pieds nus, fille qui à défaut de sourire à pleine dents a déjà enfilé le haut de l’armure d’un garçon et menace de s’emparer de son casque… tout est en place ci-contre pour que la réprimande tombe. Et généralement elle tombait sous la forme d’une inscription sévère qui accompagnait le tableau… et qui était effacée sitôt le premier mois passé chez le commanditaire !!!
JAN MIENSE MOLENAER (1610-1668) Deux garçons et une fille jouant de la musique Huile sur toile, 68,3 x 84 cm National Gallery, London
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DIRCK VAN BABUREN 1595-1624) Concert Collection privée
PETER WTEWAEL(1596-1560) Homme riant avec flûte Noortman Master Paintings Gallery 623)
La musique semblait être la plus innocente compagne que le rire puisse trouver. En apparence seulement !!! car la symbolique des instruments peut rapidement appeler les foudres religieuses... du moins dans le cas de certaines dérives religieuses extrémistes comme cela a pu être le cas aux Pays-Bas entre les XVIIe et XIXe siècles. Ainsi la flûte, instrument supposé être celui des bergers dès la plus haute Antiquité, peut ne pas être considérée seulement pour le petit morceau de bois percé de quelques trous qu’elle est… mais pour autre chose ! Mise entre les mains d’un manant qui en joue avec un sourire coquin dévoilant des dents prêtes à mordre et à l’œil narquois, la flûte peut inviter la spectatrice (ou même le spectateur) à un tout autre genre de jeux ! Suivez mon regard ! Bon admettons pour la flûte, mais la mandoline ? Quoi de plus innocent qu’une mandoline ? Et bien dans ce cas là aussi le religieux porte un autre regard… forcément inquisiteur ! A qui voudrait-on faire croire que caresser obstinément cet instrument aux évidentes formes féminines, le visage affichant une rire de satisfaction à la limite de l’expression de l’orgasme et qui plus dans une tenue qui présente le musicien à moitié nu, soit innocent ? Les spectatrices et spectateurs du XVIIe siècle savaient parfaitement ce qu’il y avait à entendre dans ces concerts trop rieurs et dénudés… quitte à jeûner pendant une semaine après les avoir regardés!!!
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JUDITH LEYSTER (1609-1660) Der lustige zecher (Le Joyeux Buveur), 1629 Franz Hals Museum, Haarlem
Le rire du buveur et le rire de l’ivrogne furent les plus représentées en peinture. Il y a une raison simple à cela : l’ivresse incline au rire et justifie à elle seule la peinture de ce rictus interdit de représentation dans la plupart des sociétés puritaines. Judith Leister, qui fut l’épouse de Molinaer qui s’entendait à peindre les bouches ouvertes et les rires dentés, réalisa un nombre impressionnant de portraits de buveurs-rieurs… quitte à peindre deux fois le même personnage comme ici dans ces deux tableaux, si le modèle se révélait être suffisamment inspirant ! On notera que dans les deux tableaux, ce buveur de pintes généreuses est, en même temps, un fumeur, comme l’atteste sa pipe, sa blague à tabac et son petit chaudron portatif ! Un bon vivant en somme dont l’abus de tabac ne gâta pas trop précocement la dentition ! Ces scènes de tavernes étaient très populaires chez la clientèle bourgeoise de cette époque. Judith Leyster, qui en bonne fille de brasseur, n’était guère impressionnée par ces scènes de gaudrioles qu’elle avait eues sous les yeux pendant toute son enfance, leur préférait la peinture de natures mortes et de paisibles scènes de femmes à la maison qui n’eurent du succès que longtemps après sa mort. Femme artiste, elle tomba dans l’oubli sitôt sa dernière commande livrée par son très prospère atelier. Il faudra attendre plus de 200 ans avant que le nom de Judith Leister retrouve à nouveau une place dans l’Histoire de l’art. Une vingtaine de toiles faussement attribuées à Franz Hals ont été réattribuées depuis lors à Judith Lesiter.
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Un autre bon vivant … trop peut être si l’on en juge par son surpoids considérable : Budai ! Egalement connu sous le surnom de « Bouddha rieur », Budai (布袋) est une figure majeure en Asie, et notamment dans le bouddhisme, le taoïsme, et le shintoïsme, religion dans lesquelles il représente la générosité, la fortune et l'abondance. Budai a réellement existé. C’était un moine chan, né à Fenghua dans le Zhejiang (Chine) sous la dynastie des Liang postérieurs (907-923) ; il serait mort en 916. Il est considéré, selon l'école bouddhiste mahāyāna, comme une incarnation de Maitreya, le futur bouddha. La représentation ci-contre , une des plus ancienne que l’on connaisse, est située dans le monastère de Lingyin qui fut fondé en 328 de notre ère, sous la dynastie Jin (265420) par le moine indien Huili. Adopté par le taoïsme, Budai est admis dans cette tradition comme un dieu du contentement et de l'abondance. Lors de son passage au Japon, il entre dans le panthéon shintoïste, et fait partie des Sept Divinités du Bonheur. Budai est généralement représenté avec un visage assez gras er toujours souriant, un large ventre à l'air, chauve, oreilles aux lobes très longs (signe de haute spiritualité) et portant un sac de toile (budai en mandarin, duquel il a tiré son nom) ainsi qu'un bâton. Dans la mythologie chinoise, l'estomac étant le siège de l'âme, le large ventre de Budai peut être donc être considéré comme une allégorie de sa générosité. La légende dit aussi qu'il mettait dans son sac les jouets en bois cassés que les enfants lui confiaient et qu'il les rapportait réparés. Une sorte de père Noël recycleur avant l’heure qui lui vaut toujours, en Chine, la sympathie des enfants ! Quand on vous dit que la Chine a tout inventé… même le recyclage !
BUDAI ET SES DISCIPLES Grottes de Feilai Feng Temple de Lingyin, Hangzhou, Chine
JUDITH LEYSTER Jolly Toper
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CARRACHE ANNIBALE (1560-1609) Portrait d'un jeune homme riant. Galerie Borgèse, Rome ECOLE ITALIENNE 19E SIÈCLE Portrait de deux jeunes hommes souriant
Le rire sardonique (dans le sens de diabolique) fait son entrée dans la peinture sous la Renaissance, c’est-à-dire précisément au moment où il est placé sous haute surveillance par les autorités religieuses et où la bienséance exige toujours la maîtrise absolu du corps et des émotions qu’il peut exprimer. Evidement !!! La provocation, était trop tentante de se servir du rire pour exprimer non pas la joie mais une émotion malfaisante ! Mais de quoi parle-t-on exactement lorsque l’on évoque le rire sardonique ? Le risus sardonicus (rire sardonique ou rire sardonien) n’est en réalité ni un rire ni un sourire. C’est un spasme prolongé des muscles de la face qui semble produire un sourire très ouvert et d'aspect plutôt malveillant. Ce phénomène s’observe habituellement chez les individus atteints de tétanos mais peut aussi être provoqué par un empoisonnement à la strychnine. L'adjectif grec sardánios apparaît pour la première fois dans l'Odyssée d'Homère où il est utilisé pour indiquer le rire amer d'Ulysse, alors qu’il vient d’ esquiver une patte de bœuf lancée par Ctésippe, prétendant au trône d’Itaque. Plus tard, il est utilisé par Simonide de Céos pour décrire le rire de douleur exprimé par les malheureux étrangers qui, sitôt arrivés sur l'île de Crète, sont pris au piège de la chaude étreinte de Talos, un automate imaginer par Héphaïstos le dieu du feu, de la forge, de la métallurgie et des volcans pour accueillir dignement ses hôtes de passage ! Selon d’autres sources antiques, ce même automate Talos - que la bande dessinée a transformé en robot tueur - aurait fait beaucoup plus de victimes en Sardaigne qu’en Crête, d’où l’appellation finale du rictus ! Mais il faut attendre 2009, pour que des chercheurs de l'université du Piémont oriental (Italie) identifient l'œnanthe safranée (Oenanthe crocata) comme la plante responsable du rictus musculaire appelé sourire sardonique. Cette plante est la plus probable candidate pour correspondre à « l'herbe sardonique », une substance neurotoxique utilisée rituellement pour se débarrasser, plus ou moins discrètement, des vieilles personnes dans la Sardaigne pré-romaine tout en faisant une offrande à Cronos, le dieu du Temps (une tradition rapportée par Timée de Tauroménion). Rictus de contraction musculaire dû à un poison ou vrai rire, il y a indéniablement du malfaisant dans ce rire là !!!
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XOCHIPILLI Statue de dieu aztèque, 900-1500 ap. J-C Lombard Historical Society and Museum, Illinois (USA)
De tous les dieux (peu aimables) du panthéon Aztèque, Xochipilli est le seul qui arbore un sourire aux lèvres, et même une bouche entr’ouverte qui, pour une fois, n’était pas uniquement destinée à dévorer ses fidèles… crus de préférence ! Mais pourquoi tant de bonté, peut on se demander ? ! Et bien parce que Xochipilli avait le statut envié de dieu de l’amour, de la beauté, de de la danse, des fleurs, du printemps, de la poésie et de la musique et par extension de dieu de tous les arts. Un sacré cumular mais, visiblement, la paix était à ce prix ! Son nom contient les mots xochitl (fleur) et pilli (prince, noble ou enfant) et signifie donc le « prince des fleurs ». Mais il n’aurait pas été un dieu aztèque digne de ce nom s’il n’avait pas puni un petit peu tout de même ! Ainsi, selon le moine espagnol Bernardino de Sahagun, Xochipilli punissait ceux qui s’étaient rendus coupables de transgressions sexuelles en leur affligeant des hémorroïdes ou des maladies vénériennes… au choix ! Dans son Histoire générale des choses de la nouvelle-Espagne, (Paris, G. Masson, 1880), le moine Sahagun écrit : « On faisait chaque année en son honneur une grande fête appelée Xochilhuitl qui était inscrite parmi les fêles mobiles dont il est question dans le quatrième livre qui parle de l'art divinatoire. Pendant les quatre derniers jours qui précédaient cette fête, tous ceux qui devaient prendre part à sa célébration, les hommes aussi bien que les femmes, observaient un jeûne et une abstinence rigoureuse, et si, pendant que durait ce temps du jeûne, un homme avait communication intime avec une femme, ou une femme avec un homme, on disait que le jeûne était souillé ; le dieu s'en tenait pour grandement offensé, et c'est pour cela qu'il châtiait ceux qui s'en rendaient coupables avec des maladies des parties secrètes : hémorroïdes, suppuration du membre, furoncles, bubons, etc… car on croyait que ces maladies étaient le châtiment infligé par ce dieu pour les raisons que je viens de dire. Aussi lui faisait-on des vœux et des promesses pour qu'il apaisât ces souffrances et cessât d'en affliger les gens. » Comme quoi finalement dès que l’on se trouve en présence de dieux aztèques, il vaut tout de même mieux rester sur ses gardes et se méfier de leur sourire ! S’ils ne vous dévorent pas tout cru, ils vous clouent sur place à coup d’hémorroïdes !
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HANS VON AACHEN (1552-1615) Deux hommes riant (autoportrait), 1574 Huile sur panneau, 48 x 38,5cm Olomouc Museum of Art
En voilà deux au moins dont il a mieux valu qu’il n’ait pas maille à partir avec le dieux aztèque cité précédemment. Hans von Aachen, peintre renommé de la Renaissance s’est auto-portraituré avec un généreux éclat de rire alors que son compagnon lui tire sur la fraise par derrière de façon assez énigmatique ! On ne fait pas, dans la dentelle… si on peut dire ! Quelle licence ! Mais qui sont ces deux là pour se conduire ainsi ? En arborant des dents dans un état très moyen qui plus est ! A y bien regarder, toute interprétation licencieuse doit être rapidement abandonnée. En effet, on relève une ressemblance frappante entre les deux hommes. Frappante au point qu’on les dirait jumeaux… ! C’est, qu’en réalité, il s’agit d’un seul et même visage : un double portrait du peintre, ce qui explique sans doute la raison de son hilarité. Il s’est saisi lui-même sous deux angles et deux expressions différentes, mais avec un effet d’optique (celui du doigt qui tire sur la fraise) qui laisse penser qu’il y a deux personnages et non un seul ! Il ne s’agit pas, pour autant, d’une démarche du type de celle des autoportraits dans le miroir ou des triples autoportraits comme ceux, célèbres, de Johannes Gumpp (1626-1728), de Frida Khalo (1907-1954) ou de Norman Rockwell (1894)1978). Il s’agit ici d’une simple tentative de saisir réellement deux expressions du même personnage à des moments différents sur deux plans différents. D’autre part, le cadrage très proche du miroir du premier visage (très similaire à celui d‘un selfie contemporain) se trouve mis dans une curieuse relation de complicité ludique avec le visage de l’arrière plan (le second visage), si bien que l’on finit par avoir l’impression que c’est le visage de l’arrière plan qui tient celui du premier plan, au bout de son doigt ! La boucle est bouclée et la solution de l’énigme est donnée lorsque l’on remarque que le personnage du premier plan désigne lui-même le personnage du second plan d’un geste du doigt ! « Lui c’est moi et moi c’est lui » dit-il dans une démonstration un rien schizophrénique. Il y a bien deux visages mais une seule personne, la main qui les peint et les rires qu’elle déclenche !
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PORTRAIT ANONYME DE CONFUCIUS en Ministre de la Justice à Lu (détail) Ming dynastie (1368–1644). Encre sur soie, collée sur papier Rouleau, 117.5 × 65.7 cm Shandong Provincial Museum
Le grand Confucius (551-479 av. JC) n’était pas seulement grand par la pensée mais aussi par la taille puisqu’il mesurait 2m 06 ! X’est au missionnaire jésuite Matteo Ricci que l’on doit la latinisation de son nom chinois qui était Konfuzi en Confucius. Le voici donc montrant deux de ses dents dans un sorte de demi-sourire qui ne dit pas son nom, ce qui n’est pas complètement incongru, surtout de la part de celui qui a écrit : « A ta naissance tout le monde rit, et tu es le seul à pleurer. Conduit ta vie de façon à ce qu'à ta mort tout le monde pleure et que tu sois le seul à sourire. » L'essentiel de la pensée de Confucius nous est parvenue à travers les Analectes ou Entretiens, recueil de propos tenus entre Confucius et de ses disciples, compilés par des disciples de deuxième génération, et aussi à travers leur supplément intitulés les Entretiens familiers de Confucius. Bien qu’il n’ait jamais développé sa pensée de façon théorique, on peut dessiner à grands traits ce qu’étaient ses principales préoccupations et les solutions qu’il préconisait. Partant du constat qu’il n’est pas possible de vivre uniquement en compagnie des oiseaux et des bêtes sauvages, et qu’il faut se résoudre à vivre en bonne société avec ses semblables, Confucius tissa un réseau de valeurs qui tendait à établir et à promouvoir (dirait-on aujourd’hui) l’harmonie dans les relations humaines. Dans ce sens, « sourire à ses semblables » apparaissait comme la pierre angulaire de cet humanisme avant la lettre. En mettant l’homme au centre de ses préoccupations et refusant d’accorder la priorité dans le discours et dans les actes aux esprits ou à la mort, Confucius n’a jamais voulu « fonder une religion », même si un culte, le Confucianisme, lui a été dédié par la suite. Cherchant à bâtir une morale positive, structurée par les « rites » et vivifiée par la « sincérité », mettant l’accent sur l’étude et la rectitude, Confucius représenta pour les Chinois d’avant la Révolution communiste, l’éducateur par excellence, même si la lecture attentive des Entretiens montre qu’il n’a jamais voulu s’ériger en maître à penser ou en gourou. Au contraire, il souhaitait développer chez ses disciples l’esprit critique et la réflexion personnelle : « Je lève un coin du voile, si l’étudiant ne peut découvrir les trois autres, tant pis pour lui. ». Dont acte.
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MAURICE QUENTIN DE LA TOUR ( 1704-1788) Autoportrait à l’index, 72.7 x 13.0 cm Pastel sur papier bleu MAH - Musée d'Art et d'Histoire de Genève
« Le prince des pastellistes», le « maître des sourires galants », toutes les périphrases flatteuses lui furent appliquées tant il est vrai que Maurice Quentin de La Tour fut adoré et célébré de de son vivant. Cet autoportrait à l’œil pétillant, à la bouche souriante, entrouverte sur deux incisives et deux canines en parfait état, son petit bonnet favori de taffetas sur la tête, le coude enjambant le rebord d’un œil de bœuf et l’index pointé vers une mystérieuse destination, donne une idée de l’insolence du personnage que rien ne faisait plier. Sa vie fourmille d’anecdotes plus ou moins vérifiables. Louis-Gabriel Michaud dans sa Biographie universelle ancienne et moderne, rappelle celle ci : « La Tour connaissait mal l’art des courtisans. Mandé pour faire le portrait de Mme de Pompadour, il répondit brusquement : « Dites à Madame que je ne vais pas peindre en ville». Un de ses amis lui fit observer que le procédé n’était pas très honnête. Il promit de se rendre à la cour au jour fixé ; mais à condition que la séance ne soit interrompue par personne. Arrivé chez la favorite, il réitère ses conventions, et demande la liberté de se mettre à son aise : elle lui est accordée. Tout à coup il détache les boucles de ses escarpins, ses jarretières, son col, ôte sa perruque, l’accroche à une girandole, tire de sa poche un petit bonnet de taffetas, et le met sur sa tête. Dans ce déshabillé pittoresque, le peintre se met à l’ouvrage ; mais à peine a-t-il commencé le portrait, que Louis XV entre dans l’appartement. La Tour dit, en ôtant son bonnet : « Vous aviez promis, Madame, que votre porte serait fermée. » Le roi rit du reproche et du costume de l’artiste, et l’engagea à continuer : « Il n’est pas possible d’obéir à Votre Majesté, répliqua le peintre ; je reviendrai lorsque Madame sera seule. » Aussitôt il se lève, emporte sa perruque, ses jarretières, et va s’habiller dans une autre pièce, en répétant plusieurs fois : « Je n’aime point à être interrompu. » La favorite céda au caprice de son peintre préféré… et le portrait fut achevé. » Pas si mauvais courtisan finalement, puisque malgré ou grâce à ce caractère extravagant qui amusait beaucoup Louis XV, il parviendra à peindre aussi bien la favorite Madame de Pompadour que la reine Marie Leczinzka arborant un sourire, le Roi souriant (cf. page suivante), Mesdames, le Dauphin… bref la famille royale au grand complet ! Tout le ce beau monde se croyant plus ou moins tenu de sourire en peinture, ce qui était tout de même une première dans le Royaume de France… et participa dès lors à la légende de sa (supposée) douceur de vivre !
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MAURICE QUENTIN DE LA TOUR (1704-1788) Portrait de Louis XV Huile sur toile, 98x 65cm Musée du Louvre, Paris .
Le roi Louis XV, réputé être le plus beau gentilhomme de France, est représenté dans tout l'éclat de la jeunesse. Le front, d'un dessin très pur, se développe entre les boucles d'une perruque poudrée ; sous des sourcils parfaits, les yeux bien ouverts ont de la finesse, de l'intelligence, de la bonté ; le nez, un peu charnu à la base, accuse cette courbure caractéristique dans la famille des Bourbons, le célèbre « nez Bourbon » ; l'incarnat des lèvres trahit la sensualité bien connue du monarque ; le menton assez allongé termine agréablement ce beau visage et lui donne un grand air de distinction. Une fine cravate blanche enserre le cou. Le roi est revêtu d'une riche armure ornée de fleurs de lis d'or et doublée de velours bleu ; il porte en sautoir le grand cordon de l'ordre du Saint-Esprit, en moire bleue ; sur la poitrine s'étale un autre cordon, écarlate celui-là, auquel est attaché l'ordre de la Toison d'Or. Sur l'épaule droite est négligemment jeté le grand manteau royal fleurdelisé et doublé d'hermine. Mais… par-dessus tout : LE ROI SOURIT! Et même si ce sourire n’est guère que l’esquisse d’un sourire, à peine souligné par le plissement d’une fossette latérale, c’est une première dans l’histoire du portrait royal officiel en Europe. Une première due à l’audacieux Maurice Quentin La Tour, qui l’ exécuta d’une manière si supérieure, lui donnant une intensité de vie tout à fait étonnante, qu’elle allait se répandre pendant tout le XVIIIe siècle jusqu’à trouver, avec la peintre Elizabeth Vigée-Lebrun - qui en systématisa l’usage royal - un accomplissement. Ce portrait du monarque Louis XV souriant est parfaitement en accord aussi bien avec l’époque réputée insouciante qu’avec l’image aimable que le monarque avait alors, dans les premiers temps de son règne, méritant le beau titre de Le Bien-Aimé que lui avait donné son peuple. Quentin de La Tour n'avait rien d'un courtisan et on sait qu’il ne flatta en rien le roi. Le modèle était, toute les sources l’attestent, d’une « grande beauté proche de celle d’un femme » (sic) et le peintre n’eut qu’à copier ce que la nature avait si aimablement parfait. Bien que Quentin ait été très insolent et n’ait épargné au roi, pendant les séances de poses, aucune des boutades que Louis XIV aurait toléré habituellement, on ne peut pas être certain qu’il ait réellement prononcé la phrase qu’on lui attribue : « Souririons-nous, Sire ? » censée être à l’origine de l’esquisse de sourire du roi sur ce portrait. Ce que l’on sait par contre c’est que Louis XV avait de l'esprit et, que plus d'une fois, les réponses faites au peintre laissèrent le pauvre La Tour interloqué et pantois. Cette fois-ci, il semble que le roi ait choisi de répondre positivement à l’insolence de La Tour et… de sourire. Ce portrait de Louis XV figura au Salon de 1748 avec ceux de la Reine, du Dauphin, du maréchal de Saxe, du maréchal de Belle-Isle, du prince Edouard et de plusieurs autres. Le portrait de Louis XV fut directement acquis par le Louvre, où il figure dans la salle réservée aux œuvres du grand pastelliste.
MEN PORTRAITS _____________________ SOURIONS Après le portrait du monarque Louis XV souriant, tout le monde en France voulut donner dans le genre… y compris les intellectuels ! Chez Rousseau, cétait le sourire plutôt aimable et bon enfant du gentil. Chez François-Marie Arouet dit Voltaire,c’était le sourire sarcastique et glacial du méchant qui veille constamment! Et précisément, il semblerait bien que les deux grands intellectuels ennemis du XVIIIe siècle, le soit devenus à cause de l’intransigeance de ce vieillard aigri et – disons le – un peu haineux qu’était Voltaire. Tout commence plutôt aimablement lorsque âgé de 17 ans à peine, Rousseau se passionne pour l’œuvre de Voltaire. Plus tard il avoue dans Les Confessions que la lecture des Les Lettres philosophiques ce qui « l’attira le plus vers l’étude, et ce goût naissant ne s’éteignit plus depuis ce temps-là ». Si bien qu’en 1745, Jean-Jacques s’enhardit et écrit à Voltaire : « Monsieur, il y a quinze ans que je travaille pour me rendre digne de vos regards ». Formule trop respectueuse sans doute qui agace Voltaire au plus haut point et qui le fait savoir sans ménagement dans Paris. « Le nom de Rousseau est-il donc condamné à rimer avec celui de sot pour l’éternité ? » aurait-il même persiflé de façon bien inutile ! Rousseau, plutôt tendre et sensible, fait mine de n’avoir rien entendu, mais accuse cependant le coup et continue d’affiner sa conception de l’homme et de la société ; ainsi pose-t-il sa célèbre théorie de la bonté originelle de tout être humain que le contact de la société gâterait. Cette simple idée rend Voltaire furieux et il rétorque : « Voilà la philosophie d’un gueux qui voudrait que les riches fussent volés par les pauvres » (Discours sur l’origine de l’inégalité). Le 17 juin 1760, Rousseau lassé des piques incessantes du vieux racorni écrit à Voltaire : « Je ne vous aime point, Monsieur ; vous m’avez fait les maux qui pouvaient m’être les plus sensibles, à moi, votre disciple et votre enthousiaste. C’est vous qui me rendez le séjour de mon pays insupportable ; c’est vous qui me ferez mourir en terre étrangère, privé de toutes les consolations des mourants, et jeté pour tout honneur dans une voirie . Je vous hais, enfin, puisque vous l’avez voulu ; mais je vous hais en NICOLAS DE LARGILLIERRE (1656-1746) homme plus digne de vous aimer si vous l’aviez voulu », écrit-il avec un brio certain ! François-Marie Arouet dit Voltaire, 1724 « Je n’aime ni ses ouvrages ni sa personne », répond Voltaire, en y ajoutant une bordée d’insultes : sot, bourgeois, impudent, ennuyeux, polisson malfaisant, insocial, philosophe de Petites Maison, monstre de vanité et de contradiction, d’orgueil et de bassesse, scélérat, petit singe ingrat destiné à tomber dans un éternel oubli, né dans la fange. Il faut avouer que sur le dernier point en tout cas, le vieil aigri s’est totalement planté !!!
MAURICE QUENTIN DE LA TOUR (1704-1788) Jean Jacques Rousseau en 1753 Musée Anotoine Lecuyer, Saint Que tin
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MAURICE QUENTIN DE LA TOUR (1704-1788) Portrait de Manelli Collection particulière .
Francesco Manelli dit Mannelli (c. 1595 - 1667) était un compositeur romain, en particulier d'opéra baroque, et un joueur de théorbe de grand talent. Il fut surtout connu pour avoir apporté l'opéra dit "commercial" à Venise avec un autre comparse romain, Benedetto Ferrari. Les deux premières œuvres qui furent commercialisées au Teatro San Cassiano, en 1637 et 1638, étaient toutes deux de Manelli : Il s'agissait de L'Andromeda et de La Maga Fulminata. L’œuvre de Manelli n'est pas passée à la postérité sauf à travers quelques morceaux de bravoure écrit pour les castrats en vogue, mais il fut un musicien extrêmement célèbre de son vivant. Et comme toutes les personnalités célèbres de son temps, il aurait dépensé une fortune (et il la dépensa d’ailleurs!) pour avoir son portrait, surtout souriant, peint par Maurice Quentin de La Tour… fut-il vieillissant ! On voit que le sourire y est nettement plus franc que celui du roi… mais le pinceau, lui, est déjà beaucoup moins sûr ! Pourtant à cette époque, La Tour était à l'apogée de sa réputation : la Cour et la ville le proclamaient le roi du pastel. Tout ce que Paris comptait de considérable par la naissance et la fortune briguait l'honneur de se faire peindre par lui. La Tour, aussi avisé en affaires qu'habile homme en peinture, exploitait cette vogue et demandait pour ses portraits des sommes très élevées. Sans être avare, il avait une très haute opinion de son talent et bien souvent ses prétentions furent à ce point exorbitantes que ses modèles lui laissèrent pour compte les portraits peints plutôt que de payer les sommes qu'il réclamait. « Nous l'avons vu exigeant quarante-huit mille livres pour le portrait de Madame de Pompadour ; nous le retrouvons, à toutes les époques de sa vie, bataillant pour le règlement de ses portraits, par exemple pour ceux de Mesdames dont il réclame des prix exagérés. » Là encore une anecdote dont il est difficile de vérifier l’authenticité, prétend que fort de son « Et si nous sourions, sire ?» il commençait les premières séances de pose avec ses modèles en posant la question quasi rituelle « Voulons nous sourire? ». Si le commanditaire avait le malheur de répondre positivement, il en prenait pour le double du prix normal, pourtant déjà fort élevé. Dans le cas d’une réponse positive La Tour aurait alors enchaîné : « Voulons-nous le petit sourire ou le grand sourire ? » Si l’anecdote est vraie, on imagine ce que le grand sourire ci-contre a dû coûter à Manelli !!! Par un curieux retour de fortune, la faveur qui s'attachait aux œuvres de Quentin de La Tour diminua considérablement vers la fin de sa vie. Il est vrai que sa main n'était plus aussi sûre et qu'il gâtait souvent, par des surcharges et des retouches inutiles, des portraits admirablement peints du premier jet. Quand il mourut, dans un état voisin de la folie, il était déjà presque oublié d’une génération qui s'était créé de nouveaux goûts et forgé de nouvelles idoles. Après sa mort, cette défaveur s'affirma encore et tourna à l'injustice. L'avènement de la peinture classique, instaurée en France par David, acheva cette déchéance, et le brillant pastelliste fut englobé dans la même réprobation que Boucher, Fragonard et Watteau et plongée dans l’oubli, pendant un bon siècle ! Sic transit gloria mundi ! .
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JOSEPH DUCREUX ( 1735-1802) Autoportrait en dérision
Joseph Ducreux est le digne descendant de Quentin de La Tour avec lequel il étudia dès 1760 tout en s’inspirant de la technique de Greuze ! D’ailleurs il pointe le même index rieur que Quentin de La Tour dans son autoportrait… mais cette fois-ci, l’index est tourné vers le spectateur. Ducreux comme La Tour fut un maître incontesté du sourire et du rire denté et ce pendant tout le XVIIIe siècle, jusque dans les années les plus tourmentées de celui-ci, j’ai nommé la Révolution et les années de la Terreur. De façon assez amusante, ce maître du rire était surtout connu de son vivant pour son caractère épouvantable, « le plus irascible du monde », peut-on même lire, apparaissant aux autres presque toujours en colère ! Un comble pour nous qui le voyons toujours souriant ou /et moqueur, sur ses autoportraits ! L’habitude qu’il avait de refaire de nombreuses fois (quelquefois plusieurs fois par jour!) son propre portrait, dans des attitudes différentes, lui facilitait la tâche d’atteindre une ressemblance frappante dans le rendu et surtout de saisir l’expression des physionomies de façon tout à fait spectaculaire. L’autoportrait Le Moqueur ou Autoportrait en Dérision (ci contre) sont parmi les plus remarquables qu’il ait produits. Ses autoportraits, très connus de la fin des années 1780, montrent son intention de rompre avec la tradition du portrait compassé ou à peine souriant qui était la norme jusque là. Ils témoignent aussi de son vif intérêt - une sorte de passion même - pour la physiognomonie, cette pseudoscience basée sur le physique et plus particulièrement sur le visage de quelqu’un pour prédire son caractère et sa personnalité. En 1769, Ducreux est envoyé à Vienne pour peindre Marie-Antoinette avant qu’elle ne quitte son pays natal pour épouser Louis XVI. En remerciement du beau portrait qu’il fit de la jeune reine, qui était, dit-on belle comme un astre, il fut immédiatement fait baron. Une fois la reine installée à Versailles, il devint le premier peintre de la Reine bien qu’il n’ait jamais été membre de l’Académie royale de peinture. Cela lui attira un certains nombre de jalousies féroces, mais Marie-Antoinette que l’on disait volage mais qui ne l’était point en amitié, lui conserva constamment sa royale protection. Si bien que pendant la Révolution française, Ducreux n’eut d’autre choix que de s’enfuir à Londres où il s’installa et continua fidèlement à dessiner les tous derniers portraits de Louis XVI, juste avant son exécution. De retour à Paris en 1793, il parvint à s’associer avec Jacques-Louis David qui l’aida à poursuivre son ascension sous le nouveau régime. Ainsi le modeste domicile parisien de Ducreux devint rapidement une sorte de salon informel où les artistes célèbres du moment, Les Incroyables et Les Merveilleuses, les membres éminents de la Convention puis du Directoire puis du Consulat, venaient se faire portraiturer à l’envie ! Dans cette période troublée de l’Histoire, Ducreux joua un rôle politique et diplomatique déterminant en usant des relations considérables qu’il avait nouées quand il avait peint à la fois la cour d’Allemagne, celle d’Angleterre et celle de France ! Il connut tous les personnages marquants de temps, du simple comédien au ministre et il a laissé des documents précieux pour les historiens, à tel point que certains pensent qu’il fut un espion… Comme il le disait lui-même : « Finalement le rire mène à tout… surtout dans les périodes troublées! »
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JAMES ROSENQUIST (1933-2017) « Président Elected, 1960-1961, Triptyque, Huile sur isorel, 228 x 366 cm, Musé́e National d'Art Moderne du Centre Pompidou, Paris.
Même si le sourire denté fait de nouveau son apparition en Europe après la Révolution française, ce n’est qu’avec les peintres impressionnistes qu’il s’installe à nouveau dans les portraits. Il s’agit souvent d’un sourire naïf, tendre, nonchalant, sensuel, parfois à peine suggéré. Au XXe siècle, la photographie qui, par essence, capte l’instantané, va créer un bouleversement certain, rendant plus rares les portraits peints. Et puis vint le cinéma et son temple Hollywood, qui popularise puis « institutionalise » le sourire, à travers celui de ses stars masculines comme féminines. Le sourire éclatant, avec les dents aussi blanches et scintillantes que possible, devient un symbole de séduction, de jeunesse, de santé… et de beauté, ce qu’il n’avait jamais été jusqu’alors. Ce sourire « hollywoodien », reproduit à des millions d’exemplaires sur les panneaux publicitaires s’impose désormais au reste du monde comme l’« expression normative de la vie sociale ». De la publicité et du cinéma, cette nouvelle norme va glisser vers la politique ; il n’est plus un seul homme politique ou candidat au poste suprême comme à la moindre mairie d’arrondissemennt qui ne songerait à se présenter sans sourire. Aujourd’hui les présidents sourient, les rois sourient, le pape lui-même sourit ! Dans son tableau President Elected (ci-contre) le peintre américain de pop art James Rosenquist qui fut d’abord peintre publicitaire sur de très grand format (affiche de films, affiche de produits de grande consommation) reconduit ce fragment de réalité qu’est devenu le sourire denté dans son gigantesque portrait du président américain tout nouvellement élu. La publicité et la politique ne font plus qu’un, donnant naissance à ce que l’on appelle de nos jours la communication. Tant et si bien le sourire a perdu toute signification pour se figer dans une banale posture de convention.
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DAMIEN HIRST (né́ en 1965) For the Love of God, 2007 Platine et 8601 diamants Collection White Cube, Londres
« Souriez ,vous êtes mort « … et pas dans la misère en plus, semble dire cette vanité d’un genre nouveau imaginée
par l’artiste britannique Damien Hirst. Sous le symbole de la fugacité des richesses matérielles que les vanités ont toujours représentés depuis l’antiquité romaine et ses Memento Mori se cache à peine la symbolique de l’œuvre de l’artiste qui est censé survivre à la mort. Au contraire de la condition humaine, l’œuvre ne devrait pas se dévaloriser mais se valoriser avec le temps qui passe…. dans le meilleur des cas ! Cette œuvre-ci n’est pas un réel crâne humain mais une réplique d'un véritable crâne acheté par Damien Hirst à Islington. Le crâne original est celui d’un homme d'une trentaine d'années ayant vécu au XVIIIe siècle. La dentition a été reprise à l’identique de celle authentique du crâne original, un trésor en soi puisqu’il n’était pas si fréquent à cette époque que des dents restent en ausssi bon état jusqu’au l’âge de 30 ans ! Le crâne est incrusté sur toute sa surface de 8 601 diamants disposés sur une couche de platine, qui recouvrent la totalité de la surface pour un total de 1 106,18 carats. La réplique a été dessinée et sculptée par Jack du Rose, et fabriquée par les bijoutiers Bentley & Skinner dans le quartier de Picadilly à Londres. Un diamant rose en forme de poire a été incrusté au beau milieu du front. La production de l’œuvre a coûté 14 millions de livres à l’artiste… qui en réalité n’aurait rien fait d’autre que d’en avoir l’idée, autrement dit un chef d’œuvre de l‘art conceptuel. Le 1er juin 2007, For the Love of God fut présentée pour la première fois lors de l'exposition Beyond Belief à la galerie White Cube à Londres. L’œuvre était disposée dans un cube de verre illuminé, présenté dans une pièce sombre. L’exposition se fit sous très haute sécurité et causa un des plus grands scandales du marché de l’art… qui les affectionnait déjà beaucoup à cette époque là ! Mise à prix à 50 millions de dollars lors de cette exposition, elle est adjugée 100 millions de dollars, battant un record absolu des ventes pour cet artiste, déjà largement surcoté ! Le journaliste et critique d’art Ben Lewis révéla plus tard dans son documentaire L'art s'explose, que l'œuvre, ne trouvant pas acquéreur, avait en réalité été achetée par un groupe d’investisseurs dont Damien Hirst faisait lui-même partie dans le but, semble-il, de préserver sa cote sur le marché de l’art ! Un scandale dans le scandale, sans sens ni consistance mais comme le monde de l’art contemporain semble les aimer particulièrement et les cultiver !
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SMILEY
Un smiley (de l’anglais smile, « sourire ») que l’on est supposé traduire en français par frimousse ou binette, est un dessin extrêmement stylisé d'un visage souriant, coloré en jaune, exprimant l’amitié. Par extension, le terme est employé pour désigner d’autres visages, pas nécessairement jaunes ni souriants. Sur le web, ces images sont habituellement employées pour exprimer des émotions et peuvent donc être qualifiées d’émoticônes graphiques. Ils sont souvent représentés avec les symboles du clavier. Certaines émoticônes, par exemple: :-) et ;-) ou simplement ) stylisant et symbolisant également des visages souriants, sont souvent appelées smileys bien que ce terme ne soit pas franchement approprié. Le visage original smiley est en réalité un simple bouton jaune avec un sourire sommairement tracé et deux points représentant les yeux. Il aurait été inventé par Harvey Ball en 1963 pour une société d’assurance américaine qui voulait une campagne interne pour améliorer le moral de ses employés. Harvey Ball n’a jamais essayé de protéger cette image et encore moins de l’employer par la suite. Quand elle a migré dans le domaine public en 2013, aucune procédure de protection n’avait été entreprise si bien qu’Harvey Ball n’a jamais touché de royalties concernant cette image, aujourd‘hui célèbre dans le monde entier, à l’exception de ce qu’il avait reçu initialement du commanditaire à savoir… 45 $ ! De quoi « rire jaune » en effet !
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PEUT ÊTRE ;-)