DIPLÔME
LE PALAIS D’AHMED BEY, L’AGONIE DE LA NOBLESSE Mémoire de fin d'études en architecture de Meryem Athimni, sous la direction de Hanène Ben Slamaf
En Tunisie, la plupart des palais Beylicaux réhabilités ou restaurés demeurent assignés au hommes politiques, aux ambassadeurs, « interdits » au grand public, tandis que d’autres palais ont perdu leur aura d’antan, symboles d’un passé fastueux, ils sont livrés à l’abandon, tombent en ruines et « vivent cachés ». Le palais Beylical d’Hammam-Lif et le palais d’Ahmed-Bey à La Marsa, sont vandalisés et squattés. On craint que la civilisation contemporaine, avide de rentabilité, ne laisse disparaître définitivement les traces des sociétés qui nous ont précédés. Afin de sensibiliser le Tunisien à la dimension historique, à la richesse de son patrimoine architectural et l’importance du rôle de l’architecte dans la société, il serait judicieux de réhabiliter et reconvertir le Palais d’Ahmed Bey, en un édifice en l’honneur de l’architecture, un espace contemporain, répondant aux exigences actuelles, favorisant la réflexion, la créativité et la création architecturale. Notre étude a particulièrement été centrée sur ce palais d’Ahmed Bey ainsi que sur la place Saf-Saf à la Marsa.
A
fin de s’imprégner de l’âme du lieu, nous avons donc abordé cet espace par le biais d’une recherche exploratoire et expérimentale qui nous a permis de tester des méthodes d’enquête. Ces expérimentations urbaines comprennent des interviews, des réactivations photographiques, des cartes mentales, des récits de vie, des réflexions tout en observant les parcours quotidiens, les ambiances de l’espace public, le vécu des habitués, la mémoire du lieu. Nous avons procédé à des méthodes d’analyse quant aux résultats de nos expérimentations, à travers une lecture sensible de la place et du palais. Croquis, schémas auditifs, olfactifs, ambiances et parcours, nous avons envisagé d’aider à comprendre et à percevoir les pratiques culturelles qui maintiennent cet espace vivant. Nous nous sommes intéressés alors à la configuration spatiale de ce lieu, ce dialogue
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entre place publique et palais en décadence ; cherchant à déceler les problèmes sociaux, architecturaux et urbains. Notre approche s’est donc présentée suivant deux volets : Le premier, urbain, où nous avons envisagé de mettre en valeur le palais, en le débarrassant de toutes constructions anarchiques parasitaires qui lui sont accolées. L’intervention a pris en considération tout l’environnement immédiat du palais, puisque, vu son histoire très riche, il ne peut être dissocié de la place Saf-Saf, du café de Houas, du café du Saf-Saf, de la mosquée Al Ahmadi … Par conséquent, un réaménagement de tout le contexte urbain dans lequel se trouve le palais, s’avère intéressant, toujours dans le but de le mettre en valeur. (Recul, parcours urbain, mobilier urbain, textures au sol …)
Le second, architectural et donc, au niveau du palais même. Une rénovation suggère la réhabilitation du palais, sa reconversion mais aussi une possibilité d’extension. Nombreux sont les exemples où l’architecture en elle-même sensibilise le visiteur jusqu’à son éveil. Si l’on en réfère à notre expérience immédiate, à partir de notre vécu corporel, on observe que l’architecture, sans doute plus que d’autres formes d’art, engage et assemble un très grand nombre de dimensions sensorielles. La lumière et l’ombre, le jeu des matières et des textures, le jeu des dimensions, les relations d’échelles, le dialogue avec la taille de notre corps, autant d’éléments qui participent de manière simultanée à la découverte et à l’appréciation d’un lieu. Un parcours sensoriel et émotif commencera à partir de la dimension urbaine jusqu’au détail à l’intérieur du palais.
L'enjeu se situe donc dans la capacité que nous développerons pour créer un équipement culturel de proximité ayant pour objectif la sensibilisation, l’information et la formation du grand public à l’architecture et au patrimoine de la ville et de notre pays, en articulation avec les autres équipements culturels de la collectivité territoriale. Cet espace contribuera à compléter le maillage culturel du pays. Lieu d’information et de pédagogie, il s’adressera en priorité aux habitants de la ville et de la région, mais également aux intéressés et aux touristes. Notre but sera tout d’abord la valorisation de l’architecture au quotidien, afin de susciter et inciter donc le « désir d'architecture ». Ce désir se manifeste s'il existe un certain plaisir à partager avec les siens un espace, une culture, une histoire, avec la volonté d'apprendre mutuellement les uns des autres et sur l’histoire de notre pays.■
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