18 MM31, 31.7.2017 | SOCIÉTÉ
Reportage
Le maître des illusions
Pionnier suisse de l’Op Art, Youri Messen-Jaschin est un artiste original, à la vie fantasque mais au travail rigoureux. Ses œuvres intéressent les neurosciences du CHUV pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. Texte: Patricia Brambilla Photos: Jeremy Bierer
Y
ouri Messen-Jaschin est un tableau cinétique à lui tout seul. Chemise hawaïenne sur pantalons bariolés, une Doc Martens turquoise au pied droit et une autre rose flashy au pied gauche. Ses chaussures fétiches qu’il porte toujours dépareillées. Le rencontrer est une expérience, un moment d’art vivant, dont on ne ressort pas indemne. En fait, on ne rencontre pas Youri Messen-Jaschin, on bascule dans son univers, on entre dans une autre dimension, sitôt passé le seuil de son insolite appartement sur les hauteurs lausannoises. A 76 ans, une paire de lunettes à monture pop, l’artiste a gardé intacte l’envie de s’amuser. Il a l’œil qui pétille et, plutôt que d’expliquer ses toiles, il préfère tester les visiteurs. Dans son salon caverne d’Ali Baba, on tangue entre des tableaux immenses disposés un peu partout, des couleurs qui clignotent et sèment le trouble, des installations chromatiques en plexiglas posées sur des socles. Autant de réalisations qui se disputent l’espace avec un canapé fatigué et une collection de Mickey. «Il faut du temps pour entrer dans mes œuvres, trouver la bonne distance. Tout dépend de votre cerveau», dit-il en plaçant Gears, un tableau aux lignes noires et blanches sur un chevalet, mais où l’œil croit déceler des taches fugitives de magenta. «C’est le cerveau qui sature sous l’afflux d’informations répétitives et rajoute de la couleur», dit-il en apportant du thé vert. Un art très mathématique
Il est content de son effet, Youri MessenJaschin. Depuis plus de quarante ans, le créateur suisse est passé maître de l’Op Art, un courant artistique qui joue essentiellement sur les illusions d’optique en donnant l’impression du mouvement. On s’en doute,
Youri Messen-Jaschin vit au milieu de ses créations qui jouent sur les illusions d’optique.
pour concevoir de tels tableaux, rien n’est laissé au hasard. «Mon art est très mathématique. Un simple cercle rouge peut apporter une impression de vitesse. Chaque ligne est calculée, que ce soit pour les distances entre elles ou leur épaisseur, sinon je perds l’effet d’illusion.» La dimension esthétique? Le cadet de ses soucis! Ce qui le passionne, c’est la vibration du mouvement, sous toutes ses