Description des unités paysagères BABULLE Tiphaine - BERTRAND Laura - FOUBERT Meyris GUICHETEAU Marine - HAINCAUD Arnaud Année universitaire 2017-2018 N° 1415 - Mortain Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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Sommaire Introduction ................................................................ 4
La forêt de la Lande Pourrie ........................... 5 La vallée de la Cance (Mortain) ....................... 10 Paysage héritage : le bocage de Ger ................ 15 Mailles bocagères dilatées .............................. 20 Grands paysages agricoles .............................. 24 La vallée de la Sée ........................................... 29 Enjeux paysagers.............................................. 34 L’atelier de médiation......................................... 40 Conclusion .................................................................. 44 Bibliographie ............................................................... 45
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CARTE DES UNITÉS PAYSAGÈRES - MORTAIN-BOCAGE
Mailles bocagères dilatées
Carreau atlas situé en sud manche
Vallée de la Sée Bocage de Ger
Vallée de la Cance Grands paysages agricoles forêt de la lande pourrie
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INTRODUCTION
Dans ce livret nous présentons en équipe un regard sur le paysage et le territoire du Mortainais. De cette balade nous en avons tiré différentes unités paysagères, qui malgré leur grandes similitudes hébergent en réalité une diversité de paysages. Notre équipe se compose de cinq étudiants en deuxième année DEP à Versailles. - Tiphaine Babulle, étudiante et apprentie dans l’agence Mugo Paysage, diplômée d’un BTS Aménagements Paysagers et d’une Licence de Langues Étrangères Appliquées, originaire de Versailles. - Laura Bertrand, étudiante en formation initiale, diplômée d’un Baccalauréat en Aménagements Paysagers, d’une MàNAA, d’un BTS Design d’Espace et d’une Licence en Conception de Jardins dans le Paysage, originaire de Strasbourg. - Meyris Foubert, étudiante en formation initiale, diplômée d’un BTS Design d’Espace, originaire de Bannes en Sud-Mayenne. - Marine Guicheteau, étudiante en formation initiale, diplômée d’une MàNAA et d’un BTS Design d’Espace, originaire de Nantes. - Arnaud Haincaud, étudiant et apprenti dans l’agence Artemise, diplômé d’un BTS Aménagements Paysagers et d’une Licence en Géographie en parallèle d’une Prépa aux grandes écoles de paysage, originaire de Caen. Après une première approche de notre carreau d’étude l’an passé, cette année nous a permi d’approfondir et de mieux comprendre comment se compose ce territoire dans son entièreté. Nous avons mené des recherches en atelier avec différents outils numériques et logiciel tels que Géoportail et QGIS, ce qui nous a permi d’avoir une approche globale de la région mortainaise. Nous avons arpenté ces paysages en voiture et à pied, pour vivre et comprendre les transitions visuelles et physiques au sein de ce territoire.
Puis nous sommes allés à la rencontre des acteurs locaux qui nous ont tous apporté leur vision et leur vécu du territoire mortainais. Ses rencontres avec des acteurs locaux ont enrichi notre étude, et on pu répondre à nos questions qui demeuraient sans réponses malgré nos différentes techniques d’arpentage et d’observation afin d’assimiler la complexité de ce territoire. À première vue, la région de Mortain n’abrite pas une grande diversité de paysages: le tout à l’air homogène avec quelques nuances par endroits (transitions de grandes cultures avec le bocage et le maillage dilaté) et des éléments sortant du lot par leurs ambiances contrastées (forêts, vallées). Des jeux d’échelles doivent être fait en sortant du carreau IGN pour comprendre la complexité de notre territoire. En effet, plusieurs dynamiques se glissent curieusement de chaque côté de la carte et essayent de s’infiltrer de part et d’autre. Il se trouvent que nos unités paysagères naissent de ces dynamiques à une plus grande échelle. Ainsi, la forêt de la Lande Pourrie est comme un bras ayant pour corps le Parc Naturel Régional Normandie-Maine, les grandes cultures sont comme des vagues poussées par le plateau de Barenton. C’est aussi un zoom à l’échelle parcellaire qui permet de voir les influences des rencontres entre souffles paysagers. Les racines des haies bocagères se délient au fur et à mesure de l’avancée des grandes parcelles, les parcelles s’ouvrent vers des vues lointaines, les boisements denses s’éparpillent et se dilatent lors de ruptures du relief. Nous nous trouvons donc dans un grand paysage de rencontres, où chaque force paysagère est nourrit de l’extérieur, et vient fusionner, s’influence pour créer un visage aux multiples facettes. Nous allons voir à travers l’analyse des différentes unités, comment la confrontation des paysages influence t-elle l’évolution du territoire Mortainais?
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UNITÉ PAYSAGÈRE:
LA FORÊT DE LA LANDE POURRIE
La forêt de la Lande Pourrie dont le dessin se forme d’est en ouest par son relief protecteur souligne et scinde le territoire en deux parties telle une barrière naturelle. Cet éperon rocheux sert de repère dans le paysage. La forêt permet de prendre de la hauteur et de pouvoir profiter d’une vue d’ensemble sur la variété subtile du maillage du bocage qui s’étend.
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LES FORÊTS DE NORMANDIE: DISCRÈTES ET SAUVEGARDÉES
La forêt de la Lande Pourrie est un élément de caractère dans le paysage Mortainais: sa végétation, bien que dense, est intimement liée à un sol escarpé et serpenté. Ces deux ressources ont contribué à l’implantation de ville autour de la forêt comme celle de Ger ou de Mortain. D’une forêt nourricière à une vitrine écologique et culturelle la Lande Pourrie vit depuis une trentaine d’années un tournant d’activité. Les paysages forestiers, occupant 14% de la surface, apportent de forts contrastes dans le paysage Normand, qui est l’une des quatre régions les moins boisées de France.
Forêt privée
Le département de la Manche (où se situe notre canton), possède autant de surface forestières (9%) que de haies bocagères. Dès lors les regroupements d’arbres sur plusieurs hectares se distinguent d’autant plus.
Forêt domaniale
Les paysages forestiers normands ont été profondément affectés au cours d’une histoire complexe. Les pâturages de troupeaux des communautés riveraines, la recherche du bois d’œuvre et du bois de feu, l’alimentation des fours des forges et des verreries ont contribué au grignotage des forêts de la Manche. Sauvées par le charbon et une nouvelle politique de gestion (dû à une prise de conscience), les forêts échappèrent à ce triste héritage par la conversion des taillis en futaies et la plantation de hêtres et d’essences exotiques. On retrouve par ailleurs un zone classée ZNIEFF dans la forêt étudiée possédant des espèces protégées comme la Bruyère ciliée ou la Tillée mousse.
Massif forestier de Normandie, 2015, (Ministère de l’agriculture) On remarque que la forêt de la Lande Pourrie est composé autant de feuillu que de conifères.
Mortain
Deux éléments décident du sort d’une forêt: la nature de la végétation et sa gestion. Les bois “soumis au régime forestier”, gérés par l’Office National des Forêts, sont essentiellement, en Normandie, les forêts domaniales. Ce sont de grands massifs, aménagés en vue de la production de bois. La Lande Pourrie a aussi un rôle d’accueil du public grâce à sa diversité floristique qui fut préservée à temps. La ZNIEFF de 31ha, proche de Mortain (Inventaire Nationale du Patrimoine Naturel)
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INFLUENCE DE LA GESTION AU COURS DU TEMPS La région autour de la forêt de la Lande Pourrie possède de nombreux vallons. Nichée sur une crête, celle-ci fut préservée au fil des ans par un relief peu accessible ; Son volume a peu évolué sur 400 ans d’activités humaines. Au XVIème siècle, les bois de Normandie sont rares en dehors de quelques versants de vallées. Cela est dû à leur défrichement au cours des siècles précédents. On se sert des haies bocagères et des bois pour conduire les troupeaux. Cette même région fut, au XVIIIe siècle, au centre de la métallurgie française. Les grosses forges (notamment celle de Bourberouge) avaient des besoins qui excédaient les ressources ce qui fit payer un lourd tribut aux forêts. On peut constater ce recul sur la carte de Cassini dessinée au même siècle.
Ger Limite actuelle en rouge
Mortain
Bourberouge
Carte de Cassini (Géoportail)+ retouches photoshop Limite actuelle en rouge
Vers 1850, après la révolution industrielle, les forges ferment et remettent leur destin entre les mains du Service des Eaux et des Forêts. Celui-ci transforma les forêts domaniales de taillis en futaies. Le siècle d’après amena petit à petit des essences nouvelles (pins sylvestre, épicéa...). L’enrésinement viendra alors tracer de nouvelles lignes et masses dans la forêt de la Lande Pourrie. On peut voir sur la carte de 1950, un repeuplement progressif de la forêt. Cette évolution se poursuit jusqu’à nos jours. On remarque que même si la forêt a subi quelques dégats par le passé, une gestion plus adéquate a su la ramener à sa forme d’origine, plus allongée. Son relief est aussi une des causes de cette constance.
Carte d’état major 1820-1850 (Géoportail) + retouches photoshop Limite actuelle en noire
UN RELIEF PROTECTEUR
Ger
s
Mortain
ille
C’est aussi un lieu de rencontre entre plusieurs couches dont celle du Proterozoique et le début du Paléozoïque. Ces croisements créent des curiosités dans le paysage avec de longues crêtes (forêt de la Lande Pourrie), des cascades (Mortain), des brèches (fosse Arthour)... Mais avant tout la crête permet de protéger la végétation, alors inaccessible pour l’homme.
Carte de 1950 (Géoportail) + retouches photoshop
Fa
La crête sur laquelle la forêt a trouvé refuge fait office de barrière protégeant les mailles denses du bocage au nord et les grands champs de culture fourragères au sud. Ainsi, le relief est, sur notre territoire d’exploration, le principal facteur contre le remembrement et l’implantation d’usines et de grosses exploitations. Constitué de Grès armoricain, de Schistes à Neseuretus et de minerai de fer (dont les exploitations sont visibles avec les carrières à ciel ouvert), le relief ne manque pas non plus de dévoiler son histoire, et ce grâce aux nombreuses failles qui le traverse. Ces curiosités paysagères permettent à l’eau de circuler devenant ainsi le flux majeur entre les entités nord-sud.
Fosse Arthour Carte du relief (Géoportail) + retouches photoshop
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ARPENTAGE ET PRÉSENCE PAYSAGÈRE La forêt de la Lande Pourrie impose sa présence aussi bien sur une carte qu’en arpentage. Sa masse boisée s’est doucement révélée a nous tandis que nous arrivions par le nord (photo de gauche). Les courbes du sol se dessinaient petit à petit. Son relief était comme une boussole spatiale. Peu de routes traversent cet éperon. Celles qui le permettent prennent vite des allures de lacets et laissent notre esprit vagabondé dans un paysage bucolique.
Vue au loin de la crête, automne 2017
Du sommet de la Lande Pourrie s’offre enfin le grand paysage avec des profondes perspectives (photo ci dessous). La forêt parait moins inquiétante et nous promet une toute autre ambiance un fois la lisière franchie.
Vue du versant nord sur la faille de la fosse Arthour et la forêt boisée
Après avoir franchi les bois qui captent toujours notre regard, le relief s’aplati brutalement et la route reprend son allure de grand territoire.
Mortain
Vue de la crête sur le versant sud, printemps 2017
Bloc diagramme de la forêt de la Lande Pourrie bordant deux territoires, travail photoshop à partir de vues Géoportail.
La crête vue de loin, google
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UNE DÉLICATESSE À L’ÉCHELLE DU VIVANT Par son emprise au sol brutale, son escarpement et ses lisières taillées au cordeau, la forêt peut apparaître comme une simple muraille, défiant le plateau de Barenton. Cependant un changement d’échelle nous permet de mieux comprendre sa diversité paysagère et floristique Carte de Corine Land Cover (programme européen de coordination de l’information sur l’environnement), 2006, (Géoportail)
Mélange d’essences: hêtres et épicéas, printemps 2017
Forêt mélangée Forêt de feuillus Forêt de conifère
Lac de la Sonce, printemps 2017
Quelques plans d’eau viennent atténuer l’obscurité de la forêt.
PICEA ABIES (Épicéa commun)
QUERCUS RUBUR (Chêne pédonculé)
FAGUS SYLVATICA (Hêtre)
L’influence des conifères sur le paysage est importante: ils interviennent fréquemment sur des parcelles que leur situation rend très visible. Il y furent implantés après l’ère industrielle. Les feuillus offrent une texture diversifiée qui varie, avec les saisons, en de subtiles vibrations de couleurs tandis que les conifères montrent un visage immuable. L’inaccessibilité de certaines parties de la forêt crée un motif touffu composé de feuillus et de jeunes persistants.
Ancienne carrière, printemps 2017
Site d’escalade de la Fosse Arthour, printemps 2017
La roche, si présente par le volume qu’elle donne à la forêt, se dévoile parfois pour offrir un fabuleux spectacle. Avec une apparence spectaculaire, dissimulant les traces d’un passé industriel, la forêt de la Lande Pourrie offre une variété de paysages (faisant parfois penser à la Haute Savoie) évoluant avec le relief, qui ne manque pas de nous dévoiler des sites remarquables, à l’abri des regards. C’est d’ailleurs sur ce point que doivent miser les communautés territoriales. Tirer parti des richesses intérieures au lieu de les chercher à l’extérieur.
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UNITÉ PAYSAGÈRE:
LA VALLÉE DE LA CANCE (MORTAIN) La Vallée de la Cance s’est façonnée en suivant la rivière portant le même nom. Ce territoire s’organise sous l’influence plus ou moins persceptible de la gémorpholie, et selon les activités agricoles qui y sont pratiquées. La ville de Mortain vient défier les hauteurs de la Forêt de la Lande Pourrie et comme cette dernière elle offre des points de vue sur le paysage de bocage, qui par beau temps se déploie jusqu’au Mont Saint Michel.
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LA VALLÉE DE LA CANCE: UN TERRITOIRE SINGULIER La vallée de la Cance a façonné un territoire singulier aux paysages diversifiés et au relief vallonné au sein de laquelle la ville de Mortain a pris place. Cette vallée doit son nom à la rivière qui prend sa source en forêt d’Écouves, à La Lande-de-Goult, et prend rapidement la direction du nord, pour rejoindre l’Orne à Écouché après un parcours de 25,5 km entre plaine d’Argentan et pays d’Houlme. Le bassin de la Cance s’étend du sud vers le nord entre les proches bassins d’autres affluents de l’Orne : l’Udon à l’ouest, la Baize et la Thouanne à l’est. Il avoisine le bassin de la Loire au sud, par son sousaffluent le Sarthon. Affiche de Charles Hallé pour les Chemins de fer de l’État « Excursions en Normandie », vers 1910.
Cette vallée constitue une unité paysagère particulière du territoire du carreau de notre étude qui est définie principalement par différents types de bocages. La Cance se dirigeant vers le Nord, La rivière et ses affluents entaillent le relief vallonné du bocage, localement, des points de vue remarquables permettent de découvrir la vallée.
MORTAIN, UNE VILLE QUI DOMINE SON TERRITOIRE La ville de Mortain-Bocage tout comme celle de Domfront ont été implantées au sommet des versants de cette vallée. Un jeu de lignes de crêtes suaves et légères et de rupture de pente soulignées par le maillage distanciés du bocage crée la dynamique du relief de Mortain. Ces villes bénéficient, depuis leurs points hauts, de vues panoramiques vers le bocage qu’elles dominent. Inversement, pour les perceptions depuis la plaine, ces villes perchées constituent des points forts du paysage qui attirent et focalisent les vues. À l’aval de Mortain, en direction du nord, l’altitude du plateau de grès armoricain s’abaisse, la Cance est moins encaissée. Les versants connexes aux versants en pente douce sont couverts de prairies, de cultures et parsemés de hameaux et de fermes jusqu’à atteindre la prochaine ville plus importante, Sourdeval, puis la vallée de la Sée.
UN TERRITOIRE SOUS L’INFLUENCE DES POINTS CARDINAUX À l’est de Mortain, les reliefs de la Lande Pourrie dépassent les 300 m d’altitude. Ils dominent de près de 200 m d’altitude les territoires situés plus au sud. Dans leur partie sud, les pentes sont soutenues, entrecoupées de barres rocheuses dont certaines sont classées à l’inventaire des sites protégés. Couvertes de forêts ces versants forment un paysage remarquable dans ce contexte général de relief doux couvert de bocage. Positionnés juste à l’est de la ville de Mortain, les boisements et barres rocheuses, accueillent le site protégé (depuis 1994) de la Fosse Arthour. Site remarquable tant pour les vues qu’il offre sur le grand paysage de bocage et de plaines agricoles qui s’étendent à perte de vue. À l’ouest de Mortain, les reliefs précédents se prolongent. Même s’ils constituent encore un accident topographique notable, ils ne présentent plus le même attrait paysager (pas de barres rocheuses, relief moins vigoureux, altitude dépassant à peine 200 m). Vers l’ouest, entre les vallées de l’Oir (au sud) et de la Sée (au nord), ces reliefs prennent la forme d’un paysage surélevé et large entre les deux vallées dont les versants sont soulignés et ponctués par des boisements. Au nord de cette zone, la vallée de la Sée présente deux physionomies bien différentes. Au sud de l’escarpement de Mortain plusieurs caractéristiques en lien avec le paysage se dessinent. Ainsi, nous constatons un relief sans accident majeur, mais qui est toujours présent sous forme de douces ondulations. Les villages sont souvent implantés au sommet des crètes, renforçant leur rôle comme repère visuel et point d’appel des clochers. Nous notons également que le bocage est lâche, à grandes mailles, les haies sont généralement peu denses, ne constituant pas un obstacle au regard qui peut ainsi les traverser. Enfin, les cultures, et notamment le maïs, prennent une place de plus en plus importante. Il en résulte un paysage qui évolue fortement au fil des saisons : terre labourée, vert tendre des jeunes pousses, marron-brun du maïs à maturité pouvant
La vallée de la Cance s’étend jusqu’à l’horizon, les arbres en frondaison laissent deviner un clocher dans le fond.
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LE MORTAINAIS : UN SITE FAÇONNÉ PAR LA GÉOLOGIE La géomorphologie autour de Mortain défini la particularité du territoire. La Cance et son affluent le Cançon ont creusé des cluses (vallée creusée) étroites dans la barre de grès armoricain au niveau du flanc sud de Mortain. Les deux rivières franchissent ces cluses en cascades de 20 à 25 m de hauteur, ce qui les caractérisent comme étant les cascades les plus hautes de l’ouest de la France. La formation des cluses a été favorisée par la fracturation intense du grès armoricain et la présence de failles orientées dans l’axe nord-sud.
Les paliers en partie aval de la petite cascade correspondent à la stratification du grès armoricain. Le découpage vertical des parois rocheuses est du à la fracturation de ce dernier. En partie amont de cette dernière, la roche forme des gradins qui suivent les plans de stratification.
Ces deux cascades se trouvent sur un circuit de promenade aménagé avec fléchage, escaliers, ponts, aire de pique-nique, panneau d’information, sur le trajet du GR22. La Grande Cascade, cluse de la Cance traverse une barre de grès armoricain en formant une cascade de 25 m de hauteur. Au pied de celle-ci, les blocs éboulés présentent des traces de terriers verticaux (skolithos), caractérisant le grès armoricain. La Petite Cascade, cluse du Cançon a creusé une cluse étroite à travers le grès armoricain et forme une cascade en gradins sur une vingtaine de mètres de hauteur. Ainsi, l’énergie du courant, provoque l’érosion de roches très dures qui constituent l’essentiel de la formation du grès armoricain, les quartzites.
Fourniguet J. et al. - Carte géologique de France à l’échelle 1/50 000, feuille Mortain (210) Orléans BRGM (1987)
Grande cascade, Mortain
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COMMENT L’AGRICULTURE ORGANISE LE TERRITOIRE
Mortain
Deux particularités paysagères majeures émergent : les différents reliefs à proximité de la commune de Mortain et la vallée encaissée de la Cance. Leur intéret est lié principalement aux vues qu’elles proposent depuis l’habitat et les voies de circulation, sur l’ensemble du territoire Mortainais. En parcourant ces paysages de la vallée de la Cance, nous perçevons toujours l’organisation en lien avec l’agriculture, qui se définit soit par le parcellaire, soit par le bocage. C’est un paysage domestiqué bien que les fluctuations de la topographie offrent par moment des points de vue sur le paysage ou à l’inverse un sentiment d’intimité. L’absence de friche ou de jachère soutient une argriculture omniprésente. La dissémination des habitats ponctue et diversifie le paysage dans l’ensemble de la vallée sur les alentours de Mortain. La rivière de la Cance marque le paysage, au niveau de la plaine elle s’encaisse et disparaît presque. Ses berges sont plus densément boisées. Au sud de Sourdeval, la rivière redevient un élément discret dans le paysage et pourtant nous avons toujours se sentiment d’humidité et de fraîcheur lié à la présence de l’eau.
La vallée de la Cance englobe Mortain
Dans cet ensemble paysager relativement homogène, malgré l’omniprésence de l’agriculture, quelques particularités viennent ponctuer le paysage et introduisent ainsi une certaine diversité. Les berges pentues et boisées dominent le cours de la rivière de la Cance et déterminent un paysage d’ambiance plus naturelle, renforcée par le cours sinueux de la rivière. Quelques accidents topographiques, parfois soulignés par des boisements, émergent d’un relief globalement peu marqué et constituent des points d’appel dans le paysage.
L’INTIMITÉ DES PAYSAGES MORTAINAIS L’intimité de ces paysages de la vallée sont également induits par le contraste entre un fond alluvial horizontal et des versants plus raides, ainsi que par la présence ponctuelle d’affleurements rocheux et/ou de boisements et par l’importance de l’eau et de cette impression constante d’humidité. La sensibilité de ces paysages résulte principalement de l’effet de contraste entre l’ambiance relativement naturelle de ces secteurs et l’image mentale que l’on se fait des bocages.
La plaine campagnarde se déploie séquencée par la maillage successive des bocages
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DES PROJETS EN DEVENIR POUR LA VALLÉE DE LA CANCE
Le territoire du Mortainais, ayant intégré la communauté d'agglomération du MontSaint-Michel Normandie depuis le 1er janvier 2017, démarre la mise en oeuvre de son programme d'actions de territoire à énergie positive pour la croissance verte. Un déroulé des projets phares de ce territoire rural, au coeur du bocage normand, nous prouve que des dynamiques territoriales se mettent en place grâce à l’investissement du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Une sensibilisation à la biodiversité a été lancée au travers d’une action d’un jardin partagé qui se développe à Mortain-Bocage sur un terrain communal de 3000 m2. Elle associe les habitants et les établissements scolaires et périscolaires. Des parcelles individuelles et collectives sont proposées et pourront constiter un lieu d’échanges lors d’événements comme des cafés potagers. Une ruche y sera installée avec l’aide des bénévoles et de professionnels pour sensibiliser les habitants à la biodiversité. La réhabilitation des haies bocagères, caractéristiques du paysage local, est également au programme sous la forme d’une opération de sensibilisation du public. Une mise en valeur des circuits courts est également initiée au sein du Mortainais. En effet, des démarches sont très prochainement envisagées pour fédérer les producteurs locaux et leur assurer des débouchés sur le territoire (marchés, restauration collective). Pour la sensibilisation des habitants aux enjeux des circuits courts, un défi Familles à alimentation positive est à l’étude, qui inciterait les familles à consommer local et bio et proposerait des animations telles que visites de fermes et ateliers de cuisine. Enfin, la région a misé sur les mobilités durables dans le but que les habitants puissent profiter de nouveaux déplacements. Dans un souci de cohérence territoriale, le plan de mobilité a vocation à évoluer en plan global de déplacement à l’échelle de l’agglomération. Une plate-forme numérique de covoiturage sera créée à destination des agents de l’agglomération et des habitants. L’aménagement d’aires de covoiturage dans les communes se poursuit.
Au coeur de la plaine la route fait le lien entre les vallons, elle est dissimulée par la présence
Le territoire du Mortainais a prévu l’achat de vélos électriques qui seront mis à disposition des habitants et de véhicules électriques pour le personnel communautaire. Capitalisant sur l’expérience du département de la Manche en la matière, le territoire souhaite installer une station de distribution d’hydrogène et acquérir deux véhicules fonctionnant avec ce combustible. Des bornes électriques de recharge seront installées sur la voirie en libre accès et quatre villages recevront chacun un véhicule électrique biplace sans permis à proposer en prêt aux habitants. À Saint-Georges-de-Rouelley une liaison douce piétonne et cyclable va être aménagée entre le site naturel et touristique de la fosse Arthour et le village.
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UNITÉ PAYSAGÈRE:
PAYSAGE PATRIMOINE : LE BOCAGE DE GER Le paysage de Ger à la particularité de s’intégrer à différentes échelles du territoire. De la région au micropaysage le maillage très resserré de Ger est vecteur de cette diversité et de cette singularité.
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INSCRIPTION DANS UN LARGE TERRITOIRE : LA NORMANDIE Le bocage de Ger est niché entre la commune éponyme, la forêt de la Lande Pourrie et la vallée de Mortain. Trace d'un passé en marge des industries, ce territoire se caractérise par un paysage vallonné, bucolique, alternant maillages de haies, prairies et champs de cultures. Le voyage dans le bocage de Ger se fera en premier lieu par son inscription dans un large territoire: la basse Normandie. De quelles façons la région et ses dynamiques (économiques, géographiques, sociales...) peuvent-elle influencer la personnalité de cette unité paysagère? Puis, un zoom géographique permettra de mettre en avant son inscription dans le paysage mortainais, entre forêt sur crête, communes, vallons et grandes cultures. Enfin, à l'échelle du vivant et de l'usager, les éléments de structures et les interactions du site seront analysés. C'est d'abord un paysage et surtout une occupation éphémère qui influença le bocage de Ger. Peu de vestiges anciens (Néolithique à Gallo-Romain) furent retrouvés en Normandie. Cela ne signifie pas que le bocage fut un vide humain jusqu’au Xe siècle mais qu’avec un peuplement plus faible, il n’a donné lieu qu’à des habitats éphémères et qu’après des interruptions, il a repris sous des formes différentes.
Ce sont les hameaux qui ont fait l’originalité des lieux. Leur origine est incertaine mais la composition paysagère permet d’éclairer certains points. Le territoire apparaît alors découpé : un bocage partiel s’étend avec la mise en culture. Suivant le relief, l’installation et l’occupation du sol différaient. Dans notre cas un relief vallonné, l’interfluve (relief compris entre deux talwegs) servait de point d’ancrage, le sol y était épais. Au XV ème siècle, les parcelles intercommunales occidentalisaient une superficie de 2 (villainages) à 48 hectares (vavassories). Le pâturage, l’agroforesterie, le labours etc, constituaient les principales activités. Lors de la période médiévale, des défrichements du bocage ont lieu mais c’est surtout le passage de la famille patriarcale aux familles conjugales qui constitua un tournant majeur. Il entraîna un morcellement du parcellaire et l’enclos par des haies de ces nouvelles parcelles de propriétés. À partir du XVII ème, la conversion à l’herbage des terres labourées pour une autoconsommation céréalière locale s’accompagne d’un embocagement progressif des petits propriétaires. La crise céréalière du XIX entraine quand à elle, l’intérêt de la production animale, les bocages occidentaux disparaissent, épargnant l’Avranchin et le Perche qui se transforment en paysage semi-bocager. Avec l’arrivée des tracteurs dans les années 1950, le bocage disparaît progressivement. Reste les délimitations de propriétés. S’ensuit un remembrement dans les années 1970 qui viendra accélerer le processus. La modernisation des voies de communication a permit l’élargissement des routes et la suppression des haies remplacées par des clôtures. Certaines maladies comme la graphiose (affectant les ormes), menace aussi le bocage. Les ormes ont été presque totalement éliminés des régions où ils prédominaient, c’est-à-dire une profonde bande littorale et les plaines calcaires. Mais la où le bocage reste arboré, des vues profondes s’ouvrent sur le paysage et l’horizon. De manière générale, le bocage normand s’inscrit au départ sur une surface uniforme. Petit à petit se sont les côtes et la région de Caen qui subissent le plus d’évolution. Le Mortainais reste à l’écart des grosses perturbations et réussit à préserver son patrimoine. Quand est-il maintenant de l’insertion locale du bocage de Ger?
La vie au village(1502, J.Grüninger) Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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LE MAILLAGE DE HAIES AU SEIN DU MICRO-PAYSAGE L’unité paysagère du bocage délimité entre Ger et Mortain a comme particularité de s’inscrire dans une croisée de vallons, resserrant ainsi l’échelle de travail agricole et par conséquent, multipliant la présence du bocage.
C’est tout un réseau vertical qui se tisse dans le paysage. Elle le quadrille dans sa géométrie agricole, pour la culture et l’élevage bovin et semble tisser la surface en se connectant à de petits bois clairsemés sur l’ensemble de l’unité.
C’est paysage que l’on pourrait définir comme l’un des moins transformé que l’on retrouve sur l’ensemble du carreau. Encore quelque peu préservé face aux volontés d’agrandissement agricole actuelles, (bien que largement fragilisé et visiblement progressivement grignoté) le bocage assure une délimitation parcellaire au maillage plutôt serré mais qui néanmoins offre par endroit une ouverture sur le paysage par le relief vallonné.
Cette unité paysagère est relativement dense. Elle marque l’identité singulière du carreau bien qu’assez peu présente en proportion. A la fois paysage bucolique, l’identité caractérise l’image mentale que l’on se fait de la Normandie.
Taille d’une parcelle
Le bocage dissosice aussi chaque parcelle mais permet surtout d’établir des protections et clôtures naturelles aujourd’hui.
Anciennement, ces haies étaient une grande ressource et davantage prisent en considération par les paysans. En effet, la production de bois était l’enjeu économique premier découlant de ce système. Également bénéfique à l’alimentation animale et par endroits bénéfique à la cueillette, ce grand réseau affiche également à grande échelle un système propice au maintien du paysage de ce territoire par le drainage et à la protection de l’érosion dans cette région relativement humide et pluvieuse.
Carte de 1950(Géoportail)
Taille d’une parcelle
Photographie aérienne(Géoportail) On remarque qu’en 70 ans, les parcelles sont deux fois plus grandes
printemps 2017 Le bocage de la fosse Arthour
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HAIE ET TOPOGRAPHIE: UNE SUCCESSION DE PAYSAGES Placé en point culminant au niveau de Ger face à la partie sud, on observe que de nombreux réseaux hydrauliques trouvent une partie de leur point de source au sein de cette entité. La Cance notamment, s’en va glissant vers Mortain puis descend le coteau pour regagner la Sélune qui elle s’en va rejoindre le Mont-St-Michel.
Traversé par des voies routières, il est par endroits plutôt difficile de voir les parcelles jouxtant celles qui nous côtoient. Les talus plantés ferment tantôt le paysage et se ré-ouvrent parfois, créant des fenêtres. Les arbres tels que le chêne, le frêne ou encore le peuplier présents en grande majorité élèvent ce maillage, opacifiant la vue vers l’horizon. Parfois, l’horizon s’ouvre totalement et laisse voir le réseau vertical qui se dessine. Les lignes s’entrecroisent, se longent, se courbent jusqu’à se fondre au creux d’un bois. Ces lignes révèlent davantage la topographie, marquent le mouvement, les montées et les creux.
Bloc diagramme du bocage de Ger
On observe par ailleurs un cadre de vie relativement isolé. On ne croise personne, si ce n’est quelques agriculteurs qui se prêtent main forte dans leurs tâches (ex: l’ensilage). L’agriculture est la seule activité visible dans cette entité représentant 14.1% de la part d’emploi des travailleurs habitant ici. (Chiffre INSEE) Les habitants de ce territoire sont majoritairement ouvriers et employés (60%) dans les villes actives environnantes (Avranches, Mortain, Vire, Fougères…). La plupart des travailleurs étant donc redirigés vers l’extérieur la majeure partie du temps, la vie au sein de ce paysage se trouve relativement affaibli et accentue ce sentiment d’isolement et de retrait. De plus, en 2018 l’INSEE recense dans ce secteur 36.8% de ménage d’une personne. Ce chiffre nous laisse penser qu’il est également fortement influent sur la dynamique du territoire. Associé à celui-ci, on recense une pars de logements secondaires de 14.6% et de logements vacants de 14.1%. Ce sont alors déjà 28.7% de logements qui sont partiellement voire non occupés la majeure partie du temps, influençant fortement la dynamique du territoire.
Photo personnelle, printemps 2017 Le bocage se dévoile
Les quelque habitations rencontrées se regroupent en petits hameaux ou s’isolent complètement. Notre regard se tourne alors entièrement sur cet environnement en changement perpétuel. A l’instar des grandes parcelles agricoles au sud du carreau où le bocage disparaît et où l’on semble observer continuellement un même motif, ici, ce sont sans cesse de nouvelles pièces qui viennent enrichir le tableau de l’identité bocagère : bois, haies hautes, taillées ou en friche, parfois sans talus ou parfois très élevé, variété planté en continu, opaque, parfois cadré…
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UN CHEMINEMENT SECTIONNÉ Plusieurs réseaux de chemins viennent s’entrecroiser et permettre un arpentage différent. Au-delà des circulations routières, un réseau de chemins bocagers et agricoles tissent le territoire. Ils permettent l’accès aux champs et aux prairies placés en retrait des voies bitumées et créent ainsi dans le paysage des chemins boisés tirant l’explorateur à l’aventure. C’est en empruntant ces chemins que l’on se retrouve face à de petits bois, des haies très épaisses et riches en biodiversité ou même d’anciennes bâtisses agricoles aujourd’hui en ruine. Ces chemins d’histoire se trouvent aujourd’hui sectionnés, ils sont des fragments à reconstituer par la cartographie mais ils restent une réelle richesse de chemins pédestres qui nous permettent d’arpenter le territoire dans sa proximité, de manière plus intime. Ces chemins restent néanmoins fragiles. La dynamique d’agrandissement a parfois poussé les agriculteurs à se débarrasser de ces marges de cheminement pour pouvoir cultiver.
On trouve tout de même par endroits une gestion permettant le rajeunissement de ces haies. Elle découle généralement d’un processus de bucheronnage car le bois coupé est utilisé comme ressource. Les arbres plus vieux sont donc coupés à la tronçonneuse et sont conservés des repousses plus jeunes à leur pied ou bien un arbuste qui a persisté et s’est bien implanté.
hiver 2017
Coupe de haie
GESTION ET ENTRETIEN La haie bocagère devient une richesse qui se perd. L’entretien de ce que l’on pourrait qualifier de patrimoine s’amenuise par endroit, fragilisant cette entité. D’une part, les talus s’effritent, se lessivent, laissant apparaître une dentelle racinaire, sculptant parfois même la mémoire du talus. De manière générale, la gestion de ces réseaux semble se perdre. On tend plus à détruire cette maille qu’on ne sait pas gérer ni apprivoiser plutôt que reboiser et revivifier. Certaines parcelles affichent alors un talus seul, dont seul un arbre ou deux viennent ponctuer un linéaire. Sur les abords de routes, l’entretien est effectué avec des engins broyant qui viennent lisser d’une coupe droite une face de la haie, laissant le côté exposé vers le champ s’épanouir. Ce sont donc de drôle de forme qui se dessine en coupe… Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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UNITÉ PAYSAGÈRE: MAILLES BOCAGÈRES DILATÉES
Aux antipodes du bocage de Ger, d’autres dynamiques bocagères se mettent en placent en fonction des politiques paysagères soutenue par les acteurs locaux. La déconnexion des ramifications des haies pose la question de l’impact du remembrement sur le territoire.
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LE BOCAGE DE TINCHEBRAY Le bocage de Tinchebray, situé au nord-est de Mortain et à l’ouest de Tinchebray, se caratérise par un paysage fait de maille élargies et distendues.
Tinchebray
La végétation présente au sein de ce bocage est tout à fait spécifique, à l’image de son territoire. Tout comme dans le ‘bocage patrimoine’, on retrouve dans le bocage de Tinchebray le hêtre qui est l’essence dominante. On remarque que dans les fonds de vallons, plus frais, le frêne est l’essence principale des haies bocagères. La strate basse est surtout composée de châtaigniers qui sont recépés régulièrement. La composition des haies reflète les conditions bio-climatiques et aussi leurs fonctions agricoles. Ces terres de bocage modelées par l’homme depuis des siècles, présentent des habitats typiques normands qui viennent ponctuer un paysage très vert. Disséminés ici et là, on trouve des hameaux et des fermes isolées; les édifices sont modestes et sont faits de matériaux locaux (ex: granite, schistes etc). Au cours de notre arpentage du bocage de Tinchebray on a constaté que les hameaux étaient situés pour la plupart à flanc de pente. Le paysage nous a offert de très belles scènes peu modifiées par la construction d’habitats récents. La structure du bocage de Tinchebray tend à s’évanouir. Les arasements de talus et des haies sont de plus en plus nombreux et laissent apparaître de plus grandes parcelle nues, labourées. Les horizons se font plus ouverts. On constate que les labours s’étendent et de nombreuses prairies sont encloses à l’aide de piquets et de fils de fer.
Mailles dilatées et paysages ouverts
Les rares forêts assombrissent la plaine composée de grands champs agricoles
Les piquets remplacent le bocage qui entouré autrefois les prairies
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LA DILATATION ET LA DÉCONNECTION DES HAIES BOCAGÈRES Depuis 50 ans, on constate donc que le bocage se dilate progressivement, les mailles s’agrandissent et transforme ce paysage unique. Selon une étude de la DREAL, de 2006 à 2010, 5,6% des haies ont disparu en Normandie, soit près de 1800 km par an. Pourtant les arbres, les haies et les talus qui constituent la structure même du bocage permettent de répondre à des enjeux écologiques majeurs auxquels notre société actuelle devra faire face dans les prochaines décennies. Ils rendent de nombreux services écosystémiques, ce qui nécessiterait de réorganiser le maillage de manière à répondre au mieux aux besoins des exploitations agricoles. Pour l’ensemble de la Normandie, la moitié des extrémités des haies n’est plus connectée. L’indice de connectivité moyenne des haies est passé à 51% en 2012 et a diminué deux fois plus vite entre 2006 et 2010 qu’entre 1972 et 1984. Le bocage de Tinchebray s’inscrit dans cette déconnexion progressive puisque nous avons constaté que ce bocage en particulier était devenu relictuel. Le délitement de ce bocage était tout à fait persceptible.
Évolution du paysage de bocage sur le territoire de Tinchebray entre 1947 et aujourd’hui, source IGN remonter le temps.
Comme on l’a constaté, le bocage de Tinchebray change et ses mailles s’élargissent. Les vallons se découvrent et laisse entrevoir des dizaines d’hectares de cultures de maïs fourragé, d’enclos et de vestiges de haies pour certaines.
Dilatation du maillage
Les vallons de la plaine laissent place à des cultures de maïs
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REDYNAMISER ET MAINTENIR L’ÉQUILIBRE DU BOCAGE : UN ENJEU MAJEUR On a également pu constater que les haies bocagères sont pour la plupart délaissées par les agriculteurs qui n’ont plus le temps de les entretenir, faute de main d’oeuvre. L’utilisation des tracteurs n’est pas compatible avec des parcelles de petites tailles, malgré tout la présence de haies autour d’exploitations d’une taille suffisante est tout à fait possible. Les haies qui ont des intérêts multiples, écosystémiques, peuvent être présentes sur des parcelles de 4 à 5 hectares. L’implantation des haies a été réalisée pour répondre à plusieurs besoins. Elle était donc nécessaire et l’est toujours. La transformation du bocage, au lieu d’être anarchique, devrait donc être réfléchie. On pourrait imaginer la mise en place de plans de gestion, à l’image de la gestion forestière. Cela pourrait permettre aux agriculteurs de maintenir plus facilement les haies déjà présentes, de planifier leur suppressions et d’en replanter judicieusement pour pouvoir éventuellement exploiter le bois. Enfin, le développement d’une filière bois-énergie est aussi tout à fait conçevable. Cela permettrait de rendre la région plus attractive et réintroduirait du lien entre les agriculteurs, les habitants et les élus. Aussi, dans un contexte de changement climatique, la région Mortainaise (et plus largement la Normandie) pourrait essayer d’appliquer les principes d’agroécologie et d’agroforesterie qui présentent des rendements plus importants et contribuent à maintenir l’équilibre des sols.
Le dépérissement des haies bocagères
Filière du bois-énergie
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UNITÉ PAYSAGÈRE: GRANDS PAYSAGES AGRICOLES
Le paysage remembré et la prédominance des grandes cultures fourragère sont les signes marquants une typologie d’agriculture particulière.
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UN TERRITOIRE REMEMBRÉ A partir de 1941, la loi française qui a initié le remembrement avait pour but de regrouper des parcelles dispersées, de supprimer les enclaves et de faciliter l’accès aux terres agricoles. Ce remembrement imposé dans le Mortainais a simplifié par endroits le dessin parcellaire, notamment au sud-ouest et au nord-est de Mortain. Une partie des haies a été détruite ce qui a créé un maillage destructuré, incomplet, laissant place à un nouveau paysage. Comme dit précédement, dans les années 1950, l’agriculture s’est aussi motorisée puisque les tracteurs ont fait leur apparition dans les petites fermes herbagères et dans les grandes fermes céréalières. Petit à petit, les agriculteurs normands ont donc supprimé les haies et arasé les talus dans le but d’agrandir leurs propriétés pour avoir des exploitations plus rentables.
Carte géoportail, Mortain Région bocagère par excellence, le canton du mortainais a donc subi progressivement le mitage de son bocage suite aux actions des agriculteurs dans le temps. Aussi, à partir des années 1970, la culture du maïs fourragé s’est imposé en Normandie dans le but d’intensifier la production laitière, donc les agriculteurs avaient besoin de parcelles plus grandes.
Cultures fourragères, octobre 2017 Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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LE POIDS DÉTERMINANT DE L’ÉLEVAGE DANS LE MORTAINAIS
Au sud-ouest de Mortain, le bocage vallonné et découvert a laissé la place aux grandes cultures fourragères induit par l’élevage. Le paysage qui se déploie sous nos yeux, bocage régressif qui en devient quasi transparent par endroits, apparaît comme un damier de rectangles et de carrés ponctués d’arbres ouvrant de larges vues sur le lointain et l’horizon. Plus on s’éloigne vers le Sud, plus les mailles du bocage s’élargissent et plus l’espace s’ouvre sur des labours étendus parsemés d’arbres. Les exploitations s’agrandissent également à vue d’oeil. Vue sur les grandes cultures et retouches photoshop
L’agriculture en Basse-Normandie est orientée vers les grandes cultures et l’élevage laitier. La taille moyenne des exploitations dans la Manche est de 38hectares. En 2010 on constatait que globalement, 35% des grandes et moyennes expoitations sont spécialisées dans l’élevage laitier, 22% en grandes cultures et 15% en polyculture polyélevage. L’agriculture dans le Mortainais est spécialisée dans les cultures fourragères comme le maïs ensilage et dans l’élevage bovin et laitier. On retrouve donc de nombreuses prairies disséminées ci et là. Entre 2000 et 2010, le nombre de moyennes et grandes exploitations de la région Manche a baissé de 18% essentiellement lié à la perte d’exploitations spécialisées dans l’élevage laitier et bovin. En revanche, les exploitations de grandes cultures ont progressé de 4%.
Mortain
Vaches dans un champs, octobre 2017
Schéma des zones d’occupation des sols
Ensilage du maïs, octobre 2017 Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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LA PRÉDOMINANCE DES CULTURES FOURRAGÈRES
Dans le Mortainais et plus largement dans la Manche, le poids de l’élevage déterminant se traduit donc par la présence de cultures fouragères et d’herbe sur plus de 80% des exploitations. Entre 2000 et 2010, les surfaces de cultures fouragères ont moins baissé que celles en herbe en raison de l’augmentation des surfaces en maïs ensilage. On constate que depuis les années 1950, du à l’intensification de l’élevage bovin, la surface de prairies a nettement reculé au profit des cultures fouragères. En effet, Entre 1970 et 2010, 610 000 hectares de prairies permanentes on disparu en Basse-Normandie. Ainsi, l’évolution constatée est celle du passage d’une forme d’’alimentation traditionnelle, l’herbe, à une autre alimentation basée sur le fourrage comme le maïs fourragé, produit des grandes et moyennes cultures. Culture de maïs près de Mortain, octobre 2017
Vue sur un champ, retouches photoshop
Cultures près de Mortain, octobre 2017
Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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L’AVENIR DE L’AGRICULTURE : UN ENJEU STRATÉGIQUE Sur cette partie de notre carreau, nous avons constaté que de nombreuses parcelles cultivées étaient labourées, ce qui conïncide avec l’évolution actuelle. En effet, le labour des terre est en nette augmentation puisqu’en 1970 elles occupaient 20% de la surface agricole utile alors qu’en 2010, les terres labourables occupaient 60% du territoire. Ainsi, 6 hectares labourés sur 10 sont destinés à produire du blé et du maïs ensilage. Le labourage des terres agricoles est aussi un enjeu actuel, puisque la question se pose de plus en plus, à savoir faut-il continuer de labourer les terres sachant que cela détruit les sols? En 2010 on constatait une diminution plus importante du nombre des exploitations que des surfaces agricoles. On suppose que cela est lié au remembrement puisque la taille moyenne des exploitations a triplé passant de 18hectares en 1970 à 50 hectares en 2010. Concernant les agriculteurs, selon un recensement agricole, un exploitant sur quatre avait dépassé l’âge de 60 ans en 2010. Les départs importants après 65ans ne se sont pas compensés par l’arrivée des plus jeunes de moins de 40ans. On peut se questionner sur l’avenir de l’agriculture de la région, à savoir si les réserves démographiques seront suffisantes pour assurer la perennité de l’agriculture normande. La diversification de la région reste timide et s’appuie sur des produits traditionnels valorisés par les label de qualité (AOP, IGP etc). Un des enjeux serait donc de redynamiser et rajeunir l’agriculture normande et donc Mortainaise.
Vue sur un champ labouré et l’horizon qui laisse deviner les parcelles de grandes culture
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UNITÉ PAYSAGÈRE: LA VALLÉE DE LA SÉE
L’emprise du relief a façonné l’histoire de la Vallée de la Sée qui s’étend d’est en ouest jusqu’à regagner le Mont-SaintMichel. Cette vallée s’ouvre sur de grands horizons qui nous dévoilent la composition particulière de ces paysages.
Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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LA SÉE, UN ANCRAGE DANS UN LARGE TERRITOIRE Par ses méandres, le fleuve de la Sée vient s’immiscer et caractériser le paysage à l’échelle du grand territoire du sud de la Manche. Prenant source au pied de la commune de Sourdeval, il se déploie d’est en ouest sur 63.8km de cours d’eau pour regagner la baie du Mont-st-Michel. Il pose ainsi une empreinte forte mais relativement discrète. S’écoulant d’abord étroitement dans un paysage fermé, la Sée glisse vers un paysage de plus en plus ouvert et plat. Ces deux physionomies paysagères lui confèrent un rapport différent avec son territoire. Intimiste et discrète par endroit puis épanouie et libre ailleurs.
L’emprise de la vallée de la Sée jusqu’à la Manche
Département de la Manche, carte géoportail
Vallons en rencontres Source de la Sée, paysage fermé
C’est un paysage mouvant qui se dessine. Paysages resserrés puis dilatés viennent Sourdeval
s’entrecroiser, ouvrant puis refermant l’horizon aux grés des chemins arpentés. L’entité se compose alors de deux sous entités.
Sous-entités de la Vallée de la Sée Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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UN RELIEF TOURNÉ VERS LA SÉE Une première typologie de paysage, plutôt conservatrice et protectrice, se veut étroite et fermée. Sur les premiers kilomètres depuis Sourdeval, la vallée est étroite et sinueuse, renfermant la Sée dans son antre, comme protégée et camouflée par une forte densité végétale. Elle se définit comme telle de Sourdeval à Brouain en longeant la Sée. Elle ne représente ainsi qu’une petite proportion de l’entité mais possède un caractère propre. En effet, le paysage est ici refermé. La topographie abrupte porte à une occupation du sol tournée vers le boisement. Par ailleurs, ce territoire est protégé par l’appellation Natura 2000, la soumettant à une gestion et à une protection plus importante en terme de biodiversité, ce qui en fait une richesse au niveau du territoire. La topographie vient également affirmer les méandres de la Sée, lui conférant davantage de caractère. Elle n’est pourtant que peu visible, cachée par la végétation qui la borde depuis les grands axes routiers. Néanmoins, quelques habitations viennent clairsemer ses abords et d’autres viennent profiter du cadre pittoresque et intimiste de la vallée. Les communes concernées ont ainsi une moyenne de 30% de logements secondaires avec un nombre de logements vacants inférieur à la moyenne environnante qui est de 13% (chiffres INSEE 2018).
Courbes topographique de la vallée de la Sée(géoportail)
Br ouai n
Sour deval
Trajet de la Sée(géoportail+ retouche personnelle)
Carte de la vallée de la Sée et zone Natura 2000
Une vallée discrète qui crée un micro-territoire rempli de d’histoire et de biodiversité
Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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UNE OUVERTURE SUR LES GRANDES CULTURES La seconde typologie de paysage, beaucoup plus ouverte et exploitée, offrent panoramas et relief étendus. Au-delà de Brouain, près de Chérencé-le-Roussel, La vallée se détend, laissant se rencontrer de nouveaux vallons amples et ouverts. Les vues sur l’horizon deviennent alors lointaines et la topographie vient révéler la composition du territoire. Le regard vers le loin se pose sur des monts boisés en arrière-plan. Il est très fréquent d’observer cette figure dans le paysage. Se sont majoritairement de grands champs agricoles qui occupent les sols, néanmoins, les sommets restent investis essentiellement par le boisement. La rencontre entre ces deux occupations crée un contraste et met en lumière les espaces ouverts qui se trouvent bordés par de larges et hautes bandes boisées. Au sein de cette entité, le bocage normand s’est estompé jusqu’à presque disparaitre. Les parcellaires se sont distendus et laissent place à une agriculture plus importante et à l’empreinte dominante. Par comparaison avec la période de la seconde moitié du siècle dernier, on observe un élargissement significatif du parcellaire et un éclatement du maillage bocager, ouvrant aujourd’hui de manière importante le paysage et la sensation d’étendu. Cet horizon rend flou la lecture du cours d’eau qui se perd dans le grand paysage agricole. La Sée s’y fait très discrète. Elle est cachée dans un paysage relativement plane qui ne la met pas en évidence. Elle se faufile discrètement, à l’abri parfois sous l’ombre d’une haie. Dans ce cadre agricole et relativement isolé, de petits villages sont installés près de la Sée ; Chérencé-le-Roussel, Le Mesnil-Tôve, Le Mesnil-Gilbert, Le Mesnil-Adelée et St Pois. Les habitations sont souvent groupées sous forme de hameaux ou de petites fermes indépendantes, les villages restent quant à eux majoritairement réduis. De plus, le nombre d’habitants par commune ne dépassent généralement pas 250 habitants. C’est donc une structure morcelée qui crée un réseau ponctué mais qui néanmoins interroge son devenir. La dynamique du territoire semble ne pas permettre une attractivité des jeunes foyers et donc une reprise potentielle de ce patrimoine bâti.
Un bassin versant qui s’ouvre sur de larges panoramas
Description des unités paysagères//BABULLE Tiphaine, BERTRAND Laura, FOUBERT Meyris, GUICHETEAU Marine, HAINCAUD Arnaud//Année universitaire 2017-2018
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UNE VALLÉE D’HISTOIRE En analysant d’un peu plus près, on peut remarquer que la vallée de la Sée revêt une identité empreinte d’un passé industriel fort. En effet, on observe aujourd’hui une influence sur le patrimoine bâti avec certaines constructions aux pieds dans l’eau, des abords du cours d’eau travaillés et construits, de petits moulins en pierres, une cheminé industrielle... Ce ne sont plus que quelques détails qui viennent attirer le regard mais qui en disent assez pour se projeter dans le passé de cette vallée. L’économie locale aujourd’hui au ralenti était pourtant, depuis le XVIe siècle, dynamique et prospère. Appelée anciennement « la vallée aux 100moulins », la vallée de la Sée abritait sur 15km des industries de fabrication de papier-chiffon, d’argenteries et de soufflets en tout premier lieu mais aussi une activité meunière et de textile. La majorité de la structure a été détruite après le déclin de ces activités à partir de 1860, portant avec elle une forte influence au sein du territoire, sur son dynamisme et son paysage. On ressent pourtant encore dans ce creux de vallée, dans un environnement à échelle humaine auprès de la Sée, une volonté de retisser un lien avec ce fleuve au travers d’une nouvelle dynamique, maintenant tournée vers celle du tourisme et du loisir. Pêche, vtt, randonné, gîtes, musée, observatoire... A la belle saison, la vallée retrouve un nouveau souffle, contribuant alors, à une nouvelle économie locale et se liant par extension aux autres sites touristiques à l’échelle du grand territoire du sud de la Manche. En 2010 on constatait que l’agriculture reste pourtant le facteur d’activité le plus visible, bien qu’il ne représente que 13.5% de l’activité locale face à 35% tourné vers l’activité industrielle (INSEE 2018).
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ENJEUX PAYSAGERS – RENCONTRE, ECHANGES ET PERSPECTIVES Territoire Sud Manche du Mortainais
Le bocage comme élément structurant le paysage
Un retrait vers le tourisme vert, une richesse à valoriser
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Schéma des liens enjeux-acteurs
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ENJEUX PAYSAGERS PERSPECTIVES
:
RENCONTRES,
ECHANGES
ET
Cette étude du territoire Mortainais a soulevée deux grands questionnements sur l’évolution des dynamiques observées dans le paysage. D’une part, la confrontation entre le paysage bocager et celui des grandes cultures interroge quant à l’ouverture possible du paysage et l’évolution des pratiques agricoles et économiques du territoire. Le paysage bocager est-il fragilisé face à l’avancé des grandes cultures ? Comment expliquer la confrontation de ces deux entités paysagère en terme de pratique ou de philosophie en sein du territoire ? D’autre part, l’enjeu touristique semble être aujourd’hui un élément fondamental en vue de développer l’économie et le dynamisme du territoire. Assez peu visible encore en dehors de la ville de Mortain, de nombreux gîtes invitent néanmoins à se poser la question de cette dynamique et si elle est un élément porteur pour le territoire en devenir. Ces questionnements nous ont donc amené à la rencontre d’acteurs du territoire dans le but d’élargir notre regard et pouvoir auprès des locaux distinguer plus en détail les tendances et les actions menées qui influencent aujourd’hui déjà l’orientation du territoire et le paysage de demain.
Chemin délimité par des haies bocagèree qui elles-même délimitent des parcelles
ENJEU AGRICOLE : STRUCTURATION DU PAYSAGE PAR LE BOCAGE Dans le paysage Mortainais, la crête de la forêt de la Lande pourrie vient poser une barrière entre un paysage de grandes cultures avec une grande emprise au sol et une forte ouverture et un paysage bocager avec un maillage dense qui ferme l’horizon. Nous avons pu détailler en partie analytique l’unité du bocage de Ger agit en parti comme moyen de structuration. Cependant il semble avoir été davantage préservé sur ce secteur au regard du reste du territoire au profit de plus grandes surfaces cultivables. Les acteurs du territoire que nous avons pu rencontrer ; agriculteurs, maires, agents territoriaux, habitants, constatent également que la présence du bocage dans la région du Mortainais est une problématique à la fois sensible mais aussi controversée. Le maillage créé par le bocage dans le territoire pousse certains agriculteurs à s’en affranchir. La majorité d’entre eux travaillent avec des techniques et des outils qui ne sont plus adaptés au parcellaire d’hier. De ce fait, ils sont contraints par les limites que pose cette structure végétale, à la fois dans la parcelle même mais également dans leur accès.
coupe de la haie bocagère pour le bois de chauffage
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En effet, les chemins ne sont plus adaptés au passage des engins plus encombrants. Les chemins bocagers leurs demandent également plus de manœuvre, de changement de parcelle… perçu alors comme une perte de temps. Monsieur Roblin, agriculteur bio près de Sourdeval constate également que le nombre d’agriculteurs décroit sur la région du Mortainais. En parallèle, les grandes exploitations augmentent. Le bocage devient une limite mais est aussi perçu comme une perte de temps en terme de travail pour l’agriculteur qui possède une plus grande surface agricole à traiter.
Les parcelles sont ouvertes progessivement, la surface agricole s’agrandit
De plus, la conservation de la haie bocagère trouve de moins en moins de sens pour l’agriculteur. Combiné à la gêne éprouvée dans les travaux des champs, la haie n’est plus une ressource valorisée dans la région et ne semble pas être économiquement viable. En effet, M. Heuzé, maire de Mortain ainsi que les agents territoriaux en charge d’un projet de trame bleue et verte sur la région soulignent que les infrastructures et les entreprises favorisant la reprise de bois local ne sont pas porteuse malgré leur implantation (peu de production par rapport à la demande, coût élevé, concurrence trop forte). De ce fait, l’entretien du bocage peut parfois être vu par les agriculteurs comme une perte de temps et d’argent. Ils sont le plus souvent seuls car ils n’ont plus les moyens d’avoir des salariés, qui eux pourraient entretenir les haies bocagères, bien que certains y arrivent malgré tout. Leur investissement reste donc faible au vue du faible revenu que cela génère. Le maire de Mortain affirme que les structures achetant le bois local préfèrent acheter du bois d’ailleurs pour cause de coût. Aux yeux de l’Orne qui est un département voisin plus développé sur ces questions, il est soulevé que la région a un réel manque à gagner sur cet aspect. La filière bois est à ce jour quasi absente et les alternatives énergétiques en terme de chauffage sont encore trop peu courantes, ce qui influence encore beaucoup d’agriculteur à renoncer à préserver le bocage.
Le bocage structure le paysage mais tend à disparaitre par endroits
Néanmoins, beaucoup d’acteurs rencontrés restent sensibles à la présence du bocage qui forge aussi l’identité de la région. Auparavant déjà, le secteur de Ger s’imposait pour conserver son maillage bocager. En effet, pendant la période du remembrement, le maire de l’époque avait fait un référendum contre ce mouvement dans le but de préserver cet héritage. A présent, la loi prend toujours effet dans le secteur de Ger. Certains agriculteurs comme monsieur Roblin qui travaille en bio tirent encore parti de ces structures végétales. Il nous confie que le bois est tout d’abord pour lui une ressource personnelle, tant pour le chauffage que pour la construction car sa femme et lui ont pu restaurer un bâtiment par des techniques écologique (isolation, revêtement, enduit) grâce au bois de la ferme.
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Dans un second temps, cette ressource peut apporter un petit complément financier mais qui n’est d’après lui pas très rentable au vu du temps passé à l’ouvrage (entretien, découpe en buche, broyage, séchage). Les agriculteurs bio que nous avons rencontrés tiennent à la conservation de leurs haies et notamment pour le bienfait qu’elles apportent à l’environnement et pour leur animaux. D’après eux, ces structures sont importantes dans le paysage par les nombreux avantages qu’elles apportent malgré le fait qu’elles ne soient pas plus valorisées dans l’économie locale. Cette structure bocagère qui, dans le secteur de Ger est interdite à la destruction semble sensibiliser de ce fait certains agriculteurs à leur présence qui, plus qu’ailleurs les entretiennent pour en faire à minima du bois de chauffage. Les agents territoriaux de la communauté de commune de Mortain Bocage nous ont parlé également de leur projet de trame verte et bleue dans la région qui vise une conservation, une restructuration et une restauration des haies tout en communicant auprès des agriculteurs sur leur impact paysager et écologique. La démarche soulève de nombreux questionnements auprès des agriculteurs qui n’ont pas souvent le temps de s’y consacrer. La présence des haies reste assez sensible à interroger dans un contexte agricole qui est davantage tourné vers la superficie croissante et la production. Néanmoins, de nouveaux agriculteurs prennent progressivement le relais avec une ouverture et un parcours professionnel différent. Ces dit « néo-paysans », à leur échelle viennent apporter un renouveau agricole dans la région en s’installant en bio. Les agents territoriaux nous disent alors qu’ils sont plus ouverts et sensibles à ces questions, ils replantent même de leur propre initiative. Ces nouveaux regards apportés par ces paysans bio se dissocient bien souvent de ceux des agriculteurs en conventionnel. Par ailleurs, monsieur Roblin qui s’est reconverti en bio il y a quelque année nous dit « On ne fait pas du tout le même métier, je retrouve plus de sens dans ce que je fais sans avoir une centaine d’hectares ».
UN RETRAIT VERS LE TOURISME VERT : UNE RICHESSE A VALORISER En 2018, visiter le mortainais c’est se retrouver avec soi-même, avec le paysage bucolique...et avec les vaches. On a parfois l’impression que les habitants se cachent ou que le bocage les a aspiré. Pourtant ils sont bien là, entre deux haies, dans leurs résidences secondaires ou dans leurs petits châteaux restaurés aux goûts du jour. Mais alors qui vient au coeur de la Normandie plutôt que sur les gracieuses côtes de la Manche? D’où viennent ces étranges personnes refusant de se montrer et, comme des religieux, méditent sur le silence et la nature? Ginette, propriétaire d’un gîte proche de Mortain nous livre l’origine géographique de ses habitués. Environ 10% d’entre eux viennent d’Angleterre ou des PaysBas. Une majorité vient de France et contrairement à leurs voisins européens, ils habitent en ville et veulent, inconsciemment ou pas, la mettre entre parenthèses le temps d’un week-end (en particulier les parisiens) ou lors de vacances. Une dernière catégorie est mise aux oubliettes mais profite autant du paysage que n’importe quels autres «étrangers». Ce sont les locaux. Nous sommes souvent les premiers à mal connaître notre demeure; par ce qu’on veut «aller voir ailleurs», «voir du pays». Il suffit néanmoins de changer de regard pour enfin voir notre région. D’après un géographes-sociologue travaillant au pôle territorial de la région Manche, une part de plus en plus importante de personnes ayant quitté leur lieu de naissance reviennent s’y installer après leur étude ou/et première expérience professionnelle. Ces personnes peuvent être le point d’accroche stable pour développer indirectement des commerces, recherchés autant par les locaux que par les touristes.
Cela nous laisse penser qu’en travaillant au sein d’une petite exploitation, avec une volonté de travailler à l’échelle humaine plus en lien avec l’environnement, son regard s’est peu à peu changé.
Au grand regret des élus locaux, et peut être à la joie de certains habitants, les visiteurs du mortaianais sont pour la plupart de passage. Leur objectif final se trouve dans la baie du Mont St Michel, à 1h de Mortain. Cet élément de taille créer à la fois une envie et une fierté. Les flux vers ce site sont globalement continues. Avec une légère hausse en été, le paysage reste apprécié en toute saison. L’objectif de la commune de Mortain-Bocage est de pérenniser ce potentiel touristique par diverses stratégies. Celles-ci font intervenir différents niveaux de prestations et plusieurs institutions.
De plus, la replantation et le référencement des haies s’intègrent au sein des politiques agricoles actuelles. Cela laisse penser que la structure par le bocage peut de nouveau se développer et sensibiliser les futurs agriculteurs voire peut-être incité au développement d’une filière bois locale dans la région. Cela favoriserait ainsi son maintien profitant à l’écologie du paysage, à l’activité agricole et leur sensibilisation au vivant ainsi qu’à l’économie locale de du sud Manche.
Ainsi, les randonnées cycliste (trame verte et bleue) ou pédestre (GR22), les sentiers d’équitation, l’escalade (fosse Arthour) et les sites naturels remarquables (Cascades de Mortain, Lande Mouton, Tourbière, St Clément...) sont gérés par le parc naturel régional Normandie-Maine ou/et par des organismes publics régionaux. Les évènements culturels (musée de la poterie) sont pris en main par les communes (festival de musique à Bion).
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Cependant, ces activités lancées et soutenues par des associations et les élus ne sont pas toujours reçues avec enthousiasme. Rappelons tout d’abord l’essor depuis une dizaine d’années du «tourisme vert». On ne consomme plus, en théorie, le paysage mais on se met à sa hauteur ne l’appréciant sans le dénaturer. Ainsi, l’attraction du mortainais se résume à se retirer en campagne, faire du sport au grand air et profiter du calme et du silence. Dès lors cette philosophie «zen attitude» est-elle compatible avec le progressif renouveau de la population par un retour de jeunes adultes et par la génération actuelle d’adolescents (qu’il serait dommage de voir partir à sont tour)? En ce début de siècle le tourisme a peu d’impact sur l’économie et le dynamisme local. Faute d’avoir un gros pôle attractif, les communautés de communes espèrent diversifier leurs activités et misent sur un investissement local pour soutenir les projets.
Attrait touristique : les cascades de Mortain
Fanny, une documentaliste dans un collège de Mortain et native du village, nous a fait part d’un manque d’énergie des habitants. Malgré le programme culturel (théâtres, concerts, courses de vélo...), peu de citoyens se déplacent et participent à la vie du village. Peut être y voient-ils une menace pour leur tranquillité? Au contraire, ce manque de soutien disparaît aux alentours de Bion, petit bourg au sud de Mortain. Le maire de Bion, Daniel Heuzé, est un des moteurs des actions locales. Ainsi, un groupe d’habitants bénévoles a débroussaillé en 2017 un chemin longeant des parcelles bocagères. Cet élan fut par la suite repris par les communes voisines. Ces aménagements du territoire sont soutenus par des locaux qui prennent ainsi conscience de leur paysage, apprennent à l’aimer pour ensuite partager leurs regards. Car un des attraits touristiques du mortainais réside dans le paysage et dans sa contemplation. Mais derrière ce paysage se trouve un conséquent travail de gestion, de maintien des sites, de leur accessibilité et de leur propreté. Le choix de privilégié les chemins dans le bocage à ceux des grandes parcelles agricoles semble évident. Or derrière cette confrontation un débat s’engage auprès de la population et de ses représentants... Qu’un investissement local a lieu ou que de grandes institutions interviennent, le tourisme mortainais est en renouveau et son visage pourrait se tourner vers l’histoire et les labels de prestige comme celui du «Pays d’Art et d’Histoire» qui est en cours d’étude.
Les parcours près des cascades de Mortain se développent
Communiquer le paysage est aussi important que de le faire vivre physiquement. Sans des voix pour le faire parler, il restera muet et s’ouvrira seulement pour l’aventurier, échappé des sentiers. Prévision ou constat, le pays mortainais tiens une nouvelle carte en main.
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L’ATELIER DE MÉDIATION L’atelier de médiation s’est déroulé en deux étapes : une rencontre des acteurs tel que les agriculteurs et les élus et une journée de marche pour sensibiliser les habitants aux enjeux du paysage qui les entourent. Le vendredi 23 mars s’est déroulé la première rencontre avec le maire de Mortain et son adjoint. Nous avons ensuite rencontré plusieurs agriculteurs et deux agents territoriaux de l’agglomération du mont saint Michel, une écologue et un géographe. Lors de l’entrevue avec le maire de Mortain-Bocage, M. Desserouer ainsi que l’adjoint au maire (et également maire de Bion) M. Heuzé nous avons pu échanger sur de nombreux thèmes liés au bocage et au développement de la région. Cet échange a confirmé de manière générale nos ressentis et ce qui est ressorti de l’étude de paysage que nous avons fait sur le Mortainais. Nous avons appris que la mairie de Mortain travaille actuellement sur l’élaboration du PLUI, dans le but de préserver les haies bocagères contre l’érosion. Ils veulent sauver le bocage qui tend à disparaitre à cause du remembrement qui s’effectue depuis l’après-guerre. Néanmoins certaines communes, comme Bion, ont réussi par le biais de volontés politiques locales toujours effectives à préserver le bocage du remembrement, ce qui laisse par endroits un paysage disparate. Malheureusement l’élaboration du PLUI a fait peur à certains agriculteurs qui ont des petites parcelles car ils se sentaient dévalorisés par rapport aux agriculteurs propriétaires de grandes parcelles. Il ont donc supprimé de nombreuses haies de manière hâtive. Néanmoins, le maire nous a également expliqué que certains agriculteurs replantent des haies et s’inscrivent dans une démarche plus responsable. De plus, des aides sont données aux agriculteurs qui replantent des haies. La sauvegarde de ces dernières permet aussi de préserver par endroits les chemins de randonnée (communaux, ruraux) qui sinon disparaissent car ils sont détruits ou rapetissés progressivement. Le bocage ne doit cependant pas être figé, il doit au contraire évoluer progressivement. Aussi plusieurs modèles d’agricultures coexistent comme l’extensif, le raisonné, le bio etc. Certains agriculteurs laissent leurs vaches paître dans les pâturages (herbe non traitée) alors que d’autres les laissent à l’étable. Une constatation est faite malgré tout : celle de l’étalement des fermes qui utilisent leurs parcelles pour l’élevage (cultures ou pâturage). Ainsi, depuis les années 1970 la ferme mortainaise moyenne est passée de 15ha à 80ha, les agriculteurs étant subventionnés pour agrandir leur ferme. L’exploitation de la ferme est rationalisé au maximum.
La région du Mortainais a bien conscience des enjeux qui sont les siens et tente d’insufler une nouvelle dynamique. Ainsi, une voie verte reliant Paris au Mont-SaintMichel, via les anciennes voies de chemin de fer, est en création. Cela permettra d’attirer des touristes et de développer l’économie locale. Le maire de Mortain souhaite également développer des itinérances et requalifier des chemins de randonnée. Un autre projet intitulé «Grés d’union», initié par la région Normandie, vise à mettre en valeur le paysage par l’accompagnement des propriétaires vers une meilleure connaissance de leur patrimoine naturel et la proposition de mesures de gestion adaptées à la préservation de ce patrimoine. Concernant l’économie liée au bois, elle n’est pas très développée car elle en partie concurrencée par le département voisin (l’Orne). Outre leur fonction anti-érosive et écologique, les haies sont utilisées pour le bois de chauffage (hêtre). La filière bois-énergie n’est pas très développée mais malgré tout le bois provenant de haies alimente en partie les chaudières à bois installées dans la région.
Adjoint au maire de Mortain et maire de Bion - M. Heuzé
Maire de Mortain - M. Desserouer
Ensuite dans la même matinée nous avons rencontré un agriculteur bio Mr. Roblin qui a également un écogite. Cet agriculteur est installé dans le bocage de Ger, il nous a expliqué son intérêt à conserver le bocage et comment il arrive à le revaloriser. Son exploitation fait 50 ha et il a 8km de haies. Il utilise le bois des haies pour faire du copeaux pour chauffer son écogîte et le vend également au commune limitrophe qui ont des systèmes de chauffage au bois pour leurs locaux publics. Il a décidé de faire uniquement de l’élevage car son territoire est trop humide et donc inadéquate à la production de céréales. Le bocage est donc pour lui une grande aide dans sa gestion agricole, procurant plusieurs bienfaits pour les vaches et étant une source de production. Il a fini par conclure notre entretien par une phrase assez percutante « nous ne faisons pas le même métier » a-t-il dit en parlant des agriculteurs des espaces ouverts.
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L’après-midi nous avons échangé avec Mathieu LE TORREC chargé de mission développement durable, prospective et numérique et Claire ANDRIEUX du service des milieux naturels de la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel Normandie. Cette rencontre nous a permis de voir toute les réflexions déjà présentes sur le territoire et notamment de découvrir que l’élaboration d’une trame verte et bleue était en cours sur la commune de Mortain et sur le reste de la région. Ils nous ont expliqué que grâce à cette démarche certaines haies allaient être classées. C’est à dire qu’ils cherchent a réaliser une classification des haies bocagères selon leurs usages, leurs formes et leur qualité écologique. Pour eux un des risques de la disparition du bocage est la disparition des agriculteurs car s’il y a moins d’agriculteurs les terres seront rachetées par un seul agriculteurs qui détruira progressivement les haies pour avoir une grande parcelle, dans le but de faciliter l’utilisation des machines, et donc un temps de travail réduit. Un autre fait est ressorti de la conversation, celui de l’arrivée de nouveaux agriculteurs, ou «néo-paysans». Ces agriculteurs le plus souvent sont en bio ou amènent de nouvelles idées et techniques très innovantes alors que les fils d’agriculteurs installés depuis plusieurs générations restent en général dans la même démarche que celle de leur père. Suite à cela nous avons présenté notre carte et notre perception du paysage mortainais et nous l’avons comparé à leur carte de diagnostic (voir carte) et nous nous sommes rendu compte d’un certain nombre de points communs. Les espaces de grandes cultures par exemple sont ciblées au même endroit et sont décris comme des espaces fragiles d’un point de vue écologique alors que le bocage lui est ciblé comme robuste. Nous avons les mêmes points de rencontre avec cette grande bande boisée qui est une entité en elle même. Puis nous nous sommes tournés vers le tourisme car il y a une réelle envie de mise en valeur du tourisme vert sur le territoire avec l’aménagement de la voie verte et la valorisation des écogîtes. Les multiples chemins de randonnée sont régulièrement fréquentés. Pour la trame bleue nous avons appris qu’il y a trois techniciens gérant les rivières autour de Mortain pour les travaux sur les cours d’eau ou pour des restaurations. L’eau fait partie du tourisme Mortainais avec ces deux grandes cascades et les multiples cours d’eau qui courent à travers la région. L’humidité comme nous l’avions vu avec l’agriculteur de la matinée est trés présente ce qui favorise ces paysages verts, il y a donc un réel intérêt à conserver le bocage pour maintenir les sols en place et contrôler leur taux d’humidité, en plus de ça c’est un grand tissu de corridor écologique qui est présent, c’est pour cela qu’elles vont être classées.
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Affiche de communication sur la balade avec les habitants
Affiche de communication partagé sur facebook par l’agglomération Mortain-Bocage
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Le samedi 7 avril au matin, nous avons organisé une marche pour rencontrer les habitants du territoire et échanger sur le paysage de celui-ci. Trois participantes étaient présentes : la documentaliste du collège de Mortain (Fanny), la propriétaire du gîte qui nous a hébergé sur Mortain (Ginette Vautier) également et une amie à elle (Morgane). Elles étaient toutes les trois sensibles aux questions sur la nature et l’environnement. Nous leur avons donné rendez-vous à la mairie de Mortain pour ensuite entamer une marche en passant par les différents coteaux bordant la ville donnant sur de grands points de vue pour expliquer les différents enjeux du paysage. Le premier arrêt s’est fait en haut du relief de la petite chapelle à l’Est de Mortain nous avons choisi cet endroit car il offre un point de vue sur le sud de Mortain (les grandes cultures) et il permet également de voir le contraste avec la partie Nord qui est plus bocagère. Nous leur avons présenté notre travail et leur avons expliqué les différents enjeux du territoire. Elles ont confirmé nos différentes hypothèses notamment sur le point de vue du tourisme qui est clairement pour elles l’enjeu majeur de attractivité et du futur de Mortain. Nous sommes ensuite repartis au Nord pour s’arrêter à un point de vue sur la vallée de Mortain où encore une fois les deux grosses entités de notre territoire se confrontent. Nous sommes ensuite passé sur l’autre coteau où nous avons pu échanger sur la Cance et le Cançon qui ont façonné cette vallée et qui attirent désormais les touristes. La journée s’est finie le midi autour d’un repas et d’un retour sur la promenade qu’elles ont apprécié. Le bilan de ces deux journées est assez positif étant donné que la rencontre des acteurs nous a permis de pousser plus loin notre étude et également de confirmer plusieurs enjeux que nous avions ressortis de ce territoire. La deuxième journée était plus un échange avec les habitants pour les sensibiliser au paysage qui les entoure. Nous avons moins appris au niveau de l’aménagement du territoire en lui même mais leur vision sur le paysage était toutefois très intéressante et enrichissante.
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Le parcours
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CONCLUSION
Riche d’une histoire mettant en scène la culture et l’exploitation du sol, la région de Mortain arrive à tirer parti de forces extérieures venant bousculer son territoire. Malgré une difficulté à saisir leurs frontières et leurs rebonds paysagers (découpes de terrain, progression de végétation, relief...), les unités créent une synergie modulant le territoire au fil des ans. Certaines unités deviennent des points de repères indispensables dans le paysage, telle que la forêt de la Lande Pourrie, point culminant du territoire, elle sépare deux états significatifs, les maillages resserés d’un bocage ancien et des grandes cultures au sud qui conquérissent au fur et à mesure le paysage. Chaque unité possède des attributs qui progressent ou s’effacent devant les autres. Ainsi les grands paysages de cultures semblent aujourd’hui grignoter le bocage, le transformer en mailles dilatées; cependant cette pratique peut ralentir, stagner voir s’inverser si le patrimoine des haies et talus revient sensibiliser les agriculteurs et toutes les autres personnes attachées à leur terre. C’est le cas pour cetains d’entres eux que nous avons eu la chance de rencontrer. Très sensibles à la richesse de leurs paysages et des bocages qui les composent, certains acteurs du territoire se démènent pour préserver ce patrimoine singulier à la région. Ils apportent leurs regards nouveaux se ralient pour faire perdurer cette technique agricole.
Les projets permettant de développer le tourisme et l’agro-tourisme permettraient de valoriser les nombreux patrimoines locaux et de sensibiliser un large public, autant du côté des acteurs que des touristes venant visiter la région, à l’importance de protéger les paysages et donc le territoire. Des actions simples peuvent être génératrices d’une dynamique citoyenne. Comme nous l’a présenté l’adjoint au Maire de Mortain-Bocage, des actions réalisées par un groupe d’individus volontaires sensibilisent à l’importance de créer et de maintenir un bien commun ensemble. Le paysage de bocage peut être maintenu et préservé par la venue de touristes et de randonneurs. En effet, la préservation des chemins permet de maintenir les haies séparatrices des cultures et des prairies. Le fait de pouvoir parcourir ses divers paysages et de comprendre les actions des hommes en différents lieux offre la possibilité de prendre conscience de l’impact de ces dernières sur les paysages et le territoire. La rencontre des dynamiques peut donc prendre un tournant de revalorisation patrimoniale afin de guider le territoire mortainais non pas vers l’exploitation brute du sol mais vers la découverte d’un paysage de légendes au travers la revalorisation de cet héritage.
Les chemins et leurs préservation sont gagent de préservation du bocage. L’envie et la dynamique de préservation des chemins de randonnées est aussi synonyme de perpétuation de la maillage bocagère.
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BIBLIOGRAPHIE Sites internet: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/territoire-du-mortanais-bocage-encore-plus-vert http://draaf.normandie.agriculture.gouv.fr/ https://www.insee.fr/ http://odyssee-vallee-de-la-see.over-blog.com/ https://remonterletemps.ign.fr/ http://francetopo.fr/ http://normandie.developpement-durable.gouv.fr/
http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gar14p276-283.pdf http://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-tht-cotentin-maine/ http://geologie.discip.ac-caen.fr/paleozoi/Mortain/index.htm https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/territoire-du-mortanais-bocage-encore-plusvert
Pdf: - Essai sur l’histoire des paysages de la Basse-Normandie, Première partie - Inventaire régional des paysages de Basse-Normandie, par Pierre Brunet avec la collaboration de Pierre Girardin - Atlas agricole et rural, Normandie, Agreste, édition 2015
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