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“ À travers ce sport, elles souhaitent démontrer leur force et leur pouvoir d’influence, tout en revendiquant leur culture aymara en portant fièrement le vêtement traditionnel des cholitas : jupe plissée colorée, châle et chapeau melon vissé sur la tête. ”

La lutte bolivienne comme MOUVEMENT SOCIAL

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Depuis le début des années 2000, de plus en plus de femmes indigènes de Bolivie, les « Cholitas » ont décidé de se mettre au catch. Une pratique qui leur a permis de s’affirmer et de s’émanciper de la culture machiste et de la violence conjugale qui sévit dans le pays.

Par Ilona Zaffagni

Pour la petite histoire…

La lutte des cholitas a été instaurée en Bolivie dans les années 80, par les femmes venant des campagnes. La société étant gangrenée par le machisme et la maltraitance des hommes boliviens, elles ont cherché à imposer leurs idées et leur statut par ce sport, qui était, avant elles, le domaine réservé aux hommes. De tous âges, mères de famille, épouses, femmes de ménage, restauratrices et étudiantes... ont dû batailler auprès de leurs familles et de leurs proches pour pouvoir imposer leur volonté de faire du catch. À travers ce sport, elles souhaitent démontrer leur force et leur pouvoir d’influence, tout en revendiquant leur culture aymara en portant fièrement le vêtement traditionnel des cholitas : jupe plissée colorée, châle et chapeau melon vissé sur la tête. Il y a une vingtaine d’années, les femmes ont d’abord été intégrées aux spectacles de lutte en tant qu’événement secondaire, mais leur popularité est devenue telle qu’elles sont devenues le spectacle principal ! Aujourd’hui, trois jours par semaine, dans la ville d’El Alto, qui surplombe La Paz, la capitale de la Bolivie, des cholitas s’affrontent sur le ring ; ces combats féminins font fureur auprès de la population locale et constituent une attraction touristique de premier ordre.

Un combat de tous les jours

Au départ, les « Cholitas luchadoras » sont vues comme des lutteuses qui font le spectacle... tout comme pour la WWE ou le catch mexicain (appelé lucha libre). Vous pourrez voir une lutteuse crier à la foule pour l’exciter et défier son adversaire, alors que cette dernière grimpera sur un poteau avant de voler dans les airs et de la frapper au corps - avec un bruit sourd qui résonne dans toute la salle. Tout cela fait partie du show ; ces femmes sont des artistes entraînées, la jeune génération commençant dès l’âge de 15 ans. Les matchs ont généralement un personnage « bon » et un personnage « mauvais » qui se battent de manière théâtrale.

“ Ces femmes sont des artistes entraînées, la jeune génération commençant dès l’âge de 15 ans. ” Pourtant, derrière cette impression ludique de prime abord, il en est tout autre... ces femmes luttent contre les stéréotypes de genre, de race et de classe. Elles mènent un combat de tous les jours pour l’émancipation de la femme bolivienne et véhiculent un message important pour le droit des femmes dans leur pays. La culture machiste est bien ancrée en Bolivie et la violence à l’égard des femmes est très répandue. Selon l’Institut National de la Statistique de Bolivie, sept femmes boliviennes sur dix ont déclaré avoir subi une forme de violence. En juillet 2019, le gouvernement bolivien a déclaré que les meurtres liés au genre étaient une priorité nationale, car le nombre de fémicides - le meurtre d’une femme par un homme - au premier semestre 2019 équivalait à une femme tuée tous les deux jours. La moitié des actes violents auraient lieu dans les communautés indigènes. Après leur spectacle du dimanche, les « Cholitas luchadoras » enseignent des mouvements d’autodéfense aux femmes locales qui assistent aux matchs. Le catch cholita met l’accent sur la résistance à la violence qui les entoure et lutte contre les stéréotypes de genre, ainsi que contre la discrimination dont les femmes indigènes de Bolivie sont victimes depuis longtemps. Considérées comme de simples migrantes pauvres venues s’installer dans les villes, les cholitas et les autres femmes autochtones ont été traitées pendant des années comme des citoyennes de seconde zone, voire interdites de certains lieux publics. Le mot « cholita », qui vient du terme espagnol péjoratif « chola » pour désigner une personne indigène, a depuis été récupéré et utilisé avec fierté par les jeunes générations. Il porte à croire que la lutte de ces boliviennes a ouvert des portes et a contribué à améliorer le statut des femmes dans le pays. Aujourd’hui, elles s’impliquent également dans la société civile en organisant des spectacles pour des causes qui leur tiennent à cœur, telles que la construction d’écoles, d’hôpitaux, etc. Néanmoins, les cholitas ne sont pas les seules à combattre au quotidien ; il existe plusieurs autres mouvements sociaux semblables au leur. Au Pérou, par exemple, des footballeuses participent à des championnats en altitude pour montrer qu’elles sont fortes ; une forme de reprise de contrôle selon elles. En outre, la force et la volonté de ces femmes s’appliquent aussi bien dans la vie que sur le ring. La lucha de las cholitas est un spectacle unique au monde, qui ne laissera personne indifférent.

“ Après leur spectacle du dimanche, les « Cholitas luchadoras » enseignent des mouvements d’autodéfense aux femmes locales qui assistent aux matchs. ”

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