La discrète révolution végane

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Michel NOËL

La discrète révolution végane En finir avec le productiviste de l’agriculture et de la pêche

Josué de Castro à la tribune de la FAO

CC-BY-NC-SA-4.0: Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International ID : 157TQMMcEitx4fZiN1ChYJNvoqE2pUAEgL michelnoel


Préface

Crises agricoles répétitives dans les filières de la viande et du lait, pollutions multiples, gaspillage alimentaire, problèmes sanitaires, écosystèmes ravagés, banalisation des OGM, hégémonie de l’agroalimentaire, sont quelques uns des maux que connaît ce 21ème siècle naissant. Personne n’a oublié la crise sanitaire de la « vache folle » des années 1990 qui s’est rapidement transformée en quelques mois en une crise socio-économique retentissante et qui a été chez le consommateur le déclencheur d’une prise de conscience qui ont commencé à s’interroger sur leur système de production et de distribution alimentaire. Progressivement de nouvelles exigences de traçabilité et de contrôle de la qualité se sont manifestés et de nouveaux comportements alimentaires ont vu le jour qui s'imposent aujourd'hui comme une exigence face aux secteur de l’agroalimentaire qui est bien contraint d’évoluer et de s’adapter aux nouvelles demandes et comportements d’une majorité de consommateurs. Les mouvement qu’ils soient ; végétarien, végétalien ou végane sont socialement de mieux en mieux acceptés et font chaque jours de plus en plus d'adeptes tant la défiance est devenue grande à l’égard du secteur alimentaire dont chacun perçoit bien aujourd’hui qu’il est avant tout affaire de lobbies et d’intérêts financiers gigantesques. C’est par conséquent ce qui explique et justifie la progression de la demande de produits labellisés « bio », la préférence pour les productions locales et les circuit cours, les AMAP, les coopératives, etc. font recette. Cette évolution des habitudes alimentaires pourrait bien être les prémices d’un mouvement de plus grande ampleur qui pourrait se révéler être finalement une discrète révolution économique et politique et être la solution de l'avenir. L’étude que je développe dans les pages qui suivent analyse dans le détail, notamment à partir de divers documents de la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), les causes et les conséquences de la crise globale à laquelle nous sommes confrontées et nous donne l'ampleur du danger qui menace.


La crise majeure du secteur agricole1 Le monde agricole est périodiquement et de plus en plus fréquemment agité de crises qui menace son devenir. Aujourd’hui c’est le secteur de l'élevage (filières viande et laitière) qui est plus particulièrement affecté. Cette crise est essentiellement liée à la baisse des cours de la viande qui est consécutive à une surproduction d'animaux destinés à la boucherie. Quelques chiffres pour éclairer cette situation. En 2016 l'abattage des animaux pour fournir de la viande représente plus de 1.900 animaux par seconde, soit 60 milliards d'animaux tués par an ce qui représente 280 milliards de kilos (contre 44 milliards en 1950). La FAO prévoit un minimum de 110 milliards d'animaux qui seront tués en 2050 alors que les estimations hautes indiquent 140 milliards d'animaux en comptant toutes les espèces 2. Une telle production ne peut évidemment que conduire au désastre en impactant frontalement les éleveurs soumis à la concurrence du marché international. Il en est de même pour le lait dont le prix est au plus bas. Il faut se souvenir qu’en 2014, il y a eu la conjonction de trois éléments favorables : une bonne année fourragère, un prix des céréales - donc de l’alimentation du bétail - faible, et en parallèle un prix du lait élevé, qui est monté à 400 euros la tonne au niveau mondial. Donc les éleveurs européens ont fait plus de lait. Au final, l’Europe s’est retrouvée avec six millions de tonnes de lait en plus, qu’elle n’avait pas prévus, avant même la fin des quotas laitiers qui ont régulé le marché pendant plusieurs décennies. Aujourd’hui en 2016 la filière subit de plein fouet l'effondrement des cours mondiaux de la poudre de lait et du beurre qui sont respectivement tombés de 3000 euros à moins de 1650 euros la tonne en dix-huit mois. Soit une perte de 80 euros pour les mille litres. En effet plusieurs pays du Nord de l'Europe en ont profité pour ouvrir les robinets, conduisant à une surproduction continentale (+ 2,1 % en 2015). La Fédération nationale des coopératives laitières, (FNCL) indique que sur le seul mois de novembre, l'Irlande a augmenté ses volumes de 48 % et qu’en décembre ceux des Pays-Bas ont crû de 16,8 %. « Ces pays sont dans une guerre de bassins laitiers pour la conquête de parts de marché » ne manque d’ailleurs pas de soulignier Dominique Chargé, président de la FNCL. En faisant le pari d’un marché mondial en expansion on peut s’interroger de savoir toutefois si l’Union Européenne à bien préparé la fin des quotas. Au milieu des années 2000, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a annoncé qu’il faudrait doubler la production mondiale de lait d’ici 2050. Donc la commission européenne a estimé qu’il n’y avait plus besoin de protéger notre marché. Elle a programmé la fin des quotas pour laisser le temps aux producteurs de s’adapter. Sauf qu’aucune mesure de protection n’a été prise pour les éleveurs européens. Aujourd’hui, ils sont démunis face au marché mondial. Alors que les américains, eux, ont mis en place un système d’aides aux éleveurs qui compense la perte de revenu quand le prix du lait est trop bas3. Par ailleurs les grandes structures laitières de type « Ferme des 1000 vaches » ne sont pas non plus la solution en terme de rentabilité car en élevage laitier, ce ne sont pas ces grandes structures qui ont les coûts de production les moins chers tellement les économies d’échelle sont faibles. Pour passer de 200 à 1000 vaches, il faut du matériel et 1 http://www.courrierinternational.com/article/vu-dallemagne-la-france-se-reve-encore-en-pays-agricole? utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1456917211 2 http://www.viande.info/elevage-viande-sous-alimentation 3 http://reporterre.net/Crise-du-lait-Agrandir-les-elevages-n-est-pas-la-solution


du personnel en plus, respecter des normes environnementales, avoir plus de stockages de lisier et de foncier pour l’épandage, etc. On est donc pas plus compétitifs en agrandissant les élevages. Comme on le voit la crise est complexe et le traité4 qui se négocient en ce moment à Bruxelles dans la confidentialité la plus stricte (le TAFTA) 5 ne fera qu’amplifier les difficultés actuelles du monde agricole tous secteurs confondus. L’avenir devient donc de plus en plus incertain pour de nombreux exploitants. C’est une évidence de constater que le modèle del’ agriculture intensive qui dominait depuis la fin de la seconde guerre mondiale qui a fait beaucoup pour la France est, dans la conjoncture contemporaine, sans perspective et qu’il est grand temps de restructurer ce secteur de notre économie en définissant une nouvelle politique agricole pour le bien de tous, exploitants agricoles et consommateurs. Car il convient quand même de signaler que cette agriculture du XXème. siècle à bout de souffle et qui est soutenue à coup de subventions et d’allégements de charges permanents n’est pas exempte de critiques.

L'élevage est un gaspillage de ressources Il est démontré dans un rapport de la FAO (1992, chap. 1) que les animaux d'élevage sont de piètres convertisseurs d’énergie en alimentation humaine : si on les nourrit avec des céréales, ils ingèrent en moyenne 7 kcal pour en restituer une sous forme de viande (3 kcal pour les poulets, 16 kcal pour les bovins). Le président du GIEC, Rajendra Pachaury, illustre d’une autre façon cette inefficacité : il faut 7 à 10 kg de végétaux pour faire 1 kg de viande boeuf, 4 à 5,5 kg pour 1 kg de viande de porc.

Il s'ensuit qu'il faut beaucoup plus de terres agricoles pour produire de la viande que pour 4 http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803 5 http://lesmoutonsenrages.fr/2015/07/26/tafta-et-agriculture-francaise/


produire directement des céréales destinées à l'alimentation humaine. 33 % des terres cultivables de la planète sont utilisées à produire l’alimentation des animaux d’élevage ; 26 % de la surface des terres émergées non couvertes par les glaces est employée pour le pâturage (FAO, 2006, p. 271). Au total, ce sont 70 % des terres à usage agricole qui, directement ou indirectement, sont consacrées à l’élevage (FAO, 2006, p. xxi). Cela représente environ 30 % des terres émergées non couvertes par les glaces (FAO, 2006, p. 272). Près de 85 % de la production de mondiale de soja est destinée à l’alimentation animale (Soyatech, n.d.). Pourtantant les céréales tel que le soja sont des denrées hautement nutritives, directement consommables par les humains. Les affecter à la l’alimentation animale constitue un détour de production particulièrement inefficace.

En France Les terres agricoles françaises sont accaparées par les animaux d’élevage : 2/3 des terres agricoles sont destinées à l’alimentation animale, que ce soit en pâturages ou en cultures de plantes pour l’alimentation des animaux (Mission Climat de la Caisse des Dépôts, 2005, p.3). L’alimentation animale est par exemple aujourd’hui le principal débouché industriel des céréales françaises : elle en consomme 10,2 millions de tonnes, ce qui représente la moitié des utilisations en France (Passion céréales, 2014). Par ailleurs, la France importe des tourteaux de soja, principalement du Brésil et


d’Argentine, contribuant ainsi à la déforestation en Amérique latine et aux problèmes sociaux liés au développement des grandes cultures intensives au détriment des petits paysans. Avec 4,5 millions de tonnes de soja importés chaque année, la France est le premier importateur européen : 22 % du soja exporté par le Brésil lui est destiné et il faut savoir également que le soja d’importation destiné à l’alimentation est en grande partie génétiquement modifié. Par type de production Le tableau ci-dessous, établi par WWF, compare les surfaces nécessaires pour produire un kilo de différents types d’aliments :

L’effet de la production de viande sur les prix des denrées alimentaires Des économistes ont estimé le prix des denrées alimentaires en 2030 (Msangi & Rosegrant, 2012). Ils ont comparé un scénario où la demande de viande dans les pays développés (OCDE), la Chine et le Brésil poursuit son augmentation actuelle, avec un scénario où la demande de viande dans ces mêmes pays diminue de 50 % par rapport à l’an 2000. Le modèle utilisé est l’International Model for Policy analysis of Agricultural Commodities and Trade(Rosegrant et al., 2012)). Dans ce second scénario, la baisse de la demande de viande dans les pays de l'OCDE, la Chine et le Brésil a pour conséquence - Une baisse grosso modo de moitié du prix des aliments d’origine animale, ce qui conduit à une augmentation de leur consommation dans le Tiers-monde de 35 %. Mais globalement, la consommation de viande baisse tout de même de 20 %. - La baisse de 20 % de la production mondiale de viande entraîne une baisse du prix de nombreux aliments d’origine végétale. Les prix du manioc et du blé baisse de 7 %, le prix des patates douces de 10 %, celui du maïs, de l’orge du sorgho, de l’avoine et du millet de 20 %, celui des tourteaux d’oléagineux (soja, tournesol, palme, etc.) de 21 %. La ration calorique par habitant augmente dans les pays du Tiers-Monde, notamment en


Afrique subsaharienne (+81 calories par personne et par jour). Le nombre d’enfants en bas âge souffrant de malnutrition diminue de 2,2 millions. Cette simulation indique que la production de viande a bien un impact négatif sur la sécurité alimentaire des humains les plus pauvres de la planète. L’élevage accentue l’effet de serre et la déforestation En 2006, un rapport de la FAO, Livestock's long shadow, a révélé que l’élevage produisait une quantité importante de gaz à effet de serre (GES), environ 18 % des émissions d'origine humaine. Dans un rapport postérieur, Tackling climate change through livestock (FAO, 2013), des calculs fondés sur des données plus précises établissent à 14,5 % la contribution de l'élevage dans les émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique, dont 9,3 % pour les seuls bovins. C'est légèrement plus que le secteur des transports (IPCC, 2014). Chiffres clés Le secteur de l'élevage produit 7,1 milliards de tonnes d'équivalent CO2, soit environ 1/7 de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions de GES se répartissent comme suit. 45 % est attribuable à la production et au transport des aliments (dont 9 % imputables à la déforestation liée à l'extension des cultures et des pâturages). 39 % proviennent de la fermentation gastrique des ruminants. 10 % résultent du stockage et de l'utilisation du lisier. 6 % sont causés par le transport, l'abattage des animaux et au stockage des produits animaux. Il apparaît que les émissions sont dues majoritairement à l'élevage des ruminants. Produire 1 kg de protéines sous forme de viande de bœuf émet en moyenne 300 kg d'éq. C02, contre moins de 50 sous forme de viande de porc, de poulet ou d'oeufs. En avril 2010, la FAO a publié un rapport sur la contribution spécifique du secteur laitier à l’émission de GES(FAO, 2010), qu’elle a évalué à 4 % des émissions d’origine anthropique.

(Source GIEC) NB

: les "bovins laitiers" produisent du lait mais aussi de la viande.

L'Europe contribue pour 8,5 % des émissions de GES liés à l'élevage. Un rapport de 2011 conjecture que, entre 2005 et 2050, la demande de viande augmentera de 73 % et celle de lait de 58 % (FAO, 2011).


Les pâturages et les puits de carbone en France Si les zones de pâturage constituent des puits de carbone, la reforestation également, et de manière plus efficace. Le bilan de gaz à effet de serre des prairies correspond à un puits modéré d’environ 1 tonne de carbone par hectare et par an ; par ailleurs, les prairies les plus exploitées par la fauche et le pâturage présentent la plus faible activité de puits de gaz à effet de serre (INRA, 2007). D’un autre côté, une jeune forêt tempérée (hêtraie) se comporte globalement comme un puits de carbone d’environ 4 tonnes par hectare et par an (INRA, 2008). Lutter contre le réchauffement climatique par l'alimentation Le 5e rapport du GIEC (IPCC 2014, chapitre 11), reprenant les calculs de Stehfest et al. (2009), estime que la simple application des recommandations nutritionnelles de l’École de santé publique de Harvard, qui conseillent de limiter la consommation moyenne de viande de ruminants à 10g par jour et la consommation des autres viandes, du poisson et des œufs à 80g par jour, permettrait de réduire de 36 % les émissions de GES d’origine agricole, et de 8 % les émissions totales. Cette simple mesure serait aussi efficace que de diviser par deux l’ensemble du trafic routier mondial. Ne pas dépasser au 21e siècle le taux atmosphérique de 450 ppm d’équivalent carbone demandera une réduction importante des émissions de GES, ce qui aura un coût, estimé à 2,5 % du PIB mondial en 2050. Par rapport au scénario basé sur les tendances actuelles, réduire la consommation de viande selon les recommandations de l’École de santé publique de Harvard réduirait ce coût de 50 %. L’abandon complet des produits animaux le réduirait de 64 %. Une étude britannique (Scarborough et al., 2014) a évalué que les végétaliens émettaient 2,5 fois moins de GES pour leur alimentation que les omnivores (consommant 100 g de viande par jour ou plus). Consommation de viande dans le monde La consommation de viande dans le monde est en moyenne de 42 kg.ec par habitant et par an, avec de fortes disparités (cf. carte).

La consommation de viande dans un pays augmente principalement quand le pourvoir d'achat des habitants augmente. Entre la période 1964-1966 et la période 1997-1999, la consommation de viande est passée de 61,5 à 88,2 kg.ec par habitant dans les pays


développés (OCDE) et de 10,2 à 25,5 kg.ec par habitant dans les pays en développement (FAO, 2003, chp. 5). En Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud), elle a stagné de 9,9 à 9,4 kg.ec/hab. En Asie de l'est, elle a plus que quadruplé, de 8,7 kg.ec/hab. à 37,7 kg.ec/hab., du fait notamment de certains pays émergents comme la Corée du sud et la Chine (FAO, 2003, chp. 5). Dans les pays développés, à partir des années 1980 ou 1990, les évolutions du niveau de la consommation de viande par habitant sont le plus souvent relativement faibles et, selon les cas, on observe une augmentation ou une diminution. Un rapport de la FAO de 2011 conjecture que, entre 2005 et 2050, la demande de viande augmentera de 73% et celle de lait de 58%. Nombre d’animaux abattus L’augmentation de la production de viande, lait et oeufs s’accompagne d’une augmentation plus que proportionnelle du nombre d’animaux élevés et abattus en raison de la progression particulièrement forte de l’élevage de volailles, qui sont des animaux de petite taille. En 2012, le nombre d’animaux abattus dans le monde pour la consommation alimentaire est estimé par la FAO à 67 milliards (FAO stat). En France, environ un milliards d’animaux sont abattus chaque année pour produire de la viande ainsi en 2014, ont été tués dans les abattoirs français :


Évolution du nombre d'abattages redressés (abattages en abattoir + estimation des abattages à la ferme) (FranceAgriMer, 2015) :

Consommation de viande, œufs et laitages par habitant en France Viande La consommation française annuelle de viande (animaux marins exclus) est passée, entre 1970 à 1990, de 3,93 à 5,66 milliards de t.ec, soit une progression de 1,6% par an. Par habitant, la consommation annuelle est passée, entre 1970 et 1998, de 77,6 à 94,5 kg.ec, et a légèrement diminué depuis, pour atteindre en 2011 88,7 kg.ec.


La structure de la consommation de viande s'est modifiée depuis 1970 au profit des viandes blanches, notamment la viande de volaille. La part de la viande bovine est passée de 39% en 1970 à 27% en 2014. La part de la viande de porc (y compris charcuterie) a légèrement augmenté ; la part de la volaille est passée de 16% en 1970 à 29,5% de la consommation totale de viande. La part de la viande ovine est restée stable et celle des autres viandes (cheval, lapin et gibier) a fortement baissé.

Consommation réelle de viande par Français en 2014, en grammes :

Oeufs En 2013, 45 millions de poules ont produit 15,2 milliards d'oeufs (GrapAgriFrance, 2014). Les Français en consomment en moyenne 230 par personne et par an, dont 140 en coquille et le reste sous forme "d'ovoproduits" (pâtisseries, sauces, plats préparés, etc.). Produits laitiers La France produit 24,5 milliards de litres lait par an, dont 23,7 milliards de litres lait de vache, 485 millions de litres de lait de chèvre et 258 millions de litres de lait de brebis


La consommation française de produits laitiers se répartit comme suit :

Évolution de la consommation totale de lait en France (chiffres FAO stats 1961-2011)

La pêche, une chasse sans merci Lorsqu’on parle de pêche, on ne parle ni de cueillette, ni d’exploitation minière, mais bien de chasse. Les mers, lacs et cours d’eau sont hérissés de pièges humains qui conduisent à la mort des centaines de milliards d’animaux chaque année. Les bateaux sont de mieux en mieux équipés pour ne laisser aucune chance aux poissons : à la fois par la sophistication des outils de capture et par la multiplication des équipements permettant de repérer leurs proies. On estime aujourd’hui que plus de 1000 milliards de poissons sont pêchés chaque année.6 6 http://www.viande.info/la-peche


L’hécatombe des prises accessoires La production des pêcheries n’inclut que le tonnage d’animaux débarqués et commercialisés. Mais une partie des animaux capturés est rejetée à la mer, morts ou agonisants, car trop petits ou ne correspondant pas aux espèces ciblées. C’est ce qu’on appelle les prises accessoires. L’essentiel des corps rejetés ou des déchets issus de poissons éviscérés à bord coule sans être consommé. Une partie est mangée par des poissons ou pas des oiseaux nécrophages ; ce qui a entrainé, par exemple, la prolifération des goélands et des sternes en mer du Nord. Il est difficile d’estimer le volume global des rejets, car ils sont très variables selon les lieux et les types de pêche 1. Ils représenteraient, de nos jours, entre 8 % et 25 % des prises (soit 7 à 20 millions de tonnes) (Eayrs et FAO, 2009). Un rapport de synthèse de 2009, commandé par le WWF, avance le chiffre de 40 % (Davis et al., 2009). La pêche à la crevette est la plus dommageable : elle est responsable à elle seule de 27 % de l’ensemble des prises accessoires de la pêche commerciale2. La pêche au chalut des crevettes entraîne le rejet, en tonnage, de 80 % à 95 % des prises selon les pêcheries (Eayrs et FAO, 2009). Les poissons, mollusques et crustacés ne sont pas les seules victimes des prises involontaires. Chaque année, plus de 300 000 petits cétacés (baleines, dauphins, marsouins) meurent empêtrés dans les filets de pêche. De très nombreuses tortues subissent le même sort, dont des espèces en danger ou en voie d’extinction (250 000 tortues caouanes et tortues luth) (Greenpeace, 2008). La pêche cause aussi une mortalité considérable parmi les oiseaux marins (fous, guillemots, macareux, albatros, pétrels...) : ils plongent pour capturer des poissons et se trouvent pris dans des filets ou avalent un hameçon appâté fixé à une palangre. La moitié des 125 espèces de pétrels et 16 des 21 espèces d’albatros sont considérées en danger d’extinction (Cury et Miserey, 2008, p. 93). Certains animaux marins souffrent de la raréfaction de leurs ressources alimentaires en raison de l’énorme prélèvement sur celles-ci opéré par les bateaux de pêche. Au large de Terre-Neuve, la raréfaction des poissons a entraîné une diminution de la taille moyenne des baleines à bosse. Des phoques affamés ont migré du Groenland vers les côtes du Canada. En Europe, dauphins et marsouins semblent descendre vers le sud tandis que l’Atlantique nord est surexploité. Les ravages de la pêche fantôme La « pêche fantôme » désigne la prise d’animaux par des équipements de pêche perdus ou abandonnés en mer (filets, pièges et nasses). Selon un rapport de la FAO et du PNUE (2009), ces équipements représenteraient 10 % des déchets marins (soit 640 000 tonnes). Ils causent la mort d’innombrables animaux, altèrent les fonds marins et constituent des dangers pour la navigation. Ainsi, quand un filet maillant est perdu ou abandonné, il continue à pêcher tout seul pendant des mois ou des années. L’extrémité du filet est ancrée au fond de la mer et des bouchons sont attachés au sommet. Ainsi, il forme un mur vertical sous-marin long de 600 à 10 000 mètres, dans lequel vont se prendre toutes sortes d’animaux. Dans la baie de Chesapeake aux États-Unis, environ 150 000 pièges à crabes sont perdus chaque année sur les 500 000 déployés. En Guadeloupe, les 20 000 pièges qui sont posés chaque année se perdent lors de la saison des ouragans.


La surpêche Dans le concept de surpêche, les poissons sont vus comme des ressources renouvelables. Il y a surpêche (ou surexploitation) quand le prélèvement est supérieur à la capacité de renouvellement de la ressource halieutique. Autrement dit, quand la population de poisson diminue d’une année à l’autre. On peut lire, dans le rapport de la FAO Situation mondiale des pêches de l’aquaculture de 2014, que la proportion des stocks de poissons surexploités est passé de 10 % en 1974 à 28,8 % en 2011. 61,3 % des stocks de poissons sont exploités au niveau maximal et 9,9 % en deçà du niveau maximal (« sous-exploités »). Les auteurs prédisent une diminution des rendements de la pêche des populations surexploitées dans les années à venir. La surpêche a des conséquences écologiques dramatiques : « L’extinction écologique causée par la surpêche dépasse tout autre perturbation généralisée d’origine humaine sur les écosystèmes côtiers, incluant la pollution, la dégradation de la qualité de l’eau, et le changement climatique anthropique » (Jackson, 2001). Ce constat est confirmé par une publication scientifique récente (Watson et al., 2013). « En décembre 2006, une équipe dirigée par Boris Worm, de l’université de Dalhousie (Canada), a calculé qu’au milieu du XXIe siècle, les espèces les plus couramment pêchées aujourd’hui pourraient avoir disparu si la pression humaine (surpêche, pollution et destruction des milieux) continue au rythme actuel » (Cury et Miserey, op. Cit., p. 15). Les estimations du degré de surexploitation des ressources halieutiques sont variables et controversées, aussi bien pour des raisons scientifiques que politiques et économiques. Mais il n’y a pas de doute sur le fait que la surpêche existe bel et bien. Elle a déjà conduit a l’effondrement complet de certains stocks. Un exemple qui a marqué les esprits est celui de la pêche à la morue au large de Terre-Neuve. Au début du XXe siècle des centaines de bateaux européens traversaient l’Atlantique pour pêcher dans cette région. Puis, les bateaux, équipés de chaluts et de sonars, sont devenus de plus en plus performants. De 1945 à 1965, les prises ont été multipliées par quatre, avant de se mettre à chuter fortement. En 1992, le gouvernement canadien s’est rendu à l’évidence et a décrété un moratoire sur la pêche à la morue. Malgré l’arrêt de la pêche, les stocks de morue sont encore aujourd’hui loin d’être reconstitués (Franck et al., 2011). Au niveau global, divers indicateurs attestent de la réalité de la surpêche. La modernisation et l’accroissement de la flotte de pêche n’a jamais cessé. De très nombreuses pêcheries sont en état de surcapacité. Là encore, les chiffres sont incertains mais le phénomène est incontestable : il y a suffisamment de bateaux pour prendre entre 2 et 3,5 fois plus de poisson qu’on n’en capture effectivement. Ces bateaux sont de mieux en mieux équipés pour ne laisser aucune chance aux poissons : à la fois par la sophistication des outils de capture et par la multiplication des équipements permettant de repérer leurs proies. Cependant, les prises plafonnent autour des 90 millions de tonnes annuelles. Et, cela bien que la pêche s’étende à de nouvelles zones et espèces. Les poissons pêchés de longue date vivent en eaux peu profondes (jusqu’à environ 200 m au-dessous de la surface). Plus bas, on trouve d’autres espèces. À mesure que les stocks des poissons habituellement capturés se sont mis à décroître, et grâce à la course à l’armement technique, les bateaux de pêche se sont mis à puiser dans les eaux plus profondes. De nouvelles espèces ont été pourchassées : flétan, merlan bleu, julienne, siki (parfois commercialisé sous le nom de « saumonette » bien qu’il s’agisse d’une variété de


requin), empereur, grenadier, sébaste (parfois commercialisé sous le faux nom de « rascasse »), lingue, sabre… Le pillage des eaux profondes a été déclenché alors qu’on connaît mal la biologie et les conditions de reproduction des nouvelles victimes. Il y a de sérieuses raisons d’être pessimiste : les espèces pêchées en eaux profondes sont des animaux d’une grande longévité, qui atteignent tardivement l’âge de reproduction et présentent une faible fécondité. C’est pourquoiGreenpeace demande l’interdiction de la pêche dans les grands fonds. Les chalutiers français et espagnols ont été les premiers à se spécialiser dans les poissons d’eaux profondes. La France est le premier pays d’Europe en matière de pêche et de consommation de poissons des grands fonds.

Les dommages du chalutage de fond Les chaluts sont des filets tractés par des navires de pêche. L’essor des chalutiers industriels est pour beaucoup dans la surexploitation des mers. Pour pallier à l’épuisement des stocks halieutiques de surface, on s’est mis, à la fin du 20e siècle, à pêcher de plus en plus profondément au chalut. Cela a conduit au développement du chalutage de fond. Le chalutage de fond consiste à lester d’immenses filets avec des poids afin de le positionner à proximité du fond. Les chaînes ou rouleaux fixés à l’avant des filets raclent le sol, arrachant la flore et endommageant ou détruisant les coraux et colonies d’éponges. Cette technique est particulièrement destructrice d’habitats nécessaires au maintien et à la diversité de la vie marine.


En 2006, l’ONU a demandé que la pêche de grands fonds soit encadrée de façon à protéger des milieux marins très vulnérables. Mais les États et organismes internationaux de gestion des pêches n’ont pas agi dans les délais prévus. Un moratoire sur la pêche au chalut de fond est entré en vigueur le 30 septembre 2007 pour la seule région du Pacifique sud. En 2006, les États-Unis ont interdit, dans les zones relevant du gouvernement fédéral (entre 3 et 300 miles des côtes), le chalutage de fond sur la plupart de leurs côtes du Pacifique et l’on restreint sur leurs autres côtes. En décembre 2013, le parlement européen a rejeté, à une courte majorité, l’interdiction globale du chalutage de fond dans les eaux européennes. Ce type de pêche est cependant interdite dans les zones à écosystème fragile. L’interdiction globale sera soumise à un nouveau vote dans quatre ans. Des puits de carbone qui disparaissent Les « puits de carbone » sont des entités naturelles ou artificielles qui extraient et séquestrent du carbone présent dans l’atmosphère, réduisant ainsi l’effet de serre. Les océans absorbent environ la moitié du carbone émis dans l’air via le plancton, les poissons et les coraux. Les poisson éliminent les sels minéraux en excès par les intestins, sous forme de cristaux de carbonate de calcium et de magnésium (principalement). Les poissons contribueraient ainsi pour 3 à 15 % aux puits de carbone océaniques, voire beaucoup plus selon certaines hypothèses (Wilson et al., 2009). Les plateaux continentaux sont les zones les plus propices à ce piégeage du carbone, d’une part parce qu’ils abritent la plus grande biomasse de poissons, d’autre part parce que le fond (sur lequel tombent les cristaux de carbonates) n’est pas trop profond. En effet, les cristaux de carbonate de magnésium deviennent solubles à plus de 1000 mètres de profondeur et peuvent se retransformer en CO2. C’est malheureusement au niveau des plateaux océaniques que la surpêche a fait disparaître le plus de poissons, contribuant ainsi au réchauffement climatique. Pêche artisanale et pêche industrielle Même si la délimitation de la pêche artisanale reste quelque peu floue, il est courant de distinguer la pêche artisanale de la pêche industrielle. Les deux secteurs présentent en effet des traits sensiblement distincts à divers égards, comme l’indique le tableau suivant.

Alliance pour une pêche responsable, « La réalité de la pêche dans le monde »


Les caractéristiques des deux secteurs justifient que l’on s’attache particulièrement à freiner la pêche industrielle, la plus destructrice. Ceci étant dit, l’augmentation des volumes pêchés n’est pas uniquement imputable à l’essor de la pêche industrielle. La flotte artisanale s’est elle aussi modernisée et a accru sa capacité de capture, comme l’illustre l’exemple du Sénégal : « En 1980, au Sénégal, il y avait 3000 pirogues de pêche artisanale, aujourd’hui, il y en a 12 000, équipées de moteurs hors-bord et de GPS. Le taux de motorisation a été multiplié par 400. Elles sont capables de changer d’engins de pêche dans la journée, et ainsi de passer de la pêche à la senne tournante pour les sardinelles à la pêche à la ligne permettant de prendre des mérous sur les fonds rocheux. » (Cury et Miserey, 2008, p. 123) Il existe en outre des formes très destructrices de pêche artisanale (pêche à l’explosif, pêche au cyanure). Bibliographie •Clover Charles, 2008. Surpêche, Dermapolis(Traduction d’un ouvrage dont l’édition originale anglaise date de 2004). •Cury P. et Miserey Y., 2008. Une mer sans poissons. Paris: Calmann-Levy. •PNUE, 2009. Programme des Nations Unies pour l’environnement, « Les filets fantômes affectent l’environnement marin », communiqué du 6 mai 2009. •Davies, R.W.D., S.J. Cripps, A. Nickson, et G. Porter, 2009. « Defining and Estimating Global Marine Fisheries Bycatch ». Marine Policy 33, n° 4 (juillet 2009): 661-672. doi : 10.1016/j.marpol.2009.01.003. •Eayrs S. et FAO, 2009. Guide pour la réduction des prises accessoires dans la pêche au chalut des crevettes tropicales. Rome : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. •Frank, Kenneth T., Brian Petrie, Jonathan A. D. Fisher, et William C. Leggett, 2011. « Transient dynamics of an altered large marine ecosystem ». Nature 477, n° 7362: 86-89. doi : 10.1038/nature10285. •Greenpeace, 2008. « Prises accessoires ». Greenpeace Canada. •Jackson, J. B. C, 2001. « Historical Overfishing and the Recent Collapse of Coastal Ecosystems ». Science 293, n° 5530 : 629-637. doi :10.1126/science.1059199. •PNUE, 2009. Programme des Nations Unies pour l’environnement, « Les filets fantômes affectent l’environnement marin », communiqué du 6 mai 2009. •Watson, Reg A, William W L Cheung, Jonathan A Anticamara, Rashid U Sumaila, Dirk Zeller, et Daniel Pauly, 2013. « Global Marine Yield Halved as Fishing Intensity Redoubles ». Fish and Fisheries 14, n° 4 (décembre 2013): 493-503. doi :10.1111/j.1467-2979.2012.00483.x. •Wilson, R. W., F. J. Millero, J. R. Taylor, P.J. Walsh, V. Christensen, S. Jennings, et M. Grosell, 2009. « Contribution of Fish to the Marine Inorganic Carbon Cycle ». Science 323, n°5912: 359-362. doi :10.1126/science.1157972.


Ampleur des pertes et gaspillages alimentaires Volumes de production alimentaire La figure 1 montre les volumes de production pour l’année 2007 de l’ensemble des groupes de produits dans leur forme primaire, y compris les produits d’alimentation animale (pondérés par la suite par des coefficients de répartition), dans les régions du monde concernées par cette étude. Les volumes de production ont été déterminés à partir de l’Annuaire statistique 2009 de la FAO, à l’exception des volumes de production des cultures d’oléagineux et de protéagineux tirés du Bilan des disponibilités alimentaires 2007 de la FAO. La production principale de viande en Asie industrialisée était une importante production porcine (environ 46 millions de tonnes) et de poulets (environ 12 millions de tonnes). La production principale de viande en Europe était une production porcine (environ 27 millions de tonnes) alors que la production était plus diversifiée en Amérique du Nord et en Océanie avec une production de poulets (environ 18 millions de tonnes), de bétail (bovins) (environ 16 millions de tonnes) et porcine (12 millions de tonnes). Concernant les régions en développement, la production principale de viande en Amérique Latine une production de bétail (bovins) (environ 15 millions de tonnes) et une production de poulets (environ 17 millions de tonnes). La viande produite en Asie du Sud et du Sud-Est était principalement issue d’une production porcine (environ 7 millions de tonnes) et de poulets (environ 9 millions de tonnes). La production de viande en Afrique subsaharienne était une production de bétail (bovins) (environ 4 millions de tonnes) et en Afrique du Nord, en Asie de l’Ouest


Ampleur des pertes alimentaires Dans le monde, environ un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdue ou gaspillée, équivalant à environ 1,3 milliards de tonnes par an. Les denrées sont gaspillées tout au long de la chaîne alimentaire, de la production initiale à la consommation finale par les ménages. Dans les pays à revenu moyen et élevé, les denrées alimentaires, jetées même dans les cas où elles sont encore propres à la consommation, sont gaspillées en grande quantité; des pertes et gaspillages alimentaires considérables sont aussi constatés en tout début de chaîne alimentaire. Dans les pays à revenu faible, une perte des denrées alimentaires survient principalement en début ou en milieu de chaîne alimentaire alors que le gaspillage par les consommateurs est nettement plus limité. La figure 2 montre que les pertes alimentaires par habitant en Europe et en Amérique du Nord atteignent 280-300 kg/an. En Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est, elles sont de 120-170 kg/an. La production totale de denrées alimentaires comestibles par habitant destinées à la consommation humaine est, en Europe et en Amérique du Nord, d’environ 900 kg/an et en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est de 460 kg/an. Le gaspillage alimentaire constaté chez les consommateurs en Europe et en Amérique du Nord est, par habitant, de 95-115 kg/an alors que ce chiffre n’est que de 6-11 kg/an en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est.


Les pertes alimentaires dans les pays industrialisés sont aussi importantes que dans les pays en développement; dans ces derniers, plus de 40% des pertes sont constatées pendant la phase d’après récolte et la transformation des produits alors que dans les pays industrialisés plus de 40% de ces pertes sont constatées au stade de la distribution et de la consommation. Le gaspillage alimentaire par les consommateurs enregistré dans les pays industrialisés (222 millions de tonnes) est presque aussi élevé que le total de la production alimentaire nette enregistrée en Afrique subsaharienne (230 millions de tonnes). Le graphique ci-dessous présente le pourcentage des pertes et gaspillages alimentaires des produits comestibles destinés à la consommation humaine pour sept groupes de produits.

Pour les céréales (figure 3), le blé est la culture principale dans les pays à revenu élevé; le stade de la consommation enregistre les pertes les plus élevées, entre 40-50% du gaspillage total. Dans les régions à revenu faible, le riz est la principale culture, tout particulièrement dans les régions très peuplées de l’Asie du Sud et de l’Asie du Sud-Est. Dans ces régions, des pertes alimentaires plutôt élevées sont constatées dans la chaîne alimentaire durant les opérations de production, d’après récolte et de stockage; de moindres pertes sont constatées au stade de la distribution et de la consommation. Pour les racines et tubercules (figure 4), les pommes de terre (patates douces en Chine) représentent la culture la plus importante dans les pays à revenu moyen et élevé. Les chiffres montrent que l’ensemble des trois régions à revenu moyen et élevé enregistrent les plus grosses pertes durant la production; cela provient des opérations de calibrage après récolte selon des critères imposés par les distributeurs.


Le gaspillage alimentaire constatĂŠ au stade de la consommation est, lui aussi, ĂŠlevĂŠ.


Le manioc est la culture la plus importante en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est et la pomme de terre est la culture dominante en Amérique du Nord, en Asie de l’Ouest et en Asie centrale. Dans ces régions, des pertes alimentaires plutôt élevées sont constatées dans la chaîne alimentaire au stade des opérations de production, d’après récolte et de stockage; de moindres pertes sont constatées au stade de la distribution et de la consommation. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les racines et les tubercules sont périssables, ce qui rend ces produits très fragiles durant les opérations de récolte et d’après récolte tout particulièrement sous les climats chauds et humides de nombreux pays en développement. Pour le groupe des produits oléagineux et protéagineux (figure 5), les cultures de graines de tournesol et de colza sont les plus importantes en Europe; la culture du soja est dominante en Amérique du Nord, en Océanie et en Asie industrialisée. Les pertes dans les régions à revenu moyen et élevé sont relativement importantes aux différents stades de la production, avec gaspillage pendant la récolte compris entre 6% et 12%. La culture des arachides est la culture d’oléagineux prédominante en Asie du sud et en Asie du Sud-Est; en Amérique du Nord, en Asie de l’Ouest et en Asie centrale prédominent celle de soja et d’olives; en Asie du sud et en Asie du Sud-Est prédominent celles de soja et de noix de coco et en Amérique Latine celle de soja. Dans ces régions, les pertes alimentaires sont plus importantes au stade de la production agricole et durant les opérations d’après récolte et de stockage: en effet, les cultures d’oléagineux étant transformés le plus souvent sous forme d’huiles végétales au stade de la distribution et de la consommation, elles deviennent des produits dont le gaspillage est relativement plus limité que celui des produits frais. Concernant le groupe des fruits et légumes (figure 6), les pertes au stade de la production sont les plus importantes pour l’ensemble des trois régions industrialisées, en grande partie en raison du calibrage des fruits et légumes après récolte dont les critères sont imposés par les distributeurs. Les pertes constatées en bout de chaîne alimentaire sont elles aussi importantes dans l’ensemble des régions, avec 15-30% de rejet de l’ensemble des achats effectués par les consommateurs. Dans les régions en développement, les pertes alimentaires constatées au niveau de la production agricole dépassent la totalité des pertes constatées l’ensemble de la chaîne alimentaire. Les pertes constatées au stade de la distribution et de l’après récolte sont aussi importantes, ce qui s’explique non seulement par la détérioration des cultures périssables sous les climats chauds et humides de nombreux pays en développement mais aussi par les excédents invendus issus des cultures saisonnières.


Pour ce qui concerne la viande et les produits carnés (figure 7), les pertes et gaspillages alimentaires dans les régions industrialisées sont plus importants en bout de chaîne alimentaire, avec la combinaison d’une importante consommation de viande par habitant et d’une grande quantité de gaspillage par les distributeurs et les consommateurs, tout particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. Le gaspillage constaté au stade de la consommation représente à peu près la moitié de la totalité des pertes et gaspillages alimentaires. Les niveaux relativement faibles de gaspillage constatés au stade de la production, des opérations d’après récolte et du stockage s’expliquent par un faible taux de mortalité des animaux pendant l’élevage ou le transport vers l’abattoir. Pour l’ensemble des régions en développement, les pertes se répartissent presque uniformément tout le long de la chaîne alimentaire. Il faut toutefois noter le niveau relativement élevé des pertes au stade de la production agricole en Asie du sud et en Asie du Sud-Est. Cela s’explique par un taux important de mortalité des animaux dû à de fréquentes maladies (par exemple, pneumonie, maladies de l’appareil digestif et parasites) pendant l’élevage.


Pour l’ensemble des trois régions industrialisées, les pertes alimentaires constatées au stade de la production primaire de poissons et de fruits de mer (figure 8) sont importantes, avec des taux de rejets de poisson à la mer après capture se situant entre 9% et 15%. Une grande quantité de poissons et de fruits de mer achetés par les ménages est également gaspillée. Dans les pays en développement, les pertes au stade de la production primaire sont principalement dues à des taux de rejets à la mer compris entre 6% et 8%. Au stade de la distribution, de grosses pertes s’expliquent par une importante détérioration des produits survenant pendant la distribution de poisson et de fruits de mer frais. En ce qui concerne le lait (figure 9), le gaspillage au stade de la consommation représente à peu près 40-65% de l’ensemble du gaspillage alimentaire constaté dans les trois régions industrialisées. Les pertes au stade de la production sont significatives; en effet, les maladies des vaches laitières (essentiellement des mastites) entrainent une baisse des rendements d’environ 3-4%. Pour l’ensemble des régions en développement, le gaspillage constaté durant les opérations d’après collecte, de stockage et de distribution est relativement important.



A ce gaspillage de denrées alimentaires vient s’ajouter le gaspille des ressources naturelles telle que l’eau par exemple, qu’on en juge : Gaspillage et pollution de l’eau La Terre a des ressources en eau limitées. La FAO (2002) estime que nous disposons globalement de 9 000 à 14 000 km3 d’eau utilisables, soit, au mieux, 5 480 L d’eau par jour pour une population de 7 milliards, 4 260 L d’eau par jour et par personne pour une population de 9 milliards (vers 2050). Environ 5 000 L d’eau sont nécessaires pour produire 1 000 kcal d’aliments d’origine animale, 1 000 L si l’origine est végétale (Renault, 2002, p.17). Ces chiffres incluent l'eau de pluie, l'eau d'irrigation et l'eau du robinet (utilisée, par exemple, pour la boisson des animaux ou pour nettoyer les bâtiments).

D'après les statistiques de la FAO, en France en 2011, la disponibilité alimentaire (consommation + gaspillage) était de 3523 kcal par jour et par personne, dont 1180 kcal d’origine animale et 2343 kcal d’origine végétale. Environ 8250 L d’eau par personne ont donc été nécessaires pour produire cette nourriture ce qui est largement excessif par rapport à l’eau disponible. En adoptant une alimentation végétale, on peut ramener cette quantité d’eau à environ 3600 L.


Pollution des eaux En prenant en compte les différents segments1 de la chaîne de production, l’élevage, y compris la pisciculture (Dupont, 2009), est la plus grande source sectorielle de polluants de l’eau : principalement les déchets animaux, les antibiotiques, les hormones, les produits chimiques des tanneries, les engrais et les pesticides utilisés pour les cultures fourragères, et les sédiments des pâturages érodés (FAO, 2006, part V). L'eutrophisation, c'est-à-dire l'accumulation dans l'eau des nitrates, du phosphore et d'autres nutriments est responsable de la prolifération des algues vertes et de la dégénération des récifs coralliens. Cette eutrophisation cause la mort de nombreux êtres vivants aquatiques (Fromange et Novince, 2007) et de quelques animaux terrestres (Martin, 2009). L’élevage y contribue de façon directe par les rejets de lisiers et indirecte par l’excès d’engrais apportés aux cultures de céréales destinées à nourrir le bétail. La gestion des déjections animales dans les élevages intensifs provoque le lessivage des nitrates et des agents pathogènes dans la nappe aquifère, qui met souvent en péril les réserves d’eau potable (FAO, 2005). Pluies acides Les émissions d’ammoniac (NH3) sont à 95% d’origine agricole, dont 80% proviennent de l’élevage (Protejoie et al., 2002). Ce gaz très soluble dans l'eau se dissout dans les précipitations sous forme d'ammonium (NH4+), un ion acide, l'une des principales causes des pluies acides. Les pluies acides perturbent la photosynthèse et détruisent les éléments nutritifs du sol causant le dépérissement forestier. Un rapport de 1999 sur l’état des forêts en Europe indiquait que 20% des terres sont très acides, 2/3 des forêts sont endommagées et 21,4% ont subi une défoliation d’au moins 25% (Commission Européenne, 1999). Les lacs, les fleuves, les ruisseaux et les rivières sont eux aussi altérés par les pluies acides : on observe une réduction et une disparition d’espèces aquatiques, très sensibles au changement de pH (EPA, 2012).

Et en France ? La France est le premier pays émetteur d’ammoniac en Europe (EEA, 2014, p. 55, tableau 2.6.)). Ces émissions sont à 97% d’origine agricole, dont 75% proviennent des élevages(Martin et Mathias, 2013), qui génèrent environ 300 millions de tonnes de déjections animales par an (IFEN-SCEES, 2005, p.53); dont la moitié est épandue dans les champs. En Bretagne, la population d’animaux d’élevage produit au minimum l’équivalent de la pollution organique de 60 millions d’habitants, soit les excréments de la population française répandus sans traitement sur le sol breton (Borvon, 2000).


Bibliographie •Borvon G., S-EAU-S, l’eau en danger, Éditions Golias. •Commission Européenne, 1999. Report on forest conditions in Europe 1999 : No improvement of the vitality of European Forests. •Dupont, Jacques. 2004. La problématique des lacs acides au Québec. Direction du suivi de l’état de l’environnement, Environnement Québec. •Dupont Gaëlle, 2009. « Le développement fulgurant de l’aquaculture devrait continuer », Le Monde, 12 novembre 2009. •EPA, 2012. US Environmental Protection Agency, Effects of Acid Rain - Surface Waters and Aquatic Animals. •EEA, 2014. European Environment Agency, European Community emission inventory, report 1990–2012 under the UNECE Convention on Long-range Transboundary Air Pollution (LRTAP), juin 2014 •FAO, 2002. Crops and Drops, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations. •FAO, 2005. « Pollution from industrialized livestock production », FAO Livestock Policy Briefs n°2, Rome. •FAO, 2006. Livestock long shadow, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations. •Fromange et Novince, 2007. Eutrophisation : un phénomène naturel amplifié par les rejets des activités humaines, 14 novembre 2007. •IFEN-SCEES, 2005. Étude pilote sur les déchets agricoles, mars 2005. •Martin C., 2009. « Bretagne : ce rapport confidentiel sur les algues vertes qui accable les agriculteurs », Le Point, 21 octobre 2009. •Martin E. et Mathias E., 2013. Analyse du potentiel de 10 actions de réduction des émissions d'ammoniac des élevages français aux horizons 2020 et 2030, ADEME, CITEPA (juillet 2013). •Portejoie S., Martinez J., Landmann G., 2002. "L’ammoniac d’origine agricole : impacts sur la santé humaine et animale et sur le milieu naturel", INRA Productions animales 15 (3), 151-160. •Renault D. (FAO), 2002. Value of virtual water in food, principles and virtues, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations.


L’élevage émet plus de gaz à effet de serre que les transports En 2006, un rapport de la FAO, Livestock's long shadow, a révélé que l’élevage produisait une quantité importante de gaz à effet de serre (GES), environ 18 % des émissions d'origine humaine. Dans un rapport postérieur, Tackling climate change through livestock (FAO, 2013), des calculs fondés sur des données plus précises établissent à 14,5 % la contribution de l'élevage dans les émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique, dont 9,3 % pour les seuls bovins. C'est légèrement plus que le secteur des transports (IPCC, 2014). Chiffres clés Le secteur de l'élevage produit 7,1 milliards de tonnes d'équivalent CO2, soit environ 1/7 de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions de GES se répartissent comme suit. 45 % est attribuable à la production et au transport des aliments (dont 9 % imputables à la déforestation liée à l'extension des cultures et des pâturages). 39 % proviennent de la fermentation gastrique des ruminants. 10 % résultent du stockage et de l'utilisation du lisier. 6 % sont causés par le transport, l'abattage des animaux et au stockage des produits animaux. Il apparaît que les émissions sont dues majoritairement à l'élevage des ruminants. Produire 1 kg de protéines sous forme de viande de bœuf émet en moyenne 300 kg d'éq. C02, contre moins de 50 sous forme de viande de porc, de poulet ou d'oeufs. En avril 2010, la FAO a publié un rapport sur la contribution spécifique du secteur laitier à l’émission de GES (FAO, 2010), qu’elle a évalué à 4 % des émissions d’origine anthropique.

Source : GIEC.

NB : les "bovins laitiers" produisent du lait mais aussi de la viande.


L'Europe contribue pour 8,5 % des émissions de GES liés à l'élevage. Un rapport de 2011 conjecture que, entre 2005 et 2050, la demande de viande augmentera de 73 % et celle de lait de 58 % (FAO, 2011). L'élevage ne se fait pas en forêt L’élevage extensif et le soja exporté comme aliment du bétail sont la première cause de la déforestation au Brésil (Margulis, 2004). Après une enquête de 3 ans publiée en juin 2009, Greenpeace affirme que l’élevage bovin est responsable à 80 % de la destruction de la forêt amazonienne (Greepeace, 2009). Avec une superficie de 5,5 millions de km², la forêt amazonienne est la plus grande zone de forêt primaire tropicale de la planète. Durant les quarante dernières années, près de 800 000 km2 de forêt amazonienne ont été détruits. Grâce aux efforts du gouvernement brésilien, le rythme de la déforestation s'est ralenti depuis le milieu des années 2000 et tourne aujourd'hui autour de 6000 km² par an au Brésil, ce qui reste très élevé. L’Union européenne, dont la superficie des forêts augmente, est le 4e importateur de bovins derrière les USA, la Russie, et le Japon. En outre, 80 % des importations de bovins de l’UE viennent d’Amérique du Sud. Les Français sont les premiers consommateurs européens de viande bovine (FranceAgriMer, 2010). Ainsi la consommation de viande en Europe et en France est une cause de la déforestation en Amérique du Sud. La déforestation a causé 12 % des émissions mondiales de GES entre 2000 et 2005(Congressional budget office, 2012), et cause 6 % des émissions de GES aujourd'hui. Elle perturbe le cycle de l’eau (la végétation et l’humus stockent et diffusent l’humidité) et réduit la biodiversité par la destruction de l’habitat de millions d’espèces végétales et animales. En outre, le compactage des sols, piétinés par le bétail, empêche les infiltrations d’eau et provoque des ruissellements qui érodent les sols et privent d’eau les derniers végétaux, rendant les terres inutilisables. Les pâturages et les puits de carbone en France Si les zones de pâturage constituent des puits de carbone, la reforestation également, et de manière plus efficace. Le bilan de gaz à effet de serre des prairies correspond à un puits modéré d’environ 1 tonne de carbone par hectare et par an ; par ailleurs, les prairies les plus exploitées par la fauche et le pâturage présentent la plus faible activité de puits de gaz à effet de serre (INRA, 2007). D’un autre côté, une jeune forêt tempérée (hêtraie) se comporte globalement comme un puits de carbone d’environ 4 tonnes par hectare et par an (INRA, 2008). Lutter contre le réchauffement climatique par l'alimentation Le 5e rapport du GIEC (IPCC 2014, chapitre 11), reprenant les calculs de Stehfest et al. (2009), estime que la simple application des recommandations nutritionnelles de l’École de santé publique de Harvard, qui conseillent de limiter la consommation moyenne de viande de ruminants à 10g par jour et la consommation des autres viandes, du poisson et des œufs à 80g par jour, permettrait de réduire de 36 % les émissions de GES d’origine agricole, et de 8 % les émissions totales. Cette simple mesure serait aussi efficace que de diviser par deux l’ensemble du trafic routier mondial. Ne pas dépasser au 21e siècle le taux atmosphérique de 450 ppm d’équivalent carbone demandera une réduction importante des émissions de GES, ce qui aura un coût, estimé à 2,5 % du PIB mondial en 2050. Par rapport au scénario basé sur les tendances actuelles, réduire la consommation de viande selon les recommandations de l’École de santé publique de Harvard réduirait ce coût de 50 %. L’abandon complet des produits animaux le réduirait de 64 %.


Une étude britannique (Scarborough et al., 2014) a évalué que les végétaliens émettaient 2,5 fois moins de GES pour leur alimentation que les omnivores (consommant 100 g de viande par jour ou plus). Bibiliographie •Congressional budget office, 2012. Deforestation and greenhouse gases, Congress of the United States, jan. 2012. •FAO 2010. Greenhouse gas Emissions from the Dairy Sector: A Life Cycle Assessment, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations. •FAO. 2011. World livestock 2011: livestock in food security. Édité par A. McLeod. Rome: Food and Agriculture Organization of the United Nations. •FAO. 2013. Tackling Climate Change through Livestock: A Global Assessment of Emissions and Mitigation Opportunities, Rome : Food and agriculture organisation of the United Nations. •Foodwatch, 2009. Organic : A climate saviour ? The foodwatch report on the greenhouse effect of conventional and organic farming in Germany. •FranceAgrimer, 2010. « La consommation française de viandes : évolution depuis 40 ans et dernières tendances », Les synthèses de FranceAgriMer, n°1 (2010). •Greenpeace, 2009. « En Amazonie » (juin 2009). •INRA, 2007. Le rôle positif des prairies dans le stockage du carbone, Fiche de Presse Info, 06 mars 2007. •INRA, 2008. Le rôle des forêts dans le cycle du carbone, Fiche de Presse Info, 25 février 2008. •IPCC, 2014. Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change[Edenhofer, O., R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, E. Farahani, S. Kadner, K. Seyboth, A. Adler, I. Baum, S. Brunner, P. Eickemeier, B. Kriemann, J. Savolainen, S. Schlömer, C. von Stechow, T. Zwickel and J.C. Minx (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. •Margulis, Sérgio, 2004. Causes of deforestation of the Brazilian Amazon. World Bank working paper, no. 22. Washington, D.C: World Bank. •Scarborough, P. et al. (2014). Dietary greenhouse gas emissions of meat-eaters, fisheaters, vegetarians and vegans in the UK. Climatic Change, 125(2), pp.179–192. •Stehfest, E. et al. (2009). Climate benefits of changing diet. Climatic Change, 95(1-2), pp.83–102. Émissions de GES en France Le CITEPA (Centre Interprofessionnel Technique des Pollutions Atmosphériques) évalue les émissions de GES en France. En se reportant au site de cet organisme, on trouve des données périodiquement actualisées. Les estimations publiées lors de la mise à jour de mai 2014 indiquent qu’en 2012, 452 millions de tonnes équivalent CO2 ont été émises en France. Pour des informations détaillées par gaz et par secteur, on peut consulter le rapport CCNUCC •En 2012, les secteurs contribuant aux émissions de GES sont : - Les transports : 26 % - L'agriculture : 21 % - Le secteur résidentiel et tertiaire : 19 % - L'industrie manufacturière : 17 % - La production d'énergie : 12 % - Le traitement des déchets : 4 %


Les émissions directes émanant des élevages représentent plus de la moitié des émissions agricoles (12 % des émissions totales), mais il faut aussi imputer au secteur de l'élevage les GES émis pour produire les aliments destinés aux animaux. Globalement, l'élevage est responsable de 3/4 des émissions de GES agricoles, soit environ16 % des émissions totales de GES. L'élevage : beaucoup de pollution pour peu de richesses et peu d'emplois Si on rapporte l'agriculture à son poids économique, que ce soit en terme de PIB qu'en terme d'emploi, l'agriculture, à cause de l'élevage, est de loin l'activité la plus nuisible au climat. L'élevage représente 1% du PIB et 1,2 % des emplois. Il émet presque 1/6 des émissions de gaz à effet de serre en France. À titre de comparaison, l'industrie représente 19% du PIB et 20% des emplois. Elle émet 29% des GES. Autrement dit : - Par son travail, même en ne comptant que les émissions directes, un éleveur émet 7 fois plus de GES qu'un ouvrier de l'industrie. - En valeur, produire un euro de viande émet 10 fois plus de gaz à effet de serre que produire un euro de biens manufacturés. Signification des estimations en « équivalent carbone » On peut lire un bon résumé de la méthodologie utilisée par le CITEPA et la FAO sur le site du ministère du développement durable : « Les différents gaz ne contribuent pas tous à la même hauteur à l'effet de serre. En effet, certains ont un pouvoir de réchauffement plus important que d'autres ou une durée de vie plus longue. La contribution à l'effet de serre de chaque gaz se mesure par son pouvoir de réchauffement global (PRG). Le PRG se définit comme le forçage radiatif du gaz (c'est-à-dire la puissance radiative que le gaz à effet de serre renvoie vers le sol), cumulé sur une durée de 100 ans. Il se mesure relativement au CO2 (pour lequel il vaut 1) et s'exprime en tonnes d'équivalent CO2. Pour exprimer les émissions de gaz à effet de serre en tonnes d’équivalent CO2, on pondère les émissions de chaque gaz par un coefficient fonction de son PRG. Ce coefficient est de 1 pour le CO2, de 21 pour le CH2, de 310 pour le N2O » Les riches prennent aux pauvres Plus du tiers de la production mondiale de poisson (en tonnage) est destinée à l’exportation (38% en équivalent poids vif en 2010). L’internationalisation du marché progresse rapidement. Entre 1976 et 2010, les exportations mondiales sont passés de 8 milliards de dollars à 102 milliards de dollars, soit une augmentation à prix constants (c’est-à-dire la valeur monétaire des exportations corrigée de l’inflation) de 3,9% par an. L’Amérique du Nord, l’Union européenne et le Japon sont les principaux importateurs nets de poisson tandis que la Chine, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Océanie sont exportateurs nets. Une part croissante de la consommation de poisson des pays développés est couverte par des importations en provenance des pays en développement1. « Les poissons du monde entier affluent désormais dans les pays du Nord, masquant ainsi l’effondrement de certains stocks de nos eaux côtières2. ».


En divers lieux, les prises des chalutiers industriels (nationaux ou étrangers) entrent en concurrence avec celles des pêcheurs artisanaux et favorisent l’épuisement des ressources. C’est ainsi que le mérou, surpêché, a pratiquement disparu du plat traditionnel sénégalais (riz, mérou et légumes). Les quelques mérous encore capturés partent vers l’exportation, tandis que les Sénégalais se contentent de sardinelles : des poissons plein d’arêtes, vivant dans les eaux de surface, qui sont pêchés par les pirogues locales et non par les chalutiers. De même, le chalutage de crevettes a rendu ces animaux rares dans les eaux sénégalaises. « On ne peut nier que la destruction des stocks d’Afrique de l’Ouest s’est produite principalement à cause de la demande de l’Europe, suivie de près par le Japon et Taïwan3. » Concernant l’Union européennne, Charles Clover dresse un lourd réquisitoire dans un ouvrage paru en 2004 : « L’Union européenne n’a guère réussi à gérer le poisson dans ses propres eaux, mais elle est porteuse d’une forte tradition de pêche, et les pêcheurs savent s’organiser en groupes de pression. L’UE dépense donc 195 millions d’euros par an pour acheter des droits de pêche dans des mers lointaines, du cercle polaire arctique aux îles Malouines. Elle a signé un nouvel accord avec plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, dont le Sénégal. Les bénéficiaires de ces contrats discutables, signés en toute discrétion, sont les chalutiers en eaux lointaines espagnols, français, italiens et grecs. Parmi les pays avec lesquels l’UE a signé des accords, se trouve l’Angola, où des millions de gens sont menacés de famine. [...] La pratique de la pêche dans les eaux des pays sujets à des troubles sociaux est un des tours favoris de la pêche européenne. Les thoniers espagnols et français pêchent régulièrement dans les eaux somaliennes. La Commission européenne a récemment renouvelé ses accords de pêche avec la Côte d’Ivoire, en proie à la guerre civile. [...] Pourquoi donc le Sénégal a-t-il signé ? Le docteur Gueye [directeur de la pêche pour le gouvernement sénégalais] dit que 64 millions d’euros était une jolie somme pour un pays pauvre. Le Sénégal a besoin d’écoles et d’hôpitaux [...] Les négociateurs de l’UE ont-ils lié pêche et aide ? C’est nettement l’impression que donnait le docteur Gueye4. » 1. Source : FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, 2012, p. 77 et suivantes. 2. Cury et Miserey, op. cit., p. 94. 3. Charles Clover, op. cit., p. 65. 4. C. Clover, op.cit., p. 61- 62. Élevage et sous-alimentation La production animale actuelle passe de plus en plus des bovins et autres ruminants, qui broutent l’herbe et mangent du fourrage, aux porcs et aux volailles engraissés par des régimes alimentaires à base d’aliments concentrés, souvent importés d’autres régions du pays ou de l’étranger (FAO, 2014). La faim dans le monde Le chiffre de la population mondiale est de 7 400 000 000 en 2016 parmi cette population la FAO estime à 805 millions le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde (FAO, FIDA et PAM, 2014), avec la répartition géographique cidessous.


La faim diminue inégalement dans le monde En novembre 1996, le sommet mondial pour l’alimentation tenu à Rome (FAO, 1996)proclamait la volonté des chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés à cette occasion de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées à l’horizon 2015. Cet objectif est d'ores et déjà atteint ou dépassé en Amérique Latine, en Asie du sud-est, en Asie de l'est et en Asie centrale, mais n'a pas été atteint dans les autres régions du monde. La situation s'est même fortement détériorée au Moyen-Orient. Les difficultés rencontrées dans la lutte contre la malnutrition sont nombreuses. L’utilisation des produits agricoles par le secteur de l'élevage constitue l’une d’entre elles.

Élevage et santé humaine Augmentation du risque infectieux L’élevage est en soi un facteur de risque pour notre santé. Les systèmes industriels de production sont depuis longtemps la norme dans les pays développés et deviennent de plus en plus répandus dans les pays en développement. Le nombre énorme d’animaux élevés en confinement, dotés d’une variabilité génétique très pauvre, et soumis à une croissance rapide, crée des conditions idéales pour l’émergence et la propagation de nouveaux pathogènes. Il n’y a jamais eu de « grippe légumineuse », ni de « grippe épinard » ou de « maladie du petit pois fou »... Par contre, les systèmes modernes d’élevage sont des incubateurs à virus, listeria monocytogènes, salmonelles, campylobacters, E. coli, et autres promoteurs de « grippes » en tout genre. Comme l’indique un rapport de la FAO (Otte et al., 2007): « il n’est pas surprenant que les trois-quarts des nouveaux pathogènes ayant affecté les humains dans les dix dernières années proviennent des animaux ou des produits animaux ». En France, les propos des médecins sur les E. Coli se veulent rassurants alors même qu'elles ont conduit plusieurs personnes à l'hôpital dont certaines dans des états graves.


Accroissement de l'antibiorésistance Comme les élevages sont propices aux maladies infectieuses, les éleveurs sont obligés d’utiliser beaucoup d’antibiotiques pour soigner leurs animaux. À cela s’ajoute que les antibiotiques à faible dose stimulent la croissance des animaux. Bien qu’ils soient interdits comme promoteurs de croissance en Europe depuis 2006, ils le sont encore dans de nombreux pays. L’utilisation massive des antibiotiques, comme thérapeutiques ou comme promoteurs de croissance, favorise le développement de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. Constat inquiétant : bien qu’on ait réussi à modérer l’usage global des antibiotiques ces dernières années, les éleveurs ont de plus en plus recours aux antibiotiques dit “de dernière ligne”, ceux qu’on n’utilise que quand les antibiotiques classiques ont échoué (ANSES, 2015). Un rapport récent sur l'antibiorésistance n'invite pas à l'optimisme : "Les considérations les plus pessimistes nous invitent à nous préparer à un monde sans antibiotique à l’horizon 2030 . Le directeur adjoint de l’OMS, Keiji Fuguda, estime ainsi que mourir des suites d’une infection banale ou d’une blessure mineure pourrait bientôt redevenir une réalité courante. Dans la même optique, une récente étude britannique estime qu’en 2050 le risque lié aux antibiorésistances pourrait conduire, au niveau mondial, à la perte annuelle de 10 millions de vies humaines". Certains ont cru pouvoir favoriser le poisson en remplacement de la viande. Mais aux ravages de la pêche sur la faune aquatique et sur les écosystèmes sont venus s’ajouter les effets de l’aquaculture, qui représente désormais 42% de la production totale de poisson. Or,« l’aquaculture utilise des produits chimiques, des engrais, des antibiotiques qui sont nocifs alors que les contrôles sont très limités » (Actu-Environnement, 2003), selon le responsable du Rapport 2003 sur l’aquaculture en Méditerranée. D’après les données de l’Agence norvégienne de contrôle de la pollution, les rejets d’une ferme piscicole de moyenne importance produisant 3 120 tonnes de saumons sont équivalents aux rejets d’une ville de 50 000 habitants (Truc, 2009). Consommation de produits animaux et santé humaine La surconsommation de viande, en particulier de viande rouge, tend à augmenter le risque de certaines maladies (comme le cancer du colon, les maladies cardio-vasculaires, l'obésité ou le diabète de type 2) et plus généralement augmente la mortalité (Pan et al., 2012). Nous en arrivons à des situations ubuesques où les animaux paient deux fois pour notre boulimie de viande. Ainsi, après avoir fait grand usage des rats, la recherche contre l’obésité complète sa panoplie en recourant à des minicochons (André, 2009). L'OMS (2015) a officiellement classé la viande rouge parmi les cancérigènes probables chez l'humain et les viandes transformées (charcuteries, nuggets, corned-beef, "cordon bleus", etc.) parmi les cancérigènes certains chez l'humain. L’école de santé publique de Harvard recommande de limiter notre consommation de viande à 90g par jour (nous en consommons actuellement 180g/j) et de limiter la consommation de laitages à deux portions par jours (nous en consommons entre 2,5 et 3 portions dans les pays occidentaux). Le rapport de 2015 du Dietary Guidelines Committee américain (qui sert de base scientifique aux recommandations nutritionnelles officielles) enjoint les américains à végétaliser leur alimentation. Il fait du régime végétarien (incluant le régime végétalien) l’un des trois régimes alimentaires de référence, et ajoute qu’il a l'avantage d'être bénéfique à l’environnement. La consommation de produits animaux n'est nullement nécessaire. L'Association des diététiciens Américains a établit que : « les alimentations végétariennes bien conçues (y compris végétaliennes) sont bonnes pour la santé, adéquates sur le plan nutritionnel et peuvent être bénéfiques


pour la prévention et le traitement de certaines maladies. Les alimentations végétariennes bien conçues sont appropriées à tous les âges de la vie, y compris pendant la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance et l’adolescence, ainsi que pour les sportifs » (ADA, 2009). On entend parfois dire que l’alimentation carnée « se suffit » tandis que les végétariens ont besoin d’ingérer des suppléments (de vitamine B12) pour pallier les déficiences de leur régime. C’est oublier que les carnivores consomment ces mêmes suppléments, produits en usine, par animaux interposés. Végétaliser son alimentation Plus de 200 000 personnes sont atteintes chaque année en France de maladies d’origine alimentaire et, dans l’immense majorité des cas, du fait de la consommation de produits animaux. Si nous végétalisons notre alimentation, nous arriverons à un monde où les gens seront en meilleure santé et n’auront plus, par leurs impôts, à combler des déficits d’assurance-maladie. Cela en vaut la peine. Bibliographie •Actu-Environnement, 2003. « L’aquaculture nouvelle source de pollution en Méditerranée ».Actu-Environnement.com. •ADA, 2009. Craig, Winston J., Ann Reed Mangels, et American Dietetic Association, « Position of the American Dietetic Association: Vegetarian Diets ». Journal of the American Dietetic Association 109 (7): 1266-82, july 2009. Traduction française. •Cullum-Dugan, Diana, et Roman Pawlak, 2015. « Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian Diets ». Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics 115 (5): 801-10. doi:10.1016/j.jand.2015.02.033. •André C., 2009. « Des mini-porcs dans la lutte contre l’obésité », Le Télégramme, 11 novembre 2009. •ANSES, 2015. « Suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires », https://www.anses.fr, janvier 2015. •Ministère de l'agriculture (centre d'étude et de prospective), 2015. Les antibiorésistances en élevage : vers des solutions intégrées, Analyse n°82 (sept. 2015). •OMS (2015). Le Centre international de Recherche sur le Cancer évalue la consommation de la viande rouge et des produits carnés transformés, communiqué de presse. •Otte, Joachin, David Roland-Holst, Dirk Pfeiffer, Ricardo Soares-Magalhaes, Jonathan Rushton, Jay Graham, et Ellen Silbergeld. 2007. « Industrial livestock production and global health risks ». Pro-Poor Livestock Policy Initiative Research Report. Rome, Italy: FAO. •Pan, An, Qi Sun, Adam M. Bernstein, Matthias B. Schulze, JoAnn E. Manson, Meir J. Stampfer, Walter C. Willett, et Frank B. Hu. 2012. « Red Meat Consumption and Mortality: Results from 2 Prospective Cohort Studies ». Archives of Internal Medicine 172 (7): 555-63. doi:10.1001/archinternmed.2011.2287. •Truc O., 2009. « La Norvège veut lutter contre la pollution piscicole », Le Monde, 12 novembre 2009.


La viande, un concentré de souffrance Les victimes directes de notre gargantuesque consommation de produits d’origine animale sont les animaux mangés. Il est impossible de produire une telle quantité de viande sans entasser les animaux, les doter de corps difformes à force de sélections génétiques, les adapter de force par des mutilations à des conditions de vie qui limitent drastiquement leurs comportements. Élevage intensif : une écrasante majorité Des hangars immenses, des silos imposants, des dizaines de milliers d’animaux enfermés. Voilà à quoi ressemblent la plupart des fermes professionnelles qui se sont développées depuis les années 70. En France (Agreste, 2014) : •83% des 800 millions de poulets de chair sont élevés sans accès à l’extérieur (CGAAER, 2014) •68% des 47 millions de poules pondeuses sont élevées en batterie de cages (ITAVI, 2015) •99% des 36 millions de lapins sont élevés en batterie de cages (ITAVI, 2006) •95% des 25 millions de cochons sont élevés sur caillebotis en bâtiments Si les bovins ont encore souvent un accès à l’extérieur, certains d’entre eux passent aussi leur vie en stabulation. Les oeufs de poules, de canards ou de dindes, éclosent par milliers dans des armoires à incubation, donnant naissance à des poussins qui cherchent en vain un contact maternel. Synchronisés par commodité La plupart des animaux sont élevés par bandes - tous les animaux d’une bande ont le même âge : naissance, sevrage, engraissement, transport et abattage sont ainsi planifiés et synchronisés. Sélectionnés pour la rentabilité Les souches d’animaux sélectionnées favorisent la prolificité ou la capacité d’engraissement. Ainsi, la souche « poule pondeuse » et la souche « poulet de chair » sont différentes. Les poussins mâles issus de la souche « pondeuse » sont éliminés par broyage ou gazage au début de leur très courte vie. La filière « foie gras » effectue aussi un sexage en début de vie, les femelles n’étant pas utilisées pour produire du foie gras en France. C’est ainsi que la majorité d’entre elles sont tuées dès leur premier jour. Séparation mère / petits Pour la production de lait, les vaches, brebis et chèvres sont généralement inséminées chaque année. Les petits auxquels elles donnent naissance leur sont rapidement enlevés. Ces séparations affectent aussi bien les jeunes que leurs mères. Les truies sont entravées et ne peuvent développer que des relations tronquées avec leurs petits. Productivité poussée Les poules pondeuses pondent aujourd’hui près de 300 oeufs par an contre 60 lorsqu’elles vivent à l’état sauvage. Les truies donnent naissance à 27 petits par an contre 16 en 1970(IFIP, 2014). Ces performances ne sont pas sans dommages pour les


animaux (EFSA, 2007). Les sélections génétiques font apparaître des boîteries notamment chez les poulets de chair et chez les vaches laitières, les uns poussés à produire du muscle au détriment de leurs autres organes, les autres à produire de grandes quantités de lait (EFSA, 2009). Mutilés pour cohabiter Dès le début de leur vie, des mutilations sont pratiquées pour « adapter » les animaux à la claustration, à la surpopulation des élevages ou au goût des consommateurs : •épointage des becs ; •dégriffage des pattes des poules et des canards ; •coupe des queues ; •rognage des dents des cochons ; •écornage des veaux ; •castration des porcs, des veaux, des chapons. Comportements limités Étendre les ailes, se dresser, fouiner, ronger, explorer, élever ses petits, se déplacer, prendre l’air... la liste des comportements entravés est longue dans la plupart des élevages. En France, plus de 80% des animaux sont élevés en bâtiments fermés, parqués en cage ou sur des caillebotis sans accès à l’extérieur. Mortalité en élevage De nombreux animaux meurent avant d’avoir atteint l’âge où ils sont abattus. A titre d’exemple, dans les élevages cunicoles, ils sont 25% à trépasser (ITAVI, 2007, p.58) et 20% dans les élevages porcins (IFIP, 2014). Transportés sur de longues distances Les animaux peuvent être transportés sur de longues distances. Les trajets à travers l’Europe restent fréquents. Le chargement, le transport et le déchargement sont de grandes sources de stress pour les animaux. Nombre d’entre eux en meurent. S’il existe un règlement européen en la matière, le rapport de l’office vétérinaire européen dresse un état des lieux mitigé de la situation en France (Food and Veterinary Office, 2009a). Abattus à la chaîne Une directive européenne tente de limiter les souffrances inévitables de la mise à mort des animaux. Si des progrès notables ont été réalisés grâce à cette réglementation, les infractions restent nombreuses tant du point de vue de la protection des animaux (Food and Veterinary Office, 2007) que du point de vue sanitaire (Food and Veterinary Office, 2009b). Voir aussi (Decugis, Labbé et Recasens, 2008). Agir pour les animaux On reconnaît désormais que les animaux vertébrés, les céphalopodes et divers crustacés éprouvent des sensations et émotions et possèdent des capacités cognitives. Certains labels, comme le bio ou le Label Rouge, ont des cahiers des charges qui permettent aux animaux de pouvoir exprimer une gamme plus importante de comportements. Avec les niveaux de consommation actuels, il reste toutefois illusoire d’espérer améliorer le sort d’un si grand nombre d’animaux, nécessairement confinés dans des espaces restreints, et « traités » par un nombre réduit de travailleurs.


C’est pourquoi diminuer significativement sa consommation de produits animaux est indispensable, tout en se détournant des produits issus de l’élevage intensif. Il est aussi possible d’éviter de contribuer à la souffrance et à la mort des animaux d’élevage en s’abstenant d’en consommer. Bibliographie •Agreste, 2014. Données agricoles annuelles. •CGAAER, 2014. La filière volaille de chair, mars 2014. •Decugis, Labbé et Recasens, 2008. « Enquête - Le scandale des abattoirs », Le Point, 1er mai 2008. •EFSA, 2007. EFSA provides comprehensive advice on pig welfare. •EFSA, 2009. Scientific Opinion on the overall effects of farming systems on dairy cow welfare and disease, 2009. •Food and Veterinary Office, 2007Animal Welfare at Slaughter, European Commission, février 2007. •Food and Veterinary Office, 2009a. Animal welfare - transport in France, European Commission, avril 2009. Food and Veterinary Office, 2009b. Public Health - Food Hygiene, European Commission, juin 2009. •ITAVI, 2006. La production cunicole française : caractérisation des systèmes de production et perspectives d'évolution •ITAVI, 2007 Gestion Technico-economique des éleveurs de lapins de chair - Programmes RENACEB et RENALAP - Résultats 2006, septembre 2007. •ITAVI, 2015. Situation de la production et des marchés des œufs et des produits d'œufs. •Ifip 2014, GTTT Évolution des résultats moyens nationaux de 1970 à 2008.

Les animaux aquatiques sont... des animaux Si on analyse uniquement la pêche en termes de « durabilité » ou d’équité dans l’accès aux « ressources » halieutiques, on oublie d’intégrer une dimension majeure dans l’évaluation de cette activité. Il ne s’agit ni de cueillette, ni d’exploitation minière, mais bien de chasse. Les mers, lacs et cours d’eau sont hérissés de pièges humains qui conduisent à la mort des dizaines (centaines) de milliards d’animaux chaque année : des animaux doués de sensibilité qui possèdent des capacités cognitives comparables à celles des vertébrés terrestres. Les poissons Culum Brown (biologiste, spécialiste du comportement des poissons) écrit1 : « Parmi les vertébrés, ce sont les poissons qui ont le plus souffert d’une conception erronée de l’échelle de l’évolution. Au cours des dernières décennies, cependant, cette erreur a commencé à être corrigée. Nous nous rendons compte maintenant que, comme le reste des vertébrés, les poissons présentent un riche éventail de comportements complexes et que l’apprentissage joue un rôle central dans le développement de leur comportement. [...] Les poissons ont en réalité une mémoire à long terme impressionnante, comparable à celle de la plupart des autres vertébrés. Leur système nerveux comporte à la fois des composantes analogues et des composantes homologues à celles des mammifères, et il est capable d’à peu près la même puissance de traitement. »


Intelligence et vie sociale des poissons Les invertébrés marins Parmi les invertébrés, les céphalopodes (pieuvres, poulpes) présentent des capacités de mémorisation et d’apprentissage remarquables, dont l’apprentissage par observation d’un congénère. Des travaux effectués par le professeur Elwood (Queen’s University, Belfast) indiquent que les crabes ressentent la douleur, et s’en souviennent. Le même chercheur a constaté des réactions aux stimuli douloureux chez les crevettes3. La pêche tue douloureusement Artisanale ou industrielle, durable ou pas, la pêche impose une agonie longue et douloureuse à la plupart de ses victimes : les animaux tirés vivants de l’eau peuvent suffoquer longtemps avant de mourir. Pris à l’hameçon, harponnés, coincés dans des filets, ou traînés dans des chaluts où ils frottent les uns contre les autres parmi des débris divers, le calvaire commence pour eux bien avant la sortie de l’eau. Lorsque la remontée forcée du chalut a lieu à partir d’une certaine profondeur, la décompression devient insoutenable ; il arrive alors que la vessie natatoire éclate, que les yeux sortent des orbites ou que l’œsophage et l’estomac sortent par la bouche4. Les poissons coincés dans les filets maillants se débattent et se blessent. Il arrive qu’ils se coupent au point de mourir vidés de leur sang. Une fois immobilisés, ils deviennent des proies faciles pour les prédateurs et les parasites. Quand les filets ne sont pas remontés tous les jours, la mort peut être très longue à venir. Lorsqu’on transpose par l’imagination les techniques employées pour capturer les poissons à des animaux terrestres qui nous sont plus familiers, on en perçoit mieux la brutalité. La pêche induit toujours la souffrance animale, une souffrance souvent à la fois intense et prolongée. Voir Alison Mood, "Le pire a lieu en mer : les méthodes de la pêche commerciale", Cahiers antispécistes n°34 (janvier 2012). dans Brown C, Laland K. and Krause J., Fish Cognition and Behaviour, Blackwell Publishing, Cambridge, UK, 2006. Cité par David Chauvet dans La mentaphobie tue les animaux, 2008, p. 39. Stéphane Deligeorges, « Les céphalopodes apprennent vite et bien », La Recherche n°344 (juillet 2002). Accessible en ligne. « Une étude révèle que les crabes ressentent eux aussi la douleur », Cordis Nouvelles, 20 mars 2009. Joan Dunayer, « Fish: Sensitivity Beyond the Captor’s Grasp », The Animals’ Agenda, juillet-août 1991, p. 12-18. Traduction française. Sur le thème de la souffrance causée aux animaux pêchés, voir également cette page en anglais.


Pour une politique mondiale de freinage des productions animales Des aménagements en ce sens sont envisageables dans le cadre des accords de l’OMC. Toutefois, on sait combien les négociations des volets « pêche » et « agriculture » sont dures, interminables, et sujettes à l’embourbement dans la défense d’intérêts nationaux particuliers. Or, les dégâts liées au surdéveloppement de l’élevage (aquaculture incluse) et de la pêche sont d’ors et déjà dramatiques et menacent de s’étendre à grande vitesse si les tendances des dernières décennies se maintiennent, comme le laissent prévoir certaines projections. Face à cette menace, une mobilisation énergique de la communauté internationale est nécessaire. Elle a plus de chance de se produire si elle est impulsée par des pays développés et s’ils proposent un partage équitable des adaptations à opérer selon les régions du monde. En effet, ces pays sont ceux où la consommation de produits d’origine animale est la plus élevée, et ceux qui les premiers ont recouru aux méthodes de production de masse qui ont permis l’explosion de la production. L’Europe pourrait prendre l’initiative d’une conférence mondiale qui se tiendrait dans une capitale européenne (Paris par exemple), débouchant sur un accord international ambitieux et contraignant de freinage des productions animales. Appel à un protocole de Paris pour le changement alimentaire Le Protocole de Kyoto a traduit en engagements quantitatifs juridiquement contraignants lavolonté de lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet deserre.Chacun est conscient qu’il fallait le faire ; l’échec du sommet de Copenhague à étendre ces engagements a été accueilli avec inquiétude partout dans le monde. Jusqu’ici, les mesures envisagées pour réduire les émissions de GES ont été d’ordre essentiellement industriel et technologique. Or, la surconsommation de produits d’origine animale dans les pays développés, et l’extension de ce modèle aux pays émergents, contribuent lourdement à l’effet de serre ainsi qu’à d’autres facteurs de dégradation de l’environnement et d’atteinte à la vie sauvage. Ils sont également la cause de pratiques incompatibles avec un respect minimal du bien-être animal, et présentent des dangers pour la santé humaine. Pourtant, on constate que ces problèmes sont systématiquement ignorés dans les accords internationaux. Manifestement, il manque une initiative pour s’attaquer à la question alimentaire. Qui en aura le courage ? L’Union européenne pourrait constituer la force d’impulsion qui manque. Elle pourrait être l’initiatrice d’un « protocole de Paris » qui fixerait des objectifs pour un changement alimentaire au niveau mondial. Les pays dont la consommation de produits d’origine animale dépasse la moyenne mondiale actuelle (par habitant) s’engageraient à réduire leur consommation par paliers, avec des objectifs chiffrés et des dates butoir pour les atteindre. Les pays dont la consommation de produits d’origine animale est en dessous de l’actuelle moyenne mondiale s’engageraient à ne pas dépasser ce seuil, et à ne pas encourager, par des politiques publiques, le développement de l’élevage intensif (aquaculture incluse) sur leur territoire. Il leur serait reconnu un droit légitime à se protéger des importations de produits issus de la pêche et de l’élevage industriels. Ce même droit pourrait être reconnu à tout pays qui n’est pas lui-même exportateur de produits issus de ces secteurs. Ces engagements visant à stabiliser la consommation par tête de produits d’origine animale au niveau planétaire seraient le minimum requis : un pas important pour marquer une volonté politique mondiale de prendre au sérieux les enjeux de nos modes de production et de consommation alimentaires et de traduire ce tournant en mesures concrètes. Un pas important mais insuffisant : si ces objectifs étaient atteints, les volumes de productions animales non seulement ne régresseraient pas, mais continueraient de


croître, du simple fait de la croissance de la population humaine. C’est pourquoi, le protocole de Paris devrait en outre préparer le terrain pour des progrès plus substantiels. A cette fin, les signataires pourraient déclarer être conscients qu’il estraisonnable de construire l’alimentation humaine sur une base essentiellement végétale ; de ce fait, déclarer s’engager à favoriser toute recherche nutritionnelle allant dans ce sens et à promouvoir les alternatives végétales chaque fois que cela est possible. Ils conviendraient de faire périodiquement le bilan des progrès accomplis dans ce sens. Enfin, ils manifesteraient leur souci de favoriser des méthodes de culture durables, c’est-àdire équitables sur le plan social et protectrices de l’environnement. Scénarios de réduction de la production de produits animaux Un article de 2009, repris par le rapport du GIEC de 2014, estime que la simple application des recommandations nutritionnelles de l’école de santé publique de Harvard, qui conseillent de limiter la consommation moyenne de viande de ruminants à 10g par jour et la consommation des autres viandes, du poisson et des oeufs à 80g par jour, permettrait de réduire de 36% les émissions de GES d’origine agricole, et de 8% les émissions totales. Cette simple mesure serait aussi efficace que de diviser par deux l’ensemble du trafic routier mondial. Ne pas dépasser au XXIe siècle le taux atmosphérique de 450 ppm d’équivalent carbone demandera une réduction importante des émissions de GES, ce qui aura un coût, estimé à 2,5% du PIB mondial en 2050. Par rapport au scénario basé sur les tendances actuelles, réduire la consommation de viande selon les recommandations de l’école de santé publique de Harvard réduirait ce coût de 50%. L’abandon complet des produits animaux le réduirait de 64%. Les modes de calculs ne sont pas toujours clairs dans cette publication. En particulier, les émissions liées à la production laitière et celles liées à la production de viande de ruminants sont dissociées, alors qu'en pratique ces deux productions sont issues de la même filière et, du moins en partie, des mêmes animaux. Malgré ces défauts, ces simulations donnent un ordre de grandeur des gains liés à la diminution de la production de produits d'origine animale. Aucun de ces scénarios n'est à l'ordre du jour Le gouvernement français ne prévoit pas, à l’heure actuelle, une diminution de la production de viande. Les seules “mesures mises en œuvre en matière d’atténuation par la France des émissions de GES d’origine agricole” sont, d’après le site du ministère, des mesures techniques (tels que la “méthanisation”, l’extraction du méthane du lisier et autres déchets afin de produire de l’énergie). Ces mesures sont évidemment importantes, mais elles sont, selon le GIEC, bien moins efficaces que la réduction des productions animales, surtout dans les pays développés où les technologies employées sont moins émettrices de GES par unité produite que celles utilisées dans les pays en développement. En outre, une partie des dégâts environnementaux causés par la consommation de viande des Français le sont à l’étranger, du fait des importations d’aliments pour bétail, notamment le soja (4,6 millions de tonnes sont importées chaque année). En France, on aggrave la situation Loin de se préoccuper d’agir sur une cause majeure d’émission de GES, les autorités françaises s’emploient au contraire à protéger et soutenir les productions animales. Le 26 septembre 2014, les députés ont adopté un amendement excluant les émissions de méthane des ruminants du champ d’application du futur plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques (alors qu’on estime qu’en France les bovins émettent autant de GES par an que 15 millions de voitures). Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll fait en ce moment même la promotion de la viande bovine française au Maghreb, afin de soutenir la production et les exportations.


Depuis fin 2011, un décret rend obligatoire la présence de produits d’origine animale dans tous les menus servis par les restaurants scolaires. Cette réglementation, étendue en 2013 aux universités, a été défendue par le gouvernement en place en dépit du recours de plusieurs associations soulignant la non-durabilité d’une telle mesure, par ailleurs contraire à la liberté de conscience des usagers. Quant au Programme national nutrition santé (PNNS), il recommande de consommer entre 80 et 200g de viande, poisson et/ou oeufs par jour pour les adultes et conseille de consommer des laitages, pourtant produits par des ruminants, à tous les repas, sans proposer d'autres sources de calcium moins dommageables à l'environnement. Ce programme serait pourtant un bon outil pour inciter les Français à réduire leur consommation de produits d’origine animale. Réduire notre production et consommation d’animaux aquatiques Les pays développés, gros consommateurs de produits de la pêche et de l’aquaculture, sont nombreux à être importateurs nets de ces produits. C’est le cas de la France. On argue de ce déficit commercial pour soutenir que les politiques nationales doivent aider la pêche et favoriser le développement de l’aquaculture1. C’est une position aberrante. Le niveau de consommation de poisson du Français moyen ne peut pas être généralisé à chaque habitant de la planète, la terre n’y suffirait pas. De tels niveaux de consommation ne peuvent exister que pour une minorité de privilégiés, au détriment du reste des humains et du monde vivant dans son ensemble. En outre, toute politique favorisant la pêche ou la pisciculture a pour effet induit d’accroître la souffrance animale. Pour ces raisons, il est nécessaire au contraire d’adopter des mesures permettant de réduire la production et la consommation d’animaux aquatiques, couplées à des politiques d’aide à la reconversion pour les travailleurs des filières amenées à décliner. Au niveau individuel, les consommateurs peuvent réduire ou supprimer leur consommation de poisson. D'un point de vue nutritionnel, on considère que les poissons sont des sources intéressantes de protéines et d'acides gras oméga-3. On peut trouver des protéines dans des végétaux tels que les légumineuses (lentilles, haricots secs, soja, pois chiches, pois...), les oléagineux (noix, amandes, noisettes...), les céréales. On trouve des oméga-3 en quantité notable dans l'huile de colza, les noix, le soja, le lin (huile et graines). L'huile de micro-algues, qui contient les mêmes acides gras que les poissons (EPA et DHA), peut avantageusement remplacer le poisson gras et l'huile de poisson comme source d'acides gras oméga-3 "à longue chaîne", notamment chez les femmes enceintes chez qui le mercure que l'on trouve dans certains poissons contaminés peut poser des problèmes. Le projet de loi de modernisation agricole 2010 de la France prévoit ainsi de favoriser le développement de l’aquaculture.


Favoriser et accompagner la transition vers une alimentation plus végétale Une option végétarienne en restauration collective Cette mesure, déjà adopté par plusieurs communes, fait son chemin dans le débat public. En mars 2015, des intellectuels ont écrit une tribune intitulée : Le repas végétarien, le plus laïc de tous dans laquelle ils demandaient l'instauration d'une option végétarienne au menu des cantines scolaires. En août 2015, le député Yves Jégo a déposé une proposition de loi instaurant la présence d'une alternative végétarienne en plus du menu traditionnel dans les cantines scolaires. La présence d'une option végétarienne au menu des cantines scolaires permettrait de répondre aux demandes de ceux qui ne souhaitent pas prendre le menu traditionnel, que ce soit pour des raisons confessionnelles (juifs et musulmans) ou éthiques (végétariens). Il offrirait en outre à qui le souhaite de consommer des plats végétariens à la cantine. Il en résulterait une plus grande liberté et une diminution de la consommation des produits animaux. Favoriser une réorientation de la production et de l’emploi. Il s’agit de modifier notamment les régimes d’aide publique, de fiscalité, de commande publique de façon à : - favoriser le recul de l’élevage intensif (pisciculture incluse) et de la pêche, au profit du développement et de la valorisation de productions végétales, et du développement d’emplois répondant à des besoins sociaux mal satisfaits ; - favoriser l’orientation de la demande de produits d’origine animale vers des élevages plus respectueux du bien-être animal. Afin d’atteindre ces objectifs, on peut mettre en œuvre les moyens suivants. 1. Mettre en place des dispositifs d’aide à la reconversion pour les travailleurs concernés par le recul des filières de productions animales et leur assurer un revenu décent pendant la période nécessaire à leur transition vers de nouveaux emplois[2]. 2. Agir de façon à décourager l’entrée de nouveaux actifs dans les métiers et activités appelés à décliner. (Il est moins coûteux de ne pas entrer dans une profession que d’avoir à se reconvertir pour en sortir). Empêcher les nouvelles installations ou extensions dans l’élevage intensif et la pisciculture. Agir sur l’enseignement agricole de façon à restreindre le flux de nouveaux entrants dans les métiers de l’élevage intensif, au profit de l’acquisition de savoirs utiles dans d’autres activités agricoles. La gestion de l’allocation du foncier agricole peut jouer dans le même sens. De même, limiter l’orientation des jeunes vers les métiers de la pêche et de l’élevage aquacole. 3. Cesser de soutenir l’élevage intensif et la pêche par des aides publiques[3] qui ont pour effet de maintenir ces productions à un niveau plus élevé qu’elles ne le seraient sans cela. Ceci concerne tout autant les échelons locaux, nationaux qu’européen[4]. La réorientation de la consommation ne peut qu’être favorisée par une diminution du prix relatif des produits végétaux par rapport aux produits animaux. Cette diminution peut être accentuée par la redistribution des aides au profit des premiers et au besoin par des dispositions fiscales : taxation réduite sur les produits végétaux et accrue sur les produits animaux (du moins ceux issus de la pêche et de l’élevage industriels). La fiscalité réduite faciliterait l’accès aux fruits et


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légumes pour les ménages à faible revenu[5]. La taxation des produits issus de l’élevage intensif aurait pour effet induit de réduire (ou d’inverser selon le niveau de taxation) le différentiel de prix entre ces produits et ceux provenant de l’élevage biologique et autres labels plus respectueux du bien-être animal, favorisant ainsi l’orientation de la consommation vers ces derniers. Encourager les productions végétales, en particulier celles qui reposent sur les techniques les moins agressives pour l’environnement, qui sont aussi des modes de production plus riches en emplois. Développer le recours à de telles techniques dans la culture d’oléagineux et de céréales. Mettre l’accent sur l’accroissement de la culture et de la consommation de légumineuses, qui présentent un fort intérêt tant sur le plan nutritionnel qu’agronomique. Développer la culture, la transformation et la commercialisation en France de produits à haute valeur nutritionnelle (quinoa, soja...). Favoriser la recherche sur des modes de culture encore peu pratiqués dans notre pays tels que l’agriculture biovégétarienne et aider les agriculteurs qui se lancent dans leur mise en œuvre. Encourager par la commande publique les produits agricoles provenant des circuits les plus respectueux de l’environnement et du bien-être animal. En particulier, coupler la baisse du volume des commandes de produits d’origine animale avec le fait de diriger une part croissante de ces commandes (à terme : la totalité) vers des produits issus de l’élevage biologique ou de labels présentant des garanties équivalentes en matière de bien-être animal. D’autre part, privilégier la commande de produits n’ayant pas parcouru des distances excessives, ce qui est à la fois un moyen de limiter le prélèvement sur les ressources en hydrocarbures et de soutenir l’emploi agricole près des lieux de consommation. Soutenir les entreprises qui développent l’offre de produits végétaux. Cette offre est aujourd’hui trop peu diversifée concernant les produits préparés (conserves, surgelés, traiteur...) et trop cantonnée dans des commerces spécialisés tels que les magasins biologiques, qui touchent une population limitée. L’extension et l’amélioration des circuits de distribution permettrait une baisse sensible des prix de ces produits. Actuellement, le choix insuffisant d’alternatives végétales pour les ménages qui n’ont pas des heures à consacrer aux tâches culinaires est l’un des facteurs qui alimentent la surconsommation de produits d’origine animale. Faire d’un territoire un pôle emblématique d’un autre avenir possible. Un plan ambitieux de reconversion de l’économie bretonne, s’appuyant sur tous les acteurs locaux porteurs d’un autre modèle de développement, et soutenu par la collectivité nationale, serait un signal fort pour l’ensemble du pays. Cette région est effet devenue en quelques décennies un concentré des problèmes engendrés par la surproduction de produits d’origine animale. Avec 57% du tonnage national de viande porcine, 42% du volume d’œufs, un quart de la viande veau, 21% du volume de lait et 34% du tonnage de volailles de chair[6], la Bretagne détient le triste record national de la souffrance animale engendrée par l’élevage intensif[7]. Elle cumule aussi les problèmes qui lui sont associés : pollution des nappes phréatiques et cours d’eau, algues vertes et forte dépendance aux importations de produits destinés à l’alimentation animale. Basculer de l’ère du soutien public à ce modèle, à celle du soutien public à son démantèlement et au développement d’activités plus durables sur ce territoire, outre son intérêt pour la région elle-même, aurait valeur d’exemple au-delà même de nos frontières.


Formation et information Le recul de la part des produits d’origine animale dans la consommation suppose aussi des dispositions concernant la formation dans certaines professions et l’information du public en général. 1. Formation initiale et continue des professionnels de la restauration afin qu’ils sachent concevoir et préparer des menus équilibrés avec une moindre proportion de produits d’origine animale, ainsi que des menus équilibrés sans produits d’origine animale. 2. Formation initiale et continue des professionnels de la santé, de façon à ce qu’ils sachent conseiller les patients quel que soit le régime alimentaire choisi par ces derniers : avec ou sans produits animaux. Actuellement, en France, beaucoup de médecins et diététiciens sont assez ignorants des données concernant les régimes végétariens, et de la façon de les adapter aux différentes périodes de la vie (croissance, grossesse, grand âge...). 3. Dans l’information donnée au public, il serait souhaitable de faire apparaître que la viande, poisson et produits laitiers satisfont certains besoins nutritionnels, mais aussi que d’autres produits peuvent couvrir ces mêmes besoins. Cela est signalé très simplement par exemple chez nos voisins belges, à travers une présentation pédagogique des catégories de produits[8]. 4. Faciliter le repérage des informations nutritionnelles produites en situation de conflit d’intérêts – Favoriser une information indépendante des intérêts économiques. Imposer que les organismes de type CIV, CERIN etc. inscrivent clairement sur la documentation qu’ils produisent et dans les courriers qu’ils adressent (aux médecins, diététiciens, établissements scolaires notamment) qu’ils sont au service de filières de production. Faire en sorte que le public et les professionnels accèdent en priorité à une information produite par des organismes n’ayant pas d’intérêt économique à vanter certains produits. Donner la place qu’il mérite au thème de la nécessaire réduction de la production / consommation de produits d’origine animale Les conséquences négatives du surdéveloppement de l’élevage et de la pêche sont repérées depuis longtemps par des acteurs de la société civile ; elles sont évoquées dans des rapports d’experts et dans des publications d’institutions internationales... Il nous appartient collectivement de chercher des solutions. Pour ce faire, une des conditions requises est que les pouvoirs publics fassent leur part dans la mise de cette thématique à l’ordre du jour. En France, nous souffrons aujourd’hui d’un déficit flagrant en la matière. Les citoyens sont alertés sur la nécessité de revoir leurs pratiques en matière de transport, d’isolation des habitations, de limitation des pollutions industrielles, de recyclage des matériaux... En revanche, rien dans la communication ni dans les politiques publiques, à l’échelon national, ne pointe la nécessaire révision de nos pratiques alimentaires. Il n’y a pourtant rien qui puisse expliquer ce silence : L’impact de notre mode de production alimentaire est largement aussi important que celui des autres domaines précités. Il y a ici, comme sur d’autres dossiers (mais pas davantage), des conséquences sur des filières de production appelant des mesures d’adaptation et de reconversion ; déclin de certaines activités, mais aussi opportunités de développement de nouveaux secteurs et


emplois. La défense de l’immobilisme au nom de la préservation du monde agricole tel qu’il est aujourd’hui va à l’encontre de l’intérêt général et surestime le coût social des mutations nécessaires. En 1906, 43% de la population active française vivait de l’agriculture. En 2006, ce chiffre n’était plus que de 3,7%. C’est la marche forcée vers l’industrialisation de l’élevage et de l’agriculture dans la seconde moitié du vingtième siècle qui a accéléré la disparition des emplois agricoles, et non la pression des exigences de défense de l’environnement et du bien-être animal. L’attitude qui a prévalu jusqu’ici dans notre pays empêche toute réponse à la hauteur du problème. Elle conduit à des séries d’ajustements à la marge, à efficacité réduite, qui parfois atténuent un type d’effet négatif en alourdissant ou laissant intact un autre, et qui au total coûtent très cher au contribuable (financer la méthanisation du lisier plutôt que l’orientation de l’agriculture bretonne vers des productions animales de type moins intensif et vers davantage de productions végétales ; financer à grands frais le plan de sortie de flotte des thoniers senneurs après avoir subventionné à grands frais leur construction...) Etant donné : - que le modèle de surconsommation de produits d’origine animale dans les pays développés - qui est en voie d’extension aux pays à revenu intermédiaire - est déjà à l’origine de dégâts considérables, - ce modèle n’est pas transposable à l’ensemble des êtres humains, il est grand temps de prendre des dispositions pour favoriser une « végétalisation » de l’alimentation. Le régime alimentaire en vigueur aujourd’hui ne date que de quelques générations. Il n’y a rien d’impossible à lui faire connaître une transformation tout aussi profonde dans les années qui viennent, dans l’intérêt des humains, des animaux et de la préservation de la planète. Le premier pas – primordial pour y parvenir – est que les pouvoirs publics s’engagent clairement dans cette voie. Si la volonté politique existe, de multiples moyens peuvent être mis en œuvre au service de l’objectif poursuivi. Les sections suivantes esquissent quelques pistes à ce sujet. Elles peuvent être grandement affinées, pour peu que l’on encourage la réalisation d’études indépendantes sur leurs modalités et leur impact, ainsi que les expériences de mise en application.


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