CUILLERAT Mickaël Mémoire de master
LA « VILLE-MUSÉE » A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT GARDE OU ÉCHEC D’UNE CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ ?
Directrice de mémoire : Antonella Mastrorilli ENSAL // 2013
2
«
La ville de demain va-t-elle définitivement reléguer les villes du passé au musée du patrimoine historique ?
«
N’est-il pas possible, au contraire, d’intégrer villes, centres et quartiers anciens dans la vie quotidienne de l’ère électronique, de les rendre à des usages qui ne soient pas ceux de l’industrie culturelle ?
Françoise Choay, dans la préface de L’Urbanisme face aux villes anciennes, GIOVANNONI Gustavo, 1998, Paris, Editions du Seuil.
3
Fig : Porto Antico, Genova 4
5
6
SOMMAIRE
INTRODUCTION
11
01 / HERITAGE PATRIMONIAL ET VILLE MUSEE EN ITALIE :
15
VERS LE TOUT-PATRIMOINE ? A - LE PATRIMOINE EN ITALIE : CINQ SIECLES DE PROTECTION
17
1 / Le patrimoine italien : Diversité et identité 2 / Evolution et spécificités de la législation italienne La Renaissance : Prise de conscience et esquisse de la patrimonialisation La vandalisation : Moteur de la protection du patrimoine L’appareil législatif italien : Deux siècles de législation 3 / Du patrimoine architectural au patrimoine urbain Emergence de la question urbaine Difficile législation et la protection des centres anciens
B - VERS LA MUSEIFICATION DES VILLES ITALIENNES ?
31
1 / Quelques notions de la ville patrimoniale De la ville palimpseste... ... à la ville-musée De la protection à la valorisation du patrimoine 2 / Les enjeux économiques de la muséification
02 / LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE, VILLE MUSÉIFIÉE :
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MYTHE OU RÉALITÉ ? A - PROFESSIONNELS, TOURISTES ET VILLE MUSÉE : QUELLE VISION DE LA MUSÉIFICATION ? 1 / Du coté de la profession 2 / Du côté des touristes 3 / Mythe ou réalité ?
7
39
B - DU DANGER DE LA MUSÉIFICATION « PASSIVE »
43
DES VILLES ITALIENNES, VENISE, MANIFESTE D’UN ÉCHEC ? 1 / Venise, du port au tourisme, à la recherche d’un idéal figé ? 2 / Quelle avenir pour la ville historique ? La discrétion, l’éphémère ou rien L’avenir hors les murs Il faut sauver... le tourisme 3 / Où est passée la vie ?
03 / LE XXIÈME SIECLE ET LA VILLE ITALIENNE :
53
UNE POSSIBLE ÉVOLUTION ? A - PEUT-ON ENVISAGER UN AVENIR POUR LA VILLE-MUSEE ?
55
Conserver, protéger, plus qu’une volonté, une nécessité La muséification se résume-t-elle à la surprotection du patrimoine ? Quel futur pour la ville italienne ?
B - GÊNES : UN EXEMPLE DE MUSÉALISATION ÉQUILIBREE ?
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1 / Ville atypique ou reflet des villes italiennes ? Apogée et rayonnement Déclin de la puissance de la ville 2 / Le renouveau de la ville : Quelles options ? 3 / Retrouver son port : Un projet initiateur Un projet ambitieu Un projet pas à pas Les raisons du succès 4 / Retrouver son centre-ville : La finalité du projet Un lieu impossible à vivre ? Quelques projets initiateurs et une main tendue vers le port... Un projet pour les touristes et les habitants 5 / Les grands projets et les outils mis à contribution 6 / Une ville ambitieuse
C - ROME : CONSTRUIRE, RÉNOVER, RECONVERTIR DANS LA VILLE-MUSÉE 1 / Faire la ville sur la ville, un perpétuel défi 2 / Construire dans la ville italienne historique De la préconisation au dialogue Les vestiges, un problème ? Des projets polémiques
8
73
CONCLUSION
81
REMERCIEMENTS
85
ANNEXES
86
BIBLIOGRAPHIE
88
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
90
9
10
INTRODUCTION
Reconstruire la ville sur la ville. Peut-
siècle synonyme de grands changements.
être l’enjeu architectural et urbain du XXIème siècle. À l’heure où l’urbanisation s’étend sur
À trop vouloir se tourner vers le centre, et
les périphéries des métropoles et participe
vouloir tirer parti et surtout profit de la richesse
au mitage sans précédent de l’espace rural,
patrimoniale, ne risque-t-on pas de figer la
l’ensemble des acteurs de l’architecture et de
ville dans un idéal d’authenticité ? Il s’agit
l’urbanisme contemporain se tourne vers le
en effet d’une des problématiques soulevées
centre-ville des villes.
par la muséification des villes c’est-à-dire la
Aujourd’hui les centres-villes anciens sont
transformation des villes (et en particulier de
redécouverts,
leurs centres anciens) en véritable musée
parfois
après
des
années
d’oubli, de mise à l’écart.
urbain. La question à se poser est la suivante : Peut-
Certaines villes se sont pourtant tournées vers
on concilier dans le centre-ville les activités
leurs centres-villes bien avant pour une raison
touristiques
bien particulière. Ils sont les berceaux de
historique et de la préservation du tissu urbain
l’évolution de leur ville, leur centre de gravité.
et du patrimoine, avec la vie de l’habitant, les
Ils sont aussi un trésor, un trésor patrimonial.
activités économiques, culturelles, sociales... ?
Pour définir ces villes dotées d’un patrimoine
En quelque sorte peut-on donner aux centres
riche, on parle fréquemment de villes-musées.
anciens la qualité urbaine et architecturale
Conscientes de leur valeur patrimoniale et
de la ville ancienne adaptée aux usages
historique, ces villes ont rapidement fait de leur
contemporains ? Peut-on concilier passé et
centre un atout économique en se tournant
modernité dans la ville ancienne ?
dépendantes
d’une
qualité
vers le tourisme. De nombreuses villes de taille moyenne basent ainsi leur économie
Alors que le retour au centre s’impose, que
largement sur le tourisme. Le tourisme est une
la reconversion occupe une part toujours
facilité largement appréciée des villes-musées.
plus importante dans le volume de projets
Chaque bâtiment est exploité, on protège un
réalisés, il est bon de se poser une question
maximum les constructions remarquables ou
qui dépasse même le projet, pour parler de
atypiques pour faire preuve d’authenticité au
l’échelle urbaine.
moment où le monde se tourne vers le XXIème
11
Pour répondre à cette question qu’est l’avenir
Tout d’abord, la conception du patrimoine en
de la ville-musée, nous nous intéresserons à un
Italie est primordiale pour bien comprendre le
pays en particulier, l’Italie. En effet, la péninsule
visage de la ville musée italienne. La notion
italienne est riche d’une multitude de villes au
de patrimoine a fait peu à peu son émergence
patrimoine toujours plus impressionnant et
en Italie avant de se diffuser dans les autres
atypique (Florence, Naples, Gênes, Venise,
pays européens et la législation à suivi pour
Rome, Côme...). Chacune de ces villes offrent
protéger de plus en plus de constructions
un visage différent compte tenu de l’histoire de
patrimoniales. Dès lors la pris en compte
chacune.
du patrimoine s’étend alors à la question du
Mais elles sont toutes confrontées au même
patrimoine urbain mais la protection de la ville
problème. Que va devenir leur centre-ville dans
se trouve beaucoup plus complexe à définir
plusieurs années s’il est muséifié, protégé et
ce que nous verrons au début de ce mémoire.
haut lieu du tourisme ?
La complexité de la question législative de la protection patrimoniale fait de l’Italie un pays
Ce mémoire fait aussi suite à un rapport d’étude
singulier, doté d’un patrimoine exceptionnel
réalisé en 3ème année de Licence sur l’avenir
mais dans lequel il est relativement complexe
du patrimoine militaire en France et leur rôle
de savoir quoi faire, comment faire et pourquoi
dans la dynamique urbaine des villes. Ici nous
faire. Encore plus lorsqu’il s’agit de faire
nous intéressons beaucoup moins à la qualité
évoluer la ville.
de la construction, aux programmes réalisés. Dans ce mémoire nous nous intéressons avant
Après s’être penché sur la question de la
tout au patrimoine pour son poids urbain et son
muséification et de ses aspects économiques,
rôle dans la vie des habitants et des touristes,
nous nous tournerons vers la vision qu’ont
plutôt que sur les opérations réalisées sur
les usagers (professionnels ou touristes de
celui-ci. Nous nous attacherons à étudier des
la ville-musée), que nous confronterons à
centres anciens dans leur globalité, et non pas
une analyse de la ville-musée italienne par
des projets. Le sujet de ce mémoire est plutôt
excellence, à savoir Venise.
l’avenir de la ville ancienne (et par conséquent
Venise est très particulière. Son centre
de son patrimoine, mais aussi de l’ensemble du
ancien isolé sur une île au large du rivage
bâti ancien) plus que de l’avenir du patrimoine
est d’une qualité patrimoniale exceptionnelle.
uniquement.
Cependant depuis des années, la municipalité semble avoir du mal à expliquer le problème de Venise : plus personne ne s’y installe ? Quelles
COMMENT PEUT-ON FAIRE ÉVOLUER LA
sont alors les pathologies de la ville-musée.
VILLE ANCIENNE ET L’INSCRIRE DANS LA
Qu’entraîne une muséification excessive et
PERSPECTIVE DU XXIÈME SIÈCLE ?
une surprotection patrimoniale ? Venise nous permettra de prendre vraiment conscience des maux qu’entraîne la muséification d’un
Nous allons pour cela nous intéresser à la ville
site patrimonial surtout sur le long terme.
italienne sur plusieurs points pour comprendre
Venise est parfois dépeinte comme un parc
la spécificité de celle-ci.
d’attraction patrimonial et nous verrons quels
12
en sont les aspects.
l’avenir de la ville italienne par un regard sur
Cependant le but de ce mémoire n’est pas
plusieurs villes différentes mais partageant
de condamner toutes les opérations de
un même idéal : revaloriser son centre
sauvegarde, de protection et d’exploitation
historique. Il n’est pas question ici de donner
des villes-musées italiennes, mais il faudra
un modèle unique à suivre pour assurer à la
comprendre comment l’on peut faire aujourd’hui
ville-musée un avenir, mais l’idée est plus
pour proposer une muséification non pas
d’approcher des points clés inévitables, et
excessive et passive, mais équilibrée où tout
de dresser les raisons d’un échec ou les
est concilié (passé et modernité, habitants et
jalons d’une réussite.
touristes...).
Chaque ville est unique, mais comprendre
Un avenir est-il possible pour la ville-musée
les raisons d’un succès permettra à chacun
dans le siècle actuel ? Nous répondrons à cette question par deux exemples distincts.
de relativiser sur chacune des métropoles
Gênes permettra de comprendre comment
italiennes pour espérer un jour voir sortir ces
une ville arrive aujourd’hui à concilier la vie de
illustres cités de la muséification classique.
ces habitants et de ses touristes, comment son économie s’est tournée vers le tourisme tout en développant des économies complémentaires, comment elle a pu redécouvrir son centre oublié... Gênes est l’exemple même qui permettra de relativiser sur l’avenir de la villemusée, alors que l’avenir de la ville aurait pu nous inquiéter. Mais la question n’est pas vraiment « Un avenir est-il possible ? Oui ? Non ? ». Elle vise plus à démontrer comment une ville peut arriver à un tel résultat, quels sont les outils mis en place... Rome nous permettra par la suite de nous intéresser aux contraintes de la construction en site historique à Gênes par quelques exemples contemporains réalisés ces dernières années. Nous essayerons comprendre comment la ville-musée, saturée de monuments, peut encore accueillir en son sein l’architecture contemporaine et à quoi elle est aujourd’hui confrontée ? Ce mémoire se veut un portrait itératif de
13
0 14
01 01
HERITAGE PATRIMONIAL ET VILLE-MUSテ右 ITALIENNE : VERS LE TOUT-PATRIMOINE ?
15
Fig. 1 : La place du Capitole, Rome
Fig. 2 : Florence et Santa Maria Del Fiore 16
01
A - LE PATRIMOINE EN ITALIE, CINQ SIECLES DE PROTECTION
italiens, car le pays n’était pas unifié avant
1 / LE PATRIMOINE ITALIEN : DIVERSITÉ ET IDENTITÉ
1871) d’un immense patrimoine architectural et urbain aussi varié que de qualité (fig.1), aussi majestueux que pittoresque (fig.2). du
Pour comprendre la spécificité de l’Italie vis-à-
patrimoine sur la conception des villes
vis de la conservation et de la reconnaissance
italiennes et la place qu’il occupe aujourd’hui
de son patrimoine, il sera utile d’effectuer des
dans le paysage architectural et urbain italien,
aller-retours avec la France dont on connait
il est nécessaire de comprendre son évolution
bien les principes de patrimonialisation.
au fil des siècles et de comprendre le poids
A la grande différence de la France cette
que représente l’histoire de l’Italie, de son
reconnaissance du patrimoine entre très tôt
architecture au niveau national et européen.
dans la conscience collective ou du moins
Pour
comprendre
l’influence
des élites et édiles de la société italienne L’Italie n’est pas choisie indépendamment
(principalement romaine). Le pays a reconnu
de toute prise de position quant à la notion
très tôt le rôle majeur que joue le patrimoine
de patrimoine. Le pays est à l’origine de
dans la construction d’une identité commune.
toute
une
mouvance
architecturale
et
patrimoniale sans pareil en Europe. Que serait
L’ensemble de l’histoire de l’Italie et de son
le patrimoine architectural européen sans
rapport au patrimoine se joue en partie
l’apport architectural des années d’apogées
grâce à la ville de Rome. La question du
de l’Empire romain et de son architecture de
patrimoine romain est source de polémique
pierre et de monumentalité ? L’architecture
car compte tenu de l’histoire de la ville elle
de la Renaissance trouve sa force et son
est un laboratoire à ciel ouvert de la question
essence dans les constructions palladiennes
du patrimoine. Rome est la ville italienne par
et l’engouement des familles de mécènes
excellence, centre de la chrétienté, centre du
italiens. L’Italie a été le berceau de la diffusion
pouvoir, centre de l’art… Rome nous aidera à
de l’architecture, de l’art et de la construction
comprendre pourquoi le patrimoine occupe un
pour l’ensemble de l’Europe. Les principes
poids si particulier en Italie, comme nulle part
architecturaux des plus grands édifices de la
ailleurs.
péninsule italienne séduisirent nombres de monarques au fil des siècles qui imitèrent et
Si en France on s’intéresse au patrimoine, il
réinterprétèrent l’architecture italienne (si l’on
est en fait nécessaire de comprendre cette
peut vraiment définir l’architecture réalisée sur
reconnaissance patrimoniale et urbaine en
le sol italien comme italienne car il n’existe pas
Italie car elle est certainement le pays qui a
de style italien mais plus d’un savoir-faire).
permis à toute l’Europe d’ouvrir les yeux sur
Il est néanmoins sûr que la qualité architecturale
l’ensemble du poids patrimonial accumulé au
des constructions réalisées en Italie au fil des
fil des siècles.
siècles a doté le pays (ou plutôt les Etats 17
2 / ÉVOLUTION ET SPECIFICITÉS DE LA LEGISLATION ITALIENNE
Françoise Choay dans Le Patrimoine en question retrace l’évolution de la notion de patrimoine au fil des siècles. S’il est clair que cette notion existe naturellement comme concept, il a fallu un temps avant que l’on applique la notion de patrimoine à l’héritage d’une communauté, d’une nation… Si la protection du patrimoine fait l’unanimité aujourd’hui, ce ne fut pas le cas en Europe et
Fig. 3 : Le Laocoon
en Italie par le passé. On
distinguera
deux
étapes
dans
le
processus de reconnaissance du patrimoine : une première étape qui pose les jalons des qualités du patrimoine par la redécouverte des œuvres antiques, et une seconde étape qui pose les bases d’une législation à venir suite à l’indignation des intellectuels face aux démolitions.
LA RENAISSANCE :
Fig. 4 : L’Ecole d’Athènes, Raphael
PRISE DE CONSIENCE ET ESQUISSE DE LA PATRIMONIALISATION La Renaissance italienne traduit ce retour aux sources, et en particulier aux concepts antiques. Cette période qui met fin au Haut Moyen-Age à la fin du XIVème siècle prend corps dans l’Italie du Nord (dans des villes comme Siène, Florence...) et bouleverse l’ensemble des codes artistiques, littéraires et scientifiques. On redécouvre les ouvrages antiques, des pièces de l’art comme le Laocoon (fig.3) en 1506 qui marqueront les érudits et artistes et remettront en cause les acquis et
Fig. 5 : Villa Adriana Tivoli
croyances contemporaines. La célèbre fresque
18
de Raphael de l’Ecole d’Athènes (fig.4) (située
des pierres du Colisée qui servirent à édifier
dans les appartements de Jules II au Vatican)
nombres de constructions romaines comme
représente avec une grande finesse ce retour
entre autre la basilique Saint-Pierre. Notons
aux fondamentaux antiques ainsi qu’à leurs
de même que Jules II, qui est à l’origine du
protagonistes. Dès lors l’Antiquité devient une
projet de la basilique, n’a eu que très peu
référence que l’on va copier, décoder, diffuser,
d’intérêt patrimonial pour l’ancienne basilique
interpréter… Il n’est alors plus possible
constantinienne érigée au IVème siècle.
aux yeux des édiles de laisser cet héritage
Au début du XVIème siècle les enjeux de la
disparaître alors que l’on découvre petit à
reconnaissance patrimoniale sont encore peu
petit que 10 à 15 siècles auparavant, d’autres
esquissés et restent des concepts politiques.
possédaient déjà les réponses à des questions
En 1538, le pape Paul III invite par une bulle
contemporaines ainsi qu’une finesse artistique
pontificale à la protection des monuments
jamais égalée jusqu’alors. Multiples sont
antiques. Cet écrit marque une prise de
les enjeux de la Renaissance italienne qui
conscience du Vatican sur la nécessité de la
a influencé tout l’Occident, mais c’est avant
conservation des monuments antiques et leur
tout cet engouement pour l’antiquité qui nous
apport culturel, théorique et artistique.
intéresse ici car au cœur de la future définition
Plus d’un siècle plus tard, le cardinal Spinola
du concept de patrimoine.
signe un édit qui assure la protection, la
Les fouilles autour des édifices antiques
conservation et la restauration des monuments.
comme le Palatin, Pompéi ou encore la Villa
Il faut protéger « les souvenirs et ornements
Adriana (fig.5) se multiplient pour apprendre à
que cette cité-mère de Rome, lesquels
connaître l’époque antique.
provoquent l’estime de sa magnificence et de sa grandeur auprès des nations étrangères ».
Une grande partie du travail de cette reconnaissance du patrimoine est dûe au
La Renaissance marque aussi la redécouverte
Vatican et aux différents souverains pontifes
des traités antiques sur l’architecture tel que
qui se sont succédés.
le aujourd’hui célèbre traité de Vitruve De
Très tôt dès le XIVème siècle, sous le pontificat
Architectura écrit au Ier siècle av. JC jusqu’alors
de Martin V, on voit la création d’un bureau des
inconnu. Ce texte influença de nombreux
Magistri Viarum qui prévoit la conservation des
architectes de la Renaissance comme Léonard
rues, ponts, murs mais aussi des bâtiments de
de Vinci, Alberti ou encore Michel-Ange. Il pose
la ville de Rome. Il pose aussi les bases de la
les bases d’une architecture autour de trois
restauration et de la reconversion des édifices.
fondements majeurs : la firmitas, l’utilitas et la
C’est un des premiers papes à s’intéresser à
venustas (forte, utile et belle). Les architectes
la question du devenir des constructions.
italiens entre autres s’inspirent alors de ce traité
Entre 1458 et 1464, le pape Pie II, invite à la
redécouvert comme une source d’écriture pour
sauvegarde des vestiges romains en cours
leur propre écrit. Vitruve, par son manuscrit,
d’utilisation comme les ponts et églises.
redéfinit les fondements de l’architecture
Cependant, malgré des ambitions louables et
comme un art total alliant l’ensemble des
qui augurent de beaux jours à ces constructions
sciences (de la géométrie à l’acoustique en
antiques, rien ne sera fait contre le pillage
passant par l’optique).
19
LA VANDALISATION :
St-Jean de Latran et permet d’utilisation des
MOTEUR DE LA PROTECTION DU
marbres de la Curie et du Forum Julium pour
PATRIMOINE
construire le palais apostolique. En 1471, pour édifier la librairie du Vatican,
« Tant que le Colisée sera debout,
Sixte IV autorise les architectes à se livrer à
Rome sera debout.
des excavations pour s’approvisionner en
Quand le Colisée s’écroulera, Rome
matériaux, cependant en 1474, il menace
s’écroulera.
d’excommunication tous ceux qui prélèveront
Quand Rome s’écroulera, le monde
des pierres des églises et basiliques anciennes.
entier s’écroulera. » Bède le Vénérable, (673-735 ap. J.-C.), moine
Dans ce contexte et pour préserver l’ensemble
bénédictin
des constructions antiques, Raphaël est nommé en 1515 commissaire des Antiquité
C’est aussi et avant tout les destructions
des Rome par le Vatican par Léon X. C’est le
des monuments qui vont provoquer une vive
Vatican qui est à l’origine de la reconnaissance
réaction des pouvoirs en place vis-à-vis des
de l’apport théorique, artistique et scientifique
vandales.
dont est chargé le « patrimoine antique ».
Déjà au XVème siècle on voit naître une
Cependant le pape déclare qu’il est possible
farouche opposition entre les humanistes,
de récupérer les pierres sur des vestiges
soucieux de conserver les vestiges antiques
antiques du moment où celui-ci n’est pas
source d’inspiration et de questionnement, et
considéré comme un « monumenta ». (fig.5)
les vandales qui à Rome détruisent œuvres d’art et monuments à la gloire des faux-dieux.
La lettre de Raphael à Léon X va dans le sens opposé et fait l’éloge de la Rome antique et
L’un
des
cette
de ses vestiges essentiel à la société actuelle.
reconnaissance et protection du patrimoine
Dans sa lettre écrite en 1519, Raphael fait
reste la lettre de Raphael au pape Léon X. Le
apparaître d’une part la grandeur de la Rome
cardinal Giovanni di Lorenzo de Medici, futur
antique, Mère du monde et d’autre part
Léon X succède en 1514 à Jules II. Tous deux
l’ambition démesurée des papes pour une
sont des grands mécènes de la Renaissance
Rome nouvelle et prospère. Cependant ils
et s’intéressent particulièrement aux arts et
opposent ces deux visions que les souverains
en particulier à l’Architecture car ils comptent
pontifes n’arrivent pas à allier.
donner à Rome la possibilité de rayonner par
« Oui, j’ose affirmer: toute cette Rome nouvelle,
sa grandeur passée et actuelle.
si grande puisse-t-elle être, si belle, si riche en
Cependant
éléments
malgré
principaux
leurs
à
intérêts
pour
palais, églises et autres monuments, visibles
l’antiquité, les papes les uns après les autres,
aujourd’hui, est toute entière bâtie avec de la
tiennent des discours ambigus.
chaux fabriquée à partir des marbres antiques.
Ainsi, Eugène IV déclare en 1436 vouloir
» [1]
protéger le Colisée du pillage des tailleurs
[1] Georg GERMANN , Traduction de la Lettre à Léon X de Raphael. Vitruve et le vitruvianisme. Introduction à l’histoire de la théorie architecturale, Lausanne, 1991, p. 91
de pierre, mais autorise la récupération des pierres pour la restauration de l’abside de
20
Les successeurs de Saint-Pierre n’ont pas
puis d’autres parts la population toute entière.
su conserver et construire dans Rome. L’un impliquait nécessairement l’abandon de l’autre
Entre 1585 et 1590, le pape Sixte Quint décida
et c’est cette conception manichéenne que les
de réaliser un grand projet d’extension et de «
différents papes ont suivi un par un.
mise en valeur » des terrains de la partie Nord
Raphael trouve dans les modèles antiques
de la ville de Rome, et décida par la même
l’ensemble des éléments architecturaux qui
occasion de tracer des grandes artères à
serviront de références pour la production
travers la ville et il se vit rapidement confronté
architecturale de la Renaissance : architraves,
au Colisée sur ces tracés.
frises,
bases
Mais pour assurer une évolution à la ville, il
proportionnées. A ce titre, supprimer un vestige
fut décidé que le Colisée serait amputé pour
antique revient à supprimer une référence
permettre le passage d’une grande avenue.
notoire.
Grâce à la persévérance et la pugnacité du
chapiteaux
ouvragés
et
Cardinal de Santa Severina et au ralliement Si la lettre de Raphael reste un élément
d’autres cardinaux, le Colisée fut sauvé in
qui aura peu d’impact dans le monde de la
extrémis.
reconnaissance du patrimoine, elle est un élément qui expose très tôt les qualités du
Cet exemple, parmi d’autres, montre que par
patrimoine (au-delà d’un esthétisme pittoresque
le passé, le patrimoine n’a pas toujours fait
ou romantique) et la prise de conscience de
l’unanimité aux yeux de la population même la
celles-ci par d’une part les érudits (ou artistes)
plus érudite qui soit.
Fig. 5 : L’Intérieur du Colisée, Abraham-Louis-Rodolphe Ducros, vers 1790 21
Tant
qu’aucune
législation
précise
ne
La proposition provoque une vive réaction des
fut spécifiée autour de la protection des
romains, et de nombreux artistes signèrent une
monuments, le débat entre les conservateurs
pétition recensant de nombreux arguments
et les novateurs (si l’on peut classifier le
artistiques, juridiques et financiers. Suite à
débat autour du patrimoine en deux castes
l’indignation des romains face à ce projet,
radicalement contradictoires) fut stérile et
l’empereur français retire sa proposition et le
déboucha sur des débats aussi étrange puisse-
petit palais échappa à la destruction… jusqu’à
t-il sembler aujourd’hui que la destruction ou
ce que le monument à Victor-Emmanuel ne
non du Colisée.
soit érigé et provoque la destruction de tout
Le pillage des sites antiques pour la construction
un quartier médiéval attenant à la colline du
de nouveaux édifices a aussi bouleversé les
Capitole.
populations ce qui remis au goût du jour la
Les différentes atteintes au patrimoine qu’elles
nécessité d’une législation patrimoniale pour
soient concrètes ou ambitionnées ont imposé
protéger concrètement ces édifices menacés.
aux autorités, essentiellement pontificales de
Plus d’un siècle après le projet ambitionné par
légiférer sur la question de la protection du
Sixte Quint, le cardinal Spinola signe en 1704,
patrimoine.
un édit qui assure la protection, la conservation et la restauration des monuments. Il faut
On s’aperçoit donc que la notion de patrimoine,
protéger « les souvenirs et ornements de
de protection de celui-ci ou au minimum de
cette cité-mère de Rome, lesquels provoquent
reconnaissance de ces qualités interviennent
l’estime de sa magnificence et de sa grandeur
très tôt en Italie au XVème-XVIème siècle
auprès des nations étrangères ». [2]
alors que dans les autres pays européen,
Cet édit est renforcé en 1733, par celui
et entre autres la France, il faut attendre la
du cardinal Albani qui condamne toutes
fin du XVIIIème siècle pour voir apparaître
dégradations et propose des réprimandes
les premières consignes de protection du
envers ceux qui voudraient porter atteinte aux
patrimoine.
monuments antiques. En 1802, Pie VII met en place une législation
L’APPAREIL JURIDIQUE ITALIEN :
pour protéger le patrimoine, comme l’héritage
DEUX SIÈCLES DE LÉGISLATION
du passé, d’une nation. La protection ne se Si l’Italie était hier en avance sur ses
résume plus uniquement à la protection des
pays voisins quant à la reconnaissance du
monuments antiques.
patrimoine, sa législation n’en reste pas moins Autre exemple plus de deux siècles après
complexe par rapport aux autres législations
le projet de Sixte Quint, en 1811, Napoléon
européennes. En effet, si la prise en compte
1er ambitionne de prolonger le Corso vers le
du patrimoine est une composante inhérente
Capitole et donc de détruire le petit palais de
et fondamentale pour l’Etat Italien, la récente
Venise.
unification des Etats Italiens au cours du XIXème siècle n’a pas simplifié la législation
[2] Carlo CESCHI, Teoria e Storia del Restauro, Roma, 1970, page 31
globale qui se veut être une synthèse des
22
réglementations des différents Etats.
tendresse, avec respect, avec une vigilance
Comme expliqué dans la partie précédente,
incessante, et encore plus d’une génération
pour
sites
naîtra et disparaîtra à l’ombre de ses murs.
archéologiques et pour conserver ses sites
Sa dernière heure enfin sonnera ; mais
patrimoniaux intacts, les Etats italiens encore
qu’elle sonne ouvertement et franchement,
indépendants ont pris des mesures par
et qu’aucune substitution déshonorante et
décrets, en 1745 en Lombardie, en 1760 à
mensongère ne le vienne priver des devoirs
Parme, en 1854 en Toscane ou encore en
funèbres du souvenir. » [3]
lutter
contre
le
pillage
des
1857 à Modène. Cette leçon sera très largement entendue en Pour comprendre le regard italien sur le
Italie qui veillera avec grand soin à l’entretien
patrimoine, il convient d’être informé des
de ses bâtiments, à la différence d’autres pays
différents courants de penser européen. Il ne
européen comme en particulier la France.
s’agit pas ici d’exposer les différents visions
Il s’oppose radicalement à Eugène Emmanuel
de chaque nation européenne, mais de
Viollet-Le-Duc, qui en France prône une
comprendre pourquoi l’Italie s‘est tournée vers
intervention de restauration des monuments
un certain mode de patrimonialisation.
pour lui redonner une nouvelle vie. Cependant
A la fin du XIXème siècle, Ruskin publie un
l’architecte français tente de retrouver une
ouvrage majeur en architecture : Sept Lampes
nouvelle identité perdue, ou peut-être jamais
de l’Architecture. Dans cet ouvrage, il invite les
possédée. Il efface les traces du temps alors
architectes, et autres acteurs du patrimoine
que Ruskin assume l’héritage du temps et
à la plus grande prudence avec les édifices
des siècles de constructions successives.
anciens.
Ces deux visions françaises et anglaises sont
« Prenez soin de vos monuments et vous
radicalement opposées : l’une fait l’éloge de la
n’aurez nul besoin de les restaurer. Quelques
restauration stylistique, alors que l’autre prône
feuilles de plomb placées en temps voulu sur
une conservation romantique.
la toiture, le balayage opportun de quelques
L’Italie n’a pas fait le choix de la restauration
feuilles mortes et de brindilles de bois
styliste et s’est beaucoup plus rapprochée de
obstruant un conduit sauveront de la ruine à la
la vision de John Ruskin, par des théoriciens
fois murailles et toiture. Veillez avec vigilance
et architectes comme Camillo Boito. En effet,
sur un vieil édifice, gardez-le de votre mieux
si Ruskin considère la conservation comme
et par tous les moyens de toute cause de
unique voie de protection du patrimoine qui
délabrement. Comptez-en les pierres comme
ne nuit pas à sa qualité, il tombe rapidement
vous le feriez pour les joyaux d’une couronne,
dans l’extrémisme de la conservation c’est-
mettez-y des gardes comme vous en placeriez
à-dire le fantasme du ruinisme. Les Italiens
aux portes d’une ville assiégée ; liez-le par
Boito et son élève Giovannoni, ouvrent alors
le fer quand il se désagrège ; soutenez-le à
les portes d’une troisième voie « italienne »,
l’aide de poutres quand il s’affaisse ; ne vous
plus équilibrée, tout en offrant des pistes de
préoccupez pas de la laideur du secours que
conservation et de restauration modérées.
vous lui apportez, mieux vaut une béquille [3] John RUSKIN, Sept Lampes de l’Architecture, Paris, 1980
que la perte d’un membre ; faites-le avec
23
Dans Conserver ou Restaurer, Boito expose
1947 considère la protection du patrimoine
l’extrémisme de Viollet-Le-Duc et de Ruskin
comme une composante nécessaire au bon
afin de démontrer l’incompatibilité de leur
fonctionnement de la république Italienne.
position tant elles sont radicalement différentes.
L’article 9 exprime la place principale qu’occupe
Cet écrit, et la position de Boito, influencera
le patrimoine : La République promeut le
beaucoup le processus de patrimonialisation
développement de la culture et la recherche
italien. Les textes de loi qui seront alors rédigés
scientifique et technique. Elle protège les
pendant les décennies suivantes seront donc
sites et sauvegarde le patrimoine historique et
très modérés.
artistique de la Nation. Dès la mise en place de ces décrets de
Nombres de textes se sont succédés au
protection du patrimoine architectural riche et
début du XXème siècle, en 1904, 1909,
varié dont dispose l’Italie, se pose la question de
1913 ou encore 1923 sans déboucher sur
la classification des ouvrages architecturaux.
une législation complète, et ce n’est qu’en
Ainsi le Cardinal Pacca propose en 1820 un
1939 qu’est mise en place une loi qui régit la
édit pour la protection des monuments en
protection du patrimoine.
c’est Fernand 1er de Bourbon à Naples qui
L’article 1er définit la protection patrimoniale
prévoit le premier un catalogue qui recenserait
de la manière suivante :
l’ensemble des œuvres d’arts et des œuvres
« Les objets d’intérêt artistique, historique
antiques.
et ethnographique, y compris : les objets relatifs à la paléontologie, la préhistoire et les
Il faudra attendre les premiers textes de
premières civilisations ; les objets d’intérêts
1909 pour voir naître l’équivalent de notre
numismatiques ; les manuscrits, autographes,
classement
correspondances, documents remarquables,
français. Cependant la législation italienne
incunables, ainsi que les livres, imprimés et
rend complexe cette classification (la «
estampes ayant un caractère de rareté ou
notificazione »). Si en France n’importe quel
de prix » seront à protéger. Cette loi protège
monument, peu importe sa nature, peut être
aujourd’hui encore l’ensemble des objets
inscrit sur la liste des monuments historiques,
patrimoniaux, témoins de l’histoire du pays.
Italie cela reste assez différent. En effet,
Si l’on avait avant tout un langage esthétique
comme la Constitution considère qu’il est du
lors de la rédaction de cette loi en 1939,
devoir de la nation italienne que de conserver
le décret de 1974, a redéfinit la notion de
le patrimoine, cette « notificazione » ne
patrimoine autour du « bien culturel ».
s’applique qu’aux édifices qui sont la propriété
des
Monuments
Historiques
de personnes privées. Ces édifices, qui sont La loi de 1939 est l’équivalent italien de notre
propriété d’une personne, sont ajoutés à cette
loi de 1913 sur les monuments historiques
liste et deviennent sous la surveillance du
qui prévoit le classement de l’ensemble des «
ministère chargé des Biens culturels après le
immeubles dont la conservation présente au
dépôt et l’acceptation du dossier de protection.
point de vue de l’Histoire et de l’Art un intérêt
Le particulier, propriétaire du bien reconnu par
public ».
la « notificazione », a l’obligation vis-à-vis de
La Constitution Italienne promulguée en
l’Etat d’assurer la pérennité de l’édifice.
24
Contrairement à la France, il n’existe dans cette loi de protection et de classement du patrimoine, d’obligation de l’Etat vis-à-vis du propriétaire de participer financièrement aux travaux de restauration, rénovation, solidification… Cependant, le propriétaire ne peut entreprendre ces travaux que sous la validation de l’autorité décentralisée régionale : la Surintendance. Cette spécificité italienne qui implique donc avant tout un engagement du propriétaire vis-à-vis de l’Etat explique la non-existence du corps des Architectes des Monuments Historiques comme en France, qui suivent les travaux et veille à la qualité de l’intervention. La Surintendance, représentation régionale du ministre a la possibilité d’imposer des travaux (et y participer si elle le souhaite) et d’imposer une ouverture d’un édifice au public. La décentralisation facilite l’intervention la gestion des dossiers concernant le patrimoine. L’aboutissement
international
et
législatif
autour du patrimoine reste tout de même la charte de Venise ratifiée en 1964 qui permet de définir un cadre réglementaire autour de la question du patrimoine. Elle aborde globalement la notion de patrimoine autour des thèmes de la restauration, la conservation... Si la prise de conscience fut relativement précoce en Italie par rapport aux autres pays européens, la législation à mis très longtemps à s’installer dans le pays pour proposer une reconnaissance et une gestion convenable du patrimoine.
25
Fig. 6 : Maquette du Plan Voisin pour Paris Le Corbusier, 1925
Fig. 7 : Piazza del Campo, Sienne 26
surtout dans le voisinage des monuments
3 / DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL AU PATRIMOINE URBAIN
anciens dont l’entourage doit être l’objet de soins particuliers. Même certains ensembles, certaines
perspectives
particulièrement
pittoresques, doivent être préservés. » [4]
Jusqu’au XXème siècle, la protection et la sauvegarde des monuments historiques ne s’intéresse qu’à l’édifice comme un objet
En effet, que serait la ville de Sienne sans ses
architectural isolé. Et cette conception est
étroites et hautes ruelles qui débouchent sur
commune à l’ensemble de l’Europe. Le
la grande Piazza del Campo (fig.7). Peut-on
patrimoine comme objet solitaire n’est pas
imaginer le même espace sans ses rues, ses
envisagé comme ayant de la valeur grâce et
constructions du quotidien ?
à cause de son environnement urbain. Par exemple, entre 1922 et 1925, Le Corbusier EMERGENCE DE LA QUESTION URBAINE
propose même pour Paris, le célèbre plan Voisin dans lequel il propose un nouvel urbanisme. La ville conserve cependant ses édifices majeurs,
Le milieu du XXème siècle marque
le Louvre, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel, le
alors ce basculement en Italie de la question
Sacré Cœur… (fig.6). Ces éléments font «
patrimoniale. L’environnement bâti, historique
l’esprit de Paris » pour Le Corbusier.
et urbain gagne alors en importance pour la
Les autres propositions de Le Corbusier à la
définition de la ville contemporaine.
même époque en Italie pour le nord de Rome et la ville de Pontinia, montrent de même peu
Alors qu’en France la question des centres
d’intérêt pour le patrimoine urbain.
historiques s’est trouvée renforcée par la
Cette conception de l’objet patrimoniale hors
protection des 500 m via la loi de 1913, l’Italie
de son contexte va perdurer pendant quelques
tarde à protéger ses centres historiques.
années encore jusqu’au milieu du XXème En 1942, la loi fondamentale d’urbanisme
siècle.
propose une première approche de la question Il faudra donc attendre le milieu du XXème
des centres historique : dans un premier temps,
siècle pour qu’émerge la notion de patrimoine
il est jugé nécessaire d’intégrer la question des
urbain. En effet ce sont des auteurs comme
centres historiques dans les plans d’urbanisme
Gustavo Giovannoni avec des ouvrages tels
et de requalification urbaine des villes, et dans
que L’urbanisme face aux villes anciennes.
un second temps, la nécessité de mettre en
Dès
le
place des mesures de protection de ces centres
patrimoine n’existe pas comme un objet seul
anciens par la préservation entre autres de leur
mais qu’il doit beaucoup au contexte urbain
densité bâtie, de leur gabarit de construction…
dans lequel il est édifié. Naît alors la notion de
Cette loi s’attarde donc à l’impact urbain des
« centre historique ». La Chartes d’Athènes
constructions des centres anciens plus que
lors
on
prend
conscience
que
de 1931, va dans ce sens et « recommande de respecter, dans la construction des édifices sur leur aspect patrimonial. La ville historique,
le caractère et la physionomie des villes,
[4] Extrait de la Charte d’Athènes, 1931
27
PROTECTION DES CENTRES ANCIENS
le centre ancien est ainsi fait de constructions exceptionnelles, mais aussi de constructions du quotidien. Cette loi autorise des opérations de
consolidation,
de
restauration
Jusqu’alors les législateurs italiens (et
(dans
européens par la même occasion), n’avaient
l’optique de la pensée de Boito) sans toutefois
pas pris en compte les centres historiques
dénaturer l’aspect initial de la construction et
pour leur caractère patrimonial mais avant tout
de l’environnement urbain. Il est important de
pour leur potentiel urbain dans la redéfinition
constater que cette loi, porteuse d’une ambition
de l’urbanisme moderne.
de protection de la qualité urbaine, historique et patrimoniale de ces centres anciens
En 1960 est rédigé une charte affirmant la
propose une ébauche de protection des vides
nécessité de classifier, reconnaître et protéger
(places, parcelles non bâties...) qui jalonnent
les « lieux historiques » en tant que zones à
la ville historique. Le patrimoine trouve sa
remettre en état. Ce document, la charte de
définition au-delà du simple monument, il est
Gubbio, met en exergue un besoin impératif
aussi espace public, rue, pont... (à l’exemple
de considérer les opérations de protection
du Ponte Vecchio de Florence (fig.8)). On voit
des centres historiques comme une étape
dès lors que la ville historique n’existe pas
nécessaire à la composition de la ville de
uniquement par ces monuments mais par
demain. Centres historiques et nouveaux
l’ensemble des constructions et des vides qui,
centres doivent trouver un équilibre dans
mis en rapport, composent l’espace urbain
la composition de la ville contemporaine.
de la ville ancienne et en assurent la qualité
Cette charte, indique qu’auparavant l’objet
esthétique et historique.
architectural
LA DIFFICILE LEGISLATION ET LA
élément autiste de son contexte alors qu’il
était
considéré
comme
un
Fig. 8 : Ponte Vecchio sur l’Arno, Florence 28
est nécessaire de considérer un ensemble
biens
architectural unique comme un tout avec son
un projet de loi pour protéger les centres
contexte d’origine.
anciens et encadrer les interventions. L’intérêt
culturels
Walter
Veltroni,
propose
général de la proposition de loi réside dans En 1964, sous la présidence de Franceschini
la protection, la restauration et l’amélioration
est créée la Commission d’enquête pour la
les centres historiques italiens. Ce projet de
protection et la valorisation du patrimoine
loi s’étend au-delà des centres historiques et
historique,
et
s’intéressent aux villes historiques considérant
paysager. Elle met en application les grands
qu’il est nécessaire de protéger les abords de
principes de la charte de Gubbio, et prévoit
ces villes. Elle encadrait en quelque sorte la
en plus des opérations de protection du
protection de ces « quartiers historiques » afin
patrimoine, des opérations de maintien et
d’en assurer l’intégrité et la conservation dans
de protection des alentours pour assurer
un but patrimonial mais aussi économique et
une
(consolidation,
touristique car cette composante est une source
assainissement…). De même des opérations
de revenu majeur pour l’Italie. Cependant de
de réglementation de circulation protègent
nombreuses personnes se sont opposées à ce
ces centres anciens afin qu’ils ne deviennent
projet qui cristalliserait totalement les centres
pas des voies de circulations primaires.
anciens et remettaient en cause le fait que rien
Cependant la commission est dissoute en
ne puisse être fait sans une autorisation d’une
1967, et peu de ses préconisations sont mises
administration supérieure. L’institut national de
en place. En effet on considère à l’époque, et
planification urbaine a remis en cause ce projet
cela est toujours vrai aujourd’hui, qu’il n’existe
de loi qui isolerait la protection des centres
pas une seule solution pour l’ensemble des
anciens de la planification urbaine et limiterait
modèles urbains qui jalonnent l’Italie, et que
le pouvoir des communes à décider pour leurs
chacun des centres historique possèdent ses
propres centres anciens.
archéologique,
meilleure
habitabilité
artistique
propres problèmes (dégradations, pollution, insalubrité, criminalité...) .
L’ensemble des propositions faites autour de la protection des centres anciens peuvent
L’Italie ratifie la Convention du Patrimoine
être d’une part ambitieuse et d’autre part un
Mondiale en 1976. Ainsi 35 biens patrimoniaux
obstacle à l’évolution de la ville. C’est pourquoi
sont classés, dont 12 villes ou centres anciens
ces propositions de lois, ces décrets sont
tels que Florence, Venise, Sienne, Naples… et
aujourd’hui encore vivement critiqués car s’ils
Rome. Cette ratification marque un grand pas
résolvent un problème, ils peuvent soulever
vers la reconnaissance mondiale de ces centres
des interrogations sur la pérennité des centres
historiques et de leur qualité patrimoniale et
anciens.
urbaine. La loi de 1978 de « reprise des bâtiments anciens » propose une nouvelle vie à ces constructions anciennes dans la ville ancienne qui vie au rythme du XXème siècle. Entre 1997 et 1998, l’ancien ministre des
29
Fig. 9 : Teatro Di Marcello, Rome
Fig. 10 : Via Della Conciliazione avant travaux, Rome 30
Fig. 11 : Palimpseste
01
B - VERS LA MUSEIFICATION DES VILLES ITALIENNES ?
puis d’autres constructions Renaissance…
1 / QUELQUES NOTIONS DE LA VILLE PATRIMONIALE
C’est le cas des constructions comme le Teatro Di Marcello (fig.9), ancien théâtre romain, transformé au Moyen-Age en habitation, auxquelles
La ville italienne comme d’autres
des
boutiques
sont
venues
villes européennes est forte d’un patrimoine
s’ajouter…On retrouve encore aujourd’hui les
spectaculaire, dense et varié. C’est ce qui
arcs du théâtre d’origine noyées dans la masse
en fait la force de ces villes de la péninsule
bâtie. C’est un des célèbres exemples romains
italienne. C’est ce qui donne ce charme à ces
en matière de destruction, recomposition
villes. Mais pourquoi aujourd’hui peut-on parler
urbaine, traces bâties… La ville a su et du
de villes palimpseste, de villes-musée ? Ces
effacer une partie de son patrimoine bâti pour
deux notions ne sont-elles pas paradoxales ?
recomposer la ville, l’adapter aux composantes contemporaines… au prix de sacrifices parfois difficiles comme lors de l’édification de la via della Conciliazione (fig.10). Les travaux ont
DE LA VILLE PALIMPSESTE…
imposé la destruction de nombreux d’îlots A l’heure actuelle on se rend bien
de logements pour créer cette percée qui
compte que les constructions ne peuvent
aujourd’hui relie la Place Saint-Pierre au
plus s’étendre sans fin sur le territoire. Il nous
Château Saint-Ange et au Tibre. Rome, comme
faut faire face au mitage du paysage et des
d’autres villes italiennes, a toujours du évoluer
zones rurales. Il nous faut limiter l’urbanisation
pour s’adapter au prix de démolitions et de
croissante des zones rurales. La ville ne peut
reconstructions. « Ceci tuera cela », célèbre
plus se construire hors de ses murs. L’avenir
maxime de Victor Hugo est plutôt adaptée à
de la ville contemporain se trouve dans la ville
l’histoire urbaine et architecturale italienne.
d’hier. Si l’affirmation précédente semble iconique
Pour imager ce concept de ville qui se
d’une pensée contemporaine qui trouverait
régénère constamment, on parle de ville
dans la ville d’hier les fondations de la ville
palimpseste. Le palimpseste, au Moyen-Age,
de demain, elle a toujours été inhérente à
est un parchemin utilisé sur lequel on réécrit
l’évolution urbaine de ces villes. La question
après avoir fait disparaître les inscriptions, tout
est beaucoup moins contemporaine qu’elle ne
en conservant les anciennes traces écrites en
semble être. Celle-ci ne s’est pas uniquement
filigrane (fig.11). Le papier coûtant très cher au
construite à côté de celle déjà présente. Mais
Moyen-Age, il était nécessaire d’écrire sur du
souvent sur celle-ci.
papier déjà utilisé. Dans La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Olivier
La sédimentation de Rome le montre très
Mongin parle de la « ville palimpseste ». Ce
bien : sur les constructions romaines ont été
terme, fréquemment utilisé en architecture et
édifiées diverses constructions du Moyen-Age
en urbanisme, définit une ville qui se reconstruit 31
sur elle-même en effaçant une partie de son
La ville palimpseste a dû se séparer d’une
héritage bâti, afin de toujours occuper le
partie de ses constructions pour en accueillir
centre-ville et en profitant de parcelles bien
de nouvelles. Par essence, ces nouvelles
placées, et très convoitées.
constructions ont remplacé d’anciennes dont le caractère patrimonial n’était pas remarquable.
L’homme a compris très vite que l’avenir de la
Par chance la nouvelle construction aura pu
ville se trouvait dans la ville. La ville italienne est
faire l’onjet d’une reconnaissance patrimoniale
très particulière, car elle est la représentation
dans les siècles à venir, et sera épargnée
parfaite de cette sédimentation architecturale
des prochaines destructions opérées dans
et de cette pluralité patrimoniale conservée.
la ville palimpseste. Cependant en suivant
Elle permet encore aujourd’hui de comprendre
ce schème, n’arrive-t-on pas à créer une
cette cohabitation entre des constructions
collection de constructions remarquables ?
aussi diverses réalisées au fil des siècles.
Aussi paradoxal qu’il puisse paraître, l’avenir
Aujourd’hui la ville devra se reconstruire sur
de la ville palimpseste réside peut-être dans
elle-même, composer avec son existant,
la ville-musée, cette ville qui abrite un nombre
composer avec une architecture qui n’est plus
important de constructions remarquables.
adaptée au monde contemporain mais qui est empreint d’un langage tout particulier. L’homme
Au-delà du caractère patrimonial de ces
devra se poser la question du patrimoine.
constructions, c’est tout un imaginaire urbain
La ville qui s’est reconstruite sur elle-même
qui a su se créér autour de ces espaces et
s’est posée la question de conserver ou non,
vestiges d’un passé qui raconte l’histoire
et les reconstructions successives de la ville
de la ville. Détruire le patrimoine c’est en
ont donné naissance à une multitude de
quelque sorte effacer l’histoire de la cité. La
constructions toutes aussi intéressantes les
sauvegarde du patrimoine peut « contribuer
unes que les autres.
à la mise en perspective du temps, à la fourniture de repères historiques et territoriaux et au renforcement d’une relation affective de
…A LA VILLE MUSEE
la population avec son patrimoine. » [5]
L’avenir de la ville se trouve donc dans
Dans l’Urbanisme face aux villes anciennes,
la ville. Peut-on alors appliquer la politique
Gustavo Giovannoni ne remet pas en cause
de la tabula rasa pour reconstruire celle-ci ?
la préservation du patrimoine, au contraire
Il semble évident que non. Aloïs Riegl, dans
c’est pour lui une façon de comprendre la ville
Le culte moderne des monuments, oppose
et son histoire, nous ne pouvons vivre dans
souvent
des
une ville privée de ses repères spatiaux et
novateurs qui veulent détruire coûte que coûte
historiques. « Nous avons en effet une tradition
pour mieux reconstruire, à l’immobilisme des
artistique, un patrimoine d’histoire et de beauté
conservateurs prêts à tout pour conserver un
monumentale que nous voulons et que nous
l’ambition
fantasmagorique
brin d’histoire dans la ville contemporaine. Quelle a cependant été l’histoire de la ville au
[5] Pierre NORA, 1997. « L’ère de la commémoration », dans Les lieux de mémoire (tome 3), Paris, Gallimard, pp. 4687-4719
fil des siècles ?
32
devons conserver, car le sentiment de notre
DE LA PROTECTION À LA VALORISATION
peuple doit se refléter dans une organisation
DU PATRIMOINE
et un style qui nous soient propres. » Si hier le patrimoine était le combat Si cette défense a amené les politiques
des édiles de l’architecture et de la société, il
comme les citoyens à définir ce concept, on
est aujourd’hui un « phénomène populaire »
voit aujourd’hui que de plus en plus de constru-
comme le défini Régis NEYRET. « Aujourd’hui
ctions entrent dans le champ patrimonial,
il semble que le patrimoine reste le dernier
non pas parce qu’ils sont esthétiquement
élément de permanence et de référence
comparables
mais
dont les hommes disposent encore dans ce
parce que par leur morphologie, typologie,
monde qui leur échappe en bougeant tout le
programme, histoire... il traduise une partie
temps. […] le goût et le désir de patrimoine
de notre héritage architectural, historique,
sont devenus des phénomènes populaires
national (patrimoine militaire, industriel...). On
incontournables marqués à la fois par la peur
voit une généralisation de la patrimonialisation
du changement et par le désir de valorisation
des constructions du XXème siècle, souvent
d’un héritage » [7]
à
des
monuments
qualifiée de patrimoine sans qualité (qui ne ruine pas, qui n’est pas fait de pierre taillée...)
Il n’est presque plus d’actualité que de débattre
mais qui pourtant est le témoin érigé de notre
sur l’intérêt patrimonial d’un édifice. On voit
culture et de notre histoire. Cette tendance au
même que des édifices tout récemment
«tout-patrimoine» s’est généralisée depuis le
construits trouvent un intérêt patrimonial car
milieu du XXème siècle.
ils traduisent une façon de voir la société à de
un moment précis. Si la protection législative
conservation : non seulement les églises, les
du patrimoine a fait débat pendant longtemps
châteaux et les quartiers anciens, mais aussi
en Europe (faut-il protéger, à quel degré,
les bateaux […], les usines abandonnées, les
qu’est ce qui est ou n’est pas patrimoine ?…)
lavoirs, les fours à pains […], les constructions
aujourd’hui le patrimoine tend plus à être
de fer, de terre ou de béton. » [6] Si quelques
valorisé que reconnu. Car s’il est nécessaire
édifices font débat, les populations sont assez
de patrimonialiser à minima pour assurer une
heureuses de pouvoir conserver au minimum
reconnaissance minimale des constructions
des fragments de leur histoire.
dignes de reconnaissance des institutions…
«Tout
devient
aujourd’hui
digne
les questions se posent d’avantages sur La ville se voit donc dotée de constructions
l’usage de ce patrimoine. Car un patrimoine
extrêmement différentes (immeubles, hôtels
« mort » n’est plus d’aucune utilité autre que
particuliers,
celle esthétique s’il est privé de toute fonction
monuments,
usines...)
qui
trouvent leur reconnaissance patrimonial dans des critères radicalement variés mais qui font [6] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 10
partie au même titre du paysage architectural et patrimonial de la ville du XXIème siècle.
[7] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 12
33
utilitaire. Ce qu’Aloïs Riegl définissait par la valeur d’utilité. Un monument ne peut exister s’il n’est pas utilisé. Il est nécessaire de préserver les activités du monument et de le réparer à cet effet. Un monument (patrimoine au sens de Riegl) a du sens par son utilisation Il est cependant nécessaire de rester prudent sur la vision de Riegl quand à l’utilité du patrimoine. Il considère que le patrimoine doit conserver sa fonction d’origine. Pour ce Fig. 12 : Ancien Arsenal, Hôtel, centre des congrès et de conférences, espaces d’expositions, Architecte : Stefano Boeri, La Maddalena
dernier le patrimoine trouve sa force dans la fonction qui lui est attribuée. Cependant un palais vénitien édifié à la Renaissance ne saura plus jamais trouver sa fonction originelle au XXIème siècle tout comme un ancien fort intégré dans la ville contemporain ne saurait trouver une fonction de défense dans un pays où les conflits ne viennent plus de la ville voisine. Il convient donc de prendre acte de cette nécessité d’utilité pour proposer une vie contemporaine au patrimoine d’hier. (comme les exemples ci-contre) Si la patrimonialisation et sa législation fut le premier acte de la reconnaissance et
Fig. 13 : Palazzo Rosso, Musée de la ville, Architecte : Franco Albini, Gênes
de la protection de celui-ci, le second acte fut certainement la reconnaissance par les populations. Aujourd’hui le patrimoine semble entrer (et cela depuis plusieurs années) dans son troisième âge, celui de la valorisation. Va-ton aller vers ce que Régis Neyret définit, dans un texte intitulé Le patrimoine valeur ajoutée, comme « le marketing de la nostalgie » ?
Fig. 14 : Marché des fruits et légumes, Village Olympique, Architecte : AIA, Turin 34
retire les communes qui se lancent dans une
2 / LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DE LA MUSEIFICATION
protection de leur patrimoine qui parfois peut aller jusqu’à la patrimonialisation de quartiers entiers voir de la ville entière.
« Le patrimoine sans la vie n’est qu’une coquille vide de Bernard-l’ermite agréable à
La muséification induit nécessairement une
l’œil mais tout juste bonne à décorer un coin
dimension économique qui régit la ville par
d’étagère. Avec la vie, sa valeur d’identité lui
la suite. Car le patrimoine, s’il est entré
donne tout naturellement sa place dans le
dans les consciences collectives comme un
monde du XXème siècle. » [8]
élément essentiel de la culture commune, est devenu une source de tourisme et donc de
Le patrimoine ne se suffit pas dans la
revenus économiques pour les communes.
ville par sa fonction de décor urbain. Il trouve
Le patrimoine a profité de la publicité faite par
réellement une valeur ajoutée lorsqu’il est «
les organismes nationaux ou internationaux
exploité » et valorisé. Ce que les autorités des
comme l’UNESCO. Nombreux sont les pays,
communes italiennes ou européennes ont très
dont l’Italie, qui misent sur le tourisme culturel
vite compris.
et leur patrimoine pour attirer les touristes du
Le patrimoine devient très rapidement un
monde entier. L’Italie représente la cinquième
atout majeur des villes qui en possèdent une
destination touristique mondiale, la troisième
collection impressionnante par leur valeur,
en Europe derrière l’Espagne et la France avec
leur nombre, leur variété… Ainsi se met en
des recettes, dues au tourisme, supérieures
place une « course à la patrimonialisation »
à 43 000 millions d’euros pour l’année 2011
véritable marathon vers la protection et la
(source INSEE). Pour certaines villes, le
valorisation du patrimoine. Ainsi se met en
tourisme culturel est une des seules ressources
place un processus de muséification qui tend à
économiques. Il est donc nécessaire pour
protéger de tout son possible une quelconque
elles de développer au maximum cette filière
construction digne d’un intérêt patrimonial.
économique.
La ville italienne, s’est naturellement tournée
Le XXème siècle, siècle de la mondialisation
vers
et de la culture de masse, a vu le tourisme
l’exploitation
de
cette
ressource
patrimoniale riche et variée. Quelle meilleure
s’imposer
comme
composante
populaire.
idée que de muséifier la ville, de proposer un
Les vacances se sont démocratisées, en
tourisme autour de la mise en valeur et de
particulier en Europe, la ville a délaissé ses
l’exploitation du patrimoine bâti ? Cet intérêt
activités de travail (production) situées en
pour le patrimoine donne naissance aux
centre-ville. La ville insalubre, délabrée, du
concepts de ville-musée ou de muséification
travail a laissé place à un visage pittoresque,
de la ville. Celle-ci vise à se transformer en
de contemplation...
véritable musée urbain dans lequel l’œuvre d’art serait le patrimoine et le musée, la ville elle-même. Valoriser
le
patrimoine,
sauvegarder
le
[8] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 13
patrimoine. Oui mais à quel prix ? Et qu’en
35
0 36
02 02
LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE, VILLE-MUSÉIFIÉE : MYTHE OU RÉALITÉ ?
37
38
02
A - PROFESSIONNELS, TOURISTES ET VILLE MUSÉE : QUELLE VISION DE LA MUSÉIFICATION ? La
ville
musée
est
un
concept
variables et nuancées mais pour comprendre
cependant assez vague. A quoi ressemble-t-
globalement le regard de ces personnes sur le
elle ? Quels en sont les aspects ? Il est alors
sujet, une simplification a été opérée.
nécessaire de prendre du recul sur la question
On note alors ces réponses possibles :
de la ville-musée en général qui accueille
> Critères esthétique :
chaque année un nombre de touristes toujours
Cohérence spatiale / Caractère figé
plus nombreux. Cependant comment peut-
> Critères historique :
on définir cette ville ? Et qu’en pensent les
Historicité / Manque d’authenticité
touristes ?
> Critère réglementaire et d’aménagement : Mise
en
valeur
spatiale
/
Contraintes
réglementaires
1 / DU COTÉ DE LA PROFESSION
> Critères fonctionnel : Manque
de
vitalité
/
Monofonctionnalité
touristique / Dynamique touristique On voit très bien aujourd’hui qu’il existe
Ces réponses ont été dénombrées et classifiées
un consensus dans le milieu architectural,
pour donner le graphique de répartition suivant
touristique
de ces critères et leur redondance :
et
urbanistique
autour
des
problématiques de ces villes dotées d’un patrimoine architectural impressionnant et tournées vers le tourisme culturel. En effet on peut pour cela s’appuyer sur plusieurs enquêtes menées par des chercheurs mais aussi par des étudiants. Dans ce cas là, nous allons tirer profit d’une enquête menée par Amélie MARTIN, une étudiante de Paris 1 – Panthéon Sorbonne en Master professionnel Tourisme. Elle a effectué un sondage en 60 étudiants, chercheurs et professionnels issus du monde du tourisme sur la question de la ville muséifiée. Il est nécessaire de s’intéresser à ses résultats. Elle arrive à classifier les réponses des personnes suivant quatre critères : fonctionnels,
esthétiques,
historiques,
et
aménagement et réglementation. Chaque critère donne un nombre de réponses Fig : Répartition des critères de muséification 39
On note alors que pour les personnes de la
été repris la même trame que celle adoptée
profession (étudiants, chercheurs ou encore
pour les critères tiré du questionnaire présenté
professionnels) les principaux critères restent
précédemment. En effet, les personnes ont
la mise en valeur spatiale, la dynamique
été soumises à 4 questions sur chacun des
touristique et la qualité historique du site, avant
sujets (fonctionnalité, esthétique, historique
d’autres critères comme le caractère figé ou
et réglementation et aménagement) à laquelle
encore le manque de vitalité.
il ne pouvait répondre des réponses précises pré-définies indiquant qualités et défauts de la
On note alors que les personnes soulèvent
muséification . Ces personnes ont été choisies
avant tout les qualités apportées aux espaces
dans des agences de voyages, offices de
muséifiés avant les défauts possibles. En
tourisme principalement et dans l’entourage.
effet, en tant que principaux usagers de ces
Le questionnaire a été simplifié car l’initial
sites touristiques nous avons tendance à nous
était assez complexe et long à remplir pour
pencher sur le caractère « apparents » de ces
des personnes n’étant pas quotidiennement
espaces et non sur la vie au quotidien que l’on
confronté au milieu architectural.
peut retrouver. Mais à force de se préoccuper
Le but était de voir de quels critères ils
des qualités de ces espaces, nous avons
étaient conscients quant à la muséification
tendances à en oublier que ces espaces ne
en se basant sur les 4 critères de bases cités
sont pas des simples musées, mais le lieu de
précédemment.
vie de nombreuses personnes. On a donc obtenu les résultats suivants : Le défi de ce siècle sera de concilier notre attente vis-à-vis de la ville-musée en temps que touriste et celles des habitants de ces dernières. Et qu’en pensent les touristes ?
2 / DU COTÉ DES USAGERS
Chaque année le nombre de touristes augmente en Italie comme de partout en Europe. Fort de leur patrimoine et de leur reconnaissance
internationale,
les
villes
italiennes attirent des touristes à la recherche de
l’authenticité
patrimoniale
des
villes
italiennes. Afin de comprendre le point de vue des touristes sur le sujet, un sondage à été Fig : Répartition des critères de muséification, selon des touristes
mené auprès de touristes de ces villes. Il a
40
Ce
questionnaire
a
donc
permis
de
3 / MYTHE OU RÉALITÉ ?
comprendre que malgré les conséquences et les problèmes assez complexes que peut apporter la muséification, les touristes sont
Le questionnaire a donc permis de
demandeurs d’authenticité, de patrimoine et
distinguer deux regards. Celui-ci soulève de
de sa mise en valeur. Mais s’ils valident le fait
possibles problèmes pour la ville-musée dûs
que la ville-musée est figée, ils reconnaissent
à son exploitation touristique, sa protection...
la cohérence que peut avoir cet espace. Il ne
et une vision plus relative des touristes qui
perçoivent que très peu le manque de vitalité
semble assez confiante dans l’avenir de ces
de ces espaces et l’impact qu’a le processus
ville-musées.
de muséification sur la vie en place : gentrification, disparition des commerces, des
Pour cela nous allons nous intéresser à
artisans... Et c’est sur ce point précis qu’il est
plusieurs villes pour voir s’il est judicieux de
essentiel de travailler. Comment maintenir la
se reposer sur notre confiance dans l’évolution
vie au sein de la ville-musée sans toutefois
et le futur de ces villes ou s’il faut au contraire
compromettre l’exploitation du patrimoine à
surveiller ces sites devenus touristiques.
des fins touristiques et pour doper l’économie de la ville ?
En effet, pourquoi se retourner vers le centre-
Cette enquête nous montre aussi que dans
ville s’il est impossible d’y vivre ? Ce qui était
l’idéal des touristes, la ville-musée italienne est
important de comprendre c’était de voir ce que
avant tout une ville qui fonctionne, authentique
recherchait le touriste, ce qui l’intéresse et ce
et dynamique. Est-ce un a priori ? Ou le
dont il prend conscience en visitant une ville-
résultat de politiques qui fonctionne ? Où ce
musée (réglementation stricte, disparition de
qu’ils recherchent ?
commerces de proximité, embourgeoisement
A nous de comprendre la recette qu’elles ont
des populations, rigidité de l’urbanisme...)
pu mettre en œuvre.
Pour voir qu’elle différence il peut y avoir entre visiter et vivre avec le patrimoine. Nous
Une enquête n’a pas été menée auprès des
essayerons d’analyser les actions qu’ont pu
habitants car trop complexe à mettre en œuvre
avoir les municipalités au XXIème siècle pour
si l’on veut un maximum de personnes de
assurer l’avenir du tourisme et de la vie dans
villes italiennes différentes. Mais la suite de ce
la ville-musée.
mémoire permettra de mettre en lumière les problèmes possibles afin de la confronter aux
Si certaines villes ont joué le périlleux jeu
attentes des touristes
du tout-tourisme, de l’immobilisme, du toutpatrimoine, qu’en est-il aujourd’hui ?
41
Fig. 15 : Place Saint Marc Venise 42
02
B - DU DANGER DE LA MUSÉIFICATION « PASSIVE » DES VILLES ITALIENNES, VENISE, MANIFESTE D’UN ÉCHEC ?
Les atouts de la muséification semblent
Venise, la ville insulaire, la légendaire cité
être évidents et nécessaires à certaines villes
des Doges, semble être l’exemple adéquat
italiennes qui à l’heure de la mondialisation se
pour surligner les points qui peuvent poser
vident de leurs industries, de leur artisanat...
question dans la ville ancienne, et qui par
au profit d’un tourisme tourné autour d’une
conséquent est soumise au tourisme culturel
ressource patrimoniale inépuisable.
et patrimonial. Cette ville qui fait le bonheur
Si cependant la tentation d’une course
des agences de tourisme du monde entier
à la patrimonialisation et d’une politique
et des touristes, et la fierté des italiens nous
patrimoniale du « tout-préservé » se met en
permettra de comprendre les limites du modèle
place sans prise de conscience collective des
de protection et de valorisation du patrimoine
conséquences sur l’urbanité d’un site, d’un
architectural et urbain.
quartier ou d’une ville, les résultats peuvent parfois être plus destructeurs pour la ville.
La ville vénitienne présente de nombreuses
Les mots choisis sont assez forts mais il faut
caractéristiques qui reflètent les points critiques
bien être conscient de ce que la muséification
de la muséification que nous aborderons dans
entraîne obligatoirement dans son sillage.
une étude de cas assez succincte. L’enjeu de cette partie est avant tout de surligner
L’enjeu de ce mémoire ne réside pas dans
le paradoxe qu’entretient la ville entre une
le blâme de la politique de muséification
renaissance touristique et un délaissé des
entreprises par les villes car celle-ci est une
questions urbaines. On critique essentiellement
voie patrimoniale aux enjeux économiques
la ville-musée, sur ses conséquences au
souvent
la
niveau de la population autochtone, sur sa
population en place, mais il s’agit de pointer
rigidité, sur sa surprotection… Est-ce vraiment
les aspects négatifs de la muséification pour
cela ? Peut-on tout imputer à la muséification ?
attirer l’attention sur les erreurs à ne pas
De même qu’apporte réellement le processus
commettre.
de muséification à la ville ? Pour et contre
nécessaire
au
maintien
de
seront mis face à face pour proposer un portrait Toutes les villes d’Italie n’ont pas connues le
critique de la ville muséifiée.
même destin, riches d’un patrimoine et d’une activité touristique et économique variée. Il
L’analyse d’anecdotes sur la ville insulaire et les
n’est donc pas possible de classifier ces villes
points critiques mis en avant par les spécialistes
selon leurs réponses à la valorisation de leur
de la muséification nous permettront d’élaborer
patrimoine. Cependant on peut trouver des
un portrait des pathologies engendrées.
éléments de réponses à la muséification dans l’analyse de certaines villes.
43
1 / VENISE, DU PORT AU TOURISME, A LA RECHERCHE D’UN IDÉAL FIGÉ ?
« Venezia che muore, Venezia appoggiata sul mare, la dolce ossessione degli ultimi suoi giorni tristi, Venezia, la vende ai turisti » [ « Venise qui se meurt, Venise appuyée à la mer, la douce obsession de ses derniers jours tristes, Venise la vend aux touristes » ] Francesco Guccini, Venezia. L’histoire de Venise n’est un secret pour personne. Il est cependant nécessaire
Fig. 16 : Venise, La cité insulaire, la lagune et le continent
de la rappeler, afin de comprendre quel fut le visage de la ville auparavant et pourquoi il est celui que l’on connaît aujourd’hui. Edifiée au Vème siècle elle devient rapidement une ville très influente de l’Italie du Nord avec Gênes. La puissance de Venise résidait dans deux points précis : sa flotte navale ainsi que son commerce (fig.17). Elle restera pendant plusieurs siècles un port marchand très influent en Méditerranée. Sa renommée fut aussi forgée grâce à une influence en matière d’art, d’architecture, de littérature, de poésie qui faisait de Venise une des seules
Fig. 17 : Le Pont Rialto depuis la Riva del Vin Venise Michele Marieschi
villes capables de rivaliser avec Florence sur de nombreux domaines artistiques. La grandeur de la ville insulaire se trouvait donc renforcée par une renommée artistique mais aussi économique et politique. Ce n’est qu’au XIXème siècle que Venise s’est trouvée obligée de se séparer de ses activités portuaires face à l’industrialisation des ports et l’importance des ports de Méditerranée comme Gênes. Elle s’est donc tournée vers le tourisme orienté autour de son patrimoine exceptionnel sur l’île. Aujourd’hui l’ensemble de l’économie de la ville est tournée vers le tourisme et les services. En effet, en 2011, la ville de Venise a accueilli plus
44
de 23 millions de touristes, générant ainsi plus
2 / QUELLE AVENIR POUR LA VILLE HISTORIQUE ?
d’un milliard et demi de chiffre d’affaire. Aujourd’hui la ville a tout misé sur le tourisme, devenu un tourisme de masse. Ces derniers sont en quête de « la ville romantique ».
La ville a depuis plusieurs décennies
Et c’est avant tout ce que recherchent les
essayé de sortir de cet idéal de la vieille pierre
touristes : une ville comme sur les cartes
dans son « contexte adéquat ». Plusieurs
postales. Ils espèrent pouvoir repartir avec la
architectes s’y sont confrontés. Venise est
photo de Saint-Marc, du campanile, faire un
assez hostile par nature à toute intervention
tour de gondole sur le Grand Canal en passant
moderne.
sous les multiples ponts de la Cité des Doges. C’est un idéal qu’ils recherchent car ils sont friands de l’authentique, c’est-à-dire du comme
LA DISCRÉTION, L’ÉPHÉMÈRE OU RIEN
avant. Alors pourquoi changer quelque chose lorsque l’on peut profiter d’un patrimoine
En particulier Carlo Scarpa. L’architecte
impressionnant qui se suffit à lui même ?
d’origine vénitienne à réussi à intégrer son
La ville de Venise se transforme peu à peu
architecture à la rigidité patrimoniale de
en une île isolée du monde et qui tend à être
Venise. Intégrer est un mot assez fort, il a
dépendante du continent. La ville portuaire
plutôt réussi à tisser avec le contexte pour
qui savait vivre de son commerce et de son
créer une architecture qui vient se glisser dans
artisanat perd aujourd’hui cette qualité qui lui
la ville. L’école d’architecture par sa sobriété
était reconnue par tous au profit d’une industrie
se glisse dans le tissu urbain. (fig.18)
touristique qui semble plutôt bien fonctionner. Cependant la ville semble figée dans un idéal esthétique et urbain qu’il semble aujourd’hui difficile de combattre. Le tissu urbain n’est plus du tout adapté aux ambitions du XXIème siècle et le centre-ville (qui représente en fait l’ensemble de la cité) est classé pour son patrimoine architectural et urbain. Alors que faire lorsque sur une si petite zone (800 hectares) lorsque rien ne peut être modifié et tout doit être repensé pour attirer encore plus de touristes. Venise s’est laissée piéger dans un idéal qu’elle a su préserver des modifications mais qu’elle souhaiterait volontiers adapter au nouveau siècle qui vient de débuter. Fig. 18 : Ecole d’architecture de Venise, un travail de couture urbaine, Carlo Scarpa
Alors que peut Venise face à son ambition touristique?
45
« Paradoxalement, j’ai envie de dire que Venise pourrait accepter les choses les plus modernes » confie l’architecte lors d’un entretien en 1979. Cependant il s’agit ici plus d’un art de la couture urbaine plus que de la planification, de la rénovation ou encore de l’adaptation urbaine. Scarpa propose de mettre en scène la ville et le patrimoine au lieu de venir jouer avec le contemporain comme une affirmation de l’ère actuelle. Ces interventions de Scarpa affirment certainement le fait qu’il est aujourd’hui difficile de produire du contemporaine dans la ville de Venise. Car elle ne peut l’accepter en son sein. D’autres architectes ont tenté l’aventure vénitienne comme Tadao Ando en 2011 avec la reconversion de la douane de mer en centre d’art contemporain (fig.19) qui vient
Fig. 19 : Centre d’art contemporain, Douane maritime, Tadao Ando, Venise
comme une intervention sous-marine se loger dans un bâtiment existant, ou encore Santiago Calatrava en 2008 avec le Ponte della Costituzione (fig.20). Si l’intervention du premier fut peu critiquée, la posture contemporaine
radicalement
affirmée
de
Calatrava associant acier et béton fut vivement remise en question. Le pont fut rapidement tagué (Qui é morta la cultura [Ici est morte la culture]) et l’inauguration retardée par des contestations nombreuses. Continuons notre survol des interventions architecturales dans la ville de Venise, ou plutôt
de
ces
non-interventions,
projets
architecturaux avortés. L’un d’entre eux est un projet de Frank Lloyd Wright en 1952 pour Paolo Masieri qui souhaite édifier un palazzino à la mémoire de son défunt fils. Dès lors l’architecte propose sur une parcelle Fig : Ponte delle Costituzione, Santiago Calatrava, Venise
triangulaire, en lieu et place d’une ancienne construction appartenant à la famille Masieri,
46
une construction répondant à l’ensemble des principes de l’architecture organique si chère à ses yeux. Le projet est d’une finesse époustouflante (fig.21). Il vient se glisser dans le tissu urbain avec aisance. Les gabarits proposés par l’architecte assurent une relation équilibrée avec la ville vénitienne. Si sur le papier, l’aventure vénitienne de Wright semble être un succès, il en est pas de même sur le plan politique et de l’opinion publique. La ville de Venise est une des rares cités où
l’ensemble
scénographié
de et
l’espace
existe
par
urbain et
est
presque
Fig. 21 : Memorial Masieri, FL Wright, 1953, Modélisation par Dionisio Gonzalez, 2011, Venise
uniquement grâce à l’architecture. Modifier une façade (ou un bâtiment) revient à modifier un espace urbain. On présente alors Wright par un caractère fictif de novateur méprisant la culture et le classicisme. On fait de son origine (les Etats-Unis dont l’histoire est récente) un motif de mépris de l’architecture historique et du patrimoine. Alors qu’il se veut en dialogue d’une grande finesse avec l’existant, l’opinion publique s’oppose farouchement à l’architecte. Et pourtant l’architecte s’adapte mais au fait
Fig. 22 : Hopital de Venise, Le Corbusier, 1965, Modélisation par Dionisio Gonzalez, 2011, Venise
qu’il construit une partie du « mur » du Grand Canal. Mais rien n’y fait et le projet sera finalement abandonné devant l’opposition de l’opinion publique. A cet exemple s’ajoute d’autre projet comme celui de Le Corbusier pour l’hôpital de Venise (fig.22 & fig.23) qui contrairement au projet de Wright assume totalement sa modernité (pilotis, béton brut, volumes simples…). Mais rien n’est à faire, Venise a décidé de rester dans un idéal classique et conservateur. Cependant si à certains siècles la ville a su
Fig. 23 : Hopital de Venise, Le Corbusier, 1965 Venise
ouvrir ses bras à des architectes qui ont donné à Venise un air de nouveauté et d’inscription dans son siècle avec des projets comme le Palais des Doges, la Place Saint-Marc et sa
47
Cathédrale… elle semblent aujourd’hui dans une inertie conservatoire dont elle semble ne pas pouvoir se débarasser. La ville trouve aussi son attraction touristique dans les différents festivals organisés chaque année et en particulier la désormais célèbre Biennale d’architecture. Des interventions contemporaines ont su se glisser dans la ville de Venise lors cette manifestation. Ces réalisations ponctuelles ne reçoivent qu’une très faible opposition
Fig. 24 : Radix, Biennale de 2012 Aires Mateus, Venise
des vénitiens qui comprennent leur caractère éphémère et qu’ils perçoivent plus comme de l’art urbain que comme une intervention architecturale ou urbaine. Les frères Aires Mateus ont réalisé une sculpture en acier corten sur les quais de Venise en 2012 (fig.24), Inter National Design propose une mosquée flottante faite de ballon pour la biennale 2010 de Venise flottant dans la lagune (fig.25). Globalement les vénitiens sont plutôt hostiles à toute intervention contemporaine dans la ville historique de peur de confronter les « styles ».
Fig. 25 : Mosquée flottante en ballon, Biennale 2010, Inter National Design, Venise
Va-t-on alors arriver à ce que certains décrivent comme un Disneyland architectural et urbain où toute évolution ne serait qu’une oeuvre d’art et où la fonctionnalité de l’espace serait avant tout une composante secondaire. « Venice is the first urban theme park. Like any other theme park, it is full of attractions. » [9] La ville de Venise est-elle en train de devenir un véritable musée urbain ? Y a-t-il une vie en dehors du tourisme ?
L’AVENIR HORS LES MURS Dans une exposition organisée par Moleskine et Julien de Smedt Architects, [9] KAY John, 2008, “Welcome to Venice, the theme park”, in The Times, 01/03/2008, Londres.
Détour
48
Mapping
Contemporary
Venice,
l’architecte propose un projet pour inscrire la ville dans l’ensemble des villes et métropoles contemporaines rayonnantes. La proposition semble être une non-solution pour la ville historique. Les constructions contemporaines ne viennent pas se greffer à la ville ancienne mais créer une ceinture sur la mer (fig.26). Les nouveaux bâtiments ne sont pas soumis à la contrainte urbaine. Est-ce une façon de faire passer un message
Fig. 26 : Exposition Détour Mapping Contemporary Venice Julien de Smedt
à la ville ? L’hyper densité patrimoniale est par ailleurs un frein à toute intervention architecturale contemporaine ou à toute modification urbaine car le moindre projet remet en question la présence d’un édifice digne d’être conservé. De même les projets d’envergure pour Venise ne se trouvent plus sur la mer mais bien sur le littoral. Pierre Cardin souhaite réaliser une tour haute de 245 mètres à quelques kilomètres seulement du centre historique. Ce « Palais lumière » (fig.27) accueillera un complexe composé de logements, de bureaux mais aussi de commerces et de centres de congrès. Ce projet a immédiatement fait débat alors qu’il ne touche même pas le centre historique de Venise. L’avenir de Venise se trouve-t-il encore entre
Fig. 27 : Palais Lumière, une tour de 245 mètre de haut, Venise
ses propres murs ou faut-il penser à réfléchir la ville extra-muros, sur la lagune elle-même ?
IL FAUT SAUVER... LE TOURISME Aujourd’hui le patrimoine est largement conservé mais ce qui semble en péril c’est avant tout le tourisme. Chaque
année
la
ville
connaît
des
phénomènes d’inondations, les Acqua Alta. Et ces inondations conséquentes paralysent une
49
partie de la ville. Tout est alors mis en place pour assurer les déplacements des touristes avec des circulations sur pilotis (fig.28). Le projet Mose (fig.29), mis en place pour limiter ces phénomènes, ne trouve que très peu d’intérêt dans la protection des édifices mais avant tout dans la possibilité d’accueillir des touristes sur l’île même pendant les épisodes de montées des eaux. Venise veut-elle protéger son patrimoine ou juste s’assurer que
Fig. 28 : Touristes sur des circulations survélevés Venise
les touristes, friands d’un idéal architectural et urbain que tout le monde vante, trouve la ville de Venise comme on leur présente. « Je connais un pays étrange où les lions volent et marchent les pigeons » Jean COCTEAU Anecdote ou simple point appuyant la théorie selon laquelle le tourisme est l’ultime joker de Venise : il y a encore 20 ans les touristes se ruaient sur la place Saint-Marc pour photographier
les
pigeons,
partiellement
apprivoisés par les touristes et les grainetiers de la ville, qui occupaient une place majeure dans le paysage de Venise (fig.30). Face aux
Fig. 29 : Projet MOSE
dégâts occasionnés par ces derniers sur les édifices patrimoniaux, l’autorité municipale prend la décision d’interdire de nourrir ces volatiles en 1997, sauf pour la place SaintMarc souhaitant garder cette tradition avant d’étendre ce décret à la place reine de la ville en 2008. Après les hommes ce sont les pigeons, tradition pittoresque vénitienne, qui, sous le désir de la culture patrimoniale et touristique de masse, subissent le joug du tout-patrimoine
Fig. 30 : Les pigeons, patrimoine de Venise, aujourd’hui renié
car la protection n’est autre que la seule arme dont dispose Venise pour un jour peut être sortir de l’endormissement.
50
moyens d’investir pour accueillir les touristes
3 / OÙ EST PASSÉE LA VIE ?
qui sont près à dépenser une fortune pour rester quelques jours dans la ville la plus romantique au monde.
La ville de Venise tend à devenir un
véritable
musée,
accueillant
une
collection impressionnante de constructions
« A tout miser sur le tourisme, on finira par
patrimoniales
par
transformer les vénitiens en pandas à placer
définition un musée est un lieu qui accueille
sous la protection de WWF. » [10] analyse
temporairement du public, un lieu qui ouvre
l’ancien magistrat Felice Casson. L’habitant
ses portes le matin, accueille les visiteurs en
vénitien devient une exception dans le flot
journée et se vide le soir. Et c’est à peu près
quotidien des touristes qui arpentent la
ce qu’il se passe à Venise.
Sérénissime, une espèce qui semble en voie de
et
atypiques.
Mais
disparition. Peu à peu face au nombre toujours qui
croissant de visiteurs la ville voit l’artisanat
personnes
disparaître pour être remplacé par les produits
environ au XVème siècle et qui vivaient
chinois qui envahissent progressivement les
essentiellement de l’industrie portuaire et de
commerces.
l’artisanat, n’est plus que de 58.000 personnes
« Selon un enquête, les 20 millions de touristes
aujourd’hui dont la grande majorité vit du
(source 2009) dépensent, en moyenne, ici, 15
tourisme de masse.
euros ! C’est évident qu’ils achètent chinois ! »
La
population
représentait
résidante
environ
annuelle,
200.000
[11] soulève Gianni De Cecchi directeur de Le prix du foncier a augmenté à une vitesse
l’association pour l’artisanat Confartigianato. A
fulgurante
plafonds
Venise le tourisme de masse a tué l’artisanat
jamais atteints autour de 35.000 à 40.000
alors qu’il aurait pu l’encourager et promouvoir
euros du mètre carré dans la ville historique
le savoir-faire vénitien dans bien de domaines.
pour
dépasser
des
pour des constructions qui sont parfois vétustes ou en mauvais état. Les travaux de
Alors aujourd’hui, Venise est-elle le manifeste
réhabilitation peuvent parfois coûter très chers
de l’échec de la muséification ?
pour des personnes dont les revenus sont essentiellement basés sur le tourisme. La ville se dote donc d’une collection de constructions patrimonialement intéressantes mais qui ne répondent pas aux ambitions du XXIème siècle car trop vétustes, trop petites, mal éclairées et au confort inexistant. Seules les constructions situées dans les zones touristiques, le Grand Canal, autour des quartiers de San Marco et Fig. 31 : Evolution de la population vénitienne insulaire entre le XVème siècle et 2012
de Dorsoduro semblent encore en bon état. C’est pourquoi les agences de locations et les complexes hôteliers se ruent sur des
[10-11] Témoignages extraits de l’article de LUKSIC Vanja, SAUBABER Delphine, 2009. « La Moribonde est immortelle », L’Express, 30 avril 2009
constructions de ce types car elles ont les
51
0 52
03 03
LE XXIÈME SIECLE ET LA VILLE ITALIENNE : UNE POSSIBLE ÉVOLUTION ?
53
54
03
A - PEUT-ON ENVISAGER UN AVENIR POUR LA VILLE-MUSEE ?
L’analyse précédente nous a montré
sens du patrimoine, comme bien hérité du
qu’il existe une ambivalence entre la volonté
passé et d’une personne (ici d’une ville, d’une
de vitaliser le tourisme par la patrimonialisation
nation...).
et la muséification, cependant cela peut
La question à se poser n’est pas «comment
facilement
de
faire pour éviter de devenir comme Venise,
sur-protection,
figée, cristallisée (à jamais?) ?», mais bien
destruction d’emplois...) si cette volonté n’est
«que peut-on faire de ce patrimoine, de cet
pas gérée correctement dès sa mise en place.
urbanisme hérité des générations précédentes
Alors est-ce une fatalité que d’orienter la ville
tout en les combinant avec les volontés
vers le tourisme, d’exploiter le patrimoine et
contemporaines du XXIème siècle ?».
de développer une économie tournée vers la
« Nous avons en effet une tradition artistique,
politique culturelle ? Il semble que Venise soit
un
l’archétype d’un échec annoncé dès le début et
monumentale que nous voulons et que nous
soulevé très tôt par des architectes tels Sergio
devons conserver, car le sentiment de notre
BETTINI lors du refus populaire du projet de
peuple doit se refléter dans une organisation
problèmes
entraîner
une
(gentrification,
multitude
Wright.
patrimoine
d’histoire
et
de
beauté
et un style qui nous soient propres. » [12]
Alors quel avenir pour ce qui serait considéré comme une échec inné ? Faut-il céder à la volonté du touriste qui ne souhaite que voir
LA MUSEIFICATION SE RESUME-T-ELLE A
de « l’authentique » reflet d’une histoire,
LA SURPROTECTION DU PATRIMOINE ?
cristallisation d’un passé resplendissant ? Peut-on sous le dictât du tourisme oublié que
Avant de parler de fatalité il serait
la vie se trouve aussi entre les murs de la cité ?
intéressant de se pencher plus en détail sur la question de la muséification, terme de plus en plus péjoratif dans le vocabulaire urbanistique
CONSERVER, PROTÉGER, PLUS QU’UNE
et architectural.
VOLONTÉ, UNE NÉCESSITÉ Pour cela l’étude de Nicolas NAVARRO sur Aujourd’hui
il
n’est
pas
question
la ville et le tourisme nous sera une source
de détruire le patrimoine, il est même
majeure. Dans son article La muséalisation de
inenvisageable de se poser la question.
l’urbain, interprétation du patrimoine, recréation
Comme évoqué dans la première partie de ce
d’une urbanité, Nicolas NAVARRO met en
mémoire de recherche, le patrimoine n’est plus
exergue la différence entre muséification et
à protéger mais à valoriser comme certains
muséalisation des villes historiques et en
l’ont compris depuis bien longtemps.
particulier de leurs centres historiques.
Le patrimoine est vecteur d’une économie à développer certes, mais elle est avant tout le [12] GIOVANNONI Gustavo, 1998, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Editions du Seuil.
témoins d’une histoire, d’un héritage, véritable 55
En effet on a souvent tendance à parler de
service de la société et de son développement,
muséification des villes dites historiques, les
ouverte au public, qui acquiert, conserve,
laisser dans un idéal figé dans le temps, «
étudie, expose et transmet le patrimoine
des « pétrifications » muséales où l’urbanité
matériel et immatériel de l’humanité et de son
ne serait plus à même de s’exprimer ». Ce
environnement à des fins d’études, d’éducation
terme de muséification utilisé par bon nombre
et de délectation ».
d’urbanistes et architectes donne une vision
Le patrimoine doit donc dialoguer avec son site,
quelque peu négative de la ville, vue comme
et la population pour tenter d’exister dans l’ère
endormie et qui n’est plus en phase avec son
du XXIème siècle. Tout patrimoine doit trouver
siècle.
une fonction. La nécessité d’interprétation de
Ce terme fait appel à deux notions : celle du
ce patrimoine lui donne une légitimité dans la
« musée » et celle du « muséal ». Le musée
ville d’aujourd’hui. Il ne peut être une pièce
définit plus un côté figé, alors que muséal
de décor de la ville pour le bon vouloir des
renvoi à la notion de mise en exposition de
touristes friands authenticité labellisée.
scénographie, d’exposition.
« La patrimonialisation et la muséalisation
L’avenir se trouve-t-il autant dans l’espace
conduisent à la création d’un espace singulier
urbain, espace de scénographie, que dans le
au cœur de la ville. En voulant conserver
patrimoine et le bâti ?
les caractéristiques anciennes de la ville, en réintroduisant des fragments d’historicité, cet
Si le patrimoine a pendant des années été
espace semble représente un conservatoire,
considéré comme le monument, sa définition
un musée de l’urbanité ancienne. »
s’est complexifié au fil des années et intègre
On assiste à une redéfinition de l’espace
aujourd’hui une collection de constructions qui
public : la muséalisation ne vise pas à figer
n’ont pas été pensées comme tels (patrimoine
l’espace dans un temps donné mais à faire
urbain, industriel, militaire…).
évoluer cet espace pour l’adapter aux attentes
Une quantité de réglementation a ainsi
touristiques et urbaines contemporaines. Il
permis au patrimoine d’exister hors d’une
s’agit réellement d’un musée : la scénographie
reconnaissance comme tel, en particulier
évolue alors que les objets exposés restent les
en Italie qui a vu le développement de la
mêmes, même s’il peuvent être restaurés et
notion de patrimoine urbain au fil des siècles
présentés différemment.
grâce à des architectes et urbanistes comme
« La muséalisation serait alors un processus
Giovanonni. Le patrimoine affecte en effet
global qui touche à tous les aspects urbains
des zones alentours qui sont dépendantes
(habitations,
de l’image du cet élément patrimonial. Ces
aménagement urbain…) en conduisant, non
reconnaissances réglementaires et théoriques
pas à conserver tel quel un lieu patrimonial,
donnent au patrimoine une qualité d’existence
mais en offrant les conditions adéquates à une
dans le monde contemporain.
bonne appréhension de la valeur patrimonial
économie,
populations,
de celui-ci. » Prenons la définition du musée donnée par l’ICOFOM en 2007 : « Le musée est une
Il est donc essentiel de comprendre que la
institution permanente sans but lucratif, au
muséification n’est qu’un a priori de la question
56
de la protection du patrimoine, car il est plus
Ces deux villes vont nous aider à prendre
juste de parler de muséalisation pour mieux
conscience que la patrimonialisation et la
cerner l’attitude à avoir sur le patrimoine et
muséification (ou muséalisation pour être plus
l’espace urbain : le musée est donc une image
précis selon les termes de Olivier Navarro)
juste, il faut savoir composer un parcours, une
ne
nouvelle scénographie, de nouveaux usages
d’endormissement
pour des pièces de collections qu’elles soient
temporelle mais qu’un travail fin de réflexion
aussi impressionnantes qu’un Delacroix de
urbaine et architecturale peuvent amener la
2,5 m par 3 m, ou de la simplicité d’un vase
ville-musée dans une perspective d’adaptation
antique.
au XXIème siècle qu’elle n’aurait su envisager
sont
pas
nécessairement et
de
synonyme pétrification
auparavant. Cela demande certes un travail et un investissement de réflexion plus poussés, QUEL FUTUR POUR LES VILLES
mais au XXIème siècle il est aujourd’hui
ITALIENNES ?
évident qu’une cohabitation est possible entre l’ambition initiale de Venise de trouver
Heureusement
pour
l’Italie,
qui
dans le tourisme une nouvelle renaissance
représente un des pays les plus complexes
et les composantes sociales, économiques et
en matière de législation et de reconnaissance
politiques du siècle actuel.
patrimoniale et de qualité architecturale, il semblerait que les villes et communes aient intégré l’échec de Venise afin de ne pas copier un modèle trop souvent critiqué par le corps des architectes, urbanistes mais désormais aussi par les personnes externes à la pratique architecturale. Afin de comprendre comment ces villes ont pu s’émanciper du modèle vénitien qui semble la référence en matière d’exploitation du patrimoine à vocation touristique, nous allons nous intéresser à deux villes : Gênes et Rome. Gênes nous éclairera sur la façon dont une ville peut faire du patrimoine une valeur de rénovation urbaine alors que celle-ci ne l’avait jamais exploité auparavant. Quand à Rome, nous nous intéresseront plus à des projets contemporains particuliers pour comprendre qu’est ce que représente la construction contemporaine dans la «villemusée».
57
Fig. 32 : Porto Antico, Gênes, la ville palimpseste Au premier plan , Bigo et l’espace evenementiel de Renzo Piano Au second plan, la Sopraelevata, le Teatro Carlo Felice d’Aldo Rossi et la Cathédrale
Fig. 33 : Plan satellite de Gênes, Entouré, le centre historique à proximité du port 58
03
B - GÊNES : UN EXEMPLE DE MUSÉALISATION ÉQUILIBREE ?
ville ont pu être entrepris comme ceux de la via
1 / VILLE ATYPIQUE OU REFLET DES VILLES ITALIENNES ?
XX Settembre ou sur le port avec la Ripa Maris avec ses espaces de commerces en arcades. L’industrie portuaire a donc fait la fortune de la ville jusqu’au début du XXème siècle.
APOGEE ET RAYONNEMENT Il s’agit ici d’approcher la ville et sa
DECLIN DE LA PUISSANCE DE LA VILLE
typologie atypique par certaines anecdotes. Gênes est adossée au pied de montagnes et
Mais
construite sur cette frange de terre entre mer
très
vite
les
composantes
et montagne. Elle profite d’un golfe assez
industrielles, économiques et sociales du
profond ce qui l’a immédiatement tournée vers
XXème siècle ont perturbé le rêve et l’idéal
le commerce maritime dès le XIème siècle
génois. Au milieu du XXème siècle, la ville
pour devenir une place forte du commerce
a souhaité asseoir sa puissance portuaire
méditerranéen au Moyen-Age et finalement le
en développant un port et une industrie
port le plus influent de l’Italie à la Renaissance.
performante. Le port industriel a été construit
Le visage de la ville est assez atypique. Auprès
modifiant pour toujours le visage de la ville.
des palais des familles génoises se trouvent
La Sopraelevata, autoroute urbaine passe le
des quartiers d’habitat populaire.
long du port et sépare le vieux port du centre
Tournée essentiellement vers le commerce
historique de Gênes. Les quartiers anciens
portuaire, la ville a longtemps été cloisonnée
deviennent trop étroits, mal éclairés, insalubres
entre ses murailles dont la dernière datant du
et malfamés. La ville connaît ensuite dans la
XVIIème siècle a définit le visage de la ville
deuxième moitié du XXème siècle un déclin
jusqu’au XIXème siècle. Des lors la ville a du
industriel et la ville connaît la perte de plus
composer dans un centre étroit, dense (fig.33).
de 70000 emplois et de 200000 habitants. La
La ville s’est reconstruite sur elle-même,
population est de plus en plus vieillissante,
exemple même de la ville palimpseste (fig.32).
les friches industrielles se multiplient dans la
On y trouve de riches palais embellis au fil
périphérie génoise.
des siècles, peu d’espaces publics... Cette
Gênes semble sur le déclin, que de nombreuses
contrainte d’emprise au sol fait du centre-ville
villes portuaires et industrielles connaissent au
de Gênes, le centre historique le plus dense
XXème siècle en particulier en Italie.
d’Europe. Seulement au XXème siècle après l’annexion
Cependant la ville, confronté à la désindustri-
des communes alentours, et de développement
alisation, fléau du siècle, ne pourra pas
de l’urbanisme hors des murs, la ville a pu
sombrer longtemps dans la marasme qui a
respirer et se tourner vers les collines alentours
façonné le visage de la ville à la fin du XXème
pour s’étendre et accueillir plus d’habitants.
siècle.
Des lors des travaux d’embellissement de la 59
2 / LE RENOUVEAU DE LA VILLE : QUELLES OPTIONS ?
Pour sortir de cette impasse Gênes a pris plusieurs décisions : > Se tourner tout d’abord vers une richesse gratuite : la patrimoine et l’exploiter pour que le tourisme redynamise la ville, son centre historique et son port. > Assurer la mutation du port en port de
Fig. 34 : Nouveau port de Gênes, Port industriel et de passagers
containers et en port de passagers (fig.34). > Remplacer les industries lourdes (sidérurgie, raffineries) par des industries propres. > Accueillir des étudiants dans le centre-ville pour retrouver la vie. Notre
analyse
ne
portera
pas
sur
les
reconversions portuaires et industrielles mais sur celle du centre-ville. Cependant il est intéressant de noter que la ville ne s’est pas tournée uniquement vers le centre-ville et son patrimoine pour assurer à celle-ci un avenir dans le siècle actuel. Elle a mis en œuvre une multitude d’outils pour parvenir à sortir la ville de son déclin. Les résultats ont été surprenant
Fig. 35 : Porto Antico Premier jalon de la reconversion de la ville
cependant. L’activité du port à été multipliée par cinq, l’industrie de haute technologie se développe considérablement, le nombre d’entreprises est croissant, le chômage a baissé de plus de 5% (avant la crise de 2008)... En quelques mots Gênes a réussi sa reconversion et son adaptation. Le tourisme trouve donc une nouvelle place de choix dans la redéfinition du visage de Gênes. Auparavant, les touristes se tournaient vers Gênes pour son cimetière marin, dont les impressionnants mausolées jalonnent un
Fig. 36 : Place de la Cathedrale Un centre ville ancien d’une grande qualité architetcurale
parc arboré d’un qualité paysagère inégalable. Gênes n’était qu’une étape dans les voyages
60
vers le sud de l’Italie pour les touristes français,
génoise. Ce projet prend racine et devient un
allemands, suisses... Désormais Gênes est
véritable projet urbain pour la ville.
une destination touristique à part entière.
L’équipe d’architecte, menée par Renzo Piano,
Cela est dû en parti à deux opérations qui ont
a souhaité créer à Porto Antico un véritable
donner à la ville un visage qu’elle n’avait jamais
« morceau de ville », assurer une grande
eu et que peu de gens aurait pu déceler. Ces
porosité et une fluidité entre la ville et la mer et
deux opérations sont celles de Porto Antico
entre les espaces du port.
qui a permis la redécouverte du port antique (fig.35) en 1992 par l’opération menée par UN PROJET PAS À PAS
Renzo Piano, et celle du centre historique (fig.36) entre 1992 et 2004 (plusieurs secteurs
Dans un premier temps, en 1992 sont
successifs). Gênes a retrouvé la vie en se tournant vers
réalisés les travaux de reconversions des
son port et vers la mer, puis vers son centre
entrepôts du port. Ils accueillent alors le centre
historique. Ci après nous allons parcourir
des congrès, des restaurants, des galeries
ces opérations qui ont remis Gênes sur les
marchandes...
chemins d’un avenir ambitieux et assumé.
Une promenade est réalisée le long du port de plaisance et des constructions nouvelles sont réalisées : la capitainerie, un multiplex,
3 / RETROUVER SON PORT : UN PROJET INITIATEUR
la place des fêtes, et l’aquarium (un des plus grand d’Europe) constitue la pièce maîtresse du projet, même s’il a vivement été critiqué à sa réalisation car trop représentatif des
UN PROJET AMBITIEUX
activités que l’on peut trouver en bord de mer. Certains édifices dont l’entrepôt du
Il est important de noter que le projet
café à largement été remanié pour accueillir
de Porto Antico n’est pas un projet de tourisme
ses nouvelles fonctions, ainsi l’architecte de
pur comme pourrait l’être un projet lambda
l’agence RPBW n’a pas hésité à supprimer
dans une ville italienne touristique tel Venise.
plusieurs niveaux pour ramener l’édifice dans
Il est un projet pour les touristes et pour les
la taille des constructions du centre de Gênes
génois. Pour assurer sa métamorphose la ville
et pour libérer la vue sur la mer depuis la ville.
s’est d’abord tournée vers le cœur historique
Il est important de noter que les constructions
de la création de la ville à savoir son port.
existantes ont été mises à profit,, autant que les nouvelles, pour assurer un usage de l’édifice
L’idée même de Porto Antico réside dans la
et une continuité avec son histoire passée.
proposition de Renzo Piano. Il souhaite allier
Les espaces publiques sont peu travaillés
la ville de Gênes et de Séville (exposition
compte tenu de la rigueur financière du projet
universelle de 1992 dont le thème est « l’Ère
et le minimum est mis en œuvre pour assurer
des Découvertes ») dans la célébration du
la pérennité et la fonctionnalité de l’espace.
5000ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, d’origine
Le port fait parti de l’histoire de la ville et de son
61
Fig. 37 : Centre des congrès de Gênes Port de plaisance
Fig. 38 : Aquarium de Gênes 1992, agrandi en 1998
A B C F G
D
H
E
F - Piscine transformable en théatre (1998) G - Pavillon de la Mer et de la Navigation (1996), Multiplex (1997), Cité des enfants (1997) Médiathèque (1999) Music Store (2000) H - Centre des congrès (1992)
A - Aquarium (1992 - agrandi en 198) B - La sphère abritant une collection de fougères (2001) C - Place des fêtes (1997) D - Le Millo & Bigo (1992) E - Musée Emanuel Luzzati (2001)
Fig. 39 : Vue aérienne du Porto Antico, les différentes opérations réalisées A droite, la vieille ville, séparée du port par la Sopraelevata 62
patrimoine. Elle a réussi avec cette première
leur quotidien. Ci-après on peut voir un compte
phase du chantier de Porto Antico à concilier
rendu des chiffres que représente Porto Antico.
les activités touristiques et les activités
Ici se mêlent donc culture, loisirs, sports... La
manquantes à la ville telle que le centre des
ville a fait aussi confiance aux entrepreneurs
congrès (fig.37), ou les activités relatives au
pour proposer une nouvelle vie à se site. Ainsi
port de plaisance comme la capitainerie.
le projet d’avoir un immense Music store à commencé avec l’installation d’une petite
La deuxième partie de l’opération lancée en
boutique de disque qui s’est agrandie petit à
1996 vient encore plus lier le Porto Antico à
petit consciente de son succès pour obtenir la
la ville et à son centre. Cette seconde tranche
licence Virgin. Il faut non seulement que les
est essentiellement tournée vers un public
pouvoirs publics contrôlent le projet mais les
génois. Ainsi la ville ne souhaite pas rendre
entrepreneurs doivent pouvoir être force de
la vie sur le port uniquement tournée vers les
proposition et assumer les résultats.
touristes (avec par exemple l’aquarium (fig.38)
Cette opération urbaine est donc le témoignage
ou encore les restaurants et commerces) mais
qu’une
souhaite installer un programme original : la
uniquement tournée vers le touriste mais peut
Cité des Enfants qui accueille la plus grande
amener un dynamique à tout un site.
médiathèque
mais
Cet exemple est particulier certes car il
aussi des musées d’arts et de sciences,
n’est pas réellement une muséalisation car
des équipements sportifs avec entre autre
le patrimoine portuaire atypique se prête
un gymnase et une piscine... Cette nouvelle
facilement à la reconversion, mais l’agence
tranche accueille des fonctions qui viennent
aurait pu jouer le jeu de la neutralité.
compléter l’offre de la ville de Gênes quant
Si
à son attractivité pour les résidents et les
renouvellement urbain de Gênes, il est
potentiels nouveaux habitants.
initiateur principalement de la redécouverte
pour
enfants
d’Italie,
orientation
Porto
Antico
touristique
a
initié
le
n’est
pas
projet
de
du centre ancien. La ville ne s’est pas reposée sur son patrimoine pour attirer le public, elle a LES RAISONS DU SUCCÈS
su provoquer son dynamisme. Chiffre d’affaire : 10,8 millions d’euros Investissement : 60,7 millions d’euros (sur 8 ans) 900 emplois crées (sans transferts d’emplois depuis le centre-ville) 3,5 millions de visiteurs (dont 1,2 millions pour l’aquarium)
L’élément clé qui a assurer la réussite à long terme reste peut être le fait que la ville a décidé, en 1995, de confier intégralement la gestion du port à la société Porto Antico SPA ce qui libère la ville du poids de l’opération et
130000m² crées (dont 70000 d’espace public) > 28% culture et science > 21 % congrès > 18 % loisirs et éducation > 14% services et parkings > 12% commerces et restauration > 7% bureaux
laisse à la société la liberté d’intervenir plus librement et rapidement alors que la législation italienne reste très complexe. Aujourd’hui, après 20 ans d’exploitation, le projet est un véritable succès auprès des touristes de plus en plus nombreux et auprès
Fig. 40 : Porto Antico en chiffres (source Porto Antico SPA 2003)
des génois qui ont intégré ce quartier dans
63
4 / RETROUVER SON CENTRE-VILLE : LA FINALITÉ DU PROJET
UN LIEU IMPOSSIBLE A VIVRE ? « Le centre-ville [de Gênes] était la la fois le trésor de la ville et son handicap ; il fallait transformer le handicap en potentialités, ouvrir la boîte à bijoux » [13] Tel était le problème le problème de Gênes :
Fig. 41 : Faculté d’architecture de Gênes
jouir
d’un
centre-ville
exceptionnel,
d’un
patrimoine varié et de qualité sans avoir les moyens de le remettre à la place qui lui est dues. Comme expliqué auparavant Gênes n’est sorti de ses remparts qu’au XIXème siècle. Les rues étroites, les bâtiments très hauts de 5 à 6 étages en moyenne dans le centre-ville lui donne un visage tout particulier mais en fait aussi un handicap notable. Le centre ancien se vidait alors peu à peu de ses habitants, l’insécurité explosait, les difficultés d’accès Fig. 42 : Teatro Carlo Felice
compliquait la vie dans le centre, le manque de lumière et l’insalubrité repoussait de nombreuses personnes à s’installer ici. Peu à peu le centre-ville ancien a accueilli des activités de recel de drogue, a servi de refuge aux immigrés et SDF... Comment
pouvait-on
sacrifier
un
centre
exceptionnel comme celui de Gênes car il n’était pas « compatible » naturellement avec les activités du siècle actuel ? Pendant des années, cette ville a laissé son patrimoine architectural d’exception de côté pour s’intéresser plus à l’expansion de la ville hors les murs. Elle n’avait alors pas conscience
[13] GABRIELLI Bruno, ancien adjoint à la qualité urbaine de la ville de Gênes dans MASBOUNGI Ariella (sous la direction de), 2001. Gênes : penser la ville par les grands évènements, Parenthèses. pp 91
de la valeur de son centre ancien.
64
En 1960, la municipalité lance une série
Par ces quelques projets et par la dynamique
de réflexion sur le centre-ville et la ville en
apportée par le renouveau du port, des axes
générale mais ces réflexions n’aboutissent sur
de la ville sont rénovés, assainis, pavés... afin
aucun projet urbain ou de renouvellement du
de redonner aux différents quartiers un visage
centre.
de ville « vivable ». Ces projets ont par la
Dès les années 80-90, la ville met en place
même occasion permit le développement de
un projet de transformation urbain. Il est
commerces de proximité, de boutiques et de
alors question d’investir massivement pour
bars à cause et surtout grâce à cette nouvelle
le centre ancien afin de doper l’économie
population qui s’installe et redécouvre le
et
centre-ville.
le
renouvellement
de
l’ensemble
de
l’agglomération génoise.
Sont donc mêlées les ambitions pour les touristes ainsi que pour les habitants.
L’objectif est simple : Gênes sait qu’elle ne peut pas exister que par le tourisme. Alors il lui
Les projets d’espaces publics de 1992 sont
faut concilier la vie quotidienne des habitants
donc les premiers jalons de la reconversion et
avec celle des touristes.
de la redécouverte du centre-ville de Gênes par ses habitants et ses touristes.
QUELQUES PROJETS INITIATEURS ET
Cependant si les ambitions de renouveau
UNE MAIN TENDUE VERS LE PORT...
prennent forme à la fin du XXème siècle dans le centre de Gênes, Il manque une cohésion
Le projet de Porto Antico trouve son
de l’espace public pour assurer un avenir au
écho dans le centre de Gênes. Alors que tout
projet.
l’ancien port est en effervescence, quelques
En 2001, la municipalité fait l’un des projets
zones de la vieille ville tente de sortir de
les plus bénéfiques pour la ville de Gênes : la
l’endormissement. Ainsi dès 1972 la faculté
piétonisation et la requalification urbaine de
d’architecture (fig.41) s’installe en plein cœur
via San Lorenzo qui relie le Palazzo Ducale
de l’ancien quartier dans l’ancien palais de
au Porto Antico en passant par la Cathédrale.
l’Evêque, le Teatro Carlo Felice (fig.42) se
Dès lors la vieille ville autrefois inhospitalière
voit reconverti par Aldo Rossi, endommagé
tend la main vers le projet le plus novateur du
durant la seconde guerre mondiale et dont
siècle pour Gênes à savoir la requalification du
les précédents projets de reconstruction avait
port. Les façades des bâtiments sont ravalées,
été avorté, il ouvre en 1991. De même de
les espaces publics réaménagés le plus
musée Sant’Agostino, est lui aussi installé
simplement possible. A noter qu’il s’agit avant
dans les anciens cloîtres attenants à l’Église
tout d’un projet d’espace public reliant des
Sant’Agostino dans les années 70. Ces
monuments ensemble ou des pôles attractifs
exemples ponctuels se sont trouvés assez
déjà reconvertis. Le projet de la via San
isolés mais peu à peu la ville a accueilli les
Lorenzo est aussi un projet visant à assainir la
nouveaux étudiants de la faculté et des génois
ville, polluée et mal-entretenue.
tentés par l’expérience du renouvellement urbain.
Dès
65
lors
la
ville
semble
sortit
de
Fig. 44 : Via San Lorenzo, Au second plan, la Cathédrale de Gênes
Fig. 43 : Palazzo Rosso, depuis la cour du Palazzo Bianco
A
B
C
D
E
A - Musées de la Via Garibaldi B - Cathédrale de Gênes C - Palazzo Ducale D - Teatro Carlo Felice E - Faculté d’Architecture
Axe d’équipement à la personne Axe alimentaire Axe ameublement Axe de vie nocturne et loisirs
Fig. 45 : Vue aérienne du Porto Antico et du centre ancien, Les différents projets réalisés 66
l’endormissement. En 2004, ce sont les palais
certains
de la ville qui sont réhabilités en musée,
l’habitude de ne pas ouvrir leurs commerces
et restaurés. En particulier le long de la Via
habitués à ne pas les ouvrir quotidiennement.
Garibaldi avec en particulier les Palazzo
Cependant le tourisme et ses retombés
Rosso (fig.43) et Bianco.
économiques ne peuvent pas se passer de
Les
espaces
publics
sont
à
leur
artisans,
vendeurs
avaient
pris
tour
boutiques ouvertes les week-end ou les jours
réaménagés tout comme la Via Garibaldi ou
fériés. Il a donc fallu un certain temps avant de
encore la Via Lomellini.
sortir la ville et ses commerçants d’habitudes prises pendant plusieurs années.
La force de ces projets réside dans le fait que les habitants, les autochtones génois, ont
Cependant la municipalité s’est très vite rendue
accepté cette redéfinition de l’espace et les
compte de la potentialité des commerces en
interventions réalisés sur les bâtiments anciens.
centre-ville et comment concilier attentes des
Là où le projet de Wright fut rejeté à Venise
habitants et des touristes. Ainsi sont mis en
tout comme celui de Calatrava largement
place des axes commerçants regroupant les
contesté, à Gênes l’école d’architecture s’est
boutiques de même typologie. Ainsi autour de la
faite se place dans un centre ville qui n’est pas
Via San Lorenzo (fig.44) sont mis en place des
sur-classé, auprès d’une population acceptant
commerces essentiellement d’équipements
l’évolution, et sans règles rigides.
de la personne et de restauration rapide ou à emporter (fast-food, cafétéria, boulangerie...). Ce sont les premiers commerces « nouveaux »
UN PROJET POUR LES TOURISTES ET
lancés dans le centre ancien. Dès lors et par
LES HABITANTS
peur d’être oublié, d’autres commerces se sont regroupés, rouverts ou affirmés, et de
Ce qui fait la différence entre Gênes et
nouveaux axes se sont développés autour
une ville lambda c’est cette aptitude à toujours
de l’ameublement, de l’alimentaire, de la vie
savoir jongler entre le touriste et l’habitant. Là
nocturne, des loisirs...
où l’un profite d’un équipement, l’autre jouit
Ainsi le centre-ville est ponctué de commerces
de la possibilité de visiter un musée. Là où un
destinés aux usages de habitants et aux
espace public est aménagé, il est réfléchi pour
attentes des touristes .
les deux usages. De nombreux bâtiments sont réappropriés afin Les espaces publics se sont vivifiés, les
d’y installer tous ces nouveaux commerces.
monuments et bâtiments sont réinvestis. Il ne
De
restait plus qu’aux commerces à trouver une
possibles. Ainsi
nouvelle vie. Et ce ne fut pas le plus simple.
chaussées sont réappropriés, tout comme
En effet, les commerces ont mis relativement
les plus impressionnants. Une supérette de
de temps à se mettre en place dans la ville
quartier est même installée dans un ancien
compte tenu de l’évolution de la population
bâtiment voûté, dont deux cariatides gardent
dont personne ne pouvait assurer l’installation
l’entrée. Certains diront qu’il est dommage de
permanente dans la vieille ville. De plus,
sacrifier de tels volumes pour un supermarché,
67
nombreux
voir les
tous
les
bâtiments
plus
petits
rez-de-
d’autres diront que la ville a fait avec ce qu’elle
possible pour ceux-ci. C’est souvent le
possédait comme constructions disponibles
problème des centres-villes anciens. On
dans le centre-ville. Car on ne peut pas relayer
souhaite piétonniser un maximum pour le bien-
tous les commerces volumineux hors de la ville
être des touristes (et à Gênes pour celui des
sous couvert de protéger des constructions.
habitants aussi) mais a trop vouloir piétonniser
Si l’on veut accueillir étudiants, couples ou
on repousse toujours plus les zones de
encore personnes âgées dans le centre, il faut
stationnement. Le stationnement, tout comme
s’en donner les moyens au prix de quelques
les services, reste donc à surveiller pour
sacrifices. Et Gênes a aujourd’hui intégré ces
s’assurer que les habitants ne se compliquent
sacrifices nécessaires pour savoir évoluer.
pas plus la vie en habitant le centre-ville qu’en habitant sur les hauteurs de la ville.
Plusieurs programmes ont même été mis en
Même si la mixité sociale du quartier est
place à Gênes pour les commerces dont les
inédite comparée à d’autres villes et d’autres
CIV (Centre commerciaux Intégrés de Rue).
centres-villes historiques en Italie, les prix
Ces programme visent à gérer l’espace urbain
de l’immobilier ont tendance ces dernières
et les commerces comme dans un centre
années à s’envoler, suivant la courbe logique
commercial. Une association de commerçants
de l’immobilier en centre ancien réinvesti.
prennent en charge l’animation de la rue,
Heureusement
et une partie de l’entretien de l’espace
habitants possédaient leur logement avant
public. Si à certains endroits de la vieille
le réaménagement du centre et au début du
ville ces centres ont fonctionné comme à la
programme. De même chaque année, la
Maddalena, d’autres à proximité de la Via San
ville réalise une part de logements sociaux
Lorenzo n’ont pas trouvé de pérennité. Il faut
pour loger des personnes ayant des revenus
alors faire confiance à tous les commerçants
variés, afin que le centre ancien ne devienne
pour leur investissement dans ce projet
pas la propriété des familles les plus aisées,
car l’individualisme de chacun, l’entente, le
alors qu’on voit depuis plusieurs années
partage des tâches peuvent être difficiles à
l’installation de cabinet d’avocat, de médecins,
gérer. Cependant il s’agit d’initiatives qui ont
d’architectes... et le développement d’activités
permis de relancer des commerces en perte
économiques de type bancaires toujours plus
de fréquentation ou d’en ouvrir de nouveaux.
nombreuses avec par exemple l’installation
aujourd’hui
de
nombreux
récente de la Deutsch Bank sur la Via Garibaldi. On voit alors que compte tenu des activités proposées, des services assurés, et même si la
Aujourd’hui, les habitants, comme les touristes,
vieille ville complique encore les déplacement
semblent satisfaits de ce travail sur la ville
en véhicules, le stationnement... les habitants
ancienne qui a été réalisé. Sans pastiche,
prennent place dans le quartier, les étudiants
sans travail trop poussé sur l’espace public
et les jeunes couples rejoignant les personnes
qui aurait pu compromettre le résultat visible
âgées n’ayant jamais quitté leur foyer. Il faudra
aujourd’hui.
donc à l’avenir assurer aux véhicules (surtout aux deux-roues) un stationnement à proximité des logements possible et une circulation
68
5 / LES GRANDS PROJETS ET LES OUTILS MIS À CONTRIBUTION
Afin de réaliser l’ensemble de ces projets et pour renouer avec ses ambitions la ville de Gênes a fait appel à l’ensemble des outils financiers qui lui étaient disponibles. Mais avant tout certains projets ont provoqué la chance pour que Gênes profite de tout pour s’émanciper et se distinguer alors qu’elle se trouvait dans une période économique trouble. Fig. 46 : Les Grands évènements à Gênes, 1992 : Exposition colombienne 2001 : Sommet du G8 2004 : Capitale Européenne de la Culture
Comme expliqué auparavant, le projet de Porto Antico n’aurait certainement pas trouvé de poursuite si Renzo Piano n’avait pas souhaité organiser l’exposition colombienne
Garibaldi sont reconvertis pour accueillir de
pour le 500ème anniversaire de la découverte
nouveaux musées. Leur classement UNESCO
de l’Amérique par le génois Christophe
est proposé.
Colomb. Dès lors l’idée de l’exposition donne
Ces grands événements ont servi de support
naissance au projet urbain du Vieux Port
de communication pour la ville de Gênes qui
que l’on peut voir aujourd’hui réalisé. La ville
a profité aussi des retombés économiques et
avait alors un véritable objectif : attirer des
médiatiques.
touristes pour l’exposition et pouvoir exploiter le vieux port une fois réalisé comme levier de
Gênes est aussi concernée par des aides
développement du tourisme et un nouveau
financières en matière de reconversion. Le Plan
morceau de ville.
de Rénovation Urbaine a permis de conserver
L’expérience
est
fructueuse.
Et
comme
et de protéger des activités traditionnelles
expliqué précédemment, le projet enchaîne le
(reluire, typographie, ébénisterie...) dans le
renouveau de tout l’ancien centre.
centre ancien.
Par la suite, le G8 en 2001 accueillit les hommes
Le programme européen URBAN a aussi
politiques des différents pays à se réunir dans
permis de bénéficier de financement européen
le Palazzo Ducale. La via San Lorenzo reliant
pour la rénovation du centre-ville.
le port au palais est alors réaménagée. Il s’agit
Enfin la région et la ville ont participé à
avant tout d’une évidence. Comment accueillir
la
dans la ville les hommes politiques les plus
les particuliers à hauteur d’environ 45%
éminents en ayant une voie reliant l’ensemble
respectivement pour la via San Lorenzo et
des monuments majeurs de la ville au port si
pour la Via Garibaldi. Le Ministère des Biens
polluée et congestionnée ?
Publics a aussi participé au financement de
Enfin en 2004, Gênes devient capitale
ces rénovations ou reconversions.
européenne de la culture. Les palais de la via
69
rénovation
des
édifices
détenus
par
6 / UNE VILLE AMBITIEUSE
Les projets pour Gênes se suivent et se succèdent dans le centre comme dans le port. Il est raisonnable de se dire que l’avenir dans le centre sera beaucoup moins riche en rebondissement à l’avenir que pendant ces dix dernières années. Aujourd’hui le plus gros du projet est amorcé pour le centre ancien et si la ville continue sur ses pas, il y a peu de risques Fig. 47 : Projet d’école près de la Cathédrale Jorg Friedrich / Roberto Melai
qu’elle échoue dans sa redécouverte du centre ancien. Aujourd’hui des projets contemporains comme celui d’une école située près de la cathédrale (fig.47) font apparition même si la crise a freiné les projets. Certaines rues restent à
réaménager,
améliorer
(stationnement,
sécurité, salubrité...) mais il est évident que la ville ne peut pas changer des années d’oubli du centre ancien en 10 ans. Il faut à la ville le temps de s’intégrer elle même. Sur le port les projets sont nombreux et tous aussi Fig. 48 : Ponte Parodi, UN Studio
ambitieux les uns que les autres. Ponte Parodi s’apprête a accueillir une immense structure architecturale et paysagère, belvédère sur la mer réalisé par UN Studio (fig.48) accueillant loisirs, hôtellerie/restauration, commerces... La Darsena, quant à elle, dans l’élan de la faculté d’architecture souhaite accueillir un nouveau pôle étudiant. Gênes ne manque pas de projet. Le centreville aura été l’intermédiaire entre le vieux port et les parties annexes. Le projet se veut donc total aujourd’hui, et trouve une cohérence globale. En espérant que les grands noms de l’architectures choisis pour les futures réalisations (Piano, UN Studio...) ne joueront pas le jeu lyonnais de Confluence pour réaliser une collection d’objets architecturaux.
70
Aujourd’hui Gênes peut être fière du pari
vieux port n’avait pas été mis en place. Revient-
qu’elle s’était lancée. Arriver à retrouver son
on vers un idéal giovanonnien ? L’architecte
centre-cille, qu’il devienne un centre de la
italien évoquait il y a près d’un siècle l’avenir
ville, pour les touristes, les habitants, et qu’il
des villes italiennes et européennes. Il
participe au rayonnement de toute la ville.
proposait de créer des centres parallèles en
Alors que retenir de Gênes. Peut-être ce que
dialogue étroit avec le centre ancien. Certains
Bernardo Secchi, appelle la leçon de Gênes.
l’ont vivement critiqué. Mais il avait en quelque
Oui il est possible de contenir l’expansion de la
sorte raison. Rien n’est vraiment possible en
ville, même dans un centre-ville ancien aussi
solitaire. Les deux projets du port et du centre
dense que celui de Gênes. Et oui il est possible
sont complémentaires au niveau touristique,
de faire de ce qui semblait un handicap hier,
économique, culturel, commercial, et pour la
un atout pour demain.
vie quotidienne en général.
Gênes a réussi à se transformer totalement
Gênes a aussi très bien compris les raisons
en moins de 30 ans. Redécouvrir son centre
de l’échec vénitien. La vie doit rester dans le
ancien, le valoriser, tout en gardant une identité
centre ancien. Tout a été mis en œuvre à cet
profonde et une activité que certains envient
effet.
aujourd’hui. Alors quelle en fut la recette ? Tout d’abord Gênes n’a pas eu peur de
Ce que Nicolas Navarro définissait comme
se tourner vers son port pour amorcer le
muséalisation trouve ici un écho modéré.
renouveau, autour des activités culturelles,
L’espace n’est pas figé, l’espace urbain joue
touristiques, ludiques et même quotidiennes.
avec le patrimoine de la ville, les constructions
Ensuite petit à petit les projets se sont
atypiques, les monuments, sans rajouter du
développés dans la ville ancienne et historiques
spectaculaire au spectacle du patrimoine.
par intentions souvent isolées. Les différents
Il est simple, facilement appropriable, sans
événements ont donné une cohérence au
travail exagéré. La ville doit être vécue. Le
centre de Gênes, pour le relier au nouveau
patrimoine est suffisamment imposant pour ne
centre, le port.
pas rajouter de la complexité. La scénographie
Alors là où Venise fait l’erreur de se tourner
est alors réduite au plus simple aménagement.
uniquement vers sa ville historique, elle aurait certainement meilleur compte de faire
Gênes est donc un exemple de muséification
confiance aux projets qui pourraient se réaliser
équilibrée, où la ville arrive à composer entre
sur la partie de la ville située sur le continent.
authenticité et simplicité, entre touristes et
Le projet de Pierre Cardin est certes d’une
habitants, entre tourismes et activités diverses,
architecture critiquable mais il faut lui accorder
entre protection, reconversion et innovations.
son côté novateur qui pourrait certainement
Si l’on semblait inquiet pour l’avenir de
sauver Venise de l’endormissement. La ville
ces villes-musées, l’exemple génois peut
tient peut être une des dernières chances de
réellement nous faire relativiser et nous
sortir de ce cercle vicieux.
rassurer.
Gênes
prouve
que
rien
n’est
peut-être
Oui, pour la ville-musée, un avenir est possible.
possible tout seul. La vieille ville ne se serait certainement pas développée si le projet du
71
Fig. 49 : Le Colisée Carré, EUR
Fig. 50 : Musée de l’Ara Pacis, Richard Meier 72
03
C - ROME : CONSTRUIRE, RÉNOVER, RECONVERTIR DANS LA VILLE-MUSÉE en place pour réinstaller l’Italie à sa place
1 / FAIRE LA VILLE SUR LA VILLE, UN PERPÉTUEL DÉFI
européenne
impose
la
construction
de
nombreux logements (comme en France) qui vont peu à peu miter le territoire. un
Nous ne rentrerons pas dans le détail des
programme urbain de qualité, les rénovations,
projets urbains lancés tel que le plan de
restructurations et reconversions se sont assez
régulation urbaine, dotant au centre ville d’une
bien passées. Cependant la cité génoise est
protection suffisamment solide pour appuyer
encore novice dans toutes ces questions de
de nombreux projets.
travail sur l’existant même si elle a mis en
Peu à peu les grands projets (moteurs de
place une politique urbaine de grande qualité.
projets) se succèdent à Rome. Les Jeux
Alors
que
Gênes
a
produit
olympiques de 1960 permettent entre autre à Nervi de signer le Pallazzo dello Sport.
A une autre échelle Rome est elle aussi sortie de son endormissement à partir de la fin du XXème siècle.
A la fin du XXème siècle, le maire de Rome,
La ville n’a que très peu évolué depuis le début
Franceso Rutelli, lance le projet du Jubilé de
du XXème siècle et jusqu’à la première guerre
l’an 2000, ainsi que la candidature de Rome
mondiale ou alors au prix de concessions
pour les Jeux olympiques de 2004 qui vont
difficiles. Mussolini fera raser une partie
vivifier le centre historique, attirer de nouveaux
des immeubles à proximité de la Basilique
touristes et imposer des travaux considérables.
Saint-Pierre-de-Rome
pour
créer
la
Via
della Conciliazione. Dans le même temps,
Dès lors la ville s’est lancée dans le renouveau
il lancera le projet de l’EUR (fig.49) en 1937
de tout son centre ancien. La ville éternelle
pour accueillir l’exposition universelle de 1942.
s’inscrit alors peu à peu dans la dimension
Mais le projet ne fut pas abouti car la guerre
contemporaine du XXIème siècle. Riche
empêchera cette exposition. Si aujourd’hui
de constructions antiques, moyenâgeuses,
l’EUR est un quartier vraiment particulier
renaissances,
par son architecture, il faut reconnaître qu’il
néoclassiques... la ville ne pouvait pas
est un point de développement des activités
aujourd’hui tourner le dos à son histoire et à son
tertiaires essentielles pour le fonctionnement
éclectisme architectural. La ville palimpseste
et le rayonnement de Rome. On retrouve
et musée se doit d’être éternellement ainsi,
en quelque sorte les ambitions génoises et
musée et palimpseste.
giovanonniennes dans ce projet de « centre
Nous nous intéresserons donc ici aux projets
parallèle » vivant pour vivifier l’ancien.
qui ont redessiné le visage de la ville. A la
baroques,
fascistes,
manière dont ces projets contemporains (ex : Ara Pacis de Meier (fig.50)), s’inscrivent
Après la guerre, le boom économique mis
73
dans le paysage urbain de Rome. Comment les populations résidentes ont accepté cette architecture radicalement novatrice ? Quel a été le combat pour pouvoir construire dans Rome ? Là où Guiseppe Sacconi édifie le monument à Victor-Emmanuel II sans se soucier des vestiges archéologiques, des perspectives paysagères, des édifices alentours, comment à la fin du XXème siècle et aujourd’hui au XXIème siècle, peut-on construire en site si contraint ?
Fig. 51 : Le MAXXI, Musée d’Art du XXIème siècle, Zaha Hadid
Aujourd’hui quelle place peut-on donner à
l’architecture
contemporaine
en
site
historique, protégé, muséifié (?) comme les centres anciens italiens ? Et la capitale italienne semble l’exemple le plus à même de répondre à cette problématique compte tenu de son expérience aujourd’hui confirmée en la matière avec la réalisation de projets tels que le MAXXI de Zaha Hadid (fig.51), le MACRO de Odile Decq et Benoit Cornette (fig.52), le Parco Della Musica de Renzo Piano ou encore des projets en chantier comme le centre des congrès de Massimiliano Fuksas (fig.53). Fig. 52 : Le MACRO, Musée d’Art Contemporain de Rome Odile Decq et Benoit Cornette
Nous répondrons à plusieurs de ces questions par thématiques et utilisant plusieurs de ces projets contemporains réalisés ces dernières années.
Fig. 53 : Le Nouveau Centre des Congrès, Massimiliano Fuksas 74
transgresser cette directive pour évider l’angle
2 / CONSTRUIRE DANS LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE
de la façade sur rue pour y installer l’entrée du nouveau musée et le café de ce dernier, nouveau contact avec la ville pour faire de
Il ne s’agit pas ici de faire un exposé des
ce complexe culturel un nouvel élément de la
pratiques de réhabilitations et de reconversions
ville. En même temps conserver les façades
en Italie, mais de comprendre ses spécificités,
permettait de créer un nouveau monde
sa complexité ou sa simplicité, de pointer
contemporain derrières des murs.
les problèmes redondants. Construire en Italie, construire en ville historique peut
Ensuite cette même commission a souhaité
impressionner de nombreux architectes.
que le projet proposé ne dépasse pas la façade d’origine.
Cependant
deux
composantes
imposaient une dérogation à cette directive : les salles d’expositions réalisées s’installent
DE LA PRÉCONISATION AU DIALOGUE
dans des volumes entre 11 et 12 mètres de hauteurs afin d’accueillir des fonctions variées ;
Construire dans la ville historique et en
et la toiture accueille un restaurant, souhaitant
particulier Rome n’est pas une mince affaire.
exploiter la toiture comme sur l’ensemble Dans une conférence à l’ENSAL, Odile
des bâtiments romains. La commission a
Decq introduit le projet du MACRO par cette
alors accepté cette écart pour assurer une
phrase pour présenter Rome : « Ils sont
cohérence au projet. Le dialogue entre les
extrêmement
nourriture
architectes et la commission des monuments
est bonne, il fait toujours beau, la ville est
historiques a donc permis de proposer un
magnifique, la lumière est belle... y travailler
projet viable et équilibré. Peter Baalman définit
c’est une autre affaire ! » L’architecte française
à la fois la Surintendance comme l’équivalent
pose les bases du projet qu’elle livre en 2010 à
italien de nos ABF (Architectes des Bâtiments
la ville de Rome.
de France) et comme une alternative, car si
sympathique,
la
la législation est complexe en Italie et que le Et il est vrai que les contraintes imposées
débat législatif fait toujours débat, elle permet
par la ville sont nombreuses : installée dans
un dialogue pour aboutir à un projet juste.
l’ancienne brasserie Perroni, la Surintendance en charge du projet (équivalent italien de notre
Certains diront que l’agence ODBC ne s’est
commission des monuments historiques) a
confrontée qu’à de minimes problématiques
demandé à ce que l’ensemble de la façade de
mais il est intéressant de comprendre que
l’ancienne usine soit conservées sur rue et que
c’est avant tout le dialogue possible avec la
le projet se déroule essentiellement à l’intérieur
Surintendance qui a permis de créer un projet
des murs de l’ancienne usine. Peter Baalman,
innovant. Certes les monuments historiques
chargé du projet chez ODBC, a refusé de faire
italiens font preuve d’un inertie importante pour
de ce projet un simili-facadisme. Pourquoi
accepter des solutions mais un étroit dialogue
créer du contemporain pour le masquer
entre réglementations, recommandations et
par la suite ? Dès lors l’agence a décidé de
ambitions architecturales.
75
Et il en est de même avec les commissions techniques.
En
particulier
les
pompiers
très réticents aux structures métalliques apparentes.
A
force
de
combats,
de
persévérance et de contournements des réglementations, l’agence française a obtenu l’accord de la commission incendie. En Italie, tout ce négocie, du moment où l’on est près à des concessions. Ce qu’Odile Decq définit comme l’escamotage : savoir trouver la faille
Fig. 54 : Projet Red Lace, immeuble de logements Odile Decq Florence
dans la réglementation, ce qui aujourd’hui est devenu très complexe en France. (Elle en fera largement usage à Florence avec un projet de logement (Red Lace) (fig.54) en site historique : les contraintes du site imposaient des fenêtres en hauteur, elle créera des séries verticales de fenêtres horizontales ; les toitures en pentes sont devenues des couvertures plissées, les arcades laissent place à des porte-à-faux, les balcons et loggias interdits prennent place derrière une résille contemporaine qui devient alors façade principale...). L’Italie permet aujourd’hui encore cette flexibilité des réglementations, possible il y a peut être encore 10 ans en France mais elle s’est vite retrouvée bloquée par les réglementations redéfinissant les réglementations précédentes, etc...
LES VESTIGES, UN PROBLÈME ? Si en France les architectes ont la hantise de se voir confronté aux vestiges
Fig. 55 : Parco Della Musica, Renzo Piano En bas, les vestiges de la villa romaine, Au centre, l’espace muséographique, En haut, les salles de concert
archéologiques, en Italie et surtout à Rome, cela fait parti intégrante de la phase de chantier. « La ruine fait partie de la vie quotidienne » explique Odile Decq dans sa conférence à propos du visage de Rome. Son collaborateur
76
Peter
Baalman
explique
que,
comme
composante du projet. Ainsi entre deux salles
habituellement en Italie, ils sont tombés sur
de concert se trouve cette ruine dont une partie
des vestiges antiques sur le site du projet.
des objets trouvés sont intégrés à l’Auditorium
Cependant il ne s’agissait pas de vestiges
dans un musée de taille modeste. Ainsi ce
ayant une valeur historique remarquable. La
projet d’Auditorium qui aurait pu être destiné
découverte à donc imposé une modification
aux élites romains renforce son visage de
légère de la structure pour éviter de détériorer
salles de concert populaire avec son théâtre à
la ruine mais le choix a été fait de reboucher
ciel ouvert et aujourd’hui ce musée.
ces dernières. « Si on décide de préférer les
(De même pour le projet de Porto Antico à
vestiges au musée, on peut démolir le musée
Gênes, Renzo Piano a été confronté aux traces
et retrouver les vestiges… » déclare-t-il. Le
antiques du vieux port. Il devait ainsi faire
choix de la réversibilité est possible dans
le choix de les masquer ou de les assumer.
un soucis de respect de l’antique. Ici on voit
Aujourd’hui l’espace du vieux port est jalonné
très bien que même si des ruines antiques
de vestiges antiques qui deviennent des
sont présentent sur le terrain, elles n’ont
éléments de décor urbain à part entière.)
pas handicapé le projet et l’adaptation de se dernier pour revitaliser le quartier.
Ainsi la ruine, le vestige est très souvent une composante à intégrer dans les projets
Dans une autre mesure, pour le projet du
contemporain romain et même italiens. Ainsi
Parco Della Musica (fig.55), Renzo Piano a
les architectes peuvent faire le choix de
aussi été confronté aux ruines antiques d’une
simplement respecter sans exposer, ou alors
villa romaine. « À Rome, ils sont habitués.
de faire de cet élément une nouvelle donnée à
Chaque fois que l’on fait un trou, on trouve
prendre en compte dans la définition du projet.
des choses. » commente Paulo Colonna, un chef de projet de l’agence Renzo Piano DES PROJETS POLÉMIQUES
Building Workshop (RPBW) en charge du chantier. Compte tenu du volume occupé par la villa et ne sachant pas encore l’étendu de
Construire en centre-ville historique en
la zone de vestiges, le chantier a été arrêté
Italie, et en particulier à Rome, c’est avant tout
pendant plus de 6 mois. L’ensemble du projet
proposer un projet qui sera scruté, décortiqué,
a du être remanié. Les salles de concert
analysé, le plus finement possible pour voir
ont du être déplacées, et l’ensemble du
s’il est ou non un affront à l’architecture
projet recomposé. Mais ici, la villa romaine,
typique du centre, s’il est trop atypique, trop
ancien poste frontalier, a attiré l’intérêt de la
contemporain, trop sage, trop expressif...
Surintendance qui a souhaité connaître le maximum de choses sur cet édifice. Alors que
Construire à Rome est une expérience
l’agence RPBW aurait pu se désintéresser de
enrichissante, mais c’est aussi un défi pour
cette découverte et uniquement attendre le
un architecte. Car faire accepter son projet à
feu vert de la Surintendance pour poursuivre
tous peut s’avérer être un challenge parfois
le projet et le chantier, les chargés du projet
insurmontable.
ont décidé d’intégrer ce vestige comme une
77
Richard Meier en a fait les frais pour son projet du nouveau musée de l’Ara Pacis à Rome. En 1995 est lancé le projet pour un nouveau musée pour accueillir l’Autel de la Paix de Auguste et les expositions relatives. Ce nouveau projet vient en remplacement de l’ancienne structure du musée réalisée pendant la période mussolinienne en 1938 (fig.56). Après plusieurs phases de concours Meier remporte le concours. Fig. 56 : Ancien musée de l’Ara Pacis, construit en 1938, démolit en 2001
Cependant, même avant la phase finale du concours, le projet de Richard Meier ne fait pas l’unanimité. Il faut bien comprendre qu’aucune réalisation contemporaine n’avait été réalisée dans le centre de Rome depuis les années 30. C’était donc un exercice assez complexe et qui s’attirait nécessairement les foudres des médias, politiques ou simples intéressés par l’avenir de la ville romaine.
Fig. 57 : Non Fatelo, «Ne le Faites Pas» Arnold Roth Art, Originellement publié dans le New Yorker, 2005.
Les journaux se sont très vite mêlés à la polémique (fig.57) en demandant le retrait du projet, en caricaturant le projet contemporain et assumé de Meier. Même le monde professionnel de l’architecture, du patrimoine et de l’aménagement urbain est divisé par ce projet. « Le projet est vulgaire » juge Gorgio Muratore sur son site en 2006, « Meier connaît la Rome antique aussi bien que je connais le Tibet, où je ne suis jamais allé ! », commente Federico Zeri dans La Stampa en 1998, « prothèse stupide » selon Massimiliano Fuksas en 2003 dans un entretien accordé au site Exibart.com en 2003.
Fig. 58 : Nouveau musée de l’Ara Pacis Richard Meier
Face à la polémique et suite à son accession au pouvoir, Silvio Berlunsconi, par son délégué aux affaires culturelles, fait cesser le chantier du musée, déjà entamé. Meier est contraint de proposer un projet plus léger, aérien, évoquant
78
l’ancienne structure des années 30.
Cependant tous les projets contemporains en
Officiellement le projet est arrêté car il touche
centre historique n’ont pas eu le complexe
les vestiges de l’ancien port de Ripetta, port du
destin du musée de l’Ara Pacis, nombreux
XVIIIème siècle aujourd’hui disparu.
sont ceux qui font consensus pour ou contre
Après modifications, le projet reprend en 2003,
dans les centres anciens aujourd’hui. Certains
même si les protestations ne cessent. Aucun
disent que le modernité est réservée à la
compromis n’est trouvé, et le projet continu à
banlieue, aux périphéries.
être édifié et inauguré en 2005 (fig.58). Face à la grogne, le candidat de la droite
Mais à quoi bon vouloir dissocier passé et
Alleanza Nazionale aux élections municipales
modernité lorsque tout s’offre à nous pour
de la ville de Rome, prend l’engagement que
inscrire un quartier dans le XXIème siècle ?
s’il est élu, le bâtiment de Meier sera démonté pour être installé dans la périphérie. L’association Italia Nostra demandait par exemple l’annulation du projet et après des pétitions a écrit au ministre des Biens Culturels de stopper le chantier en 2003. Même à l’heure du XXIème, certains critiquent encore une possible évolution des centres anciens. D’autres s’exaspèrent. « Assez du
tabou
dans
les
centres
historiques,
construisez ! » s’indigne Jean Nouvel dans le entretien accordé au journal Corriere della Sera (6 mai 2003). Le projet de Meier a réveillé les passions et l’éternel débat : Peut-on faire du contemporain avec l’ancien ? Modernité et passé peuvent-ils se conjuguer ? Heureusement tous n’étaient pas ligué contre lui. Certains ont reconnu une véritable qualité à l’édifice, qualifiant le projet de « symbole de l’union entre l’antique et le moderne » pour Lilli Garrone, pour le Corriere della Sera (24 Septembre 2005). Le débat pour l’Ara Pacis fut rude, long, parfois engagé et violent, et surtout toujours d’actualité. Il est un exemple radical de ce que peut donner le débat de l’intervention en zone historique mais soulève toutes les questions que l’on peu se poser sur le sujet.
79
80
CONCLUSION
CONCLUSION SUR LE MEMOIRE
l’heure où la politique culturelle des pays développés
essentiellement
devient
une
donnée économique primordiale. Le
constat
et
l’analyse
proposés
Cependant Giovannoni apporte un élément
dans ce mémoire semblent plutôt apaiser les
de réponse à la problématique qui guide
peurs des anti-vénitiens, criant haut et fort
tout ce mémoire. La ville ancienne semble
que la fin de la ville-musée est proche, que
pouvoir trouver un avenir. Tout d’abord, elle
la muséification est l’arme ultime avant que
doit se poser naturellement la question de
les centres anciens perdent toute chance
son centre historique car il est le cœur de la
de s’inscrire dans l’optique contemporain du
ville chronologiquement, psychologiquement,
siècle actuel.
humainement... et la ville ne peut pas oublier son patrimoine. Au-delà de toutes les
Il y a près d’un siècle, Gustavo Giovannoni
caractéristiques à améliorer, à modifier ou à
abordait déjà ces problèmes de la ville
amplifier, on peut être plutôt d’accord avec
ancienne
caractéristiques
Giovannoni : un avenir peut être proposé à
de l’urbanisme moderne. Dans son ouvrage
la ville. Mais seule, la ville ancienne ne peut
l’Urbanisme face aux villes anciennes, il
rien ou presque, et ce qui pour lui semblait une
développe longuement les caractéristiques et
évidence, nous l’avons rapidement oublié à la
les problèmes qui accompagnent les centres
fin du XXème siècle. Le centre-ville n’existe
anciens, et décrit précisément les attentes en
pas seul, il existe avec, par et pour les autres
matière de ville moderne. Les deux semblent
quartiers de la ville. Le centre-ville ancien ne
insolubles, d’une hétérogénéité absolue.
peut pas être une ville à part entière, il est
confrontée
aux
nécessairement un quartier comme un autre Venise semblait avoir uniquement compris
et il faut donc penser aussi aux autres entités
cela. Il est impossible d’apporter la modernité
de la ville pour espérer retrouver une vitalité
à la ville ancienne, celle-ci devra se sortir de
oubliée. Ce que Giovannoni définit comme la
l’endormissement par elle-même, par ses
greffe des quartiers anciens dans son ouvrage
ressources patrimoniales, par ses habitants
trouve plus son écho dans la rénovation
(si habitants il y a encore dans ces centres
urbain au XXIème siècle. S’il y a un siècle, on
anciens) par le tourisme essentiellement à
s’intéressait plus à comment étendre la ville,
81
aujourd’hui la question est comment densifier
architecturale, urbaine... atypique) que l’on
la ville, comment construire dans la ville. Même
propose les solutions les plus ambitieuses, les
si certaines problématiques diffèrents, le texte
solutions les plus équilibrées...
de Giovannoni trouve tout son écho et semble
Il est alors facile de répondre que oui un avenir
toujours d’actualité près de 100 ans plus tard.
est possible pour la ville italienne, souvent dépeinte comme une ville-musée. Il est plus
Gênes par exemple, a intégré cette question
exact de dire que chacune des villes italiennes
et aujourd’hui la vieille ville a trouvé sa voie
qui, à la fin du XXIème siècle, redoutait de
pour exister au côté du vieux port reconverti.
voir leur centre ancien sombrer dans l’oubli, peuvent se donner les moyens possibles pour
Certains à Venise diraient que rien n’est
assurer l’avenir de leur centre historique car le
vraiment possible lorsque tout est protégé, si
pari s’avère une franche réussite.
dense, si atypique, mais ce mémoire prouve
Mais on peut au moins avancer ces exemples
que l’évolution de la ville ancienne dans
pour prouver que le visage facile de parc
l’ère contemporaine n’est pas le résultat de
d’attraction,
législation, de réglementation, de protection,
protectionnisme inébranlable porté par Venise
ni d’impossibilités spatiales, financières... Tout
n’est pas celui de la ville italienne. Celle-ci
est une question humaine.
serait alors plus à représenter par Gênes, ville
d’immobilisme
assumé,
et
si complexe, ville patrimoine, ville ambitieuse, A Gênes qu’est ce qui aurait été possible si
mais aussi ville consciente de ses problèmes,
Piano n’avait pas proposé de réaliser un
de ses handicaps et de sa richesse. Gênes
programme innovant et attracteur pour attirer
a su mettre tous les outils à disposition pour
les touristes pour l’exposition colombienne de
se relever des problèmes économiques et
1992 ? Si l’école d’architecture n’avait pas pris
démographiques de la fin du XXème siècle.
le pari de s’installer dans le quartier le plus
L’ambition de la municipalité, des architectes
rejeté de la vieille ville, aurait-on aujourd’hui
et l’acceptation des projets par les habitants
la possibilité de visiter la cité génoise aussi
a fait de la ville un exemple équilibré de
agréablement que cela et aurait-il été pensable
muséification, de dynamique touristique, de
d’y acheter un logement ? L’évolution est aussi
renouveau urbain associé au développement
le résultat d’ambitions humaines assumées,
de la vie des habitants, des travailleurs qui,
le résultat de la volonté de certains de croire
ne l’oublions pas, font que la ville trouve une
en une adaptation possible et une intégration
véritable raison d’exister.
dans la ville moderne. Aujourd’hui nous sommes aussi dans une A Rome, les projets pris en exemple démontre
société qui a intégré le fait que la ville puisse
que l’Italie, par sa flexibilité, son regard sur
évoluer, changer de visage, accepter qu’elle
le patrimoine... permet de créer non pas un
perde certains détails de son portait pour
projet isolé, inutile ou dégradant, mais bien des
plus tard le parfaire. Aujourd’hui un projet
projets conscients et justes, car comme on peut
contemporain comme l’Ara Pacis fait encore
souvent l’entendre, c’est dans la complexité
polémique dans le centre de Rome, mais
(et ici dans une complexité patrimoniale,
partout
82
les
ambitions
architecturales
en
centre historique démontrent qu’il est juste et
donc l’ensemble des pièces pour comprendre
conseillé d’espérer une évolution équilibrée
quel avenir la ville italienne ancienne peut
de ces derniers. Les projets du centre-ville de
embrasser, quelles sont les raisons du succès
Gênes sont aujourd’hui plutôt acceptés par la
du renouveau de Gênes en particulier, pour
population et montrent qu’une expérience telle
permettre au lecteur, qui peut être se serait
que celle de proposer une nouvelle voie pour
inquiété au fil du mémoire, d’esquisser les
les centre anciens peut être un succès. Chacun
traits de la ville italienne de demain.
participe aujourd’hui à assurer à ces centres un avenir équilibré loin du protectionnisme CONCLUSION OUVERTE
vénitien. Il faut cependant faire bien attention de ne pas construire pour l’acte unique de faire
Il est essentiel de se poser la question
de l’architecture en centre historique. Ces
des limites de ce mémoire et des interrogations
interventions ne sont pas anodines et beaucoup
qu’il soulève.
moins qu’une construction en périphérie de ville. Elles portent un message, une ambition,
Ce mémoire concerne-t-il uniquement les villes
définissent une voie à suivre, sont vecteurs
italiennes ? Nous nous sommes ici restreints
de renouveau... L’avenir de la ville se trouve
au cas d’étude de l’Italie par son atypisme et
aussi bien dans le détail de la construction
sa complexité.
contemporaine et du mobilier urbain que dans
Peut-on généraliser à l’Europe ?
la programmation à l’échelle urbain du plan de
Le mémoire trouve ses limites dans la définition
renouvellement.
même du domaine d’étude et permet d’avoir un regard critique à l’avenir sur la ville musée,
La ville ancienne, et en particulier la ville
sans forcement comprendre l’ensemble du
italienne est aujourd’hui au tournant de son
processus dans les autres villes européennes.
avenir et se devra de faire le choix équilibré de
Mené de manière itérative, cette recherche
sa transformation pour espérer répondre aux
permet de comprendre par des exemples la
problématiques du siècle actuel.
nature des problèmes possibles. A chacun
Il est possible de concilier avenir et modernité
aujourd’hui d’exercer ce regard sur la ville-
dans la ville italienne, il faut simplement veiller
musée sans nécessairement connaitre tout
à ce que cela fonctionne comme Gênes a veillé
des complexités patrimoniales et des travers
à cela. Demain la ville italienne sera peut être
de la législation du pays.
fière d’être devenue modèle de renouveau reconnu. « la leçon de Gênes « trouvera peut-
Aujourd’hui toutes les villes présentent un
être son écho dans de nombreuses villes
visage inédit, propre à son histoire, sa situation
d’Europe pour les années à venir.
politique, géographique, son économie... Mais toutes les villes ne sont pas des villes musées.
L’ambition de ce mémoire était de montrer que
Qu’adviendra-t-il des villes contemporaines,
la ville-musée italienne est bien plus complexe
où
que le décrié modèle vénitien. Ici se trouve
sans
83
l’architecture contraintes
s’érige
aujourd’hui
patrimoniales,
sans
confrontation avec le passé ? Qu’adviendrat-il des constructions contemporaines et de l’urbanisme moderne ? Pourra-t-on dans quelques années, dans quelques siècles poser un regard critique et patrimonial sur nos constructions contemporaines ? Il semble aujourd’hui assez difficile d’imaginer l’avenir de nos villes contemporaines, de ces nouveaux centres urbains. Mais il semblait aussi difficile de se poser cette question au XVème siècle lorque l’on édifiait une construction lambda. Il est impossible de prédire l’évolution à long terme de la ville au sens patrimonial. Ce caractère met parfois plusieurs siècle à émerger. Si la ville musée au XXIème siècle semble en mesure de trouver son chemin pour l’avenir, il est beaucoup plus difficile d’esquiser le visage de cette ville-musée du XXVème siècle par exemple. Nombreuses sont les questions que peuvent soulever une telle étude. La ville, son avenir, son visage sont toujours sources de doutes, de questions et aussi de fantasmes. Si chacun arrive aujourd’hui à se poser la question de la ville ancienne dans un futur proche, alors ce mémoire aura trouvé sa vocation : guider chacun de nous vers une compréhension
de
l’urbanisme
moderne
confronter à la ville ancienne.
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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire, en particulier : >
Antonella
MASTRORILLI,
professeur
référant et directrice de mémoire, pour avoir suivi l’évolution de ce mémoire depuis le début des recherches jusqu’à sa finalisation et m’avoir guidé sur les pas de l’Italie, de son patrimoine et de ses villes > L’ensemble des professeurs du Domaine d’Etudes de Master Histoire et Patrimoines (en particulier Antonella MASTRORILLI, William HAYET et Benjamin CHAVARDES) pour m’avoir permis de découvrir Gênes lors d’un voyage d’étude, peut-être la raison même de tout ce mémoire.
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ANNEXES QUESTIONNAIRE TOURISTES Mickael CUILLERAT Étudiant à l’ENSAL (École Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon) Mémoire de Master
LA VILLE-MUSÉE A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT GARDE OU ÉCHEC DE LA CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ Ville-musée : [ nf ] Ville qui possède de très nombreux monuments, constructions anciennes et musées et devient un centre touristique important. Sondage auprès des touristes de villes-musées italiennes (ex : Venise, Rome, Florence, Gênes, Naples...) Veuillez entourer les réponses qui semblent les plus représentatives des villes-musées pour vous. Si vous n'avez pas d'avis, n'hésitez pas à rayer les réponses, ou même à rajouter des commentaires.
Pour vous... 1 / La ville-musée est > Un espace mis en valeur (aménagé, rehabilité...) > Le résultat de contraintes réglementaires (de conservation, de protection...) 2 / La ville-musée est > Un espace doté d'une cohérence architecturale et urbaine (esthétisme...) > Un espace figé (immobilisme, décor...) 3 / La ville-musée est > Un espace en manque d’authenticité (faussement vieux, pastiche...) > Un espace doté de constructions remarquables (monuments, pittoresque...) 4 / La ville-musée est > Un espace en manque de vitalité (disparition de commerces, d’artisans, d’habitants...) > Un espace uniquement tourné vers le tourisme (ne vit que du tourisme) > Un espace mis en valeur par le tourisme (le tourisme amène d’autres activités)
Merci pour votre aide à ce mémoire, car votre avis est la source de ce travail. Commentaires supplémentaires :
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RÉSULTATS OBTENUS :
1 / FONCTIONNEL
2 / REGLEMENTAIRE & AMÉNAGEMENT
3 / HISTORIQUE
4 / ESTHÉTIQUE
REMARQUES OBSERVÉES PAR LES PERSONNES AYANT RÉPONDU : « Une ville musée incite a être visitée par la splendeur qu’elle inspire » « Choquée par l’interdiction de manger et boire dans le centre historique des villes italiennes. La ville impose aux touristes les mêmes règles que dans un musée ! » « Le tourisme peut tuer les commerces de proximité si les habitants partent » « Je ne sais pas si c’est à cause du tourisme que les habitants quittent les centres historiques. Peut-être que les habitants n’arrivent pas à s’approprier des tels espaces » « Ces villes sont parfois très différentes : on peut trouver des rues avec des commerces très typiques, et d’autres beaucoup plus touristiques » « Comme dans tous les centres anciens on trouve toujours des commerces et surtout des restos qui se disent typiques, mais en fait ce sont des attrapes-touristes, le touriste est une veritable source de revenu à exploiter »
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BIBLIOGRAPHIE LIVRES : BETTINI Sergio, 2013. Wright et Venise, Editions de l’éclat/éclats Pris, 99p. CESCHI Carlo, 1970. Teoria e Storia del Restauro, Roma, Bulzoni. 226p. GERMANN Georg, 1991. Traduction de la Lettre à Léon X de Raphael. Vitruve et le vitruvianisme. Introduction à l’histoire de la théorie architecturale, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires romandes. 266p. GIOVANNONI Gustavo, 1998, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Editions du Seuil. 349p. MASBOUNGI Ariella (sous la direction de), 2001. Gênes : penser la ville par les grands évènements, Parenthèses. MASTRORILLI Antonella, 2001. Les déclinaisons de la restauration philologique et le débat en Italie entre XIXe et XXe siècles, in L’héritage ruskinien dans les textes littéraires et les écrits esthétiques, Garnier Classiques éditeur, Paris. MONGIN Olivier, 2007. La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Points. NEYRET Régis (sous la direction de), 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. 121p. NORA Pierre, 1997. Les lieux de mémoire (tome 3), Paris, Gallimard RIEGL Aloïs, 1984. Le culte moderne des monuments. Editions du Seuil, Paris, 122p. (éd. originale, Vienne 1903). RUSKIN John, 1980. Sept Lampes de l’Architecture, Paris, Klincksieck. VESCHAMBRES Vincent, 2008. Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition. Presses universitaires de Rennes.
MÉMOIRE : MANGUIN Jérémie, 2008. La stratification urbaine à Rome, La place de l’architecture contemporaine dans le centre de Rome. MARTIN Amélie, 2011. Le tourisme urbain et la muséification, Décryptage d’une notion méconnue. ALEXANDRA GEORGESCU PAQUIN, 2008. Au-delà des murs : L’intégration du musée de l’Ara Pacis dans le centre historique de Rome.
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CONFÉRENCES : DECQ Odile, 2012. L’aventure par l’invention. ENSAL, Lyon
SITES INTERNET : http://www.aedon.mulino.it/archivio/2001/2/sanapo.htm http://www.slate.fr/story/42881/venise-enfonce-23-millions-de-touristes
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CREDITS PHOTOGRAPHIQUES COUVERTURE : Capitole, Rome - Photographie personnelle Venise - meridianes.files.wordpress.com/2011/06/venise.jpg?w=610 Gênes - progettazioneurbanistica.files.wordpress.com/2011/05/immagine111.jpg Parco Della Musica, Rome - 4.bp.blogspot.com/_Kg01lrtaqRI/S9hOrUeg5VI/AAAAAAAAABA/JxcOGmcfKHU/s1600/bachero zzi_1.jpg Ara Pacis, Rome - Photographie personnelle PAGE 4 Porto Antico, Gênes - Photographie personnelle PAGE 16 Le Capitole, Rome - Photographie personnelle Santa Maria Del Fiore, Florence - www.caas.by/sites/caas.by/files/Cathedral.jpg PAGE 18 Le Laocoon, Musée du Vatican - images-mediawiki-sites.thefullwikiorg/05/4/0/6/00573852057432 496.jpg L’Ecole d’Athènes, Rafael, Musée du Vatican - www.potomitan.info/images/socrate.jpg La Villa Adriana, Tripoli - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a9/Th%C3%A9%C3%A2tre_maritime1.JPG PAGE 20 Basilique Saint Pierre de Rome : Différentes constructions sur le site : le cirque de Néron, l’ancienne basilique et la nouvelle - lh6.googleusercontent.com/-AG8Rq-yORIU/UOhe3xxGBpI/AAAAAAAACN4/zkXgzry0G5k/s800/Plan_of_Circus_Neronis_ and_St._Peters.gif L’Intérieur du Colisée, Abraham-Louis-Rodolphe Ducros, vers 1790 - www.old.latinistes.ch/Textes-recreations/Colisee/ colisee-ducros PAGE 26 Maquette du Plan Voisin pour Paris, Le Corbusier, 1925 - markitectsworld.files.wordpress.com/2012/11/plan-voisin-corbmodel.jpg Piazza del Campo, Sienne - wallpapersus.com/wallpapers/2012/01/piazza-del-campo-siena-tuscany-italy-2048x2560.jpg PAGE 28 Ponte Vecchio sur l’Arno, Florence - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e3/Arno_River_and_Ponte_Vecchio %2C_ Florence.jpg PAGE 30 Teatro Di Marcello, Rome - zefmldotcom.files.wordpress.com/2012/08/dsc00237-1600x1200.jpg Via Della Conciliazione avant travaux, Rome - bi.gazeta.pl/im/4/8070/z8070404Q,Projektantem-zalozen ia-byl-wspomnianywczesniej-Marcello.jpg Palimpseste - http://3.bp.blogspot.com/-J449Wg9ECMQ/TgScyKfQb8I/AAAAAAAAAFo/Ll3SzfjxZoU/s1600/Palimpseste.jpg PAGE 34 Arsenal, la Manddalena - www.stefanoboeriarchitetti.net/wp-content/uploads/2010/03/104-maddalena.jpg Palazzo Rosso, Gênes - media-cdn.tripadvisor.com/media/photo-s/01/a5/4e/ca/palazzo-rosso-with-excell ent.jpg Village olypique, Turin - www.a-i-a.fr/fr/archi/projet/idProjet/108?symfony=ca76102741cf25adeef8e5d9f347877a PAGE 42 Le Campanile de la place Saint-Marc, Venise - 3.bp.blogspot.com/-xZqfAbyn1jQ/UKkhHkW1o9I/AAAAAAAAAJE/lpHE ACOQaEU/s1600/P1060162.jpg PAGE 44 La lagune, Venise - 4.bp.blogspot.com/_oZnMPZulGZM/TNAYWZIwakI/AAAAAAAAAII/kajDCilbaCw/s16 00/satellite.jpg Le Pont Rialto depuis la Riva del Vin, Michele Marieschi - img532.imageshack.us/img532/96/marieschimicheletherial.jpg PAGE 45 Ecole d’architecture de Venise - archiguide.free.fr/PH/ITA/Ven/VeniseIAUVSca.JPG www.lecourrierdelarchitecte.com/upload/article/article_422/02(@JPhH)_B.jpg PAGE 46 Musée Fondation Pinault, Douane - www.veraclasse.it-old.s3.amazonaws.com/www.veraclasse.it/5224 1_big.jpg www.lemoniteur.fr/media/IMAGE/2011/02/16/625x418xIMAGE_2011_02_16_13572109-625x600.jpg.pagespeed.ic.a_ zs6CfME2.jpg Ponte della Costituzione - www.archimagazine.com/apontecalatra3_max.jpg farm6.staticflickr.com/5203/5227281652_b97487ae02_z.jpg PAGE 47 Memorial Masieri - www.artribune.com/wp-content/uploads/2011/12/1-Dioniso-Gonzalez-Memorial-Masieri.-F.L.-Wright.-1953..jpg
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Hopital de Venise - glocal.mx/wp-content/uploads/2012/07/Dioniso-Gonzalez-Venice-Hospital.-Le-Corbusier.-1965-2011-cprint-diasec-mounted-60-x-300-cm-ed.-of-7.jpg www.fondationlecorbusier.fr/CorbuCache/900x720_2049_1328.jpg PAGE 48 Radix, Aires Mateus - ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/uploads/2012/08/1346101212-bnl-aima-12-528 x352.jpg Mosquée flottante, Inter National Design - images.derstandard.at/2012/01/13/1326466626186.jpg PAGE 49 Venice 2.0, Julien de Smedt - skynet.jdsa.eu/wp-content/uploads/Venice.jpg Palais Lumière - www.jetsetmagazine.net/images/galerie/gr/2012/09/69074.jpg PAGE 50 Touristes sur des circulations surélevées pendant les Alta Acqua à Venise - cdn-lejdd.ladmedia.fr/var/lejdd/storage/ images/media/images/international/europe/venise-innondations/1097623-1-fre-FR/Venise-innondations_pics_809.jpg Projet Mose - www.salve.it/wiki/images/x%20schiera.jpg Les pigeons de la Place Saint-Marc - www.mackoo.com/venise/images/IMGP5681.jpg PAGE 58 Porto Antico, Gênes - genova.erasuperba.it/wp-content/uploads/2011/03/genova-porto-300x224.jpg Plan de Gênes - maps.google.fr PAGE 60 Nouveau port de Gênes - photographie personelle Porto Antico, Gênes - photographie personelle Place de la Cathédrale - photographie personelle PAGE 62 Centre des congrès, Gênes - farm5.staticflickr.com/4076/4789747454_f8d762dbfa_o.jpg Acquarium, Gênes - photographie personelle Plan de Porto Antico - maps.google.fr PAGE 64 Faculté d’Architecture, Gênes - www.flickr.com/photos/13749049@N04/4695616416/ Teatro Carlo Felice, Gênes - www.sdo-vl.ru/editor/uploads/images/journal/02_13/57_8.jpg PAGE 66 Palazzo Rosso, Gênes - tonkosti.ru/images/5/5b/Palazzo_Rosso,_%D0%93%D0%B5%D0%BD%D1%83%D1%8F.jpg Via San Lorenzo, Gênes - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1f/Via_San_Lorenzo_Genova.jpg/1145px-Via_ San_Lorenzo_Genova.jpg Plan du centre ancien de Gênes - maps.google.fr PAGE 69 Palazzo Rosso, Gênes - upload.wikimedia.org/wikipedia/fr/b/b4/Logo_Expo_’92_Genova.png G8 de Gênes, 2001 - www.g8.utoronto.ca/g8online/summit-logo-2001.gif Genova 2004, capitale européenne de la culture - www.studiobuffoni.it/userfiles/image/giustiniani/images.jpg PAGE 70 Ecole, Jorg Friedrich / Roberto Melai , Gênes - www.contempoproject.eu/works/barcelona/Roberto%20Melai.pdf Ponte Parodi, UN studio, Gênes - www.unstudio.com/uploads/project/89d4d266-1267-41bf-afad-d840b616f4f3 PAGE 72 Colisée Carré, EUR, Rome - sphotos-a.xx.fbcdn.net/hphotos-ash3/545537_4636236072748_1888141393_n.jpg Ara Pacis, Richard Meier, Rome - mimoa.eu/images/1378_l.jpg PAGE 74 MAXXI, Zaha Hadid, Rome - www.omniaconcorsi.it/public/progetti/prog254/MR01.jpg MACRO, Odile Decq, Rome - www.archinfo.it/glry/Nuova_Ala_MACRO/01.jpg Centre des congrès, Massimiliano Fuksas, Rome - www.bta.it/img/a0/03/bta00324.jpg PAGE 76 Red Lace, Odile Decq, Florence - www.rdh.ru/images/stories/editors/elladochka/Odil-Dek/Red_Lace_2.jpg Parco Della Musica, Renzo Piano, Rome - farm5.staticflickr.com/4078/4768930569_9b6ca7cb90_o.jpg PAGE 78 Ancien musée de l’Ara Pacis - rometour.org/data/ara_pacis_augustae.jpg « Non Fatelo » , Dessin du journal New Yorker - www.archipel.uqam.ca/1775/1/M10710.pdf Nouveau musée de l’Ara Pacis, Richard Meier, Rome - photographie personelle
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LA « VILLE-MUSÉE » A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT-GARDE OU ÉCHEC D’UNE CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ ? La ville italienne semble figée dans un idéal passéiste, muséifiée pour sembler éternelle. Mais l’éternité n’est-elle pas un gage d’échec si l’on souhaite intégrer la ville dans les composantes de l’urbanité du XXIème siècle ? Venise semble être l’exemple parfait de cette mort progressive de la ville idéalement protegée. La protection du patrimoine, si complexe en Italie, n’est pourtant pas un gage de cristallisation de la ville ancienne. Cependant comment concilier modernité et patrimoine dans ces villes italiennes si atypiques ? D’autres villes italiennes comme Rome ou encore Gênes ont su adapter leur centre-ville historique aux ambitions de la ville contemporaine, tout en assurant une pérénnité au patrimoine ancien. Ce mémoire se veut être un portait de la ville ancienne au XXIème, à l’heure où le futur de celle-ci reste incertain mais pour laquelle il va falloir trouver des solutions viables pour reconstruire la ville sur elle-même.
Mots-clés : [VILLE-MUSÉE] [PATRIMOINE] [AVENIR] [ITALIE] [URBANISME]
DO THE « CITY-MUSEUM » HAVE A FUTURE IN THE XXIST CENTURY ? A LOOK ON ITALIAN CITY, AVANT GARDE OR FAILURE OF A MEDIATION BETWEEN PAST ET MODERNITY ? The italian city looks like frozen in a ideal of the past, museumized in order to be eternal. But the eternity isn’t it the garanty of a failure if we want to introduce the old city in the components of the urbanity of the XXIst century ? Venice might be the right example of this progressiv death that include the overprotected city. The protection of the heritage, really intricate in Italia, isn’t a guarantee of crystallization of the old downtown. But how is it possible to marry modernity and heritage in this so typical italian cities ? Others cities like Rome or Genoa knew how to get used their historic downtown to the ambition of the comtemporary town, taking care of their heritage and their durability. This essay is a portrait of the old citiy in the XXIst century, when the future of this one is uncertain but for which we have to find sustainable solutions to building the city over her.
Key words : [CITY-MUSEUM] [HERITAGE] [FUTUR] [ITALY] [TOWN PLANNING]
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