L'avenir des villes-musées, l'exemple italien - Mickael Cuillerat

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CUILLERAT Mickaël Mémoire de master

LA « VILLE-MUSÉE » A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT GARDE OU ÉCHEC D’UNE CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ ?

Directrice de mémoire : Antonella Mastrorilli ENSAL // 2013


2


«

La ville de demain va-t-elle définitivement reléguer les villes du passé au musée du patrimoine historique ?

«

N’est-il pas possible, au contraire, d’intégrer villes, centres et quartiers anciens dans la vie quotidienne de l’ère électronique, de les rendre à des usages qui ne soient pas ceux de l’industrie culturelle ?

Françoise Choay, dans la préface de L’Urbanisme face aux villes anciennes, GIOVANNONI Gustavo, 1998, Paris, Editions du Seuil.

3


Fig : Porto Antico, Genova 4


5


6


SOMMAIRE

INTRODUCTION

11

01 / HERITAGE PATRIMONIAL ET VILLE MUSEE EN ITALIE :

15

VERS LE TOUT-PATRIMOINE ? A - LE PATRIMOINE EN ITALIE : CINQ SIECLES DE PROTECTION

17

1 / Le patrimoine italien : Diversité et identité 2 / Evolution et spécificités de la législation italienne La Renaissance : Prise de conscience et esquisse de la patrimonialisation La vandalisation : Moteur de la protection du patrimoine L’appareil législatif italien : Deux siècles de législation 3 / Du patrimoine architectural au patrimoine urbain Emergence de la question urbaine Difficile législation et la protection des centres anciens

B - VERS LA MUSEIFICATION DES VILLES ITALIENNES ?

31

1 / Quelques notions de la ville patrimoniale De la ville palimpseste... ... à la ville-musée De la protection à la valorisation du patrimoine 2 / Les enjeux économiques de la muséification

02 / LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE, VILLE MUSÉIFIÉE :

37

MYTHE OU RÉALITÉ ? A - PROFESSIONNELS, TOURISTES ET VILLE MUSÉE : QUELLE VISION DE LA MUSÉIFICATION ? 1 / Du coté de la profession 2 / Du côté des touristes 3 / Mythe ou réalité ?

7

39


B - DU DANGER DE LA MUSÉIFICATION « PASSIVE »

43

DES VILLES ITALIENNES, VENISE, MANIFESTE D’UN ÉCHEC ? 1 / Venise, du port au tourisme, à la recherche d’un idéal figé ? 2 / Quelle avenir pour la ville historique ? La discrétion, l’éphémère ou rien L’avenir hors les murs Il faut sauver... le tourisme 3 / Où est passée la vie ?

03 / LE XXIÈME SIECLE ET LA VILLE ITALIENNE :

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UNE POSSIBLE ÉVOLUTION ? A - PEUT-ON ENVISAGER UN AVENIR POUR LA VILLE-MUSEE ?

55

Conserver, protéger, plus qu’une volonté, une nécessité La muséification se résume-t-elle à la surprotection du patrimoine ? Quel futur pour la ville italienne ?

B - GÊNES : UN EXEMPLE DE MUSÉALISATION ÉQUILIBREE ?

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1 / Ville atypique ou reflet des villes italiennes ? Apogée et rayonnement Déclin de la puissance de la ville 2 / Le renouveau de la ville : Quelles options ? 3 / Retrouver son port : Un projet initiateur Un projet ambitieu Un projet pas à pas Les raisons du succès 4 / Retrouver son centre-ville : La finalité du projet Un lieu impossible à vivre ? Quelques projets initiateurs et une main tendue vers le port... Un projet pour les touristes et les habitants 5 / Les grands projets et les outils mis à contribution 6 / Une ville ambitieuse

C - ROME : CONSTRUIRE, RÉNOVER, RECONVERTIR DANS LA VILLE-MUSÉE 1 / Faire la ville sur la ville, un perpétuel défi 2 / Construire dans la ville italienne historique De la préconisation au dialogue Les vestiges, un problème ? Des projets polémiques

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73


CONCLUSION

81

REMERCIEMENTS

85

ANNEXES

86

BIBLIOGRAPHIE

88

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

90

9


10


INTRODUCTION

Reconstruire la ville sur la ville. Peut-

siècle synonyme de grands changements.

être l’enjeu architectural et urbain du XXIème siècle. À l’heure où l’urbanisation s’étend sur

À trop vouloir se tourner vers le centre, et

les périphéries des métropoles et participe

vouloir tirer parti et surtout profit de la richesse

au mitage sans précédent de l’espace rural,

patrimoniale, ne risque-t-on pas de figer la

l’ensemble des acteurs de l’architecture et de

ville dans un idéal d’authenticité ? Il s’agit

l’urbanisme contemporain se tourne vers le

en effet d’une des problématiques soulevées

centre-ville des villes.

par la muséification des villes c’est-à-dire la

Aujourd’hui les centres-villes anciens sont

transformation des villes (et en particulier de

redécouverts,

leurs centres anciens) en véritable musée

parfois

après

des

années

d’oubli, de mise à l’écart.

urbain. La question à se poser est la suivante : Peut-

Certaines villes se sont pourtant tournées vers

on concilier dans le centre-ville les activités

leurs centres-villes bien avant pour une raison

touristiques

bien particulière. Ils sont les berceaux de

historique et de la préservation du tissu urbain

l’évolution de leur ville, leur centre de gravité.

et du patrimoine, avec la vie de l’habitant, les

Ils sont aussi un trésor, un trésor patrimonial.

activités économiques, culturelles, sociales... ?

Pour définir ces villes dotées d’un patrimoine

En quelque sorte peut-on donner aux centres

riche, on parle fréquemment de villes-musées.

anciens la qualité urbaine et architecturale

Conscientes de leur valeur patrimoniale et

de la ville ancienne adaptée aux usages

historique, ces villes ont rapidement fait de leur

contemporains ? Peut-on concilier passé et

centre un atout économique en se tournant

modernité dans la ville ancienne ?

dépendantes

d’une

qualité

vers le tourisme. De nombreuses villes de taille moyenne basent ainsi leur économie

Alors que le retour au centre s’impose, que

largement sur le tourisme. Le tourisme est une

la reconversion occupe une part toujours

facilité largement appréciée des villes-musées.

plus importante dans le volume de projets

Chaque bâtiment est exploité, on protège un

réalisés, il est bon de se poser une question

maximum les constructions remarquables ou

qui dépasse même le projet, pour parler de

atypiques pour faire preuve d’authenticité au

l’échelle urbaine.

moment où le monde se tourne vers le XXIème

11


Pour répondre à cette question qu’est l’avenir

Tout d’abord, la conception du patrimoine en

de la ville-musée, nous nous intéresserons à un

Italie est primordiale pour bien comprendre le

pays en particulier, l’Italie. En effet, la péninsule

visage de la ville musée italienne. La notion

italienne est riche d’une multitude de villes au

de patrimoine a fait peu à peu son émergence

patrimoine toujours plus impressionnant et

en Italie avant de se diffuser dans les autres

atypique (Florence, Naples, Gênes, Venise,

pays européens et la législation à suivi pour

Rome, Côme...). Chacune de ces villes offrent

protéger de plus en plus de constructions

un visage différent compte tenu de l’histoire de

patrimoniales. Dès lors la pris en compte

chacune.

du patrimoine s’étend alors à la question du

Mais elles sont toutes confrontées au même

patrimoine urbain mais la protection de la ville

problème. Que va devenir leur centre-ville dans

se trouve beaucoup plus complexe à définir

plusieurs années s’il est muséifié, protégé et

ce que nous verrons au début de ce mémoire.

haut lieu du tourisme ?

La complexité de la question législative de la protection patrimoniale fait de l’Italie un pays

Ce mémoire fait aussi suite à un rapport d’étude

singulier, doté d’un patrimoine exceptionnel

réalisé en 3ème année de Licence sur l’avenir

mais dans lequel il est relativement complexe

du patrimoine militaire en France et leur rôle

de savoir quoi faire, comment faire et pourquoi

dans la dynamique urbaine des villes. Ici nous

faire. Encore plus lorsqu’il s’agit de faire

nous intéressons beaucoup moins à la qualité

évoluer la ville.

de la construction, aux programmes réalisés. Dans ce mémoire nous nous intéressons avant

Après s’être penché sur la question de la

tout au patrimoine pour son poids urbain et son

muséification et de ses aspects économiques,

rôle dans la vie des habitants et des touristes,

nous nous tournerons vers la vision qu’ont

plutôt que sur les opérations réalisées sur

les usagers (professionnels ou touristes de

celui-ci. Nous nous attacherons à étudier des

la ville-musée), que nous confronterons à

centres anciens dans leur globalité, et non pas

une analyse de la ville-musée italienne par

des projets. Le sujet de ce mémoire est plutôt

excellence, à savoir Venise.

l’avenir de la ville ancienne (et par conséquent

Venise est très particulière. Son centre

de son patrimoine, mais aussi de l’ensemble du

ancien isolé sur une île au large du rivage

bâti ancien) plus que de l’avenir du patrimoine

est d’une qualité patrimoniale exceptionnelle.

uniquement.

Cependant depuis des années, la municipalité semble avoir du mal à expliquer le problème de Venise : plus personne ne s’y installe ? Quelles

COMMENT PEUT-ON FAIRE ÉVOLUER LA

sont alors les pathologies de la ville-musée.

VILLE ANCIENNE ET L’INSCRIRE DANS LA

Qu’entraîne une muséification excessive et

PERSPECTIVE DU XXIÈME SIÈCLE ?

une surprotection patrimoniale ? Venise nous permettra de prendre vraiment conscience des maux qu’entraîne la muséification d’un

Nous allons pour cela nous intéresser à la ville

site patrimonial surtout sur le long terme.

italienne sur plusieurs points pour comprendre

Venise est parfois dépeinte comme un parc

la spécificité de celle-ci.

d’attraction patrimonial et nous verrons quels

12


en sont les aspects.

l’avenir de la ville italienne par un regard sur

Cependant le but de ce mémoire n’est pas

plusieurs villes différentes mais partageant

de condamner toutes les opérations de

un même idéal : revaloriser son centre

sauvegarde, de protection et d’exploitation

historique. Il n’est pas question ici de donner

des villes-musées italiennes, mais il faudra

un modèle unique à suivre pour assurer à la

comprendre comment l’on peut faire aujourd’hui

ville-musée un avenir, mais l’idée est plus

pour proposer une muséification non pas

d’approcher des points clés inévitables, et

excessive et passive, mais équilibrée où tout

de dresser les raisons d’un échec ou les

est concilié (passé et modernité, habitants et

jalons d’une réussite.

touristes...).

Chaque ville est unique, mais comprendre

Un avenir est-il possible pour la ville-musée

les raisons d’un succès permettra à chacun

dans le siècle actuel ? Nous répondrons à cette question par deux exemples distincts.

de relativiser sur chacune des métropoles

Gênes permettra de comprendre comment

italiennes pour espérer un jour voir sortir ces

une ville arrive aujourd’hui à concilier la vie de

illustres cités de la muséification classique.

ces habitants et de ses touristes, comment son économie s’est tournée vers le tourisme tout en développant des économies complémentaires, comment elle a pu redécouvrir son centre oublié... Gênes est l’exemple même qui permettra de relativiser sur l’avenir de la villemusée, alors que l’avenir de la ville aurait pu nous inquiéter. Mais la question n’est pas vraiment « Un avenir est-il possible ? Oui ? Non ? ». Elle vise plus à démontrer comment une ville peut arriver à un tel résultat, quels sont les outils mis en place... Rome nous permettra par la suite de nous intéresser aux contraintes de la construction en site historique à Gênes par quelques exemples contemporains réalisés ces dernières années. Nous essayerons comprendre comment la ville-musée, saturée de monuments, peut encore accueillir en son sein l’architecture contemporaine et à quoi elle est aujourd’hui confrontée ? Ce mémoire se veut un portrait itératif de

13


0 14


01 01

HERITAGE PATRIMONIAL ET VILLE-MUSテ右 ITALIENNE : VERS LE TOUT-PATRIMOINE ?

15


Fig. 1 : La place du Capitole, Rome

Fig. 2 : Florence et Santa Maria Del Fiore 16


01

A - LE PATRIMOINE EN ITALIE, CINQ SIECLES DE PROTECTION

italiens, car le pays n’était pas unifié avant

1 / LE PATRIMOINE ITALIEN : DIVERSITÉ ET IDENTITÉ

1871) d’un immense patrimoine architectural et urbain aussi varié que de qualité (fig.1), aussi majestueux que pittoresque (fig.2). du

Pour comprendre la spécificité de l’Italie vis-à-

patrimoine sur la conception des villes

vis de la conservation et de la reconnaissance

italiennes et la place qu’il occupe aujourd’hui

de son patrimoine, il sera utile d’effectuer des

dans le paysage architectural et urbain italien,

aller-retours avec la France dont on connait

il est nécessaire de comprendre son évolution

bien les principes de patrimonialisation.

au fil des siècles et de comprendre le poids

A la grande différence de la France cette

que représente l’histoire de l’Italie, de son

reconnaissance du patrimoine entre très tôt

architecture au niveau national et européen.

dans la conscience collective ou du moins

Pour

comprendre

l’influence

des élites et édiles de la société italienne L’Italie n’est pas choisie indépendamment

(principalement romaine). Le pays a reconnu

de toute prise de position quant à la notion

très tôt le rôle majeur que joue le patrimoine

de patrimoine. Le pays est à l’origine de

dans la construction d’une identité commune.

toute

une

mouvance

architecturale

et

patrimoniale sans pareil en Europe. Que serait

L’ensemble de l’histoire de l’Italie et de son

le patrimoine architectural européen sans

rapport au patrimoine se joue en partie

l’apport architectural des années d’apogées

grâce à la ville de Rome. La question du

de l’Empire romain et de son architecture de

patrimoine romain est source de polémique

pierre et de monumentalité ? L’architecture

car compte tenu de l’histoire de la ville elle

de la Renaissance trouve sa force et son

est un laboratoire à ciel ouvert de la question

essence dans les constructions palladiennes

du patrimoine. Rome est la ville italienne par

et l’engouement des familles de mécènes

excellence, centre de la chrétienté, centre du

italiens. L’Italie a été le berceau de la diffusion

pouvoir, centre de l’art… Rome nous aidera à

de l’architecture, de l’art et de la construction

comprendre pourquoi le patrimoine occupe un

pour l’ensemble de l’Europe. Les principes

poids si particulier en Italie, comme nulle part

architecturaux des plus grands édifices de la

ailleurs.

péninsule italienne séduisirent nombres de monarques au fil des siècles qui imitèrent et

Si en France on s’intéresse au patrimoine, il

réinterprétèrent l’architecture italienne (si l’on

est en fait nécessaire de comprendre cette

peut vraiment définir l’architecture réalisée sur

reconnaissance patrimoniale et urbaine en

le sol italien comme italienne car il n’existe pas

Italie car elle est certainement le pays qui a

de style italien mais plus d’un savoir-faire).

permis à toute l’Europe d’ouvrir les yeux sur

Il est néanmoins sûr que la qualité architecturale

l’ensemble du poids patrimonial accumulé au

des constructions réalisées en Italie au fil des

fil des siècles.

siècles a doté le pays (ou plutôt les Etats 17


2 / ÉVOLUTION ET SPECIFICITÉS DE LA LEGISLATION ITALIENNE

Françoise Choay dans Le Patrimoine en question retrace l’évolution de la notion de patrimoine au fil des siècles. S’il est clair que cette notion existe naturellement comme concept, il a fallu un temps avant que l’on applique la notion de patrimoine à l’héritage d’une communauté, d’une nation… Si la protection du patrimoine fait l’unanimité aujourd’hui, ce ne fut pas le cas en Europe et

Fig. 3 : Le Laocoon

en Italie par le passé. On

distinguera

deux

étapes

dans

le

processus de reconnaissance du patrimoine : une première étape qui pose les jalons des qualités du patrimoine par la redécouverte des œuvres antiques, et une seconde étape qui pose les bases d’une législation à venir suite à l’indignation des intellectuels face aux démolitions.

LA RENAISSANCE :

Fig. 4 : L’Ecole d’Athènes, Raphael

PRISE DE CONSIENCE ET ESQUISSE DE LA PATRIMONIALISATION La Renaissance italienne traduit ce retour aux sources, et en particulier aux concepts antiques. Cette période qui met fin au Haut Moyen-Age à la fin du XIVème siècle prend corps dans l’Italie du Nord (dans des villes comme Siène, Florence...) et bouleverse l’ensemble des codes artistiques, littéraires et scientifiques. On redécouvre les ouvrages antiques, des pièces de l’art comme le Laocoon (fig.3) en 1506 qui marqueront les érudits et artistes et remettront en cause les acquis et

Fig. 5 : Villa Adriana Tivoli

croyances contemporaines. La célèbre fresque

18


de Raphael de l’Ecole d’Athènes (fig.4) (située

des pierres du Colisée qui servirent à édifier

dans les appartements de Jules II au Vatican)

nombres de constructions romaines comme

représente avec une grande finesse ce retour

entre autre la basilique Saint-Pierre. Notons

aux fondamentaux antiques ainsi qu’à leurs

de même que Jules II, qui est à l’origine du

protagonistes. Dès lors l’Antiquité devient une

projet de la basilique, n’a eu que très peu

référence que l’on va copier, décoder, diffuser,

d’intérêt patrimonial pour l’ancienne basilique

interpréter… Il n’est alors plus possible

constantinienne érigée au IVème siècle.

aux yeux des édiles de laisser cet héritage

Au début du XVIème siècle les enjeux de la

disparaître alors que l’on découvre petit à

reconnaissance patrimoniale sont encore peu

petit que 10 à 15 siècles auparavant, d’autres

esquissés et restent des concepts politiques.

possédaient déjà les réponses à des questions

En 1538, le pape Paul III invite par une bulle

contemporaines ainsi qu’une finesse artistique

pontificale à la protection des monuments

jamais égalée jusqu’alors. Multiples sont

antiques. Cet écrit marque une prise de

les enjeux de la Renaissance italienne qui

conscience du Vatican sur la nécessité de la

a influencé tout l’Occident, mais c’est avant

conservation des monuments antiques et leur

tout cet engouement pour l’antiquité qui nous

apport culturel, théorique et artistique.

intéresse ici car au cœur de la future définition

Plus d’un siècle plus tard, le cardinal Spinola

du concept de patrimoine.

signe un édit qui assure la protection, la

Les fouilles autour des édifices antiques

conservation et la restauration des monuments.

comme le Palatin, Pompéi ou encore la Villa

Il faut protéger « les souvenirs et ornements

Adriana (fig.5) se multiplient pour apprendre à

que cette cité-mère de Rome, lesquels

connaître l’époque antique.

provoquent l’estime de sa magnificence et de sa grandeur auprès des nations étrangères ».

Une grande partie du travail de cette reconnaissance du patrimoine est dûe au

La Renaissance marque aussi la redécouverte

Vatican et aux différents souverains pontifes

des traités antiques sur l’architecture tel que

qui se sont succédés.

le aujourd’hui célèbre traité de Vitruve De

Très tôt dès le XIVème siècle, sous le pontificat

Architectura écrit au Ier siècle av. JC jusqu’alors

de Martin V, on voit la création d’un bureau des

inconnu. Ce texte influença de nombreux

Magistri Viarum qui prévoit la conservation des

architectes de la Renaissance comme Léonard

rues, ponts, murs mais aussi des bâtiments de

de Vinci, Alberti ou encore Michel-Ange. Il pose

la ville de Rome. Il pose aussi les bases de la

les bases d’une architecture autour de trois

restauration et de la reconversion des édifices.

fondements majeurs : la firmitas, l’utilitas et la

C’est un des premiers papes à s’intéresser à

venustas (forte, utile et belle). Les architectes

la question du devenir des constructions.

italiens entre autres s’inspirent alors de ce traité

Entre 1458 et 1464, le pape Pie II, invite à la

redécouvert comme une source d’écriture pour

sauvegarde des vestiges romains en cours

leur propre écrit. Vitruve, par son manuscrit,

d’utilisation comme les ponts et églises.

redéfinit les fondements de l’architecture

Cependant, malgré des ambitions louables et

comme un art total alliant l’ensemble des

qui augurent de beaux jours à ces constructions

sciences (de la géométrie à l’acoustique en

antiques, rien ne sera fait contre le pillage

passant par l’optique).

19


LA VANDALISATION :

St-Jean de Latran et permet d’utilisation des

MOTEUR DE LA PROTECTION DU

marbres de la Curie et du Forum Julium pour

PATRIMOINE

construire le palais apostolique. En 1471, pour édifier la librairie du Vatican,

« Tant que le Colisée sera debout,

Sixte IV autorise les architectes à se livrer à

Rome sera debout.

des excavations pour s’approvisionner en

Quand le Colisée s’écroulera, Rome

matériaux, cependant en 1474, il menace

s’écroulera.

d’excommunication tous ceux qui prélèveront

Quand Rome s’écroulera, le monde

des pierres des églises et basiliques anciennes.

entier s’écroulera. » Bède le Vénérable, (673-735 ap. J.-C.), moine

Dans ce contexte et pour préserver l’ensemble

bénédictin

des constructions antiques, Raphaël est nommé en 1515 commissaire des Antiquité

C’est aussi et avant tout les destructions

des Rome par le Vatican par Léon X. C’est le

des monuments qui vont provoquer une vive

Vatican qui est à l’origine de la reconnaissance

réaction des pouvoirs en place vis-à-vis des

de l’apport théorique, artistique et scientifique

vandales.

dont est chargé le « patrimoine antique ».

Déjà au XVème siècle on voit naître une

Cependant le pape déclare qu’il est possible

farouche opposition entre les humanistes,

de récupérer les pierres sur des vestiges

soucieux de conserver les vestiges antiques

antiques du moment où celui-ci n’est pas

source d’inspiration et de questionnement, et

considéré comme un « monumenta ». (fig.5)

les vandales qui à Rome détruisent œuvres d’art et monuments à la gloire des faux-dieux.

La lettre de Raphael à Léon X va dans le sens opposé et fait l’éloge de la Rome antique et

L’un

des

cette

de ses vestiges essentiel à la société actuelle.

reconnaissance et protection du patrimoine

Dans sa lettre écrite en 1519, Raphael fait

reste la lettre de Raphael au pape Léon X. Le

apparaître d’une part la grandeur de la Rome

cardinal Giovanni di Lorenzo de Medici, futur

antique, Mère du monde et d’autre part

Léon X succède en 1514 à Jules II. Tous deux

l’ambition démesurée des papes pour une

sont des grands mécènes de la Renaissance

Rome nouvelle et prospère. Cependant ils

et s’intéressent particulièrement aux arts et

opposent ces deux visions que les souverains

en particulier à l’Architecture car ils comptent

pontifes n’arrivent pas à allier.

donner à Rome la possibilité de rayonner par

« Oui, j’ose affirmer: toute cette Rome nouvelle,

sa grandeur passée et actuelle.

si grande puisse-t-elle être, si belle, si riche en

Cependant

éléments

malgré

principaux

leurs

à

intérêts

pour

palais, églises et autres monuments, visibles

l’antiquité, les papes les uns après les autres,

aujourd’hui, est toute entière bâtie avec de la

tiennent des discours ambigus.

chaux fabriquée à partir des marbres antiques.

Ainsi, Eugène IV déclare en 1436 vouloir

» [1]

protéger le Colisée du pillage des tailleurs

[1] Georg GERMANN , Traduction de la Lettre à Léon X de Raphael. Vitruve et le vitruvianisme. Introduction à l’histoire de la théorie architecturale, Lausanne, 1991, p. 91

de pierre, mais autorise la récupération des pierres pour la restauration de l’abside de

20


Les successeurs de Saint-Pierre n’ont pas

puis d’autres parts la population toute entière.

su conserver et construire dans Rome. L’un impliquait nécessairement l’abandon de l’autre

Entre 1585 et 1590, le pape Sixte Quint décida

et c’est cette conception manichéenne que les

de réaliser un grand projet d’extension et de «

différents papes ont suivi un par un.

mise en valeur » des terrains de la partie Nord

Raphael trouve dans les modèles antiques

de la ville de Rome, et décida par la même

l’ensemble des éléments architecturaux qui

occasion de tracer des grandes artères à

serviront de références pour la production

travers la ville et il se vit rapidement confronté

architecturale de la Renaissance : architraves,

au Colisée sur ces tracés.

frises,

bases

Mais pour assurer une évolution à la ville, il

proportionnées. A ce titre, supprimer un vestige

fut décidé que le Colisée serait amputé pour

antique revient à supprimer une référence

permettre le passage d’une grande avenue.

notoire.

Grâce à la persévérance et la pugnacité du

chapiteaux

ouvragés

et

Cardinal de Santa Severina et au ralliement Si la lettre de Raphael reste un élément

d’autres cardinaux, le Colisée fut sauvé in

qui aura peu d’impact dans le monde de la

extrémis.

reconnaissance du patrimoine, elle est un élément qui expose très tôt les qualités du

Cet exemple, parmi d’autres, montre que par

patrimoine (au-delà d’un esthétisme pittoresque

le passé, le patrimoine n’a pas toujours fait

ou romantique) et la prise de conscience de

l’unanimité aux yeux de la population même la

celles-ci par d’une part les érudits (ou artistes)

plus érudite qui soit.

Fig. 5 : L’Intérieur du Colisée, Abraham-Louis-Rodolphe Ducros, vers 1790 21


Tant

qu’aucune

législation

précise

ne

La proposition provoque une vive réaction des

fut spécifiée autour de la protection des

romains, et de nombreux artistes signèrent une

monuments, le débat entre les conservateurs

pétition recensant de nombreux arguments

et les novateurs (si l’on peut classifier le

artistiques, juridiques et financiers. Suite à

débat autour du patrimoine en deux castes

l’indignation des romains face à ce projet,

radicalement contradictoires) fut stérile et

l’empereur français retire sa proposition et le

déboucha sur des débats aussi étrange puisse-

petit palais échappa à la destruction… jusqu’à

t-il sembler aujourd’hui que la destruction ou

ce que le monument à Victor-Emmanuel ne

non du Colisée.

soit érigé et provoque la destruction de tout

Le pillage des sites antiques pour la construction

un quartier médiéval attenant à la colline du

de nouveaux édifices a aussi bouleversé les

Capitole.

populations ce qui remis au goût du jour la

Les différentes atteintes au patrimoine qu’elles

nécessité d’une législation patrimoniale pour

soient concrètes ou ambitionnées ont imposé

protéger concrètement ces édifices menacés.

aux autorités, essentiellement pontificales de

Plus d’un siècle après le projet ambitionné par

légiférer sur la question de la protection du

Sixte Quint, le cardinal Spinola signe en 1704,

patrimoine.

un édit qui assure la protection, la conservation et la restauration des monuments. Il faut

On s’aperçoit donc que la notion de patrimoine,

protéger « les souvenirs et ornements de

de protection de celui-ci ou au minimum de

cette cité-mère de Rome, lesquels provoquent

reconnaissance de ces qualités interviennent

l’estime de sa magnificence et de sa grandeur

très tôt en Italie au XVème-XVIème siècle

auprès des nations étrangères ». [2]

alors que dans les autres pays européen,

Cet édit est renforcé en 1733, par celui

et entre autres la France, il faut attendre la

du cardinal Albani qui condamne toutes

fin du XVIIIème siècle pour voir apparaître

dégradations et propose des réprimandes

les premières consignes de protection du

envers ceux qui voudraient porter atteinte aux

patrimoine.

monuments antiques. En 1802, Pie VII met en place une législation

L’APPAREIL JURIDIQUE ITALIEN :

pour protéger le patrimoine, comme l’héritage

DEUX SIÈCLES DE LÉGISLATION

du passé, d’une nation. La protection ne se Si l’Italie était hier en avance sur ses

résume plus uniquement à la protection des

pays voisins quant à la reconnaissance du

monuments antiques.

patrimoine, sa législation n’en reste pas moins Autre exemple plus de deux siècles après

complexe par rapport aux autres législations

le projet de Sixte Quint, en 1811, Napoléon

européennes. En effet, si la prise en compte

1er ambitionne de prolonger le Corso vers le

du patrimoine est une composante inhérente

Capitole et donc de détruire le petit palais de

et fondamentale pour l’Etat Italien, la récente

Venise.

unification des Etats Italiens au cours du XIXème siècle n’a pas simplifié la législation

[2] Carlo CESCHI, Teoria e Storia del Restauro, Roma, 1970, page 31

globale qui se veut être une synthèse des

22


réglementations des différents Etats.

tendresse, avec respect, avec une vigilance

Comme expliqué dans la partie précédente,

incessante, et encore plus d’une génération

pour

sites

naîtra et disparaîtra à l’ombre de ses murs.

archéologiques et pour conserver ses sites

Sa dernière heure enfin sonnera ; mais

patrimoniaux intacts, les Etats italiens encore

qu’elle sonne ouvertement et franchement,

indépendants ont pris des mesures par

et qu’aucune substitution déshonorante et

décrets, en 1745 en Lombardie, en 1760 à

mensongère ne le vienne priver des devoirs

Parme, en 1854 en Toscane ou encore en

funèbres du souvenir. » [3]

lutter

contre

le

pillage

des

1857 à Modène. Cette leçon sera très largement entendue en Pour comprendre le regard italien sur le

Italie qui veillera avec grand soin à l’entretien

patrimoine, il convient d’être informé des

de ses bâtiments, à la différence d’autres pays

différents courants de penser européen. Il ne

européen comme en particulier la France.

s’agit pas ici d’exposer les différents visions

Il s’oppose radicalement à Eugène Emmanuel

de chaque nation européenne, mais de

Viollet-Le-Duc, qui en France prône une

comprendre pourquoi l’Italie s‘est tournée vers

intervention de restauration des monuments

un certain mode de patrimonialisation.

pour lui redonner une nouvelle vie. Cependant

A la fin du XIXème siècle, Ruskin publie un

l’architecte français tente de retrouver une

ouvrage majeur en architecture : Sept Lampes

nouvelle identité perdue, ou peut-être jamais

de l’Architecture. Dans cet ouvrage, il invite les

possédée. Il efface les traces du temps alors

architectes, et autres acteurs du patrimoine

que Ruskin assume l’héritage du temps et

à la plus grande prudence avec les édifices

des siècles de constructions successives.

anciens.

Ces deux visions françaises et anglaises sont

« Prenez soin de vos monuments et vous

radicalement opposées : l’une fait l’éloge de la

n’aurez nul besoin de les restaurer. Quelques

restauration stylistique, alors que l’autre prône

feuilles de plomb placées en temps voulu sur

une conservation romantique.

la toiture, le balayage opportun de quelques

L’Italie n’a pas fait le choix de la restauration

feuilles mortes et de brindilles de bois

styliste et s’est beaucoup plus rapprochée de

obstruant un conduit sauveront de la ruine à la

la vision de John Ruskin, par des théoriciens

fois murailles et toiture. Veillez avec vigilance

et architectes comme Camillo Boito. En effet,

sur un vieil édifice, gardez-le de votre mieux

si Ruskin considère la conservation comme

et par tous les moyens de toute cause de

unique voie de protection du patrimoine qui

délabrement. Comptez-en les pierres comme

ne nuit pas à sa qualité, il tombe rapidement

vous le feriez pour les joyaux d’une couronne,

dans l’extrémisme de la conservation c’est-

mettez-y des gardes comme vous en placeriez

à-dire le fantasme du ruinisme. Les Italiens

aux portes d’une ville assiégée ; liez-le par

Boito et son élève Giovannoni, ouvrent alors

le fer quand il se désagrège ; soutenez-le à

les portes d’une troisième voie « italienne »,

l’aide de poutres quand il s’affaisse ; ne vous

plus équilibrée, tout en offrant des pistes de

préoccupez pas de la laideur du secours que

conservation et de restauration modérées.

vous lui apportez, mieux vaut une béquille [3] John RUSKIN, Sept Lampes de l’Architecture, Paris, 1980

que la perte d’un membre ; faites-le avec

23


Dans Conserver ou Restaurer, Boito expose

1947 considère la protection du patrimoine

l’extrémisme de Viollet-Le-Duc et de Ruskin

comme une composante nécessaire au bon

afin de démontrer l’incompatibilité de leur

fonctionnement de la république Italienne.

position tant elles sont radicalement différentes.

L’article 9 exprime la place principale qu’occupe

Cet écrit, et la position de Boito, influencera

le patrimoine : La République promeut le

beaucoup le processus de patrimonialisation

développement de la culture et la recherche

italien. Les textes de loi qui seront alors rédigés

scientifique et technique. Elle protège les

pendant les décennies suivantes seront donc

sites et sauvegarde le patrimoine historique et

très modérés.

artistique de la Nation. Dès la mise en place de ces décrets de

Nombres de textes se sont succédés au

protection du patrimoine architectural riche et

début du XXème siècle, en 1904, 1909,

varié dont dispose l’Italie, se pose la question de

1913 ou encore 1923 sans déboucher sur

la classification des ouvrages architecturaux.

une législation complète, et ce n’est qu’en

Ainsi le Cardinal Pacca propose en 1820 un

1939 qu’est mise en place une loi qui régit la

édit pour la protection des monuments en

protection du patrimoine.

c’est Fernand 1er de Bourbon à Naples qui

L’article 1er définit la protection patrimoniale

prévoit le premier un catalogue qui recenserait

de la manière suivante :

l’ensemble des œuvres d’arts et des œuvres

« Les objets d’intérêt artistique, historique

antiques.

et ethnographique, y compris : les objets relatifs à la paléontologie, la préhistoire et les

Il faudra attendre les premiers textes de

premières civilisations ; les objets d’intérêts

1909 pour voir naître l’équivalent de notre

numismatiques ; les manuscrits, autographes,

classement

correspondances, documents remarquables,

français. Cependant la législation italienne

incunables, ainsi que les livres, imprimés et

rend complexe cette classification (la «

estampes ayant un caractère de rareté ou

notificazione »). Si en France n’importe quel

de prix » seront à protéger. Cette loi protège

monument, peu importe sa nature, peut être

aujourd’hui encore l’ensemble des objets

inscrit sur la liste des monuments historiques,

patrimoniaux, témoins de l’histoire du pays.

Italie cela reste assez différent. En effet,

Si l’on avait avant tout un langage esthétique

comme la Constitution considère qu’il est du

lors de la rédaction de cette loi en 1939,

devoir de la nation italienne que de conserver

le décret de 1974, a redéfinit la notion de

le patrimoine, cette « notificazione » ne

patrimoine autour du « bien culturel ».

s’applique qu’aux édifices qui sont la propriété

des

Monuments

Historiques

de personnes privées. Ces édifices, qui sont La loi de 1939 est l’équivalent italien de notre

propriété d’une personne, sont ajoutés à cette

loi de 1913 sur les monuments historiques

liste et deviennent sous la surveillance du

qui prévoit le classement de l’ensemble des «

ministère chargé des Biens culturels après le

immeubles dont la conservation présente au

dépôt et l’acceptation du dossier de protection.

point de vue de l’Histoire et de l’Art un intérêt

Le particulier, propriétaire du bien reconnu par

public ».

la « notificazione », a l’obligation vis-à-vis de

La Constitution Italienne promulguée en

l’Etat d’assurer la pérennité de l’édifice.

24


Contrairement à la France, il n’existe dans cette loi de protection et de classement du patrimoine, d’obligation de l’Etat vis-à-vis du propriétaire de participer financièrement aux travaux de restauration, rénovation, solidification… Cependant, le propriétaire ne peut entreprendre ces travaux que sous la validation de l’autorité décentralisée régionale : la Surintendance. Cette spécificité italienne qui implique donc avant tout un engagement du propriétaire vis-à-vis de l’Etat explique la non-existence du corps des Architectes des Monuments Historiques comme en France, qui suivent les travaux et veille à la qualité de l’intervention. La Surintendance, représentation régionale du ministre a la possibilité d’imposer des travaux (et y participer si elle le souhaite) et d’imposer une ouverture d’un édifice au public. La décentralisation facilite l’intervention la gestion des dossiers concernant le patrimoine. L’aboutissement

international

et

législatif

autour du patrimoine reste tout de même la charte de Venise ratifiée en 1964 qui permet de définir un cadre réglementaire autour de la question du patrimoine. Elle aborde globalement la notion de patrimoine autour des thèmes de la restauration, la conservation... Si la prise de conscience fut relativement précoce en Italie par rapport aux autres pays européens, la législation à mis très longtemps à s’installer dans le pays pour proposer une reconnaissance et une gestion convenable du patrimoine.

25


Fig. 6 : Maquette du Plan Voisin pour Paris Le Corbusier, 1925

Fig. 7 : Piazza del Campo, Sienne 26


surtout dans le voisinage des monuments

3 / DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL AU PATRIMOINE URBAIN

anciens dont l’entourage doit être l’objet de soins particuliers. Même certains ensembles, certaines

perspectives

particulièrement

pittoresques, doivent être préservés. » [4]

Jusqu’au XXème siècle, la protection et la sauvegarde des monuments historiques ne s’intéresse qu’à l’édifice comme un objet

En effet, que serait la ville de Sienne sans ses

architectural isolé. Et cette conception est

étroites et hautes ruelles qui débouchent sur

commune à l’ensemble de l’Europe. Le

la grande Piazza del Campo (fig.7). Peut-on

patrimoine comme objet solitaire n’est pas

imaginer le même espace sans ses rues, ses

envisagé comme ayant de la valeur grâce et

constructions du quotidien ?

à cause de son environnement urbain. Par exemple, entre 1922 et 1925, Le Corbusier EMERGENCE DE LA QUESTION URBAINE

propose même pour Paris, le célèbre plan Voisin dans lequel il propose un nouvel urbanisme. La ville conserve cependant ses édifices majeurs,

Le milieu du XXème siècle marque

le Louvre, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel, le

alors ce basculement en Italie de la question

Sacré Cœur… (fig.6). Ces éléments font «

patrimoniale. L’environnement bâti, historique

l’esprit de Paris » pour Le Corbusier.

et urbain gagne alors en importance pour la

Les autres propositions de Le Corbusier à la

définition de la ville contemporaine.

même époque en Italie pour le nord de Rome et la ville de Pontinia, montrent de même peu

Alors qu’en France la question des centres

d’intérêt pour le patrimoine urbain.

historiques s’est trouvée renforcée par la

Cette conception de l’objet patrimoniale hors

protection des 500 m via la loi de 1913, l’Italie

de son contexte va perdurer pendant quelques

tarde à protéger ses centres historiques.

années encore jusqu’au milieu du XXème En 1942, la loi fondamentale d’urbanisme

siècle.

propose une première approche de la question Il faudra donc attendre le milieu du XXème

des centres historique : dans un premier temps,

siècle pour qu’émerge la notion de patrimoine

il est jugé nécessaire d’intégrer la question des

urbain. En effet ce sont des auteurs comme

centres historiques dans les plans d’urbanisme

Gustavo Giovannoni avec des ouvrages tels

et de requalification urbaine des villes, et dans

que L’urbanisme face aux villes anciennes.

un second temps, la nécessité de mettre en

Dès

le

place des mesures de protection de ces centres

patrimoine n’existe pas comme un objet seul

anciens par la préservation entre autres de leur

mais qu’il doit beaucoup au contexte urbain

densité bâtie, de leur gabarit de construction…

dans lequel il est édifié. Naît alors la notion de

Cette loi s’attarde donc à l’impact urbain des

« centre historique ». La Chartes d’Athènes

constructions des centres anciens plus que

lors

on

prend

conscience

que

de 1931, va dans ce sens et « recommande de respecter, dans la construction des édifices sur leur aspect patrimonial. La ville historique,

le caractère et la physionomie des villes,

[4] Extrait de la Charte d’Athènes, 1931

27


PROTECTION DES CENTRES ANCIENS

le centre ancien est ainsi fait de constructions exceptionnelles, mais aussi de constructions du quotidien. Cette loi autorise des opérations de

consolidation,

de

restauration

Jusqu’alors les législateurs italiens (et

(dans

européens par la même occasion), n’avaient

l’optique de la pensée de Boito) sans toutefois

pas pris en compte les centres historiques

dénaturer l’aspect initial de la construction et

pour leur caractère patrimonial mais avant tout

de l’environnement urbain. Il est important de

pour leur potentiel urbain dans la redéfinition

constater que cette loi, porteuse d’une ambition

de l’urbanisme moderne.

de protection de la qualité urbaine, historique et patrimoniale de ces centres anciens

En 1960 est rédigé une charte affirmant la

propose une ébauche de protection des vides

nécessité de classifier, reconnaître et protéger

(places, parcelles non bâties...) qui jalonnent

les « lieux historiques » en tant que zones à

la ville historique. Le patrimoine trouve sa

remettre en état. Ce document, la charte de

définition au-delà du simple monument, il est

Gubbio, met en exergue un besoin impératif

aussi espace public, rue, pont... (à l’exemple

de considérer les opérations de protection

du Ponte Vecchio de Florence (fig.8)). On voit

des centres historiques comme une étape

dès lors que la ville historique n’existe pas

nécessaire à la composition de la ville de

uniquement par ces monuments mais par

demain. Centres historiques et nouveaux

l’ensemble des constructions et des vides qui,

centres doivent trouver un équilibre dans

mis en rapport, composent l’espace urbain

la composition de la ville contemporaine.

de la ville ancienne et en assurent la qualité

Cette charte, indique qu’auparavant l’objet

esthétique et historique.

architectural

LA DIFFICILE LEGISLATION ET LA

élément autiste de son contexte alors qu’il

était

considéré

comme

un

Fig. 8 : Ponte Vecchio sur l’Arno, Florence 28


est nécessaire de considérer un ensemble

biens

architectural unique comme un tout avec son

un projet de loi pour protéger les centres

contexte d’origine.

anciens et encadrer les interventions. L’intérêt

culturels

Walter

Veltroni,

propose

général de la proposition de loi réside dans En 1964, sous la présidence de Franceschini

la protection, la restauration et l’amélioration

est créée la Commission d’enquête pour la

les centres historiques italiens. Ce projet de

protection et la valorisation du patrimoine

loi s’étend au-delà des centres historiques et

historique,

et

s’intéressent aux villes historiques considérant

paysager. Elle met en application les grands

qu’il est nécessaire de protéger les abords de

principes de la charte de Gubbio, et prévoit

ces villes. Elle encadrait en quelque sorte la

en plus des opérations de protection du

protection de ces « quartiers historiques » afin

patrimoine, des opérations de maintien et

d’en assurer l’intégrité et la conservation dans

de protection des alentours pour assurer

un but patrimonial mais aussi économique et

une

(consolidation,

touristique car cette composante est une source

assainissement…). De même des opérations

de revenu majeur pour l’Italie. Cependant de

de réglementation de circulation protègent

nombreuses personnes se sont opposées à ce

ces centres anciens afin qu’ils ne deviennent

projet qui cristalliserait totalement les centres

pas des voies de circulations primaires.

anciens et remettaient en cause le fait que rien

Cependant la commission est dissoute en

ne puisse être fait sans une autorisation d’une

1967, et peu de ses préconisations sont mises

administration supérieure. L’institut national de

en place. En effet on considère à l’époque, et

planification urbaine a remis en cause ce projet

cela est toujours vrai aujourd’hui, qu’il n’existe

de loi qui isolerait la protection des centres

pas une seule solution pour l’ensemble des

anciens de la planification urbaine et limiterait

modèles urbains qui jalonnent l’Italie, et que

le pouvoir des communes à décider pour leurs

chacun des centres historique possèdent ses

propres centres anciens.

archéologique,

meilleure

habitabilité

artistique

propres problèmes (dégradations, pollution, insalubrité, criminalité...) .

L’ensemble des propositions faites autour de la protection des centres anciens peuvent

L’Italie ratifie la Convention du Patrimoine

être d’une part ambitieuse et d’autre part un

Mondiale en 1976. Ainsi 35 biens patrimoniaux

obstacle à l’évolution de la ville. C’est pourquoi

sont classés, dont 12 villes ou centres anciens

ces propositions de lois, ces décrets sont

tels que Florence, Venise, Sienne, Naples… et

aujourd’hui encore vivement critiqués car s’ils

Rome. Cette ratification marque un grand pas

résolvent un problème, ils peuvent soulever

vers la reconnaissance mondiale de ces centres

des interrogations sur la pérennité des centres

historiques et de leur qualité patrimoniale et

anciens.

urbaine. La loi de 1978 de « reprise des bâtiments anciens » propose une nouvelle vie à ces constructions anciennes dans la ville ancienne qui vie au rythme du XXème siècle. Entre 1997 et 1998, l’ancien ministre des

29


Fig. 9 : Teatro Di Marcello, Rome

Fig. 10 : Via Della Conciliazione avant travaux, Rome 30

Fig. 11 : Palimpseste


01

B - VERS LA MUSEIFICATION DES VILLES ITALIENNES ?

puis d’autres constructions Renaissance…

1 / QUELQUES NOTIONS DE LA VILLE PATRIMONIALE

C’est le cas des constructions comme le Teatro Di Marcello (fig.9), ancien théâtre romain, transformé au Moyen-Age en habitation, auxquelles

La ville italienne comme d’autres

des

boutiques

sont

venues

villes européennes est forte d’un patrimoine

s’ajouter…On retrouve encore aujourd’hui les

spectaculaire, dense et varié. C’est ce qui

arcs du théâtre d’origine noyées dans la masse

en fait la force de ces villes de la péninsule

bâtie. C’est un des célèbres exemples romains

italienne. C’est ce qui donne ce charme à ces

en matière de destruction, recomposition

villes. Mais pourquoi aujourd’hui peut-on parler

urbaine, traces bâties… La ville a su et du

de villes palimpseste, de villes-musée ? Ces

effacer une partie de son patrimoine bâti pour

deux notions ne sont-elles pas paradoxales ?

recomposer la ville, l’adapter aux composantes contemporaines… au prix de sacrifices parfois difficiles comme lors de l’édification de la via della Conciliazione (fig.10). Les travaux ont

DE LA VILLE PALIMPSESTE…

imposé la destruction de nombreux d’îlots A l’heure actuelle on se rend bien

de logements pour créer cette percée qui

compte que les constructions ne peuvent

aujourd’hui relie la Place Saint-Pierre au

plus s’étendre sans fin sur le territoire. Il nous

Château Saint-Ange et au Tibre. Rome, comme

faut faire face au mitage du paysage et des

d’autres villes italiennes, a toujours du évoluer

zones rurales. Il nous faut limiter l’urbanisation

pour s’adapter au prix de démolitions et de

croissante des zones rurales. La ville ne peut

reconstructions. « Ceci tuera cela », célèbre

plus se construire hors de ses murs. L’avenir

maxime de Victor Hugo est plutôt adaptée à

de la ville contemporain se trouve dans la ville

l’histoire urbaine et architecturale italienne.

d’hier. Si l’affirmation précédente semble iconique

Pour imager ce concept de ville qui se

d’une pensée contemporaine qui trouverait

régénère constamment, on parle de ville

dans la ville d’hier les fondations de la ville

palimpseste. Le palimpseste, au Moyen-Age,

de demain, elle a toujours été inhérente à

est un parchemin utilisé sur lequel on réécrit

l’évolution urbaine de ces villes. La question

après avoir fait disparaître les inscriptions, tout

est beaucoup moins contemporaine qu’elle ne

en conservant les anciennes traces écrites en

semble être. Celle-ci ne s’est pas uniquement

filigrane (fig.11). Le papier coûtant très cher au

construite à côté de celle déjà présente. Mais

Moyen-Age, il était nécessaire d’écrire sur du

souvent sur celle-ci.

papier déjà utilisé. Dans La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Olivier

La sédimentation de Rome le montre très

Mongin parle de la « ville palimpseste ». Ce

bien : sur les constructions romaines ont été

terme, fréquemment utilisé en architecture et

édifiées diverses constructions du Moyen-Age

en urbanisme, définit une ville qui se reconstruit 31


sur elle-même en effaçant une partie de son

La ville palimpseste a dû se séparer d’une

héritage bâti, afin de toujours occuper le

partie de ses constructions pour en accueillir

centre-ville et en profitant de parcelles bien

de nouvelles. Par essence, ces nouvelles

placées, et très convoitées.

constructions ont remplacé d’anciennes dont le caractère patrimonial n’était pas remarquable.

L’homme a compris très vite que l’avenir de la

Par chance la nouvelle construction aura pu

ville se trouvait dans la ville. La ville italienne est

faire l’onjet d’une reconnaissance patrimoniale

très particulière, car elle est la représentation

dans les siècles à venir, et sera épargnée

parfaite de cette sédimentation architecturale

des prochaines destructions opérées dans

et de cette pluralité patrimoniale conservée.

la ville palimpseste. Cependant en suivant

Elle permet encore aujourd’hui de comprendre

ce schème, n’arrive-t-on pas à créer une

cette cohabitation entre des constructions

collection de constructions remarquables ?

aussi diverses réalisées au fil des siècles.

Aussi paradoxal qu’il puisse paraître, l’avenir

Aujourd’hui la ville devra se reconstruire sur

de la ville palimpseste réside peut-être dans

elle-même, composer avec son existant,

la ville-musée, cette ville qui abrite un nombre

composer avec une architecture qui n’est plus

important de constructions remarquables.

adaptée au monde contemporain mais qui est empreint d’un langage tout particulier. L’homme

Au-delà du caractère patrimonial de ces

devra se poser la question du patrimoine.

constructions, c’est tout un imaginaire urbain

La ville qui s’est reconstruite sur elle-même

qui a su se créér autour de ces espaces et

s’est posée la question de conserver ou non,

vestiges d’un passé qui raconte l’histoire

et les reconstructions successives de la ville

de la ville. Détruire le patrimoine c’est en

ont donné naissance à une multitude de

quelque sorte effacer l’histoire de la cité. La

constructions toutes aussi intéressantes les

sauvegarde du patrimoine peut « contribuer

unes que les autres.

à la mise en perspective du temps, à la fourniture de repères historiques et territoriaux et au renforcement d’une relation affective de

…A LA VILLE MUSEE

la population avec son patrimoine. » [5]

L’avenir de la ville se trouve donc dans

Dans l’Urbanisme face aux villes anciennes,

la ville. Peut-on alors appliquer la politique

Gustavo Giovannoni ne remet pas en cause

de la tabula rasa pour reconstruire celle-ci ?

la préservation du patrimoine, au contraire

Il semble évident que non. Aloïs Riegl, dans

c’est pour lui une façon de comprendre la ville

Le culte moderne des monuments, oppose

et son histoire, nous ne pouvons vivre dans

souvent

des

une ville privée de ses repères spatiaux et

novateurs qui veulent détruire coûte que coûte

historiques. « Nous avons en effet une tradition

pour mieux reconstruire, à l’immobilisme des

artistique, un patrimoine d’histoire et de beauté

conservateurs prêts à tout pour conserver un

monumentale que nous voulons et que nous

l’ambition

fantasmagorique

brin d’histoire dans la ville contemporaine. Quelle a cependant été l’histoire de la ville au

[5] Pierre NORA, 1997. « L’ère de la commémoration », dans Les lieux de mémoire (tome 3), Paris, Gallimard, pp. 4687-4719

fil des siècles ?

32


devons conserver, car le sentiment de notre

DE LA PROTECTION À LA VALORISATION

peuple doit se refléter dans une organisation

DU PATRIMOINE

et un style qui nous soient propres. » Si hier le patrimoine était le combat Si cette défense a amené les politiques

des édiles de l’architecture et de la société, il

comme les citoyens à définir ce concept, on

est aujourd’hui un « phénomène populaire »

voit aujourd’hui que de plus en plus de constru-

comme le défini Régis NEYRET. « Aujourd’hui

ctions entrent dans le champ patrimonial,

il semble que le patrimoine reste le dernier

non pas parce qu’ils sont esthétiquement

élément de permanence et de référence

comparables

mais

dont les hommes disposent encore dans ce

parce que par leur morphologie, typologie,

monde qui leur échappe en bougeant tout le

programme, histoire... il traduise une partie

temps. […] le goût et le désir de patrimoine

de notre héritage architectural, historique,

sont devenus des phénomènes populaires

national (patrimoine militaire, industriel...). On

incontournables marqués à la fois par la peur

voit une généralisation de la patrimonialisation

du changement et par le désir de valorisation

des constructions du XXème siècle, souvent

d’un héritage » [7]

à

des

monuments

qualifiée de patrimoine sans qualité (qui ne ruine pas, qui n’est pas fait de pierre taillée...)

Il n’est presque plus d’actualité que de débattre

mais qui pourtant est le témoin érigé de notre

sur l’intérêt patrimonial d’un édifice. On voit

culture et de notre histoire. Cette tendance au

même que des édifices tout récemment

«tout-patrimoine» s’est généralisée depuis le

construits trouvent un intérêt patrimonial car

milieu du XXème siècle.

ils traduisent une façon de voir la société à de

un moment précis. Si la protection législative

conservation : non seulement les églises, les

du patrimoine a fait débat pendant longtemps

châteaux et les quartiers anciens, mais aussi

en Europe (faut-il protéger, à quel degré,

les bateaux […], les usines abandonnées, les

qu’est ce qui est ou n’est pas patrimoine ?…)

lavoirs, les fours à pains […], les constructions

aujourd’hui le patrimoine tend plus à être

de fer, de terre ou de béton. » [6] Si quelques

valorisé que reconnu. Car s’il est nécessaire

édifices font débat, les populations sont assez

de patrimonialiser à minima pour assurer une

heureuses de pouvoir conserver au minimum

reconnaissance minimale des constructions

des fragments de leur histoire.

dignes de reconnaissance des institutions…

«Tout

devient

aujourd’hui

digne

les questions se posent d’avantages sur La ville se voit donc dotée de constructions

l’usage de ce patrimoine. Car un patrimoine

extrêmement différentes (immeubles, hôtels

« mort » n’est plus d’aucune utilité autre que

particuliers,

celle esthétique s’il est privé de toute fonction

monuments,

usines...)

qui

trouvent leur reconnaissance patrimonial dans des critères radicalement variés mais qui font [6] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 10

partie au même titre du paysage architectural et patrimonial de la ville du XXIème siècle.

[7] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 12

33


utilitaire. Ce qu’Aloïs Riegl définissait par la valeur d’utilité. Un monument ne peut exister s’il n’est pas utilisé. Il est nécessaire de préserver les activités du monument et de le réparer à cet effet. Un monument (patrimoine au sens de Riegl) a du sens par son utilisation Il est cependant nécessaire de rester prudent sur la vision de Riegl quand à l’utilité du patrimoine. Il considère que le patrimoine doit conserver sa fonction d’origine. Pour ce Fig. 12 : Ancien Arsenal, Hôtel, centre des congrès et de conférences, espaces d’expositions, Architecte : Stefano Boeri, La Maddalena

dernier le patrimoine trouve sa force dans la fonction qui lui est attribuée. Cependant un palais vénitien édifié à la Renaissance ne saura plus jamais trouver sa fonction originelle au XXIème siècle tout comme un ancien fort intégré dans la ville contemporain ne saurait trouver une fonction de défense dans un pays où les conflits ne viennent plus de la ville voisine. Il convient donc de prendre acte de cette nécessité d’utilité pour proposer une vie contemporaine au patrimoine d’hier. (comme les exemples ci-contre) Si la patrimonialisation et sa législation fut le premier acte de la reconnaissance et

Fig. 13 : Palazzo Rosso, Musée de la ville, Architecte : Franco Albini, Gênes

de la protection de celui-ci, le second acte fut certainement la reconnaissance par les populations. Aujourd’hui le patrimoine semble entrer (et cela depuis plusieurs années) dans son troisième âge, celui de la valorisation. Va-ton aller vers ce que Régis Neyret définit, dans un texte intitulé Le patrimoine valeur ajoutée, comme « le marketing de la nostalgie » ?

Fig. 14 : Marché des fruits et légumes, Village Olympique, Architecte : AIA, Turin 34


retire les communes qui se lancent dans une

2 / LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DE LA MUSEIFICATION

protection de leur patrimoine qui parfois peut aller jusqu’à la patrimonialisation de quartiers entiers voir de la ville entière.

« Le patrimoine sans la vie n’est qu’une coquille vide de Bernard-l’ermite agréable à

La muséification induit nécessairement une

l’œil mais tout juste bonne à décorer un coin

dimension économique qui régit la ville par

d’étagère. Avec la vie, sa valeur d’identité lui

la suite. Car le patrimoine, s’il est entré

donne tout naturellement sa place dans le

dans les consciences collectives comme un

monde du XXème siècle. » [8]

élément essentiel de la culture commune, est devenu une source de tourisme et donc de

Le patrimoine ne se suffit pas dans la

revenus économiques pour les communes.

ville par sa fonction de décor urbain. Il trouve

Le patrimoine a profité de la publicité faite par

réellement une valeur ajoutée lorsqu’il est «

les organismes nationaux ou internationaux

exploité » et valorisé. Ce que les autorités des

comme l’UNESCO. Nombreux sont les pays,

communes italiennes ou européennes ont très

dont l’Italie, qui misent sur le tourisme culturel

vite compris.

et leur patrimoine pour attirer les touristes du

Le patrimoine devient très rapidement un

monde entier. L’Italie représente la cinquième

atout majeur des villes qui en possèdent une

destination touristique mondiale, la troisième

collection impressionnante par leur valeur,

en Europe derrière l’Espagne et la France avec

leur nombre, leur variété… Ainsi se met en

des recettes, dues au tourisme, supérieures

place une « course à la patrimonialisation »

à 43 000 millions d’euros pour l’année 2011

véritable marathon vers la protection et la

(source INSEE). Pour certaines villes, le

valorisation du patrimoine. Ainsi se met en

tourisme culturel est une des seules ressources

place un processus de muséification qui tend à

économiques. Il est donc nécessaire pour

protéger de tout son possible une quelconque

elles de développer au maximum cette filière

construction digne d’un intérêt patrimonial.

économique.

La ville italienne, s’est naturellement tournée

Le XXème siècle, siècle de la mondialisation

vers

et de la culture de masse, a vu le tourisme

l’exploitation

de

cette

ressource

patrimoniale riche et variée. Quelle meilleure

s’imposer

comme

composante

populaire.

idée que de muséifier la ville, de proposer un

Les vacances se sont démocratisées, en

tourisme autour de la mise en valeur et de

particulier en Europe, la ville a délaissé ses

l’exploitation du patrimoine bâti ? Cet intérêt

activités de travail (production) situées en

pour le patrimoine donne naissance aux

centre-ville. La ville insalubre, délabrée, du

concepts de ville-musée ou de muséification

travail a laissé place à un visage pittoresque,

de la ville. Celle-ci vise à se transformer en

de contemplation...

véritable musée urbain dans lequel l’œuvre d’art serait le patrimoine et le musée, la ville elle-même. Valoriser

le

patrimoine,

sauvegarder

le

[8] NEYRET Régis, 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. pp 13

patrimoine. Oui mais à quel prix ? Et qu’en

35


0 36


02 02

LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE, VILLE-MUSÉIFIÉE : MYTHE OU RÉALITÉ ?

37


38


02

A - PROFESSIONNELS, TOURISTES ET VILLE MUSÉE : QUELLE VISION DE LA MUSÉIFICATION ? La

ville

musée

est

un

concept

variables et nuancées mais pour comprendre

cependant assez vague. A quoi ressemble-t-

globalement le regard de ces personnes sur le

elle ? Quels en sont les aspects ? Il est alors

sujet, une simplification a été opérée.

nécessaire de prendre du recul sur la question

On note alors ces réponses possibles :

de la ville-musée en général qui accueille

> Critères esthétique :

chaque année un nombre de touristes toujours

Cohérence spatiale / Caractère figé

plus nombreux. Cependant comment peut-

> Critères historique :

on définir cette ville ? Et qu’en pensent les

Historicité / Manque d’authenticité

touristes ?

> Critère réglementaire et d’aménagement : Mise

en

valeur

spatiale

/

Contraintes

réglementaires

1 / DU COTÉ DE LA PROFESSION

> Critères fonctionnel : Manque

de

vitalité

/

Monofonctionnalité

touristique / Dynamique touristique On voit très bien aujourd’hui qu’il existe

Ces réponses ont été dénombrées et classifiées

un consensus dans le milieu architectural,

pour donner le graphique de répartition suivant

touristique

de ces critères et leur redondance :

et

urbanistique

autour

des

problématiques de ces villes dotées d’un patrimoine architectural impressionnant et tournées vers le tourisme culturel. En effet on peut pour cela s’appuyer sur plusieurs enquêtes menées par des chercheurs mais aussi par des étudiants. Dans ce cas là, nous allons tirer profit d’une enquête menée par Amélie MARTIN, une étudiante de Paris 1 – Panthéon Sorbonne en Master professionnel Tourisme. Elle a effectué un sondage en 60 étudiants, chercheurs et professionnels issus du monde du tourisme sur la question de la ville muséifiée. Il est nécessaire de s’intéresser à ses résultats. Elle arrive à classifier les réponses des personnes suivant quatre critères : fonctionnels,

esthétiques,

historiques,

et

aménagement et réglementation. Chaque critère donne un nombre de réponses Fig : Répartition des critères de muséification 39


On note alors que pour les personnes de la

été repris la même trame que celle adoptée

profession (étudiants, chercheurs ou encore

pour les critères tiré du questionnaire présenté

professionnels) les principaux critères restent

précédemment. En effet, les personnes ont

la mise en valeur spatiale, la dynamique

été soumises à 4 questions sur chacun des

touristique et la qualité historique du site, avant

sujets (fonctionnalité, esthétique, historique

d’autres critères comme le caractère figé ou

et réglementation et aménagement) à laquelle

encore le manque de vitalité.

il ne pouvait répondre des réponses précises pré-définies indiquant qualités et défauts de la

On note alors que les personnes soulèvent

muséification . Ces personnes ont été choisies

avant tout les qualités apportées aux espaces

dans des agences de voyages, offices de

muséifiés avant les défauts possibles. En

tourisme principalement et dans l’entourage.

effet, en tant que principaux usagers de ces

Le questionnaire a été simplifié car l’initial

sites touristiques nous avons tendance à nous

était assez complexe et long à remplir pour

pencher sur le caractère « apparents » de ces

des personnes n’étant pas quotidiennement

espaces et non sur la vie au quotidien que l’on

confronté au milieu architectural.

peut retrouver. Mais à force de se préoccuper

Le but était de voir de quels critères ils

des qualités de ces espaces, nous avons

étaient conscients quant à la muséification

tendances à en oublier que ces espaces ne

en se basant sur les 4 critères de bases cités

sont pas des simples musées, mais le lieu de

précédemment.

vie de nombreuses personnes. On a donc obtenu les résultats suivants : Le défi de ce siècle sera de concilier notre attente vis-à-vis de la ville-musée en temps que touriste et celles des habitants de ces dernières. Et qu’en pensent les touristes ?

2 / DU COTÉ DES USAGERS

Chaque année le nombre de touristes augmente en Italie comme de partout en Europe. Fort de leur patrimoine et de leur reconnaissance

internationale,

les

villes

italiennes attirent des touristes à la recherche de

l’authenticité

patrimoniale

des

villes

italiennes. Afin de comprendre le point de vue des touristes sur le sujet, un sondage à été Fig : Répartition des critères de muséification, selon des touristes

mené auprès de touristes de ces villes. Il a

40


Ce

questionnaire

a

donc

permis

de

3 / MYTHE OU RÉALITÉ ?

comprendre que malgré les conséquences et les problèmes assez complexes que peut apporter la muséification, les touristes sont

Le questionnaire a donc permis de

demandeurs d’authenticité, de patrimoine et

distinguer deux regards. Celui-ci soulève de

de sa mise en valeur. Mais s’ils valident le fait

possibles problèmes pour la ville-musée dûs

que la ville-musée est figée, ils reconnaissent

à son exploitation touristique, sa protection...

la cohérence que peut avoir cet espace. Il ne

et une vision plus relative des touristes qui

perçoivent que très peu le manque de vitalité

semble assez confiante dans l’avenir de ces

de ces espaces et l’impact qu’a le processus

ville-musées.

de muséification sur la vie en place : gentrification, disparition des commerces, des

Pour cela nous allons nous intéresser à

artisans... Et c’est sur ce point précis qu’il est

plusieurs villes pour voir s’il est judicieux de

essentiel de travailler. Comment maintenir la

se reposer sur notre confiance dans l’évolution

vie au sein de la ville-musée sans toutefois

et le futur de ces villes ou s’il faut au contraire

compromettre l’exploitation du patrimoine à

surveiller ces sites devenus touristiques.

des fins touristiques et pour doper l’économie de la ville ?

En effet, pourquoi se retourner vers le centre-

Cette enquête nous montre aussi que dans

ville s’il est impossible d’y vivre ? Ce qui était

l’idéal des touristes, la ville-musée italienne est

important de comprendre c’était de voir ce que

avant tout une ville qui fonctionne, authentique

recherchait le touriste, ce qui l’intéresse et ce

et dynamique. Est-ce un a priori ? Ou le

dont il prend conscience en visitant une ville-

résultat de politiques qui fonctionne ? Où ce

musée (réglementation stricte, disparition de

qu’ils recherchent ?

commerces de proximité, embourgeoisement

A nous de comprendre la recette qu’elles ont

des populations, rigidité de l’urbanisme...)

pu mettre en œuvre.

Pour voir qu’elle différence il peut y avoir entre visiter et vivre avec le patrimoine. Nous

Une enquête n’a pas été menée auprès des

essayerons d’analyser les actions qu’ont pu

habitants car trop complexe à mettre en œuvre

avoir les municipalités au XXIème siècle pour

si l’on veut un maximum de personnes de

assurer l’avenir du tourisme et de la vie dans

villes italiennes différentes. Mais la suite de ce

la ville-musée.

mémoire permettra de mettre en lumière les problèmes possibles afin de la confronter aux

Si certaines villes ont joué le périlleux jeu

attentes des touristes

du tout-tourisme, de l’immobilisme, du toutpatrimoine, qu’en est-il aujourd’hui ?

41


Fig. 15 : Place Saint Marc Venise 42


02

B - DU DANGER DE LA MUSÉIFICATION « PASSIVE » DES VILLES ITALIENNES, VENISE, MANIFESTE D’UN ÉCHEC ?

Les atouts de la muséification semblent

Venise, la ville insulaire, la légendaire cité

être évidents et nécessaires à certaines villes

des Doges, semble être l’exemple adéquat

italiennes qui à l’heure de la mondialisation se

pour surligner les points qui peuvent poser

vident de leurs industries, de leur artisanat...

question dans la ville ancienne, et qui par

au profit d’un tourisme tourné autour d’une

conséquent est soumise au tourisme culturel

ressource patrimoniale inépuisable.

et patrimonial. Cette ville qui fait le bonheur

Si cependant la tentation d’une course

des agences de tourisme du monde entier

à la patrimonialisation et d’une politique

et des touristes, et la fierté des italiens nous

patrimoniale du « tout-préservé » se met en

permettra de comprendre les limites du modèle

place sans prise de conscience collective des

de protection et de valorisation du patrimoine

conséquences sur l’urbanité d’un site, d’un

architectural et urbain.

quartier ou d’une ville, les résultats peuvent parfois être plus destructeurs pour la ville.

La ville vénitienne présente de nombreuses

Les mots choisis sont assez forts mais il faut

caractéristiques qui reflètent les points critiques

bien être conscient de ce que la muséification

de la muséification que nous aborderons dans

entraîne obligatoirement dans son sillage.

une étude de cas assez succincte. L’enjeu de cette partie est avant tout de surligner

L’enjeu de ce mémoire ne réside pas dans

le paradoxe qu’entretient la ville entre une

le blâme de la politique de muséification

renaissance touristique et un délaissé des

entreprises par les villes car celle-ci est une

questions urbaines. On critique essentiellement

voie patrimoniale aux enjeux économiques

la ville-musée, sur ses conséquences au

souvent

la

niveau de la population autochtone, sur sa

population en place, mais il s’agit de pointer

rigidité, sur sa surprotection… Est-ce vraiment

les aspects négatifs de la muséification pour

cela ? Peut-on tout imputer à la muséification ?

attirer l’attention sur les erreurs à ne pas

De même qu’apporte réellement le processus

commettre.

de muséification à la ville ? Pour et contre

nécessaire

au

maintien

de

seront mis face à face pour proposer un portrait Toutes les villes d’Italie n’ont pas connues le

critique de la ville muséifiée.

même destin, riches d’un patrimoine et d’une activité touristique et économique variée. Il

L’analyse d’anecdotes sur la ville insulaire et les

n’est donc pas possible de classifier ces villes

points critiques mis en avant par les spécialistes

selon leurs réponses à la valorisation de leur

de la muséification nous permettront d’élaborer

patrimoine. Cependant on peut trouver des

un portrait des pathologies engendrées.

éléments de réponses à la muséification dans l’analyse de certaines villes.

43


1 / VENISE, DU PORT AU TOURISME, A LA RECHERCHE D’UN IDÉAL FIGÉ ?

« Venezia che muore, Venezia appoggiata sul mare, la dolce ossessione degli ultimi suoi giorni tristi, Venezia, la vende ai turisti » [ « Venise qui se meurt, Venise appuyée à la mer, la douce obsession de ses derniers jours tristes, Venise la vend aux touristes » ] Francesco Guccini, Venezia. L’histoire de Venise n’est un secret pour personne. Il est cependant nécessaire

Fig. 16 : Venise, La cité insulaire, la lagune et le continent

de la rappeler, afin de comprendre quel fut le visage de la ville auparavant et pourquoi il est celui que l’on connaît aujourd’hui. Edifiée au Vème siècle elle devient rapidement une ville très influente de l’Italie du Nord avec Gênes. La puissance de Venise résidait dans deux points précis : sa flotte navale ainsi que son commerce (fig.17). Elle restera pendant plusieurs siècles un port marchand très influent en Méditerranée. Sa renommée fut aussi forgée grâce à une influence en matière d’art, d’architecture, de littérature, de poésie qui faisait de Venise une des seules

Fig. 17 : Le Pont Rialto depuis la Riva del Vin Venise Michele Marieschi

villes capables de rivaliser avec Florence sur de nombreux domaines artistiques. La grandeur de la ville insulaire se trouvait donc renforcée par une renommée artistique mais aussi économique et politique. Ce n’est qu’au XIXème siècle que Venise s’est trouvée obligée de se séparer de ses activités portuaires face à l’industrialisation des ports et l’importance des ports de Méditerranée comme Gênes. Elle s’est donc tournée vers le tourisme orienté autour de son patrimoine exceptionnel sur l’île. Aujourd’hui l’ensemble de l’économie de la ville est tournée vers le tourisme et les services. En effet, en 2011, la ville de Venise a accueilli plus

44


de 23 millions de touristes, générant ainsi plus

2 / QUELLE AVENIR POUR LA VILLE HISTORIQUE ?

d’un milliard et demi de chiffre d’affaire. Aujourd’hui la ville a tout misé sur le tourisme, devenu un tourisme de masse. Ces derniers sont en quête de « la ville romantique ».

La ville a depuis plusieurs décennies

Et c’est avant tout ce que recherchent les

essayé de sortir de cet idéal de la vieille pierre

touristes : une ville comme sur les cartes

dans son « contexte adéquat ». Plusieurs

postales. Ils espèrent pouvoir repartir avec la

architectes s’y sont confrontés. Venise est

photo de Saint-Marc, du campanile, faire un

assez hostile par nature à toute intervention

tour de gondole sur le Grand Canal en passant

moderne.

sous les multiples ponts de la Cité des Doges. C’est un idéal qu’ils recherchent car ils sont friands de l’authentique, c’est-à-dire du comme

LA DISCRÉTION, L’ÉPHÉMÈRE OU RIEN

avant. Alors pourquoi changer quelque chose lorsque l’on peut profiter d’un patrimoine

En particulier Carlo Scarpa. L’architecte

impressionnant qui se suffit à lui même ?

d’origine vénitienne à réussi à intégrer son

La ville de Venise se transforme peu à peu

architecture à la rigidité patrimoniale de

en une île isolée du monde et qui tend à être

Venise. Intégrer est un mot assez fort, il a

dépendante du continent. La ville portuaire

plutôt réussi à tisser avec le contexte pour

qui savait vivre de son commerce et de son

créer une architecture qui vient se glisser dans

artisanat perd aujourd’hui cette qualité qui lui

la ville. L’école d’architecture par sa sobriété

était reconnue par tous au profit d’une industrie

se glisse dans le tissu urbain. (fig.18)

touristique qui semble plutôt bien fonctionner. Cependant la ville semble figée dans un idéal esthétique et urbain qu’il semble aujourd’hui difficile de combattre. Le tissu urbain n’est plus du tout adapté aux ambitions du XXIème siècle et le centre-ville (qui représente en fait l’ensemble de la cité) est classé pour son patrimoine architectural et urbain. Alors que faire lorsque sur une si petite zone (800 hectares) lorsque rien ne peut être modifié et tout doit être repensé pour attirer encore plus de touristes. Venise s’est laissée piéger dans un idéal qu’elle a su préserver des modifications mais qu’elle souhaiterait volontiers adapter au nouveau siècle qui vient de débuter. Fig. 18 : Ecole d’architecture de Venise, un travail de couture urbaine, Carlo Scarpa

Alors que peut Venise face à son ambition touristique?

45


« Paradoxalement, j’ai envie de dire que Venise pourrait accepter les choses les plus modernes » confie l’architecte lors d’un entretien en 1979. Cependant il s’agit ici plus d’un art de la couture urbaine plus que de la planification, de la rénovation ou encore de l’adaptation urbaine. Scarpa propose de mettre en scène la ville et le patrimoine au lieu de venir jouer avec le contemporain comme une affirmation de l’ère actuelle. Ces interventions de Scarpa affirment certainement le fait qu’il est aujourd’hui difficile de produire du contemporaine dans la ville de Venise. Car elle ne peut l’accepter en son sein. D’autres architectes ont tenté l’aventure vénitienne comme Tadao Ando en 2011 avec la reconversion de la douane de mer en centre d’art contemporain (fig.19) qui vient

Fig. 19 : Centre d’art contemporain, Douane maritime, Tadao Ando, Venise

comme une intervention sous-marine se loger dans un bâtiment existant, ou encore Santiago Calatrava en 2008 avec le Ponte della Costituzione (fig.20). Si l’intervention du premier fut peu critiquée, la posture contemporaine

radicalement

affirmée

de

Calatrava associant acier et béton fut vivement remise en question. Le pont fut rapidement tagué (Qui é morta la cultura [Ici est morte la culture]) et l’inauguration retardée par des contestations nombreuses. Continuons notre survol des interventions architecturales dans la ville de Venise, ou plutôt

de

ces

non-interventions,

projets

architecturaux avortés. L’un d’entre eux est un projet de Frank Lloyd Wright en 1952 pour Paolo Masieri qui souhaite édifier un palazzino à la mémoire de son défunt fils. Dès lors l’architecte propose sur une parcelle Fig : Ponte delle Costituzione, Santiago Calatrava, Venise

triangulaire, en lieu et place d’une ancienne construction appartenant à la famille Masieri,

46


une construction répondant à l’ensemble des principes de l’architecture organique si chère à ses yeux. Le projet est d’une finesse époustouflante (fig.21). Il vient se glisser dans le tissu urbain avec aisance. Les gabarits proposés par l’architecte assurent une relation équilibrée avec la ville vénitienne. Si sur le papier, l’aventure vénitienne de Wright semble être un succès, il en est pas de même sur le plan politique et de l’opinion publique. La ville de Venise est une des rares cités où

l’ensemble

scénographié

de et

l’espace

existe

par

urbain et

est

presque

Fig. 21 : Memorial Masieri, FL Wright, 1953, Modélisation par Dionisio Gonzalez, 2011, Venise

uniquement grâce à l’architecture. Modifier une façade (ou un bâtiment) revient à modifier un espace urbain. On présente alors Wright par un caractère fictif de novateur méprisant la culture et le classicisme. On fait de son origine (les Etats-Unis dont l’histoire est récente) un motif de mépris de l’architecture historique et du patrimoine. Alors qu’il se veut en dialogue d’une grande finesse avec l’existant, l’opinion publique s’oppose farouchement à l’architecte. Et pourtant l’architecte s’adapte mais au fait

Fig. 22 : Hopital de Venise, Le Corbusier, 1965, Modélisation par Dionisio Gonzalez, 2011, Venise

qu’il construit une partie du « mur » du Grand Canal. Mais rien n’y fait et le projet sera finalement abandonné devant l’opposition de l’opinion publique. A cet exemple s’ajoute d’autre projet comme celui de Le Corbusier pour l’hôpital de Venise (fig.22 & fig.23) qui contrairement au projet de Wright assume totalement sa modernité (pilotis, béton brut, volumes simples…). Mais rien n’est à faire, Venise a décidé de rester dans un idéal classique et conservateur. Cependant si à certains siècles la ville a su

Fig. 23 : Hopital de Venise, Le Corbusier, 1965 Venise

ouvrir ses bras à des architectes qui ont donné à Venise un air de nouveauté et d’inscription dans son siècle avec des projets comme le Palais des Doges, la Place Saint-Marc et sa

47


Cathédrale… elle semblent aujourd’hui dans une inertie conservatoire dont elle semble ne pas pouvoir se débarasser. La ville trouve aussi son attraction touristique dans les différents festivals organisés chaque année et en particulier la désormais célèbre Biennale d’architecture. Des interventions contemporaines ont su se glisser dans la ville de Venise lors cette manifestation. Ces réalisations ponctuelles ne reçoivent qu’une très faible opposition

Fig. 24 : Radix, Biennale de 2012 Aires Mateus, Venise

des vénitiens qui comprennent leur caractère éphémère et qu’ils perçoivent plus comme de l’art urbain que comme une intervention architecturale ou urbaine. Les frères Aires Mateus ont réalisé une sculpture en acier corten sur les quais de Venise en 2012 (fig.24), Inter National Design propose une mosquée flottante faite de ballon pour la biennale 2010 de Venise flottant dans la lagune (fig.25). Globalement les vénitiens sont plutôt hostiles à toute intervention contemporaine dans la ville historique de peur de confronter les « styles ».

Fig. 25 : Mosquée flottante en ballon, Biennale 2010, Inter National Design, Venise

Va-t-on alors arriver à ce que certains décrivent comme un Disneyland architectural et urbain où toute évolution ne serait qu’une oeuvre d’art et où la fonctionnalité de l’espace serait avant tout une composante secondaire. « Venice is the first urban theme park. Like any other theme park, it is full of attractions. » [9] La ville de Venise est-elle en train de devenir un véritable musée urbain ? Y a-t-il une vie en dehors du tourisme ?

L’AVENIR HORS LES MURS Dans une exposition organisée par Moleskine et Julien de Smedt Architects, [9] KAY John, 2008, “Welcome to Venice, the theme park”, in The Times, 01/03/2008, Londres.

Détour

48

Mapping

Contemporary

Venice,


l’architecte propose un projet pour inscrire la ville dans l’ensemble des villes et métropoles contemporaines rayonnantes. La proposition semble être une non-solution pour la ville historique. Les constructions contemporaines ne viennent pas se greffer à la ville ancienne mais créer une ceinture sur la mer (fig.26). Les nouveaux bâtiments ne sont pas soumis à la contrainte urbaine. Est-ce une façon de faire passer un message

Fig. 26 : Exposition Détour Mapping Contemporary Venice Julien de Smedt

à la ville ? L’hyper densité patrimoniale est par ailleurs un frein à toute intervention architecturale contemporaine ou à toute modification urbaine car le moindre projet remet en question la présence d’un édifice digne d’être conservé. De même les projets d’envergure pour Venise ne se trouvent plus sur la mer mais bien sur le littoral. Pierre Cardin souhaite réaliser une tour haute de 245 mètres à quelques kilomètres seulement du centre historique. Ce « Palais lumière » (fig.27) accueillera un complexe composé de logements, de bureaux mais aussi de commerces et de centres de congrès. Ce projet a immédiatement fait débat alors qu’il ne touche même pas le centre historique de Venise. L’avenir de Venise se trouve-t-il encore entre

Fig. 27 : Palais Lumière, une tour de 245 mètre de haut, Venise

ses propres murs ou faut-il penser à réfléchir la ville extra-muros, sur la lagune elle-même ?

IL FAUT SAUVER... LE TOURISME Aujourd’hui le patrimoine est largement conservé mais ce qui semble en péril c’est avant tout le tourisme. Chaque

année

la

ville

connaît

des

phénomènes d’inondations, les Acqua Alta. Et ces inondations conséquentes paralysent une

49


partie de la ville. Tout est alors mis en place pour assurer les déplacements des touristes avec des circulations sur pilotis (fig.28). Le projet Mose (fig.29), mis en place pour limiter ces phénomènes, ne trouve que très peu d’intérêt dans la protection des édifices mais avant tout dans la possibilité d’accueillir des touristes sur l’île même pendant les épisodes de montées des eaux. Venise veut-elle protéger son patrimoine ou juste s’assurer que

Fig. 28 : Touristes sur des circulations survélevés Venise

les touristes, friands d’un idéal architectural et urbain que tout le monde vante, trouve la ville de Venise comme on leur présente. « Je connais un pays étrange où les lions volent et marchent les pigeons » Jean COCTEAU Anecdote ou simple point appuyant la théorie selon laquelle le tourisme est l’ultime joker de Venise : il y a encore 20 ans les touristes se ruaient sur la place Saint-Marc pour photographier

les

pigeons,

partiellement

apprivoisés par les touristes et les grainetiers de la ville, qui occupaient une place majeure dans le paysage de Venise (fig.30). Face aux

Fig. 29 : Projet MOSE

dégâts occasionnés par ces derniers sur les édifices patrimoniaux, l’autorité municipale prend la décision d’interdire de nourrir ces volatiles en 1997, sauf pour la place SaintMarc souhaitant garder cette tradition avant d’étendre ce décret à la place reine de la ville en 2008. Après les hommes ce sont les pigeons, tradition pittoresque vénitienne, qui, sous le désir de la culture patrimoniale et touristique de masse, subissent le joug du tout-patrimoine

Fig. 30 : Les pigeons, patrimoine de Venise, aujourd’hui renié

car la protection n’est autre que la seule arme dont dispose Venise pour un jour peut être sortir de l’endormissement.

50


moyens d’investir pour accueillir les touristes

3 / OÙ EST PASSÉE LA VIE ?

qui sont près à dépenser une fortune pour rester quelques jours dans la ville la plus romantique au monde.

La ville de Venise tend à devenir un

véritable

musée,

accueillant

une

collection impressionnante de constructions

« A tout miser sur le tourisme, on finira par

patrimoniales

par

transformer les vénitiens en pandas à placer

définition un musée est un lieu qui accueille

sous la protection de WWF. » [10] analyse

temporairement du public, un lieu qui ouvre

l’ancien magistrat Felice Casson. L’habitant

ses portes le matin, accueille les visiteurs en

vénitien devient une exception dans le flot

journée et se vide le soir. Et c’est à peu près

quotidien des touristes qui arpentent la

ce qu’il se passe à Venise.

Sérénissime, une espèce qui semble en voie de

et

atypiques.

Mais

disparition. Peu à peu face au nombre toujours qui

croissant de visiteurs la ville voit l’artisanat

personnes

disparaître pour être remplacé par les produits

environ au XVème siècle et qui vivaient

chinois qui envahissent progressivement les

essentiellement de l’industrie portuaire et de

commerces.

l’artisanat, n’est plus que de 58.000 personnes

« Selon un enquête, les 20 millions de touristes

aujourd’hui dont la grande majorité vit du

(source 2009) dépensent, en moyenne, ici, 15

tourisme de masse.

euros ! C’est évident qu’ils achètent chinois ! »

La

population

représentait

résidante

environ

annuelle,

200.000

[11] soulève Gianni De Cecchi directeur de Le prix du foncier a augmenté à une vitesse

l’association pour l’artisanat Confartigianato. A

fulgurante

plafonds

Venise le tourisme de masse a tué l’artisanat

jamais atteints autour de 35.000 à 40.000

alors qu’il aurait pu l’encourager et promouvoir

euros du mètre carré dans la ville historique

le savoir-faire vénitien dans bien de domaines.

pour

dépasser

des

pour des constructions qui sont parfois vétustes ou en mauvais état. Les travaux de

Alors aujourd’hui, Venise est-elle le manifeste

réhabilitation peuvent parfois coûter très chers

de l’échec de la muséification ?

pour des personnes dont les revenus sont essentiellement basés sur le tourisme. La ville se dote donc d’une collection de constructions patrimonialement intéressantes mais qui ne répondent pas aux ambitions du XXIème siècle car trop vétustes, trop petites, mal éclairées et au confort inexistant. Seules les constructions situées dans les zones touristiques, le Grand Canal, autour des quartiers de San Marco et Fig. 31 : Evolution de la population vénitienne insulaire entre le XVème siècle et 2012

de Dorsoduro semblent encore en bon état. C’est pourquoi les agences de locations et les complexes hôteliers se ruent sur des

[10-11] Témoignages extraits de l’article de LUKSIC Vanja, SAUBABER Delphine, 2009. « La Moribonde est immortelle », L’Express, 30 avril 2009

constructions de ce types car elles ont les

51


0 52


03 03

LE XXIÈME SIECLE ET LA VILLE ITALIENNE : UNE POSSIBLE ÉVOLUTION ?

53


54


03

A - PEUT-ON ENVISAGER UN AVENIR POUR LA VILLE-MUSEE ?

L’analyse précédente nous a montré

sens du patrimoine, comme bien hérité du

qu’il existe une ambivalence entre la volonté

passé et d’une personne (ici d’une ville, d’une

de vitaliser le tourisme par la patrimonialisation

nation...).

et la muséification, cependant cela peut

La question à se poser n’est pas «comment

facilement

de

faire pour éviter de devenir comme Venise,

sur-protection,

figée, cristallisée (à jamais?) ?», mais bien

destruction d’emplois...) si cette volonté n’est

«que peut-on faire de ce patrimoine, de cet

pas gérée correctement dès sa mise en place.

urbanisme hérité des générations précédentes

Alors est-ce une fatalité que d’orienter la ville

tout en les combinant avec les volontés

vers le tourisme, d’exploiter le patrimoine et

contemporaines du XXIème siècle ?».

de développer une économie tournée vers la

« Nous avons en effet une tradition artistique,

politique culturelle ? Il semble que Venise soit

un

l’archétype d’un échec annoncé dès le début et

monumentale que nous voulons et que nous

soulevé très tôt par des architectes tels Sergio

devons conserver, car le sentiment de notre

BETTINI lors du refus populaire du projet de

peuple doit se refléter dans une organisation

problèmes

entraîner

une

(gentrification,

multitude

Wright.

patrimoine

d’histoire

et

de

beauté

et un style qui nous soient propres. » [12]

Alors quel avenir pour ce qui serait considéré comme une échec inné ? Faut-il céder à la volonté du touriste qui ne souhaite que voir

LA MUSEIFICATION SE RESUME-T-ELLE A

de « l’authentique » reflet d’une histoire,

LA SURPROTECTION DU PATRIMOINE ?

cristallisation d’un passé resplendissant ? Peut-on sous le dictât du tourisme oublié que

Avant de parler de fatalité il serait

la vie se trouve aussi entre les murs de la cité ?

intéressant de se pencher plus en détail sur la question de la muséification, terme de plus en plus péjoratif dans le vocabulaire urbanistique

CONSERVER, PROTÉGER, PLUS QU’UNE

et architectural.

VOLONTÉ, UNE NÉCESSITÉ Pour cela l’étude de Nicolas NAVARRO sur Aujourd’hui

il

n’est

pas

question

la ville et le tourisme nous sera une source

de détruire le patrimoine, il est même

majeure. Dans son article La muséalisation de

inenvisageable de se poser la question.

l’urbain, interprétation du patrimoine, recréation

Comme évoqué dans la première partie de ce

d’une urbanité, Nicolas NAVARRO met en

mémoire de recherche, le patrimoine n’est plus

exergue la différence entre muséification et

à protéger mais à valoriser comme certains

muséalisation des villes historiques et en

l’ont compris depuis bien longtemps.

particulier de leurs centres historiques.

Le patrimoine est vecteur d’une économie à développer certes, mais elle est avant tout le [12] GIOVANNONI Gustavo, 1998, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Editions du Seuil.

témoins d’une histoire, d’un héritage, véritable 55


En effet on a souvent tendance à parler de

service de la société et de son développement,

muséification des villes dites historiques, les

ouverte au public, qui acquiert, conserve,

laisser dans un idéal figé dans le temps, «

étudie, expose et transmet le patrimoine

des « pétrifications » muséales où l’urbanité

matériel et immatériel de l’humanité et de son

ne serait plus à même de s’exprimer ». Ce

environnement à des fins d’études, d’éducation

terme de muséification utilisé par bon nombre

et de délectation ».

d’urbanistes et architectes donne une vision

Le patrimoine doit donc dialoguer avec son site,

quelque peu négative de la ville, vue comme

et la population pour tenter d’exister dans l’ère

endormie et qui n’est plus en phase avec son

du XXIème siècle. Tout patrimoine doit trouver

siècle.

une fonction. La nécessité d’interprétation de

Ce terme fait appel à deux notions : celle du

ce patrimoine lui donne une légitimité dans la

« musée » et celle du « muséal ». Le musée

ville d’aujourd’hui. Il ne peut être une pièce

définit plus un côté figé, alors que muséal

de décor de la ville pour le bon vouloir des

renvoi à la notion de mise en exposition de

touristes friands authenticité labellisée.

scénographie, d’exposition.

« La patrimonialisation et la muséalisation

L’avenir se trouve-t-il autant dans l’espace

conduisent à la création d’un espace singulier

urbain, espace de scénographie, que dans le

au cœur de la ville. En voulant conserver

patrimoine et le bâti ?

les caractéristiques anciennes de la ville, en réintroduisant des fragments d’historicité, cet

Si le patrimoine a pendant des années été

espace semble représente un conservatoire,

considéré comme le monument, sa définition

un musée de l’urbanité ancienne. »

s’est complexifié au fil des années et intègre

On assiste à une redéfinition de l’espace

aujourd’hui une collection de constructions qui

public : la muséalisation ne vise pas à figer

n’ont pas été pensées comme tels (patrimoine

l’espace dans un temps donné mais à faire

urbain, industriel, militaire…).

évoluer cet espace pour l’adapter aux attentes

Une quantité de réglementation a ainsi

touristiques et urbaines contemporaines. Il

permis au patrimoine d’exister hors d’une

s’agit réellement d’un musée : la scénographie

reconnaissance comme tel, en particulier

évolue alors que les objets exposés restent les

en Italie qui a vu le développement de la

mêmes, même s’il peuvent être restaurés et

notion de patrimoine urbain au fil des siècles

présentés différemment.

grâce à des architectes et urbanistes comme

« La muséalisation serait alors un processus

Giovanonni. Le patrimoine affecte en effet

global qui touche à tous les aspects urbains

des zones alentours qui sont dépendantes

(habitations,

de l’image du cet élément patrimonial. Ces

aménagement urbain…) en conduisant, non

reconnaissances réglementaires et théoriques

pas à conserver tel quel un lieu patrimonial,

donnent au patrimoine une qualité d’existence

mais en offrant les conditions adéquates à une

dans le monde contemporain.

bonne appréhension de la valeur patrimonial

économie,

populations,

de celui-ci. » Prenons la définition du musée donnée par l’ICOFOM en 2007 : « Le musée est une

Il est donc essentiel de comprendre que la

institution permanente sans but lucratif, au

muséification n’est qu’un a priori de la question

56


de la protection du patrimoine, car il est plus

Ces deux villes vont nous aider à prendre

juste de parler de muséalisation pour mieux

conscience que la patrimonialisation et la

cerner l’attitude à avoir sur le patrimoine et

muséification (ou muséalisation pour être plus

l’espace urbain : le musée est donc une image

précis selon les termes de Olivier Navarro)

juste, il faut savoir composer un parcours, une

ne

nouvelle scénographie, de nouveaux usages

d’endormissement

pour des pièces de collections qu’elles soient

temporelle mais qu’un travail fin de réflexion

aussi impressionnantes qu’un Delacroix de

urbaine et architecturale peuvent amener la

2,5 m par 3 m, ou de la simplicité d’un vase

ville-musée dans une perspective d’adaptation

antique.

au XXIème siècle qu’elle n’aurait su envisager

sont

pas

nécessairement et

de

synonyme pétrification

auparavant. Cela demande certes un travail et un investissement de réflexion plus poussés, QUEL FUTUR POUR LES VILLES

mais au XXIème siècle il est aujourd’hui

ITALIENNES ?

évident qu’une cohabitation est possible entre l’ambition initiale de Venise de trouver

Heureusement

pour

l’Italie,

qui

dans le tourisme une nouvelle renaissance

représente un des pays les plus complexes

et les composantes sociales, économiques et

en matière de législation et de reconnaissance

politiques du siècle actuel.

patrimoniale et de qualité architecturale, il semblerait que les villes et communes aient intégré l’échec de Venise afin de ne pas copier un modèle trop souvent critiqué par le corps des architectes, urbanistes mais désormais aussi par les personnes externes à la pratique architecturale. Afin de comprendre comment ces villes ont pu s’émanciper du modèle vénitien qui semble la référence en matière d’exploitation du patrimoine à vocation touristique, nous allons nous intéresser à deux villes : Gênes et Rome. Gênes nous éclairera sur la façon dont une ville peut faire du patrimoine une valeur de rénovation urbaine alors que celle-ci ne l’avait jamais exploité auparavant. Quand à Rome, nous nous intéresseront plus à des projets contemporains particuliers pour comprendre qu’est ce que représente la construction contemporaine dans la «villemusée».

57


Fig. 32 : Porto Antico, Gênes, la ville palimpseste Au premier plan , Bigo et l’espace evenementiel de Renzo Piano Au second plan, la Sopraelevata, le Teatro Carlo Felice d’Aldo Rossi et la Cathédrale

Fig. 33 : Plan satellite de Gênes, Entouré, le centre historique à proximité du port 58


03

B - GÊNES : UN EXEMPLE DE MUSÉALISATION ÉQUILIBREE ?

ville ont pu être entrepris comme ceux de la via

1 / VILLE ATYPIQUE OU REFLET DES VILLES ITALIENNES ?

XX Settembre ou sur le port avec la Ripa Maris avec ses espaces de commerces en arcades. L’industrie portuaire a donc fait la fortune de la ville jusqu’au début du XXème siècle.

APOGEE ET RAYONNEMENT Il s’agit ici d’approcher la ville et sa

DECLIN DE LA PUISSANCE DE LA VILLE

typologie atypique par certaines anecdotes. Gênes est adossée au pied de montagnes et

Mais

construite sur cette frange de terre entre mer

très

vite

les

composantes

et montagne. Elle profite d’un golfe assez

industrielles, économiques et sociales du

profond ce qui l’a immédiatement tournée vers

XXème siècle ont perturbé le rêve et l’idéal

le commerce maritime dès le XIème siècle

génois. Au milieu du XXème siècle, la ville

pour devenir une place forte du commerce

a souhaité asseoir sa puissance portuaire

méditerranéen au Moyen-Age et finalement le

en développant un port et une industrie

port le plus influent de l’Italie à la Renaissance.

performante. Le port industriel a été construit

Le visage de la ville est assez atypique. Auprès

modifiant pour toujours le visage de la ville.

des palais des familles génoises se trouvent

La Sopraelevata, autoroute urbaine passe le

des quartiers d’habitat populaire.

long du port et sépare le vieux port du centre

Tournée essentiellement vers le commerce

historique de Gênes. Les quartiers anciens

portuaire, la ville a longtemps été cloisonnée

deviennent trop étroits, mal éclairés, insalubres

entre ses murailles dont la dernière datant du

et malfamés. La ville connaît ensuite dans la

XVIIème siècle a définit le visage de la ville

deuxième moitié du XXème siècle un déclin

jusqu’au XIXème siècle. Des lors la ville a du

industriel et la ville connaît la perte de plus

composer dans un centre étroit, dense (fig.33).

de 70000 emplois et de 200000 habitants. La

La ville s’est reconstruite sur elle-même,

population est de plus en plus vieillissante,

exemple même de la ville palimpseste (fig.32).

les friches industrielles se multiplient dans la

On y trouve de riches palais embellis au fil

périphérie génoise.

des siècles, peu d’espaces publics... Cette

Gênes semble sur le déclin, que de nombreuses

contrainte d’emprise au sol fait du centre-ville

villes portuaires et industrielles connaissent au

de Gênes, le centre historique le plus dense

XXème siècle en particulier en Italie.

d’Europe. Seulement au XXème siècle après l’annexion

Cependant la ville, confronté à la désindustri-

des communes alentours, et de développement

alisation, fléau du siècle, ne pourra pas

de l’urbanisme hors des murs, la ville a pu

sombrer longtemps dans la marasme qui a

respirer et se tourner vers les collines alentours

façonné le visage de la ville à la fin du XXème

pour s’étendre et accueillir plus d’habitants.

siècle.

Des lors des travaux d’embellissement de la 59


2 / LE RENOUVEAU DE LA VILLE : QUELLES OPTIONS ?

Pour sortir de cette impasse Gênes a pris plusieurs décisions : > Se tourner tout d’abord vers une richesse gratuite : la patrimoine et l’exploiter pour que le tourisme redynamise la ville, son centre historique et son port. > Assurer la mutation du port en port de

Fig. 34 : Nouveau port de Gênes, Port industriel et de passagers

containers et en port de passagers (fig.34). > Remplacer les industries lourdes (sidérurgie, raffineries) par des industries propres. > Accueillir des étudiants dans le centre-ville pour retrouver la vie. Notre

analyse

ne

portera

pas

sur

les

reconversions portuaires et industrielles mais sur celle du centre-ville. Cependant il est intéressant de noter que la ville ne s’est pas tournée uniquement vers le centre-ville et son patrimoine pour assurer à celle-ci un avenir dans le siècle actuel. Elle a mis en œuvre une multitude d’outils pour parvenir à sortir la ville de son déclin. Les résultats ont été surprenant

Fig. 35 : Porto Antico Premier jalon de la reconversion de la ville

cependant. L’activité du port à été multipliée par cinq, l’industrie de haute technologie se développe considérablement, le nombre d’entreprises est croissant, le chômage a baissé de plus de 5% (avant la crise de 2008)... En quelques mots Gênes a réussi sa reconversion et son adaptation. Le tourisme trouve donc une nouvelle place de choix dans la redéfinition du visage de Gênes. Auparavant, les touristes se tournaient vers Gênes pour son cimetière marin, dont les impressionnants mausolées jalonnent un

Fig. 36 : Place de la Cathedrale Un centre ville ancien d’une grande qualité architetcurale

parc arboré d’un qualité paysagère inégalable. Gênes n’était qu’une étape dans les voyages

60


vers le sud de l’Italie pour les touristes français,

génoise. Ce projet prend racine et devient un

allemands, suisses... Désormais Gênes est

véritable projet urbain pour la ville.

une destination touristique à part entière.

L’équipe d’architecte, menée par Renzo Piano,

Cela est dû en parti à deux opérations qui ont

a souhaité créer à Porto Antico un véritable

donner à la ville un visage qu’elle n’avait jamais

« morceau de ville », assurer une grande

eu et que peu de gens aurait pu déceler. Ces

porosité et une fluidité entre la ville et la mer et

deux opérations sont celles de Porto Antico

entre les espaces du port.

qui a permis la redécouverte du port antique (fig.35) en 1992 par l’opération menée par UN PROJET PAS À PAS

Renzo Piano, et celle du centre historique (fig.36) entre 1992 et 2004 (plusieurs secteurs

Dans un premier temps, en 1992 sont

successifs). Gênes a retrouvé la vie en se tournant vers

réalisés les travaux de reconversions des

son port et vers la mer, puis vers son centre

entrepôts du port. Ils accueillent alors le centre

historique. Ci après nous allons parcourir

des congrès, des restaurants, des galeries

ces opérations qui ont remis Gênes sur les

marchandes...

chemins d’un avenir ambitieux et assumé.

Une promenade est réalisée le long du port de plaisance et des constructions nouvelles sont réalisées : la capitainerie, un multiplex,

3 / RETROUVER SON PORT : UN PROJET INITIATEUR

la place des fêtes, et l’aquarium (un des plus grand d’Europe) constitue la pièce maîtresse du projet, même s’il a vivement été critiqué à sa réalisation car trop représentatif des

UN PROJET AMBITIEUX

activités que l’on peut trouver en bord de mer. Certains édifices dont l’entrepôt du

Il est important de noter que le projet

café à largement été remanié pour accueillir

de Porto Antico n’est pas un projet de tourisme

ses nouvelles fonctions, ainsi l’architecte de

pur comme pourrait l’être un projet lambda

l’agence RPBW n’a pas hésité à supprimer

dans une ville italienne touristique tel Venise.

plusieurs niveaux pour ramener l’édifice dans

Il est un projet pour les touristes et pour les

la taille des constructions du centre de Gênes

génois. Pour assurer sa métamorphose la ville

et pour libérer la vue sur la mer depuis la ville.

s’est d’abord tournée vers le cœur historique

Il est important de noter que les constructions

de la création de la ville à savoir son port.

existantes ont été mises à profit,, autant que les nouvelles, pour assurer un usage de l’édifice

L’idée même de Porto Antico réside dans la

et une continuité avec son histoire passée.

proposition de Renzo Piano. Il souhaite allier

Les espaces publiques sont peu travaillés

la ville de Gênes et de Séville (exposition

compte tenu de la rigueur financière du projet

universelle de 1992 dont le thème est « l’Ère

et le minimum est mis en œuvre pour assurer

des Découvertes ») dans la célébration du

la pérennité et la fonctionnalité de l’espace.

5000ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, d’origine

Le port fait parti de l’histoire de la ville et de son

61


Fig. 37 : Centre des congrès de Gênes Port de plaisance

Fig. 38 : Aquarium de Gênes 1992, agrandi en 1998

A B C F G

D

H

E

F - Piscine transformable en théatre (1998) G - Pavillon de la Mer et de la Navigation (1996), Multiplex (1997), Cité des enfants (1997) Médiathèque (1999) Music Store (2000) H - Centre des congrès (1992)

A - Aquarium (1992 - agrandi en 198) B - La sphère abritant une collection de fougères (2001) C - Place des fêtes (1997) D - Le Millo & Bigo (1992) E - Musée Emanuel Luzzati (2001)

Fig. 39 : Vue aérienne du Porto Antico, les différentes opérations réalisées A droite, la vieille ville, séparée du port par la Sopraelevata 62


patrimoine. Elle a réussi avec cette première

leur quotidien. Ci-après on peut voir un compte

phase du chantier de Porto Antico à concilier

rendu des chiffres que représente Porto Antico.

les activités touristiques et les activités

Ici se mêlent donc culture, loisirs, sports... La

manquantes à la ville telle que le centre des

ville a fait aussi confiance aux entrepreneurs

congrès (fig.37), ou les activités relatives au

pour proposer une nouvelle vie à se site. Ainsi

port de plaisance comme la capitainerie.

le projet d’avoir un immense Music store à commencé avec l’installation d’une petite

La deuxième partie de l’opération lancée en

boutique de disque qui s’est agrandie petit à

1996 vient encore plus lier le Porto Antico à

petit consciente de son succès pour obtenir la

la ville et à son centre. Cette seconde tranche

licence Virgin. Il faut non seulement que les

est essentiellement tournée vers un public

pouvoirs publics contrôlent le projet mais les

génois. Ainsi la ville ne souhaite pas rendre

entrepreneurs doivent pouvoir être force de

la vie sur le port uniquement tournée vers les

proposition et assumer les résultats.

touristes (avec par exemple l’aquarium (fig.38)

Cette opération urbaine est donc le témoignage

ou encore les restaurants et commerces) mais

qu’une

souhaite installer un programme original : la

uniquement tournée vers le touriste mais peut

Cité des Enfants qui accueille la plus grande

amener un dynamique à tout un site.

médiathèque

mais

Cet exemple est particulier certes car il

aussi des musées d’arts et de sciences,

n’est pas réellement une muséalisation car

des équipements sportifs avec entre autre

le patrimoine portuaire atypique se prête

un gymnase et une piscine... Cette nouvelle

facilement à la reconversion, mais l’agence

tranche accueille des fonctions qui viennent

aurait pu jouer le jeu de la neutralité.

compléter l’offre de la ville de Gênes quant

Si

à son attractivité pour les résidents et les

renouvellement urbain de Gênes, il est

potentiels nouveaux habitants.

initiateur principalement de la redécouverte

pour

enfants

d’Italie,

orientation

Porto

Antico

touristique

a

initié

le

n’est

pas

projet

de

du centre ancien. La ville ne s’est pas reposée sur son patrimoine pour attirer le public, elle a LES RAISONS DU SUCCÈS

su provoquer son dynamisme. Chiffre d’affaire : 10,8 millions d’euros Investissement : 60,7 millions d’euros (sur 8 ans) 900 emplois crées (sans transferts d’emplois depuis le centre-ville) 3,5 millions de visiteurs (dont 1,2 millions pour l’aquarium)

L’élément clé qui a assurer la réussite à long terme reste peut être le fait que la ville a décidé, en 1995, de confier intégralement la gestion du port à la société Porto Antico SPA ce qui libère la ville du poids de l’opération et

130000m² crées (dont 70000 d’espace public) > 28% culture et science > 21 % congrès > 18 % loisirs et éducation > 14% services et parkings > 12% commerces et restauration > 7% bureaux

laisse à la société la liberté d’intervenir plus librement et rapidement alors que la législation italienne reste très complexe. Aujourd’hui, après 20 ans d’exploitation, le projet est un véritable succès auprès des touristes de plus en plus nombreux et auprès

Fig. 40 : Porto Antico en chiffres (source Porto Antico SPA 2003)

des génois qui ont intégré ce quartier dans

63


4 / RETROUVER SON CENTRE-VILLE : LA FINALITÉ DU PROJET

UN LIEU IMPOSSIBLE A VIVRE ? « Le centre-ville [de Gênes] était la la fois le trésor de la ville et son handicap ; il fallait transformer le handicap en potentialités, ouvrir la boîte à bijoux » [13] Tel était le problème le problème de Gênes :

Fig. 41 : Faculté d’architecture de Gênes

jouir

d’un

centre-ville

exceptionnel,

d’un

patrimoine varié et de qualité sans avoir les moyens de le remettre à la place qui lui est dues. Comme expliqué auparavant Gênes n’est sorti de ses remparts qu’au XIXème siècle. Les rues étroites, les bâtiments très hauts de 5 à 6 étages en moyenne dans le centre-ville lui donne un visage tout particulier mais en fait aussi un handicap notable. Le centre ancien se vidait alors peu à peu de ses habitants, l’insécurité explosait, les difficultés d’accès Fig. 42 : Teatro Carlo Felice

compliquait la vie dans le centre, le manque de lumière et l’insalubrité repoussait de nombreuses personnes à s’installer ici. Peu à peu le centre-ville ancien a accueilli des activités de recel de drogue, a servi de refuge aux immigrés et SDF... Comment

pouvait-on

sacrifier

un

centre

exceptionnel comme celui de Gênes car il n’était pas « compatible » naturellement avec les activités du siècle actuel ? Pendant des années, cette ville a laissé son patrimoine architectural d’exception de côté pour s’intéresser plus à l’expansion de la ville hors les murs. Elle n’avait alors pas conscience

[13] GABRIELLI Bruno, ancien adjoint à la qualité urbaine de la ville de Gênes dans MASBOUNGI Ariella (sous la direction de), 2001. Gênes : penser la ville par les grands évènements, Parenthèses. pp 91

de la valeur de son centre ancien.

64


En 1960, la municipalité lance une série

Par ces quelques projets et par la dynamique

de réflexion sur le centre-ville et la ville en

apportée par le renouveau du port, des axes

générale mais ces réflexions n’aboutissent sur

de la ville sont rénovés, assainis, pavés... afin

aucun projet urbain ou de renouvellement du

de redonner aux différents quartiers un visage

centre.

de ville « vivable ». Ces projets ont par la

Dès les années 80-90, la ville met en place

même occasion permit le développement de

un projet de transformation urbain. Il est

commerces de proximité, de boutiques et de

alors question d’investir massivement pour

bars à cause et surtout grâce à cette nouvelle

le centre ancien afin de doper l’économie

population qui s’installe et redécouvre le

et

centre-ville.

le

renouvellement

de

l’ensemble

de

l’agglomération génoise.

Sont donc mêlées les ambitions pour les touristes ainsi que pour les habitants.

L’objectif est simple : Gênes sait qu’elle ne peut pas exister que par le tourisme. Alors il lui

Les projets d’espaces publics de 1992 sont

faut concilier la vie quotidienne des habitants

donc les premiers jalons de la reconversion et

avec celle des touristes.

de la redécouverte du centre-ville de Gênes par ses habitants et ses touristes.

QUELQUES PROJETS INITIATEURS ET

Cependant si les ambitions de renouveau

UNE MAIN TENDUE VERS LE PORT...

prennent forme à la fin du XXème siècle dans le centre de Gênes, Il manque une cohésion

Le projet de Porto Antico trouve son

de l’espace public pour assurer un avenir au

écho dans le centre de Gênes. Alors que tout

projet.

l’ancien port est en effervescence, quelques

En 2001, la municipalité fait l’un des projets

zones de la vieille ville tente de sortir de

les plus bénéfiques pour la ville de Gênes : la

l’endormissement. Ainsi dès 1972 la faculté

piétonisation et la requalification urbaine de

d’architecture (fig.41) s’installe en plein cœur

via San Lorenzo qui relie le Palazzo Ducale

de l’ancien quartier dans l’ancien palais de

au Porto Antico en passant par la Cathédrale.

l’Evêque, le Teatro Carlo Felice (fig.42) se

Dès lors la vieille ville autrefois inhospitalière

voit reconverti par Aldo Rossi, endommagé

tend la main vers le projet le plus novateur du

durant la seconde guerre mondiale et dont

siècle pour Gênes à savoir la requalification du

les précédents projets de reconstruction avait

port. Les façades des bâtiments sont ravalées,

été avorté, il ouvre en 1991. De même de

les espaces publics réaménagés le plus

musée Sant’Agostino, est lui aussi installé

simplement possible. A noter qu’il s’agit avant

dans les anciens cloîtres attenants à l’Église

tout d’un projet d’espace public reliant des

Sant’Agostino dans les années 70. Ces

monuments ensemble ou des pôles attractifs

exemples ponctuels se sont trouvés assez

déjà reconvertis. Le projet de la via San

isolés mais peu à peu la ville a accueilli les

Lorenzo est aussi un projet visant à assainir la

nouveaux étudiants de la faculté et des génois

ville, polluée et mal-entretenue.

tentés par l’expérience du renouvellement urbain.

Dès

65

lors

la

ville

semble

sortit

de


Fig. 44 : Via San Lorenzo, Au second plan, la Cathédrale de Gênes

Fig. 43 : Palazzo Rosso, depuis la cour du Palazzo Bianco

A

B

C

D

E

A - Musées de la Via Garibaldi B - Cathédrale de Gênes C - Palazzo Ducale D - Teatro Carlo Felice E - Faculté d’Architecture

Axe d’équipement à la personne Axe alimentaire Axe ameublement Axe de vie nocturne et loisirs

Fig. 45 : Vue aérienne du Porto Antico et du centre ancien, Les différents projets réalisés 66


l’endormissement. En 2004, ce sont les palais

certains

de la ville qui sont réhabilités en musée,

l’habitude de ne pas ouvrir leurs commerces

et restaurés. En particulier le long de la Via

habitués à ne pas les ouvrir quotidiennement.

Garibaldi avec en particulier les Palazzo

Cependant le tourisme et ses retombés

Rosso (fig.43) et Bianco.

économiques ne peuvent pas se passer de

Les

espaces

publics

sont

à

leur

artisans,

vendeurs

avaient

pris

tour

boutiques ouvertes les week-end ou les jours

réaménagés tout comme la Via Garibaldi ou

fériés. Il a donc fallu un certain temps avant de

encore la Via Lomellini.

sortir la ville et ses commerçants d’habitudes prises pendant plusieurs années.

La force de ces projets réside dans le fait que les habitants, les autochtones génois, ont

Cependant la municipalité s’est très vite rendue

accepté cette redéfinition de l’espace et les

compte de la potentialité des commerces en

interventions réalisés sur les bâtiments anciens.

centre-ville et comment concilier attentes des

Là où le projet de Wright fut rejeté à Venise

habitants et des touristes. Ainsi sont mis en

tout comme celui de Calatrava largement

place des axes commerçants regroupant les

contesté, à Gênes l’école d’architecture s’est

boutiques de même typologie. Ainsi autour de la

faite se place dans un centre ville qui n’est pas

Via San Lorenzo (fig.44) sont mis en place des

sur-classé, auprès d’une population acceptant

commerces essentiellement d’équipements

l’évolution, et sans règles rigides.

de la personne et de restauration rapide ou à emporter (fast-food, cafétéria, boulangerie...). Ce sont les premiers commerces « nouveaux »

UN PROJET POUR LES TOURISTES ET

lancés dans le centre ancien. Dès lors et par

LES HABITANTS

peur d’être oublié, d’autres commerces se sont regroupés, rouverts ou affirmés, et de

Ce qui fait la différence entre Gênes et

nouveaux axes se sont développés autour

une ville lambda c’est cette aptitude à toujours

de l’ameublement, de l’alimentaire, de la vie

savoir jongler entre le touriste et l’habitant. Là

nocturne, des loisirs...

où l’un profite d’un équipement, l’autre jouit

Ainsi le centre-ville est ponctué de commerces

de la possibilité de visiter un musée. Là où un

destinés aux usages de habitants et aux

espace public est aménagé, il est réfléchi pour

attentes des touristes .

les deux usages. De nombreux bâtiments sont réappropriés afin Les espaces publics se sont vivifiés, les

d’y installer tous ces nouveaux commerces.

monuments et bâtiments sont réinvestis. Il ne

De

restait plus qu’aux commerces à trouver une

possibles. Ainsi

nouvelle vie. Et ce ne fut pas le plus simple.

chaussées sont réappropriés, tout comme

En effet, les commerces ont mis relativement

les plus impressionnants. Une supérette de

de temps à se mettre en place dans la ville

quartier est même installée dans un ancien

compte tenu de l’évolution de la population

bâtiment voûté, dont deux cariatides gardent

dont personne ne pouvait assurer l’installation

l’entrée. Certains diront qu’il est dommage de

permanente dans la vieille ville. De plus,

sacrifier de tels volumes pour un supermarché,

67

nombreux

voir les

tous

les

bâtiments

plus

petits

rez-de-


d’autres diront que la ville a fait avec ce qu’elle

possible pour ceux-ci. C’est souvent le

possédait comme constructions disponibles

problème des centres-villes anciens. On

dans le centre-ville. Car on ne peut pas relayer

souhaite piétonniser un maximum pour le bien-

tous les commerces volumineux hors de la ville

être des touristes (et à Gênes pour celui des

sous couvert de protéger des constructions.

habitants aussi) mais a trop vouloir piétonniser

Si l’on veut accueillir étudiants, couples ou

on repousse toujours plus les zones de

encore personnes âgées dans le centre, il faut

stationnement. Le stationnement, tout comme

s’en donner les moyens au prix de quelques

les services, reste donc à surveiller pour

sacrifices. Et Gênes a aujourd’hui intégré ces

s’assurer que les habitants ne se compliquent

sacrifices nécessaires pour savoir évoluer.

pas plus la vie en habitant le centre-ville qu’en habitant sur les hauteurs de la ville.

Plusieurs programmes ont même été mis en

Même si la mixité sociale du quartier est

place à Gênes pour les commerces dont les

inédite comparée à d’autres villes et d’autres

CIV (Centre commerciaux Intégrés de Rue).

centres-villes historiques en Italie, les prix

Ces programme visent à gérer l’espace urbain

de l’immobilier ont tendance ces dernières

et les commerces comme dans un centre

années à s’envoler, suivant la courbe logique

commercial. Une association de commerçants

de l’immobilier en centre ancien réinvesti.

prennent en charge l’animation de la rue,

Heureusement

et une partie de l’entretien de l’espace

habitants possédaient leur logement avant

public. Si à certains endroits de la vieille

le réaménagement du centre et au début du

ville ces centres ont fonctionné comme à la

programme. De même chaque année, la

Maddalena, d’autres à proximité de la Via San

ville réalise une part de logements sociaux

Lorenzo n’ont pas trouvé de pérennité. Il faut

pour loger des personnes ayant des revenus

alors faire confiance à tous les commerçants

variés, afin que le centre ancien ne devienne

pour leur investissement dans ce projet

pas la propriété des familles les plus aisées,

car l’individualisme de chacun, l’entente, le

alors qu’on voit depuis plusieurs années

partage des tâches peuvent être difficiles à

l’installation de cabinet d’avocat, de médecins,

gérer. Cependant il s’agit d’initiatives qui ont

d’architectes... et le développement d’activités

permis de relancer des commerces en perte

économiques de type bancaires toujours plus

de fréquentation ou d’en ouvrir de nouveaux.

nombreuses avec par exemple l’installation

aujourd’hui

de

nombreux

récente de la Deutsch Bank sur la Via Garibaldi. On voit alors que compte tenu des activités proposées, des services assurés, et même si la

Aujourd’hui, les habitants, comme les touristes,

vieille ville complique encore les déplacement

semblent satisfaits de ce travail sur la ville

en véhicules, le stationnement... les habitants

ancienne qui a été réalisé. Sans pastiche,

prennent place dans le quartier, les étudiants

sans travail trop poussé sur l’espace public

et les jeunes couples rejoignant les personnes

qui aurait pu compromettre le résultat visible

âgées n’ayant jamais quitté leur foyer. Il faudra

aujourd’hui.

donc à l’avenir assurer aux véhicules (surtout aux deux-roues) un stationnement à proximité des logements possible et une circulation

68


5 / LES GRANDS PROJETS ET LES OUTILS MIS À CONTRIBUTION

Afin de réaliser l’ensemble de ces projets et pour renouer avec ses ambitions la ville de Gênes a fait appel à l’ensemble des outils financiers qui lui étaient disponibles. Mais avant tout certains projets ont provoqué la chance pour que Gênes profite de tout pour s’émanciper et se distinguer alors qu’elle se trouvait dans une période économique trouble. Fig. 46 : Les Grands évènements à Gênes, 1992 : Exposition colombienne 2001 : Sommet du G8 2004 : Capitale Européenne de la Culture

Comme expliqué auparavant, le projet de Porto Antico n’aurait certainement pas trouvé de poursuite si Renzo Piano n’avait pas souhaité organiser l’exposition colombienne

Garibaldi sont reconvertis pour accueillir de

pour le 500ème anniversaire de la découverte

nouveaux musées. Leur classement UNESCO

de l’Amérique par le génois Christophe

est proposé.

Colomb. Dès lors l’idée de l’exposition donne

Ces grands événements ont servi de support

naissance au projet urbain du Vieux Port

de communication pour la ville de Gênes qui

que l’on peut voir aujourd’hui réalisé. La ville

a profité aussi des retombés économiques et

avait alors un véritable objectif : attirer des

médiatiques.

touristes pour l’exposition et pouvoir exploiter le vieux port une fois réalisé comme levier de

Gênes est aussi concernée par des aides

développement du tourisme et un nouveau

financières en matière de reconversion. Le Plan

morceau de ville.

de Rénovation Urbaine a permis de conserver

L’expérience

est

fructueuse.

Et

comme

et de protéger des activités traditionnelles

expliqué précédemment, le projet enchaîne le

(reluire, typographie, ébénisterie...) dans le

renouveau de tout l’ancien centre.

centre ancien.

Par la suite, le G8 en 2001 accueillit les hommes

Le programme européen URBAN a aussi

politiques des différents pays à se réunir dans

permis de bénéficier de financement européen

le Palazzo Ducale. La via San Lorenzo reliant

pour la rénovation du centre-ville.

le port au palais est alors réaménagée. Il s’agit

Enfin la région et la ville ont participé à

avant tout d’une évidence. Comment accueillir

la

dans la ville les hommes politiques les plus

les particuliers à hauteur d’environ 45%

éminents en ayant une voie reliant l’ensemble

respectivement pour la via San Lorenzo et

des monuments majeurs de la ville au port si

pour la Via Garibaldi. Le Ministère des Biens

polluée et congestionnée ?

Publics a aussi participé au financement de

Enfin en 2004, Gênes devient capitale

ces rénovations ou reconversions.

européenne de la culture. Les palais de la via

69

rénovation

des

édifices

détenus

par


6 / UNE VILLE AMBITIEUSE

Les projets pour Gênes se suivent et se succèdent dans le centre comme dans le port. Il est raisonnable de se dire que l’avenir dans le centre sera beaucoup moins riche en rebondissement à l’avenir que pendant ces dix dernières années. Aujourd’hui le plus gros du projet est amorcé pour le centre ancien et si la ville continue sur ses pas, il y a peu de risques Fig. 47 : Projet d’école près de la Cathédrale Jorg Friedrich / Roberto Melai

qu’elle échoue dans sa redécouverte du centre ancien. Aujourd’hui des projets contemporains comme celui d’une école située près de la cathédrale (fig.47) font apparition même si la crise a freiné les projets. Certaines rues restent à

réaménager,

améliorer

(stationnement,

sécurité, salubrité...) mais il est évident que la ville ne peut pas changer des années d’oubli du centre ancien en 10 ans. Il faut à la ville le temps de s’intégrer elle même. Sur le port les projets sont nombreux et tous aussi Fig. 48 : Ponte Parodi, UN Studio

ambitieux les uns que les autres. Ponte Parodi s’apprête a accueillir une immense structure architecturale et paysagère, belvédère sur la mer réalisé par UN Studio (fig.48) accueillant loisirs, hôtellerie/restauration, commerces... La Darsena, quant à elle, dans l’élan de la faculté d’architecture souhaite accueillir un nouveau pôle étudiant. Gênes ne manque pas de projet. Le centreville aura été l’intermédiaire entre le vieux port et les parties annexes. Le projet se veut donc total aujourd’hui, et trouve une cohérence globale. En espérant que les grands noms de l’architectures choisis pour les futures réalisations (Piano, UN Studio...) ne joueront pas le jeu lyonnais de Confluence pour réaliser une collection d’objets architecturaux.

70


Aujourd’hui Gênes peut être fière du pari

vieux port n’avait pas été mis en place. Revient-

qu’elle s’était lancée. Arriver à retrouver son

on vers un idéal giovanonnien ? L’architecte

centre-cille, qu’il devienne un centre de la

italien évoquait il y a près d’un siècle l’avenir

ville, pour les touristes, les habitants, et qu’il

des villes italiennes et européennes. Il

participe au rayonnement de toute la ville.

proposait de créer des centres parallèles en

Alors que retenir de Gênes. Peut-être ce que

dialogue étroit avec le centre ancien. Certains

Bernardo Secchi, appelle la leçon de Gênes.

l’ont vivement critiqué. Mais il avait en quelque

Oui il est possible de contenir l’expansion de la

sorte raison. Rien n’est vraiment possible en

ville, même dans un centre-ville ancien aussi

solitaire. Les deux projets du port et du centre

dense que celui de Gênes. Et oui il est possible

sont complémentaires au niveau touristique,

de faire de ce qui semblait un handicap hier,

économique, culturel, commercial, et pour la

un atout pour demain.

vie quotidienne en général.

Gênes a réussi à se transformer totalement

Gênes a aussi très bien compris les raisons

en moins de 30 ans. Redécouvrir son centre

de l’échec vénitien. La vie doit rester dans le

ancien, le valoriser, tout en gardant une identité

centre ancien. Tout a été mis en œuvre à cet

profonde et une activité que certains envient

effet.

aujourd’hui. Alors quelle en fut la recette ? Tout d’abord Gênes n’a pas eu peur de

Ce que Nicolas Navarro définissait comme

se tourner vers son port pour amorcer le

muséalisation trouve ici un écho modéré.

renouveau, autour des activités culturelles,

L’espace n’est pas figé, l’espace urbain joue

touristiques, ludiques et même quotidiennes.

avec le patrimoine de la ville, les constructions

Ensuite petit à petit les projets se sont

atypiques, les monuments, sans rajouter du

développés dans la ville ancienne et historiques

spectaculaire au spectacle du patrimoine.

par intentions souvent isolées. Les différents

Il est simple, facilement appropriable, sans

événements ont donné une cohérence au

travail exagéré. La ville doit être vécue. Le

centre de Gênes, pour le relier au nouveau

patrimoine est suffisamment imposant pour ne

centre, le port.

pas rajouter de la complexité. La scénographie

Alors là où Venise fait l’erreur de se tourner

est alors réduite au plus simple aménagement.

uniquement vers sa ville historique, elle aurait certainement meilleur compte de faire

Gênes est donc un exemple de muséification

confiance aux projets qui pourraient se réaliser

équilibrée, où la ville arrive à composer entre

sur la partie de la ville située sur le continent.

authenticité et simplicité, entre touristes et

Le projet de Pierre Cardin est certes d’une

habitants, entre tourismes et activités diverses,

architecture critiquable mais il faut lui accorder

entre protection, reconversion et innovations.

son côté novateur qui pourrait certainement

Si l’on semblait inquiet pour l’avenir de

sauver Venise de l’endormissement. La ville

ces villes-musées, l’exemple génois peut

tient peut être une des dernières chances de

réellement nous faire relativiser et nous

sortir de ce cercle vicieux.

rassurer.

Gênes

prouve

que

rien

n’est

peut-être

Oui, pour la ville-musée, un avenir est possible.

possible tout seul. La vieille ville ne se serait certainement pas développée si le projet du

71


Fig. 49 : Le Colisée Carré, EUR

Fig. 50 : Musée de l’Ara Pacis, Richard Meier 72


03

C - ROME : CONSTRUIRE, RÉNOVER, RECONVERTIR DANS LA VILLE-MUSÉE en place pour réinstaller l’Italie à sa place

1 / FAIRE LA VILLE SUR LA VILLE, UN PERPÉTUEL DÉFI

européenne

impose

la

construction

de

nombreux logements (comme en France) qui vont peu à peu miter le territoire. un

Nous ne rentrerons pas dans le détail des

programme urbain de qualité, les rénovations,

projets urbains lancés tel que le plan de

restructurations et reconversions se sont assez

régulation urbaine, dotant au centre ville d’une

bien passées. Cependant la cité génoise est

protection suffisamment solide pour appuyer

encore novice dans toutes ces questions de

de nombreux projets.

travail sur l’existant même si elle a mis en

Peu à peu les grands projets (moteurs de

place une politique urbaine de grande qualité.

projets) se succèdent à Rome. Les Jeux

Alors

que

Gênes

a

produit

olympiques de 1960 permettent entre autre à Nervi de signer le Pallazzo dello Sport.

A une autre échelle Rome est elle aussi sortie de son endormissement à partir de la fin du XXème siècle.

A la fin du XXème siècle, le maire de Rome,

La ville n’a que très peu évolué depuis le début

Franceso Rutelli, lance le projet du Jubilé de

du XXème siècle et jusqu’à la première guerre

l’an 2000, ainsi que la candidature de Rome

mondiale ou alors au prix de concessions

pour les Jeux olympiques de 2004 qui vont

difficiles. Mussolini fera raser une partie

vivifier le centre historique, attirer de nouveaux

des immeubles à proximité de la Basilique

touristes et imposer des travaux considérables.

Saint-Pierre-de-Rome

pour

créer

la

Via

della Conciliazione. Dans le même temps,

Dès lors la ville s’est lancée dans le renouveau

il lancera le projet de l’EUR (fig.49) en 1937

de tout son centre ancien. La ville éternelle

pour accueillir l’exposition universelle de 1942.

s’inscrit alors peu à peu dans la dimension

Mais le projet ne fut pas abouti car la guerre

contemporaine du XXIème siècle. Riche

empêchera cette exposition. Si aujourd’hui

de constructions antiques, moyenâgeuses,

l’EUR est un quartier vraiment particulier

renaissances,

par son architecture, il faut reconnaître qu’il

néoclassiques... la ville ne pouvait pas

est un point de développement des activités

aujourd’hui tourner le dos à son histoire et à son

tertiaires essentielles pour le fonctionnement

éclectisme architectural. La ville palimpseste

et le rayonnement de Rome. On retrouve

et musée se doit d’être éternellement ainsi,

en quelque sorte les ambitions génoises et

musée et palimpseste.

giovanonniennes dans ce projet de « centre

Nous nous intéresserons donc ici aux projets

parallèle » vivant pour vivifier l’ancien.

qui ont redessiné le visage de la ville. A la

baroques,

fascistes,

manière dont ces projets contemporains (ex : Ara Pacis de Meier (fig.50)), s’inscrivent

Après la guerre, le boom économique mis

73


dans le paysage urbain de Rome. Comment les populations résidentes ont accepté cette architecture radicalement novatrice ? Quel a été le combat pour pouvoir construire dans Rome ? Là où Guiseppe Sacconi édifie le monument à Victor-Emmanuel II sans se soucier des vestiges archéologiques, des perspectives paysagères, des édifices alentours, comment à la fin du XXème siècle et aujourd’hui au XXIème siècle, peut-on construire en site si contraint ?

Fig. 51 : Le MAXXI, Musée d’Art du XXIème siècle, Zaha Hadid

Aujourd’hui quelle place peut-on donner à

l’architecture

contemporaine

en

site

historique, protégé, muséifié (?) comme les centres anciens italiens ? Et la capitale italienne semble l’exemple le plus à même de répondre à cette problématique compte tenu de son expérience aujourd’hui confirmée en la matière avec la réalisation de projets tels que le MAXXI de Zaha Hadid (fig.51), le MACRO de Odile Decq et Benoit Cornette (fig.52), le Parco Della Musica de Renzo Piano ou encore des projets en chantier comme le centre des congrès de Massimiliano Fuksas (fig.53). Fig. 52 : Le MACRO, Musée d’Art Contemporain de Rome Odile Decq et Benoit Cornette

Nous répondrons à plusieurs de ces questions par thématiques et utilisant plusieurs de ces projets contemporains réalisés ces dernières années.

Fig. 53 : Le Nouveau Centre des Congrès, Massimiliano Fuksas 74


transgresser cette directive pour évider l’angle

2 / CONSTRUIRE DANS LA VILLE ITALIENNE HISTORIQUE

de la façade sur rue pour y installer l’entrée du nouveau musée et le café de ce dernier, nouveau contact avec la ville pour faire de

Il ne s’agit pas ici de faire un exposé des

ce complexe culturel un nouvel élément de la

pratiques de réhabilitations et de reconversions

ville. En même temps conserver les façades

en Italie, mais de comprendre ses spécificités,

permettait de créer un nouveau monde

sa complexité ou sa simplicité, de pointer

contemporain derrières des murs.

les problèmes redondants. Construire en Italie, construire en ville historique peut

Ensuite cette même commission a souhaité

impressionner de nombreux architectes.

que le projet proposé ne dépasse pas la façade d’origine.

Cependant

deux

composantes

imposaient une dérogation à cette directive : les salles d’expositions réalisées s’installent

DE LA PRÉCONISATION AU DIALOGUE

dans des volumes entre 11 et 12 mètres de hauteurs afin d’accueillir des fonctions variées ;

Construire dans la ville historique et en

et la toiture accueille un restaurant, souhaitant

particulier Rome n’est pas une mince affaire.

exploiter la toiture comme sur l’ensemble Dans une conférence à l’ENSAL, Odile

des bâtiments romains. La commission a

Decq introduit le projet du MACRO par cette

alors accepté cette écart pour assurer une

phrase pour présenter Rome : « Ils sont

cohérence au projet. Le dialogue entre les

extrêmement

nourriture

architectes et la commission des monuments

est bonne, il fait toujours beau, la ville est

historiques a donc permis de proposer un

magnifique, la lumière est belle... y travailler

projet viable et équilibré. Peter Baalman définit

c’est une autre affaire ! » L’architecte française

à la fois la Surintendance comme l’équivalent

pose les bases du projet qu’elle livre en 2010 à

italien de nos ABF (Architectes des Bâtiments

la ville de Rome.

de France) et comme une alternative, car si

sympathique,

la

la législation est complexe en Italie et que le Et il est vrai que les contraintes imposées

débat législatif fait toujours débat, elle permet

par la ville sont nombreuses : installée dans

un dialogue pour aboutir à un projet juste.

l’ancienne brasserie Perroni, la Surintendance en charge du projet (équivalent italien de notre

Certains diront que l’agence ODBC ne s’est

commission des monuments historiques) a

confrontée qu’à de minimes problématiques

demandé à ce que l’ensemble de la façade de

mais il est intéressant de comprendre que

l’ancienne usine soit conservées sur rue et que

c’est avant tout le dialogue possible avec la

le projet se déroule essentiellement à l’intérieur

Surintendance qui a permis de créer un projet

des murs de l’ancienne usine. Peter Baalman,

innovant. Certes les monuments historiques

chargé du projet chez ODBC, a refusé de faire

italiens font preuve d’un inertie importante pour

de ce projet un simili-facadisme. Pourquoi

accepter des solutions mais un étroit dialogue

créer du contemporain pour le masquer

entre réglementations, recommandations et

par la suite ? Dès lors l’agence a décidé de

ambitions architecturales.

75


Et il en est de même avec les commissions techniques.

En

particulier

les

pompiers

très réticents aux structures métalliques apparentes.

A

force

de

combats,

de

persévérance et de contournements des réglementations, l’agence française a obtenu l’accord de la commission incendie. En Italie, tout ce négocie, du moment où l’on est près à des concessions. Ce qu’Odile Decq définit comme l’escamotage : savoir trouver la faille

Fig. 54 : Projet Red Lace, immeuble de logements Odile Decq Florence

dans la réglementation, ce qui aujourd’hui est devenu très complexe en France. (Elle en fera largement usage à Florence avec un projet de logement (Red Lace) (fig.54) en site historique : les contraintes du site imposaient des fenêtres en hauteur, elle créera des séries verticales de fenêtres horizontales ; les toitures en pentes sont devenues des couvertures plissées, les arcades laissent place à des porte-à-faux, les balcons et loggias interdits prennent place derrière une résille contemporaine qui devient alors façade principale...). L’Italie permet aujourd’hui encore cette flexibilité des réglementations, possible il y a peut être encore 10 ans en France mais elle s’est vite retrouvée bloquée par les réglementations redéfinissant les réglementations précédentes, etc...

LES VESTIGES, UN PROBLÈME ? Si en France les architectes ont la hantise de se voir confronté aux vestiges

Fig. 55 : Parco Della Musica, Renzo Piano En bas, les vestiges de la villa romaine, Au centre, l’espace muséographique, En haut, les salles de concert

archéologiques, en Italie et surtout à Rome, cela fait parti intégrante de la phase de chantier. « La ruine fait partie de la vie quotidienne » explique Odile Decq dans sa conférence à propos du visage de Rome. Son collaborateur

76


Peter

Baalman

explique

que,

comme

composante du projet. Ainsi entre deux salles

habituellement en Italie, ils sont tombés sur

de concert se trouve cette ruine dont une partie

des vestiges antiques sur le site du projet.

des objets trouvés sont intégrés à l’Auditorium

Cependant il ne s’agissait pas de vestiges

dans un musée de taille modeste. Ainsi ce

ayant une valeur historique remarquable. La

projet d’Auditorium qui aurait pu être destiné

découverte à donc imposé une modification

aux élites romains renforce son visage de

légère de la structure pour éviter de détériorer

salles de concert populaire avec son théâtre à

la ruine mais le choix a été fait de reboucher

ciel ouvert et aujourd’hui ce musée.

ces dernières. « Si on décide de préférer les

(De même pour le projet de Porto Antico à

vestiges au musée, on peut démolir le musée

Gênes, Renzo Piano a été confronté aux traces

et retrouver les vestiges… » déclare-t-il. Le

antiques du vieux port. Il devait ainsi faire

choix de la réversibilité est possible dans

le choix de les masquer ou de les assumer.

un soucis de respect de l’antique. Ici on voit

Aujourd’hui l’espace du vieux port est jalonné

très bien que même si des ruines antiques

de vestiges antiques qui deviennent des

sont présentent sur le terrain, elles n’ont

éléments de décor urbain à part entière.)

pas handicapé le projet et l’adaptation de se dernier pour revitaliser le quartier.

Ainsi la ruine, le vestige est très souvent une composante à intégrer dans les projets

Dans une autre mesure, pour le projet du

contemporain romain et même italiens. Ainsi

Parco Della Musica (fig.55), Renzo Piano a

les architectes peuvent faire le choix de

aussi été confronté aux ruines antiques d’une

simplement respecter sans exposer, ou alors

villa romaine. « À Rome, ils sont habitués.

de faire de cet élément une nouvelle donnée à

Chaque fois que l’on fait un trou, on trouve

prendre en compte dans la définition du projet.

des choses. » commente Paulo Colonna, un chef de projet de l’agence Renzo Piano DES PROJETS POLÉMIQUES

Building Workshop (RPBW) en charge du chantier. Compte tenu du volume occupé par la villa et ne sachant pas encore l’étendu de

Construire en centre-ville historique en

la zone de vestiges, le chantier a été arrêté

Italie, et en particulier à Rome, c’est avant tout

pendant plus de 6 mois. L’ensemble du projet

proposer un projet qui sera scruté, décortiqué,

a du être remanié. Les salles de concert

analysé, le plus finement possible pour voir

ont du être déplacées, et l’ensemble du

s’il est ou non un affront à l’architecture

projet recomposé. Mais ici, la villa romaine,

typique du centre, s’il est trop atypique, trop

ancien poste frontalier, a attiré l’intérêt de la

contemporain, trop sage, trop expressif...

Surintendance qui a souhaité connaître le maximum de choses sur cet édifice. Alors que

Construire à Rome est une expérience

l’agence RPBW aurait pu se désintéresser de

enrichissante, mais c’est aussi un défi pour

cette découverte et uniquement attendre le

un architecte. Car faire accepter son projet à

feu vert de la Surintendance pour poursuivre

tous peut s’avérer être un challenge parfois

le projet et le chantier, les chargés du projet

insurmontable.

ont décidé d’intégrer ce vestige comme une

77


Richard Meier en a fait les frais pour son projet du nouveau musée de l’Ara Pacis à Rome. En 1995 est lancé le projet pour un nouveau musée pour accueillir l’Autel de la Paix de Auguste et les expositions relatives. Ce nouveau projet vient en remplacement de l’ancienne structure du musée réalisée pendant la période mussolinienne en 1938 (fig.56). Après plusieurs phases de concours Meier remporte le concours. Fig. 56 : Ancien musée de l’Ara Pacis, construit en 1938, démolit en 2001

Cependant, même avant la phase finale du concours, le projet de Richard Meier ne fait pas l’unanimité. Il faut bien comprendre qu’aucune réalisation contemporaine n’avait été réalisée dans le centre de Rome depuis les années 30. C’était donc un exercice assez complexe et qui s’attirait nécessairement les foudres des médias, politiques ou simples intéressés par l’avenir de la ville romaine.

Fig. 57 : Non Fatelo, «Ne le Faites Pas» Arnold Roth Art, Originellement publié dans le New Yorker, 2005.

Les journaux se sont très vite mêlés à la polémique (fig.57) en demandant le retrait du projet, en caricaturant le projet contemporain et assumé de Meier. Même le monde professionnel de l’architecture, du patrimoine et de l’aménagement urbain est divisé par ce projet. « Le projet est vulgaire » juge Gorgio Muratore sur son site en 2006, « Meier connaît la Rome antique aussi bien que je connais le Tibet, où je ne suis jamais allé ! », commente Federico Zeri dans La Stampa en 1998, « prothèse stupide » selon Massimiliano Fuksas en 2003 dans un entretien accordé au site Exibart.com en 2003.

Fig. 58 : Nouveau musée de l’Ara Pacis Richard Meier

Face à la polémique et suite à son accession au pouvoir, Silvio Berlunsconi, par son délégué aux affaires culturelles, fait cesser le chantier du musée, déjà entamé. Meier est contraint de proposer un projet plus léger, aérien, évoquant

78


l’ancienne structure des années 30.

Cependant tous les projets contemporains en

Officiellement le projet est arrêté car il touche

centre historique n’ont pas eu le complexe

les vestiges de l’ancien port de Ripetta, port du

destin du musée de l’Ara Pacis, nombreux

XVIIIème siècle aujourd’hui disparu.

sont ceux qui font consensus pour ou contre

Après modifications, le projet reprend en 2003,

dans les centres anciens aujourd’hui. Certains

même si les protestations ne cessent. Aucun

disent que le modernité est réservée à la

compromis n’est trouvé, et le projet continu à

banlieue, aux périphéries.

être édifié et inauguré en 2005 (fig.58). Face à la grogne, le candidat de la droite

Mais à quoi bon vouloir dissocier passé et

Alleanza Nazionale aux élections municipales

modernité lorsque tout s’offre à nous pour

de la ville de Rome, prend l’engagement que

inscrire un quartier dans le XXIème siècle ?

s’il est élu, le bâtiment de Meier sera démonté pour être installé dans la périphérie. L’association Italia Nostra demandait par exemple l’annulation du projet et après des pétitions a écrit au ministre des Biens Culturels de stopper le chantier en 2003. Même à l’heure du XXIème, certains critiquent encore une possible évolution des centres anciens. D’autres s’exaspèrent. « Assez du

tabou

dans

les

centres

historiques,

construisez ! » s’indigne Jean Nouvel dans le entretien accordé au journal Corriere della Sera (6 mai 2003). Le projet de Meier a réveillé les passions et l’éternel débat : Peut-on faire du contemporain avec l’ancien ? Modernité et passé peuvent-ils se conjuguer ? Heureusement tous n’étaient pas ligué contre lui. Certains ont reconnu une véritable qualité à l’édifice, qualifiant le projet de « symbole de l’union entre l’antique et le moderne » pour Lilli Garrone, pour le Corriere della Sera (24 Septembre 2005). Le débat pour l’Ara Pacis fut rude, long, parfois engagé et violent, et surtout toujours d’actualité. Il est un exemple radical de ce que peut donner le débat de l’intervention en zone historique mais soulève toutes les questions que l’on peu se poser sur le sujet.

79


80


CONCLUSION

CONCLUSION SUR LE MEMOIRE

l’heure où la politique culturelle des pays développés

essentiellement

devient

une

donnée économique primordiale. Le

constat

et

l’analyse

proposés

Cependant Giovannoni apporte un élément

dans ce mémoire semblent plutôt apaiser les

de réponse à la problématique qui guide

peurs des anti-vénitiens, criant haut et fort

tout ce mémoire. La ville ancienne semble

que la fin de la ville-musée est proche, que

pouvoir trouver un avenir. Tout d’abord, elle

la muséification est l’arme ultime avant que

doit se poser naturellement la question de

les centres anciens perdent toute chance

son centre historique car il est le cœur de la

de s’inscrire dans l’optique contemporain du

ville chronologiquement, psychologiquement,

siècle actuel.

humainement... et la ville ne peut pas oublier son patrimoine. Au-delà de toutes les

Il y a près d’un siècle, Gustavo Giovannoni

caractéristiques à améliorer, à modifier ou à

abordait déjà ces problèmes de la ville

amplifier, on peut être plutôt d’accord avec

ancienne

caractéristiques

Giovannoni : un avenir peut être proposé à

de l’urbanisme moderne. Dans son ouvrage

la ville. Mais seule, la ville ancienne ne peut

l’Urbanisme face aux villes anciennes, il

rien ou presque, et ce qui pour lui semblait une

développe longuement les caractéristiques et

évidence, nous l’avons rapidement oublié à la

les problèmes qui accompagnent les centres

fin du XXème siècle. Le centre-ville n’existe

anciens, et décrit précisément les attentes en

pas seul, il existe avec, par et pour les autres

matière de ville moderne. Les deux semblent

quartiers de la ville. Le centre-ville ancien ne

insolubles, d’une hétérogénéité absolue.

peut pas être une ville à part entière, il est

confrontée

aux

nécessairement un quartier comme un autre Venise semblait avoir uniquement compris

et il faut donc penser aussi aux autres entités

cela. Il est impossible d’apporter la modernité

de la ville pour espérer retrouver une vitalité

à la ville ancienne, celle-ci devra se sortir de

oubliée. Ce que Giovannoni définit comme la

l’endormissement par elle-même, par ses

greffe des quartiers anciens dans son ouvrage

ressources patrimoniales, par ses habitants

trouve plus son écho dans la rénovation

(si habitants il y a encore dans ces centres

urbain au XXIème siècle. S’il y a un siècle, on

anciens) par le tourisme essentiellement à

s’intéressait plus à comment étendre la ville,

81


aujourd’hui la question est comment densifier

architecturale, urbaine... atypique) que l’on

la ville, comment construire dans la ville. Même

propose les solutions les plus ambitieuses, les

si certaines problématiques diffèrents, le texte

solutions les plus équilibrées...

de Giovannoni trouve tout son écho et semble

Il est alors facile de répondre que oui un avenir

toujours d’actualité près de 100 ans plus tard.

est possible pour la ville italienne, souvent dépeinte comme une ville-musée. Il est plus

Gênes par exemple, a intégré cette question

exact de dire que chacune des villes italiennes

et aujourd’hui la vieille ville a trouvé sa voie

qui, à la fin du XXIème siècle, redoutait de

pour exister au côté du vieux port reconverti.

voir leur centre ancien sombrer dans l’oubli, peuvent se donner les moyens possibles pour

Certains à Venise diraient que rien n’est

assurer l’avenir de leur centre historique car le

vraiment possible lorsque tout est protégé, si

pari s’avère une franche réussite.

dense, si atypique, mais ce mémoire prouve

Mais on peut au moins avancer ces exemples

que l’évolution de la ville ancienne dans

pour prouver que le visage facile de parc

l’ère contemporaine n’est pas le résultat de

d’attraction,

législation, de réglementation, de protection,

protectionnisme inébranlable porté par Venise

ni d’impossibilités spatiales, financières... Tout

n’est pas celui de la ville italienne. Celle-ci

est une question humaine.

serait alors plus à représenter par Gênes, ville

d’immobilisme

assumé,

et

si complexe, ville patrimoine, ville ambitieuse, A Gênes qu’est ce qui aurait été possible si

mais aussi ville consciente de ses problèmes,

Piano n’avait pas proposé de réaliser un

de ses handicaps et de sa richesse. Gênes

programme innovant et attracteur pour attirer

a su mettre tous les outils à disposition pour

les touristes pour l’exposition colombienne de

se relever des problèmes économiques et

1992 ? Si l’école d’architecture n’avait pas pris

démographiques de la fin du XXème siècle.

le pari de s’installer dans le quartier le plus

L’ambition de la municipalité, des architectes

rejeté de la vieille ville, aurait-on aujourd’hui

et l’acceptation des projets par les habitants

la possibilité de visiter la cité génoise aussi

a fait de la ville un exemple équilibré de

agréablement que cela et aurait-il été pensable

muséification, de dynamique touristique, de

d’y acheter un logement ? L’évolution est aussi

renouveau urbain associé au développement

le résultat d’ambitions humaines assumées,

de la vie des habitants, des travailleurs qui,

le résultat de la volonté de certains de croire

ne l’oublions pas, font que la ville trouve une

en une adaptation possible et une intégration

véritable raison d’exister.

dans la ville moderne. Aujourd’hui nous sommes aussi dans une A Rome, les projets pris en exemple démontre

société qui a intégré le fait que la ville puisse

que l’Italie, par sa flexibilité, son regard sur

évoluer, changer de visage, accepter qu’elle

le patrimoine... permet de créer non pas un

perde certains détails de son portait pour

projet isolé, inutile ou dégradant, mais bien des

plus tard le parfaire. Aujourd’hui un projet

projets conscients et justes, car comme on peut

contemporain comme l’Ara Pacis fait encore

souvent l’entendre, c’est dans la complexité

polémique dans le centre de Rome, mais

(et ici dans une complexité patrimoniale,

partout

82

les

ambitions

architecturales

en


centre historique démontrent qu’il est juste et

donc l’ensemble des pièces pour comprendre

conseillé d’espérer une évolution équilibrée

quel avenir la ville italienne ancienne peut

de ces derniers. Les projets du centre-ville de

embrasser, quelles sont les raisons du succès

Gênes sont aujourd’hui plutôt acceptés par la

du renouveau de Gênes en particulier, pour

population et montrent qu’une expérience telle

permettre au lecteur, qui peut être se serait

que celle de proposer une nouvelle voie pour

inquiété au fil du mémoire, d’esquisser les

les centre anciens peut être un succès. Chacun

traits de la ville italienne de demain.

participe aujourd’hui à assurer à ces centres un avenir équilibré loin du protectionnisme CONCLUSION OUVERTE

vénitien. Il faut cependant faire bien attention de ne pas construire pour l’acte unique de faire

Il est essentiel de se poser la question

de l’architecture en centre historique. Ces

des limites de ce mémoire et des interrogations

interventions ne sont pas anodines et beaucoup

qu’il soulève.

moins qu’une construction en périphérie de ville. Elles portent un message, une ambition,

Ce mémoire concerne-t-il uniquement les villes

définissent une voie à suivre, sont vecteurs

italiennes ? Nous nous sommes ici restreints

de renouveau... L’avenir de la ville se trouve

au cas d’étude de l’Italie par son atypisme et

aussi bien dans le détail de la construction

sa complexité.

contemporaine et du mobilier urbain que dans

Peut-on généraliser à l’Europe ?

la programmation à l’échelle urbain du plan de

Le mémoire trouve ses limites dans la définition

renouvellement.

même du domaine d’étude et permet d’avoir un regard critique à l’avenir sur la ville musée,

La ville ancienne, et en particulier la ville

sans forcement comprendre l’ensemble du

italienne est aujourd’hui au tournant de son

processus dans les autres villes européennes.

avenir et se devra de faire le choix équilibré de

Mené de manière itérative, cette recherche

sa transformation pour espérer répondre aux

permet de comprendre par des exemples la

problématiques du siècle actuel.

nature des problèmes possibles. A chacun

Il est possible de concilier avenir et modernité

aujourd’hui d’exercer ce regard sur la ville-

dans la ville italienne, il faut simplement veiller

musée sans nécessairement connaitre tout

à ce que cela fonctionne comme Gênes a veillé

des complexités patrimoniales et des travers

à cela. Demain la ville italienne sera peut être

de la législation du pays.

fière d’être devenue modèle de renouveau reconnu. « la leçon de Gênes « trouvera peut-

Aujourd’hui toutes les villes présentent un

être son écho dans de nombreuses villes

visage inédit, propre à son histoire, sa situation

d’Europe pour les années à venir.

politique, géographique, son économie... Mais toutes les villes ne sont pas des villes musées.

L’ambition de ce mémoire était de montrer que

Qu’adviendra-t-il des villes contemporaines,

la ville-musée italienne est bien plus complexe

que le décrié modèle vénitien. Ici se trouve

sans

83

l’architecture contraintes

s’érige

aujourd’hui

patrimoniales,

sans


confrontation avec le passé ? Qu’adviendrat-il des constructions contemporaines et de l’urbanisme moderne ? Pourra-t-on dans quelques années, dans quelques siècles poser un regard critique et patrimonial sur nos constructions contemporaines ? Il semble aujourd’hui assez difficile d’imaginer l’avenir de nos villes contemporaines, de ces nouveaux centres urbains. Mais il semblait aussi difficile de se poser cette question au XVème siècle lorque l’on édifiait une construction lambda. Il est impossible de prédire l’évolution à long terme de la ville au sens patrimonial. Ce caractère met parfois plusieurs siècle à émerger. Si la ville musée au XXIème siècle semble en mesure de trouver son chemin pour l’avenir, il est beaucoup plus difficile d’esquiser le visage de cette ville-musée du XXVème siècle par exemple. Nombreuses sont les questions que peuvent soulever une telle étude. La ville, son avenir, son visage sont toujours sources de doutes, de questions et aussi de fantasmes. Si chacun arrive aujourd’hui à se poser la question de la ville ancienne dans un futur proche, alors ce mémoire aura trouvé sa vocation : guider chacun de nous vers une compréhension

de

l’urbanisme

moderne

confronter à la ville ancienne.

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire, en particulier : >

Antonella

MASTRORILLI,

professeur

référant et directrice de mémoire, pour avoir suivi l’évolution de ce mémoire depuis le début des recherches jusqu’à sa finalisation et m’avoir guidé sur les pas de l’Italie, de son patrimoine et de ses villes > L’ensemble des professeurs du Domaine d’Etudes de Master Histoire et Patrimoines (en particulier Antonella MASTRORILLI, William HAYET et Benjamin CHAVARDES) pour m’avoir permis de découvrir Gênes lors d’un voyage d’étude, peut-être la raison même de tout ce mémoire.

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ANNEXES QUESTIONNAIRE TOURISTES Mickael CUILLERAT Étudiant à l’ENSAL (École Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon) Mémoire de Master

LA VILLE-MUSÉE A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT GARDE OU ÉCHEC DE LA CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ Ville-musée : [ nf ] Ville qui possède de très nombreux monuments, constructions anciennes et musées et devient un centre touristique important. Sondage auprès des touristes de villes-musées italiennes (ex : Venise, Rome, Florence, Gênes, Naples...) Veuillez entourer les réponses qui semblent les plus représentatives des villes-musées pour vous. Si vous n'avez pas d'avis, n'hésitez pas à rayer les réponses, ou même à rajouter des commentaires.

Pour vous... 1 / La ville-musée est > Un espace mis en valeur (aménagé, rehabilité...) > Le résultat de contraintes réglementaires (de conservation, de protection...) 2 / La ville-musée est > Un espace doté d'une cohérence architecturale et urbaine (esthétisme...) > Un espace figé (immobilisme, décor...) 3 / La ville-musée est > Un espace en manque d’authenticité (faussement vieux, pastiche...) > Un espace doté de constructions remarquables (monuments, pittoresque...) 4 / La ville-musée est > Un espace en manque de vitalité (disparition de commerces, d’artisans, d’habitants...) > Un espace uniquement tourné vers le tourisme (ne vit que du tourisme) > Un espace mis en valeur par le tourisme (le tourisme amène d’autres activités)

Merci pour votre aide à ce mémoire, car votre avis est la source de ce travail. Commentaires supplémentaires :

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RÉSULTATS OBTENUS :

1 / FONCTIONNEL

2 / REGLEMENTAIRE & AMÉNAGEMENT

3 / HISTORIQUE

4 / ESTHÉTIQUE

REMARQUES OBSERVÉES PAR LES PERSONNES AYANT RÉPONDU : « Une ville musée incite a être visitée par la splendeur qu’elle inspire » « Choquée par l’interdiction de manger et boire dans le centre historique des villes italiennes. La ville impose aux touristes les mêmes règles que dans un musée ! » « Le tourisme peut tuer les commerces de proximité si les habitants partent » « Je ne sais pas si c’est à cause du tourisme que les habitants quittent les centres historiques. Peut-être que les habitants n’arrivent pas à s’approprier des tels espaces » « Ces villes sont parfois très différentes : on peut trouver des rues avec des commerces très typiques, et d’autres beaucoup plus touristiques » « Comme dans tous les centres anciens on trouve toujours des commerces et surtout des restos qui se disent typiques, mais en fait ce sont des attrapes-touristes, le touriste est une veritable source de revenu à exploiter »

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES : BETTINI Sergio, 2013. Wright et Venise, Editions de l’éclat/éclats Pris, 99p. CESCHI Carlo, 1970. Teoria e Storia del Restauro, Roma, Bulzoni. 226p. GERMANN Georg, 1991. Traduction de la Lettre à Léon X de Raphael. Vitruve et le vitruvianisme. Introduction à l’histoire de la théorie architecturale, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires romandes. 266p. GIOVANNONI Gustavo, 1998, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Editions du Seuil. 349p. MASBOUNGI Ariella (sous la direction de), 2001. Gênes : penser la ville par les grands évènements, Parenthèses. MASTRORILLI Antonella, 2001. Les déclinaisons de la restauration philologique et le débat en Italie entre XIXe et XXe siècles, in L’héritage ruskinien dans les textes littéraires et les écrits esthétiques, Garnier Classiques éditeur, Paris. MONGIN Olivier, 2007. La condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation, Points. NEYRET Régis (sous la direction de), 1992. Le patrimoine atout du développement, Collection Transversales II, Presses Universitaires de Lyon. 121p. NORA Pierre, 1997. Les lieux de mémoire (tome 3), Paris, Gallimard RIEGL Aloïs, 1984. Le culte moderne des monuments. Editions du Seuil, Paris, 122p. (éd. originale, Vienne 1903). RUSKIN John, 1980. Sept Lampes de l’Architecture, Paris, Klincksieck. VESCHAMBRES Vincent, 2008. Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition. Presses universitaires de Rennes.

MÉMOIRE : MANGUIN Jérémie, 2008. La stratification urbaine à Rome, La place de l’architecture contemporaine dans le centre de Rome. MARTIN Amélie, 2011. Le tourisme urbain et la muséification, Décryptage d’une notion méconnue. ALEXANDRA GEORGESCU PAQUIN, 2008. Au-delà des murs : L’intégration du musée de l’Ara Pacis dans le centre historique de Rome.

ARTICLES : GRAZIANI Pietro (avec la collaboration de PEAUCELLE Benoit), 1987. La protection juridique du patrimoine italien in Monuments Historique - Italie, n°149, p 12-16. NAVARRO Nicolas, 2011. La muséalisation de l’urbain, interprétation du patrimoine, recréation d’une urbanité, intervention lors du colloque Avignon, France. KAY, John, 2008, “Welcome to Venice, the theme park”, in The Times, 01/03/2008, Londres. LUKSIC Vanja, SAUBABER Delphine, 2009. « La Moribonde est immortelle » in L’Express, 30 avril 2009 PEAUCELLE Benoit, 1987. Trois siècles d’échanges franco-italiens in Monuments Historique - Italie, n°149, p 5-11.

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CONFÉRENCES : DECQ Odile, 2012. L’aventure par l’invention. ENSAL, Lyon

SITES INTERNET : http://www.aedon.mulino.it/archivio/2001/2/sanapo.htm http://www.slate.fr/story/42881/venise-enfonce-23-millions-de-touristes

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CREDITS PHOTOGRAPHIQUES COUVERTURE : Capitole, Rome - Photographie personnelle Venise - meridianes.files.wordpress.com/2011/06/venise.jpg?w=610 Gênes - progettazioneurbanistica.files.wordpress.com/2011/05/immagine111.jpg Parco Della Musica, Rome - 4.bp.blogspot.com/_Kg01lrtaqRI/S9hOrUeg5VI/AAAAAAAAABA/JxcOGmcfKHU/s1600/bachero zzi_1.jpg Ara Pacis, Rome - Photographie personnelle PAGE 4 Porto Antico, Gênes - Photographie personnelle PAGE 16 Le Capitole, Rome - Photographie personnelle Santa Maria Del Fiore, Florence - www.caas.by/sites/caas.by/files/Cathedral.jpg PAGE 18 Le Laocoon, Musée du Vatican - images-mediawiki-sites.thefullwikiorg/05/4/0/6/00573852057432 496.jpg L’Ecole d’Athènes, Rafael, Musée du Vatican - www.potomitan.info/images/socrate.jpg La Villa Adriana, Tripoli - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a9/Th%C3%A9%C3%A2tre_maritime1.JPG PAGE 20 Basilique Saint Pierre de Rome : Différentes constructions sur le site : le cirque de Néron, l’ancienne basilique et la nouvelle - lh6.googleusercontent.com/-AG8Rq-yORIU/UOhe3xxGBpI/AAAAAAAACN4/zkXgzry0G5k/s800/Plan_of_Circus_Neronis_ and_St._Peters.gif L’Intérieur du Colisée, Abraham-Louis-Rodolphe Ducros, vers 1790 - www.old.latinistes.ch/Textes-recreations/Colisee/ colisee-ducros PAGE 26 Maquette du Plan Voisin pour Paris, Le Corbusier, 1925 - markitectsworld.files.wordpress.com/2012/11/plan-voisin-corbmodel.jpg Piazza del Campo, Sienne - wallpapersus.com/wallpapers/2012/01/piazza-del-campo-siena-tuscany-italy-2048x2560.jpg PAGE 28 Ponte Vecchio sur l’Arno, Florence - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e3/Arno_River_and_Ponte_Vecchio %2C_ Florence.jpg PAGE 30 Teatro Di Marcello, Rome - zefmldotcom.files.wordpress.com/2012/08/dsc00237-1600x1200.jpg Via Della Conciliazione avant travaux, Rome - bi.gazeta.pl/im/4/8070/z8070404Q,Projektantem-zalozen ia-byl-wspomnianywczesniej-Marcello.jpg Palimpseste - http://3.bp.blogspot.com/-J449Wg9ECMQ/TgScyKfQb8I/AAAAAAAAAFo/Ll3SzfjxZoU/s1600/Palimpseste.jpg PAGE 34 Arsenal, la Manddalena - www.stefanoboeriarchitetti.net/wp-content/uploads/2010/03/104-maddalena.jpg Palazzo Rosso, Gênes - media-cdn.tripadvisor.com/media/photo-s/01/a5/4e/ca/palazzo-rosso-with-excell ent.jpg Village olypique, Turin - www.a-i-a.fr/fr/archi/projet/idProjet/108?symfony=ca76102741cf25adeef8e5d9f347877a PAGE 42 Le Campanile de la place Saint-Marc, Venise - 3.bp.blogspot.com/-xZqfAbyn1jQ/UKkhHkW1o9I/AAAAAAAAAJE/lpHE ACOQaEU/s1600/P1060162.jpg PAGE 44 La lagune, Venise - 4.bp.blogspot.com/_oZnMPZulGZM/TNAYWZIwakI/AAAAAAAAAII/kajDCilbaCw/s16 00/satellite.jpg Le Pont Rialto depuis la Riva del Vin, Michele Marieschi - img532.imageshack.us/img532/96/marieschimicheletherial.jpg PAGE 45 Ecole d’architecture de Venise - archiguide.free.fr/PH/ITA/Ven/VeniseIAUVSca.JPG www.lecourrierdelarchitecte.com/upload/article/article_422/02(@JPhH)_B.jpg PAGE 46 Musée Fondation Pinault, Douane - www.veraclasse.it-old.s3.amazonaws.com/www.veraclasse.it/5224 1_big.jpg www.lemoniteur.fr/media/IMAGE/2011/02/16/625x418xIMAGE_2011_02_16_13572109-625x600.jpg.pagespeed.ic.a_ zs6CfME2.jpg Ponte della Costituzione - www.archimagazine.com/apontecalatra3_max.jpg farm6.staticflickr.com/5203/5227281652_b97487ae02_z.jpg PAGE 47 Memorial Masieri - www.artribune.com/wp-content/uploads/2011/12/1-Dioniso-Gonzalez-Memorial-Masieri.-F.L.-Wright.-1953..jpg

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Hopital de Venise - glocal.mx/wp-content/uploads/2012/07/Dioniso-Gonzalez-Venice-Hospital.-Le-Corbusier.-1965-2011-cprint-diasec-mounted-60-x-300-cm-ed.-of-7.jpg www.fondationlecorbusier.fr/CorbuCache/900x720_2049_1328.jpg PAGE 48 Radix, Aires Mateus - ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/uploads/2012/08/1346101212-bnl-aima-12-528 x352.jpg Mosquée flottante, Inter National Design - images.derstandard.at/2012/01/13/1326466626186.jpg PAGE 49 Venice 2.0, Julien de Smedt - skynet.jdsa.eu/wp-content/uploads/Venice.jpg Palais Lumière - www.jetsetmagazine.net/images/galerie/gr/2012/09/69074.jpg PAGE 50 Touristes sur des circulations surélevées pendant les Alta Acqua à Venise - cdn-lejdd.ladmedia.fr/var/lejdd/storage/ images/media/images/international/europe/venise-innondations/1097623-1-fre-FR/Venise-innondations_pics_809.jpg Projet Mose - www.salve.it/wiki/images/x%20schiera.jpg Les pigeons de la Place Saint-Marc - www.mackoo.com/venise/images/IMGP5681.jpg PAGE 58 Porto Antico, Gênes - genova.erasuperba.it/wp-content/uploads/2011/03/genova-porto-300x224.jpg Plan de Gênes - maps.google.fr PAGE 60 Nouveau port de Gênes - photographie personelle Porto Antico, Gênes - photographie personelle Place de la Cathédrale - photographie personelle PAGE 62 Centre des congrès, Gênes - farm5.staticflickr.com/4076/4789747454_f8d762dbfa_o.jpg Acquarium, Gênes - photographie personelle Plan de Porto Antico - maps.google.fr PAGE 64 Faculté d’Architecture, Gênes - www.flickr.com/photos/13749049@N04/4695616416/ Teatro Carlo Felice, Gênes - www.sdo-vl.ru/editor/uploads/images/journal/02_13/57_8.jpg PAGE 66 Palazzo Rosso, Gênes - tonkosti.ru/images/5/5b/Palazzo_Rosso,_%D0%93%D0%B5%D0%BD%D1%83%D1%8F.jpg Via San Lorenzo, Gênes - upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1f/Via_San_Lorenzo_Genova.jpg/1145px-Via_ San_Lorenzo_Genova.jpg Plan du centre ancien de Gênes - maps.google.fr PAGE 69 Palazzo Rosso, Gênes - upload.wikimedia.org/wikipedia/fr/b/b4/Logo_Expo_’92_Genova.png G8 de Gênes, 2001 - www.g8.utoronto.ca/g8online/summit-logo-2001.gif Genova 2004, capitale européenne de la culture - www.studiobuffoni.it/userfiles/image/giustiniani/images.jpg PAGE 70 Ecole, Jorg Friedrich / Roberto Melai , Gênes - www.contempoproject.eu/works/barcelona/Roberto%20Melai.pdf Ponte Parodi, UN studio, Gênes - www.unstudio.com/uploads/project/89d4d266-1267-41bf-afad-d840b616f4f3 PAGE 72 Colisée Carré, EUR, Rome - sphotos-a.xx.fbcdn.net/hphotos-ash3/545537_4636236072748_1888141393_n.jpg Ara Pacis, Richard Meier, Rome - mimoa.eu/images/1378_l.jpg PAGE 74 MAXXI, Zaha Hadid, Rome - www.omniaconcorsi.it/public/progetti/prog254/MR01.jpg MACRO, Odile Decq, Rome - www.archinfo.it/glry/Nuova_Ala_MACRO/01.jpg Centre des congrès, Massimiliano Fuksas, Rome - www.bta.it/img/a0/03/bta00324.jpg PAGE 76 Red Lace, Odile Decq, Florence - www.rdh.ru/images/stories/editors/elladochka/Odil-Dek/Red_Lace_2.jpg Parco Della Musica, Renzo Piano, Rome - farm5.staticflickr.com/4078/4768930569_9b6ca7cb90_o.jpg PAGE 78 Ancien musée de l’Ara Pacis - rometour.org/data/ara_pacis_augustae.jpg « Non Fatelo » , Dessin du journal New Yorker - www.archipel.uqam.ca/1775/1/M10710.pdf Nouveau musée de l’Ara Pacis, Richard Meier, Rome - photographie personelle

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LA « VILLE-MUSÉE » A-T-ELLE UN AVENIR AU XXIÈME SIÈCLE ? REGARD SUR LA VILLE ITALIENNE, AVANT-GARDE OU ÉCHEC D’UNE CONCILIATION ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ ? La ville italienne semble figée dans un idéal passéiste, muséifiée pour sembler éternelle. Mais l’éternité n’est-elle pas un gage d’échec si l’on souhaite intégrer la ville dans les composantes de l’urbanité du XXIème siècle ? Venise semble être l’exemple parfait de cette mort progressive de la ville idéalement protegée. La protection du patrimoine, si complexe en Italie, n’est pourtant pas un gage de cristallisation de la ville ancienne. Cependant comment concilier modernité et patrimoine dans ces villes italiennes si atypiques ? D’autres villes italiennes comme Rome ou encore Gênes ont su adapter leur centre-ville historique aux ambitions de la ville contemporaine, tout en assurant une pérénnité au patrimoine ancien. Ce mémoire se veut être un portait de la ville ancienne au XXIème, à l’heure où le futur de celle-ci reste incertain mais pour laquelle il va falloir trouver des solutions viables pour reconstruire la ville sur elle-même.

Mots-clés : [VILLE-MUSÉE] [PATRIMOINE] [AVENIR] [ITALIE] [URBANISME]

DO THE « CITY-MUSEUM » HAVE A FUTURE IN THE XXIST CENTURY ? A LOOK ON ITALIAN CITY, AVANT GARDE OR FAILURE OF A MEDIATION BETWEEN PAST ET MODERNITY ? The italian city looks like frozen in a ideal of the past, museumized in order to be eternal. But the eternity isn’t it the garanty of a failure if we want to introduce the old city in the components of the urbanity of the XXIst century ? Venice might be the right example of this progressiv death that include the overprotected city. The protection of the heritage, really intricate in Italia, isn’t a guarantee of crystallization of the old downtown. But how is it possible to marry modernity and heritage in this so typical italian cities ? Others cities like Rome or Genoa knew how to get used their historic downtown to the ambition of the comtemporary town, taking care of their heritage and their durability. This essay is a portrait of the old citiy in the XXIst century, when the future of this one is uncertain but for which we have to find sustainable solutions to building the city over her.

Key words : [CITY-MUSEUM] [HERITAGE] [FUTUR] [ITALY] [TOWN PLANNING]

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