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Credits C RÉDITS

TSCHAÏ

RETOUR SUR LA PLANÈTE DE L’AVENTURE Raphaël Albert a rapporté les paroles d’Homme-Wankh. Étienne Barillier a consigné les récits de Jra Acton. Jeanne-A Debats a retranscrit les enregistrements de la Femme-Dirdir. Adrien Tomas a établi les entretiens avec un Pnumekin. Dogan Otzel a illustré l’ensemble de l’ouvrage. Maxime Plasse a procédé au relevé cartographique de Tschaï. Cyrille Daujean a composé la maquette et le graphisme. Frédéric Weil a rassemblé les sequins et produit l’ouvrage.

REMERCIEMENTS l’éditeur remercie Philippe Dapelo qui a initié ce projet ainsi que Spatterlight Press et John Vance pour avoir soutenu avec enthousiasme notre retour sur Tschaï.

1. Dessin d’un serpent qui se mord la queue. Il symbolise le cycle éternel de la vie et de la mort, le mouvement perpétuel du recommencement. Il désigne ainsi le cycle infi ni de la nature. Il peut aussi bien signifier la totalité d’un monde, du cosmos qu’un raisonnement paradoxal et énigmatique, une évolution majeure que l’alliance entre les puissances du ciel et de la terre.

Ourobores ou ouroboros : « celui qui se dévore la queue ».

2. Toute oeuvre qui a pour vocation la description de lieux imaginaires tels que villes, contrées, mondes ou cosmos au moyen de textes mythologiques, descriptions scientifiques, encyclopédies, témoignages, récits, nouvelles, bestiaires, portraits de personnages, fac-similés, cartes, illustrations ou tous autres documents et représentations appropriées. in La Panencyclopédie Borgès / Internet 2015

ISBN : XXX © Mnémos 2017, produit et distribué avec l’accord de Spatterlight Press collection Ourobores Imprimé en France par l’Imprimerie Darantière, 21801 Quetigny Éditions Mnemos : 2 rue Nicolas Chervin 69620 Saint-Laurent d’Oingt


INTRODUCTION [Cet ouvrage a été autorisé par la Commission militaire de Sécurité des données – Visa No 8537891.] Les Premières Guerres Dirdir ont marqué l’entrée de l’Humanité dans une nouvelle ère. En nous confrontant pour la première fois à des races extraterrestres guerrières et hostiles, la découverte de la planète Tschaï a profondément modifié le cours de notre Histoire. Les attaques Dirdir contre le Système solaire, tout d’abord la destruction de la colonie pétrolière de Titan, comme un coup de sonde, puis le Second T’saugh, qui aboutit à la destruction de la Petite Europe et de l’Union des Andes, nous ont fait prendre conscience de l’importance de mettre fin aux divergences qui minaient alors la Confédération, et de mieux nous armer contre les menaces extérieures. Nous avons su réviser notre structure politique, réorienter notre rapport à l’Univers, jusqu’à présent empreint d’une coupable naïveté, et faire bloc derrière l’Amirauté. Très tôt dans ce combat qui allait s’ouvrir, la Terre a pris ses responsabilités. Dès que l’Amirauté eut pris connaissance du rapport d’Adam Reith, elle entreprit, malgré les réticences du Consortium minier de la Ceinture Martienne1, de convaincre le Parlement Solaire de construire la Flotte de défense extérieure (FDE) qu’elle réclamait depuis des cycles. La Confédération fut ainsi en mesure, seulement vingt-huit années terriennes après la perte d’Explorator IV, d’expédier la FDE vers Tschaï, où elle essuya toute la violence du premier contact. Rien ne pouvait nous préparer à la sauvagerie de la réaction Dirdir, qui, par une victoire à la Pyrrhus culminant avec la destruction du satellite Az, aboutit à l’anéantissement de presque toute la flotte terrienne.

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La perte, lors de la Bataille de Tschaï, d’importantes cités, comme Coad, Ao Hidis ou Sivishe, nous a privés de bon nombre de précieuses sources d’information, et l’histoire de la planète durant les trois décennies qui séparent les voyages d’Adam Reith de l’arrivée de la FDE présente encore des inconnues majeures qui nuisent à notre connaissance et à notre compréhension de cette période de transition cruciale. Nous ne savions en définitive que peu de choses de certains événements ayant pourtant exercé une forte influence sur le déroulement de la Bataille, ou bien de quelques-uns des protagonistes essentiels de cette période. Qui était réellement Usen Al Zioch 18, leader des Pnumekin mort assassiné peu de temps après l’arrivée de la flotte ? Comment Helsse, l’ancien Homme-Wankh d’Ao Khaha et adversaire déclaré d’Adam Reith, est-il devenu son premier adorateur et le Grand Maître de son Culte ? Dans quelle mesure l’agent infiltré auprès du « Périclès de Dadiche » a-t-il impulsé et orienté la carrière du grand stratège du Kotan ? Quelle a été la portée réelle de l’action clandestine menée contre les Dirdir par la mystérieuse activiste de Haulk connue sous le nom de code « Femme-Dirdir » ?

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Les documents récemment déclassifiés par l’Amirauté sont à cet égard tout à fait exceptionnels. Près d’un siècle après la Bataille de Tschaï, ils apportent sur cet épisode essentiel une lumière nouvelle qui comble un grand nombre des lacunes de l’Histoire des guerres Dirdir du professeur Lewi2. Avec ce nouvel ouvrage, qui s’inscrit dans la continuité de la publication d’une Bible de Tschaï commentée et annotée, les éditions Mnémos poursuivent donc, avec l’aval bienveillant de la Commission militaire de Sécurité des données, leur travail de clarification et de mise en perspective historique, en proposant un portrait inédit et intime de quatre des plus importants personnages de l’histoire post-Reith de Tschaï.

1 / Il s’agit de la même entité qui, sous le nom de Confédération minière de la Ceinture, s’opposera, avec les conséquences que l’on sait, à la réunifi cation du Système solaire. 2/ Quinze volumes, aux éditions Mnémosyne.

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Nous présentons tout d’abord une retranscription exceptionnelle d’entretiens directs avec Usen Al Zioch 18, d’après les enregistrements réalisés clandestinement par le lieutenant Leandra Porter, du Corps terrien des éclaireurs (CTE). Le CTE fut certainement l’une des unités les plus actives à la surface de Tschaï. Deux ans après le retour de Reith, et uniquement armés, parfois bien pauvrement, des données disparates de son rapport, les valeureux éclaireurs de cette unité furent expédiés vers 4629 de La Carène avec mission de préparer l’arrivée de la FDE, dont la construction venait de débuter. Leurs ordres étaient simples. Secrètement et avec des moyens réduits au minimum, ils devaient non seulement sonder le terrain et les populations locales, et se gagner des alliés, mais également collecter toute information utile sur les Races Maîtresses, encourager la résistance vis-à-vis de ces dernières, et affaiblir leurs positions dans la mesure du possible. Ceux qui partaient savaient qu’ils ne reverraient pas la Terre avant plusieurs décennies, car il avait été décidé de limiter au maximum les vols vers Tschaï afin de ne pas alerter l’ennemi. Le récit qu’avait fait Reith de la destruction d’Explorator IV dès sa mise en orbite avait marqué les esprits.

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Enfin, un autre document d’importance est le témoignage direct, la confession, serait-on tenté de dire, de Helsse d’Ao Khaha. On sait que, sur ordre de l’Amirauté dès l’entrée de la FDE dans l’héliosphère de 4269 de La Carène, l’ancien HommeWankh fut transporté à bord du croiseur interstellaire Espoir de Lune II au terme d’une opération d’exfiltration menée tambour battant. L’objectif de l’état-major était naturellement de recueillir des informations militaires et d’obtenir le soutien du Culte auprès des populations locales. Durant plusieurs semaines, le Grand Maître du Culte fut ainsi gardé au secret, avant de trouver la mort avec tout l’équipage lorsque le croiseur, au nom paradoxal, fut détruit par l’explosion d’Az. Durant ce laps de temps, il fut soumis à de nombreux interrogatoires menés par le major Tôda et le docteur Nkomo, et fit preuve de sa totale volonté de collaboration en se révélant un informateur de tout premier ordre. Il est fort probable que, sans lui, la FDE eût connu un sort bien pire. Toutefois, ce ne sont point les renseignements militaires et tactiques qu’il apporta qui nous intéressent ici, mais ce qu’il conta, en filigrane, de son propre parcours, de la naissance du Culte et de sa diffusion à travers Tschaï. Les passages que nous avons extraits et réorganisés en une chronologie cohérente, sous le titre Paroles d’Homme-Wankh, sont une mine d’or pour qui veut connaître le véritable Helsse. Pour conclure, à l’heure où l’Amirauté a accepté avec bonté et clairvoyance de desserrer un peu l’emprise qu’elle exerce si longtemps sur l’ensemble des systèmes de la sphère d’influence terrienne, les auteurs souhaitent ici citer l’introduction à Bible de Tschaï, qui fit tant pour la diffusion du Culte de Reith. Le lecteur peut y lire : « la propagation extrêmement rapide du Nouveau Culte et la forte adhésion à la figure du héros libérateur en dit long de l’aspiration inconsciente à la liberté qui traversait alors les peuples humains, malgré ou à cause des millénaires de soumission aux Races Maîtresses. Dès lors, l’écho rencontré par la Bible donne-t-il un autre sens au surnom de Tschaï, la « Planète de l’Aventure » : et si l’Aventure, c’était la Liberté ? » C’est une vérité qu’il serait bon de ne plus oublier.

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S Maître du Culte de Reith assis à une petite table tactile, dans une des salles d’interrogatoire e fiant aux rares images du personnage parvenues jusqu’à nous, il est aisé d’imaginer le Grand

de l’Espoir de Lune II. En retrait derrière lui, deux soldats debout, mains croisées dans le dos. Face à lui, le major Tôda, second du bâtiment, et le docteur Nkomo, médecin militaire en chef de la FDE. Helsse se tient bien droit sur sa chaise, les mains sur les genoux ou posées côte à côte sur la table, parfaitement immobile dans sa tenue noire de Grand Maître, et de son grand corps maigre n’émane ni souffle ni mouvement. Il semble avoir un contrôle absolu de lui-même et dégage une grande force intérieure, une conviction jamais prise en défaut. Sa voix est calme et posée, elle délivre les syllabes à un rythme régulier. Il répond aux questions en comptant ses mots, mais sans avarice. Et voici ce qu’il nous dit.

LES

PREMIÈRES PAROLES

D’HOMME-WANKH


PAROLES D’HOMME-WANKH

. ous autres, les Hommes-Wankh, nous savions pertinemment que nous n’étions pas des Hommes-Wankh. Nous n’avons jamais cru être des Wankh en devenir ou des Wankh de l’ombre. Quand d’autres, ailleurs, étaient manipulés, nous étions les manipulateurs.

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Notre histoire est celle d’une imposture. Aussi loin que remonte la mémoire de la Destinée, nous avons servi les Wankh autant que nous nous sommes servis d’eux. Je crois en la Bible de Tschaï lorsqu’elle raconte que tout a commencé sur la Planète Patrie. Je crois que deux Mages Terriens de la Tribu de l’Eau avaient l’oreille musicale et qu’ils ont su comprendre les Wankh, les écouter et leur parler. Et leur mentir. Nous savions que nous n’étions pas des Hommes-Wankh, et pourtant nous l’avons prétendu. Nous avons feint la soumission et l’admiration. Nous avons émulé les Wankh pour mieux les tromper. Ils ont prospéré, nous avons prospéré. Ainsi la Destinée l’exigeait-elle. Notre Destinée. Celle qui voulait que les HommesWankh préservent le statu quo et leur place sur Tschaï, leur place dans la roue du temps, au centre de l’action, là où tout est immobile, dans l’œil du cyclone, là où tout est calme. Oui, au cœur du pouvoir, là où il est invisible, caché, à l’abri, là était la place des HommesWankh. Là était notre Destinée. Pour toujours et à jamais. Pendant des milliers d’années, nous avons ainsi préservé Tschaï de tout bouleversement d’importance, maintenu l’équilibre. Nous avons intrigué. Dressé les Dirdir et les Chasch les uns contre les autres. Systématiquement chassé les Pnume de la surface. Entretenu la discorde parmi les soushommes. Et quand mentir aux Wankh servait la Destinée, nous leur avons menti. Sur la foi de nos mensonges, ils ont ainsi détruit l’Explorator IV comme ils avaient anéanti le Culte des Ardents Attentistes et cent autres inquiétantes nouveautés. Sous notre peau de serviteurs dociles, nous étions des maîtres intransigeants. Ni sous-Wankh ni soushommes, nous vivions pleinement la Destinée. Nous l’incarnions. Mais alors même que nous occupions le cœur de la décision, un grand vide habitait notre propre cœur. Il battait, battait, mais ne charriait rien que du sang sans âme. Car si nous autres, les Hommes-Wankh, savions ce que nous n’étions pas, nous ignorions

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également qui nous étions, au fond, quelle était notre véritable nature. Et c’est ce vide qu’est venu remplir Adam Reith. Je me souviens de la première fois que j’ai vu le Terrien. C’était au palais du Jade Bleu. J’y officiais comme aide de camp du seigneur Cizante. Le majordome avait guidé le visiteur jusqu’à la cour des Cœurs-Éconduits, où il attendait d’être reçu. J’ai compris en le voyant qu’il était cet homme dont nous avions eu vent et qui avait semé le désordre dans une ou deux cités Chasch. Je l’ai soumis à l’examen par scrutation, selon la huitième des Dix Techniques, et j’ai immédiatement compris ce qu’il était et le grand danger qu’il représentait. Sa façon de mener l’échange avec le seigneur Jade Bleu ne fit que me renforcer dans mon jugement premier. Il suffi sait de voir combien son insolence, sa droiture nue, son assurance, plaisaient aux domestiques, comment ils jouissaient secrètement de voir leur seigneur malmené par cet homme direct et sans apprêt. Tel que je le vis en cette première rencontre, il était profondément, intrinsèquement contraire à la Destinée. Il me fit peur. Non pas parce que je pressentais ou prévoyais les bouleversements qu’il allait apporter, mais bien parce qu’il me tendait un miroir dans lequel je craignais de me voir à son image : un être de nature inconnue, grimé en habitant de Tschaï. J’ai redouté Adam Reith parce que je savais que sa seule présence pouvait détruire nos convictions les plus profondes.

Il était profondément, intrinsèquement contraire à la Destinée. Il cachait bien son jeu, néanmoins, et même si tout en lui criait qu’il venait d’ailleurs, il entretenait par un discours volontairement nébuleux des zones d’ombre autour de sa personne. Vous n’imaginez pas mon trouble lorsque je l’ai conduit au siège du Culte des Ardents Attentistes pour éclairer mon jugement par acquiescement, en vertu de la troisième des Dix Techniques. J’étais à la fois plein d’effroi et d’un espoir coupable que je réfrénais de toutes mes forces. Lorsque Reith a levé les yeux sur la mappemonde censée représenter le Monde Natal et qu’il a prétendu y être indifférent, je l’ai de nouveau scruté sans percevoir aucune volonté de dissimulation de sa part. J’en ai été à la fois soulagé et très désappointé. J’espérais, déjà. Ce n’est qu’à contrecœur que j’ai finalement ordonné son assassinat. D’ailleurs, en choisissant la mort par les douze touches, je lui donnais toutes les chances d’y échapper, opportunité qu’il a su saisir sans hésiter, et, par la suite, lorsque j’ai reçu l’ordre de le suivre dans sa fuite hors du Pays de Cath, c’est avec empressement que je me suis exécuté. Jusqu’à… jusqu’à ce que les Pnume me prennent sur cette île du fleuve Jinga… Excusez cette hésitation. C’est un épisode douloureux par certains côtés, la fin d’un monde, mais également le commencement d’une nouvelle trajectoire qui m’amène directement ici, devant vous. Je n’aime pas en parler.

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LES WANKH

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S, UNE ÉTUDE ZOOLOGIQUE MI NE EN RE AT QU S LE DE T AI TR EX PAR LE PROFESSEUR CHAUVEAU s massif, de Le Wankh se caractérise par un corp tique, élas est forme globalement ovale. Sa peau riser la favo à ière man lisse et totalement glabre, de e couche d’un ble dou se elle et u, pénétration dans l’ea de tion déperdi de graisse sous-cutanée limitant la son et , rnes exte chaleur. Il est dépourvu d’oreilles ne lui sert qu’à conduit auditif est fermé. Sa bouche t totalement étan hée trac et se nourrir, œsophage ent de poisllem ntie esse rrit nou se Il indépendants. ent survivre lem son et de mollusques, mais peut éga du plancton. que t man un certain temps en ne consom met du som au é plac nt éve Il respire au moyen d’un sa par ure, mes ndre moi une s dan , crâne, ainsi que ent prés ne ygè peau, qui est capable d’absorber l’ox et ée trôl con est kh Wan dans l’eau. La respiration du e sanc nais con de e pert une et , volontaire, non réflexe par u ivid de l’ind prolongée provoque donc la mor t rythme de battele ent lem éga e trôl con Il . asphyxie sanguine dans son ion ment de son cœur et la circulat r son sang vers alise can de et corps, ce qui lui perm té. Il est capable essi néc de cas en ux les organes vita des accidents de ri de fixer l’azote, ce qui le met à l’ab des paliers lors r erve obs décompression sans avoir à acité de faire cap la e sèd pos il de la remontée. Enfin, sion externe. pres la c ave rne inte sion coïncider sa pres apnéiste, leux veil Ces aptitudes font du Wankh un mer e mill de près à rçus et des spécimens ont été ape mètres de profondeur.

—x — rvu de deux Au moyen d’un orifice conique pou essus de la au-d é situ et es niqu paires de lèvres pho seulement des nuque, le Wankh peut émettre non communiquer, harmoniques qui lui permettent de gée, des ondes plon en mais également, lorsqu’il est et paralyser rdir étou r pou es sonores assez puissant Des plongeurs de de petits animaux ou adversaires. e naturelle lors arm combat ont été victimes de cette rs Wankh ont nieu ingé de la Bataille de Tschaï, et les ers leurs trav à er plifi l’am à et réussi à la reproduire Par ailleurs, le impressionnants canons phoniques. t certains don s, Wankh peut émettre des infrason comme sés utili ient sera chercheurs pensent qu’ils de la plue dibl inau et, secr ion moyen de communicat é leur acit e cap part de leurs ennemis. En outre, cett de n atio oloc permet également de pratiquer l’éch ise. manière extrêmement préc

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—x — s l’eau, le Wankh Très spécialisé et très efficient dan e. Sa vue est ferm e terr la sur l’est beaucoup moins nt, et, si son ista inex ent sim qua rat odo médiocre, son ier à celle env à aisance en milieu aquatique n’a rien ud que pata i auss que des phoques, il se montre pres son e, nch reva En u. l’ea de ces derniers en dehors spectre au e app éch qui t poin un à pé goût est dévelop rable sidé con une r humain, ce qui l’autorise à recueilli tpeu et u l’ea » nt oûta g quantité d’informations en « être même l’air.

—x — largement La psychologie du Wankh est encore ne fait aire grég e ctèr cara mystérieuse, mais son des commus dan nt vive kh Wan les s Tou aucun doute. certation. con ite nautés soudées et travaillant en étro ses que gros plus t son s Il est à noter que les femelle s l’eau, sou font se ts men uple les mâles, que les acco rs des cteu reprodu une fois par an, et que les organes s aprè t sen nais ts deux sexes sont internes. Les peti une gestation de deux ans, et savent nager et émettre des harmoniques dès leur naissance. Ils sont élevés par l’ensemble de la collectivité adulte de leur ville (« Ao » en Wankh), dans des bassins sécurisés, collectivement nommés l’EoPorte. Néanmoins, les recherches à ce sujet sont encore larvaires, et de nombreux aspects de la société Wankh restent obscurs.


LES DIX TECHNIQUES

IL EXISTE HUIT TECH NIQUES WANKH. QUAT RE SONT D’ORDRE PH ET QUATRE D’ORDRE YSIQUE, PLUS COGNITIF OU NE URONAL. LE CLASSEME CES HUIT TECHNIQU ES, QUI NE SEMBLE PA NT DE S RÉPONDRE À UNE LO PARTICULIÈRE, A ÉT GIQUE É ÉTABLI PAR LES WA NKH. Le chant diphonique est indispensable pour assurer une commu- inof fensif, mais présentant un caractère de gravité nication de base avec les Wankh. Toutefoi suffisamment marqué s, n’étant pas, comme ces pour emp orter l’adhésion émotionnelle du sujet, et derniers, pour vus d’une double paire de donc perturber plus lèvres phoniques, les Hommes- ou moins durablement le processus cognitif Wankh ne peuvent formuler grâce à cette qui s’était enclenché. La technique qu’un vocabulaire dive rsion idéale consiste à provoquer un accid limité. Ils ne peuvent donc traiter par ent ou à commettre un ce moyen que des thématiques meurtre, la mort et la prox imité du dang simples et, pour les échanges plus pous er étant les éléments les plus sés, sont contraints de se reposer susceptibles de causer un boulever seme sur un vocodeur synthétique leur perm nt émotionnel chez le sujet. ettant de composer des harmoIl est également possible de procéder niques complexes. à une diversion dramatique en exagérant l’importance d’un fait bénin ou d’un risque proche.

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Le contrôle par la métabolisation. Grâc e à deux organes situés Garder son sang-froid par la pratique de part et d’autre de leur estomac, les de l’Harmonique Centre. Wankh ont la capacité Indépendamment du chant diphonique, de métaboliser presque n’importe quel les Hommes-Wankh posle substance afin de l’assimiler sèdent la capacité de produire intérieu ou de l’éliminer. Sur leur modèle, les rement un bour don très bas, Hommes-Wankh effectuent dès inaudible à tout autre qu’eux. Assimila leur plus jeune âge une série d’exercic ble à un son binaural, ce bourdon es qui ont pour but de pousser à interne entr e en résonnance avec les l’extrême les propriétés du foie humain, ondes cérébrales et facilite le et de leur permettre de lancer passage d’une activ ité bêta à une activ la métabolis ation presque à volonté. ité alpha. Quoiqu’elles restent largement inférieures à celles des Wankh, leur s capa cités à métaboliser sont ainsi décuplées et leur permettent de résister à une large gamme de toxiques, L’identification par la scrutation perm mais également de neutraliser bon nom et d’observer et de clasbre de synergies chimiques ou sifier un sujet en s’appuyant autant sur biochimiques pouvant survenir dans leur ce qu’il expr ime oraleorganisme. ment que sur son langage corporel, depu is la tenue qu’il porte jusqu’à sa posture corporelle, ses gestes, sa tension musculaire, les infimes mouvements de son visage, etc. L’éclaircissement par acquiescement consiste à émettre une hypothèse et à soumettre le sujet de l’hyp othèse à des stimuli, puis à analyser ses réac tions afin d’év À ces techniques, les Hommes-Wankh aluer dans quelle mesure elles en ont ajouté deux, de leur confirment ou infirment l’hypothèse. invention, collectivement nommées « les deux secrets ».

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Plonger en eau profonde. À l’imitatio n des Wankh, un HommeWankh maîtrise généralement à très haut niveau tous les aspects de la plongée en apnée : compensation des tympans, vasoconstrict ion périphér ique, érec tion pulmonaire, et, surtout, bradycardie.

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Jouer du vocodeur. Le verbe « jouer » ne retranscr it pas exactement l’har monique Wankh corr espo ndante, qui recoupe des notions aussi diverses que le dialogue, le discours, la transmission d’émotions ou le chant ; il est néanmoin s le plus approprié pour évoquer l’usage de cet incontournable instrume nt qu’est le vocodeur, originellement conçu par les Wankh pour dresser les animaux marins.

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La diversion dramatique consiste, lorsq u’un sujet porte son intérêt sur un sujet inapproprié, dangereux ou interdit, à le distraire, à canaliser son attention, à la dérouter vers un élément secondaire et

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Le raffermissement de la volonté par la pleine conscience de la Destinée. Cette technique est mise en œuvre à travers l’usage d’un mantra qui permet à l’Hom me-Wankh de repositionner son indiv idualité à la place qui est la sienne, modeste, secondaire, effacée devant le plus grand dessein de la Destinée . Un Homme-Wankh n’hésitera pas se sacr ifier, à sacr ifier un semblab le, un sous-homme ou même un Wankh, ou bien au contraire à endurer les pires tourments pour demeurer en vie, selon que sa mort ou son existenc e sert la Dest inée.

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La sécurité par la dissimulation. Les Hommes-Wankh sont passés maîtres dans l’art de la dissimul ation et du secret. Sur Tschaï, personne ne sait comme eux diss imuler ou masquer ses pensées, ses émotions, ses intentions ou ses obje ctifs. Cette faculté, dont ils usent en premier lieu vis-à-vis des Wan kh, fait également d’eux des espions de premier ordre, littéralement capables de mimer toute forme de comportements culturels et de pass er pour des autochtones dans presque n’importe quelle société.

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PAROLES D’HOMME-WANKH

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uel était notre pire ennemi ? Les Pnume, sans hésitation.

Ils étaient là, sous nos pieds, inconnus, silencieux, secrets. Ils étaient un pouvoir, une menace latente, un mystère concurrent que nous, HommesWankh, ne pouvions accepter. Je ne dis pas cela à cause de ce que j’ai vécu dans leurs tunnels. De la première semaine de captivité, je ne me souviens de presque rien. J’étais drogué tout le temps. Les Pnume possèdent une science experte du vivant et de son fonctionnement ; ce sont notamment des maîtres chimistes et, malgré la deuxième technique qui me protégeait en partie, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Je ne me rappelle ni sévices ni tortures, mais je sais que j’ai connu la terreur, viscérale, totale. Elle me reste encore aujourd’hui, tant d’années plus tard. Et je sais que j’ai parlé. Je leur ai dit ce qu’ils voulaient, sans pouvoir résister. Je leur ai dit tout ce que je savais d’Adam Reith. Ce qui n’était pas grand-chose.

Je sais que j’ai connu la terreur, viscérale, totale. À un moment, ils m’ont relâché auprès de lui, à Kabasas. Je crois qu’ils espéraient se servir de moi pour l’attirer dans un piège et s’emparer de lui. Ils avaient sous-estimé la prudence du Terrien, ou surestimé sa curiosité. En tout cas, il n’a pas mordu à l’hameçon, et ils ont fini par me récupérer après m’avoir laissé, hagard, rôder autour du Dragon de Mer durant toute une journée. Ensuite il y a eu un voyage de quelques jours, un trajet halluciné dont je ne garde que des sensations déformées, sons aquatiques, roulis, tangage. À un autre moment, je ne sais au bout de combien de temps, ils ont cessé de me droguer, et j’ai retrouvé ma lucidité. C’est alors qu’a eu lieu ma transformation. Songez qu’il a fallu plus d’un mois à Reith pour gagner Smargash, et que durant tout ce temps, j’ai été gardé à l’isolement dans une caverne enténébrée. Sans la plus petite lumière, sans moyen de mesurer le passage du temps, sans même savoir si je serais jamais tiré de mon puits, j’ai attendu sur un grabat posé à même le sol, dans l’angle formé par deux parois de roc. J’étais seul. Le silence était total. Dans cette éternité noire, j’ai entretenu mon calme et ma raison par la pratique de l’Harmonique Centre, conformément à la septième technique, et raffermi ma volonté par la pleine conscience de la Destinée, en application de la neuvième technique. J’ai beaucoup réfléchi, aussi. Dans mon cocon de ténèbres, j’ai beaucoup pensé à Adam Reith. À Adam Reith et à la Destinée, justement. Finalement, les Pnume sont venus me tirer de ma nuit de reclus. Ils avaient sans doute glissé un narcotique dans mon repas, car je me suis endormi dans mon angle de roc pour me réveiller à la surface, aux proches abords de Smargash, peu avant l’aube. Les souvenirs sont un peu flous, mais il y avait un couple de Ghzindra, et l’un des deux m’a dit, en substance : “Nous t’avons inoculé du venin de greph des sables. Tu mourras dans

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quelques heures. Trouve Adam Reith et mène-le à nous si tu veux vivre.” Puis ils m’ont abandonné là, seul. J’ai tout de suite compris que la Destinée reprenait ses droits. Car, en vérité, les Pnume venaient de commettre une erreur dont j’allais pouvoir tirer profit. Alors, avant toute chose, je suis resté assis là où j’étais, et j’ai regardé se lever le premier jour de ma vie nouvelle. Quand je suis entré dans Smargash, mon plan était simple. Métaboliser le poison, apitoyer Reith en feignant la folie, puis l’inciter à m’emmener en faisant appel à la sollicitude dont il avait déjà fait montre envers Traz le Kruthe et Anacho l’Homme-Dirdir. Pour être simple, ce subterfuge n’était pas dénué de subtilité, et je comptais sur ma maîtrise consommée de la sécurité par la dissimulation pour le conduire avec succès. C’est alors que Zarfo le Lokhar eut l’idée de soumettre mon cas à un rebouteux Dugbo, avec les conséquences que vous savez. J’en mourus. Oui, je savais que, déjà occupé à métaboliser le poison Ghzindra, mon organisme aurait du mal à résister au psychotrope du sorcier, et que je risquais de céder, de tout révéler à Reith, y compris mon espoir inavoué à son sujet. Et je n’y étais pas encore prêt. Aussi, alors que le Dugbo venait de me pincer le nez et que ma langue courait déjà d’elle-même, dévoilait les premiers secrets, je lançai le processus qui me mènerait à la syncope. Usant comme aucun Homme-Wankh avant moi des techniques de la plongée en eau profonde, je ralentis les battements de mon cœur, les espaçant tant que je perdis connaissance et que le Dugbo me déclara mort. »

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Les rebouteux Dugbo s terriens) (Extrait du rapport Le Cachan caché, par le caporal Liev Tcherkov, du Corps des éclaireur ni une secte, Les Dugbo ne forment pas à proprement parler une communauté. Ils ne sont ni un ordre, et il vous Cachanais un z Interroge . ni une religion, ni une société secrète. » […] répondra : « Les Dugbo ? Bah, les Dugbo, c’est les Dugbo ! des villages, en Les Dugbo sont des chamans, et, comme leurs homologues terriens, ils vivent en marge passent d’ailleurs pour marge de la société humaine, et ne se mêlent que rarement aux autres Tschaïotes. Ils leur compagnie. des fous plus ou moins dangereux, et nul, s’il est sain d’esprit, ne cherche spontanément ité de provenir du particular la ont tous Leurs croyances incluent toute une variété d’esprits et de diables, qui ou de l’auspirituelle n et non d’une dimensio monde, de la matière, des choses, , pour abattre un esprit, le plus simple est encore de détruire son delà. Ils pensent ainsi que l’une des tâches qui enveloppe physique, qu’elle soit rocher, arbre ou mare. Encore faut-il la découvrir, et c’est […] sollicités. ent fréquemm incombent aux Dugbo, une des missions pour lesquelles ils sont le plus

demeurent Ils sont également consultés en cas de possession maligne, naturellement, mais ces derniers encens, de des à et drogues rares. Pour exorciser un possédé, ils recourent à des chants, à des danses, à des cérédéfenses de ses manière à plonger le sujet dans un état de transe seconde qui court-circuite une partie ns hypnotiques. brales et le place dans un état de réception propice aux introspections et aux suggestio Une de leurs croyances les plus singulières porte sur ce qu’ils nomment « les esprits les Dereli Stoumen, et qui peut se traduire par « les esprits animaux » ou, selon le contexte, , ces forces ces de de monde ». Selon eux, tout être humain, homme ou femme, est habité varie qui jeu complexe mouvements, ces âmes, qui se confrontent, s’associent ou se compensent au gré d’un selon les jours, les d’un individu à un autre. De l’équilibre subtil entre les Dereli Stoumen, qui peut différer . détenteur leur de capacités les ou semaines ou les années, dépendent la santé, l’humeur plusieurs esprits Les Dugbo distinguent cinq parties dans le corps humain, chacune pouvant abriter un ou de l’eau ou de la feu, du par mues être animaux ou esprits de monde. Selon les individus, les jambes peuvent des lomreptiles, des terre, mais jamais par de l’air. Elles peuvent abriter des troupeaux de chevaux-sauteurs, que l’on est homme ou brics, des lapins ou des mollusques. Le sexe héberge un esprit de feu ou d’eau, selon méduse, etc. La vigueur femme, esprit qui sera anguille, carpe, grenouille, taureau, lézard, d’oiseaux , quoique des d’esprits peuplés des bras se mesure à l’air qu’ils déplacent, et ils sont essentiellement s comme un ensemble cas de mains de taupe ou de fauve soient à signaler. Le buste et la tête sont considéré tous les domaines leur dans la pratique Dugbo, et ils sont généralement classés dans les esprits aériens, mais rats ou de scorpions, sont accessibles ; certains évoquent ainsi des poumons de feu, des cerveaux hantés de , ventre, au belle part des épaules pleines d’eau. […] Pour conclure, la pensée Dugbo fait la peuvent corps du jugé comme l’élément central, l’axe des Dereli Stoumen. Ainsi, alors que les autres parties étroitement et excluêtre animées d’une multitude d’esprits animaux, trois familles précises d’esprits lui sont s, une sorte de glyptotère des par soit auteurs, sivement associées. Le ventre est mû soit par des chevaux-s , mais elle est inconnue m’est restriction fourmi des roches, soit par des molosses de la nuit. La raison de cette essentielle, aux yeux des Dugbo, pour comprendre la personnalité de quelqu’un. […]

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PAROLES D’HOMME-WANKH

orsque je m’éveillai dans la chambre aux cadavres de Smargash, fantôme pour les Pnume comme pour Adam Reith, j’avais une idée claire de ce qu’il convenait de faire à présent. Volant le nécessaire pour survivre dans le rude pays Lokhar, je pus gagner Blalag, la capitale, où la cellule d’espions que nous entretenions dans la cité, comme dans tant d’autres à travers Tschaï, organisa mon retour à Ao Khaha. Je ne me souciais plus de suivre le Terrien, car j’étais certain de le revoir sous peu. Son voyage de Cath à Cachan, son aréopage de techniciens Lokhar et les propos qu’il avait tenus au siège du Culte des Ardents Attentistes ne laissaient guère de doutes sur ses intentions. Il allait tenter de voler un astronef Wankh. C’était évident. Et il était tout aussi évident qu’il allait échouer et se faire capturer. Alors, nécessairement, je serais appelé pour le jugement, et je pourrais accomplir le dessein qui était le mien, désormais. Je servirais la Destinée en trahissant les miens, et, ce faisant, je les sauverais.

L

N’est-il pas étonnant que tout se soit déroulé comme je le prévoyais ? N’est-il pas plus surprenant encore de voir que Reith fut amené à Ao Khaha, ma ville ? N’est-ce pas la preuve que mon dessein individuel ne faisait que suivre le plus vaste dessin tracé par la Destinée elle-même, cette même trame qui nous rassemble aujourd’hui en orbite de Tschaï ? Je me souviendrai toujours de ce soir-là. Reith et ses amis semblaient désespérés et avaient toutes les raisons de l’être. Le procès était joué d’avance, tout avait été écrit par nous, les Hommes-Wankh. Sauf que j’avais décidé de jouer ma propre partition.

J’ai tué trois de mes frères ce jour-là, sur l’ordre de l’Originel. Tandis que le procès suivait son cours, je parvins, en tapotant nerveusement mon vocodeur des doigts de la même manière que j’avais trituré la boulette d’argile du Dugbo, à attirer l’attention de Zarfo Detwiler, le rusé Zarfo, qui comprit immédiatement tout le parti que ses compagnons d’infortune et lui pouvaient en tirer. Ainsi que je l’escomptai, Reith me pinça le nez et me crut en son pouvoir. Je n’eus plus dès lors qu’à feindre la soumission, et la dixième technique, depuis des millénaires utilisée pour duper les Wankh, fut aussi celle qui les éclaira sur notre duplicité. Oui, j’ai tué trois de mes frères ce jour-là, sur l’ordre de l’Originel. J’étais un Homme-Wankh, alors, et nous autres, les Hommes-Wankh, ne reculions devant aucun sacrifice pour servir la Destinée. Nous fûmes chassés des cités Wankh, rejetés parmi les Noirs et les Pourpres, parmi les Lokhar, relégués au même rang que ceux que nous nommions des sous-hommes. Après des millénaires d’inertie, j’avais mis la Destinée en branle, je l’avais libérée de ses entraves, et elle nous entraînait désormais dans son mouvement de transformation. Est-ce grave, pensez-vous, d’avoir ainsi trahi ? Maintenant que vous êtes là, mes petits mensonges, mes petites tromperies, ne s’effacent-ils pas devant la vérité éternelle que vous représentez ? J’ai la faiblesse de croire que si. Après tout, la Terre existe, et nous sommes tous Terriens. N’est-ce pas ?

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AO KHAHA Ce peut être la berge d’un lac, d’une rivière ou d’un fleuve, ou bien la côte d’une mer ou d’un ocaéan, indifféremment, mais toutes les villes Wankh sont bâties au bord de l’eau. L’objectif est que le réseau de bassins et de canaux subaquatiques qui irriguent toute la cité comme un système veineux dispose de plusieurs accès directs à l’extérieur. Les Wankh utilisent bien plus ces voies de circulation et de transport que les rues de surface, qui nous étaient davantage destinées. Nous étions d’ailleurs les seuls à pouvoir entrer en ville, avant, aucun autre peuple humain n’y était autorisé. Avant Reith, je veux dire. Et une poignée des plus élevés d’entre nous avaient même le droit d’emprunter les canaux. Il n’y avait personne dans les rues lorsque nous nous sommes infiltrés par la troisième demi-porte ouest. Il avait fallu faire ça à l’ancienne, avec cordes à nœuds, grappin et tout le tralala. Les Wankh, pas fous, avaient modifié toutes les harmoniques de déverrouillage. Les murs de leurs cités sont tous faits de béton pour les structures porteuses, et de kost pour les murs proprement dits. Le kost est un verre noir qui provient exclusivement de Llanost, la planète d’origine des Wankh, et qu’ils font venir à grands frais. Ils se sont toujours montrés discrets à ce sujet, mais il semble que ce soit un matériau naturel, une roche métamorphique retravaillée à l’aide de la technologie Wankh pour devenir extrêmement sensible aux harmoniques. Les Originels peuvent ainsi encoder chaque parcelle de leur cité à l’aide de vibrations. Rien qu’en chantant, en somme. Ils déposent de cette façon dans le kost des alarmes, des codes d’accès, des canaux de communication. En utilisant la fréquence adéquate, un Wankh peut tout à fait entrer en contact et discuter avec un congénère à l’autre bout de la ville. Les Originels peuvent aussi lancer des messages d’ordre général, ou ne cibler que les enfants, les Mères, les Gardiens ou les Bergers. Dans tous les cas, le message est véhiculé à travers le kost de telle manière qu’il est inaudible à tout autre que les seuls

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à travers le récit de l’assaut de COMRO en l’an 2 après Reith

concernés. De même, quiconque connaît les bonnes fréquences peut actionner les portes, les demi-portes, les trappes et les demi-trappes menant aux habitations ou aux bassins. Nous nous sommes faufilés sans bruit jusqu’à l’Arsenal. Les Wankh ont une harmonique pour cette salle. Ça dit quelque chose comme : la-salledes-objets-dangereux-qui-tuent-etdétruisent. Un arsenal, quoi. Devant la porte, Comro a sorti deux vocodeurs de son sac, et il a fait quelque chose que j’ignorais possible. Jouant des deux instruments avec l’aide de Gergo, il a bypassé l’encodage de verrouillage en se faisant passer pour un Originel ! C’était génial ! Comro était vraiment le meilleur d’entre nous, le plus fort et le plus malin, loin devant le mol Fragad ou Helsse le théoricien. Comro était dans l’action ! J’étais admiratif, et c’est pour ça que je le suivais. Dans l’Arsenal, nous avons trouvé des canons phoniques et des gicle-sable, bien trop massifs pour être utilisés, mais aussi des catapultes, des fusils à projectiles, des radiants, des épées et des poignards. Chacun s’est équipé à sa guise. J’ai juste pris un long coutelas et un radiant. J’aime voyager léger. Lorsque nous sommes ressortis, Comro se frottait les mains. Nous n’avions pas croisé âme qui vive, nous étions armés jusqu’aux dents ; jusque-là, son plan se déroulait sans accroc. Mais maintenant, il allait falloir faire plus attention. Restant dans la partie périphérique d’Ao Khaha, sa partie fonctionnelle, globalement déserte à ce moment-là de la journée, nous nous sommes dirigés vers la GéoPorte et l’AéroPorte, où sont parqués respectivement toutes les entomobiles et les anémobiles de la cité. La première n’était pas surveillée ; du temps où la Destinée était claire, nous étions les seuls à emprunter les quelques véhicules terrestres qu’elle abrite. La seconde, en revanche, était protégée. Nous avons abattu les deux gardes, Comro a ouvert la porte avec son double vocodeur, et nous avons également abattu le technicien

qui travaillait sur la propulsion hypersonique d’un anémobile. Une fois maîtres de l’AéroPorte, ce qui pouvait nous offrir un moyen de fuir si les choses tournaient mal, nous avons gagné le cœur de la cité. Nous avons dédaigné les vestiaires, où les Wankh conservent leurs rares vêtements – qu’ils ne portent qu’en mission diplomatique ou lors de certaines célébrations ; le reste du temps, ils vont nus. Nous avons longé les laboratoires où ils se livrent à leurs recherches scientifiques, qui sont le cœur de toute la vie Wankh, avec les longues errances aquatiques. Nous avons laissé derrière nous les ateliers où ils fabriquent et réparent les ceintures propulsives et les autres gadgets qu’ils utilisent lors de leurs prospections et pour diriger leurs troupeaux marins : appeaux à poissons, médaillons répulsifs, amplificateurs assommants, etc. Tout cela ne nous intéressait pas. Nous avons filé aussi discrètement et rapidement que possible vers l’HydroPorte, principale voie d’accès marine, et première voie de fuite pour les Wankh, et vers la CénoPorte, le bassin central, le nœud de tout le réseau aquatique de la ville. La rencontre entre Fragad et les Originels aurait forcément lieu là, ou du moins dans les proches parages. C’est lorsque nous sommes parvenus aux abords de l’EoPorte, alors que nous pénétrions dans les premières habitations, que nous avons été repérés. J’ai moi-même tué le Wankh qui a donné l’alerte, mais le mal était fait. Comro a dit « Brûlez-les tous ! » et nous nous sommes jetés à l’assaut. De nombreux Wankh ont plongé pour nous échapper, naturellement, ainsi qu’il leur est enseigné dès le plus jeune âge, mais nous en avons tout de même abattu pas mal. On peut dire qu’on leur a fait payer !

J


TÉMOIGNAGE DE HARFO - ANCIEN DU CONCILIABULE D’AO

KHAHA ET MEMBRE DU CONCILE PRIMITIF DU CULTE

« Notre exclusion des cités Wankh fut un choc terri Les peuples que nous méprisions et gardions sous ble, incompris de beaucoup. Il y a eu des morts, des crises de folie et de désespoir. ont jeté des pierres. Nous nous sommes battus notre coupe depuis si longtemps ont ri de nous et, refusant de nous venir en aide, nous entre nous. Nous avons supplié les Wankh de nous cités, nous avons même voulu forcer l’entrée, mais les canons phoniques nous ont mis en pièce reprendre, de rouvrir les portes de leurs s. La violence a été particulièrement marquée à Ao Hidis, où nos frères ont sombré dans le chao fûmes plus épargnés à Ao Khaha. Ici, le Conciliab s et ule avait conservé son autorité et organisé notre d’intenses rivalités internes. Nous Helsse n’avait pas été châtié. Les avis divergeai ent sur sa culpabilité et le sort à lui réserver. Si survie, vaille que vaille. Étonnamment, Fragad lui avait gardé son amitié et prenait sa défense chaque fois que la question était abor Je me souviens qu’il avait interdit à Helsse de dée, Comro tenait des propos de haine et de vengeance, d’amertume et de rancœur. reprendre la parole jusqu’à nouvel ordre, et qu’il moment où il craquerait pour pouvoir le tuer. lui lançait des regards durs, guettant le Mais Helsse n’a rien dit, il s’est tu tout du long , et comme il ne cherchait pas à s’enfuir, comme il restait en retrait lors des Conciliab ules, silencieux, Homme-Wankh parmi d’autres dans la décision était sans cesse remise à plus tard. Il était simplement là, attentif et la foule qui assistait aux réunions. Je crois qu’il tous un peu peur de lui. nous impressionnait et que nous avions Il a su demeurer ainsi, sans proférer un seul mot, les langues s’agitent sans plus rien trouver à dire jusqu’à ce que les discours s’épuisent d’eux-mêmes, que les bouches s’assèchent, que de nouveau. Jusqu’à ce que la Destinée elle-mêm vieille ruine. Et même alors, il n’a pas parlé tout de suite. Il a attendu que le silence se fasse, un e paraisse obscure et nue comme une désarroi paraissent sur les visages. Alors, il a sorti un vocodeur de son sac, l’a passé en band soir, au Conciliabule, et que la peur et le oulière, et s’est mis à pianoter. De ses harmoniques, il nous a révélé la vérité. Nous étions des imposteurs. Adam Reith ne nous dans la boue, ne nous avait pas foulé aux pied avait pas vaincus, ne nous avait pas jeté s. Il nous avait libérés. »

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PAROLES D’HOMME-WANKH

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ous ne m’ont pas suivi aussitôt. En donnant un nouvel élan et une nouvelle orientation à la Destinée, je réordonnais le chaos et leur offrais l’espoir, mais le départ de Reith semblait contredire ma promesse. Beaucoup doutaient qu’il revienne un jour. Moi, je le savais, bien sûr, mais nombreux furent ceux qui se défièrent de moi, de ma foi, de Reith, de la Destinée. Je leur pardonne. Ils n’avaient pas connu le Terrien.

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En particulier, Fragad et Comro s’opposèrent fermement à ma doctrine ; l’un par la raison, l’autre par la violence. Le premier voulait regagner les bonnes grâces des Wankh et retrouver l’ancien monde ; le second voulait se venger et tout emporter dans un même tourbillon de destruction qui ne laisserait rien debout. Rapidement, parce que j’offrais une voie médiane, parce qu’elle était la plus prometteuse, parce qu’il devenait de plus en plus évident que je servais la Destinée, mes idées se propagèrent, gagnèrent de l’ampleur. À Ao Khaha, d’abord, puis à Ao Hidis, Ao Dehra, Ao Mhunos. Partout, j’envoyai des émissaires, des fidèles, qui annonçaient la bonne nouvelle et me gagnaient des soutiens, tout spécialement parmi les plus jeunes en quête d’un horizon clair et conquérant. Partout je me heurtai aux partisans de Fragad et de Comro, qui embarquaient les nostalgiques et les amers. La tension montait, certes, et tous les Conciliabules étaient désormais la proie d’échanges tendus et de débats. Mais qui aurait pu imaginer que tout allait finir ainsi ?

Il devenait de plus en plus évident que je servais la Destinée. La Destinée voulut que, le jour où nous apprîmes que Fragad, à force de suppliques et d’humilité, avait obtenu une entrevue avec les Originels d’Ao Khaha, je me sois trouvé en compagnie de Comro. Une fois de plus, je tentais de le gagner à notre cause, car son rejet des Wankh n’était pas si éloigné, au fond, de notre désir d’un avenir commun aux hommes de Tschaï. Il suffi sait qu’il se projette, non pas dans la destruction du vieux monde, mais dans la construction du nouveau. Ce jour-là, nous progressions dans la compréhension mutuelle, je me sentais sur le point de le convaincre, quand la nouvelle que Fragad organisait une ambassade nous parvint. Si je pris la chose avec philosophie, Comro, fidèle à lui-même, réagit en homme outragé dont on violentait l’âme et le cœur. Oh, je jure que j’ai tenté d’apaiser sa fureur. Oui, ai-je argué de toute la force de ma conviction, oui, Fragad nous trahit ; oui, il veut nous ramener à nos chaînes ; oui, le danger est grand que les Wankh ne l’appâtent avec de fausses promesses. Mais même si son initiative solitaire et égoïste risque de nous conduire à une guerre civile, même si sa quête passéiste ne fera que nous éloigner de notre nouvelle Destinée, même si je regrette profondément son initiative, il n’en reste pas moins notre frère. Et un frère, même s’il

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vous poignarde dans le dos, même s’il refuse le nécessaire sacrifice que l’on attend de tout Homme-Wankh, un frère reste un frère. Je m’en voudrais toujours de n’avoir pas su trouver les mots justes pour ramener la paix dans le cœur de Comro, dans son esprit malmené par notre bannissement. Le soir même, lui et plusieurs de ses plus fidèles lieutenants s’introduisirent à Ao Khaha, volèrent explosifs et radiants, puis massacrèrent tous les Wankh qu’ils purent trouver, enfants et adultes, et notamment les Originels qui s’entretenaient avec Fragad. Prévenu de cette terrible aventure, je voulus intervenir, mais, le temps de rassembler mes fidèles, que j’avais malencontreusement envoyés prêcher auprès des Noirs et des Pourpres, j’arrivai trop tard à Ao Khaha ; le massacre avait pris fin. Des cadavres de Wankh gisaient çà et là, et l’atmosphère était encore tout empuantie de l’odeur des rafales d’énergie. J’ai retrouvé Comro en larmes devant le corps de Fragad et de ses proches. Les malheureux avaient péri durant la bataille, victimes d’un tir ami dévastateur.

Courrier codé du plénipotentiaire Haut Reithan Malasen au Très Haut Reithan Helsse, expédié de Settra en Charchan, en l’an 3 après Reith.

. >>>> Salut terri

en, Très Haut Re ithan, >>>> Je suis he ureuse d’appre nd re que Comro a joint le Culte. So officiellement et n ralliement me définitivement t fin aux luttes la voie à une un reintestines qui no ité retrouvée de us minaient et s Hommes-Wan nous espérions ouvre kh. Je ne peux cette union co que m’en réjouir mme le socle qu au Culte du Pr , tant i offrira une as ophète. Oui, je sise stable et du sais que vous Professeur, et rable considérez da que ce terme de vantage Reith Prophète vous comme un parmi nos fidèle rebute, mais il s, et il me para tend à se répa ît sa ge développement d’en encourag ndre er l’usage, car d’un sentiment il est propice au religieux fédéra te ur . >>>> À ce prop os, j’attire de no uveau votre at dans les plaine tention sur la pr s du Charchan ésence des Pn central. Ils sont certains parlent umekin aujourd’hui de d’un, voire de de s centaines de mi ux mi sais, ils sont, co llio ns lliers ; de pe rs onnes. Or, d’apr mme nous tout ès ce que je récemment en proie à d’impor core, privés de tantes transfo véritable direct rmations socia prélèvent des ion, en les et victimes dizaines chaq des esclavagis ue semaine. Le créatures, au po tes qui en s Ya o eu xint que les escla mêmes prisent ces étranges ves Pnumekin le dédain du ma sont devenus, térialisme, un de au même titre s élé vœu pour que ments du Rond que nous adression en cours. Je ré itère donc mon s des missionna tons pas, ne de ires à cette po mande qu’à êt pulation qui, n’e re convertie, pr n’attend que no n douotégée et guid us, ne le laisson ée. Ce vivier de s pas en friche. pour organiser fid èles Je sa les milices et re is que vous av pousser les re ez fort à faire ne doit pas vo présailles Wank us faire néglige h, mais ce conf r les opportunit lit larvé és de répandre >>>> D’autant qu le Culte. Reith le e nos missionna veut ! ire s seront armés Tschaï. C’est là de la toute nouv l’information ph elle Bible de are que je souh premier de ma aitais vous comm lettre. Ainsi qu uniquer, et l’obj e vous l’aviez sur les textes et suggéré, nous du Culte des Ar avons axé nos de nt s Attentistes, dû La Bible, dont tra va ux ment enrichis je joins un exem et complétés. plaire à ce cour qui évoquent la rier, comporte Planète Patrie à ce jour cinq et les enseignem adjoindre un liv textes ents d’Adam Re re à destinatio ith. J’envisage n des Pnumek d’y in. >>>> J’attends avec impatienc e votre répons e à leur sujet. >>>> Salut terri

en.

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