La Voix de l'Empereur

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Pour Jen.



Des montagnes glacées, vénérables géantes, Où s’achèvent brisés les relents d’air marin, Jusqu’aux cours vernies aux ambiances intrigantes, Où les glaives côtoient des fourreaux de satin ; Les frimas suivront ce soldat et sa lame À travers l’empire et ses vastes royaumes ; Il devra par son bras, défendant corps et âme, Protéger son seigneur en fendant cœurs et heaumes. Car le monde est ainsi, que les hommes impudents Ne convoitent jamais que des mets imprudents : Le pouvoir et la vie, ces bienfaits capricieux Que désirent pour eux les esprits ambitieux. Dans sa quête dévouée sous la course des astres De l’empire encore neuf éviter le désastre, Il devra, cet enfant devenu le héraut Affronter, du clergé, l’implacable héros.



Prologue Ils étaient trois enfants, aux talents bien distincts, Dont l’histoire commence un hiver incertain. Par le feu, sous les neiges ou de sombres terreurs, Des hommes fous, ils devaient réparer les erreurs.

La matinée

était déjà bien avancée lorsqu’ils arrivèrent au col. Autour d’eux s’élevaient des cimes blanches et acérées, semblables au fossile altéré de quelque immense gueule émergeant des tréfonds de la terre. Chaque sommet s’enfonçait dans le ciel comme autant de crocs millénaires. Un détachement de cinquante soldats marchait sur l’herbe givrée, tous vêtus d’armures et d’épaisses fourrures. Leurs plastrons arboraient un blason aux reflets étincelants : un soleil d’or serti d’épées victorieuses. C’étaient des vétérans, des hommes qui avaient combattu ensemble sur tous les terrains et sous tous les climats, et que la discipline avait forgés aussi rudement que les lames qu’ils ceignaient à leur taille. Ils avaient l’expérience du sang, de la ruine et du fer. Le gros de la compagnie était resté au camp, avec les deux diplomates qu’ils escortaient à travers l’empire.

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Nabil Ouali Le capitaine avait refusé de s’en tenir au trajet convenu, estimant nécessaire de se rendre au point d’impact. Le détour pouvait rallonger le voyage d’une semaine, mais les diplomates refusaient d’assumer un tel retard. Comme à l’accoutumée, tout avait été prévu pour que la compagnie atteigne la Cité de Pierre, bastion des seigneurs du Nord, précisément le jour décidé par l’empereur. Lorgeam, qui commandait cette armée singulière, s’était contenté de répondre qu’il jugeait dangereux de passer son chemin sans étudier en détail ce qui pourrait menacer la sécurité des routes du Sel. Lorgeam était un véritable colosse. Il portait une armure usée, marquée par les intempéries, une grande hache aux tranchants aiguisés, et, murmurait-on, la peau d’un ours qu’il avait lui-même affronté, et vaincu. C’était un de ces vieux guerriers que le temps n’avait pu affaiblir, ces hommes mille fois signés du tranchant d’une épée et ayant, des années durant, servi la même et unique cause de la bataille. Deux compagnons avaient péri, mais ce n’était pas sa seule inquiétude, malgré la peine qu’il éprouvait chaque fois qu’un soldat mourait autrement qu’au combat. La curiosité l’empoignait fermement, et prenait pour ce faire une voix raisonnable. Il prit donc l’élite de ses hommes et partit à l’aube qui suivit l’événement. Au camp, le sujet était sur toutes les lèvres : au milieu de la nuit, l’air s’était rapidement figé. Les hommes s’étaient réveillés, les poumons envahis par le froid ; cheveux, barbes, herbes et tentes s’étaient presque instantanément couverts d’une fine pellicule de givre. Le gel avait scellé les lames dans leurs fourreaux ; puis, partant du col jusqu’à s’étendre au-dessus de la vallée, un éclair bleu avait déchiré le ciel, plus lent et plus vaste que les foudres communes. Les feux du camp avaient gelé, les flammes emprisonnées dans la glace, au grand désarroi des soldats. Certains avaient senti leurs os

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La Voix de l'empereur craquer, d’autres, saisis d’une brusque colère, s’étaient mis à marteler la glace qui s’insinuait dans le camp avant que leurs camarades ne les enjoignent au calme. À l’aube, deux gardes qui avaient établi leur poste d’observation sur l’autre versant, face au col, furent retrouvés morts. Leurs corps gelés s’étaient brisés dans leur chute. Un sang noir et épais gouttait des blocs de chair glacés sous les premiers rayons. Les compagnons atteignirent le col au quatrième jour, le ciel ne se déchargeait pas. Un immense nuage gris s’étendait à perte de vue. Le soleil ne parvenait pas à percer au travers, et seule une certaine blancheur approchant du zénith laissait deviner sa position. La plus haute des cimes traversait cette voûte et n’en revenait pas. Les soldats ralentirent l’allure en s’engouffrant dans les montagnes, s’émerveillant du décor qui s’offrait devant eux. Les parois rocheuses étaient entièrement recouvertes d’un gel translucide ; sous leurs pas le givre se fit neige profonde, et ils durent ajuster leurs bottes pour ne pas s’enliser. L’hiver était jeune en cette saison, mais semblait avoir sévi plusieurs âges durant dans cette partie du monde. Un trait de lumière parvint à percer le nuage opaque et frappa la compagnie au détour d’un chemin. Son éclat rebondit sur chaque parcelle de roche glacée, de neige ou d’armure polie, se multiplia et manqua d’aveugler certains hommes. Malgré le froid tenace qui mordait leurs chairs, ils eurent l’impression d’avancer au cœur d’un formidable brasier, tant les lumières étaient vives. D’un geste, Lorgeam interrompit la marche. Le chemin débouchait sur une grande clairière. Un arbre trônait au milieu de la place, près des ruines d’une modeste maison. De grandes taches roses s’étendaient dans la neige, où étaient plantées de curieuses statues de glace. Lorgeam désigna trois de ses compagnons et s’en approcha pour les examiner. C’étaient des hommes. Deux d’entre eux étaient figés dans une attitude de retrait, comme s’ils s’enfuyaient de

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Nabil Ouali la maison. Un troisième était tombé à côté, maculant le sol d’un sang lourd, morcelé de la même manière que ses malheureux camarades. Un dernier, tourné dans la direction opposée, brandissait une hachette. Lorgeam s’approcha et examina son visage à travers la glace. Il était barbu, balafré et une expression de haine terrible déformait ses traits, qu’il garderait jusqu’au printemps. C’étaient des brigands des montagnes, de vulgaires voleurs qui martyrisaient les paysans de la région en les dépouillant des réserves accumulées durant l’automne. Un des soldats trébucha contre un corps enneigé. C’était un homme solidement charpenté, mais un couteau planté dans les côtes avait rapidement eu raison de lui. À quelques mètres, entre lui et les ruines de la cabane, ils retrouvèrent une femme et deux bambins éventrés. Les soldats détournèrent un regard pudique. Les cadavres étaient d’une extrême blancheur, la neige avait bu tout leur sang. Le capitaine et ses hommes se dirigèrent alors vers la cabane, et virent qu’elle était en proie aux flammes. La glace les recouvrait et les empêchait de se mouvoir, mais elles étaient bien là, léchant les façades de la maison sans pouvoir la consumer. Ils ne mirent pas longtemps à en déloger un petit garçon apeuré, plus âgé que les deux autres. Il tremblait, mais son regard était vif et alerte. Un des trois soldats l’extirpa de sa cachette et sortit, cachant son visage contre son torse tandis que, dehors, ses camarades creusaient déjà des tombes. Lorgeam fit tomber les statues sans aucune cérémonie. La compagnie quitta le col le soir même, et déjà les frimas reculaient vers les cimes. Le premier ne portait de blason ni d’épée, Il avait les yeux bleus comme un ciel apaisé. Aucun nom ne siérait à cet être maudit, Et pourtant encombré de talents infinis.

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La Voix de l'empereur

1 Bien loin dans le Sud, dans la fiévreuse province de Fustigia, un garçon gémissait dans le noir. Les cris d’agonie de sa mère alitée enflammaient son esprit et chassaient sa quiétude. Tremblant comme une feuille brusquée par des mains trop humaines, il restait dans l’entrebâillement d’une porte, aveuglé par les torches du couloir dont l’éclat s’intensifiait dans ses yeux inondés. Les ombres d’hommes et de femmes s’agitaient devant lui. Il se sentait impuissant, aussi singulièrement que peut l’être un enfant de son âge. Il assembla pourtant tout ce qu’il avait de courage et sortit de sa chambre. Quand les premiers visages se posèrent sur lui, indistincts à travers l’eau et le feu, il espéra qu’on lui donne des ordres. Mais sitôt qu’il baissa le regard, épongeant de sa manche l’excédent de lumière, la vision fugitive d’une horreur écarlate transperça ses entrailles. On portait des draps ensanglantés, et il entendait toujours la voix autrefois familière, corrompue par le tourment d’une terrible douleur, de celle qu’il avait aimée dès ses premiers instants. On tenta de le retenir, de l’escorter loin de cet épouvantable décor, mais il fut vif et, mû par un amour désespéré, pénétra dans la pièce. En un instant, il se figea d’horreur et manqua de faillir. Tordue de douleur, animée de violentes crispations, suant comme une bête, elle n’était plus la belle dame qui bordait ses duvets avec calme et douceur. Ses cheveux, qu’il savait lisses et blonds comme de l’or tissé, étaient rêches à présent, sales, dégoulinant d’eau, de sueur et de sang. Les jeunes rides de son visage jusqu’alors si gracieux luisaient d’ombres rougeoyantes près de l’âtre embrasé. Le sol, maculé de taches rouges, accueillait le reflet de flammes venues lécher les bases d’un sinistre bûcher, souillé par les pas allant et venant d’une foule inutile. 13


Nabil Ouali La femme se cambra dans un ultime effort, tandis que par la fenêtre venaient se réfugier les dernières lueurs du jour. Sous ce nouvel éclat, elle parut s’agrandir, sa longue chevelure roussie par le sang et la peine s’étendait sur le lit comme un tapis de feu où venaient s’accoupler tous les rais de lumière. Ses tétons brunis semblaient un instant deux fertiles montagnes au sein d’une terre neuve de tout labeur. Les quelques humeurs qui perlaient à son front irradiaient pleinement des rayons vespéraux, reflétés en une myriade iridescente de brasiers colorés. Elle était une beauté originelle et semblait en cet instant élémentaire, l’évanescence de quelque déesse oubliée par le temps et les hommes. Des mains puissantes happèrent le garçon. Son regard s’agrippa à cette femme aux cheveux flamboyants, à la peau d’albâtre et aux yeux pleins d’amour. Il y resta cramponné tandis qu’il dévalait l’escalier dont il avait, comme tout le reste, oublié l’existence. Tous les gens du domaine vinrent aux funérailles. Soucieux de rendre hommage à celle qu’ils avaient surnommée la « Belle », tenus à distance par le monde d’un autre rang réuni autour d’elle, les serfs s’étaient regroupés en retrait, avaient ôté leurs coiffes et affichaient en silence un air grave et peiné. Les femmes dont les cheveux étaient trop sales, ou les visages trop laids, se couvraient de voiles blancs, craignant d’outrer par une vile apparence l’ambiance solennelle qui régnait en ces lieux. Elles pleuraient sans un bruit, et personne ne le vit, car leurs larmes se confondaient avec celles que les nuages versaient en gouttes innombrables, en trombe sur les tombes alentour, honorant la défunte bien mieux qu’elles ne purent. Quelques enfants plus curieux qu’affligés échappèrent aux poignes fermes et rugueuses de leurs pères et grimpèrent aux arbres pour y voir un peu plus. À travers les feuillages

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La Voix de l'empereur et la pluie torrentielle, ils contemplèrent avec envie les quelques richesses qui s’offraient à leur vue. L’eau glissait sur les plaques polies des armures d’argent et les torses bombés de militaires aux noms plus grands et plus affûtés que les lames damasquinées qu’ils ceignaient à leur taille. Des fourreaux sertis d’entrelacs rubiconds accueillaient les gouttes d’eau qui tombaient sans relâche ; des joyaux mirifiques altérés par l’ambiance grisâtre et le deuil imposé s’accordaient aux tons fastes et coupables de soieries indécentes sur lesquelles ruisselaient les cascades d’une onde indifférente. Au milieu de cet océan de parures, un géant parlait, sa monocorde logorrhée à moitié couverte par le son de la terre martelée. Vêtu d’une simple soutane, il contrastait avec les complexes broderies d’arabesques dorées de la foule opulente. Il jetait quelquefois des regards compatissants en direction de la grande dalle noire et ovale autour de laquelle ils s’étaient réunis. Un drap blanc et trempé la couvrait en partie, étendu sur un corps dont il épousait savamment les formes et les moindres courbures. On avait déposé sur le relief d’un sein endormi des fleurs aux pétales soyeux et aux tons indécis, sa rosée balayée par l’averse sans teint. La pierre pointait sur la seule brèche du cercle et, quelques mètres plus loin, sur l’entrée d’une crypte. Ses piliers renflés soutenaient un toit de marbre ouvragé où poussait un lierre d’une rare noblesse. Quatre austères chevaliers protégeaient le caveau. Postés chacun à un angle du bel édifice, taillés d’un air menaçant, ils scrutaient d’un œil sombre l’âme de ceux qui oseraient les défier. Les battants de la porte de bronze étaient grand ouverts, des braseros y brûlaient déjà à l’abri de l’averse, accueillant les corps impatients de pourrir en ces lieux. Le monument exhalait les funestes méditations d’êtres depuis longtemps décédés, les mêlait et tissait de ces vieilles pensées un air froid au parfum compliqué.

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Nabil Ouali Lorsque le clerc acheva son discours, quatre silhouettes surgirent du caveau. Elles portaient de simples tuniques noires couvrant leurs mains et leurs crânes jusqu’au front, ainsi que des masques macabres. Elles soulevèrent le corps enveloppé et l’amenèrent dans les ténèbres de la crypte. Tous observaient la Belle rejoindre ses aînés, mais un seul détournait le regard. Le garçon fixait, d’un œil trop empreint de noirceur pour ses jeunes années, la bête minuscule que son père tenait dans ses bras. Sa peau lisse et parfaite ne faisait cas des gouttes qui fouettaient son visage encore neuf. Ses grands yeux luisaient d’un brun rougeoyant à travers le rideau monochrome que les cieux nourrissaient inlassablement. Sa bouche se fendit cruellement tandis que l’éclat d’un rire strident jaillissait à l’air libre. Le garçon vacilla devant cet affront indécent : la vision atroce du bourreau qui riait au milieu de ce drame. Sa mâchoire se crispa, des larmes acides sillonnèrent son visage. La colère fulminait dans son corps igné, l’eau qui trempait tous les autres s’évaporait au-dessus du brasier qui régnait dans son cœur. Des volutes de vapeur débordaient de chacun de ses membres et l’herbe roussit sous ses pieds. Ses cheveux perdirent peu à peu leur blondeur et dansèrent comme des flammes inextinguibles, asséchant chacune des gouttes qui tentaient de l’atteindre. Le jeune monstre prit peur en croisant son regard, et gémit furtivement au détour d’un sourire. Peu à peu, tous quittèrent la place. Les dames frivoles aux chevilles trop fragiles, les nobles pompeux, les vieux chevaliers, fanfarons ancrés au nom d’un honneur qu’ils pensaient toujours leur, le parleur inutile et enfin le seigneur des lieux, le veuf qui traînait un enfant et portait le second. Il ne restait bientôt plus que les âmes paisibles et l’odeur impeccable d’une terre arrosée. Du haut de leurs perchoirs,

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La Voix de l'empereur les jeunes serfs observaient sans un bruit ce décor tranquille, jusqu’à ne voir plus que les ombres nourries du caveau ténébreux et la tache cramoisie de terre calcinée au milieu des verdures. Les nuages asséchés s’écartèrent, sereins, et personne ne songea à la valeur d’un être qui fut si pénible à produire. Le second était né d’un célèbre blason Que les morts chanteraient en funestes bourdons. Ravel, dont le cœur pur s’embrasait de colère À l’idée de bercer l’assassin de sa mère. 1 Ce soir-là, au royaume de Lamborre, où les champs sont féconds et les hommes dévots, un autre garçon ne trouvait pas le sommeil. Il ne le cherchait pas vraiment, occupé à mettre un terme favorable à ses réflexions. C’était comme s’il savait où il voulait arriver sans pouvoir le faire. Comme un bretteur qui sait quel mouvement employer sans avoir le talent de l’exécuter, comme un poète qui sait quelle émotion vaincrait la raison de ses auditeurs sans trouver les mots nécessaires à sa production. Il se sentait désespérément jeune, mais était bien décidé à leur montrer à tous à quel point ils étaient stupides ou retors. Il n’éprouvait aucune peine à mentir ainsi à sa famille, ni à ses futurs enseignants, car la crédulité des uns et le mensonge des autres lui semblaient bien plus vils. La colère qu’il éprouvait à leur égard ne faisait qu’accroître sa détermination. Il allait exercer son intelligence, cultiver sa patience, peaufiner sa verve, il deviendrait un modèle de précision et de bon sens. Cela prendrait des années, il risquerait des sévices, le bannissement, l’exécution, mais qu’importe. Il était bien décidé à ne pas se faire prendre, et à ronger les fondations d’un clergé venimeux. 17


Nabil Ouali Et puis, cela l’occuperait. Passer des années de sa vie à s’abreuver des connaissances du clergé tout en cherchant le moyen de les retourner contre lui, apprendre à écrire, à lire, apprendre ces mots qui lui manquaient pour exprimer toutes ses pensées ne lui paraissait pas une épreuve si détestable, et ne lui semblait certainement pas être une perte de temps. C’était un des seuls moyens de parcourir les chemins du savoir, et même si les clercs les avaient pavés de la manière qui leur était la plus profitable, il lui fallait les emprunter. Du reste, il savait qu’il ne ferait jamais un bon soldat, ni un bon fermier. Il passait plus de temps à parcourir les rets de son esprit que les cultures de son père. Le lendemain matin, un homme viendrait de la Cité de Foi, bastion des clercs et capitale des prophètes. Ses parents, de modestes fermiers, lui réserveraient un accueil des plus chaleureux. Sa mère aurait préparé des pâtisseries au miel ; l’homme ferait mine de refuser, mais en prendrait une. Il engloutirait tout le reste durant la matinée, humectant ses lèvres du nectar sucré pendant que lui répondrait à ses questions. Le garçon ne dormit pas de la nuit. Une heure avant la venue du clerc, il se leva sans s’éveiller, ne mangea ni ne but, et s’assit sur la table de la petite pièce commune. Ses frères et sœurs, tous bien plus âgés que lui, discutaient dans une chambre à côté, lançant des regards furtifs dans sa direction de temps à autre, tandis que ses parents s’évertuaient à ranger et arranger ce qu’ils avaient déjà rangé et arrangé quelques minutes plus tôt. Il attendit, s’habitua à l’ambiance, à la chaise et aux attentes braquées sur lui. Enfin, l’homme se présenta. Son crâne luisait de sueur tandis qu’il passait son ventre gras dans l’embrasure de la porte. Sa mère tendit une assiette de gâteaux mielleux en

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La Voix de l'empereur guise de bienvenue, mais il refusa poliment. Pénétrant dans la masure, il examina la pièce d’un regard circulaire, sans prêter attention à l’enfant assis juste sous son nez. Il s’assit finalement, saisissant une des pâtisseries que sa mère portait toujours. Il mâcha lentement, puis finit par poser les yeux sur lui. Il ne dit d’abord rien, tripotant de ses gros doigts le pendentif en forme de torche qu’il portait à son cou. Puis, dans un sourire longuement travaillé, demanda : « Eh bien mon garçon, pourquoi veux-tu servir le clergé ? » Le temps semblait s’être arrêté, tous étaient suspendus à ses lèvres : sa mère, son père, ses frères et sa sœur. Seul le gros clerc ne paraissait aucunement perturbé par cette entrevue. L’enfant redirigea son regard vers lui, et, sans ciller, lui dit tout ce qu’il voulait entendre. Le troisième, quant à lui, menaçait l’invincible Et prendrait tout le temps pour atteindre sa cible. Glawol, qui voulait fouler des chemins escarpés En prenant pour appui des croyances brisées.


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